Tumeurs des os primitives et secondaires

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TUMEURS DES OS PRIMITIVES ET SECONDAIRES
AUTEUR : Pr Laffosse Jean-Michel
ITEM ECN :
• Ancien programme (2014-2015) : Module 10 / Item 154 Tumeurs des os primitives et
secondaires. Diagnostiquer une tumeur des os primitive et secondaire
• Nouveau programme (2016 et après) : Unité d’Enseignement 9 / Item 304 Tumeurs des
os primitives et secondaires. Diagnostiquer une tumeur des os primitive et secondaire
OBJECTIFS DE L’ECN : Diagnostiquer une tumeur des os primitive et secondaire
PLAN :
1. INTRODUCTION – GENERALITES
2. CARACTERISTIQUES COMMUNES DES TUMEURS OSSEUSES
2.1. Epidémiologie
2.2. Diagnostic positif
2.3. Pronostic
3. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENTS DES TUMEURS OSSEUSES PRIMITIVES
3.1. Terrain
3.2. Circonstances de découverte d’une tumeur bénigne primitive
3.3. Démarche diagnostique
3.4. Principes thérapeutiques
4. EXEMPLES DE TUMEURS PRIMITIVES DES OS
4.1. Tumeurs bénignes
4.2. Tumeurs malignes
5. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENTS DES TUMEURS OSSEUSES SECONDAIRES
5.1. Epidémiologie – Importance du problème
5.2. physiopathologie
5.3. Circonstances de découverte
5.4. Signes radiographiques
5.5. Diagnostic et Bilan
5.6. Traitement
6. CONCLUSION
Annexes 1 à 4
1
1. INTRODUCTION - GENERALITES
Le tissu osseux peut donner lieu au développement de tumeurs bénignes ou malignes. Les tumeurs
primitives sont généralement découvertes chez des adultes jeunes, des adolescents, voire des
enfants. Il peut aussi s’agir de tumeurs secondaires appelées alors métastases osseuses qui restent
les plus fréquentes des tumeurs après 50 ans. Il peut enfin être le siège du développement tumoral
de lymphome malins (QS UE 9 item 316) ou en plus fréquemment de myélome multiple (QS UE 9
Item 317).
Le plus souvent les circonstances de découverte sont la douleur, plus rarement il s’agit d’une
tuméfaction osseuse ou d’une fracture « pathologique » soit spontanée soit à la suite d’un
traumatisme minime. Il peut aussi s’agir d’une découverte radiologique fortuite ou dans le cadre
d’un bilan d’extension, sous la forme d’une plage d’ostéolyse, d’une zone d’ostéo-condensation, ou
encore d’une image mixte.
Une des principales questions à laquelle il faudra répondre est la bénignité ou la malignité de la
tumeur. Les données cliniques et d’imagerie permettent d’orienter le diagnostic, mais en dehors de
cas particuliers dont l’aspect radiologique est pathognomonique ou dont le contexte est très
évocateur (bilan d’une néoplasie primitive), le seul élément de certitude reste l’examen
anatomopathologique d’un fragment tumoral (on parle de biopsie) ou de la pièce opératoire. Aussi,
devant la découverte d’une lésion radiologique osseuse d’allure tumorale, une démarche permettant
un diagnostic histologique de certitude doit être mise en place.
Cliniquement, la notion d’une évolution lente ou des douleurs absentes ou purement diurnes, de
rythme mécanique, ou purement nocturnes sont plutôt en faveur d’une tumeur bénigne, sans
certitude cependant. Des douleurs avec un rythme inflammatoire et une intensité croissante, ou s’il
apparaît des signes de compression nerveuse (médullaire, radiculaire ou tronculaire) ou d’altération
de l’état général orienteront plutôt vers une tumeur maligne.
Les clichés radiographiques centrés sur la tumeur apporteront des données essentielles orientant
plutôt vers une pathologie bénigne ou maligne (Tableau Annexe 1). Parfois ces signes souvent très
évocateurs orientent d’emblée vers un diagnostic précis. Enfin, il faut ajouter à ces critères la notion
d’évolution absente ou lente (bénignité) ou rapide (malignité) et celle de multiplicité des images
tumorales, synonyme de malignité à quelques exceptions près (ostéochondromes et enchondromes).
Les autres techniques d’imagerie ne seront indiquées que dans certains cas :
- scintigraphie squelettique au biphosphonate de technétium à la recherche d’une multiplicité
des hyperfixations en faveur d’une maladie métastatique
- tomodensitométrie (TDM) précisant les caractères de la lyse du spongieux et des corticales
et objectivant un envahissement des parties molles
- IRM en faveur de la malignité quand elle objective un envahissement des parties molles.
La biologie est toujours normale en cas de tumeur bénigne ; en particulier, il n’y a pas de syndrome
inflammatoire à la différence des tumeurs malignes où dans certains cas il peut exister un syndrome
inflammatoire biologique ou d’autres perturbations telles qu’une augmentation des LDH (tumeur
d’Ewing), une hypercalcémie (métastases osseuses multiples), un pic monoclonal à l’électrophorèse
des protides (myélome multiple des os).
2
Dans un premier temps seront abordées les caractéristiques communes concernant les tumeurs
osseuses, bénignes et malignes, primitives et secondaires. Puis seront développées de manière
distincte les tumeurs primitives et les tumeurs secondaires.
2. CARACTERISTIQUES COMMUNES DES TUMEURS OSSEUSES
2.1. Epidémiologie
2.1.1.Age
La fréquence relative des différents types histologiques de tumeurs osseuses varie
principalement en fonction de l’âge. Le critère de l’âge permet ainsi d’évoquer telle ou telle
pathologie. Il existe trois grands groupes : 5 et 20 ans, entre 20 et 50 ans et plus de 50 ans.
Cependant il existe des tumeurs apparaissant à des périodes marginales.
ENFANT, ADOLESCENT, JEUNE ADULTE :
1. tumeurs bénignes > 90%
2. tumeurs malignes primitives < 10% (0,2 % de tous les cancers, 300 nouveaux cas
par an en France) :
- < 5 ans :
o Lymphome
o Métastases d’un neuroblastome
o Sarcome d’Ewing
- > 5 ans :
o Ostéosarcome
o Sarcome d’Ewing
3. plus rares : tumeurs malignes secondaires (métastases d’un neuroblastome)
ADULTE > 40-50 ANS :
1. métastases osseuses (1er diagnostic à évoquer), et après 60 ans, penser au
myélome
2. tumeurs bénignes
3. tumeurs malignes primitives beaucoup plus rares (chondrosarcome).
2.1.2.Localisation sur l’os
La localisation de la tumeur revêt également une importance essentielle dans la démarche
diagnostique. Certaines tumeurs se localisent ainsi très préférentiellement sur telle ou telle
partie de l’os. Les tumeurs métaphysaires sont souvent des tumeurs qui sont nées pendant la
période de croissance, près du cartilage de conjugaison et qui ont migré ensuite vers la
diaphyse.
DIAPHYSAIRE : tumeur d’Ewing, ostéome ostéoïde
METAPHYSAIRE : ostéosarcome, chondrome, exostose ostéogénique
EPIPHYSAIRE : tumeur à cellules géantes (TCG), chondroblastome, sarcome à cellules
claires
3
On peut aussi définir la localisation dans le plan coronal avec des tumeurs à localisation :
ENDO-MEDULLAIRE (au centre de l’os)
CORTICALE (intra-corticale)
JUXTA-CORTICALE (« posée sur la corticale » à la surface de l’os)
2.1.3.Fréquence de la tumeur
Certaines tumeurs sont très fréquentes, d’autres le sont moins et il est logique, lorsqu’on
hésite dans une même tranche d’âge entre deux tumeurs de même localisation, de penser
d’abord à la tumeur la plus fréquente.
Ces trois seuls éléments que sont l’âge, la localisation et la fréquence permettent à eux seuls une
bonne orientation diagnostique, au moins pour les tumeurs primitives des os. Ils ne permettent
bien sûr pas de faire le diagnostic de certitude qui repose sur un faisceau d’arguments cliniques
et paracliniques mais surtout sur l’examen anatomopathologique. Dans tous les cas, réflexion
diagnostique et prise en charge thérapeutique doivent être menées au sein d’un centre
spécialisé dans ce type de pathologie avec discussion du dossier en Réunion de Concertation
Pluridisciplinaire (RCP) spécialisée et selon des règles de bonnes pratiques.
2.2. Diagnostic positif
Le bilan clinique et paraclinique doit rechercher de manière systématique des signes évocateurs
de malignité.
2.2.1.Oriente en fonction du terrain
enfant, adolescent, jeune adulte : ne pas méconnaître une tumeur maligne devant
une tumeur d’allure bénigne
Adulte, sujet âgé : il faut toujours rechercher des signes évocateurs de néoplasie
primitive devant une lésion considérée comme une métastase osseuse jusqu’à
preuve du contraire
2.2.2. Oriente par les signes cliniques révélateurs
tumeur maligne :
• signes généraux : fébricule, AEG
• signes locaux : douleurs, inflammation, infiltration des plans
superficiels (la palpation étudie la mobilité de la tuméfaction), fracture
pathologique
tumeur bénigne :
• découverte fortuite ++
• parfois symptomatique : douleurs, fracture pathologique
non spécifique : compression vasculo-nerveuse
diagnostic différentiel : tableau infectieux (évocateur d’ostéomyélite chez
l’enfant)
2.2.3.Bilan d’imagerie
4
-
Radiographies standard
o Technique : clichés de radiographie face/profil centré sur la zone suspecte +
clichés prenant la totalité du membre
o Résultats : la normalité n’élimine pas le diagnostic +++ et il faudra préciser
successivement :
caractère bénin ou malin de la lésion (Cf Tableau Annexe 1)
topographie : épi/méta/diaphysaire et endo-médullaire/cortical/juxtacortical
autres lésions associées : fracture pathologique, seconde localisation…
en dehors de rares cas très typiques, la radiographie standard est
complétée par un bilan d’imagerie complémentaire (TDM, IRM,
scintigraphie, angioTDM…) qui est toujours réalisé avant la biopsie ;
cette dernière entraîne une hémorragie intra-tumorale avec majoration
de l’œdème -> difficulté d’évaluation tissulaire tumorale
-
Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM)
o Technique : séquences pondérées T1 et T2, coupes axiales et sagittales, avec
injection de produit de contraste (gadolinium), IRM dynamique
o Résultats : examen sensible et spécifique
intérêts pour le diagnostic positif : morphologie (zones actives, zones
nécrotiques, œdème péri-tumoral), localisation précise (vaisseaux,
nerfs…), analyse des tissus mous
intérêts pour le diagnostic différentiel : ostéomyélite +++
intérêt pronostique : « skip métastase », volume tumoral, analyse de
l’extension (canal médullaire, rupture corticale avec envahissement des
parties molles, positions des cartilages de croissance)
intérêt thérapeutique : stratégie thérapeutique (réponse tumorale à la
chimiothérapie), surveillance évolutive
-
Tomodensitométrie (TDM)
o Technique : coupes coronales avec reconstructions sagittales et frontales,
injection de produit de contraste (iode)
o Résultats :
intérêts diagnostiques : analyse plus fine de la matrice osseuse
(recherche de calcifications, analyse des corticales), évaluation du degré
de minéralisation tumorale (calcifications)
orientation d’une ponction-biopsie ++ (myélome multiple, métastases)
-
Scintigraphie osseuse au Technétium 99m
o Examen très sensible : orientation topographique devant une radiographie
normale
o Examen peu spécifique ++ : pas d’information sur la nature lésionnelle
2.2.4. Biopsie osseuse
-
La biopsie est le prélèvement d’un échantillon de tissu tumoral à fin d’analyses anatomocyto-pathologique, il en existe 3 types:
o Biopsie à l’aiguille
o Biopsie incisionnelle ou biopsie chirurgicale
o Biopsie excisionnelle ou biopsie-exérèse
5
-
La biopsie osseuse avec examen anatomopathologique est non systématique mais est
réalisée au moindre doute car c’est le seul examen qui permet un diagnostic de
certitude et a plusieurs intérêts :
o Intérêt diagnostique :
Diagnostic positif : confirmation diagnostique histologique +++
diagnostic différentiel : examen bactériologique (ostéomyélite :
recherche d’un germe)
o intérêt pronostique : grade histopathologique, réponse au traitement néoadjuvant (chimio et/ou radiothérapie)
o intérêt thérapeutique : traitement adjuvant
-
Technique de référence : la biopsie chirurgicale doit être réalisée selon des règles très
strictes
o Après discussion du dossier en Réunion de Concertation Pluri-disciplinaire (RCP)
spécialisée dans ce type de pathologie
o Réalisée dans un centre spécialisé dans ce type de pathologie
o Il s’agit d’une intervention chirurgicale qui doit être faite dans un bloc opératoire
dans de strictes conditions d’asepsie chirurgicale ; toute infection compliquant la
suite de la prise en charge
o L’intervention peut être faite sous garrot mais sans utilisation préalable d’un
bandage compressif.
o Le chirurgien doit être celui qui réalisera ultérieurement l’intervention de
reconstruction. Il existe un risque de migration de cellules cancéreuses par la
plaie de la biopsie. Ainsi, il faut donc que cette biopsie se trouve sur le trajet de
la voie d’abord de la future intervention pour être réséquée lors de la reprise
chirurgicale
o L’incision doit être faite sur le trajet de la future voie d’abord de la
reconstruction-exérèse et le trou de trépanation osseuse doit être rond pour
limiter le risque de fracture itérative.
o Il faut réaliser des prélèvements multiples, intra-tumoraux et sur la corticale
d’attaque pour des examens anatomopathologique (fixé et éventuellement frais)
et bactériologique, études cytologique cytogénétique avec envoi d’un schéma
orienté et daté
o Les complications sont celles de toute intervention chirurgicale (hématome,
sepsis…) à associer à celles spécifiques au geste de biopsie : dissémination locale,
biopsie blanche = biopsie ininterprétable (biopsie superficielle ou dans zone
nécrotique), fracture pathologique…
-
Une alternative à la biopsie chirurgicale est la biopsie à l’aiguille fine ou au trocart guidé
par TDM ou par échographie. Dans le cadre des tumeurs osseuses, la biopsie chirurgicale
est privilégiée mais une biopsie à l’aiguille peut être proposée en cas de lésion non
accessible à la biopsie conventionnelle, lytique et/ou envahissant les parties molles. La
quantité de matériel prélevé est moindre donc une réponse anatomopathologique moins
fiable. Théoriquement il existe le même risque de dissémination tissulaire,
d’hématome…
-
La biopsie excisionnelle ou biopsie-exérèse
o
o
Elle expose à des risques de graves erreurs s’il s’agit d’une tumeur maligne
excisée de manière incomplète : récidive locale voire dissémination systémique
La biopsie-exérèse sera ainsi proposée si un diagnostic clinique et
radiographique est certain avant même l’anatomopathologie
6
-
L’anatomopathologiste devra être habitué à l’analyser des tumeurs osseuses. Une
deuxième lecture par un anatomopathologiste peut être exigée dans certaines
circonstances (diagnostic de sarcome par exemple). Il doit préciser :
o Pour biopsie :
le type histologique de la tumeur (plus ou moins en s’aidant de
méthodes d’immunohistochimie et de biologie moléculaire)
s’il s’agit d’une tumeur bénigne, maligne ou d’une tumeur
potentiellement maligne et la classer selon la classification de l’OMS et
de la FNCLCC (Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le
Cancer)
o Pour la pièce tumorale
Préciser de nouveau le type anatomopathologique définitif
Préciser les marges d’exérèse
Préciser la réponse éventuelle à un traitement néo-adjuvant
(chimiothérapie) pour apprécier son efficacité : bon répondeur si plus de
95% des cellules malignes ont été détruites. Au-dessous de ce chiffre il
s’agit d’un mauvais répondeur.
2.2.5. Biologie
Bilan inflammatoire (VS, CRP) et biologique (LDH…)
Les marqueurs tumoraux n’ont peu voire pas d’intérêt pour le diagnostic positif. Ils sont
utiles dans le suivi de certains cancers (ex PSA et cancer de la prostate)
2.2.6. Bilan d’extension
Il ne se conçoit qu’en cas de tumeur maligne. On distingue alors deux cas.
-
Tumeur maligne primitive (après confirmation anatomopathologique)
o Bilan d’extension locale : IRM ± TDM ± angioTDM. Ces examens dont réalisées
AVANT la biopsie
o Bilan d’extension locorégionale : IRM de toute la pièce osseuse : recherche de
« SKIP METASTASES » = métastases intramédullaires au-delà de la tumeur
(ostéosarcome)
o Bilan d’extension à distance = Recherche d’une métastase
scintigraphie osseuse corps entier en 3 phases : sensibilité ++ (95%) :
recherche de foyer d’hyperfixation = réaction ostéoblastique à toute
agression osseuse
cliché de thorax (référence)
TDM thoraco-abdomino-pelvienne (SPC et APC)
+/- TDM cérébrale
-
Suspicion de tumeur métastatique sans tumeur primitive connue
o Bilan étiologique à la recherche d’un primitif
clinique +++
TDM centrée sur la zone tumorale
TDM thoraco-abdomino-pelvienne
Biopsie soit de la lésion primitive soit de la lésion osseuse secondaire
o Bilan des autres localisations secondaires
Scintigraphie osseuse
+/- TDM cérébrale
7
2.3. Pronostic
2.3.1.Tumeurs bénignes = pronostic FONCTIONNEL
BON pronostic
• Par définition :
- pas d’évolution métastatique (à part : il existe quelques exceptions)
- le pronostic vital n’est pas engagé
MAUVAIS pronostic
• Volume tumoral : risque fracturaire, compression vasculo-nerveuse
• Localisation : proximité des articulations, rachis
• Type histologique : risque de récidive de certains types, agressivité.
2.3.2.Tumeurs malignes : pronostic VITAL
• Les tumeurs osseuses malignes restent de mauvais pronostic malgré les progrès
dans la prise en charge médicochirurgicale
• Chez l’enfant, il s’agit de sarcomes le plus souvent, avec un profil évolutif très
agressif
• Chez l’adulte, il s’agit de métastases le plus souvent, qui signent la généralisation de
la maladie cancéreuse.
BON pronostic
• Exérèse chirurgicale complète possible
• Chimio et ou radiosensibilité (chimiothérapie néoadjuvante +++)
• Maladie localisée
• Grade histologique de faible agressivité locale (grade 1 ou 2)
• Qualité de la prise en charge +++
• Fonctionnel : possibilité de conservation d’un membre, d’une articulation
MAUVAIS pronostic
• Tumeur inextirpable et ou généralisée
• Type histologique (sarcome d’Ewing, métastases)
• Retard au diagnostic et au traitement.
3. TUMEURS OSSEUSES PRIMITIVES
Ce sont les tumeurs osseuses les plus fréquentes de l’enfant et de l’adulte jeune. Leur diagnostic
peut être difficile (clinique et/ou imagerie peu contributives) et c’est l’anatomopathologie qui
fait le diagnostic de certitude grâce à la biopsie.
3.1. Terrain
En général : enfant, adolescent +++ adulte jeune
Préciser l’âge, les ATCD…
3.2. Circonstances de découverte d’une tumeur bénigne primitive
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-
-
Douleur : doit inquiéter surtout si récidivante ou traînante chez un adulte ou un enfant (pas
de diagnostic de tendinite traînante à cet âge)
Souvent découverte fortuite à l’occasion d’un traumatisme (minime), qui engendre une
réaction disproportionnée (réaction inflammatoire majeure voire fracture)
interroger sur
le mécanisme du trauma +++
Inégalité de longueur : toute inégalité de longueur acquise et évolutive doit faire rechercher
une tumeur (avec infection et traumatisme)
Compression : surtout pour les lésions vertébrales avec compression neurologique
Plus rarement complications locales avec syndrome de masse à l’origine de complications :
o Cutanées : Fistulisation à la peau
o Vasculaire : compression artérielle avec signes d’ischémie ou veineuse (œdème,
thrombose)
o Nerveuses : compression
3.3. Démarche diagnostique
3.3.1.Clinique
L’interrogatoire et l’examen clinique sont le plus souvent pauvres
En plus des signes précédents, il faudra :
o Rechercher un épanchement de l’articulation adjacente
o Des adénopathies satellites
o Faire le bilan de l’état général : recherche de métastases, autres localisation,
altération de l’état général
3.3.2.Imagerie :
La radiographie standard analyse :
- Taille de la lésion : > ou < 6 cm
- La trame osseuse :
o Ostéolyse / ostéocondensation
o Aspect en verre dépoli
o Calcifications : osseuses (piqueté, mouché) ou cartilagineuse (en pop corn,
cerclé, ou anneaux)
- La corticale : respecté ou érodée ou rompue
- Les contours de la lésion : nets ou flous
- Le périoste : respecté ou avec réactions périostées : spicule (feu d’herbe ou poil de
brosse) ou lamellaires (bulbe d’oignon) ou éperon de Codman
- Les parties molles : envahies ou non envahies ± calcifications
- L’évolution dans le temps : stable ou progression rapide
Les autres examens d’imagerie seront le TDM pour analyser finement la trame osseuse
(calcifications, état des corticales) et l’IRM (tissus mous, rapports vasculo-nerveux)
3.3.3. Au terme du bilan
-
Au terme du bilan :
o Soit il s’agit d’une tumeur bénigne avec quasi-certitude, dans ce cas traitement
chirurgical ou surveillance
o Soit il s’soit d’une tumeur maligne ou il existe un doute
tumeur maligne
jusqu’à preuve du contraire avec :
Adressage à une équipe pluridisciplinaire
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Biopsie
Bilan d’extension
3.4. Principes thérapeutiques
3.4.1.Tumeurs bénignes
-
-
-
Seul le pronostic fonctionnel est engagé, aussi seules les tumeurs symptomatiques
et/ou entraînant un risque fracturaire seront traitées chirurgicalement. Dans les autres
cas, une simple surveillance clinique et par imagerie (TDM et/ou IRM) peut être
proposée.
Pour les tumeurs primitives bénignes, le traitement consiste en une résection simple de
la tumeur ou son curetage associée ou non au comblement de la cavité osseuse. En cas
de fragilisation osseuse, il peut parfois être nécessaire d’y associer une ostéosynthèse
préventive afin de prévenir une possible fracture.
Si l’indication de biopsie est retenue, la lésion peut être curetée dans le même temps
que la biopsie, on parle alors de biopsie-exérèse à but curatif.
Curetage comblement d’une tumeur bénigne du tibia proximal. 1: repérage des coins à la mèche d’une
fenêtre osseuse. 2: réalisation de la fenêtre au ciseau à frapper. 3: curetage de la lésion avec une curette et
une fraise. 4: comblement avec du ciment chirurgical. 4: on peut armer le montage avec une plaque et des
vis avant le durcissement du ciment. 6: on peut combler la perte de substance avec des greffons osseux ou
3.4.2.Tumeurs malignes
-
Les possibilités thérapeutiques sont celles ci-dessous. Le choix sera fonction du type
histologique, de la localisation, du degré de malignité, de l’extension locale et générale.
-
Chimiothérapie néo-adjuvante
10
o
o
o
o
Systématiquement pour les ostéosarcomes et les tumeurs d’Ewing, avec un
bénéfice prouvé pour la survie.
Les protocoles de chimiothérapie dépendent de la nature anatomopathologique
et parfois biomoléculaire de la tumeur
Exemple : Tumeur d’Ewing : protocole Euro-Ewing VIDE (vincristine-ifosfamideDoxorubicine-Etoposide)
Durée variable en fonction du protocole et de la réponse à l’IRM
-
La chirurgie d’exérèse carcinologique = c’est la résection chirurgicale de la totalité de la
lésion tumorale. Elle doit passer à distance des limites de la tumeur en retirant « en
bloc » la tumeur, c’est-à-dire sans provoquer d’effraction tumorale :
o pour les tumeurs extirpables
o améliore le pronostic vital
o le pronostic fonctionnel dépend du type de chirurgie. Selon l’extension
tumorale :
amputation (rare)
résection articulaire + reconstruction prothétique
conservation épiphysaire + reconstruction par greffe osseuse autologue
vascularisée
o selon la qualité de la résection, on parlera de :
résection intra-tumorale lorsque la résection passe à l’intérieur de la
tumeur
résection marginale qui passe au contact de la capsule tumorale et sont
le plus souvent insuffisante pour traiter un sarcome osseux
résection large qui passe à distance de la tumeur, en tissu sain
résection radicale qui emporte tout le compartiment anatomique où
était située la tumeur (ex : amputation de cuisse pour une tumeur de la
jambe). Cette résection radicale n’apporte pas de bénéfice
carcinologique par rapport à une résection large.
-
Chimiothérapie adjuvante : Systématique pour les ostéosarcomes et les tumeurs
d’Ewing
-
Radiothérapie : pour les tumeurs d’Ewing et autres tumeurs radiosensibles, surtout en
cas de résections intra-tumorale ou marginale.
-
Lorsque le traitement carcinologique n’est plus possible (tumeurs inextirpable,
métastase…), il demeure 3 possibilités
o Exérèse non monobloc ou incomplète complétée par un traitement adjuvant
(ex : isotopes radio-actifs pour les métastases thyroïdiennes, chimiothérapie
pour un ostéosarcome chimio sensible, radiothérapie externe…) ; elle permet
rarement le contrôle de la maladie
o L’abstention thérapeutique si l’état général est très altéré et si le patient ne
souffre pas (indice de Karnofsky) (Annexe 4)
o Le traitement palliatif symptomatique (QS métastases).
-
La conduite à tenir thérapeutique peut se résumer par le diagramme suivant
11
12
4. EXEMPLES DE TUMEURS PRIMITIVES DES OS
Par ordre décroissant de fréquence
4.1. Tumeurs bénignes
Il existe une grande variété de type histologique de tumeurs bénignes.
Seules quelques unes d’entre elles ont un aspect suffisamment typique pour pouvoir
affirmer leur diagnostic sans preuve anatomopathologique.
Il est donc intéressant de connaître leur sémiologie clinique et radiologique, d’autant plus
qu’elles représentent les cas les plus fréquemment rencontrés en pratique clinique.
Les autres types histologiques ne seront que cités, étant du domaine du (ultra) spécialiste.
4.1.1. Fibrome non ossifiant (ou « cortical defect »)
-
Lésion tumorale bénigne la plus fréquente de l’enfant : 35% des enfants entre 2 et 12 ans
en sont porteurs
Toujours asymptomatique (découverte fortuite)
Topographie métaphysaire (extrémité inférieure du fémur++)
Radiographie (quasi-pathognomonique) : lacune +/- polyclinique métaphysaire à limite
nette
Evolution spontanée vers la disparition à l’adolescence
Pas d’indication de biopsie.
Aucun traitement ni surveillance
13
4.1.2. Ostéochondrome (Exostose ostéogénique)
-
-
-
1/3 des tumeurs de l’enfant
tumeur cartilagineuse : il s’agit d’un cartilage de croissance mal orienté, responsable
d’une excroissance ostéo-cartilagineuse, elle existe depuis la petite enfance mais peut se
révéler à tout âge car augmente de volume pendant la croissance et stagne à l’âge adulte
découverte souvent tardive : tuméfaction palpable ou signes de compression locale
(conflit musculaire, compression neurologique…)
radiographie : image d’addition à la jonction métaphysaire, près des cartilages fertiles
(« loin des coudes, près des genoux »)
IRM : épaisseur de la coiffe cartilagineuse et surveillance des exostoses multiples
isolée le plus souvent ou dans le cadre d’une maladie exostosante
lésion active pendant la croissance puis phase de quiescence ; dégénérescence
exceptionnelle (< 1%)
traitement : pas de biopsie, exérèse chirurgicale si lésion symptomatique
A part : la maladie exostosante (maladie des exostoses multiples ou maladie de BesselHagen à transmission autosomique dominante) : présence d’un très grand nombre
d’exostoses
complications orthopédiques +++, dysharmonie de croissance, il existe un
risque élevé de dégénérescence pour les exostoses axiales et proximales (localisation au
niveau du rachis et des ceintures scapulaire et pelvienne) dégénérescence en
chondrosarcome (5% des cas)
surveillance +++ en milieu spécialisé.
4.1.3. Kyste essentiel (kyste solitaire)
-
3ème lésion osseuse la plus fréquente
Il ne s’agit pas vraiment d’une tumeur bénigne mais plutôt d’une dystrophie osseuse au
contenu liquidien.
Touche l’enfant
fracture pathologique souvent révélatrice (volume tumoral souvent important),
découverte fortuite sinon
topographie métaphysaire du cartilage de croissance au contact de ce dernier,
localisation humérale supérieure (65%), fémorale supérieure (35%)
Radiographie : ostéolyse ovoïde de contours nets avec amincissement des corticales
(risque fracturaire), centrée et souvent étendue, avec image en « fond de coquetier »
14
-
Si découverte fortuite : traitement médical (injection de corticoïde) ± curetage-greffe
osseuse ± stabilisation par embrochage, si menace fracturaire.
Aucun risque évolutif autre que la fracture, involue en fin de croissance
4.1.4. Ostéome ostéoïde
-
-
Adolescent et adulte jeune
Tableau clinique : douleurs osseuses nocturnes (réveils systématiques toutes les nuits),
traînantes et sensibles à l’Aspirine ou aux AINS (test diagnostique)
Radiographie : lacune osseuse de petite taille (<1cm) = nidus avec parfois calcification au
centre (« image en grelot ») entouré d’une large ostéo-condensation réactionnelle.
Parfois radio considérée comme normale (lésion de très petite taille)
Scintigraphie : hyperfixation précoce (spot hyperfixant)
TDM en coupes fines +++ (rare tumeur où la TDM peut être > à l’IRM)
15
-
Traitement : exérèse chirurgicale monobloc ou forage percutané scanoguidé ou ablation
par radio-fréquence scano-guidée
Aucun risque évolutif en dehors de la persistance de la douleur, ne grossit pas et ne
dégénère pas.
4.1.5.Tumeur à cellules géantes
-
Adulte jeune
Tumeurs bénignes, évolutives et destructrices
Localisation épiphysaire (fémur distal, tibia proximal, radius distal)
Douleurs révélatrices le plus souvent
Radiographie : ostéolyse pure, extensive à développement épiphyso-métaphysaire avec
image en nid d’abeille
-
TDM, IRM et biopsie pour confirmation du diagnostic
Risque évolutif : en l’absence de traitement, extension de l’ostéolyse et destruction de
l’articulation adjacente, exceptionnellement métastases pulmonaires. Il existe des
formes calmes qui évoluent lentement, des formes actives et des formes destructrices.
Traitement toujours chirurgical : curetage comblement par ciment ± ostéosynthèse
voire résection articulaire et arthroplastie. Même traitées : risque de récidive
important après traitement conservateur : 20 %
4.1.6. Chondrome solitaire
-
Le chondrome solitaire peut être central ou juxta-cortical apposé sur la corticale osseuse.
La plupart du temps il s’agit de chondromes centraux et distaux surtout au niveau des
mains. Les chondromes des ceintures sont exceptionnels mais ils font évoquer le
diagnostic de chondrosarcome ou au moins la possibilité de dégénérescence.
16
-
-
Le diagnostic peut être fait sur des douleurs ou tuméfactions lors de l’apparition d’une
fracture spontanée.
Radiographie : il s’agit d’une image claire, homogène, arrondie à limites nettes, qui
contient de fines ramifications, sauf la corticale osseuse de façon variable.
TDM (calcification intra-lésionnelle), IRM (signal cartilagineux) pour confirmation du
diagnostic
Le traitement consiste en un curetage du contenu du chondrome et bien entendu son
analyse histologique et un comblement par de l’os spongieux.
Maladie des chondromes multiples ou maladie d’Ollier :
- Il s’agit d’une maladie non héréditaire, ni familiale. Les chondromes sont nombreux dans
toutes les zones métaphysaires avec modification de la croissance, inégalité de longueur
de manière asymétrique. L’ablation de l’ensemble des chondromes est la plupart du
temps impossible et ceux-ci doivent être surveillés avec ablation des chondromes qui
paraissent le plus risqué.
- L’association d’une maladie d’Ollier (maladie des chondromes multiples) à des angiomes
cutanés et des anomalies vasculaires, constitue le syndrome de Maffuci.
4.1.7.Autres
Granulome éosinophile, kyste anévrismal, ostéoblastome, chondroblastome, dysplasie
fibreuse…
17
4.2. Tumeurs malignes
4.2.1. Ostésarcome
-
-
Tumeur maligne la plus fréquente de l’enfant (45 % des sarcomes)
Terrain : enfant ou adolescent, en tout cas : adulte de moins de 20 ans
Topographie : métaphyse des os longs : extrémité inférieure du fémur ou supérieur du
tibia (80 % des localisations)
Localisations médullaires à distance possibles dans la même diaphyse (« Skip
metastases »). Métastases précoces (localisation pulmonaire) parfois dès le diagnostic
Douleur révélatrice le plus souvent
Radiographie : lésion ostéolytique extensive : association plage de condensation et
ostéolyse mal limitée (contours flous), destruction corticale, réaction périostée
spiculaire, envahissement des parties molles (image en feu d’herbe) avec calcifications.
Formation osseuse périostée en bordure de tissus mous adjacents (triangle de Codman)
Risque évolutif : extension de l’ostéolyse et destruction articulaire mais surtout extension
métastatique
CAT : devant ces signes prise en charge spécialisée +++ : IRM, TDM, scinti et biopsie pour
confirmation du diagnostic
Traitement : polychimiothérapie d’induction (4 à 6 cures suivant le protocole) puis
chirurgie de résection puis chimiothérapie post-opératoire
Pronostic : 65 % de survie à 5 ans (métastase < 30% à 5 ans), séquelles fonctionnelles
constantes dues à la chirurgie de résection
Surveillance clinique et paraclinique régulière à vie.
18
4.2.2.Chondrosarcome
-
-
25 % des sarcomes osseux
La plus fréquente des tumeurs osseuses primitives de l’adulte (surtout 2ème partie de vie)
: adulte (40-60 ans)
topographie : os plats, ceintures scapulaire (scapula) et pelvienne (os coxal), diaphyse
des os longs (MI +++), peut survenir sur une exostose
Douleur révélatrice le plus souvent
Radiographie : aspect lobulaire, calcifications mouchetées (signe de la présence d’un
contingent cartilagineux dans une tumeur, calcifications en popcorn) avec ostéolyse et
condensation, signes d’agressivité : appositions périostées, contours flous, calcifications
des parties molles, encoches et érosions corticales (scalopping)
CAT : devant ces signes prise en charge spécialisée +++ : IRM, TDM, scinti et biopsie pour
confirmation du diagnostic
métastases : localisation pulmonaire
traitement : toujours chirurgical par résection large, tumeur non chimiosensible ni
radiosensible.
Pronostic : 60 à 80 % de survie à 5 ans (métastases < 5% à 5 ans) et récidives locales (10 à
40% en fonction du grade)
Surveillance clinique et paraclinique à vie.
19
4.2.3.Tumeur d’Ewing
-
-
-
10 à 15 % des sarcomes osseux
terrain : adolescent-adulte jeune (10 - 20 ans)
tumeur neuro-ectodermique dérivée des cellules des crêtes neurales. Point de départ
intramédullaire. Lésion très agressive ++
topographie : diaphyse des os longs (MI), os plats (ailes iliaques et côtes)
métastases : localisations pulmonaires, osseuses et médullaires (moelle
hématopoïétique)
Radiographie : ostéolyse mal limitée, destruction corticale, réaction périostée
caractéristiques en bulbe d’oignon, envahissement des parties molles très important
avec image en feu d’herbe
CAT : devant ces signes prise en charge spécialisée +++ : IRM, TDM, scinti et biopsie pour
confirmation du diagnostic
traitement : polychimiothérapie d’induction (suivant le protocole EuroEwing) puis
chirurgie de résection large puis chimiothérapie post-opératoire ± radiothérapie de
clôture
Pronostic : 50% de survie à 5 ans
Surveillance clinique et paraclinique régulière à vie.
20
4.2.4. Autres tumeurs osseuses malignes
Le lymphome osseux primitif réalise une ostéolyse irrégulière et mouchetée. Le traitement
associe radiothérapie et chimiothérapie.
Le plasmocytome solitaire est une des tumeurs osseuses malignes parmi les plus fréquentes.
Il donne une image de lacune plus ou moins soufflée. Le diagnostic est parfois évoqué sur
l’existence d’un pic monoclonal sérique et doit être confirmé par la biopsie. Le traitement est
chirurgical et son succès est attesté par la disparition de l’immunoglobuline monoclonale.
Dans 50 % des cas cependant, l’évolution se fait vers un myélome multiple dans les 3 ans.
21
5. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENTS DES TUMEURS OSSEUSES SECONDAIRES
5.1. Epidémiologie – Importance du problème
Les métastases osseuses sont les tumeurs osseuses les plus fréquentes ; elles se voient plus
volontiers dans la 2ème moitié de la vie, après 40-50 ans.
Le squelette est le 4ème site métastatique après les ganglions, le poumon et le foie.
Les cancers « ostéophiles », c’est-à-dire ceux qui métastasent le plus au squelette sont par
ordre de fréquence décroissante le sein, la prostate, le poumon, le rein et la thyroïde.
Cependant, tous les cancers, qu’il s’agisse de tumeurs d’organes (colon, testicule….) ou de
tumeurs osseuses peuvent donner lieu à des métastases osseuses. Pour les tumeurs issues
des lignées sanguines (lymphomes, myélomes…), elles peuvent donner également des
localisations osseuses. Cependant on ne parlera pas de métastases dans leur cas précis et
elles ne seront pas traitées ici (cf UE 9 Items 316 et 317).
Les métastases osseuses surviennent avec une incidence variable selon les types de cancer
(Tableau ci-dessous); elles sont en général diagnostiquées après le cancer primitif mais, dans
1 cas sur 5, elles peuvent être révélatrices. Par exemple pour le cancer de la prostate et du
sein au stade avancé, de 65 à 75 % des patients peuvent éventuellement développer des
métastases osseuses. Il est aussi important de noter qu’environ 10 % des hommes ayant un
cancer de la prostate présentent des métastases osseuses à la manifestation initiale.
Presque tous les patients qui meurent du cancer de la prostate ont une atteinte osseuse.
Type de cancer
Incidence des métastases ou des lésions osseuses (%)*
Sein
65–75
Prostate
65–75
Poumon
30–40
Rein
20–30
Thyroïde
30-60
Mélanome
14–45
*de grandes variations existent en fonction du stade de la maladie, du type tumoral
(plus ou moins agressif)…
Certaines études ont essayé d’analyser de manière prospective la survenue de
« complications osseuses » au cours de la pathologie tumorale. Ont été considérées comme
des complications osseuses : les fractures osseuses pathologiques (vertébrales ou non
vertébrales), les compressions de la moelle épinière, la nécessité d’une chirurgie osseuse ou
de radiothérapie des os (y compris l’utilisation de radio-isotopes). Il a été alors noté que ces
complications osseuses sont fréquentes dans les stades avancés de cancer, avec près de la
moitié de patients, voire plus, manifestant une complication osseuse au cours des deux
années suivant le diagnostic, tous types de tumeurs confondus, et une découverte après un
temps médian écoulé (entre le diagnostic de cancer et la première la manifestation d’une
complication osseuse) variant d’un minimum de 5 mois jusqu’à un maximum de 15 mois,
selon le type de cancer, et ce en l’absence de traitement médical.
Les sites les plus touchés sont le rachis lombaire et thoracique, puis le bassin, les côtes, le
sternum, les fémurs, les humérus et le crâne. Les métastases sont le plus souvent multiples,
22
mais toutes ne sont pas toujours symptomatiques. Une étude rétrospective menée chez
718 femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique a montré que plus de 50 % (n = 369)
de ces patientes avaient manifesté des complications osseuses et que, parmi ces patientes
atteintes, 51 % (n = 187) avaient manifesté plus d’une complication. Les douleurs osseuses
constituent la complication la plus courante de la maladie osseuse métastatique et elles sont
jugées graves et handicapantes chez deux tiers des patients. Le traitement des douleurs
osseuses demeure, par conséquent, un facteur de la prise en charge de la maladie osseuse
métastatique (cf UE 5 Handicap - Vieillissement - Dépendance - Douleur - Soins palliatifs –
Accompagnement Items 132). Enfin, les progrès dans les traitements anticancéreux ont
prolongé la vie des patients atteints de cancer ; ainsi, ils sont exposés à un risque accru de
douleurs osseuses chroniques ou de fractures pathologiques secondaires à des métastases
osseuses non diagnostiquées et/ou non traitées. Cela peut constituer une source majeure de
dégradation de la qualité de vie et de handicap.
Lorsque le cancer est métastasé à l'os, il n'y a pas de traitement curatif possible, hormis
certains cancers thyroïdiens bien différenciés où un traitement par iode radioactif peut
"stériliser" toutes les métastases. Dans les autres cancers, les traitements ne seront que
palliatifs, afin d’améliorer la qualité de vie du malade et prolonger sa survie. La survie
moyenne d'un cancer métastasé à l'os est de 1,5 an mais elle peut varier de 6 mois pour les
adénocarcinomes à cancer primitif inconnu à 5 ans pour certains cancers de la prostate ou du
sein.
5.2. Physiopathologie (pour plus de détails et pour mieux comprendre, voir l’Annexe 5)
Les tumeurs malignes, quelle qu’en soit leur nature ou leur tissu d’origine, se caractérisent
notamment par la capacité des cellules cancéreuses à migrer par voie lymphatique ou
sanguine. Ces cellules cancéreuses sont dans l’immense majorité des cas détruites dans la
circulation par les mécanismes de défense immunitaire. Cependant, dans certains cas, ces
cellules cancéreuses vont franchir la paroi des vaisseaux, des lymphatiques et coloniser un
organe à distance et notamment la moelle osseuse pour ce qui est des métastases osseuses.
Elles peuvent rester quiescentes à ce niveau sans jamais donner d’expression clinique mais
dans des circonstances favorables, ces cellules vont occasionner des métastases osseuses. Il
ne faut pas se méprendre, ce n’est pas « la cellule tumorale qui va grignoter l’os » ; les
mécanismes en jeu sont plus complexes et font intervenir des modulateurs du métabolisme
et du remodelage osseux et notamment le RANK, le ligand RANK (RANK/L) et
l’ostéoprotégérine (OPG) qui travaillent tous de concert pour réguler la fonction des
ostéoclastes. Le ligand RANK, libéré par les ostéoblastes et les cellules stromales, se fixe au
récepteur RANK situé sur les précurseurs des ostéoclastes entraînant de ce fait le processus
de différenciation afin qu’ils deviennent matures. Pour maintenir l’équilibre entre la
formation et la résorption de l’os, l’organisme produit naturellement l’OPG, sécrétée par les
ostéoblastes. En se fixant au ligand RANK, l’OPG empêche celui-ci de se lier au récepteur
RANK situé à la surface des ostéoclastes et de leurs précurseurs. Dans la maladie osseuse
métastatique, le ligand RANK a été impliqué dans un « cycle vicieux » d’ostéolyse et de
croissance tumorale. Certaines tumeurs qui se sont métastasées dans les os produisent des
facteurs de croissance qui peuvent augmenter la libération du ligand RANK par les
ostéoblastes, stimulant ainsi l’activité des ostéoclastes et entraînant une perte osseuse
excessive. La résorption osseuse causée par les ostéoclastes entraîne la libération par la
matrice osseuse de facteurs de croissance et de calcium, lesquels, à leur tour, peuvent
stimuler la cellule tumorale, contribuant davantage à ce cycle d’ostéolyse. Les métastases
osseuses sont souvent caractérisées par leur aspect radiographique; elles sont soit
23
ostéolytiques, soit ostéoblastiques, soit mixtes. Cela correspond aux mécanismes tumoraux
mis en jeu. Si la résorption ostéoclastique est stimulée en priorité, il s'agira de métastases
osseuses lytiques (en particulier dans les cancers du rein). Si l'ostéoblastose est stimulée, il
s'agira de métastases condensantes (principalement dans les cancers de prostate). Parfois,
résorption et formation osseuse sont stimulées de façon concomitante par les cellules
cancéreuses, il s'agit de métastases mixtes (fréquemment dans le cancer du sein par
exemple). Lorsque les métastases osseuses croissent, elles peuvent occasionner des
douleurs qui sont de mécanismes divers. Il peut s’agit de fractures ou de micro-fractures par
fragilisation osseuse ou de la mise en tension du périoste et à l’hyper pression médullaire. Il
peut aussi s’agir de compressions et/ou envahissement neurologique (douleurs radiculaires,
douleurs cordonnales, lésions épidurales). Ces lésions peuvent aussi entraîner d’autres
manifestations par compression (vasculaire, nerveuse…) ou secondaire à une hypercalcémie
du fait de l’ostéolyse métastatique.
Leur prise en charge médico-chirurgicale découle de leur physiopathologie, elle pourra ainsi
faire appel de nombreuses thérapeutiques médicales (traitements antalgiques
conventionnels ou à visée neurogène, biphosphonates, antagonistes du RANK/L…),
chirurgicales (enclouage préventif ou après fracture, arthroplastie, décompression
médullaire ou radiculaire, instrumentation rachidienne…) ou encore de radiologie
interventionnelle (cimentoplastie, radiofréquence…).
5.3. Circonstances de découverte
Le diagnostic de métastase osseuse peut être porté dans trois circonstances différentes :
- lors de la découverte d’un cancer, le bilan d’extension découvre ou confirme
l’existence d’une métastase suivant qu’elle est muette ou symptomatique
- la métastase est découverte chez un patient cancéreux connu au cours de
l’évolution, plus ou moins longtemps après le diagnostic
- la métastase est inaugurale et révélatrice de la tumeur primitive
Les signes révélateurs d’une métastase osseuse sont nombreux et variables. Ils se
caractérisent souvent par leur caractère permanent, d’aggravation progressive et un
contexte général « inquiétant » :
- Douleurs : signe le plus constant, d’abord mécaniques puis rapidement permanentes,
nocturnes, insomniantes, non ou mal calmées par les antalgiques de première
intention.
- Fractures : fracture pathologique car survenue sans traumatisme ou à la suite d’un
traumatisme minime dont la localisation aux vertèbres expose aux signes
neurologiques
- Signes neurologiques :
o Mécanisme : compression médullaire ou de la queue de cheval par une
métastase vertébrale, par une épidurite ou par un tassement vertébral avec
recul du mur postérieur. Ces trois mécanismes étant plus ou moins associés.
o Signes radiculaires et/ou médullaires d’installation plus ou moins rapide
suivant le mécanisme (vasculaire ou mécanique pur). Importance de
l’examen neurologique systématique des patients en cours de traitement ou
de surveillance d’un cancer ostéophile.
o Radiculalgie intense non calmée par le repos, mono-radiculaire, avec
altération de l’état général
24
Syndrome de la queue de cheval
Paraplégie progressive
Déficit périphérique en fonction de la localisation de la métastase (ex :
anesthésie mentonnière, signe de la houppe du menton, dans une métastase
de la mandibule an atteinte du nerf V3)
Hypercalcémie « maligne ». Elle est rarement révélatrice d’une métastase osseuse
mais peut survenir au cours de l’évolution d’une néoplasie connue (notamment le
sein, poumon et rein). Elle se définit par une calcémie supérieure à 2.6 µmol/l
(Normales 2.15-2.55). L’hypercalcémie est le plus asymptomatique mais peut être à
l’origine de troubles très variés dans leur gravité et leur présentation qui seront
d’autant plus fréquents et/ou sévères que l’hypercalcémie est d’installation rapide
et/ou que son taux est élevé. Il s’agit de signes digestifs, neurologiques et/ou
psychiatriques, rénales, cardio-vasculaires, généraux pouvant aller jusqu’à la
défaillance cardio-circulatoire ou au coma. Mais les signes cliniques d’hypercalcémie
sont parfois en second plan par rapport aux signes de la maladie causale. (UE 8 Item
266).
Altération de l’état général : anorexie, amaigrissement.
o
o
o
-
-
5.4. Signes radiographiques
En radiologie conventionnelle, il faut toujours avoir à l’esprit le retard des signes
radiologiques sur la clinique (quelques semaines parfois). Il faudra donc avoir recours aux
autres techniques d’imagerie plus sensibles (scintigraphie, TDM, IRM…) pour rechercher ces
lésions, en faire un diagnostic précoce et les bilanter.
Deux grands aspects lésionnels peuvent se voir en radiographie.
5.4.1. Les lésions ostéolytiques les plus fréquentes
-
Lésion élémentaire :
O Zones de transparence osseuse, réalisant des clartés arrondies, ovalaires
O Géodes ± volumineuses, disséminées, parfois confluentes (aspect
« vermoulu »).
O Contour souvent irrégulier, bords flous, estompés (différentes des géodes à
l’emporte-pièce du myélome)
25
-
-
-
Connaître des aspects particuliers selon la localisation :
O Disparition d’un coin vertébral et asymétrie vertébrale
O Image de lyse d’un pédicule (« vertèbre borgne »), d’une transverse, d’une
épineuse
O Tassement « en galette » sans atteinte des disques, hétérogénéité de la
trame à distance du plateau fracturé
o Aspect convexe du mur postérieur
o Ostéolyse corticale ou sous-chondrale
o Fracture d’une vertèbre au-dessus de T5
o Aspect estompé, « gommé » d’un trou sacré, du fond du cotyle, d’un cadre
obturateur
o Disparation d’un fragment de cote
Forme rare mais trompeuse : déminéralisation diffuse du squelette et tassements
vertébraux interprété comme « ostéoporose banale » : penser à une possible
ostéoporose secondaire
Une métastase lytique pure oriente en premier lieu, vers un cancer du rein ou de la
thyroïde mais sans aucune certitude…
Il existe des diagnostics différentiels à ces lésions ostéolytiques
o Hémopathies malignes (leucémies, lymphomes…)
o Hyperparathyroïdie (« tumeur brune »)
o Chondromes
o Front ostéolytique d’une maladie de Paget
o Histiocytose X (maladie de Hans-Schüller-Christian) avec lacunes crâniennes
multiples et le granulome à éosinophile
o Dysplasie fibreuse des os (localisations diaphysaires des os longs, crâniennes
et costales)
5.4.2. les formes condensantes
-
-
Lésion élémentaire : augmentation de la densité osseuse : opacités arrondies, limitées,
multiples, alternant avec des zones normales
Une métastase condensante oriente surtout vers un cancer de la prostate (>80%),
révélatrices dans environ 1/3 des cas (bassin, région sus-cotyloïdienne, ailes iliaques,
branches pubiennes, sacrum, vertèbres), mais d’autres cancers peuvent donner des
métastases condensantes : sein (<1/5 des cas, souvent atteinte mixte, lytique et
condensante), tube digestif (<10%), poumon (< 3%)
Connaître des aspects particuliers selon la localisation :
o vertèbre concernée en totalité = « vertèbre ivoire »
26
-
-
diagnostic différentiel
o d’une lésion condensante isolée :
îlot condensant bénin
maladie de Paget
ostéose iliaque condensante
ostéite amicrobienne ou inflammatoire (SAPHO)
condensation vertébrale disco-dégénérative
infarctus osseux ;
o d’un ostéocondensation plus diffuse : maladie de Paget (cf plus bas)
hémopathies : maladie de Hodgkin, splénomégalie myéloïde, myélome
condensant… ostéopétrose, ostéodystrophie rénale…
à connaître : diagnostic différentiel d’une lésion condensantes due à un cancer
secondaire de la prostate et maladie de Paget. Dans le cancer secondaire de la prostate :
o La forme générale de l’os n’est pas modifiée
o La structure trabéculaire de l’os avoisinant est non altérée
o Il n’y a pas de dédifférenciation cortico-médullaire
Mais distinction parfois difficile, association possible des deux maladies (intérêt de la
biopsie)
5.4.3.Les formes mixtes
-
on décrit parfois un aspect « pagétoïde »
une métastase mixte ostéocondensante et ostéolytique peut être le fait de très
nombreuses tumeurs, en particulier du sein ou du poumon
Dans quelques cas peut se poser le diagnostic différentiel d’une dysplasie fibreuse ou
d’une ostéite chronique
5.5. Diagnostic et Bilan
5.5.1.Clinique
-
Interrogatoire : rôle déterminant, à la recherche
o Facteurs de risque personnels (tabac, exposition hormonale…) et
professionnels (amiante et autres toxiques…)
o d’antécédents personnels d’affections néoplasiques ou pré-néoplasiques
parfois méconnues
o d’antécédents de cancers familiaux (sein, côlon)
o de signes fonctionnels d’orientation (infections respiratoires à répétition,
hématurie, douleurs abdominales, etc)
27
-
Examen clinique complet : la palpation des seins, de la thyroïde, du foie, des fosses
lombaires, de l’abdomen, le toucher rectal, l’examen gynécologique, la palpation des
aires ganglionnaires et l’examen des téguments
Dans le cas d’une tumeur primitive connue, le diagnostic est facilement évoqué devant les
signes cliniques révélateurs.
5.5.2. Paraclinique
-
-
-
Bilan loco-régional :
o radiographie standard
o complétée par TDM et IRM surtout au rachis qui confirme le diagnostic et
apprécie le risque neurologique
Bilan général :
o scintigraphie osseuse à la recherche d’autres localisations osseuses
o bilan biologique phospho-calcique pour éliminer une hypercalcémie et ses
risques (le dosage éventuel de la PTHrp peut préciser le mécanisme)
en cas d’ostéolyse : hypercalciurie, une élévation des marqueurs de
résorption, parfois une hypercalcémie maligne
en cas d’ostéocondensation : élévation des phospatases alcalines,
hypocalciurie, hypocalcémie…
le bilan d’extension en fonction de la tumeur primitive (sein, poumon, rein, prostate… : cf
QS respective), mais en cas de métastase inaugurale, il est nécessaire de réaliser une
enquête étiologique :
o examen clinique complet (cf plus haut)
o biologie : FNS, CRP, électrophorèse des protides, recherche protéinurie de
Bence-Jones, bilan phospho-calcique
o marqueurs tumoraux : dosage du PSA systématique chez un homme quel que
soit l’aspect radiologique de la métastase, car il est à la fois sensible et très
spécifique au-dessus de 15 ng par ml (exception faite des prostatites). Les seuls
autres marqueurs utiles dans la recherche étiologique sont l’α-foeto-protéine et
la β-HCG chez les sujets jeunes, à la recherche d’une tumeur germinale non
séminomateuse. Les autres marqueurs tumoraux ont moins d’intérêt car ils sont
moins sensibles et moins spécifiques ; leur apport réside plus dans le suivi que
dans le diagnostic : CA 15-3 (cancer du sein), CA 125 (cancer de l’ovaire), CA 19-9
(cancer du pancréas), NSE (cancer anaplasique du poumon), CIFRA 211(carcinome épidermoïde pulmonaire), thyroglobuline (cancer de la thyroïde)).
On n’y recourra dans l’enquête étiologique qu’en dernier ressort.
o Aspect radiologique de la métastase :
Condensante : prostate
Ostéolytique pur : rein ou thyroïde
Mixte : sein ou tout autre lésion primitive
o Scanner thoraco-abdomino-pelvien = imagerie la plus performante pour
rechercher des tumeurs viscérales pauci-symptomatiques notamment au
pancréas, ou encore une métastase surrénalienne, très évocatrice de cancer
pulmonaire
o Echographie thyroïdienne voire scintigraphie thyroïdienne
28
-
o Scintigraphie osseuse
o Bilan gynécologique et mammographie
o PET–scan (intérêt encore à valider dans cette indication)
Biopsie : en cas d’enquête négative, une biopsie peut être proposée. Elle peut être
percutanée ou chirurgicale comme décrite plus haut et selon les mêmes modalités.
Notamment, il faut garder à l’esprit qu’il peut s’agir d’une tumeur osseuse maligne
primitive qui pourrait bénéficier d’un traitement curatif optimal. Cela pose alors le
problème de l’abord chirurgical. Les analyses en immunofluorescence ou en biologie
moléculaire permettent alors un diagnostic le plus souvent (10% non diagnostiqués)
5.5.3. Cas des bilans négatifs
L’enquête étiologique reste négative dans 10 à 20% des cas et il s’agit souvent d’un
carcinome non étiqueté. On parle alors de CUP-syndrome : Carcinoma with Unknown
Primitive.
Dans tous les cas, il faudra avoir recherché un primitif « utile » sensible à une chimiothérapie
(tumeurs germinales, tumeurs à petites cellules) ou une hormonothérapie (sein, prostate,
thyroïde).
On admet cependant qu’il est souhaitable de poursuivre les recherches en cas de métastase
unique, pour écarter formellement une tumeur primitive et en raison des possibilités de
traitement local, ainsi que chez les malades en bon état général et modérément douloureux
chez qui un programme thérapeutique optimal peut être envisagé.
Dans les autres cas, et notamment si patient douloureux, asthénique, il faut donner la
priorité à l’orientation clinique ainsi qu’aux examens orientés, peu agressifs et douloureux
pour déceler un cancer accessible à un traitement (cf plus haut). Enfin, il faudra savoir arrêter
l’enquête étiologique si ces examens sont négatifs car cela ne permettra pas d’aboutir à une
sanction thérapeutique majeure.
5.6. Traitement
Il est le plus souvent palliatif et a pour objectif l’amélioration à court terme de la qualité de vie
du patient. Il sera effectué en urgence le traitement de l’hypercalcémie : réhydratation,
diurétiques et biphosphonates. Cela peut nécessiter l’admission en unité de soins intensifs ou de
réanimation.
Traitement de la douleur : il recourt aux
- Antalgiques de classe I, II et III en respectant les paliers de l’OMS
- Les co-analgésiques sont très précieux :
o les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont souvent efficaces ;
o dans les douleurs neurogènes, on peut faire appel aux neuroleptiques et aux
anticonvulsivants (LAROXYL, NEURONTIN) ou au Lyrica;
o les anxiolytiques et antidépresseurs ont également leur utilité dans ce contexte ;
o Corticothérapie générale ou infiltrations : les corticoïdes luttent également
contre les compressions nerveuses et les hypercalcémies
- Psychothérapie
29
-
-
Immobilisation et fixation des fractures et des lésions pré-fracturaires : attelles, mise en
décharge (cannes anglaises)
Radiothérapie externe de haute énergie pour le traitement des lésions très algiques
(notamment flash de radiothérapie sur une lésion localisée). En pratique, on réalise une
répartition de la dose d’irradiation en plusieurs séances. En cas de chirurgie préalable, il
faut attendre 15 jours à 3 semaines pour obtenir la cicatrisation cutanée.
Chirurgie : ostéosynthèses idéalement préventives sur les os longs et porteurs (clou
fémoral ou tibial), arthroplasties pour les localisations péri-articulaires…
Au niveau des localisations vertébrales :
- Prévention et traitement de la fracture par corset ou stabilisation chirurgicale et
radiothérapie
- Cimentoplastie (injection de ciment chirurgical) ou kyphoplastie (relèvement et
cimentation, très efficace sur le plan antalgique mais contre-indiqué si rupture corticales
ou atteinte neurologique) peuvent permettre un traitement percutané des lésions, sous
guidage fluoroscopique ou scanée-guidée
- Traitement des complications neurologiques en fonction du mécanisme de la lésion : ex
laminectomie décompressive, ostéosynthèse et radiothérapie
Traitement de fond :
- Les perfusions mensuelles de bisphosphonates raréfient, atténuent et ralentissent la
survenue des événements osseux (douleurs, fractures, compressions neurologiques) ;
elles préviennent l’extension des métastases osseuses lytiques et réduisent le risque
d’hypercalcémie liée à la résorption osseuse accrue :
o Clodronate (CLASTOBAN®) chez les femmes avec localisations secondaires de
cancer du sein
o Pamidronate (AREDIA®) mêmes indications
o Zolédronate (ZOMETA) mêmes indications de métas ostéolytiques et métastases
condensantes (prostate
- Inhibiteurs du RANK/L : denosumab (XGEVA®) indiqué dans la Prévention des
complications osseuses (fractures pathologiques, irradiation osseuse, compression
médullaire ou chirurgie osseuse) chez des patients adultes atteints de tumeurs solides
présentant des métastases osseuses.
Exceptionnellement, en cas de métastase osseuse unique extirpable chirurgicalement et que
la tumeur primitive peut être traitée, la lésion secondaire peut bénéficier d’un traitement
chirurgical d’exérèse. La décision chirurgicale découle d'une discussion pluridisciplinaire :
médecin traitant, rhumatologue, cancérologue, chirurgien.
Traitement de la tumeur primitive en fonction de son type et de son stade évolutif (cf
question spécifique des différents cancers)
- Chimiothérapie (sein, tumeurs embryonnaires, cancer du poumon à petites cellules)
- Hormonothérapie : cancers hormono-dépendants (sein, prostate), thyroïde
- Thérapie ciblée et autres thérapies dans certains cancers du poumon par exemple.
30
6. CONCLUSION
-
-
Devant une lésion osseuse d’allure tumorale, il convient de rassembler les arguments
cliniques et radiographiques en faveur de sa nature bénigne ou maligne.
Chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune, une tumeur maligne est souvent primitive ; chez
l’adulte après 50 ans, les métastases osseuses sont les plus fréquentes.
La présence d’au moins un critère radiographique de malignité doit conduire à la réalisation
d’une biopsie osseuse si une métastase cutanée ou viscérale n’est pas plus facilement
accessible.
En cas de métastase osseuse, la recherche étiologique est couronnée de succès dans 60 à 80
% des cas ; seule a un intérêt pronostique la découverte d’un cancer hormonodépendant
(sein, prostate, thyroïde) ou chimiosensible (tumeurs germinales, tumeurs à petites cellules).
31
Annexe 1 : caractéristiques radiographiques des tumeurs en fonction de leur agressivité potentielle
T bénignes
T bas grade
T haut grade
Limites
Précise
Imprécises
Floue
Sclérose
périphérique
bordure scléreuse épaisse,
régulière et continue
plus fine irrégulière voire
discontinue
pas de bordure sclérotique
Réaction périostée
Véritable coquille contenant
la tumeur
Absente ou limitée (fine
apposition)
Ne contient pas l’expansion
tumorale. Image de :
-
pelure d’oignon
(concentrique),
-
poil de brosse ou feu
d’herbe (spicules)
Erosions corticales
Respectée ou soufflées
Érosions endostées, encoches
(scalopping)
Érosions ou rupture corticales
(triangle de Codman),
perméation
Extension aux
parties molles
Absente
Présente mais lente et bien
limitée (pseudo-capsule)
Présente sans limites nettes
Rapidité d’évolution
Evolution lente
Evolution rapide
32
Annexe 2 : fréquence des tumeurs en fonction de l’âge et de la localisation sur l’os
AGE 5 - 20 ANS
LOCALISATION
Malin/bénin
DIAPHYSAIRE
METAPHYSAIRE
Type
Fréquence
Malin
Tumeur d'EWING
Ostéosarcome à petites c
Adamantinome
+++
+
+
Bénin
Ostéome ostéoïde cortical
Dysplasie fibreuse
+++
Malin
Ostéosarcome (15 - 20)
Tumeur d'EWING (0 - 30 )
Fibrosarcome,
Chondrosarcome (rare > 10)
+++
++
Bénin
EPIPHYSAIRE
Différenciation
tissulaire
TUMEURS
Chondrome
CARTILAGINEUSES
Exostose ostéogénique
Fibrome Chondromyxoïde
Chondroblastome
TUMEURS TISSU
Fibrome non ossifiant
CONJONCTIF
Fibrome desmoïde
OS
Ostéome ostéoïde intraspongieux
Ostéoblastome
DYSTROPHIES
Dysplasie fibreuse (prox.)
Kyste solitaire (prox.)
Kyste anévrysmal
+++
+++
++
++
++
++
++
+++
+
Malin
Ostéosarcome à cellules
claires
Chondrosarcome à cellules
claires
+
Bénin
Chondroblastome
Ostéome ostéoïde articulaire
++
33
AGE 20 - 50 ANS
LOCALISATION
Malin/bénin
DIIAPHYSAIRE
METAPHYSAIRE
EPIPHYSAIRE
Différenciation
tissulaire
Type
Fréquence
Malin
Ostéosarcome juxtacortical
Chondrosarcome
Adamantinome
Metastases
++
++
+
+++
Bénin
Ostéome ostéoïde cortical
Hémangiome
+
Malin
Ostéosarcome
Fibrosarcome
Lymphome
Ostéosarcome juxtacortical
Chondrosarcome juxtacortical
Chondrosarcome périphérique
Chondrosarcome central
Métastase
+
++
++
+
+
Bénin
Chondrome
Ostéoblastome
Fibrome desmoïde
++
+
Malin
Synovialosarcome
Chondrosarcome à cellules
claires
+
++
rare mais possible
Ostéosarcome Ewing Chordome
Bénin
Tumeur à myéloplaxe
Chondroblastome
+++
34
AGE après 50 ANS
LOCALISATION
Malin/bénin
DIAPHYSAIRE
Malin
Différenciation
tissulaire
Type
Fréquence
Metastases (fémur,
humérus)
+++
Myélome
+
Bénin
METAPHYSAIRE
EPIPHYSAIRE
malin
Ostéosarcome
Chondrosarcome
+++
Lymphome sarcomateux
Myélome
++
++
Hystiocytofibrome malin
Métastases
Fibrosarcome
+
Bénin
Fibrome desmoïde
Malin
Synovialosarcome
Bénin
Chondrosarcome à cellules
claires
++
Chondrosarcome I II
+
Myélome
Métastases
+
pas de tumeur bénigne
Chordome
35
Annexe 3 : diagnostic histologique des principales tumeurs osseuses primitives
DIAGNOSTIC HISTOLOGIQUE
TUMEURS à CELLULES GEANTES
- Tumeur à myéloplaxe
- Ostéosarcome à Cellules Géantes
- Chondrosarcome à cellules géantes
- Hystiocytosarcome
- Métastases
- Fibrosarcomes
TUMEURS A PETITES CELLULES
- Ewing
- Ostéosarcome à petites Cellules
- Lymphomes malins
- Neuro épithéliome
- Tumeur neuro ectodermique D'ASKIN
VASCULARISATION
TUMEURS VASCULAIRES
- Angiome
- Kyste anévrysmal
- Granulome éosinophile
- Ostéosarcome télangectiasique
- Hemangiopéricytome
TUMEURS VASCULARISEES
- Ostéome ostéoïde
- Ostéoblastome
- Ostéosarcome
- Chordome
- Ewing
TUMEURS PEU VASCULARISEES
- Chondrosarcome
- Chondrome
- Fibrosarcome
- Ostéosarcome juxtacortical
- Fibrome Desmoïde
- Chondroblastome bénin
36
Annexe 4 : Indice de Karnofsky
37
Annexe 5 : Physiopathologie des métastases osseuses
(source, images et vidéo sur : http://www.ligandrank.ca/index.html)
Le rôle du ligand RANK dans le remodelage de l’os sain
Équilibre entre la résorption et la formation de l’os sain
Chez les adultes en santé, le fonctionnement normal des os est un processus dynamique et
coordonné, maîtrisé par deux types de cellules : les ostéoclastes et les ostéoblastes (voir ci-dessous).
Grâce à un processus de remodelage équilibré, les ostéoclastes résorbent l’os pendant que les
ostéoblastes forment le tissu osseux au même endroit. Les ostéoblastes sont de petites cellules de
forme cuboïde qui s’activent à reformer la matrice osseuse. Quant à l’ostéoclaste, plus gros, il
résorbe activement l’os. Cette séquence de remodelage osseux comprend quatre phases distinctes :
l’activation, la résorption, l’inversion et la formation
Le ligand RANK est essentiel au développement, à l’activation et à la survie des ostéoclastes
responsables de la résorption osseuse
Plusieurs protéines de la superfamille du facteur de nécrose tumorale (TNF) constituent des acteurs
clés de la série complexe d’événements qui rend les ostéoclastes matures, leur donnant ainsi la
capacité nécessaire pour résorber l’os. RANK, le ligand RANK et l’ostéoprotégérine (OPG) travaillent
tous de concert pour réguler la fonction des ostéoclastes. Le ligand RANK, libéré par les ostéoblastes
et les cellules stromales, se fixe au récepteur RANK situé sur les précurseurs des ostéoclastes
entraînant de ce fait le processus de différenciation afin qu’ils deviennent matures, soit des
ostéoclastes tout simplement (voir ci-dessous). Après cette liaison, les ostéoclastes en préfusion
arrivent à maturité et se transforment en ostéoclastes multi-nucléés. À la surface de l’os, le ligand
RANK active les ostéoclastes et inhibe le mécanisme d’apoptose
Le ligand RANK et l’OPG créent l’équilibre entre perte osseuse et formation osseuse
Plusieurs facteurs peuvent déclencher la formation des ostéoclastes, notamment l’hormone
parathyroïdienne, les prostaglandines, les interleukines 1 et 6, et les facteurs de stimulation des
colonies. Toutefois, la plupart d’entre eux stimulent l’ostéoclastogenèse en augmentant l’expression
du ligand RANK à la surface des cellules stromales et des ostéoblastes immatures de la moelle. Pour
maintenir l’équilibre entre la formation et la résorption de l’os, l’organisme produit naturellement
l’ostéoprotégérine (OPG), un autre membre de la superfamille de protéines du TNF, sécrétée par les
ostéoblastes. En se fixant au ligand RANK, l’OPG empêche celui-ci de se lier au récepteur RANK situé
à la surface des ostéoclastes et de leurs précurseurs. Ce processus est régi par les cytokines et les
hormones, et détermine ultimement l’activité des ostéoclastes. Ainsi, l’OPG est importante pour la
régulation de la formation des ostéoclastes et de la résorption osseuse. Une expression plus
marquée du ligand RANK constitue la clé du développement des maladies osseuses attribuables à
une résorption osseuse accrue. Bien souvent, l’expression de l’OPG est diminuée et (ou) l’expression
du ligand RANK est accrue. Une plus forte expression du ligand RANK favorise la perte osseuse, tandis
qu’une expression réduite du ligand RANK diminue l’activité des ostéoclastes, donc la résorption
osseuse
Le rôle du ligand RANK dans la maladie osseuse métastatique
Métastases osseuses ostéoblastiques versus ostéolytiques
38
Les métastases osseuses sont souvent caractérisées par leur aspect radiographique; elles sont soit
ostéolytiques, soit ostéoblastiques, soit mixtes. La plupart des patients atteints d’un cancer du sein
présentent principalement des lésions mixtes ou ostéolytiques. Chez les patients atteints d’un cancer
de la prostate, on a par contre observé que les lésions étaient souvent à prédominance
ostéoblastique. Toutefois, sans égard à leur aspect, on note une forte activité ostéolytique. En fait,
l’activité ostéolytique dans ces lésions est souvent comparable, sinon supérieure, à celle observée
habituellement dans le cancer du sein et le myélome multiple. Une telle activité a été démontrée par
des concentrations de marqueurs biochimiques de la résorption osseuse considérablement élevées
dans le sérum et l’urine de ces patients. Des lésions purement lytiques se développent seulement
dans le myélome multiple.
Le ligand RANK déclenche un « cycle vicieux » d’ostéolyse métastatique et de croissance tumorale
Dans la maladie osseuse métastatique, le ligand RANK a été impliqué dans un « cycle vicieux »
d’ostéolyse et de croissance tumorale. Certaines tumeurs qui se sont métastasées dans les os
produisent des facteurs de croissance qui peuvent augmenter la libération du ligand RANK par les
ostéoblastes, stimulant ainsi l’activité des ostéoclastes et entraînant une perte osseuse excessive. La
résorption osseuse causée par les ostéoclastes entraîne la libération par la matrice osseuse de
facteurs de croissance et de calcium, lesquels, à leur tour, peuvent stimuler la cellule tumorale,
contribuant davantage à ce cycle d’ostéolyse2. Sur le plan clinique, les métastases osseuses peuvent
être associées à une morbidité considérable touchant le squelette, notamment une radiothérapie
pour traiter les douleurs osseuses, une intervention chirurgicale, une fracture pathologique, une
compression de la moelle épinière ou des racines nerveuses et une hypercalcémie d’origine
tumorale. L’un ou l’autre de ces événements est considéré comme une complication osseuse.
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