Page 1/5 PREMIERE APPARITION DES QUANTA Le rayonnement thermique Les premières lois du rayonnement sont établies en 1859 par Gustav Kirchhoff (physicien allemand 1824-1887). Il distingue le rayonnement thermique, l’émission de lumière par un gaz et son absorption. En intercalant un prisme sur le trajet de la lumière on visualise son spectre, c'est-à-dire l’étendue de ses couleurs. spectre continu spectre d'émission spectre d'absorption Premières expériences Un clou en fer, un filament de tungstène … chauffés émettent de la lumière qui passe du rouge au blanc puis au bleuté lorsque la température augmente. Thomas Wedgwood découvre en 1792 que les corps chauffés deviennent tous rouge à la même température. Ces expériences suggèrent que le rayonnement thermique ne dépend pas de la nature du corps mais uniquement de sa température. Les études expérimentale et théorique vont confirmer cette hypothèse. Modélisation du rayonnement thermique : le corps noir Les expériences ci-dessus se prêtent mal à une étude précise. En effet il faut sans cesse chauffer le corps pour le maintenir à une température donnée et le rayonnement que l’on veut étudier s’échappe dans l’espace. D’où l’idée d’enfermer le rayonnement dans une « enceinte » qui est : - initialement vide, - portée à une température constante. Ce système idéal s’appelle le « corps noir ». Pour pouvoir étudier le rayonnement, on perce un petit trou dans l’enceinte et l’on peut alors faire l’analyse spectrale de la faible partie du rayonnement qui s’échappe sans perturber notablement l’état du corps noir. Pratiquement, un four vidé et muni d’un thermostat réalise une bonne approximation du corps noir. Deux remarques : - Pourquoi noir ? Parce qu’au zéro absolu, le corps n’émet aucun rayonnement thermique donc il est noir. C’est sa propre « couleur ». (cf. Feynman Mécanique 2 & Raymond Castaing, Cours de Thermodynamique.) - un corps bleu réémet du bleu ou une superposition de couleurs qui nous apparaît bleue, un corps noir ne réémet rien. - On peut introduire des corps dans l’enceinte. On montre qu’une fois l’équilibre thermique réalisé, le rayonnement thermique est inchangé. Page 2/5 Etude du corps noir Le fonctionnement du corps noir Lorsque l’enceinte est chauffée, les particules chargées qui constituent les parois vibrent. Ce qui engendre des ondes électromagnétiques, de la lumière. C’est le processus d’émission. Lorsque ces ondes arrivent sur une paroi, elles sont absorbées, les vibrations des particules augmentent. C’est le processus d’absorption. Lorsque l’équilibre est atteint, il y a à chaque instant autant d’ondes émises que d’ondes absorbées. Le rayonnement thermique enfermé dans l’enceinte est alors caractérisé par son énergie électromagnétique. Remarque : Le corps noir à l’équilibre à une température fixée absorbe tout le rayonnement qu’il reçoit et le réémet. La densité volumique d’énergie électromagnétique Plus le volume de l’enceinte est grand et plus l’énergie contenue est grande ; si le volume double, l’énergie double, etc. Donc on s’intéresse à la densité volumique d’énergie : Eem V u Eem est en joules (J), u est en joules par mètres-cube (J.m-3). La connaissance de la densité d’énergie n’est pas suffisante pour caractériser le rayonnement du corps noir. On veut connaître la densité d’énergie pour chaque couleur c'est-à-dire chaque fréquence. 10 8 10 11 10 14 10 17 rayons rayons X ultra violets visible infra rouges micro-ondes ondes radar ondes radio Voici la gamme des fréquences et le nom des ondes ou rayonnements correspondants : 10 20 fréquence (Hz) L’échelle utilisée est logarithmique, l’unité représente un facteur 10. Dans les spectres précédents, seules les parties visibles sont montrées. La densité volumique spectrale d’énergie Il est impossible de mesurer la densité volumique d’énergie à une fréquence unique, déterminée, mais on peut mesurer la densité volumique d’énergie du dans une bande de fréquence de très petite largeur dν. Cette densité est proportionnelle à la largeur de bande dν : du d La densité volumique d’énergie par unité de fréquence ou densité spectrale ρν est en J.m-3.Hz-1 c'est-àdire J.m-3.s. Page 3/5 La catastrophe ultraviolette Loi de Wien Kirchhoff avait montré que la densité spectrale ne dépend que de la fréquence et de la température. Par des considérations thermodynamiques et électromagnétiques (effet Doppler), Wien montre en 1894 que : 3 f T Dans cette équation la fonction f n’est pas encore déterminée mais Wien a montré qu’elle ne dépendait que du quotient ν/T. Et il établit en 1896 la loi qui porte son nom : 3 exp T α et β sont deux constantes (c'est-à-dire ne dépendant ni de T ni de ν) qui sont déterminées expérimentalement. Elle rend bien compte des résultats expérimentaux aux hautes fréquences. Et jusqu’en 1900 on croit que cette loi est valable à toutes les fréquences. Loi de Rayleigh-Jeans Mais des mesures effectuées à Berlin montrent que la loi de Wien n’est pas valable aux basses fréquences. D’autre part, Lord Rayleigh, physicien anglais (John William Strutt 1842-1919) et James Jeans (astronome, mathématicien et physicien anglais 1877-1946) aboutissent à une autre loi par des considérations de thermodynamique et d’électromagnétisme (décompte des modes vibratoires) : 8 k c3 2 T 8 k c3 1 3 T Remarquons qu’elle est bien de la forme ν f(ν/T). Nous reviendrons sur les deux constantes : celle de Boltzmann k et la célérité de la lumière c. Elle rend bien compte des résultats expérimentaux aux très basses fréquences. Mais aux hautes fréquences, elle conduit à la « catastrophe ultraviolette » : quand la fréquence augmente, l’énergie aussi ; elle devient théoriquement infinie, ce qui ne peut physiquement être le cas car le corps noir exploserait - ce qu’on ne constate pas ! Remarque : le nom de catastrophe ultraviolette n’a été donné à cette situation que beaucoup plus tard, en 1911, par le physicien Paul Ehrenfest. 3 Enfin Planck vint ! Qui est Planck ? Planck est né en 1858 et mort en 1947 à l’âge de 89 ans. 1901 1930 Page 4/5 Il passe sa thèse sur le second principe de la thermodynamique. Ce principe énoncé pour la première fois en 1824 par Sadi Carnot traite de l’irréversibilité des phénomènes et définit une nouvelle grandeur thermodynamique, l’entropie, qui mesure « le désordre » d’un système physique. En 1900, âgé de 42 ans, il introduit les quanta. Puis il travaillera sur la mécanique relativiste et la thermodynamique statistique relativiste. Il est prix Nobel en 1918. La loi de Planck Planck cherche à raccorder ou interpoler les deux lois. Ses considérations de thermodynamique le conduisent à la loi de Planck : 8 h c3 3 1 h exp kT 1 Trois constantes universelles interviennent dans cette loi. La célérité de la lumière c attachée à la théorie de la relativité, la constante de Planck h qui joue un rôle fondamental dans la théorie quantique et la constante de Boltzmann k liée à la thermodynamique statistique. Leurs valeurs : c = 2,99792458.108 m.s-1 ≅ 3,00. 108 m.s-1 h ≅ 6,62618. 10-34 J.s ≅ 6,63. 10-34 J.s k ≅ 1,38066. 10-23 J.K-1 ≅ 1,38. 10-23 J.K-1 En abscisse, la fréquence : Une unité = 1015 Hz En ordonnée, la densité spectrale : Une unité = 10-15 J.m-3.s En vert la loi de Planck En violet, la loi de Rayleigh-Jeans En rouge et bleu, les limites du visible Température : 10 000 K L’interpolation Comment procède-t-il ? Puisque le rayonnement du corps noir est indépendant de la matière constituant l’enceinte, Planck décide de considérer la paroi la plus simple : une assemblée de résonateurs c’est à dire d’oscillateurs constitués de masses fixées à des ressorts. On note u1 l’énergie moyenne d’un résonateur et s1 son entropie. Page 5/5 Planck s’intéresse à l’inverse de la dérivée seconde de l’entropie par rapport à l’énergie : R d 2 s1 du12 1 La dérivée première est toujours positive (c’est l’inverse de la température), la dérivée seconde décrit donc le phénomène. Selon Planck, elle mesure l’irréversibilité des échanges d’énergie entre la paroi et le rayonnement. De plus l’étude de l’entropie est en relation avec ses travaux antérieurs. Grâce à la thermodynamique, il a calculé les deux expressions de R relatives aux lois de Wien et de Rayleigh-Jeans et les a ajoutés : R = RW + RRJ = -a u1 -b u12 (a et b sont deux coefficients) Cela lui a donné une expression qui se ramenait à la loi de Wien aux grandes fréquences car RRJ est alors négligeable devant RW et vice-versa. Ensuite il en a déduit ρν. Planck propose sa formule à la Société de Physique de Berlin le 19 octobre 1900. Dans la nuit même, un de ses collègues physiciens confronte la formule aux résultats expérimentaux. Et dès le lendemain matin l’informe de son succès. Planck considère sa formule comme une « heureuse trouvaille ». L’interprétation Planck ne se satisfait pas de ce bon accord expérimental, il veut trouver l’interprétation théorique de cette loi. Il lui faut partager, diviser l’énergie du rayonnement entre les N résonateurs de la paroi. Il est conduit à considérer que les échanges d’énergie entre la matière et le rayonnement se font par quantités déterminées, par « quanta » de valeur E = hν. Le 14 décembre 1900, devant la Société Allemande de Physique, Planck explique l’interprétation théorique qu’il dégage de la loi du rayonnement. Il faut préciser que Planck mettra beaucoup de temps à croire lui-même à son interprétation. Einstein sera, comme nous allons le voir, beaucoup plus hardi. Continu et discontinu Pourquoi cette interprétation est-elle si difficile à croire ? C’est le poids de l’Histoire. La Physique a longtemps fonctionné selon un modèle continu avec un monde de la Physique rempli de deux sortes « d’objets », la matière et les ondes. Ces deux objets apparaissent d’abord comme continus. A part les considérations atomistes de Démocrite, la matière a longtemps été vue comme continue, c'est-à-dire sans vide et divisible à l’infini. Au XIXe siècle l’hypothèse atomique est revenue à la surface pour expliquer les proportions fixes dans les réactions chimiques et les propriétés des gaz. Les ondes jusqu’à l’apparition des quanta sont traitées comme continues. Leur énergie est répartie continument dans l’espace et est divisible à l’infini. De plus le phénomène lui-même, à savoir le rayonnement thermique, est continu : toutes les fréquences y sont présentes, avec une plus ou moins grande intensité mais toutes sont là. On peut s’étonner d’expliquer un phénomène continu par un processus discontinu. Dans l’interprétation présentée par Planck, des échanges d’énergie discontinus entre la matière et les ondes expliquent le rayonnement continu du corps noir. Remarque : Le spectre du corps noir est continu mais le spectre des atomes est discontinu. Nous en reparlerons.