Péritonites associées à la Dialyse Péritonéale Docteur Martial MOONEN Service de Néphrologie CHR de la Citadelle – Liège Formation Frésénius le 22 novembre 2011 INTRODUCTION Risques liés aux péritonites • Morbi-mortalité accrue – Mortalité toutes formes : 3,5 - 6 %(*) • Mycotiques : 28 % • Germes entériques : 19 % • Staphylocoque doré : 15 % • Perte du cathéter de DP • Transfert en hémodialyse – Première cause de transfert (DP → HD) • Perte (temporaire) d’ultrafiltration • Altérations (définitives) des propriétés du péritoine Pérez et al. Perit Dial Int 2005 INTRODUCTION Sources de contamination • Contamination directe par contact • Contamination cutanée par germes pathogènes (S. epidermidis et S. aureus) • Erreurs de manipulation • • Infection du cathéter – tunnelite Migration transviscérale due à une pathologie intra-abdominale (péritonites entériques) • • • • • • • • • • Cholécystite Appendicite Diverticulite perforée Traitement d’une constipation sévère Endoscopie digestive (perforation) Ischémie intestinale Hernies étranglées Pancréatite aiguë Contamination hématogène (rare) Contamination vaginale (rare) INTRODUCTION Facteurs favorisants • Nombre de manipulations journalières • CAPD > APD • Présence continue de dialysat non physiologique dans le péritoine • Réduction des défenses immunitaires locales – Dilution des macrophages locaux et des cytokines • Hyper concentration en glucose, hyperosmolaire, pH bas • • Défenses immunitaires de 1ère ligne (macrophages et cytokines) éliminés à chaque drainage Mécanismes de défenses de la surface mésothéliale maximum quand contact existant entre les deux feuillets • La présence le dialysat réduit l’efficacité de contact • Altération permanente de la fonction membranaire • Cathéter = lien entre milieu stérile et non-stérile • Nid microbien : Le BIO FILM • Risque saisonnier • Incidence accrue pendant les mois chauds et humides Le Bio film • Communauté de microorganismes (bactéries, champignons, etc) adhérant entre eux, fixée à une surface, et caractérisée par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice • Il peut se développer sur n’importe quel type de surface : – Naturelle : débris cellulaires, séquestres – Artificielles : prothèse, sonde, cathéter… – Tissus vivants : endocardite Bio film Cycle de vie Bio film caractéristiques • La matrice du biofilm est constituée de polysaccharides : peptidoglycans, cellulose • Un biofilm est naturellement résistant aux antibiotiques : – Protection passive « physique » contre l’entrée des ATB – Protection métabolique : bactéries moins actives métaboliquement, donc moins réceptives aux ATB – Protection active : la résistance de P. aeruginosa a été attribuée à des pompes d’efflux du biofilm expulsant activement les composants antimicrobiens – Protection génétique : dans un biofilm l’expression génétique des bactéries peut être modifiée. L’environnement du biofilm est propice aux échanges de matériel génétique et permet le transfert de caractères de résistance Bio film : état de la question • Culture de frottis de bio film : – Staphylocoques dorés – Staphylocoques coagulase négative • Résistance aux ATB in vitro • Risque : – Péritonite récidivante – Infection péritonéale asymptomatique persistante • Intérêt de répéter la culture même une fois que le liquide est redevenu clair • Prise en charge – Retrait du cathéter – Utilisation Urokinase-Rifampicine pourrait permettre de récupérer > 60 % des cathéters (culture positive à j8) N. Demoulin et E. Goffin. Perit Dial Int 2009 PRESENTATION CLINIQUE Signes et symptômes • Dialysat trouble : > 90 % • Douleurs abdominales : 79 % – Germes dépendante : streptocoque ++ – Douleur généralisée > douleur localisée (péritonites entériques) – Sensibilité à la palpation : 70 % – Sensibilité au rebond : 50 % • Fièvre > 37.5°C : 53 % • Nausées : 31 % • Diarrhée : 7 % PRESENTATION CLINIQUE Péritonites entériques • • • < 6 % des péritonites de DP Symptômes généraux plus marqués (hypoPA, état de choc, …) Douleurs plus souvent localisées • • • • • Cholécystite : douleur hypochondre droit Diverticulite : douleur FIG Si hernie étranglée : site herniaire douloureux … Amylases dans le dialysat > 50 UI/l – ! Icodextrines : interférences avec dosage des amylases (faux -) • • • • Lipases > 15 UI/l suggère pancréatite ou perforation duodénale Culture : germes intra-intestinaux Peu d’amélioration par le traitement empirique si la cause n’est pas traitée Récidives fréquentes à l’arrêt du traitement DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Cytologie du liquide péritonéal • Historiquement : GB > 100 /mm³ (N: < 8 /mm³) – Pourquoi cette limite de 100 GB/mm³ ? • > 100 GB : liquide trouble < 100 GB liquide clair – 10 % des péritonites bactériennes ont < 100 GB/mm³ au bilan initial !! • Faible réponse immunitaire • Temps de stase trop faible (APD) • Guidelines ISPD 2010 : > 50 % PNN suggère une péritonite bactérienne indépendamment du nombre de GB en valeur absolue. EVALUATION ET DIAGNOSTIC Histoire et examen clinique • Possible contamination – erreur de manipulation avouée • Histoire de constipation, de diarrhée et/ou de modifications du transit habituel • Histoire récente de péritonite • Cultures récentes • Antibiogrammes récents • Inspection de l’orifice du cathéter • Infection, écoulement au point d’entrée du tunnel • cultures récentes • Recherche de douleurs localisées et des hernies EVALUATION ET DIAGNOSTIC Liquide péritonéal EVALUATION ET DIAGNOSTIC Liquide péritonéal • Diagnostic positif • Liquide trouble = péritonite jusqu’à preuve du contraire → initier traitement sans nécessairement attendre cytologie – ! Liquide trouble par excès de protéines ou de lipides ! • GB > 100/mm³ (et/ou > 50 % PNN) • Si histoire typique mais liquide normal • Considérer comme péritonite (répéter analyse) • Faire échange (stase 1-2 h) si patient APD • Coloration GRAM • Orientation diagnostique et thérapeutique • Dosage amylases / lipases • Si suspicion de péritonite entérique • Culture = confirmation diagnostique • Bactérienne – Mycobactérienne - Mycotique • Positive dans 80 à 90 % des cas EVALUATION ET DIAGNOSTIC Autres analyses • Biologie sanguine • Orientation générale – Leucocytose : 10.000-15.000 /mm³ – Syndrome inflammatoire • Hémoculture • Bactériémie rare (< 1%) → hémocultures rarement positives • A faire si signes généraux importants (fièvres ++, sepsis,…) • Imagerie : CT-scan • Présence d’un peu d’air peut être « physiologique » en DP • Rarement indiqué en 1ère intention • Si suspicion de péritonite entérique (suspicion clinique ou amylases/lipases majorées) • Si signes généraux importants : fièvre ++, Syndrome inflammatoire ++, … • Si pas de réponse au traitement au J-3 • Si récidive à l’arrêt du traitement EVALUATION ET DIAGNOSTIC Péritonites à culture négative • Culture stérile ou aseptique < 20 % • Analyse trop précoce – isolation des colonies difficile car en trop faible quantité • Technique microbiologique de culture inappropriée – Échantillon de trop faible quantité – Mauvaise instrumentation du matériel • Culture décapitée par la présence d’antibiotique – Prélèvement après début du traitement !! – Antibiothérapie antérieure pour une autre cause • Distinction difficile avec péritonites stériles non-bactériennes – Pas d’amélioration de la cellularité du dialysat et des symptômes sous antibiotiques • Péritonites à éosinophiles • Péritonites « allergiques » : Icodextrines, composants des tubulures, médicaments (vancomycine) • Péritonites associées à une néoplasie (hypernéphrome, leucémie, lymphome,…) • Péritonites associées à une pancréatite DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL • Affections abdominales non liées • Dialysat trouble • Néoplasie péritonéale • Production excessive de fibrine (début DP, post péritonite,…) • Fuite de lipides (triglycérides): ascite chyleuse • Dialysat sanguinolent • Toutes les causes d’hémopéritoine • Traumatismes liés au cathéter • Affections gynécologiques • Péritonite à éosinophiles • > 10 % de PN éosinophiles à la présentation • Infectieuses : virales, mycosiques, mycobactériennes, … • Non-infectieuses : début DP, icodextrines, chimique, vascularites, idiopathiques … PREVENTION DES PERITONITES • Dual bag + flush • Dialysat plus « physiologique » et concentration faible en glucose – Réduction de l’altération des défenses locales – Amélioration des fonctions des neutrophiles et des macrophages • Ecolage « aseptique » – Traitement des déconnexions : céphalosporine PO ou IP 2j • Antibioprophylaxie – Placement du cathéter : céphalosporine IV avant la procédure – Procédure dentaire invasive : 2 gr amoxycilline PO 2h avant – Colonoscopie avec polypectomie : 1 gr ampicilline IV + 1 dose aminoglycoside juste avant la procédure – Ventre vide avant toute procédure abdominale ou pelvienne PREVENTION DES PERITONITES • Portage nasal de SA – Réservoir principal du SA – Majoration du risque • D’infection exit site (X 4) • De tunnelite • Péritonite ? • Éviter la constipation – Risque de péritonite entérique MICROBIOLOGIE • Évaluation microbiologique du premier épisode de péritonite : – Gram + : 45 - 60 % – Gram - : 15 – 25 % – Culture négative : 20 - 40 % – Infection poly microbienne : 1 - 4 % – Mycose : < 4 % – Mycobactérie (BK) : 0.1 % – Exit site infection conjointe : 13 % Mujais. Kidney Int 2006. Port et al. Kidney Int 2002. Évolution de l’incidence et de la microbiologie des péritonites • Réduction significative de l’incidence au cours du temps : – 1992 : 0.49 épisode / patient / an – 2001 : 0.23 épisode / patient / an • Recommandations ISPD 2010 : – < 1 épisode / patient / 18 mois (0.67 épisode / an) • Modification des germes responsables (si germes identifiés) – 1992 : 87 % Gram + et 7 % Gram – – 2001 : 70 % Gram + et 28 % Gram Kim et al. Perit Dial Int 2004. MICROBIOLOGIE Péritonites Gram + • Staphylocoque Epidermidis (coagulase-négative) – Germe le plus fréquent (contamination de contact) – Réduction ++ de l’incidence par l’utilisation des poches en Y / flush avant infusion – Responsable de péritonites modérées – Bonne réponse au traitement – Rechutes occasionnelles • Si rechute malgré traitement optimal = bio film + et retrait de cathéter envisagé MICROBIOLOGIE Péritonites Gram + • Staphylocoque doré – Germe plus virulent (contact, mais surtout associé à tunnelite) – Péritonites plus sévères – Portage nasal à détecter et à éradiquer – Pas d’influence des poches en Y – Plus de résistance au traitement MICROBIOLOGIE Péritonites Gram + • Entérocoques – Germes issus du tractus digestif • Péritonites entériques – Rechercher pathologie • Contamination de contact (plus rare) – Entérocoques résistants à la vancomycine (VRE) • Infection nosocomiale • Incidence en croissance + MICROBIOLOGIE Péritonites Gram + • Streptocoques – Colonisation bouche et pharynx • Hygiène dentaire importante • Prophylaxie si soins dentaires invasifs MICROBIOLOGIE Péritonites Gram – • Non pseudomonas – Variété de germes d’origines diverses • • • • • Tube digestif Peau Voies urinaires Eaux contaminées Contacts avec animaux – Intérêt de l’histoire clinique • Péritonite associée avec de la diarrhée : campylobacter ? • Diverticulite : Gram – anaérobie ou infection polymicrobienne • Constipation : migration transmurale d’ E. Coli MICROBIOLOGIE Péritonites Gram – • Pseudomonas – Colonisation des robinets et point d’eau – Infections sévères – Difficiles à éradiquer – Souvent associée à infection du cathéter • Si + : réponse au Ttmt 32 % • Si - : réponse Ttmt 73 % – Responsables de lésions fonctionnelles du péritoine MICROBIOLOGIE Péritonites mycotiques • Candida species (79 %) – Souvent suite à Ttmt ATB (65 %) – Souvent dans le décours d’une péritonite bactérienne (48 %) – Morbidité et mortalité > péritonite bactérienne MICROBIOLOGIE Péritonites mycobactériennes • Péritonites tuberculeuses – Caractéristiques : • Majorité de lymphocytes dans le dialysat – Y penser si : • Patient venant de zone endémique • Culture classique – • Culture + mais réfractaire au traitement – Si traitement adapté • Bon pronostic vital • Bonne survie en DP TRAITEMENT ET RECOMMANDATIONS • Chaque épisode de péritonite influence : – La qualité de vie du patient – La possibilité de poursuivre la DP • Approche générale : – Traitement antimicrobien empirique puis adapté en fonction de la culture et de l’antibiogramme – Traitement additionnel : • Traitement fibrinolytique • Lavages péritonéaux • Retrait du cathéter Considérations générales • Tant que le dialysat est trouble : – Héparine 500 UI/litre – Lyse et prévention des caillots de fibrines • Contrôle de la douleur – Multiples échanges rapides • Temps de stase – Stases longues : 4 à 6 h (! Limitée par la perte d’ UF) • Augmentation des macrophages IP • Concentration en IgG majorée dans le dialysat • Propriétés de la membrane – Augmentation de la perméabilité péritonéale • Transporteurs rapides • Perte d’ultrafiltration • Augmentation des concentrations (vs Icodextrines) et réduire le temps de stase TRAITEMENT EMPIRIQUE • Couverture Gram + et Gram – – Gram + : Vancomycine ou Céphalosporine – Gram - : Céphalosporine III ou Aminoside ou quinolone (selon flore locale) • En pratique : – Vancomycine IP + Ciprofloxacine PO : simple et efficace en première ligne • Si coloration Gram révèle des levures : – Initiation directe d’un traitement antifungique • Efficacité : – Amélioration à observer en 48 / 72 h – Si dialysat trouble > 5 j et traitement adapté : • Péritonite réfractaire : retrait du cathéter ADMINISTRATION DES ANTIBIOTIQUES • IV ou IP ? – IP : majoration des concentration locales • Péritonite souvent localisée et rarement de bactériémie • APD ou CAPD ? – Pas de nécessité de shifter d’office APD → CAPD • Administration continue ou intermittente ? – Intermittente : stase de minimum 6 h • 1 fois par jour pour la majorité des ATB (jour APD, nuit CAPD) • Vancomycine : – 4 / 5 jours selon monitoring – Ré infusion si monitoring < 15 mcg/ml – Continu (à chaque échange) : • Céphalosporine I RESULTATS DE CULTURE • Staphylocoques Epidermidis • Vancomycine (intermittent) • Céphalosporine I (continu) – Durée traitement : 2 semaines • Entérocoques et Streptocoques • Ampicilline + Aminoside (synergie pour les entérocoques) • Si Ampicilline R : Vancomycine – Durée traitement : 14 – 21 jours • Staphylocoques Dorés • Si MSSA : Céphalosporine ou Vancomycine (juste par facilité !) • Si MRSA : Vancomycine + Rifampicine 600 mg/j PO [réduction des rechutes] – Durée traitement : Vancomycine : 21 jours et Rifampicine : 7 jours RESULTATS DE CULTURE • Pseudomonas aeruginosa – Au moins 2 ATB anti-pseudomonas • Ceftazidime IP + Ciprofloxacine PO • Si cathéter infecté : retrait et poursuite ATB 2 semaines (patient en HD) – Durée traitement : 21 jours • Gram – autres (germe unique) • Antibiotique selon le germe et la sensibilité (ceftazidime) • Risque de rechute important – Durée de traitement 14 – 21 jours • Péritonites pluri-microbiennes – Pathologie intra-abdominale suspectée +++ • Si + : retrait du cathéter – Métronidazole + Ampicilline + Ceftazidime (ou Aminoside) RESULTATS CULTURE • Culture négative – Répéter les cultures • Cultures spéciales : mycoses, mycoplasme, BK – Si amélioration avec traitement empirique : poursuivre 2 semaines – Si pas d’amélioration après 5 j : retrait cathéter • Péritonite mycotique – Difficile à éradiquer traitement antifungique spécifique – Retrait du cathéter • Péritonite mycobactérienne – Traitement général de la Tuberculose (12 – 18 mois) – Retrait du cathéter • Si mycobatérium tuberculosis : certainement (1/3 guérissent avec cathéter) • Si mycobactérie atypique : absolument RETRAIT DU CATHETER Indications • Rechute de péritonite : nouvel épisode avec même germe dans les 4 semaines qui suivent la fin du traitement • Péritonites réfractaires : échec du traitement approprié à 5 jours • Infection du cathéter réfractaire : – Exit site – tunnelite • Péritonites mycotiques • Péritonites tuberculeuses (Surtout si atypique) • Péritonites pluri-microbiennes associées à pathologie intra-abdominale • Péritonites fécales PERITONITE DP germes / retrait KT / pronostic Merci de votre attention