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Colloque international de Yaoundé-ESSTIC
La désobéissance épistémologique
Chris&anDjoko
UniversitéLaval(Canada)
Constat de départ (I)
Jusqu'aux alentours de 1500, le monde était
polycentrique et non capitaliste. On y recensait
une multitude et une diversité de centres. Aucune
civilisation ou culture n’avait les velléités
impérialistes à cette époque.
Constat de départ (II)
-  La modernité occidentale ordonnée autour de
Descartes n’a pas été sans conséquence depuis 5
siècles dans la configuration des épistémologies,
l’ordonnancement des schémas narratifs de
l’Histoire et la construction des imaginaires et
perceptions du monde par différents peuples à
travers la planète. Par conséquent, il y aurait un
intérêt certain à les (ré)questionner, et ce, au-delà
des « évidences » dogmatiques.
Hypothèse
La désobéissance épistémologique comme
condition de pensabilité et de plausibilité de
la justice cognitive et de la valorisation des
savoirs locaux.
Première partie :
Matrice coloniale de pouvoir
A- Je pense donc je suis
- La naissance et la trajectoire de la colonialité du pouvoir sont
consubstantiellement liées à celles de la Modernité. Cette
période de l’histoire occidentale est marquée par l’autoexaltation de l’ego cogito européen. Descartes en prenant
appui sur la pensée comme référent principal (« Je pense donc,
je suis »), découvre qu’il existe.
- Il se représente cet « exister » comme un moment qui
l’excepte du reste du monde, tout en lui confiant de fait, le
statut de seul sujet pouvant se représenter tous les autres étants
du monde. Ainsi, il saisit depuis « le regard de Dieu », la
nature et les autres hommes, comme des objets au sens strict
de ce que le sujet s’objecte. Puis, il en dessine les contours, les
fonctions, les finalités « prétendument universel »
B- De l’égo cogito à l’égo conquero
Sur la base de ce geste autoreférentiel, de sa
propre auto-exaltation, l’Égo cogito (blanc/
européen/hétérosexuel/capitaliste/militaire/
chrétien/patriarcal/) s’est donné pour tâche de
civiliser, mesurer, classifier, qualifier et de
hiérarchiser aussi bien les savoirs, les habitants
que les modes de gouvernances de la planète
suivant les termes de la rationalité européenne.
Les peuples non-européens sont pour ainsi dire passés :
[…] de peuples sans écriture (pictographie) au 16ème
siècle, aux peuples sans civilisation du 19e siècle, puis
aux peuples sous-développés au milieu du 20ème siècle
et maintenant, au début du 21ème siècle, nous avons les
peuples sans démocratie. Nous sommes passés des
droits des peuples (voir le débat Sepulveda/de las
Casas) au 16ème siècle, aux droits de l’homme pendant
le 18ème siècle, puis aux droits humains à la fin du
20ème siècle
(Walter Mignolo)
C- L’obscurité des « Lumières » -  La proximité entre la raison et la violence impériale
que consacre entre autres la Modernité, forme le point
d’origination de la matrice coloniale du pouvoir
-  « [Dans] son incapacité à reconnaître et accepter l’autre
comme tel, son refus de laisser subsister ce qui ne lui
est pas identique […]la raison occidentale renvoie à la
violence comme à sa constitution et son moyen, car ce
qui n’est pas elle-même se trouve en “état de péché” et
tombe dans le champ insupportable de la
déraison » ( Pierre Clastres)
Deuxième partie
Le triomphe de l’épistémologie
du « point zéro »
Le triomphe de l’épistémologie du
« point zéro » (I)
- Le triomphe des épistémès, des religions et des
subjectivations européennes est coextensif à un
processus d’effacement historique du lieu
épistémique d’énonciation et de localisation
géopolitique et corpo-politique du sujet qui parle/
énonce des propositions.
Le triomphe de l’épistémologie du « point
zéro » (II)
-  L’hybris del punto Cero, c’est-à-dire l’hybris du
point zéro (Santiago Castro-Gomez) fait référence
au processus à travers lequel une épistémologie
particulière, géographiquement et historiquement
située s’est exportée et imposée impérialement
sous la forme d’un discours universaliste. Le triomphe de l’épistémologie du « point
zéro » (III)
-  Une tentative d’universaliser un point de vue
particulier, présenté comme n’étant pas juste un
parmi tant d’autres. C’est l’idée d’un sujet qui se
pense en dehors des catégories de l’espace et de
l’incontournable conditionnement historique
culturel ou social d’un Je entrain de penser. Le triomphe de l’épistémologie du « point
zéro » (IV)
« Dans la philosophie et dans les sciences occidentales, le sujet qui
parle reste toujours caché, recouvert, effacé de l’analyse. La
localisation ethnique, sexuelle, raciale, de classe ou de genre du
sujet qui énonce est toujours déconnectée de l’épistémologie et de la
production des connaissances. Par l’effacement de la localisation du
sujet dans les relations de pouvoir et dans son rapport à
l’épistémologie, la philosophie occidentale et ses sciences
réussissent à produire un mythe universaliste qui recouvre, ou plutôt
qui cache, les localisations épistémiques dans les relations de
pouvoir à partir desquelles le sujet parle ». (Ramon Grosfoguel)
Troisième partie
Implications et conséquences
Implications et conséquences (I)
La prédominance planétaire dans tous les
domaines de la connaissance -aujourd’hui- des
modèles occidentaux est inversement
proportionnelle la place (non place) des savoirs
locaux au sein de l’université occidentale. Ils
s’élancent vers l’universel tel le point de vue de
Dieu et parviennent à imposer des connaissances
totalisantes et hégémoniques.
Implications et conséquences (II)
En Afrique, l’acculturation
épistémologique, le déracinement et le
nœud coulant de l’assimilationniste
culturelle sont encore plus dramatiques. Les
disciplines académiques ont partout diffusé,
institutionnalisé et codifié les systèmes
occidentaux de savoir. - 
Implications et conséquences (III)
Faire tout un bacc en philo sans un cours de philo
africaine.
-  Certains accords en matière de coopération
éducative :
« l’école constitue des courroies de transmission de
l’idéologie de la domination. Ainsi, par exemple, le
contrôle de l’enseignement supérieur prévu dans les
accords de coopération dénote de la volonté de
contrôle des esprits. Peu de moyens sont ainsi
consacrés à la recherche » (Joseph Vincent Ntuda)
Implications et conséquences (IV)
• 
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Le viol de l’imaginaire et le complexe psychoexistentiel
La phénoménologie du capital symbolique et aux expressions populaires :
«j’aime les manières du gars là, il se comporte comme un blanc massa».
(Cameroun)
En République Démocratique Congo, on entend couramment dire en lingala
«Mundele se mundele» et Mutu mwindu seko. (le Blanc restera toujours le Blanc,
car il est irrattrapable et le Noir ne sera jamais que le Noir tellement il manque
d’habileté).
Osungu - Blanc -, qui est employé par la tribu des Atetelas au Congo pour qualifier
quiconque est perçu comme un intellectuel, un patron, un nanti, un homme
d’affaires.
Implications et conséquences (V)
•  L’Africain a développé sur plusieurs générations un complexe
d’infériorité civilisationnelle qui assimile idéologiquement la
civilisation des maîtres d’hier à la modernité (rationalité, progrès,
développement, etc.) et sa culture à la tradition (irrationalité,
archaïsme, anachronisme, etc.).
• 
«L’on s’imagine l’Occident comme cette « terre qui ruisselle de lait
et de miel», comme ce lieu où l’on finit toujours par s’en sortir -…Cette imagination africaine de l’Occident repose sur une
polarisation qui tend, me semble-t-il, à fonctionner comme une sorte
de structure mentale collective : l’« enfer des Noirs» opposé au «
paradis des Blancs» » (Ludovic Lado).
Implications et conséquences (VI)
- De nombreux citoyens et chercheurs sont victimes d’une cécité
sclérosante, qui entrave toute pensée créative qui s’élaborerait en
dehors des schémas du maître.
«Chez le nègre, il y a une exacerbation affective, une rage de se
sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le
confinent dans une insularité intolérable… Pour lui il n’existe
qu’une porte de sortie et elle donne sur le monde blanc. D’où
cette préoccupation permanente d’attirer l’attention du Blanc, ce
souci d’être puissant comme le Blanc, cette volonté déterminée
d’acquérir les propriétés de revêtement, c’est-à-dire la partie
d’être ou d’avoir qui entre dans la constitution d’un moi….C’est
de l’intérieur que le Noir va essayer de rejoindre le sanctuaire
blanc.» (Fanon)
Implications et conséquences (VII)
- 
Les subalternes contribuent au triomphe de la matrice coloniale de
pouvoir.
La Modernité est un phénomène planétaire et non strictement européen,
auquel les “barbares” fabriqués par les discours de la modernité ont aussi
contribué même si leur contribution n’a pas été répertoriée.
- 
Au niveau des relations internationales (Union européenne, ÉtatsUnis d’un côté et Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud d’un
autre côté), c’est précisément la dispute pour le contrôle de la
matrice coloniale du pouvoir.
Quatrième partie
Pour une désobéissance
épistémique
Pour une désobéissance épistémique (I)
-  L’épistémè constitue le nœud gordien de la
matrice coloniale du pouvoir. Il y a une
« complicité entre les formations disciplinaires et
la matrice coloniale de pouvoir, en particulier
dans le domaine du contrôle de la connaissance et
la subjectivité ». C’est à ce niveau qu’il faut
mener la bataille contre les structures de
domination de la pensée occidentale.
Pour une désobéissance épistémique (II)
Que veut dire désobéir épistémologiquement
? La
grammaire de la désobéissance est simple : « il
faut apprendre à désapprendre, pour pouvoir
apprendre à nouveau ». C’est une démarche
indisciplinée voire irrévérencieuse qui entend
déconstruire les fondations idéologiques des
disciplines qui ont été occultées depuis la Modernité
par la rhétorique de l’objectivité, de la science et de
la neutralité.
Pour une désobéissance épistémique
(III)
-  La désobéissance épistémologique
vise à
« provincialiser » la pensée occidentale : Elle
crée une distorsion dans la géographie de la
Raison universalisante et impériale de
l’Occident. La production des connaissances se
fait toujours à partir ou à l’intérieur des
mémoires et des subjectivités nécessairement
temporalisées et spatialisées.
Pour une désobéissance épistémique
(IV)
-  Toute pensée qui revendique la fonction
méta et prétend par la même occasion
énoncer l'Universel, ne doit pas oublier
que l'universel est un concept de l'énoncé,
mais l'énoncé n'est pas nécessairement
universel.
Pour une désobéissance épistémique (V)
•  Nota Bene :
-  Il ne s’agit de rejeter ou ignorer les disciplines. Ce qui serait
tout à fait absurde dans le champ de l’éducation supérieure.
Il n’est pas non plus question de nier tout ce que la pensée
occidentale a apporté à l’humanité en termes de savoirs.
-  la décolonisation ne se limite pas à une rupture épistémique
(Foucauld) à travers laquelle à un changement de paradigme
(Kuhn) à l’intérieur d’un système monotopique impérialiste.
Elle requiert une sortie de la clôture, un acte
d’extériorisation par rapport à l’auto-bio-graphique
postmoderne de la Modernité.
- 
Pour ne pas conclure (I)
à nos jours,
L’histoire, de la Modernité
est une
rhétorique de salvation qui a mis l'Europe — et les
États-Unis plus tard — au centre du monde. Cette
histoire occidentale se présente aujourd’hui encore
comme la marche naturelle de l’Histoire mondiale.
-  En camouflant la localisation spatio-temporel du sujet
qui énonce, la rhétorique de la Modernité va construire
des modèles de connaissance (théologie, philosophie,
économie, science, etc.) qui seront imposés au reste de
l’humanité comme étant des domaines naturels de
l'histoire ; ontologiquement existants et non-construits
par une pensée régionale.
Pour ne pas conclure (II)
-  Mettre en évidence d’autres foyers de
savoirs qui ne sont pas issus de la
généalogie de la pensée occidentale
hégémonique et qui sont réduits
depuis la Modernité à la subalternité,
à la clandestinité voire à l’indignité. Pour ne pas conclure (III)
« Au-delà de l’absence d’archives matérielles, que nous trouvons
dans les bibliothèques et les musées qui soutiennent la démarche
positive de la recherche et de l’enseignement, nous trouvons aussi,
dans les mémoires, la rumeur des déshérités et des damnés, qui n’est
pas inscrite sur les papiers et les DVD. Ces mémoires se retrouvent
dans le corps et dans la transmission orale matérielle des
communautés que la rhétorique de la modernité a poussé hors de
l’histoire.
Autrement dit, il y a des mémoires en dehors de l’histoire autoréférentielle de la modernité. La colonialité les a occultées à partir
de la rhétorique de la modernité. C’est-à-dire sur la base de l’idée
qu’il y a des peuples sans histoires [et inférieures] » (Walter
Mignolo)
Pour ne pas conclure (IV)
« Tant que les lions n’auront pas leurs
propres historiens, les histoires de chasse
continueront de glorifier le chasseur. »
(Proverbe africain).
Merci pour votre attention
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