Université Paris Descartes Année 2012-13 Mémoire de Diplôme Universitaire Pédagogie Médicale Qu’est qu’un « bon docteur » ? Mémoire présenté par Sandrine Leroy Service de Biostatistique, Epidémiologie Santé Publique, Informatique Médicale CHU de Nîmes, Université de Montpellier 1 2 Remerciements Je remercie le Professeur Claire Le Jeunne pour avoir suggéré ce sujet de mémoire au détour d’un cour, sujet fondamental pour aborder la pédagogie médicale puisqu’il est le but des ces outils enseignés pour, à notre tour, transmettre aux étudiants en médecine la connaissance médicale, mais plus encore notre métier. Je remercie les enseignants de ce DU pour nous avoir fait partager les outils de pédagogie médicale qui vont nous être utiles à l’avenir. Je remercie Antonino Mercuri, ostéopathe TO expert, pour son aide, sa lecture et la justesse de ces conseils. Image de couverture : le docteur Paul achet, Vincent van Gogh, 1890 3 4 Sommaire Remerciements .................................................................................................................................. 3 Sommaire ............................................................................................................................................ 5 Résumé ................................................................................................................................................ 7 Introduction ....................................................................................................................................... 9 1. Historique : d’où viennent ces médecins ? ........................................................................... 9 2. Le « bon docteur » sait utiliser sa connaissance et l’appliquer pratiquement ........... 12 a) La connaissance médicale : formation initiale et continue ......................................................... 12 b) Le médecin : praticien de santé, thérapeute et soignant .............................................................. 12 3. Le « bon docteur » met en œuvre son savoir-être dans la relation à son patient par l’expérience humaine ..................................................................................................................... 13 a) Le relation et le transfert : le savoir-être du médecin ................................................................... 13 b) Le savoir-être du médecin permet l’expérience humaine ............................................................ 14 Conclusion ........................................................................................................................................ 15 Bibliographie .................................................................................................................................... 16 5 6 Résumé Un médecin est un professionnel de la santé titulaire d'un diplôme de docteur en médecine, qui exerce la médecine. Son métier est celui de la santé, définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Il est utile de définir un « bon médecin » dans un projet de pédagogie médicale, puisqu’il s’agit bien de la finalité d’un tel enseignement qui comporte la transmission d’une connaissance médicale et les outils pour la tenir actuelle, mais aussi un savoir-faire et savoir-être essentiels pour poser la relation humaine entre le médecin et son patient. Le « bon médecin » est un professionnel de santé, praticien-prescripteur et soignant avant tout. Il repose sa capacité professionnelle sur sa condition humaine, qui lui donne d’utiliser une connaissance médicale qu’il actualise, un savoir-faire et un savoir-être, habiles, utiles pour la santé de ses patients et la Santé Publique. Le « bon médecin » est sans doute avant tout un être humain qui pense, qui par sa pensée transforme la connaissance en un savoir au service de ses patients, et qui par sa présence humaine les accompagne, s’implique, les soigne pour leur redonner la capacité de se porter au-delà de la maladie et de vivre leur vie. Mots-clefs Pédagogie, médecin, métier, savoir-faire, savoir-être, relation humaine. 7 8 Introduction Un médecin est un professionnel de la santé titulaire d'un diplôme de docteur en médecine, qui exerce donc la médecine. Son métier est celui de la santé, définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » [1]. Qu’il exerce à l’hôpital comme praticien hospitalier, en libéral seul ou en groupe dans un cabinet, ou bien en entreprise en tant que médecin du travail, son métier est un métier de soignant, pour le soin de ses patients, dans le but de maintenir la santé (actions de prévention) ou de la recouvrer (actions diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques). A partir de ces définitions, la question du « bon médecin » est régulièrement soulevée, par les médecins eux-mêmes, les autres professionnels de santé avec qui ils collaborent, et surtout les patients. De cette question, découle une réflexion fondamentale qui consiste à poser avant toute chose la finalité : qu’est-ce que devenir un « bon médecin » [2], avant d’imaginer quels outils pédagogiques permettront de servir ce but. L’objet de ce mémoire est de fournir des éléments utiles à cette réflexion. Ainsi, nous resituerons dans un premier temps le médecin dans son contexte historique. Puis, nous expliquerons en quoi le médecin est celui qui utilise la connaissance médicale et l’applique de manière pratique avec son savoir-faire. Enfin, nous aborderons le savoir-être, la relation au patient et l’expérience humaine de cette relation. 1. Historique : d’où viennent ces médecins ? De nombreuses découvertes indiquent que des pratiques médicales existaient déjà en Mésopotamie ou en Egypte en -3000 ans avant JC [3]. Pourtant, la médecine dite « moderne » a véritablement été fondée par les grecs, avec le mathématicien et médecin Pythagore qui sort la médecine de la magie vers -600 ans avant JC et pose l’universalité des quatre éléments que l’on retrouve dans le corps humain : l’eau, la terre, le feu et l’air. Hippocrate au siècle suivant, met en avant l’intérêt capital de l’interrogatoire et de l’examen du malade, et pratique la médecine sur la base des quatre éléments auxquels correspondent pour lui quatre caractères (le chaut, le froid, le sec et l’humide) et quatre humeurs (le sang, la lymphe, la bile jaune et noire). Son enseignement sera fondamental jusqu’au 18ème siècle, en plus du serment qu’il instaure pour promouvoir la confraternité entre médecins, l'égalité des hommes devant la maladie, la défense de la vie avant tout et le respect du secret médical. Platon, Aristote et 9 d’autres grecs poursuivent le travail de fondation en particulier sur l’anatomie du corps humain. La domination romaine sur le monde fait que les médecins grecs, d’abord esclaves puis citoyens de l’Empire romain, contribuent à faire évoluer la pensée médicale des barbiers romains. Ainsi Celse, puis Galien s’attèlent au classement des maladies vers le 1er siècle, selon un lien de causalité liant à l’organe à la maladie. Cette époque voit aussi le début de ce que l’on nomme aujourd’hui la santé publique, avec la distribution d’eau propre, la mise en place de latrines et d’égouts. Puis les avancées continuent plus à l’est, vers Constantinople, avec au 4ème siècle, l’écriture d’encyclopédies monumentales (Oribase), d’ouvrages précis de pharmacopée, et la création d’hôpitaux. Avicenne cède à la médecine au 10ème siècle, son canon, revue de toutes les maladies humaines, qui restera pendant longtemps un des fondements de la médecine pour les praticiens, même si ces écrits semblent plus philosophiques que cliniques. C’est à cette époque que débute l’enseignement de la médecine dans les hôpitaux, comme cela est poursuivi aujourd’hui encore. Plus en Europe, les universités se créent aux 12ème et 13ème siècle : Bologne, Naples, Padoue en 1228, Valence en 1209, Oxford en 1214, Cambridge en 1229, Paris en 1215, Montpellier en 1220, etc. A cette époque, l’Eglise régit à la fois les hôpitaux et a une forte influence et ingérence dans l’enseignement promulgué dans les universités. La Renaissance va être l’occasion de perfectionner la représentation du corps humain à travers l’ordre universel et géométrique de la Grèce Antique redécouverte à cette époque, grâce aussi aux travaux de dissection, mais aussi à l’imprimerie qui en permet la vulgarisation au 15ème siècle. Au 16ème siècle, Fracastor introduit le concept de maladies de transmission directe (lèpre, etc.) et indirecte via l’air ou des objets (peste, etc.), tandis que Fernel place au centre de la scène la physiologie, et Paracelse remet en question les théories des anciens, et est vu aussi comme le père de la chimie pharmaceutique. Les médecins suivants, remettront fortement en doute la théorie pneumatiste de Galien et l’existence d’un « souffle vital », ce qui vaudra à Servet d’être brûlé. La circulation du sang est décrite précisément à cette époque. Le développement des armes à feu va curieusement donner un essor à la chirurgie, et permettre aux chirurgiens de la pratiquer plus largement, ce qui la sortira de l’ombre, par exemple en sauvant Henri II après son accident lors d’une joute où une lance lui est plantée dans l’œil. Des établissements d’hébergements en cas d’épidémies sont installés, gérés par les villes cette fois-ci, non plus par l’Eglise ; les médecins, en général aisés même s’ils ne sont pas de la noblesse commencent à se fédérer en collège en Europe, tandis que les chirurgiens gagnent encore mal leur vie, et voient leur métier dénigrés par des médecins cultivés. 10 Au 17ème siècle, l’avènement de la raison marque la médecine comme le reste du siècle ; les croyances anciennes sont définitivement remises en question, et on ne croit plus que ce qui se vérifie, s’analyse et se palpe : c’est le début de la médecine scientifique. Le microscope inventé par van Leuwenhoek va donner accès au monde du petit invisible à l’oeil, aux cellules, aux bactéries. La circulation du sang est complètement décrite, et les 1ères transfusions ont lieu. Les premiers journaux scientifiques sont créés : le Journal des Savants en 1665. Le 18ème siècle est un curieux mélange de multiples écoles de pensées, plus ou moins métaphysiques mais aussi de mécanistique. Les travaux d’anatomie se poursuivent, l’épidémiologie naît avec Pierre Charles Louis, les systèmes de réseau national pour notifier les épidémies se mettent en place, tandis que les chirurgiens sont réhabilités, et peuvent devenir eux aussi docteurs. La médecine a vécu une révolution à partir du 19ème siècle en raison des progrès de la chimie d’une part, qui va ouvrir sur toute la future industrie pharmaceutique, et d’autre part avec l’essor de la bactériologie et de la virologie qui transforment profondément les concepts de maladies infectieuses (Joseph Lister, Louis Pasteur). La publication de Charles Darwin en 1859 (L'Origine des espèces) ouvre la voie vers la génétique, et Mendel énonce les principes de la transmission des caractères génétiques des pois (lois de Mendel). La découverte de la structure de l’ADN en 1953 par Crick et Watson ouvrira définitivement la porte à la biologie moléculaire et à la génétique moderne. Enfin le 20ème siècle a vu un passage d'un paradigme d’enseignement de la médecine clinique de maître à apprenti au système plus démocratique des écoles de médecine. Avec l'avènement de la médecine fondée sur les faits et le grand progrès des technologies de l'information, le processus de changement est susceptible d'évoluer, avec un plus grand développement des projets internationaux tels que Le projet du génome humain. L’ensemble de ce parcours a généré la connaissance médicale d’une part, mais aussi les lieux de transmission de cette connaissance qui devient savoir lorsqu’elle est utilisée, appliquée avec intelligence. Ce déroulé a aussi légué en plus des lieux, des méthodes pour transmettre la connaissance, mais aussi le savoir-faire et le savoir-être qui font d’un médecin un « bon docteur ». 11 2. Le « bon docteur » sait utiliser sa connaissance et l’appliquer pratiquement a) La connaissance médicale : formation initiale et continue La formation des médecins, souvent universitaire, varie considérablement à travers le monde, mais comporte en règle général un concours, soit au début de la formation, soit après quelques années de celle-ci. Après l'obtention du diplôme de docteur en médecine, les nouveaux médecins sont en général soumis à une période de pratique supervisée. En France, les études médicales sont ouvertes à tous les bacheliers. Mais l'accès en 2e année des études de médecine est soumis à un concours sélectif en fin de première année (10 à 15 % de réussite). La structure des études médicales est ensuite calée sur le système « Licence, Master, Doctorat », avec en deuxième partie, une intégration pratique à l’hôpital, et est marquée à la fin de ce 2ème cycle par la préparation et le passage d’un examen classant national, l’ECN. Celui-ci donne accès au 3ème cycle, et à la prise de fonction comme interne dans la discipline choisie pour achever sa formation initiale dans l’une ou l’autre des spécialités. Cette formation initiale, faite de théorie et de pratique par les stages hospitaliers d’externes ou d’internes, constitue la base permettant l’obtention du diplôme de médecin. C’est aussi le lieu d’apprentissage des outils d’accès aux informations, comme de raisonnement, des fondements de la réflexion scientifique permettant une lecture critique des articles médicaux scientifiques ; cela dans le but de donner les moyens aux futurs praticiens de rester à jour de leur connaissance et des progrès de la science appliquée à la médecine pour leur pratique future. Il s’agit en même temps d’éveiller l’intelligence de ces médecins en devenir, pour qu’ils sachent transformer cette connaissance médicale, matière brute, sans relief ni sens intrinsèque, en un savoir, vivant, qui repositionné au bon endroit au bon moment va leur permettre d’être toujours informé et de proposer des soins sans décalage avec les progrès scientifiques à leurs patients. b) Le médecin : praticien de santé, thérapeute et soignant Pourtant, la connaissance médicale brute, même mise en pratique dans des stages hospitaliers pour son côté expérimentale avec l’apprentissage de tous les gestes techniques qui accompagnent telle ou telle spécialité, ne suffit pas à faire d’un médecin un « bon docteur » [4,5]. En effet, le diplôme donne l’accès à un métier, mais ne fait pas du diplômé un vrai professionnel qui exerce, est crédible dans son métier, et peut être perçu comme un « bon docteur ». Un médecin est un professionnel de santé, qui « pratique » la médecine, c’est à dire qui met en œuvre avec son intelligence sa connaissance médicale dans le but de soigner ses 12 patients, pour maintenir ou recouvrer la santé. A ce titre de professionnel de santé qui « pratique » la médecine, il est un praticien, exerçant une pratique. Il est aussi un thérapeute, lorsqu’il utilise dans sa pratique une « thérapie » ou traitement, de quelque nature qu’il soit, médicamenteux, chirurgical, etc. Pourtant, s’il n’est que praticien et thérapeute, il lui manque la dimension de soignant, qui est bien la finalité de son métier réel : « prendre soin de ». Bien sûr, vient immédiatement ensuite la finalité : prendre soin dans le but de maintenir la santé ou de la recouvrer. Le risque alors est le désir fort de résultat, la guérison, surtout si des intérêts financiers y sont fortement attachés comme c’est le cas dans la médecine libérale : pour faire face aux charges, il faut que le cabinet « tourne », il faut du monde, pour qu’il y ait des patients, il faut du « résultat », et donc que le médecin « apporte la guérison » à son malade. A partir de ce désir fort de résultat, le risque est que le praticien cesse d’être un soignant, qu’il ne répond plus au besoin de santé de son malade. Il deviendrait alors un simple prescripteur, qui répond avec un médicament, et une vision rétrécie et déconnectée de tout le cheminement médical qui pose un diagnostic, un pronostic dans le but de peut-être prescrire un traitement mais en lien avec le soin. Il s’agit là des reproches souvent faits par les patients l à leurs médecins. De plus, le médecin se met potentiellement en risque dans sa pratique professionnelle, car il fait courir le risque à son patient de passer à côté d’un diagnostic et de ne lui apporter qu’une réponse faite de médicaments. Pourtant, le titre et le diplôme de médecin sont de bonnes assurances d’éviter cet écueil de désir fort de résultat, et constitue un des éléments fondateurs du « bon docteur », en plus de la connaissance médicale en tant que telle. En effet, avec son diplôme obtenu, le médecin n’a plus à faire ses preuves, il est reconnu par son statut, et cela lui laisse la liberté de s’appliquer à être dans le soin, plutôt que dans le désir de guérir. Le service hospitalier protège lui aussi ce sens du soin, puisque l’intérêt financier n’est pas en jeu, ce qui laisse le champ au médecin de prendre soin de ses patients, en utilisant le traitement s’il y besoin, en étant utile pour la santé du publique, donc dans un but de Santé Publique. 3. Le « bon docteur » met en œuvre son savoir-être dans la relation à son patient par l’expérience humaine a) Le relation et le transfert : le savoir-être du médecin Au-delà de sa connaissance médicale, de son savoir technique, et de son professionnalisme qui le positionne comme praticien, prescripteur et soignant, le médecin se trouve en permanence confronté à l’attente de ses patients, de tout ordre : attente d’être guéri 13 bien sûr, mais aussi attente d’être vu, entendu, écouté, pas simplement au niveau physique, mais aussi dans sa dimension psychologique, affective voire sociale et familiale, dimensions que la maladie impacte forcément [6]. La maladie fragilise le patient, et le plus souvent, il aborde son médecin en portant sur lui une forte attente de prise en charge, un miracle de guérison. C’est au médecin de savoir-faire avec cela, avec son patient grâce à son savoir-être. Il existe inévitablement un « transfert » qui s’opère entre le médecin et son patient. Ce transfert est nécessaire, et correspond à la responsabilité que le médecin endosse sur le plan médical, mais aussi juridique. Ce transfert ne peut se faire que sur un être humain, le médecin. Il peut arriver que le praticien refuse, empêche ce transfert, et mette en avant le traitement luimême, et le risque est que le patient en devienne dépendant, comme un noyé s’accroche à sa bouée, conduisant à cette médecine inhumaine dont on entend souvent parler. En effet, le transfert ne peut pas se faire sur une chose, un traitement. Le patient a besoin d’un être humain, praticien-soignant et professionnel face à lui, qui accepte d’endosser, d’assumer la souffrance, la douleur, la pathologie, qui applique cette connaissance médicale, et s’implique auprès de son patient, porte, s’investit. Cela présuppose d’avoir cette capacité d’assumer, c’est à dire de voir sa propre limite. Le « bon médecin » est peut-être aussi celui qui, épuisé, face à une salle d’urgence débordée et remplie de patients, ne se jette pas sans considération de luimême dans le tourbillon de l’action [7]. Ce « personnel », comme par exemple l’écho et l’impact de la souffrance sur le médecin lui-même qui s’ils ne sont pas reconnus, intégrés et gérés, gêne le professionnel qu’il est dans son métier, l’empêche de pouvoir assumer et s’impliquer auprès de ses patients. Le but du transfert est que le patient recouvre peu à peu sa capacité à se porter lui-même, soit car il sort de la pathologie, soit parce qu’il trouve par le soin, une autonomie, une capacité à vivre sa vie. Ceci ne se fait que dans le suivi, qui est presque le traitement pourrait-on dire. Si le transfert ne se fait pas, c’est le médicament qui prend toute la place, ou le praticien qui se présente lui-même comme « médicament » à son patient, ce qui peut avoir une apparence de « bon docteur », empathique, compréhensif et impliqué, voire dans une relation trop personnelle, mais n’est en réalité qu’une dépendance. Le risque est que lorsque le praticien ne prend plus en charge son patient, celui-ci se retourne contre lui, car il est toujours dans la même difficulté, incapacité de vivre sa vie. b) Le savoir-être du médecin permet l’expérience humaine La condition humaine du médecin est essentielle, car c’est à partir d’elle qu’il se vit comme un être humain, avant tout, qui porte le professionnel de santé. Seul cet être humain qu’il est, lui permet de recevoir son patient comme un être humain aussi. En effet, un « bon 14 docteur » n’est surement pas un praticien qui remet en question sa capacité à soigner, à traiter. Ceci explique sans doute pourquoi on attribue plus facilement cette qualité de « bon docteur » à un professionnel avec une expérience professionnelle derrière lui, qu’à un jeune diplômé qui, s’il n’a pas de condition humaine, n’a que ses diplômes et son expérience personnelle sur laquelle reposer sa capacité à soigner pour recevoir son patient. Alors, la tentation est peutêtre de réduire son patient à un protocole, un numéro dans une expérience médicale, et on retombe dans la médecine inhumaine décrite ci-dessus, avec seulement le désir de faire de la santé un pouvoir. La rencontre entre le médecin et son patient ressemble dans ce cas davantage à un choc, un rapport de force où le médecin se protège et se cache de son inhumanité en édifiant le mur de la connaissance médicale, et tout son pouvoir de sachant sur le malade, qui n’est plus vu comme un être humain, mais comme un personnage-pantin. Le « bon docteur » qui pratique la médecine comme une expérience humaine, c’est le praticien qui reçoit son patient en le repositionnant sur tous les plans : humain, social, etc. Il peut faire cela, car il a lui-même cette condition humaine, qui lui permet de recevoir son patient, de poser un diagnostic précis, faible et au-delà, d’en avoir une vision globale. En étant cet être humain qui entre en relation avec son patient, il permet à celui-ci d’entendre cet « écho humain » en lui-même, de le réaliser, ce qui l’aide, le met sur la voie de peu à peu se porter lui-même pour vivre sa vie d’être humain, malade ou non. Pratiquer la médecine en tant que praticien de la vie humaine est un enrichissement permanent, permet d’utiliser la connaissance médicale théorique pour réaliser le soin, l’utile, le service, et continuer de développer cette mise en œuvre de l’être humain qu’est le « bon docteur ». Conclusion Le « bon médecin » est un professionnel de santé, praticien-prescripteur et soignant avant tout. Il repose sa capacité professionnelle sur sa condition humaine, qui lui donne d’utiliser une connaissance médicale qu’il actualise, un savoir-faire et un savoir-être, habiles, utiles pour la santé de ses patients et la Santé Publique. Le « bon médecin » est sans doute avant tout un être humain qui pense, qui par sa pensée transforme la connaissance en un savoir au service de ses patients, et qui par sa présence humaine les accompagne, s’implique, les soigne pour leur redonner la capacité de se porter au-delà de la maladie et de vivre leur vie. 15 Bibliographie 1. Organisation Mondiale de la Santé. Disponble sur : http://www.who.int/about/definition/fr/print.html. 2. Moore. A cosideration of the qualities of a ‘good ‘ doctor with some help from the humanities. Br J Med Pratc 2009 : 59-61. 3. Daucourt V. une petite histoire de la médecine. 2002. 4. Rizo CA. What’s a good doctor and how do you make one ? BMJ 2002 ;325:711. 5. Wolpe PR. We are trying to make doctors too good. BMJ2002 ;325:712. 6. Waerd L. A patient speaks. BMJ 2002 ;325:713-4. 7. Elgizouli MA. Medical profession needs input from belief in humanity and ethics. BMJ 2002 ;325:713. 16