Les Chevalier et Col..

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A RENÉ, DANIÈLE, PHILIPPE, MARIE-LAURE, CLAUDE, EDITH(+), DANIEL, ODETTE,
BRIGITTE et TIANOU, et leurs familles........
VOS ANCÊTRES CHEVALIER, NOTABLES DE COLMAR AU XIXè SIÈCLE
AVANT-PROPOS
Dans une précédente chronique j’ai brossé l’histoire de vos ancêtres Chevalier, des
fabricants-drapiers, dans le Sedan calviniste (“la petite Genève”) du XVIIe siècle, et conté les
déboires qu’ils eurent à subir lorsque Louis XIV révoqua l’Edit de Nantes.
Le 9 thermidor de l'An II, sous la Terreur, le jeune Michel Simon Chevalier1, âgé de 35 ans
et tout récemment arrivé à Colmar, épouse Anne Catherine Sitter, la fille d’un marchand
boutonnier de la ville. Michel Simon a déjà acquis des biens : il apporte en mariage une maison
avec dépendances sise 23-27, rue des Marchands (celle que la famille conservera tout au long du
XIXè siècle)2, plus un montant de vingt mille livres en argent comptant. Jusqu’en 1870, trois
générations de Chevalier (Michel Simon, Edouard père et Edouard fils) exerceront dans cette
belle maison la profession de marchand drapier.
On se rappelle qu’Edouard Chevalier (fils) était le père de Mélanie Henriette Léonie
Chevalier (née en 1862) et d’Emma Anna Marguerite Chevalier (née en 1865), destinées à
devenir, toutes deux et successivement, les épouses de Georges Théodore Weiss, votre arrièregrand'père.
Nous ne connaissons pas pour l'instant les circonstances précises qui amenèrent Michel Simon
Chevalier à quitter Sedan pour Colmar à l’aube de la Révolution française, mais il y a fort à parier
que ce déplacement ait été lié aux opportunités commerciales favorables qui s'y présentaient en
cette deuxième moitié du XVIIIe siècle : à l'intérieur de la cité de Colmar, où elle avait été
florissante dans le passé, la draperie connaissait en effet un regain de vitalité ; en
1
il s’agît du fils de Samuel Chevalier , négociant drapier à Sedan, et de Marie Anne Saubert.
2
C'est en 1792 que Michel Simon Chevalier avait acheté, pour 40 000 frs, cette propriété, dite “zum Oesterreich", de la
rue des Marchands (Schädelgasse - rue des Crânes - devenu Kaufmannsgasse en 1783), dans la vieille ville. Auparavant, la
maison avait appartenu au drapier Mathäus Metzger (on reste entre collègues!). La fille de ce dernier avait épousé le
commerçant et administrateur de la paroisse protestante Johann Hoffmann, qui avait habité la maison de 1762 jusqu'à sa
mort le 25 mars 1771. Sa veuve, qui avait plus tard vendu la maison à Chevalier, avait dû avoir quelque démêlé avec ce
dernier, car “pour rectifier l'opinion publique et parce que l'honneur l'exigeait, (elle) fit publier des informations et des
remarques contre Chevalier”.
Cette maison Chevalier, très grande et très bien située pour le commerce, était connue dans toute la région de Colmar.
L'enseigne commerciale au nom de :
"CHEVALIER FRÈRES,DRAPERIES, NOUVEAUTÉS"
y figurait encore à la fin du 19è siècle. La maison est ornée de l'Aechterstein (la pierre des bannis), rappelant qu’en 1358,
le lundi suivant la Ste Agnès, le duc Rodolpe d'Autriche, administrateur de l'Empire, avait fait démolir la maison qui était
située à cet endroit et bannir les occupants. La pierre commémore cet acte et explique la désignation "zum Oesterreich"
attribuée à la maison.
1740, si ce secteur restait essentiellement artisanal et menacé par "le roi coton", il était
néanmoins contrôlé par le riche marchand-drapier Jean Frédéric Sandherr, frère cadet d’un des
Stettmeister3 de Colmar, dont l'ampleur des affaires attirait auprès de lui de jeunes fils d'artisans
ou de manufacturiers en apprentissage. Il n'est pas impossible que Michel Simon Chevalier ait
été l'un d'eux, comme il est tout aussi possible qu'il ait fait partie de ces "voyageurs intelligents"
chargés d'assurer à l'extérieur le développement commercial des firmes drapières sedanaises.
Le jeune sedanais, de religion calviniste, n’entrait pas à Colmar par la petite porte : dès son
arrivée, et jusqu’à la guerre de 1870, c’est presqu’exclusivement avec des familles de notables
luthériens - fabricants, marchands, négociants, magistrats ou pasteurs (voire militaires à
l’occasion) - figurant sur les almanachs de la ville (le Who’s who local de l’époque), que Michel
Simon et ses descendants contracteront des alliances.
Avant de faire plus amplement connaissance avec quelques-unes d’entre elles, nous
évoquerons
en
guise
d’introduction les Sandherr,
cette
vieille
famille
luthérienne de Colmar, dont
la présence séculaire parmi
les notables de cette ville
nous permettra de faire la
lumière
sur
quelques
moments spécifiques de son
histoire.
Michel
Simon
Chevalier pourrait d’ailleurs
bien
leur
avoir
dû
son
introduction dans la bonne
société : sa petite-fille, nous
le
verrons,
épousera
un
Sandherr . Qui donc sontils?
LA FAMILLE SANDHERR JALONNE L’HISTOIRE DE COLMAR
On connaît des Sandherr à Colmar depuis le XVIe siècle : venant de Souabe, Andreas
Sandherr s’était établi tonnelier et aubergiste à Colmar (“Au Lièvre”, Grande Rue) ; il avait été
admis comme bourgeois de la ville vers 1535.
3
Un comité appelé magistrat assurait l'administration de la ville : à sa tète se trouvait l'Obristmeister, élu pour un an par
les tribus, ou corporations, (comme l'Ammeister à Strasbourg, ou l'Oberstzünftmeister à Zürich); sous l'Obristmeister
siègeaient plusieurs Stettmeister (sorte d'adjoint au maire), également élus, un prévôt qui rendait la justice, et un
Stadtschreiber, ou greffier-syndic.
Un conseil restreint de vingt-quatre membres, réglait et partageait leur pouvoir, et cent quarante-quatre élus des tribus
formaient un grand conseil, que l'on ne convoquait que dans les circonstances extraordinaires. Le Stettmeister mentionné
dans le texte est Jean Mathias Sandherr (1708-1766) - voir plus loin,
Son fils, un autre Andreas, qui avait étudié le droit à Tübingen et occupait en 1576 la
fonction greffier-syndic de Colmar en 1576, contribuera activement à y introduire la Réforme ;
voici comment :
Malgré une pratique défaillante de la religion traditionnelle, et l’intérêt manifesté par une
tranche importante de la population pour les idées nouvelles, Colmar était restée jusqu’alors l’un
des derniers bastions de la religion romaine en Alsace. L’empereur Charles-Quint ayant menacé les
habitants d’une punition sévère s’il adoptaient les doctrines de Luther, le magistrat (le conseil qui
administrait la ville) demeurait prudent. Aussi les Colmariens couraient-ils en foule entendre les
prédicateurs dans les villes voisines de Horbourg et de Riquewihr, où le duc de Wurtemberg avait,
dès 1535, imposé la Réformation.
L’arrivée à Colmar, au sein du magistrat, de personnalités expulsées de Sélestat a cause de
leur foi, va s’avérer determinante : en 1560, à leur instigation et prétextant de travaux
d’entretien, on procède à la démolition de sept autels latéraux dans la collégiale Saint-Martin, sans
le consentement de l’évêque. Dix ans plus tard, le dimanche de l’Epiphanie 1571, Jean Schuler,
qu’Andreas Sandherr avait contribué à faire nommer curé de la collégiale Saint-Martin, fait, à la
grande indignation du chapître, un pas décisif en stigmatisant du haut de la chaire les mœurs
reprochés au clergé de son temps. Aussi, devant l’accroissement indéniable des adhérents au
protestantisme, et estimant que les dispositions de la Paix d’Augsbourg de 1555 accordait à la ville
libre de Colmar le droit d’avoir la religion de son choix, le magistrat, sur la proposition de
l’Obristmeister Michael Buob, prend la décision d’autoriser le libre exercice du culte4
: le
dimanche 15 mai 1575, cette décision est formellement signifiée à chacune des corporations (le
greffier Andreas Sandherr leur en ayant fait la lecture dès cinq heures du matin!5), et, trois
heures plus tard seulement, est célébré, dans l´église des Franciscains, vide depuis plus de trente
ans, et devant une assemblée de plus de trois mille personnes, le premier culte évangélique de
Colmar, présidé par le pasteur Jean Keller, de Jebsheim. La foule émue et enthousiaste y chante
pour la première fois, en allemand, les paroles d’un choral luthérien : “Es ist das Heil uns kommen
her von Gnad und lauter Güte.”
6
4
A la suite d’un incendie à la collégiale Saint-Martin en 1572, il avait fallu fondre de nouvelles cloches. Un membre du
magistrat avait alors commenté : “ Man musse zu den neuen Glocken auch neue Predicanten aufstellen” = “Aux nouvelles
cloches, il faut de nouveaux prédicateurs.”
5
le texte comportait la convocation suivante : “"N'ayant pu trouver des prédicateurs capables, il a été décidé, your
satisfaire ceux qui se rendent les dimanches au service religieux dans des églises extérieures à la ville, de nommer un
homme pieux et honorable, acquis a la confession d'Augsbourg, pour prêcher dans 1'andenne église des Franciscains.
Comme il est impossible de trouver séance tenante une telle personne, Jean Cellarius, pasteur à Jebsheim, fera de ce fait la
première prédication dans cette église à huit heures. Libre à chacun de venir y assister. L'honorable conseil n'entend
absolument pas forcer qui que ce soit à embrasser contre son gré I'une ou I'autre religion. Chacun doit au contraire
conserver sa pleine et entière liberté."
6
“Le Salut nous est venu par grâce et pure miséricorde.”
Moins d’un an après, le magistrat de Colmar sera composé presque exclusivement de protestants
luthériens, qui institueront les pasteurs et leur imposeront de respecter les positions doctrinales de
la Confession d’Augsbourg ; l’administration gardera cependant une relative tolérance à l’égard
d’une pratique catholique discrète.
Colmar restera désormais une ville biconfessionnelle, mais de violentes vicissitudes vont
successivement favoriser l’un ou l’autre bord pendant la Guerre de Trente Ans 7 . Lorsque la ville
devient française, les dispositions discriminatoires que prend alors le pouvoir royal - notamment le
transfert à Colmar du Conseil souverain d’Alsace en 1698, comme la mise en place d’une
importante garnison militaire - font finalement pencher la balance en faveur des catholiques, qui
constitueront les deux tiers de la population à l’aube de la Révolution. Interdit de certaines
fonctions publiques (mais non de la magistrature municipale) pour cause de religion différente de
celle du roi, le patriciat luthérien de Colmar s’engagera alors dans le négoce, la banque, l’industrie,
en usant de nombreux réseaux de parenté et d’affaires. Dans ces domaines, la famille Sandherr
se situera vite dans le haut-du-panier colmarien :
L’éminence est atteinte avec Andreas (encore un!) Sandherr (1612-1697)8 . Riche
négociant, il multiplie les charges politiques autorisées : Ober-Scholarch (nous dirions:inspecteur
académique), dix fois Obristmeister entre 1661 et 1690, il est notamment aux affaires municipales
lors de la conquête militaire française de 1673, de la signature du traité de Nimègue en 1679 qui
transfère à Louis XIV la souveraineté sur les villes de la Décapole, et de l’enregistrement des
arrêts de réunion qui officialisent leur annexion à la couronne de France. Il a concrètement “pignon
7
En voici un exemple : Jusqu’en 1627, la paix sociale avait été maintenue grâce à l’attitude tolérante des deux
confessions, mais la Contre-Réforme était en route et, le 21 novembre de cette année, 2 commissaires impériaux s’étaient
rendus à Colmar et y avaient fait interdire le culte protestant et expulser tous les ministres réformés ; en outre, défense
avait été faite aux Colmariens de se rendre dans les villages voisins assister au culte, comme ils l’avaient fait autrefois ; les
citoyens protestants devaient se convertir dans les six mois, sinon vendre leurs propriétés et émigrer. Le 20 mars 1628, 27
membres du magistrat et du conseil municipal avaient démissionné, et un nouveau magistrat catholique était mis en place.
Pour la première fois depuis des décades, une grand-messe solennelle avait été concélebrée le Noël suivant dans la
collégiale St. Martin, dont les cloches, muettes de mémoire d’homme, furent de nouveau entendues. ... mais le nouveau
magistrat avait permis à Anton Schott, le secrétaire municipal, et à Nicolas Sandherr (le fils d’Andreas), le greffier de
justice, de conserver leurs charges sans abjurer ; aussi ces deux rescapés ne s’étaient-ils pas contentés de servir le
magistrat, mais assistaient également leurs collègues protestants exilés. A l'automne de 1632 une nouvelle garnison
impériale constituée de recrues francophones venant de Franche-Comté, était arrivée à Colmar. Au mois de novembre les
Suédois avaient traversé le Rhin sur le pont de Strasbourg : les troupes impériales avaient alors abandonné Ensisheim et
s'étaient rendues sans combat à Sélestat.. Seule restait sur place la garnison impériale de Colmar. Les responsables
municipaux de Colmar avaient alors mis en doute sa capacité de défendre la ville et avait constitué un conseil municipal de
guerre, qui prit la décision sans précédent d'armer tant les citoyens que les non citoyens. Le 19 novembre, l'avant-garde
suédoise avait demandé la reddition de Colmar, ce qui avait entraîné une violente altercation entre le commandant
impérial, Vernier, et les membres du magistrat. Vernier avait demandé que l'on arrête tous les Protestants qui se
trouvaient illégalement dans la ville, mais le magistrat avait refusé la demande, comme aussi de désarmer qui que ce fût.
Lorsqu’en décembre le gros de l’armée suédoise était arrivée sous les murs de la ville, les Colmariens s’étaient vite rendu
compte que le seul obstacle à une capitulation sans bain de sang était la présence dans la ville de la garnison impériale,
dont le commandant avait hautement manifesté la résolution de se défendre jusqu’au dernier homme. Des émeutes avaient
eu lieu, au cours desquelles vingt soldats de la garnison avaient perdu la vie. Le commandant impérial Vernier avait alors
accepté de se retirer. Le lendemain la ville s’était soumise aux Suédois, et les responsables protestants, qui considéraient
les Suédois comme des libérateurs, étaient revenus aux affaires.
L’histoire donne à ces évènements un rôle instigateur à Nicolas Sandherr.
Les détails de ce récit sont tirés de “Communities and Conflict in early modern Colmar, 1575-1730”, par Peter Geaorge
Wallace , Humanities Press International, Atlantic Highlands, New Jersey, 1995.
8
le fils de Nicolas
sur rue”, ayant fait construire à Colmar en 1668 la belle maison actuellement encore connue sous
le nom de “la maison Sandherr”, donnant à la fois sur la Grand’rue et la rue de l’Eglise. Une
inscription en latin, sur l’oriel, rappelle et exhorte :
"Andréas SANDHERR,
Obristsmeister
de Colmar, sa ville natale, et son épouse
Cleophe WETZEL ont érigé la maison que tu
vois, cher voyageur. Mais ne sois pas simple
spectateur. Fais de même et prie Dieu en
suppliant qu'il protège cette oeuvre".
L’occupation de sa ville par les troupes
françaises va un peu le secouer : une
émeute,
conduite
par
des
Colmariens
mécontents de l’accumulation des charges à
son profit, menace sa maison. Des vitres
seront brisées. Il s’en remettra cependant,
ayant eu tout loisir de méditer la devise de
son grand-père : « La blessure fortifie le
courage ». L’inscription sur son oriel avait,
somme
toute,
quelque
chose
de
prémonitoire.
Passant à la génération suivante, son neveu, le
marchand Johann Jacob Sandherr (1645-1675), est
gratifié du poste lucratif de receveur des revenus pour
avoir prêté à la ville 12 000 livres sans intérêts. A
l’échéance,
l’administration
d’honorer
le
Sandherr
et
remboursement
ses
n’est
pas
en
du
prêt
;
descendants
mesure
aussi
reçoivent-ils
ce
en
compensation le privilège d’être exemptés d’impôts à
perpétuité !
Jean-Mathias Sandherr (1708-1766), un petitfils, entre en 1742 au conseil de Colmar, où il occupe à
plusieurs
reprises
les
fonctions
de
prévôt
et
de
Stettmeister. Il sera Obristmeister en 1759-1760 et 1765-1766. Ce personnage entreprenant et
fortuné cumule les affaires industrielles, dans les mines de cuivre et la fonderie, la fabrication
d’ustensiles en cuivre, la mégisserie, enfin le coton, dont il va, le premier en Alsace, lancer la
transformation industrielle :
Tout au long du XVIIe siècle, les navires en provenance des Indes avaient ramené vers
l'Occident des étoffes de coton imprimées, aux coloris chatoyants. La mode s’en était répandue,
comme l'atteste Molière, qui raille son Bourgeois Gentilhomme
« vêtu d'indienne » pour
jouer
au
seigneur.
Devant leur succès, on
avait très tôt essayé de
les
imiter
mais,
en
en
Europe
France,
la
fabrication en avait été
interdite (les spécialistes
en
étant
fabricants
déjà
les
huguenots,
réfugiés en Suisse après
la Révocation de l’Edit de
Nantes). L'usage des toiles peintes importées allait malgré
tout devenir général dès le début du XVIIIe siècle, et la
liberté de fabrication devait en être rétablie en 1760.
Jean-Mathias
Sandherr
compte
de
nombreuses
relations d’affaires dans les ports où affluent les denrées coloniales et dans les villes où, dès le
retrait de l’interdiction royale, “l’indiennage” (l’impression des toiles de coton) se développe. Il se
lance à son tour : directeur général de la manufacture d’indiennes Sandherr, Courageot & Cie9 de
Wesserling, dans la vallée de la Thur, de 1762 à 1766, il joue dans la création de celle-ci le rôle
essentiel de caissier général 10 .
9
Dès 1760, les princes-abbés de Murbach vendent leur château de chasse, dit Wasserlingen, et ses dépendances, dans
lesquelles s’établit, sous cette raison sociale, la petite fabrique d’indiennes au pinceau.
10
Jean-Mathias décèdera en 1766 et les actionnaires changeront, mais l’initiative aura été fructueuse : Wesserling sera
décorée en 1783, par lettre patente du Roi Louis XVI, du titre de « Manufacture Royale». A la veille de la Révolution, elle
sera la plus importante de France avec celle d'Oberkampf à Jouy-en-Josas.
Parmi les fils et les petit-fils de Jean-Mathias Sandherr, plusieurs se succèderont encore au
premier rang des notables luthériens de la ville pendant la tempête révolutionnaire 11 :
Les protestants alsaciens ont d’abord accueilli avec enthousiasme la Révolution. En 1787,
lors de la constitution de l’Assemblée provinciale d’Alsace, Jean-Mathieu Sandherr, dit “l’aîné”,
y est député du tiers-état ; en décembre 1789 Sandherr, dit “le jeune”, est envoyé à Paris
défendre les intérêts de la communauté luthérienne devant l’Assemblée nationale : avec Koch, de
Strasbourg, ils visitent les comités de l’Assemblée, distribuent des mémoires pour défendre le
principe de parité entre les confessions, tout récemment mis à mal localement par des catholiques
intransigeants ; en mai 1790, ils remettent une “Très-humble et très respectueuse Adresse,
présentée à l'Assemblée nationale par les habitans de la Confession d'Ausbourg (sic) des villes de
Strasbourg, Colmar, Wissembourg, Landau et Munster en Alsace”. Grâce à lui et à Koch, la loi de
confiscation des biens du clergé n’affectera pas les possessions luthériennes.
Entre 1793 et 1795, les dérives et les épreuves mettent fin aux espérances. Sous la Terreur,
les protestants comme les catholiques sont victimes de la déchristianisation, mais l’officiel “Etre
Suprême” va sans trop tarder céder la place qu’il avait usurpée : à Colmar, c’est le 12 avril 1795,
chez Nicolas Sandherr, qu’est à nouveau célébré le premier culte évangélique12 .
A
partir
Consulat
du
et
l’Empire,
de
les
circonstances
Colmar
-
à
devenue
préfecture du HautRhin en 1800 - feront
que
de
nombreux
membres
de
la
famille
Sandherr,
comme
aussi
de
notables plus proches
de
votre
famille,
embrasseront
des
carrières juridiques13
.
Un des neveux de Jean-Mathias Sandherr , Jacques Frédéric, avait hérité de son beau-père, Daniel Moser, la
poste de Colmar, à l’Auberge “Zur weissen Taube”, que nous voyons ci-dessus.
11
12
Dès le Consulat, le protestantisme français sera reconnu au même titre que le catholicisme et recevra des structures
officielles (articles organiques du 8 avril 1802).
13
Un incident, banal mais désagréable pour l’intéressé, touche alors un des Sandherr, receveur de Colmar comme
certains de ses prédécesseurs l’avaient été : en 1811, un décret de l’Empereur charge le ministre du Trésor impérial de
vérifier la comptabilité des receveurs municipaux ; parmi d’autres, les comptes du sieur Sandherr ne sont pas à la
hauteur, et Sa Majesté décide qu’il ne sera maintenu dans ses fonctions “qu’à condition qu’il régularise, dans le délai de
trois mois, ce que sa gestion présente de défectueux”!
Zum Waagkeller, ou Taverne de la Balance,
un “club” de notables.
En 1566 Andreas Sandherr est Stubenmeister (receveur) d’une société appelée
Waagkeller, une Trinkstube située dans la cave de l’Hôtel de Ville de Colmar. Il s’agît
d’une association libre de personnes de tous états, religions et conditions, sans aucune
supériorité entre elles ; mais sous l’autorité et la juridiction du magistrat local. Son
objet n’est pas autre que de s’assembler amicalement dans une auberge appartenant à
la société pour y boire, fumer, manger, converser, jouer des petits jeux, s’amuser
ensemble et sans doute aussi traiter des affaires. Ce type de société était propre à
entretenir la paix et l’union entre les habitants de la ville (c’était une sorte de RotaryClub avant la lettre!). Pouvait y être reçu (en payant!) tout honnête homme, qu’il fût
noble, ecclésiastique ou bon bourgeois (ein ehrlicher Bürger). Devaient être reçus
entre 1590 et 1610 Jean-Gaspard Sandherr, puis Andreas Sandherr le jeune. Tous
deux seraient élus Stubenmeister par la suite. Ce sera ensuite le tour de Nicolas
Sandherr dans les années 1620. La guerre de Trente ans allait provisoirement mettre
une sourdine aux conversations des adhérents, lesquels, étant pour le plus grand
nombre des protestants, n’avaient en outre plus lecœur aux réjouissances dans une
ville passée sous la surveillance du roi de France . La société s’en remet cependant, et
on voit un autre Sandherr, Jean-Frédéric, élu Stubenmmeister en 1764. Nicolas
Sandherr y sera même reçu à l’aube de la Révolution.
Lorsqu'après la tourmente révolutionnaire on s'occupa de réorganiser la magistrature, on
n'hésita pas à choisir pour chef-lieu du ressort Colmar, où, pendant près d'un siècle, avait siégé le
Conseil souverain. Le tribunal supérieur qu’on y situa prit, selon le régime, le nom de Cour d’Appel,
en 1804, ou, à partir de 1811, Cour Impériale ou Cour Royale. La mesure mérite que l’on cite à
son sujet une anecdote amusante :
“Colmar est un trou!”
La première fois qu'avec Napoléon il fut question de ce tribunal supérieur, Rapp, aidedecamp de l'Empereur et enfant de Colmar (sa famille était alliée à la vôtre, comme nous
le verrons), détourna le coup qui, à l’époque, eût été désastreux pour sa ville natale.
C'était au début d'une de ces campagnes d'outre-Rhin à l'ouverture desquelles l'Empereur
séjournait ordinairement un jour ou deux à Strasbourg pour inspecter par lui-même les
arsenaux, magasins, approvisionnements, etc., Ce jour-là, à la suite du défilé officiel,
Napoléon dit à Rapp : “— Mais.... Rapp! il me semble que je n'ai pas vu de robes rouges.
— En effet, Sire, mais la cour siège à Colmar, et n'avait pas été convoquée. — La cour
siège à Colmar ! Pourquoi cela? C'est absurde! ‘Colmar est un trou’.... (Il fallait bien
être le vainqueur des vainqueurs de la terre, pour se permettre un pareil blasphème en
présence de Rapp!) La division, l'évêché, l'académie sont à Strasbourg; la cour doit y
être aussi. Rapp, prenez note de cela, pour m'y faire songer en temps et lieu. — Oui,
Sire!” Ce disant, Rapp tire son carnet, et tandis que le vainqueur de l'Europe s'imagine
qu'il sténographie ses paroles, l'enfant de Colmar, dérogeant un instant à l'obéissance
passive de l'aide-de-camp, écrit de sa plus belle écriture : « Ne jamais parler à l'Empereur
ni de Colmar, ni de la cour, et si la conversation menace de tomber sur ce sujet, tâcher
de la détourner.» Il observa scrupuleusement la consigne qu'il s'était donnée lui-même;
d'ailleurs, la scène se passait en 1812 ou 1813, et depuis cette époque jusqu'à sa chute
on sait que Napoléon eut d'autres préoccupations que celle qu'avaient pu lui causer, un
instant, les robes rouges de Colmar. (Huot, 1866)
Le 1er fructidor an IX (août 1801), André Sandherr, un fils de Jean-Mathias, qui sera juge
au tribunal d’appel de Colmar, rédige une contribution aux observations sur le projet de Code
Civil.
Puis, pendant plus de quarante ans, le petit-fils de Jean-Mathias,
(1782-1852) sera avocat près le tribunal supérieur
14
Charles Sandherr
; une rue de Colmar porte son nom. Ce sera
enfin le fils de ce dernier, Nicolas-Charles Sandherr, également avocat près la Cour impériale,
qui épousera Anne Marie Henriette Chevalier, sœur d’Edouard Chevalier fils, le grand-père
de Mamenie. Sa fille Elisabeth sera connue par les jumelles sous le nom de “tante Zabeth
Sandherr”.
Après la saga Sandherr, nous voici enfin en famille, tout proches de la “Bonne-Gram” des
jumelles Lafargue, l’épouse de cet Edouard Chevalier fils sus-nommé, de son nom de jeune
fille Léonie Mélanie Engel.
LE PASTEUR MATHIAS ENGEL
Plusieurs pasteurs luthériens figurent dans l’ascendance de Léonie. Le plus connu d’entre
eux fut son grand-père paternel, Mathias Engel, qui était, lorsqu’il mourut, premier pasteur
(Senior) et président du Consistoire de la Confession d’Augsbourg à Colmar.
A la veille de la Révolution, Mathias Engel avait été prédicateur de l’Eglise française de
Strasbourg15 . Dès la fin de juillet 1789, les troubles initiés par la prise de la Bastille s’étaient
étendus à Strasbourg, et l’on répandait les textes de sermons prêchés par des ministres luthériens
pour tenter d’apaiser les esprits. Le 2 août Engel avait prononcé dans cette optique un sermon
intitulé “Au jour du mal, prends-y garde”16 .
14
Il épouse en 1810 Louise Françoise Amélie Gloxin, la fille de Benjamin Pierre Gloxin, médecin et physicien bien
connu de Colmar à la fin du XVIIIe siècle : le frère de Louise, Jacques Benjamin Edouard Gloxin, avocat à la Cour
royale de Colmar en 1820 en même temps que son beau-frère Sandherr, épousera une Méquillet.
15
l n’y avait pas encore de paroisse française à cette époque à Strasbourg ; les auditeurs du culte français devaient être
inscrits comme ouailles, pour les actes ecclésiastiques, chez les différents pasteurs de la ville.
16
Engel, Matthias : Au jour du mal prends-y garde, sermon prononcé à Strasbourg le 2 août 1789 à l’occasion de troubles
survenus dans cette ville. Strasbourg, J.G. Treuttel, 1789 (Il s’agît très vraisemblablement d’une allusion à Ephésiens
6:13).
A l’époque, les orateurs qui maniaient facilement la langue française étaient encore assez
rares dans le monde pastoral strasbourgeois ; aussi Engel était-il apprécié pour son bilinguisme .
Par ailleurs, dès 1790, il professait des opinions politiques relativement avancées, et sa popularité
progressait.
Il avait tout récemment osé rompre avec les traditions locales, en posant sa candidature au
poste de pasteur titulaire de Saint-Nicolas à Strasbourg ; bien que le Convent ecclésiastique17 eût
refusé de l’inscrire sur la liste des candidats, il avait réuni plus de suffrages auprès des électeurs
qu’aucun de ses concurrents. Satisfait de ce témoignage public d’estime, il s’était désisté pour ne
pas semer la discorde parmi ses collègues, mais il n’était pas fâché de se montrer plus libre qu’eux
de “préjugés confessionnels”.
Le 9 novembre 1790, dans un discours à la Société des Amis de la Constitution, Mathias
Engel avait exposé un projet nouveau d’organisation pour l’Eglise protestante des départements
du Rhin, puis l’avait déposé sur le bureau. Il demandait que la Constitution civile du clergé
protestant fût incorporée à la Constitution récemment votée pour le royaume afin “qu’alimentée
par la nation française, ses fruits soient plus savoureux que ne pourraient l’être ceux d’un faible
arbuste, planté à côté de l’arbre majestueux de cette Constitution”. On se demandait, dans son
milieu, si le bon Engel n’avait pas “fait briller son esprit aux dépens de son jugement”, et s’il ne
s’était pas “fait vivement applaudir pour des saillies peu décentes dans la bouche d’un homme de
17
Assemblée composée de l'ensemble des pasteurs strasbourgeois et de trois représentants du magistrat qui se réunissait
tous les quinze jours pour régler les questions de personnes et de statut.
son état”! Aussi Engel vit-il descendre dans l’arène pour le combattre, un des plus savants
professeurs de l’Université, Jean-Jérémie Oberlin, connu comme archéologue et frère du célèbre
pasteur philantrope du Ban-de-la-Roche.
En 1792, Mathias Engel allait jouer un certain rôle dans la mouvance révolutionnaire, soit
comme membre du Conseil général provisoire du département, institué par Carnot et Prieur, soit
comme délégué de Strasbourg à la barre de la Convention nationale à Paris, où il avait été envoyé
pour protester contre les calomnies de la Société des Jacobins.
La campagne de déchristianisation instaurée à l’automne 1793 n’allait pas manquer d’avoir
des répercussions en Alsace : des pasteurs avaient été amenés à signer des déclarations précisant
leurs positions à cet égard ; certaines de ces déclarations, plus ou moins truquées, avaient été
reprises dans une brochure de décembre 1793, intitulée “les prêtres abjurant l’imposture” : y
figurait notamment une déclaration attribuée à Mathias Engel. Les déclarations ainsi reprises ne
constituaient pas, en général, un reniement de la foi chrétienne, mais les signataires annonçaient
vouloir abandonner leurs fonctions en protestant de leur haine contre toute superstition, selon une
phraséologie politique à la mode du jour. Plusieurs des pasteurs mis en cause dans cette brochure
protestèrent contre les assertions qui leur avaient ainsi été imputées : ce fut notamment le cas
d’Engel18 .
En 1795, le bout du tunnel est en vue. Engel, qui, après s’être démis d’office, s’était réfugié
à Ribeauvillé, y prononce, dans le temple de la ville, un discours qu’il intitule “der schlechte
Tausch” (“le mauvais troc”) : le prédicateur, autrefois si ardent dans ses revendications de toutes
les libertés politiques et religieuses, y stigmatise les “mauvais citoyens” qui travaillent à
déshabituer peu à peu le peuple de la religion chrétienne, pour l’échanger contre la “pure Raison”.
“C’est un mauvais troc, dit-il à ses auditeurs, que vous proposent ces ‘conducteurs aveugles’ qui
se proclament pourtant patriotes, républicains et philosophes. Au lieu de notre Evangile sans
alliage, ils nous offrent des fêtes riantes, des danses égayées, des spectacles luxueux, des chants
de liberté, une morale froide à la place de la morale chrétienne ! Sans doute faut-il lutter contre le
fanatisme et la superstition, mais l’Evangile, ce n’est pas la superstition ! On vous a dit que l’on
avait tué, au nom de l’Evangile, 6 668 800 humains, et qu’il fallait crier en conséquence : ‘A bas le
christianisme !’ Eh bien, je vous dirai que depuis que le monde existe, on a bien massacré cinq
cents millions d’hommes au nom de la Justice.”
19
Avec le retour à ‘la normale’, des froissements et des querelles se produisent, conséquence
des positions prises et des ambitions de chacun. A Colmar, par exemple, le pasteur Billing20 avait
18
Ein Wort geredet zu seiner Zeit von Mathias Engel zu seinen protestantischen Mitbürgen, 7 nivose, an IV.
Der schlechte Tausch, von Mathias Engel, seinen Brüdern zur reifen Uberlegung vorgetragen. Colmar, Decker Sohn
(1795) 16p. in-18.
19
20
Sigismond Billing (1742-1796) fut pasteur et historien. Il avait dirigé le Gymnase protestant de Colmar de 1774 à
1790 dont il avait rénové et élargi l'enseignement. Il exerça la fonction de pasteur en pleine période révolutionnaire puis fut
nommé archiviste adjoint du district en 1795. Il est considéré comme le premier historien moderne de la cité par ses
recherches historiques sur l'Alsace et sur sa ville natale. Il est, entre autres, l'auteur de La petite Chronique de Colmar.
(source www.colmar.fr)
espéré être promu au poste de pasteur principal, ou Senior, à la mort de son collègue Bussmann.
Il se voit préférer par les électeurs l’ex-prédicateur de l’Eglise française de Strasbourg, Mathias
Engel, qui a posé sa candidature dans le chef-lieu du Haut-Rhin21 . Aussi s’exprime-t-il avec une
dureté peu chrétienne sur cet “adulateur” de ses anciens fidèles, et donne-t-il sa démission de
second pasteur de la ville, pour ne pas devenir son subordonné22.
En 1802, du haut de sa nouvelle chaire de Colmar, Engel prononce une homélie remarquée
à l’occasion des célébrations accompagnant la Paix
d’Amiens et la restauration des autels : “La victoire
sans la paix, s’écrie-t-il,
est comme un épi sans
grain, et la paix sans la religion comme des
semailles sans soleil ... Religion, religion du Christ,
apparais! Tu n’as plus besoin de te cacher devant le
sceptre de fer de la folie et du vice! Apparais,
soutien de l’Etat, mère nourricière des bonnes
moeurs, frein des passions mauvaises, garante des
bonnes lois, consolatrice des malheureux! Viens,
c’est l’ange gardien de la France, qui connaissait ta
valeur, qui t’adresse son appel ; viens, religion de
Jésus-Christ, reprends possession solennelle de tes
temples !...”
23
A travers le clinquant des figures de
rhétorique, on sent pourtant la satisfaction profonde
de
l’orateur
d’avoir
enfin
retrouvé
l’assiette
habituelle, l’appui du bras séculier, le respect officiel
pour la religion, etc ....
Dans un ouvrage intitulé Timotheus, Mathias
Engel offre alors à ses fidèles un manuel d’instruction religieuse où il livre le contenu de sa foi
d’âge mûr. Quand on se rappelle les déclarations rationalistes qu’il prononçait à Strasbourg en
1794 - à la sommation des autorités révolutionnaires, il est vrai -, on est tout étonné, en
parcourant son volume, de constater combien son christianisme a retrouvé l’orthodoxie
traditionnelle : il y raconte la naissance miraculeuse du Christ, et y reconnait l’existence des
miracles en général ; il réaffirme
l’inspiration des Ecritures et l’authenticité de tous les écrits
bibliques, assure qu’ils sont rédigés par les auteurs dont ils portent le nom, sous la guidance du
21
Engel devait également devenir président du Consistoire de la Confession d’Augsbourg à Colmar, et Inspecteur
ecclésiastique pour le Haut-Rhin (l’inspecteur est chargé de veiller sur les ministres ou pasteurs, et sur le maintien du bon
ordre dans les églises consistoriales).
22
Billing écrit le 19 août 1795 dans son Journal qu’il a donné sa démission puisque ce “Speichellecker” d’Engel a été
placé au-dessus de lui (Kleine Chronik, p. 328)
23
Lob - und Dankrede gehalten zur Feier des 27 Thermidor X, 15 August 1802, in der evangelischen Kirche zu Colmar von
M. Mathias Engel, Evangel. Religionslehrer, auf Verordnung des Konsistoriums dem Druck übergeben. Colmar, Decker und
Sohn, 19p.
Saint-Esprit ; il s’étend longuement sur la résurrection effective de Jésus, etc ...24
On constate
que même en théologie, le monde marche, et parfois si vite, que le novateur de la veille se trouve
être le conservateur du lendemain !
25
Dans un souci pastoral, Mathias Engel publie également un recueil de
cantiques sous le
titre de “Cantiques sur les principales vérités de la religion et de la morale chrétienne à l’usage de
l’Eglise de la Confession d’Augsbourg à Colmar 26”.Le recueil comporte 54 cantiques, dont 40 ont
été composés par le pasteur lui-même, qui en commente l’objectif dans la préface :
“Le goût
épuré du siècle demande dans ces cantiques une réunion de qualités qu’il est difficile de porter à la
perfection : instruction saine et lumineuse, simple et noble comme l’Evangile ; pensées justes,
sentiments qui partent du coeur et qui en trouvent l’accès ; diction pure, noble sans enflure,
simple, sans trivialité ; versification coulante et correcte, airs mélodieux et appropriés à la nature
du sujet developpé”.
Mais Engel, malgré toute l’importance qu’il accorde à son engagement chrétien, reste un
homme des “Lumières” : éclectique dans ses goûts, et membre, comme beaucoup de ses amis
colmariens, des sociétés savantes de la ville, il “botanise” :
Ainsi, on apprend qu’en 1794 Jean Hermann, titulaire de la chaire de botanique à
l’université de Strasbourg et directeur du Jardin académique de cette ville, fit avec le pasteur
Engel, son hôte et ami, une excursion à Ribeauvillé, où il retrouva, dans le Sillthal, la Campanula
Cernearía, une plante qui n'avait plus été revue en Alsace depuis très longtemps.
En 1830, le médecin Théophile Engel, fils du pasteur, fait don à la Société industrielle de
Mulhouse d'une collection de plantes indigènes, réunies par feu son père.
Dans un autre domaine naturaliste, le pasteur a publié une brochure intitulée : “Instruction
sur la Culture des Abeilles, adressée aux habitans du département du Haut-Rhin par la Société
d'Émulation de Colmar”, dans laquelle il engage les apiculteurs à utiliser des ruches à magasins en
bois! Il y a apposé cette épigraphe tirée de Virgile:
“Esse apibus partem divinae mentis, et haustus aetherios dixere” 27.
24
Timotheus oder der in seinem Glauben unterrichtete, befestigte, tagendhafte und selige Christ, ein Lehr-und
Erbauungsbuch für junge and erwachsene Christen in protestantischen Stadt - und Landgemeinden, von Mathias Engel,
Kircheninspektor, Colmar, Neukirch 1808, in-18. L’ouvrage se divise en six parties ; la première, intitulée “Vérité de la
religion chrétienne”, est une espèce d’apologie populaire du christianisme ; la seconde, “Confession de foi chrétienne”,
renferme le catéchisme proprement dit ; la troisième traite de la “Morale chrétienne” ; la quatrième, explication minutieuse
de la parabole de l’Enfant prodigue, peut passer pour un traité de pédagogie chrétienne ; la cinquième renferme des
méditations pour les communiants ; la sixième enfin, des prières du soir et du matin.
25
Tous les faits relat&és ici sur les activités du pasteur Mathias Engel pendant la période révolutionnaire et à sa suite
immédiate sont tirés de l’ouvrage de R. Reuss : Les Eglises protestantes d’Alsace pendant la Révolution (1789-1802),
Fischbacher, Paris, 1905.
26
Colmar, Descher,1804, 156 p.
27
“On dit que les abeilles ont une parcelle de l’intelligence divine et des émanations de l’éther.”
Mathias Engel était très estimé de la plupart de ses collègues ; quand il mourut subitement
à Colmar, en juin 1811, le pasteur Blessig, du Consistoire général, fit publier son dernier discours
préparé pour la fête du Roi de Rome, en y joignant un “Gedaechtniss-Wort auf den Verklaerten”,
adressé aux fidèles colmariens. Venant de ce personnage, le commentaire ne pouvait que
confirmer la piété sincère et la foi active du défunt.
Le pasteur Mathias Engel avait épousé à l’aube de la Révolution la jeune Catherine
Salomé Ehrlen, dont il avait eu un fils, Théophile Samuel Engel, le papa de “Bonne-Gram”,
qui deviendrait médecin à Colmar, ainsi qu’une fille Catherine Lydie ; celle-ci convolerait avec
Jean-Jacques Beysser, d’une famille de brasseurs de Ribeauvillé, qui allait - comme beaucoup
de vos cousins de Colmar - terminer sa carrière comme conseiller à la Cour impériale
LA FAMILLE EHRLEN, UNE PÉPINIÈRE DE PASTEURS ET D’ERUDITS
La famille Ehrlen28, originaire du village de Wasserburg, sur les bords du lac de Constance,
etait venue s'établir à Strasbourg à la fin du XVIme siècle, pour y professer librement la religion
évangélique. C'est dans cette ville que naquit, le 20 juillet 1668, Jean-Jacques Ehrlen, qui fut
successivement pasteur à Quarzenheim en 1692, et à Heiligenstein en 1696 ; c’est à Strasbourg
28
Ces données sont tirées de “La France protestante” d’Eugène Haag ; Société de l’histoire du protestantisme français,
Paris, Sandoz et Fischbacher,1877.
même qu’il aboutit finalement (il est mort en 1730), comme pasteur de la paroisse Sainte-Aurélie
et chanoine de Saint-Thomas29, une fonction qu’avait autrefois tenu le grand Bucer30 .
Jean-Jacques Ehrlen avait été deux fois marié, d’abord en 1696 avec M. S. Huber, la fille
d’un autre pasteur strasbourgeois, puis en 1712 avec N. M. Engelhardt.
De ces mariages il avait eu quinze enfants et parmi eux Prisca Barbara Ehrlen, qui fut la
mère de l'helléniste Jean Schweighäuser, né à Strasbourg en 1742 31 . Une autre de ses filles,
Marguerite-Elisabeth,
épousa
en
1713
J.-Fr.
Busch,
chirurgien à Ribeauvillé, dont le petit-fils fut Frédéric Busch,
érudit, né à la fin du XVIII™e siècle et mort le 10 mai 1855.
Pour la petite histoire, ce dernier avait publié, sous le titre “Les
découvertes d'un bibliophile”, une note où il s’en était pris à
des ouvrages catholiques, mineurs il est vrai, notamment à un
“Guide du confesseur” imprimé à Lyon, rempli, à son sens, “de
questions révoltantes que le prêtre devait adresser aux époux”
!
Un fils de Jean-Jacques, Jean-Frédéric Ehrlen, docteur
en droit et professeur de droit romain à l'université de
Strasbourg, a laissé un grand nombre de
dissertations dans
l’esprit de l’époque, dont une, sans doute parmi les moins
savantes, concerne l’emplacement du Paradis terrestre! 32
Le frère de ce dernier, Georges-Godefroy Ehrlen, suivit l’exemple de son père comme
pasteur, d’abord à Ribeauvillé, puis au Temple-neuf de Strasbourg.
C’est enfin du frère cadet, Jean-Jacques (encore) Ehrlen, pasteur à Ribeauvillé, que
descendent Catherine Salomé, l’épouse du pasteur Mathias Engel, et Chrétien-Louis, lequel,
avec ses 6 enfants, fonde la famille Ehrlen de Colmar.
29
On a de lui un manuel pour la consolation des malades : Geistliche Krancken-Cur, aus der himmlischen Seelen-Apotheck
der H. Schrift, mit auserlesenen Sprûchen, geistreichen Gebeten, Scuffzern und Gersengen, christlichen Herzen in
mancherley Leibs u. Seelen Kranckheiten bis in letzten Todeskamff... ; Strasb., J.-H. Heitz, 1740, petit in-8o de 772 p. et 8
d'index, orné, en tête, d'une bonne gravure représentant un pasteur au chevet d'une femme malade (autre édition, 749 p.
in-12).
30
La Réforme, prêchée par Luther en 1517, avait rapidement gagné presque toute l'Alsace et le premier culte célébré en
langue vernaculaire l’avait été à Saint-Thomas de Strasbourg dès 1524, avec la distribution de la Sainte-Cène sous les
deux espèces. L'église est alors assignée au culte luthérien en 1524, statut qu'elle a pu conserver malgré l'annexion de
l'Alsace par la France catholique. Le chapitre, réunissant un collège de chanoines, anime le protestantisme strasbourgeois à
partir de 1529. Le réformateur Martin Bucer (1491-1551), pasteur successivement à Sainte-Aurélie puis à Saint-Thomas,
marquera alors la cité strasbourgeoise. Il tentera d'unir les différentes tendances protestantes entre elles par de nombreux
voyages à travers toute l'Europe.
31
Son père était le pasteur Jean Georges Schweighäuser, chanoine de St-Thomas comme Jean-Jacques Ehrlen. Dès
1775, Jean Schweighäuser est titulaire d’une chaire de grec et de langues orientales à Strasbourg. Il sera plus tard
professeur de langues anciennes à l’Ecole centrale et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Il est l’auteur
d’éditions critiques des œuvres d’Epictète, d’Hérodote, de Polybe et de Sophocle. (source : Wikipedia)
32
“De situ Paradisi terrestris, ad illustrandum locum Gen. II”, 8 seqq., 1731, in-4.
CEUX DE LA BASOCHE
Revenons maintenant à “Bonne-Gram” : son père, Théophile Engel, le fils du pasteur,
docteur en médecine, avait épousé en 1829 Mélanie Schultz, d’une famille très fortunée
originaire de Riquewihr. Auguste Emile Schultz, son frère, avocat, puis substitut du procureur
général, sera conseiller à la Cour impériale, enfin Président de Chambre à Colmar à la fin de sa
carrière. La fille de ce dernier, Mathilde Emilie Schultz, épousera en 1863 un autre jeune avocat
à la Cour impériale, Camille Méquillet. Ils auront une fille Fanny Méquillet, cousine germaine
de “Bonne-Gram”, bien connue de Danièle et de René pour avoir financé leurs voyages de
noces en Suisse (post mortem33 ! Merci Fanny) !
Selon une note diffusée sur la toile34, la famille Méquillet était originaire du pays de
Montbéliard où elle comptait cinq générations de pasteurs. Cette vocation s’était transmise de père
en fils jusqu'à la Révolution française. L'un d’eux, Jacques Frédéric, vint alors s'installer à
Riquewihr où il exerça le métier de commis aux écritures puis de receveur seigneurial.
C'est dans cette branche alsacienne que nait en 1832 Camille Méquillet , fils d’un autre
Jacques Frédéric, marchand de soieries et de nouveautés à Colmar, et petit-fils du précédent.
Camille choisit la carrière d'avocat (il exerçait près la Cour impériale en 1863) mais s'intéresse
aussi à la viticulture et à l'industrie vinicole: il produit un des meilleurs vins de Riquewihr.
Vivant
simplement,
mais
confortablement,
il
place
ses
économies en achetant régulièrement de nouvelles terres (champs et
vignes). Il possède aussi plusieurs maisons à Riquewihr et une
grande propriété, 2, rue Bruat à Colmar.
Camille Méquillet meurt en 1918 à Genève où il s'était retiré.
Toute sa vie il a fait preuve d'une très grande générosité. C'est
ainsi que son nom est gravé à l'entrée du musée Unterlinden parmi
les donateurs de la société Schongauer, ainsi que sous le passage
couvert de l'hôpital Pasteur parmi les bienfaiteurs des hospices civils
de Colmar.
Sa fille Fanny, née à Colmar le 7 avril 1865, hérite de son père
sa colossale fortune et sa générosité : A la ville de Riquewihr elle fait
don de nombreux terrains situés à Riquewihr, Beblenheim, Hunawihr et Mittelwihr. A la ville de
Colmar elle lègue un parc situé près de la préfecture, qui fait aujourd'hui la joie des tout-petits,
ainsi qu'une splendide bibliothèque. Les hospices civils de Colmar, la communauté protestante de
la ville et le Diaconat bénéficient également de ses largesses.
33
Il semble que Fanny soit restée célibataire et qu’elle ait été fille unique. Mamenie aurait sans doute bénéficié pour une
petite part de l’héritage.
34
COLMAR, Histoire des Hommes célèbres, “etienne.biellmann.free.fr”
Fanny Méquillet, qui a vécu dans la propriété familiale, rue Bruat, jusqu'en 1939, est morte
à Genève le 1er juillet 1950. Son corps repose au cimetière de Colmar à côté de son père et de
son grand-père.
PETER WICHELHAUSEN, L’ASSOCIÉ DES FRÈRES HAUSSMANN
Edouard Chevalier, marchand drapier, le grand-père de Léonie Chevalier, épousait, le 27
mars 1833, Camille Henriette Wichelhausen, 26 ans, fille de feu Peter Wichelhausen35 et de
Marie Salomé Müssel.
Peter Wichelhausen, d’une famille de marchands de Francfort, s’était installé à Colmar au
moment de son mariage en 1799 avec Marie Salomé Müssel, la fille du maire de Colmar.
Pendant quelques années sous le Consulat et l'Empire, en association avec les frères Haussmann,
il avait participé au développement industriel de l’activité d'impression d'indiennes de coton, créée
par ces derniers. L’histoire de cette entreprise mérite d’être brièvement retracée :
En novembre 1775, les frères Haussmann, fils de Balthazard Haussmann, un phamacien
aisé de Colmar d'origine thuringienne, créent, en association avec des banquiers, la société
"Haussmann et Cie" (plus tard "Haussmann, Emerich, Jordan et Cie"), dont l'objet est la
manufacture
de
perses
et
indiennes en toile de lin et de
coton.
Les
établissements
industriels sont établis sur le
canal du Logelbach à Colmar,
sur l'emplacement d'anciennes
tanneries.
L’entreprise
se
développe rapidement : dès
1788, 1 200 personnes y sont
employées et produisent plus
de 50 000 pièces imprimées ;
un
important
redistribution
magasin
est
créé
de
à
Versailles et confié à Nicolas
Haussmann, futur député à
la Convention et aïeul du célèbre baron Haussmann, préfet de la Seine sous le Second Empire.
La Reine Marie-Antoinette elle-même porte alors des étoffes imprimées au Logelbach!
A partir de 1794, les établissements du Logelbach sont particulièrement touchés par le
bouleversement des circuits commerciaux, la dépréciation des assignats et les réquisitions, et en
1798 le volume de la production et celui des effectifs ont diminué des deux tiers.
35
Wichelhausen - Francfort et Colmar: voir tableau généalogique dans Frankfurter Blätter für Familien Geschischte, 1,
1908, pp. 28-29 (exemplaire à la Bibliothèque Municipale de Strasbourg, non consulté)
C'est précisément à cette date que Peter Wichelhausen s’installe à Colmar et qu’a lieu une
restructuration de la société sous l'éphémère raison sociale "Haussmann, Wichelhausen et Cie" ;
elle permet d'éviter de justesse la faillite,
redressement sous la nouvelle
avant que s'amorce à partir de 1805 un lent
dénomination "Haussmann Frères". Le degré d'implication de la
famille Wichelhausen dans ce sauvetage parait être lié à la fondation à Francfort en 1804 d’une
firme de marchands investisseurs nommée “Wichelhausen und Passavant”, dont un des associés
est le jeune Philipp Jakob Passavant (1782-1856), un négociant de Francfort de souche
huguenote, qui se spécialise dans les importations venues de France36. Les établissements
Haussmann retrouveront leur rayonnement de naguère à la Restauration et se lanceront en 1820
dans le tissage industriel du fil de coton; une filature de 32 000 broches sera créée en 1825.
Peter Wichelhausen restera à Colmar : il figure dans l’almanach de 1809 comme
négociant-commissionnaire en toiles peintes, puis en 1811 comme fabricant de toiles peintes. Il
n’est plus cité en 1820, et décèdera à 53 ans dès 1824. Marie Salomé Müssel, son épouse, lui
aura donné 7 enfants, 4 fils et 3 filles, entre 1800 et 1814. Parmi les adultes survivants et en
dehors de Camille Henriette, votre ancêtre, seul semble avoir fait souche à Colmar le frère aîné
de celle-ci, le négociant Pierre Emmanuel Wichelhausen, dont j’ignore s’il a été marié et s’il a
eu des descendants.
36
Les Passavant étaient originaires de Bourgogne, et s’étaient réfugiés à Bâle pour cause de religion au XVIe siècle. Une
branche, celle de Rodolphe-Emmanuel Passavant, né à Strasbourg en 1641, avait fondé à Francfort une maison de
commerce, qui avait prospéré. Elle comptait encore en 1858 plusieurs négociants notables, un médecin renommé, un
artiste de grand talent et deux pasteurs.
A noter qu’un Rudolph Wichelhausen (1722, Brême-1788, Francfort) avait épousé à Francfort en 1749 une Helena
Passavant (1730, Francfort - 1758 Francfort), sans doute une cousine car son père Engelbert Wichelhausen (1679,
Wuppertal - 1760, Brême, 1760) avait lui aussi épousé une Susanna Passavant (1681, Hanau - 1760, Brême) .... les 2
familles étaient donc alliées.
Pour en revenir à Phiilipp Jacob Passavant, dont il est question dans le texte, voici ce que Cécile MendelssohnBartholdy, en voyage de noces avec Félix en 1837, écrit le 2 juillet dans son journal : “Big dinner at Philipp Passavant’s,
.... The old gentleman did the honours very well, and his house and garden are most delightful. After the meal I felt unwell
as usual, and filled Felix’s ears with my complaining. To cheer me up he played for me a great many delightful and merry
pieces by Moscheles.”
LA SOUCHE ARTISANALE ET FABRICANTE :
(BOUTONNIERS, TRICOTEURS, TANNEURS, TONNELIERS ET AUTRES)
Michel Simon Chevalier, votre ancêtre venu de Sedan, épousait à Colmar sous la Terreur nous l’avons vu - Anne Catherine Sitter, la fille de Jean Michel Sitter, citoyen marchand
boutonnier (Knöpfmacher) de la ville, et d'Anne Catherine Kessel, sa femme. Les témoins cités
sont Jean Conrad Kessel, 59 ans, également marchand boutonnier à Colmar et oncle maternel
de la mariée, la soeur de cette dernière, Marie Salomé Sitter, et son beau-frère Guillaume
Pancrace Altherr, qui est marchand drapier comme le marié. Curieusement, Jean Conrad
Kessel et Guillaume Pancrace Altherr sont cités, non comme alliés de l'épouse, mais comme
amis de l'époux. Sans doute est-ce parce que ce dernier n'a pas de témoins de sa propre famille,
mais on notera que Michel Simon a pris femme dans son milieu professionnel, les fournitures de
l’habillement, où il est en pays de connaissance.
La famille Sitter, tout aussi protestante que les précédentes, était établie à Colmar depuis le
début du XVIIIè siècle:
Le grand-père paternel de la mariée, né en 1703 et également prénommé Jean Michel
(Johannes - ou Hans - Michael), qui était bourgeois de Colmar et exerçait la profession de
tricoteur de bas (Strumpfstricker, Hosenstricker), était le deuxième des 8 enfants d'Esaias Sitter,
employé à la Kaufhaus (Köifhus)37
de Colmar, et de Marie-Salomé Nubel. Le père d'Esaias,
Hans Sitter, était bourgeois de Horburg, près de Colmar. Sa femme Marie-Salomé était issue
d'une famille de tanneurs et de chamoiseurs, également protestante, établie à Colmar depuis le
début du XVIIè siècle au moins38 .
La grand-mère paternelle de la mariée, épouse de Jean-Michel, était Marie Cleophé
Hochstetter, d'une famille de passementiers de la ville.
37
L'ancienne Douane de Colmar, ou Koïfhus, servait à dédouaner et à entreposer les marchandises (Kaufhaus=
magasins/entrepot). A l'étage, il’immeuble abritait l'administration municipale. Le bâtiment sud fut construit entre 1450 et
1480. Il a servi d'hôtel de ville entre 1698 et 1866.
La Kaufhaus se trouve vis à vis les n° 23/25 de la Schädelsgasse (Kaufmannsgasse ou rue des Marchands), précisément en
face de la maison Chevalier.
38
Son grand'père maternel, Samuel Gsell, chamoiseur de profession, avait été "Ratsverwandter" (intendant du conseil de
Colmar) au début du 17è siècle.
Du coté maternel de la mariée, les Kessel étaient originaires de Riquewihr, où son grand-père,
prénommé Johann Conrad (comme son oncle), était aubergiste à l'enseigne du Cerf (zum
Hirsch). La famille s'établit dans le commerce de la boutonnerie à Colmar au cours de la deuxième
moitié du XVIIIè siècle, et plusieurs de ses membres ou alliés se distinguèrent pendant les
campagnes de l'Empire: l'oncle de la mariée, le boutonnier Jean Conrad Kessel avait épousé
Anne Marie Rapp, la soeur de son confrère boutonnier Jean Rapp, dont le fils devait devenir le
général d'Empire (et Pair de France) Jean Rapp (1771-1821). Par ailleurs, leur propre fils JeanJacques Kessel (1772-1847), cousin germain de la mariée (et du général Rapp par sa mère),
devait lui aussi devenir officier d'Empire et fut nommé maréchal de camp 39 à la Restauration.
Les états de service de ces deux militaires figurent ci-dessous.
Quant à
Marie Salomé Müssel, l’épouse de Peter Wichelhausen, sus-nommé, nous
connaissons également son ascendance : son père, Emmanuel Müssel (1739-1826), lui-même
39
L'équivalent de notre général de brigade actuel.
négociant en toiles, était issu d'une famille (Müssel, Maüsel, Müsel), protestante40 , de
boutonniers (comme l'étaient les Sitter, les Kessel et les Rapp) venant de Wissembourg (Cron
Weissenburg) dans l'Alsace du nord. Le grand-père d'Emmanuel, Jean Joseph Müssel41 , avait
épousé à Colmar en 1692 Marie Salomé Kleinheintz, dont le père Lorentz et le grand-père
Jacob Kleinheintz (une famille originaire de Kirchberg) étaient tous deux bourgeois de Colmar et
respectivement tonnelier et meunier. Les Kleinheintz étaient eux-mêmes alliés à des relieurs
colmariens du nom de Scherger, venus de Wertheim en Franconie à la fin du 16è siècle, ainsi qu'à
des familles d'orfèvres, bourgeois de Colmar, les Frey et les Küsslein, tous protestants.
Emmanuel Müssel, quant à lui, avait épousé Marie Salomé Schmucker dont le père,
Jean-Jacques Schmucker, bourgeois de la ville, était chamoiseur (Weissgerber).
Emmanuel Müssel était un notable aisé, de profession négociant en toiles. De 1786 à
1789, il avait fait partie de l'ancien conseil de la ville de Colmar, où il avait remplacé, le 12
septembre 1786, le conseiller Jean Philippe Salzmann. Il s'était éclipsé lorsque le régime s'était
radicalisé. Son choix sous le Directoire comme président de la municipalité de Colmar en dit long
sur le nouveau climat politique local, plus modéré. Dans cette fonction il avait présidé, lors de la
fête du premier jour de l'An III (22 septembre 1795), aux fêtes patriotiques organisées au Champ
de Mars de Colmar, et y avait lu à la foule la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Juge au Tribunal de Commerce de Colmar, le négociant s'éteignit le 13 juin 1826, à 77 ans.
40
Le grand'père maternel d'Emmanuel, Emmanuel Scheurer, était pasteur et membre du conseil consistorial à
Sundhoffen.
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En 1696, un Johann Josef Müssel, probablement celui-ci, avait acheté pour 1 000 florins la “maison verte” (zum
grünen Hause), au 34, rue des Marchands (entrée en plein cintre, maison ainsi nommée en 1372) à un certain Ulrich
Bösner. L'occupant le plus célèbre de cette maison fut sans aucun doute Caspar Isenmann, qui s'y fit admettre en
bourgeoisie en 1435. On sait que maître Caspar créa de 1462 à 1465 le maître-autel de l'église Saint-Martin (dont
quelques panneaux en bois, peints des deux côtés, sont conservés au Musée Unterlinden).
La maison appartenait en 1516 à maître Paulus Schongauer, frère du célèbre peintre Martin Schongauer.
.
LA GLOIRE MILITAIRE : LES GÉNÉRAUX DU CONSULAT ET DE L’EMPIRE
Jean Rapp (1771-1821), Comte de l’Empire42,
dit “le Sabreur de Napoléon”.
Jean Rapp naît à Colmar le 27 avril 1771, quatrième de dix enfants, au foyer de Jean Rapp
et de Catherine-Salomé Edighoffen, tous deux issus de vieilles familles bourgeoises de la ville.
Son père, l’honorable fabricant de boutons mentionné plus haut, est également fonctionnaire
municipal et vit dans une dépendance du Koïfhus, ce qui lui vaut aujourd'hui de figurer sous la
dénomination de « concierge » dans bien des biographies de son fils !
Ses parents, de confession luthérienne, souhaitant faire de lui un pasteur, Rapp suit de
solides études secondaires, durant lesquelles il fait la connaissance de Kléber. Mais, turbulent et
doté d'une force extraordinaire, le jeune homme, dont deux oncles servent dans l'armée royale,
finit par choisir la carrière militaire. À dix-sept ans, en mars 1788, il s'engage dans un régiment de
cavalerie, les chasseurs des Cévennes, stationné près de Colmar.
Bien qu'il se distingue par son intrépidité et ses blessures, il lui faut
attendre avril 1794 pour être élu sous-lieutenant puis lieutenant. Un an
plus tard, en mai 1795, gravement blessé de plusieurs coups de sabre
sur la tête et le bras gauche, le temps de la retraite lui semble venu.
C'est pourtant alors que sa carrière prend son vrai départ : un oncle (un
autre), lui fait obtenir une affectation comme aide de camp provisoire du
général Louis Charles Antoine Desaix (19 décembre 1796).
Sous celui-ci, il défend d'abord le fort de Kehl, y récoltant une
nouvelle blessure, un coup de feu au genou droit. En mai 1797, son affectation auprès de Desaix
est confirmée et s'accompagne d'une promotion. C'est le capitaine Rapp qui accompagne son chef
en Italie quelques mois plus tard, et y fait, à Passariano, près de Campo-Formio, la rencontre de
Napoleon Bonaparte.
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Tout ce qui concerne Jean Rapp est, pour l’essentiel, une reproduction in extenso de l’article tiré de “ Personnalités du
Consulat et de l’Empire” sur la toile (http://www.napoleon-empire.net/personnages/rapp.php), dont le sérieux ne paraît
pas laisser à désirer. Même si Jean Rapp n’est qu’un cousin par alliance, son caractère hors du commun, tout comme sa vie
au service de son pays, méritent qu’il soit évoqué ici.
Desaix emmène ensuite son aide de camp en Egypte. Rapp fait la traversée sur la frégate
La Courageuse, à bord de laquelle il fréquente Gaspard Monge et Dominique Vivant-Denon,
dont il sait se faire apprécier. Présent à tous les combats (Malte, débarquement d'Alexandrie,
bataille des Pyramides), il y brille par son courage et sa résolution. A Sédiman, le 8 octobre 1798,
il est nommé chef d'escadron après s'être emparé avec ses hommes de l'artillerie turque. Le 22
janvier suivant, à Samahoud, une nouvelle blessure lui vaut bientôt le grade de chef de brigade
(colonel). Il assure ensuite la liaison entre Kléber et Desaix, après le départ de Bonaparte,
durant les négociations qui précèdent l'armistice d'El-Arish (28 janvier 1800).
Pris par les Anglais le 4 mars 1800, en même temps que Desaix, sur le brick qui les ramène
en France, il est libéré le 29 avril et ne rejoint l'armée d'Italie, le 11 juin, que pour y voir mourir
son chef et ami, le 14, à Marengo (le même jour, il perd un autre camarade, au Caire, avec
l'assassinat de Kléber).
Bonaparte se l'adjoint alors comme aide de camp, titre que Rapp gardera jusqu'en 1814.
Le premier Consul s'attache à ce garçon placide dont la liberté de ton s'accompagne d'un solide
bon sens.
Durant les années qui suivent, Jean Rapp se voit confier les tâches les plus diverses :
mission d'information en Vendée (juillet-août 1800) ; organisation et commandement de
l'escadron des Mamelouks (1801) à Marseille puis aux Tuileries ; missions en Suisse (1802, 1803),
en Belgique (1803), en Hanovre et sur les bouches de l'Elbe (1803) ; mission à Toulon auprès de
Ganteaume, préfet maritime (1803-1804) ; tournée au Luxembourg avec Napoleon en 1804 ;
enquête sur le mécontentement de la Garde, la même année.
Le 29 août 1803, Rapp est nommé général de brigade ; le 14 juin 1804, il est commandeur
de la Légion d'honneur ; le 28 mars 1805, sur ordre de l’Empereur, il épouse Rosalie-BarbeJosèphe Vanlerberghe (quatorze ans et un million de dot !).
L'année 1805 est celle du retour sur les champs de bataille. A Austerlitz, à la tête de ses
mamelouks, Rapp charge et met en déroute la cavalerie de la garde impériale russe. Blessé, il est
cité dans le bulletin de la Grande Armée et promu général de division (24 décembre 1805).
Austerlitz : le general Rapp rend compte à l’Empereur de sa charge victorieuse
Une fois passées les festivités du mariage de son ami le prince Eugène (14 et 15 janvier
1806), diverses missions d'inspection en Allemagne occupent Rapp durant les premiers mois de
1806, après quoi Napoleon 1er le nomme au commandement de la 5ème division militaire, à
Strasbourg (6 juillet). Il y reste peu. Le 29 septembre lui parvient l'ordre de se mettre en route. La
campagne de Prusse commence. Fin octobre, il est à Berlin où il dirige la recherche des trésors du
roi de Prusse.
La campagne de Pologne, qui suit aussitôt, le voit s'illustrer par la destruction de la cavalerie
russe du général Kamensky (24 décembre) et la prise de Golymin (26 décembre). A nouveau
gravement blessé au bras lors de ce dernier fait d'armes, Rapp – qui détient le record des
blessures pour un général, de même qu'Oudinot pour les maréchaux – refuse de se laisser
amputer.
Nommé gouverneur de Thorn puis, le 28 mai 1807, de Dantzig 43 , place à laquelle l'Empereur
déclare accorder « une importance sans mesure », Rapp manifeste dans ces postes une
modération que Napoleon n'apprécie guère. Mais le mécontentement impérial n'émeut pas son
flegmatique aide de camp, d'autant que cette mauvaise humeur n'a aucun effet négatif sur le flot
des faveurs dont Rapp est l'objet : octroi d'un titre de comte de l'Empire (28 janvier 1809) et
considérables dotations.
43
Il y remplace le maréchal Lefebvre
Début 1809, Rapp rejoint l'armée pour la campagne d'Autriche. Son action est décisive à
Essling où il rétablit la situation à la tête des fusiliers de la Garde. Elle ne l'est pas moins le 12
octobre, à Schönbrunn, lorsqu'il empêche l'assassinat de Napoleon par Friedrich Staps.
En juin 1810, Jean Rapp reprend son commandement à Dantzig, après avoir passé plusieurs
mois à Paris sans pouvoir, pour cause de maladie, participer aux festivités du mariage de
Napoleon et Marie-Louise. En août, il est nommé grand-officier de la Légion d'honneur, ce qui,
avec la Couronne de Fer reçue en 1807, les grand-croix des ordres du Lion de Bavière, du Mérite
militaire de Maximilien-Joseph, de l'ordre de la Fidélité de Bade, de l'ordre des Deux-Siciles, plus
tard de l'ordre de la Réunion (3 avril 1813) et le grade posthume de commandeur de l'ordre de
Saint-Louis, fait de lui un des militaires les plus décorés de son temps.
Peu avant la campagne de Russie, Napoleon 1er lui commande un rapport sur l'état d'esprit
des Allemands. Le gouverneur de Dantzig, sans se soucier de susciter à nouveau le
mécontentement impérial, y annonce sans fard que tout échec de l'expédition aménerait sans
tarder la défection des princes germaniques alliés de la France.
Rapp, à qui Napoléon reproche de n'avoir plus envie de faire la guerre et qui en convient,
n'en suit pas moins son souverain en Russie et reçoit, à la Moskova, quatre blessures en une heure
et demie, ce qui porte son total à vingt-deux. A peine rétabli, il sauve à nouveau la vie de
Napoleon en repoussant une attaque de cosaques à Gorodina, le 25 octobre. Durant la retraite, il
combat à l'arrière-garde, auprès du maréchal Ney, et y gagne une nouvelle blessure à la bataille
de la Bérezina (28 novembre). Le 5 décembre, l'Empereur lui annonce son départ pour Paris et le
renvoie à Dantzig,
Enfermés dans la ville, Rapp et les 32 000 hommes du Xème corps, dont il vient de reçevoir
le commandement, subissent un siège de près d'un an44 . Quand ils se rendent aux Russes, le 1er
janvier 1814, il reste au gouverneur de Dantzick moins de 6 000 soldats. Tous, ainsi que leur
général, sont conduits en Ukraine et internés, au mépris des termes de la capitulation.
L'ancien aide de camp de Bonaparte rentre à Paris en juillet 1814 et se rallie à Louis XVIII
qui lui confère le titre de chevalier de l'ordre de Saint-Louis et la grand-croix de la Légion
d'honneur. En mars 1815, Rapp reçoit le commandement du 2ème corps, destiné à arrêter
Napoleon. Mais ses soldats refusent de combattre. Rapp accompagne le roi jusqu'à Ecouen,
rentre à Paris, remet ses troupes à la disposition du ministère de la Guerre, puis, après une
entrevue avec l'Empereur aux Tuileries, le 22 mars, reprend du service auprès de lui.
44
Dans une relation détaillée du siège par Prosper Honoré d’Artois, il est noté la circonstance suivante : de malheureux
civils dont les provisions étaient épuisées avaient tenté de quitter la ville assiégée, mais repoussés par les les assiégeants,
ils étaient restés plus de 10 jours, sans nourriture et sans abri d’aucune sorte, entre les avant-postes. Beaucoup moururent
de faim ou de froid. Le général Rapp ne put rester plus longtemps témoin de ces scènes affreuses : il les fit rentrer à
Dantzig et distribuer quelques secours. Le gouverneur nourrit à ses frais pendant le blocus et le siège 50 indigents. Le jour
de la St.Napoléon, le 15 août, il avait donné 6 000 livres de pain pour être distribuées aux pauvres.
Placé à la tête du 5ème corps d'observation (rebaptisé armée du Rhin le 16 avril), ainsi que
de la 5ème division militaire, Rapp arrive à Strasbourg le 7 avril 1815 et y déploie aussitôt une
intense activité, récompensée par le titre de pair de France, octroyé le 2 juin. Encore a-t-il trouvé
le temps de se faire élire à la chambre (13 mai).
Quand les hostilités commencent, malgré la faiblesse des forces dont il dispose face à celles
des Alliés, il prend l'offensive dès la nouvelle de la victoire de Ligny (16 juin). Mais celle de la
défaite de Waterloo lui impose de se replier sur Strasbourg, ce qu'il fait en bon ordre et non sans
obtenir quelques succès locaux. Le 29 juin, la ville est investie mais Rapp ne cède que le 22 juillet,
bien après l'abdication, par souci de conserver l'Alsace à la France.
Tenu à l’écart quelque temps, Rapp profite de sa mise en non-activité pour se retirer en
Suisse, où il achète en 1816 le château de Wildenstein et se remarie (il a divorcé de sa première
épouse en 1811). Lorsque le danger des réactions s’estompe, il revient à Paris en 1817. Louis
XVIII le nomme à la chambre des Pairs en 1819 ; en 1820, il en fait son premier chambellan et le
maître de sa garde-robe.
Jean Rapp meurt à Rheinwiller, dans le pays de Bade, le 8 novembre 1821, d'un cancer du
pylore (dénommé squirre en ce temps-là). Il est enterré au cimetière du Ladhof, à Colmar.
Peu après sa mort, sa famille publie ses Mémoires autographes, dans lesquelles, dans les
descriptions précises et établies qu’il fait de ses campagnes, transparaissent notamment
l’admiration et la tendresse qu’il éprouve pour la personne de Napoléon Bonaparte45 .
* * *
Durant toute sa carrière, Rapp conserva son franc-parler, n'hésitant pas à contredire
Napoleon à l'occasion.
Ainsi, après la signature du Concordat, Bonaparte affirmant : « Tu iras à la messe
maintenant », Rapp lui répondit : « Non, mon général. C'est bon pour vous. Au surplus, pourvu
que vous ne nommiez ces gens-là [les prêtres] ni vos aides de camp ni vos cuisiniers, je m'en
fous. »
46
De même, après le combat de Golymin, l'Empereur étant venu le voir. « Eh bien, Rapp, tu es
encore blessé, et toujours au mauvais bras. » - « Cela n'est pas étonnant, Sire, toujours des
batailles. »
A Dantzig, peu avant la campagne de Russie, Napoleon ayant observé : « Je vois bien que
vous n'avez plus envie de faire la guerre. » - « J'en conviens, Sire ».
45
Mémoires du Général Rapp, Aide-de-Camp de Napoléon, écrits par lui-même et pibliés par sa Famille, Bossange frères
et F. Didot, Paris & Francfort 1823. (L’édition originale a été reproduite in extenso à l’adresse internet
http://www.archive.org/stream/mmoiresdugnralr00bulogoog#page/n7/mode/1up.)
46
Jean Rapp n’avait jamais renié ses convictions luthériennes : membre du consistoire de Paris, il allait êttre élu viceprésident de la Société biblique de France.
Pendant la retraite de Russie, à Smolensk, Napoleon lui ayant dit : « Tu peux être
tranquille, maintenant, tu ne seras pas tué dans cette campagne. » - « Mais je pourrais bien être
gelé. »
* * *
Le nom de Rapp est inscrit sur la 14ème colonne (pilier Est) de l'arc de triomphe de l'Étoile.
* * *
La statue monumentale du général Rapp qui se dresse à Colmar est la première oeuvre
publique du sculpteur Auguste Bartholdi.
Jean-Jacques KESSEL (1772-1847)
.
Jean-Jacques Kessel, le fils de Jean Conrad Kessel et d’Anne-Marie Rapp, est né à
Colmar le 10 février 1772, à peine 10 mois après son cousin germain Jean Rapp.
Il s'engage comme volontaire en 1792. Après avoir franchi les premiers échelons militaires, il
entre en 1800, comme lieutenant, dans la garde des consuls, où il est promu capitaine à la fin
de1802. Après avoir servi au camp de Boulogne, il combattra avec la Grande Armée en Autriche,
en Prusse et en Pologne, et sera présent aux batailles d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau,
d’Heilsberg et de Friedland. Il fera un court passage en Espagne en 1808, puis reviendra participer
à la bataille de Wagram, avant de retourner à l’armée d’Espagne en 1810.
En 1812, il est promu chef de bataillon au 2è régiment de conscrits chasseurs de la Garde
impériale, combat en Russie et se signale à la prise de Smolensk les 16 et 18 août. Le 8 octobre, à
Moscou, l’Empereur le nomme colonel. Après la désastreuse retraite de Moscou, le maréchal
Berthier lui donne l’ordre en octobre 1812 de se rendre à Dantzig pour y commander le fort de
Weichselmünde, baptisé fort Desaix. Il restera dans la place jusqu'à sa capitulation en janvier
1814.
A la première Restauration, le colonel Kessel reçoit le grade de maréchal de camp (général
de brigade), en demi-solde de non-activité. Rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours, il est
d’abord chargé d'organiser la Garde nationale dans le département du Haut-Rhin, puis affecté dans
la division de réserve de l'armée du Rhin. Il sera de nouveau mis en disponibilité après le désastre
de Waterloo.
Le général Kessel a été conseiller général du Bas-Rhin et membre de la commission
administrative des Hospices civils de Strasbourg jusqu’à son décès à Strasbourg en 1847.
Nommé Chevalier de l’Empire en 1808, Kessel avait été promu Officier de la Légion
d’Honneur en 1812.
Dans sa Biographie des Hommes du Jour (Krabbe, Paris, 1837), Germain Sarrut dit de lui :
“On assure que le général Kessel fut un brave soldat, on devrait ajouter qu'il fut tout au
moins aussi heureux que brave ; car, dit le chevalier de Courcelles dans son Dictionnaire des
Généraux français : * Bien qu'il ait souvent affronté le feu et les armes de l'ennemi, il n'a jamais
reçu aucune blessure. » Peut-être alors est-il permis de croire que le général Kessel a dû en
partie son avancement dans l'armée à sa proche parenté avec le général Rapp, que Napoléon
affectionnait d'une manière toute spéciale.”
___________________
Cette note, achevée en décembre 2010, reste éventuellement à compléter, les données
disponibles actuellement pour en faire une “belle histoire” n’ayant pas, et de loin, été toutes
exploitées.
Bonne lecture quand même !
Jean CLEMENT
2 décembre 2010
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