Cours de philosophie n° 2 LA CONSCIENCE I) La structure intentionnelle de la conscience 1) Définition : Etymologiquement le mot conscience vient du latin « consciencia, conscium » qui veut dire connaissance. En ce sens la conscience signifie tout d’abord faculté et pouvoir de connaissance sur le monde matériel qui nous entoure. La conscience est une faculté qui permet à l’homme de connaître plusieurs choses : - les objets qui nous entoure. « je vois, j’entends, je sens », telles sont nos premières connaissances sur le monde et que Bergson appelle les « données immédiates de la conscience ». il s’agit de la conscience immédiate et spontanée. - notre intériorité : La conscience est aussi un pouvoir de connaissance sur soi comme par exemple le fait de connaître ses états mentaux (colère, joie, etc..) et de les maîtriser. Ce 2ème type de conscience s’appelle conscience psychologique ou réfléchie. - Les valeurs morales : j’ai conscience que voler, mentir, n’est pas. Il s’agit ici de la conscience morale La conscience est une faculté qui nous maintien en éveil avec le monde. Elle est ce par quoi un lien existe entre nous et le monde. L’expérience du coma est l’absence de conscience, c’est à dire l’expérience de la perte du contact avec le monde, de la rupture avec la réalité. Par conséquent le monde est ce sur quoi la conscience s’ouvre. La conscience a pour intention la fait de s’ouvrir sur le monde. 2) La conscience et le monde extérieur : l’approche phénoménologique 1 La phénoménologie comme son nom l’indique est un courant de la philosophie qui s’intéresse à la construction des phénomènes des objets par le sujet à travers ses différentes perceptions. Edmond Husserl est un des grands phénoménologues qui s’est intéressé au rapport entre la conscience et le monde. Pour lui le propre de la conscience, c’est de viser une intention, un but : s’ouvrir sur le monde. Et c’est en ce sens que l’on parle de la structure intentionnelle ou de l’intentionnalité de la conscience. La conscience a besoin de quelque chose d’extérieur pour être conscience. Un monde vide n’a plus de signification pour la conscience. Pour que nous puissions mettre en exercice notre pouvoir de connaissance, il nous faut des objets extérieurs, c’est à dire un monde physique. En ce sens la conscience a pour intention de « remplir » son intériorité par l’extériorité du monde. Sartre écrit à ce propos : « La conscience n’est rien d’autre que le dehors d’elle-même ». Pour lui dans son intériorité la conscience est un vide. Il lui faut des objets, un monde. Le monde est l’essence de la conscience. L’intérêt de l’approche phénoménologique aura été de montrer la dépendance de la conscience par rapport à l’extériorité du monde sensible. Mais comme nous l’avons déjà souligné aussi, la conscience est aussi un pouvoir de connaissance sur soi, c’est à dire un pouvoir de réflexion sur soi : on parle ainsi de la dimension réflexive ou égologique de la conscience humaine. II°) La conscience de soi : sa nature , sa fonction 1) La conquête du « Je pense » ou le cogito cartésien : Descartes est le premier qui, dans l’histoire de la philosophie va montrer la structure réflexive de la conscience. Il se propose de montrer comment à travers le phénomène de la pensée, le sujet en arrive à avoir une connaissance sur lui-même. Descartes part du doute, activité qui a pour but de l’amener à remettre en cause l’existence du monde sensible. Pour Descartes le doute doit être hyperbolique (exagéré). Il va douter de tout jusqu’à douter de ce qu’il est en train de faire (douter). Descartes se rend compte qu’il ne peut pas douter de son doute. Et même s’il le faisait il serait toujours en train de douter, de re-douter. Le doute résiste à tout autre doute car on continue toujours de penser. Descartes en arrive à cette première vérité : il y a une seule chose dont je ne peux pas douter, c’est que je doute En doutant je suis un sujet pensant et sa célèbre expression « je pense, donc je suis » apparaît dans ses Méditations Métaphysiques. Le cogito cartésien (je pense donc je suis) est la première certitude de la philosophie cartésienne. Quel est l’intérêt de la philosophie cartésienne du doute ? 2 C’est d’avoir mis en relief le lien entre pensée et conscience. Descartes a mis en lumière que le sujet tout en pensant se savait et se reconnaissait comme sujet pensant. Dans le doute, j’ai la conscience d’être sujet pensant. Descartes a montré la dimension réfléchie de la conscience. Pour Descartes, on pense et on a conscience de penser. A la fin de son expérience, Descartes écrit : « je pense, donc je suis » [cogito, ergo sum]. Cela veut dire que qu’on a conscience de ce qu’ont est à travers notre pensée. Critique de la thèse cartésienne : on a reproché à Descartes son solipsisme (partir de lui seul pour établir des grandes vérités telles que j’existe). N’a-t-on pas besoin de l’autre, d’autrui pour prouver qu’on existe ? La frontière entre le rêve et la réalité dépend de la présence de l’autre. Autrui est celui qui me garantit la réalité de mes pensées. « Je pense, donc je suis » est vraie si et seulement si, autrui fonctionne et pense comme moi. 2) Qu’est ce que la conscience de soi ? A/ La conscience de soi comme retour sur soi Descartes a permis de montrer un nouvel aspect de la conscience (la conscience comme pouvoir de connaissance réflexive sur soi). Il y a une structure double de la conscience : la conscience comme conscience d’objet physique extérieur (conscience spontanée) et la conscience comme connaissance de soi (conscience réfléchie). C’est cette seconde forme de conscience que nous tenterons d’expliquer. Qu’est ce que la conscience de soi ? C’est l’expérience d’un retour du sujet sur lui-même. La conscience de soi est le moment où le sujet s’auto-appréhende, saisit sa propre intériorité. La conscience de soi est l’acte par lequel je me transforme comme objet pour ma propre conscience. A partir du moment où je deviens objet pour ma propre conscience, il va y avoir séparation entre l’objet (moi) et la conscience (qui m’a pris pour objet). Dès lors la conscience de soi instaure et crée une séparation. Le sujet est divisé en deux : la conscience d’un côté et le reste qui est objet pour la conscience. En ce sens être conscient de soi ce n’est jamais coïncider parfaitement avec soi, c’est être à distance avec soi. Nous pouvons prendre l’exemple du voleur. Le voleur vole sans avoir la conscience d’être voleur. Au moment où il vole, où il fait son acte, sa conscience n’accompagne pas son acte, ne réalise pas la dimension grave de son acte. Ce n’est qu’après avoir été arrêté ou pris en flagrant délit, que le voleur réalise ce qu’il était réellement. Etre voleur et avoir conscience qu’on est voleur sont deux attitudes qui n’ont rien à voir du point de vue de la signification philosophique. A partir du moment où il y a conscience de soi, de ses propres qualités, défauts, 3 états, il n’y a plus de coïncidence spontanée entre le sujet tel qu’il se représente lui-même et tel qu’il est réellement en lui-même. Il n’y a que Dieu qui a une coïncidence parfaite avec lui-même : ce qu’IL pense sur lui correspond exactement à ce qu’IL est. Chez l’homme, il n’y a pas une telle coïncidence : ce qu’il pense sur lui ne correspond pas forcément à ce qu’il est. La conscience de soi implique une transformation de la façon de s’appréhender quotidiennement. Par la conscience de soi, le sujet devient objet, élément de critique et il émerge de son quotidien. Mais le propre du quotidien, n’est-ce pas d’y vivre sans l’interroger ? B/ conscience de soi et connaissance de soi ) que puis-je connaître sur moi ? Mon identité sociale, sexuelle, mon corps, mes goûts, mes sensations. ) Comment cela est-il possible ? Par le retour sur soi, ce qu’on appelle en philosophie l’introspection (observation de son intériorité). Par le fait d’avoir une image sur soi, une conscience de soi ) puis-je être sûr que l’image ou la conscience que j’ai de moi-même correspond exactement à ce que je suis vraiment ? Non car l’être humain peut se tromper sur lui (# de se mentir à soi) ) dans ce cas comment peut-on se connaître ? Grâce à l’aide de l’autre. Autrui voit mieux mes qualités, mes défauts car il est dans une situation privilégiée (c’est + facile de regarder l’extérieur que l’intérieur) La connaissance de soi est un projet très difficile. On ne saura jamais exactement la vérité totale sur nous. La connaissance de soi passe évidemment par la conscience de soi pour KANT « La conscience de soi n’est pas une connaissance de soi. » L’image ou la conscience que j’ai sur moi même peut ne pas correspondre à mon être profond, à la vérité sur nous. III] La conscience : force ou faiblesse pour l’homme ? A / La conscience comme force 4 1/ Kant : « Le pouvoir de dire JE » Explication du texte de KANT Dans ce texte, Kant veut montrer que la conscience soi et la capacité à dire « JE », à penser, est une disposition proprement humaine. Par la conscience, l’homme est un être supérieur aux animaux. 2/ La conscience comme moyen de maîtrise de soi : Maîtrise de soi : c’est le contrôle de soi, de ses désirs, de ses passions. L’homme dispose d’une faculté (la conscience) qui lui permet de connaître la valeur de chaque chose (ex : le diamant), de chaque désir (ex : le crime), de chaque comportement (ex : boire abusivement de l’alcool conduit à un cancer du foie). En utilisant sa conscience, l’homme est capable de se maîtriser, en s’écartant des mauvais désirs. Les animaux sont incapables de résister à la force de leurs instincts sexuels, car ils n’ont pas de conscience qui leur permet cela. La conscience est une force parce qu’elle permet à l’homme de résister à ses désirs. 3/ La conscience morale La conscience morale est différente de la conscience empirique (conscience d’objets), et aussi de la conscience de soi. La conscience morale est une conscience qui me met en rapport avec des valeurs morales, des normes. Mais en quoi consiste t-elle au fond ? Pour Rousseau (Emile ou de l’éducation), elle est une faculté de jugement à propos du bien et du mal. Elle est innée en l’homme et lui permet d’avoir une vision a priori du bien et du mal. Indépendamment de l’éducation morale que nous pouvons recevoir, il y a en nous une faculté de jugement qui nous permet d’avoir un sens moral. Rousseau l’appelle « syndérèse ». Pour lui, elle est une faculté mise en nous par Dieu afin d’être capable de distinguer par soi-même les actes mauvais des bons actes. Pour DURKHEIM (sociologue français), la conscience morale n’est pas innée. Elle est le produit de la société, c’est à dire que c’est la société qui nous apprend la différence entre le bien et le mal. 5 La conscience est une force parce qu’elle nous permet de faire la différence entre le bien et le mal. B] La conscience comme faiblesse : 1/ Marx : la conscience comme illusion Pour Karl Marx, la conscience est source d’illusion au sens où elle nous trompe et nous donne une fausse image sur nous. Il écrit : « Ce n’est pas la conscience qui produit l’être social, mais l’être social qui produit la conscience. » Notre mentalité, notre façon d’être à vrai dire ne dépendent pas de nous, de notre conscience, mais tout cela est façonné et construit par la société. Marx critique la conscience parce qu’elle nous fait croire que notre image, notre personnalité, notre mentalité, sont liés à elle. Pour lui cela est une illusion car tout cela est lié à la société (au groupe ou milieu social auquel on appartient). Il suffit de changer de groupe social pour changer de conscience (de manière d’être ou de penser). Pour Marx la conscience individuelle est prise dans la conscience collective (celle du groupe). 2/ Les limites de la conscience : l’inconscient Freud, premier psychanalyste, va soutenir que la conscience est faible, limitée et qu’elle ne voit pas tout sur l’être humain. Il y a des questions sur notre intériorité que l’on se pose et auxquelles la conscience ne peut pas répondre (pourquoi j’ai la phobie des araignées, pourquoi je ne peux pas manger du riz, etc.?). Pour Freud, les réponses à ces questions sont cachées, et inaccessibles à la conscience : elles sont dans l’inconscient. L’inconscient est l’ensemble des pensées cachées de la personne et que la conscience ne voit pas. Pour Freud, la conscience est une faiblesse parce qu’elle ne peut pas connaître tout sur nous. 6