Principes de production et d`utilisation des cellules souches

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Master ITB 2011-2012
Principes de production et d’utilisation des
cellules souches hématopoïétiques
1. Définition et caractérisation des cellules souches hématopoïétiques
1.1. Définition
Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont certainement une des populations de
cellules souches les mieux caractérisées. Une seule CSH est capable de reconstituer
l’ensemble du système hématopoïétique.
La définition d’une cellule souche comme les CSH est purement fonctionnelle, basée sur la
« capacité d’une cellule unique à se renouveler et à régénérer l’ensemble d’un système
cellulaire ». Cette définition sous-entend que les cellules souches ont deux propriétés
biologiques :
 La capacité à proliférer et à se renouveler. Cette propriété fonctionnelle est définie
comme la capacité d’une cellule fille à garder la capacité de régénérer l’ensemble du
système cellulaire concerné. Cette propriété permet au compartiment de cellules
souches de conserver la capacité à régénérer un système cellulaire à long terme.
 La capacité à l’échelon unicellulaire de produire un très grand nombre de cellules
différenciées.
Figure 1 : Cellule souche hématopoïétique et différenciation
1.2. Ontogénèse de l’hématopoïèse
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Les précurseurs des CSH prennent naissance dans le sac vitellin. Ils rejoignent la région aortogonado-mésonéphrotique (AGM), puis colonisent, via la circulation sanguine, les principaux
sites hémogéniques : le placenta, le foie fœtal pour finalement rejoindre le siège de
l’hématopoïèse adulte, la moelle osseuse.
Figure 2 : Ontogénèse de l’hématopoïèse chez l’homme
1.3. Phénotype et isolement des cellules souches hématopoïétiques
Le marqueur spécifique de la cellule souche n’existe pas : cette dernière est masquée au
milieu de populations hétérogènes, n’est pas morphologiquement identifiable et est
difficilement accessible car localisée dans des niches. Aussi, la caractérisation phénotypique
et la purification d’une population enrichie en cellules souches sont-elles réalisées par la
combinaison de marqueurs membranaires.
L’antigène CD34 : le cluster de différentiation 34 a été l’un des tous premiers marqueurs
membranaires caractérisant une population de CSH humaines et il est actuellement l’antigène
le plus utilisé dans l’étude et la caractérisation des CSH humaines. Il s’agit d’une
glycoprotèine transmembranaire fortement glycosylée de la famille des sailomucines,
impliquée dans l’adhésion, la migration cellulaire et le homing.
L’antigène CD38 : Le CD38 est un marqueur négatif des CSH. A l’inverse de l’antigène
CD34, le CD38 n’est pas exprimé à la surface des CSH et son expression apparaît lors de la
différenciation des cellules.
L’antigène CD133 : Le CD133 peut se substituer au CD34. Il est présent à la surface des
CSH humaines primitives et des progéniteurs neuronaux.
Marqueur Lin- : le marqueur Lin- est en fait un cocktail d’anticorps qui va permettre
d’éliminer les cellules qui possèdent à leur surface des marqueurs spécifiques des lignées
(CD2, CD3, CD11b, CD11c, CD14, CD16, CD19, CD24, Cd56, CD66b, glycophorine A), Il
s’agit alors d’un enrichissement par déplétion des cellules matures.
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2. Pourquoi greffer des CSH ?
Deux circonstances peuvent être distinguées :
 Le patient est porteur d’un déficit constitutionnel ou acquis de tout ou partie de son
tissu hématopoïétique : aplasie médullaire, hémoglobinopathies, déficits immunitaires
combinés sévères, anomalies enzymatiques… Dans ces cas, il ne s’agit que
d’allogreffe (donneur ≠receveur)
 Le patient est porteur d’une affection maligne du tissu hématopoïétique. Le greffon
apportera alors des CSH en remplacement de celles qui auront été détruites par les
traitements (cures de chimiothérapie). Il peut s’agir alors d’autogreffe (donneur =
receveur) ou d’allogreffe. Toutefois, seule l’allogreffe apporte, dans ces indications,
un élément supplémentaire visant à un effet anti-leucémique (effet Graft versus
leukemia –GVL) de la greffe par l’action de cellules immunocompétences présentes
dans le greffon (Lymphocytes T, cellules Natural Killer)
3. Les différentes sources de CSH
3.1. La moelle osseuse
C’est la source « historique » de CSH, utilisée dans le cadre des autogreffes et des allogreffes.
La moelle est prélevée sous anesthésie générale au niveau des crêtes iliaques. Le volume de
moelle prélevé varie avec le poids du receveur, en moyenne 600ml à 1l permettant de
recueillir 2 à 3.108 cellules nucléées par kg de poids du receveur. Elle est actuellement
quasiment réservée à des cas d’allogreffes.
3.2. Le sang périphérique
Le sang périphérique renferme physiologiquement un très petit nombre de CSH. Toutefois, on
peut mobiliser les cellules souches médullaires et les faire migrer en périphérie grâce à des
facteurs de croissance hématopoïétiques. On utilise le Colony Granulocyte Stimulating Factor
(G-CSF).
Dans le cadre d’allogreffes, les CSH sont mobilisées par le facteur de croissance seul.
3.3. Le sang placentaire
Le sang contenu dans le cordon ombilical renferme un grand nombre de CSH même si le
volume de sang en pratique est modeste (80 à 200ml). Ces CSH sont utilisées essentiellement
dans le cadre d’allogreffes non apparentées, très rarement lors de greffes familiales (frère ou
sœur d’un malade). Des banques d’unités de sang placentaire (USP) se sont constituées dans
le monde. Le sang placentaire est recueilli à la naissance après autorisation maternelle, il est
cryoconservé et caractérisé (richesse en CSH, typage HLA, sérologies, contrôle
microbiologique). Au 31 décembre 2010, on comptait 10 906 USP dans le réseau français de
sang placentaire et 465 000 dans les banques internationales.
4. L’autogreffe de CSH
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Le donneur est le receveur de CSH. Ce sont les cellules souches du sang périphériques qui
sont la source de CSH dans plus de 97% des autogreffes. Ces greffes ont été rendues possibles
grâce à la maîtrise acquise des techniques de congélation et de cryoconservation. En 2008,
2951 greffes autologues ont été réalisées en France.
4.1. Les indications
En 2010, 2890 patients ont été autogreffés en France.
 Indications en Hématologie (91%)
 Myélome
 Lymphomes non hogkiniens
 Maladie de Hodgkin
 Leucémies aiguës myéloïdes
 Indications en Cancérologie (9%)
 Cancer du sein
 Cancer des testicules
 Cancer de l’ovaire
4.2. Le déroulement de la greffe
Figure 3 : Déroulement de l’autogreffe
Donneur et receveur sont la même personne. L’intérêt des autogreffes est de pouvoir proposer
au patient, des chimiothérapies à fortes doses car même si les agents cytotoxiques détruisent
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une partie des CSH, et rend le patient vulnérable aux infections, l’injection de leurs propres
CSH permet de le faire sortir d’aplasie plus rapidement (en moyenne J12 à J15 postautogreffe).
Le malade, porteur dans la très grande majorité des cas d’une maladie maligne, bénéficie d’un
prélèvement de CSH à un moment où l’on suppose que le volume tumoral correspondant à la
maladie initiale est le plus faible possible : rémission complète dans les leucémies aigues ou
les lymphomes, très bonne réponse partielle dans les lymphomes ou les myélomes. Le plus
souvent donc, le malade aura préalablement déjà subi un traitement cyto-réducteur et ce n’est
qu’après avoir évalué l’efficacité du traitement sur le volume tumoral que la décision du
recueil de CSH sera prise.
Le recueil de CSH sanguines a le plus souvent lieu au décours d’un cycle de chimiothérapie
suffisamment intensif pour entraîner une hypoplasie médullaire. C’est au sortir de cette
période d’aplasie, le plus souvent accélérée par l’administration d’un facteur de croissance
(G-CSF)à la dose de 5mg/kg /j pendant 7 à 12 j, soit après administration du seul G-CSF
(10mg/j/pendant 4 à 5 jours) qu’on réalise les séances de cytaphérèses.
.
Les greffons sont constitués après un ou plusieurs prélèvements des CSH périphériques lors
de séances de cytaphérèses. Les cellules sont prises en charge dans les laboratoires de thérapie
cellulaire où elles sont congelées, cryopreservées en azote (liquide ou vapeur) puis
décongelées. L’agent cryoprotecteur est le Diméthylsulfoxide (DMSO) ; il protège les
membranes et évite la cristallisation, il ralentit les échanges d’eau et réduit la concentration
intracellulaire en électrolytes.
La validation du greffon est réalisée à l’étape de congélation. On effectue :
 Une numération des cellules
 Un contrôle de la viabilité cellulaire
 Une étude phénotypique des cellules souches et une quantification (cellules
CD45+, CD34+). NB : Une étude fonctionnelle des CSH par une culture des
progéniteurs hématopoïétiques en méthyl-cellulose (culture de 12 à 14J) pour
déterminer le nombre de colonies de CFU-GM (Colony Forming UnitGranulocytes. Macrophages)
Actuellement, un greffon moyen contient plus de 3.106 cellules CD34+ par Kg de poids du
receveur. Les cellules CD34+ doivent être fonctionnelles : CFU-GM> 30.104/kg.
Avant la décongélation des CSH, le patient reçoit un traitement chimiothérapie ±
radiothérapie. Ce conditionnement a pour but d’éliminer les cellules tumorales résiduelles.
Après décongélation et lavage des CSH dans l’unité de thérapie cellulaire (lavage dans le but
d’éliminer le DMSO)., la réinjection des CSH se fait par voie IV. Le conditionnement induit
une aplasie médullaire chez le patient nécessitant son hospitalisation. Grâce à l’administration
des CSH autologues, cette période d’aplasie est réduite à 7 à 10 jours.
5. L’allogreffe de CSH
5.1. Compatibilité HLA
L’allogreffe suppose un donneur de CSH différent du receveur mais sélectionné en fonction
de certains critères d’histocompatibilité avec le receveur. Il est le plus souvent exigé une
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compatibilité parfaite entre donneur et receveur dans le système d’histocompatibilité, le
système HLA
Au niveau des antigènes de classe I (HLA-A, HLA-B, HLA-C)
Au niveau des antigènes de classe II (HLA-DRB1, HLA-DQB1)
Greffes apparentées
Greffes non apparentées
2000
587
212
2010
723
948
Tableau 1 : Chiffres de l’allogreffe en France en 2000 et 2010 (source : Agence de
Biomédecine-Rapport annuel 2010)
5.2. Indications :
Hémopathies malignes
 LAM, LAL
 LMC
 Syndromes myélodysplasiques
 Lymphomes, myélome
Maladies non malignes
 Aplasies médullaires constitutionnelles (Maladie de Fanconi) ou acquises
 Déficits immunitaires combinés sévères
 Hémoglobinopathies (thalassémie, drépanocytose)
 Déficit enzymatique portant sur le tissu hématopoïétique
5.3. Le déroulement de l’allogreffe
Figure 4 : Déroulement de l’allogreffe
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Le déroulement de l’allogreffe est le suivant
 Choix du donneur de CSH est fonction du typage HLA
Greffe géno-identique : le donneur compatible est un frère ou une sœur du receveur
Un cas particulier de greffe géno-identique est la greffe syngénique réalisée entre jumeaux
monozygotes
Greffe phéno-identique : le donneur compatible est un volontaire sain non apparenté inscrit
sur un fichier international ou USP

Le conditionnement pré-greffe (chimiothérapie et/ou irradiation corporelle
totale)
Il a le double but de permettre une immunosuppression suffisante du receveur pour assurer la
prise de greffe en empêchant le rejet et de permettre l’éradication éventuelle d’un clone malin.

La greffe
La greffe, simple transfusion des cellules du donneur prélevées quelques heures auparavant
(valable pour moelle ou cellules souches du sang périphérique ; décongélation dans le cadre
d’USP). En 2010, la répartition des sources de CSH allogéniques a été la suivante : 56,2% de
cellules souches issues du sang périphérique, 31,2% : moelle osseuse, 12,6% unités de sang
placentaire.

La phase d’aplasie
La phase d’aplasie précède la reconstitution myéloïde et l’établissement d’un chimérisme
hématopoïétique chez le receveur. La période d’aplasie dure 2 à 3 semaines durant lesquelles
le patient est hospitalisé en chambre stérile.

La reconstitution immunitaire
La longue phase de reconstitution immunitaire est associée à des risques infectieux majeurs.
5.4. Les complications immunologiques :
5.4.1. Le déficit immunitaire :
Le conditionnement induit chez le receveur un déficit immunitaire cellulaire et humoral
transitoire (quelques mois) mais constant et important responsables d’éventuelles
complications infectieuses, tout à fait comparables à celles que l’on peut observer chez des
patients porteurs de syndromes immunodéficitaires acquis.
5.4.2. Les conflits immunologiques post-greffe entre donneur et receveur
En dehors de greffes syngéniques, le risque potentiel de conflits immunologiques entre les
cellules du greffon et les cellules ou tissus du receveur est toujours présent même en situation
de compatibilité HLA apparente (Ag HLA mineurs différents). En situation comparable de
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compatibilité HLA, le risque de conflits immunologiques est beaucoup plus important s’il
s’agit d’un donneur non apparenté.
 Le rejet :
Le risque de rejet est, dans les circonstances habituelles de greffe, très faible (< 1%) en raison
de la très importante immunosuppression induite chez le receveur par le conditionnement.
 La réaction du greffon contre l’hôte
Le risque de réaction du greffon contre l’hôte est par contre, beaucoup plus important car les
conditions d’apparition de celle-ci sont réunies après un greffe allogénique de CSH :
- un receveur très immunodéprimé, incapable de rejeter les cellules allogéniques transfusées
- un greffon riche en cellules allogéniques immunocompétentes (lymphocytes T) qui vont
identifier les cellules et tissus du receveur comme « étrangers » au donneur. Cette réaction
immunitaire (Graft Versus Host disease : GVHD) est donc liée à la réactivité des cellules
immunocompétentes du donneur contenues dans le greffon vis-à-vis d’antigènes cellulaires
et/ou tissulaires (HLA ou non) du receveur amplifiée par l’action de nombreuses cytokines
(IL-2, TNF-α, IFN-γ…) elles-mêmes produites au décours de lésions cellulaires et/ou
tissulaires induites par le conditionnement (on parle d’orage cytokinique).
Composition du greffon et conséquences
reconstitution
hématopoïétique
CSH
CSH
CSH
CSH
CSH T
T
T
T
CSHCSH
T
CSH
CSH CSH
T
GVH
T
T
LyT alloréactifs
Allo-antigènes
GVL
greffon médullaire
=
tissu immunocompétent
Antigènes tumoraux
reconstitution
immunitaire
GVI
Antigènes viraux ou bactériens
GVH aiguë : < 100J post greffe
tube digestif, foie, peau
10 à 70% morbidité
20 - 40% mortalité
GVH chronique : > 100J post greffe
peau, foie, glandes salivaires, SI
20 à 50% morbidité
5 à10% mortalité
Figure 5 : Composition du greffon et conséquences
La GVHD survient dans près de 30% des cas après allogreffe familiale géno-identique et plus
de 80% des cas après allogreffe phéno-identique entraînant 20 à 40% de mortalité.
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Elle se manifeste de 2 façons :
- GVHD aigue : survenant classiquement dans les 100 jours post greffe. Les organes cibles
sont essentiellement la peau (éruptions plus ou moins étendues avec parfois véritable
décollement cutané, le tube digestif (diarrhées parfois profuses), le foie (ictère cholestatique).
- GVHD chronique : survenant plus de 100 jours après la greffe ; les manifestations sont
variables. Cette maladie ressemble à certaines maladies auto-immunes telles la sclérodermie,
le syndrome de Gougerot-Sjögren….
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