By |\/ | $! 4$ By |\/ | $! 4$ Sommaire Avant-propos Chapitre 1. – Les défis actuels Chapitre 2. – La démarche stratégique Chapitre 3. – Le diagnostic stratégique Chapitre 4. – Les stratégies business Chapitre 6. – La mise en œuvre de la stratégie 4$ Chapitre 8. – Le changement stratégique $! Chapitre 7. – Le déploiement organisationnel |\/ | Chapitre 5. – Les stratégies corporate By Cas de synthèse. – L’Oréal vaut bien une charte Dossier. – L’entrepreneuriat et le management des petites entreprises Avant-propos Dans un monde fait de changements et de mutations, le « Helfer-Kalika-Orsoni », pour sa dixième édition, change de cap afin de mieux répondre aux attentes de ceux qui souhaitent maîtriser les subtilités d’une discipline propres à toutes les entreprises, les petites comme les grandes et, plus généralement, à toutes les organisations. Nos objectifs $! |\/ | L’accent est mis sur la stratégie. Les dernières années ont inauguré des ruptures dans un capitalisme globalisé qui s’était financiarisé à l’excès depuis les années 1980. Ainsi, l’on voit d’immenses groupes industriels s’expatrier, se démembrer, externaliser une partie de leurs activités et supprimer des échelons hiérarchiques devenus inutiles tandis que prospèrent de petites entreprises qui se mondialisent, que les start-up font rêver, que les GAFA dominent tant que les licornes s’agitent. 4$ Le comportement des consommateurs des pays développés évolue lui aussi car les attentes ne portent plus sur des produits très standardisés, mais sur des biens originaux et souvent très personnalisés, dont les durées de vie diminuent au gré d’incessants progrès technologiques. By En conséquence, l’incertitude croît, entraînant une multiplication des risques pour les firmes. D’où la nécessité de mettre en place une « bonne stratégie », à savoir une vision aussi claire que possible de l’avenir désiré pour l’entreprise et pour tous ceux – les parties prenantes – que son activité concerne. Notre stratégie Nous ne sous-estimons pas pour autant les questions portant sur les structures ou sur l’animation des femmes et des hommes attachés à l’entreprise mais, dans la perspective de cet ouvrage, nous considérons que le déploiement organisationnel constitue l’instrument privilégié de la mise en œuvre stratégique. C’était, du reste, ce que pensaient déjà les premiers spécialistes en stratégie qui, tel Alfred Chandler, n’hésitaient pas à affirmer : « Structure follows strategy ». Nous visons deux catégories de lecteurs : • Les étudiants en sciences du management, qu’ils soient en formation initiale (universités et grandes écoles) ou continue, et leurs professeurs. Pour un cours toujours plus interactif, des ressources complémentaires sont proposées aux enseignants sur le site Vuibert(1). • Les professionnels qui s’efforcent de mieux comprendre la réalité car ce sont les stratégies des entreprises qui donnent naissance aux grands mouvements de l’économie dont nous profitons ou dont nous pâtissons selon le cas. La mise en œuvre Deux préoccupations nous animent : • La recherche d’une voie moyenne entre les apports théoriques et les applications pratiques. L’étudiant trouvera ici des constructions formalisées et abstraites qui expliquent les phénomènes. Nous ne manquerons pas également de présenter les instruments concrets qui aident à prendre des décisions, notamment au travers des nombreuses illustrations qui agrémentent l’ouvrage. Les stratégies d’entreprises internationales bien connues des étudiants, comme Google, Apple, Uber ou encore Airbnb, y sont notamment décortiquées. • Une pédagogie active. Nous souhaitons offrir aux étudiants un véritable outil de travail qui facilite la compréhension des concepts et leur application. Aussi, des tableaux, des schémas et des exemples sont-ils fournis en abondance. À la fin de chaque chapitre, des mini-cas, inspirés de données et de faits récents, permettent au lecteur de mettre ses connaissances à l’épreuve et, le cas échéant, de préparer sereinement les examens. $! |\/ | Management stratégique est le fruit des cours et des séminaires que nous animons depuis des années auprès d’étudiants et de stagiaires en formation continue. Nous leur sommes reconnaissants d’avoir suivi nos enseignements et de nous avoir poussés à toujours nous améliorer. Telle est la condition du progrès pour tous. By 4$ La dixième édition apporte une actualisation de tous les concepts, chiffres et exemples, mais, surtout, elle fait la part belle aux entreprises nées de la révolution numérique. BlaBlaCar, Uber et Airbnb viennent rivaliser avec Peugeot, Siemens et Carrefour. J.P.H.M.K.J.O. Chapitre 1 Les défis actuels Les compétences clés à acquérir : • Comprendre ce qu’est la stratégie au service du management. • Saisir la complexité des choix stratégiques et de leur mise en œuvre. • Repérer les divers acteurs du processus stratégique. |\/ | • Mesurer les défis auxquels l’enseignement des principes, des concepts et des outils du management stratégique est aujourd’hui confronté. 4$ $! • Pouvoir analyser la diversité des catégories de décisions. Le management stratégique, c’est-à-dire le pilotage des organisations, a toujours été tributaire de l’influence de multiples phénomènes économiques, sociétaux et culturels. Il s’agit : By Aujourd’hui, plusieurs déterminants pèsent particulièrement sur les décisions des managers. – de la mondialisation des activités humaines ; – du développement de la technoscience c’est-à-dire des multiples sciences considérées dans leurs applications techniques ; – d’une concurrence entre les entreprises qui s’intensifie ; – du souci de responsabilité globale que les managers ne peuvent ignorer ; – d’un environnement en crise sérieuse et de la nouvelle localisation des dynamismes économiques les plus nets ; – de la montée de l’entrepreneuriat ; – des développements fulgurants de l’économie collaborative. I. Un environnement complexe et mouvant La mondialisation, qui se traduit par une globalisation des marchés, oblige les dirigeants d’entreprise à chercher des débouchés de plus en plus lointains. De même, elle les contraint à acquérir des ressources de plus en plus éloignées, des matières premières, des composants ou encore des partenaires. Figure 1.1. Les facteurs d’influence sur le management des entreprises A. La mondialisation, une source d’adaptation By 4$ $! |\/ | L’élargissement des frontières, outre les besoins de financements qu’il engendre, oblige l’entreprise à acquérir des compétences nouvelles et à se doter des capacités nécessaires pour être plus flexible, plus réactive. Qu’est-ce que la globalisation ? Ce terme traduit l’imbrication des stratégies des firmes et des politiques économiques nationales, voire macro-régionales (Union européenne, ALENA, etc.) dans un marché mondial. Ce processus d’interdépendance des décisions de gestion s’est étendu jusqu’aux confins de la planète. Il résulte de l’intensité et de la vitesse croissante des flux de capitaux, de biens, de services, d’informations, de connaissances, de techniques qui se développent du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Les grands groupes sont les acteurs principaux de cette mécanique en marche. Deux types de manœuvres caractérisent les stratégies de ces grandes entreprises : les investissements directs et les délocalisations. Les grands courants sont les suivants : • Investissements des firmes issues des pays développés (Europe de l’Ouest, États-Unis, Japon) vers les pays émergents (Chine, Inde, Europe de l’Est, Amérique du Sud). Ces derniers constituent des marchés alléchants et disposent de ressources humaines qualifiées et bon marché. Des groupes comme EDF ou Carrefour misent, par exemple, sur la Chine, Uber a fait de la France son deuxième marché. 4$ $! |\/ | • Investissements d’entreprises venant des pays émergents vers l’eldorado des pays riches. De nombreuses entreprises européennes sont rachetées par des investisseurs provenant des pays du Golfe (Émirats arabes unis, Quatar, etc.), de Chine ou d’Inde. Ainsi Volvo, le constructeur suédois devenu américain, conquiert le monde sous pavillon chinois. Huawei, la firme chinoise d’équipements en télécoms prospecte à tout va les marchés mondiaux. Elle en a déjà conquis de nombreux. By • Délocalisations industrielles. Renault a, par exemple, installé une de ses usines à Tanger, une autre à Oran. • Délocalisation de services fondés sur les technologies nouvelles. Ainsi, Electronic City est devenue à Bangalore (Inde) le lieu magique de sous-traitance des services informatiques. B. La technoscience Elle multiplie ses percées et ses applications dans tous les domaines du savoir. Exemple Des disciplines comme la physique, la biologie ou encore l’anthropologie sont les premières concernées par les voies ouvertes par la technoscience. En dépit de quelques protestations morales angoissées, la fameuse règle qui veut que tout ce qui est techniquement faisable doive être réalisé est largement pratiquée par tous les agents du progrès (entrepreneurs, chercheurs, responsables politiques). Dès lors, la maîtrise technologique devient une arme maîtresse, mais complexe et onéreuse, pour toutes les entreprises entraînées dans un jeu de rivalité plus intense. La circulation très rapide des capitaux sur les marchés financiers a pour conséquence de donner la priorité à la dimension financière (« financiarisation ») dans le processus d’élaboration des stratégies des groupes. Venant de la réflexion sur la mise en œuvre des projets informatiques, l’idée d’« agilité » s’impose à tous. C. La libéralisation des marchés C’est la deuxième dimension qu’il convient d’intégrer pour comprendre l’intensification de la concurrence. En effet, quel que soit le système politique, les économies sont de plus en plus marquées par une économie de la concurrence. Cette concurrence est considérée par les autorités comme un moyen à la fois de faire baisser les prix (et donc d’accroître le pouvoir d’achat) et de développer l’innovation. La concurrence se renforce : il ne s’agit plus d’une simple compétition commerciale visant à conquérir de nouveaux segments de consommateurs ou à accéder à des canaux de distribution comme Internet. La rivalité porte désormais sur l’acquisition de ressources financières, humaines (des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être) et technologiques dans un cadre international dont les limites reculent sans cesse. 4$ $! |\/ | Une telle intensification de la concurrence conduit à l’hypercompétition. À ce stade, la situation de toute entreprise, petite ou grande, devient fragile ; nul monopole, nul privilège, nulle barrière ne protègent plus de la percée soudaine d’un concurrent, qui balaye en un clin d’œil les avantages que les managers avaient patiemment construits. Des profits à court terme sont cependant réalisables, mais ils restent éphémères. Une micro-idée développée par un « geek » astucieux devient un succès mondial et, selon l’adage « the winner takes all », BlaBlaCar en est un magnifique exemple. By Au même moment, l’esprit d’entreprise connaît un nouvel essor, en raison de l’effondrement des économies planifiées et de la crise du capitalisme managérial propre aux grandes firmes gérées de manière excessivement rationnelle. En conséquence, l’entrepreneuriat a le vent en poupe parce qu’il incite à la création ou à la reprise d’entreprises par des personnes qui prennent des risques et innovent dans tous les domaines. D. La dimension écologique Elle ne doit pas être négligée non plus. Les activités économiques mondialisées butent sur les limites imposées par les ressources naturelles que l’on s’approprie sans retenue et que l’on épuise. Si l’on ajoute à cela la surexploitation effrénée des sols, la pollution de l’air et des eaux, le dépérissement des forêts, le bilan est lourd. Il faut donc vite changer de cap et trouver d’autres modes de fonctionnement plus économes et plus respectueux de la nature. Les dirigeants d’entreprise, plus conscients de leurs responsabilités, sont contraints de rechercher des modes de développement durable. E. La crise économique et financière Depuis l’été 2007, et surtout à partir de septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, une crise d’abord financière puis industrielle et économique a vu le jour. Quasiment toutes les économies sont touchées par des problèmes majeurs de chômage dans de nombreux pays, par l’ampleur des dettes souveraines, une perte de confiance généralisée et une stagnation, voire une récession. Conséquence directe ou indirecte de ces phénomènes, les écarts de dynamisme des économies deviennent flagrants. De nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine ont connu des taux de croissance frisant les deux chiffres, alors que l’Europe allait mal et que les États-Unis peinaient à renouer avec le succès. Puis une sorte de renversement s’est opéré. Le barycentre de l’économie mondiale se déplace en conséquence. Les effets sur le management stratégique du côté des entreprises sont multiples et sans doute encore imparfaitement perçus. Nous les retrouverons tout au long de l’ouvrage. Retenons, dans un premier temps, que l’incertitude domine, que les horizons stratégiques sont opaques au-delà de quelques semestres, que la compétition devient multiforme et dépasse les anciens périmètres classiques des marchés et que les frontières sont devenues poreuses entre les champs de lutte concurrentielle. Les outils à utiliser dans ces conditions ne peuvent que s’en trouver transformés. II. Management et analyse stratégiques |\/ | A. Le management stratégique 4$ $! Le management stratégique est devenu un élément clé de la pérennité et du développement. L’époque où les directions générales pouvaient ne se soucier que des choix stratégiques et en négliger la mise en œuvre est révolue. Le management repose plus que jamais sur deux composantes indissociables et interdépendantes : la stratégie et l’organisation. La première est plutôt externe et tournée vers l’environnement ; la seconde, davantage associée à une vision interne. By Comment cesser la réflexion managériale au niveau stratégique sans la prolonger au niveau de sa mise en œuvre dans l’organisation ? Ce serait oublier qu’aujourd’hui le mot magique de la stratégie est celui d’implementation ou déploiement, en français. Or les choix stratégiques ne s’avèrent réellement bons que lorsque leur mise en œuvre organisationnelle est réussie. Voilà pourquoi un chapitre entier est consacré au déploiement organisationnel. Bien évidemment, l’organisation sera envisagée d’un point de vue managérial (celui de la direction générale), et non pas d’un point de vue fonctionnel (gestion des ressources humaines). B. L’analyse stratégique 1. La démarche Les perspectives retenues par les consultants et auteurs en management, dans leur tâche d’analyse et de compréhension du fonctionnement des entreprises, évoluent de manière continue. La perspective prioritairement externe, guidée par les concepts clés de stratégie de croissance, de recherche de parts de marché, d’analyse concurrentielle et de diversification, a longtemps dominé l’analyse stratégique. Puis une perspective davantage interne a mis l’accent sur des concepts comme ceux de compétences de l’entreprise, de ressources, de structure, de culture, de technologie. Au-delà des phénomènes de mode, qui ne sont pas étrangers à la question, on remarque que la démarche externe correspond plutôt à une période de développement des marchés, tandis que la vision reposant sur l’analyse des ressources et des compétences de l’entreprise est apparue dans un contexte de crise. Ces deux orientations sont en fait indissociables et complémentaires. En pratique, le manager, oscillant tel un pendule guidé par des forces qui le dépassent, tente d’adopter la posture la plus efficace pour son entreprise compte tenu des données de l’environnement. Cette approche du management où les perspectives évoluent et où la diversité fait loi ne doit pas surprendre. Deux phénomènes permettent de la comprendre : • Tout d’abord, les pratiques stratégiques des entreprises ne sont pas, loin s’en faut, uniques. Selon leurs dirigeants, la perception des changements de l’environnement, la taille et le secteur, les entreprises adoptent des démarches stratégiques différentes. • Ensuite, les champs de la connaissance en stratégie ne sont pas stabilisés et on est loin de la pensée unique. 2. Strategy as Practice By 4$ $! |\/ | Figure 1.2. Le pendule des perspectives d’analyse Dans le prolongement de la perspective interne présentée ci-avant, un courant de pensée, Strategy as Practice (SaP), est apparu depuis une bonne décennie. Le courant dominant considère la stratégie comme un élément que les entreprises ont en elles (stratégie de spécialisation / diversification, croissance interne / externe, etc.). La nouvelle perspective Strategy as Practice voit la stratégie comme une activité que les entreprises font. Cette perspective s’intéresse aux pratiques d’élaboration de la stratégie, de formulation et de mise en œuvre afin de réaliser le changement. Strategy as Practice ne considère pas que les plans ne sont pas importants mais seulement que les choses se déroulent rarement selon les plans. L’accent est donc placé sur les processus pratiques et les activités quotidiennes des organisations. On cherche à savoir comment la stratégie est élaborée, comment elle se « fabrique », au sein d’un monde de praticiens confrontés à la concurrence, à de nombreuses et diverses parties prenantes et dans un contexte de surcharge informationnelle (information overload ou infobésité(2)) qui se traduit par une information extrêmement abondante, mais cependant incomplète. Il s’agit d’une tentative pour réintroduire le rôle de l’humain dans le champ de la stratégie souvent considérée comme une discipline où la rationalité économique et quantitative domine. L’important est ici de considérer la stratégie non pas seulement comme un résultat, mais comme une pratique sociale. Elle résulte de ce que font les personnes dans l’entreprise. La Strategy as Practice peut être abordée à travers trois points de vue : • La pratique. Au-delà des dichotomies habituelles opposant contenu / processus, délibéré / émergent, formel / informel, réflexion / action, stratégique / opérationnel, qui sont peu pertinents au quotidien, ce courant analyse la stratégie comme un flux d’activités organisationnelles qui incorpore toutes ces caractéristiques et en étudie l’interaction. C’est la stratégie telle qu’elle se fait. • Les praticiens. Ils jouent un rôle essentiel dans l’analyse stratégique mais, dans la vision traditionnelle, les acteurs qui mettent en œuvre la stratégie sont ignorés. SaP met en exergue le fait que la stratégie résulte d’interactions entre dirigeants, managers, cadres intermédiaires, employés, consultants, chercheurs, investisseurs, actionnaires, etc., qui interagissent au sein de jeux d’acteurs. • Les pratiques. Ce sont les outils que les personnes utilisent au sein de l’entreprise pour réaliser la stratégie. On distingue trois catégories : – Les pratiques administratives : plans, budgets, processus de contrôle, tableaux de bord... Ce sont les routines formelles du processus stratégique. 4$ $! |\/ | – Les pratiques discursives : le discours de la stratégie, le langage, les mots mobilisés pour donner du sens et pour légitimer la stratégie. Le langage est ici considéré comme un outil stratégique. Ainsi, Clegg et al.(3) soulignent le rôle du discours dans la mise en œuvre et l’acceptation de la stratégie. Les auteurs citent des recherches qui considèrent que le discours stratégique requiert des compétences spécifiques : • parler un langage compréhensible par les acteurs concernés. C’est ici l’intelligibilité du discours et son exactitude qui sont mises en exergue ; By • incarner le propos en ayant recours à la première personne du pluriel et à ses déclinaisons (« nous », « notre organisation », « notre équipe », etc.) plutôt que des termes impersonnels (« la compétition », « le challenge », etc.). La sincérité du discours est ici valorisée ; • susciter de l’émotion et de l’enthousiasme, par la gestuelle et l’expression ; • utiliser des métaphores pour que chacun se sente concerné et pour fédérer le groupe ; • raconter une histoire qui intègre le passé, le présent et le futur. – Les pratiques épisodiques qui créent des opportunités grâce auxquelles des interactions entre les praticiens élaborant la stratégie se nouent (réunions, ateliers, séminaires, conventions, etc.). Quelle est l’utilité de cette approche ? Elle permet sans conteste de prendre de la distance par rapport aux modèles analytiques présentés dans les chapitres 3 et 4. En outre, elle enrichit la compréhension de la stratégie en la rendant moins abstraite et plus humaine : le rôle du discours et de l’implémentation de la stratégie par les acteurs est valorisé. Enfin, elle rappelle, qu’en matière de stratégie, « le diable est dans les détails » et que « les détails sont dans les pratiques », pourraiton ajouter. Cette approche porte un regard différent sur la stratégie en se focalisant sur la manière dont elle s’élabore. Elle atténue aussi l’opposition ente le niveau stratégique et le volet opérationnel. III. Le management, un métier autant qu’un processus Figure 1.3. Les deux facettes du management A. Un métier tiraillé entre stratégie et activité 4$ $! |\/ | La toute première tâche du manager est de concentrer son énergie sur le niveau de réflexion et d’action qui est le sien et de se garder de toute tentation de « redescendre » vers la gestion courante, vers l’aspect opérationnel de l’entreprise. Et pourtant, le danger est grand. Le quotidien assaille ; par définition, il se renouvelle chaque jour et le risque est immense de croire important ce qui n’est qu’urgent. By Le management est un continuum qui va des décisions les plus courantes de tarification ou des choix d’un argument publicitaire aux options les plus lourdes relatives à une fusion ou au lancement d’une nouvelle ligne de fabrication. L’opposition entre management stratégique et management opérationnel (également appelé « management courant ou tactique ») n’implique nullement une échelle de valeur entre eux. Chacun sait combien ils requièrent tous deux d’intelligence et d’énergie. Il demeure que les confondre ou ne pas voir clairement les qualités spécifiques qu’il convient de réunir dans chacun des deux cas serait lourd de conséquences. Il est alors utile de distinguer les décisions stratégiques des décisions opérationnelles. Figure 1.4. La distinction entre management stratégique et management opérationnel D’après A. C. MARTINET, Diagnostic stratégique, Vuibert, 1988. Tableau 1.1. La distinction entre décisions opérationnelles et décisions stratégiques Nature de la décision global, toute l’entreprise courte longue aisée peu nombreuses contrainte plutôt clairs forte difficile et coûteuse multiples variable souvent flous nulle algorithme faible tous niveaux exploitation de potentiel existant convergence, rigueur faible exploration de potentiel nouveau divergence, créativité D’après A. C. MARTINET, Stratégie, Vuibert, 1993. 4$ Compétences requises Décisions stratégiques limité, un service |\/ | Impact Durée de préparation et de mise en œuvre Réversibilité Dimensions à intégrer Environnement et temps Objectifs Répétitivité Structuration du processus de décision Niveau hiérarchique Décisions opérationnelles $! Caractéristiques By Notons que l’on identifie parfois une catégorie intermédiaire : les décisions administratives. Elles portent sur les questions de structure et d’organisation. En fait, une décision donnée n’est pas toujours homogène sur toutes les caractéristiques : par exemple (figure 1.5), la décision A est majoritairement « opérationnelle », la B est orientée « stratégie ». Figure 1.5. Une comparaison des caractéristiques des deux décisions 4$ $! |\/ | Ces différences de caractéristiques se traduisent non seulement sur le plan des profils de cadres à recruter mais aussi sur le plan du diagnostic de l’entreprise. Il convient, en effet, lors de l’étude d’une entreprise, de préciser dans lequel des quatre cas suivants elle se trouve aux différents stades de son existence – passé, présent, futur (figure 1.6). By Figure 1.6. La relation management/performance B. Un processus complexe Le management est également une succession de quatre étapes, dont chacune correspond ellemême à un processus : • Le processus de finalisation, c’est-à-dire la définition des différentes catégories de finalités de l’entreprise : vision, mission, objectif, stratégie, plan, budgets, etc., précise les orientations que l’entreprise entend suivre. • Le processus d’organisation, c’est-à-dire la définition des mécanismes de gouvernance de l’entreprise, des structures, des mécanismes de coordination, des organigrammes, des procédures, etc., constitue l’ossature organisationnelle et humaine du fonctionnement interne de l’entreprise. • Le processus d’animation des hommes, c’est-à-dire les mécanismes de gestion des ressources humaines, suscite l’adhésion des personnes aux finalités et aux modes d’organisation de l’entreprise. • Le processus de contrôle. Il clôt naturellement la démarche qui, à défaut de contrôle, ne pourrait bénéficier du regard de validation et, le cas échéant, engendrer un nouveau cycle recommençant par « finalisation ». Ces quatre processus fondamentaux sont en interaction avec le système d’information dont le rôle est essentiel, tant sur le plan stratégique que sur le plan organisationnel. Le système d’information est composé de l’ensemble des moyens techniques et humains permettant la collecte, le traitement, la diffusion et le stockage des informations nécessaires aux décisions et au fonctionnement de l’entreprise. Ce système d’information est, pour partie, interne (traitements commerciaux, comptables, de production, etc.) et, pour partie, externe (veille, échange de données avec les fournisseurs et les clients). By 4$ $! |\/ | Figure 1.7. Le processus de management Cinq qualificatifs principaux s’appliquent à ce processus de management : • Général. Ce type de processus s’applique à toute activité managériale quel que soit son niveau dans l’organisation et vaut tant pour l’ensemble de l’entreprise, que pour une unité d’affaires ou pour une ligne de produits. • Séquentiel. Dans une démarche managériale, et au risque d’être normatif, il est normal de commencer par les finalités, puis d’organiser, de s’interroger sur les questions d’animation des hommes, pour enfin effectuer le contrôle. Il est à noter que ce dernier est trop souvent négligé. • Interactif. Le caractère séquentiel du processus ne doit pas occulter les interactions qui existent nécessairement entre les phases. Ainsi, il est fréquent que les aspects organisationnels interagissent avec les choix stratégiques et d’animation. • Cohérent. Ce point est essentiel dans la mesure où la performance d’un processus managérial dépend très largement de la cohérence interne de ses éléments, également appelée « fit » ou « alignement managérial ». Ainsi, nombre d’entreprises se trouvent confrontées à des incohérences majeures entre, par exemple : – stratégie et animation (stratégie orientée client et animation des hommes bureaucratique) ; – organisation et contrôle (organisation par activité centrée sur les résultats et contrôle traditionnel des coûts par fonction) ; – finalité et organisation (stratégie dynamique de développement et organisation interne fossilisée autour de chapelles). Cette exigence de cohérence s’applique aussi au système d’information et aux processus managériaux. IV. La culture stratégique 4$ $! |\/ | • Rétroactif. Un des rôles du contrôle est de vérifier si les finalités définies sont respectées et de décider soit de mesures correctives, soit d’une modification des finalités initiales. La place prise par les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le processus de management conduit à utiliser le terme de e-management. Les TIC, en changeant la relation à l’espace et au temps, transforment en profondeur les quatre phases du processus évoquées ci-avant. La finalisation s’en trouve modifiée tant au plan des techniques de veille sur Internet que des choix stratégiques. L’organisation repose de plus en plus sur des équipes projet virtuelles et des outils de travail collaboratifs. L’animation des hommes doit intégrer le travail d’alimentation des bases de connaissances des knowledge workers et l’animation d’équipes distantes. Quant au contrôle, il s’effectue en temps réel sur l’ensemble des activités. Les relations amont et aval avec les partenaires sont intégrées dans les systèmes d’information de l’entreprise, dans une perspective d’entreprise étendue. By La démarche stratégique ne repose pas que sur des outils. Elle est également un état d’esprit, une culture stratégique. Pour Michel Godet, la culture stratégique compte trois pôles et constitue le fondement du management stratégique : – l’anticipation ; – l’action ; – la mobilisation. Figure 1.8. La culture stratégique Le stratège doit être doté de trois qualités : • D’abord, il doit faire preuve d’une immense vertu d’anticipation. Informé mais non surinformé, il doit être capable de percevoir au sein de la multitude des signaux qu’il reçoit ceux qui sont porteurs de sens pour l’avenir. Pour ce faire, un excellent système d’information est nécessaire, mais aussi cette sorte de sixième sens dont sont pourvus certains, celui de vivre leur quotidien comme si demain était dans trois ou cinq ans. • Ensuite, le manager stratège doit être capable de traduire l’information en décision puis en action. Nous savons combien sont nombreuses les entreprises qui ont acquis une réelle réputation d’être dans l’incapacité de mettre en œuvre les choix qui, pourtant, sont les seuls possibles. Baronnies, bastions culturels, forces de l’immobilisme, blocages sociologiques, refus de voir l’avenir... les raisons se déclinent à l’envi ! • Enfin, le manager doit s’attacher la bonne volonté ou, tout simplement, la bienveillante neutralité des acteurs. Dans l’entreprise, rien n’est possible si les individus et les groupes n’adhèrent pas, à des degrés divers, à l’action voulue par les dirigeants. Pour ce faire, il faut mobiliser, en inculquant des valeurs communes d’appartenance, de reconnaissance ou en affichant clairement les termes du contrat : « Vous êtes payé pour accomplir telle tâche, sans état d’âme ; si les conditions le permettent, vous serez maintenu dans l’entreprise. » V. Management stratégique et décisions |\/ | Pour R. A. Thiétart, le management stratégique se trouve à l’équilibre entre trois forces, issues de trois dimensions : 4$ $! – la dimension économique de la rationalité traditionnelle (calcul de rentabilité, bilan avantages/coûts) ; By – la dimension politique des jeux et stratégies des acteurs (stratégies individuelles et de groupe) ; – la dimension organisationnelle des structures et procédures formelles (les règles internes de fonctionnement). Définition Le management stratégique est l’ensemble des tâches relevant de la direction générale, qui ont pour objectifs de fixer à l’entreprise les voies de son développement futur tout en lui donnant les moyens organisationnels d’y parvenir. Toute entreprise qui ne réussit pas à marier harmonieusement les trois dimensions souffre d’un « mal stratégique » évident. La décision est l’acte volontaire par lequel, après examen des diverses alternatives, on tranche, on prend parti. Diriger une entreprise consiste par conséquent à décider, à effectuer des choix précédant l’action. Or les gestionnaires s’interrogent, comme l’ont fait depuis longtemps les économistes, sur la rationalité – ou l’irrationalité – des décisions. Les décisions sont si nombreuses, elles s’appliquent à des problèmes tellement différents, elles comptent un tel mélange d’éléments quantifiables et de facteurs qualitatifs qu’on les aborde selon diverses perspectives. Figure 1.9. Le management stratégique A. Les types de décisions Rassemblons ici les distinctions les plus courantes en gestion. Selon l’importance du problème traité, Ansoff a introduit un classement devenu célèbre : – les décisions opérationnelles, d’exploitation courante ; – les décisions administratives (portant sur la structure et la gestion des ressources) ; – les décisions stratégiques intéressant les axes de développement des firmes. By 4$ $! |\/ | Figure 1.10. Les fonctions du décideur De nombreux auteurs ont présenté d’autres classements : – les décisions stratégiques qui, selon Martinet, déterminent de façon durable la nature de l’entreprise et de ses relations avec l’extérieur ; par exemple, le choix entre une seule ou plusieurs activités ; – les décisions tactiques, courantes, qui ont pour objet de résoudre les problèmes qui surgissent au jour le jour sans modifier les orientations générales. Dans tous les cas, la décision est un processus qu’il convient de maîtriser. 1. Les décisions non programmées et programmées Cette célèbre distinction est due à Herbert Simon. Les premières dépendent des circonstances qui les gouvernent ; elles sont toujours nouvelles et non structurées. Les secondes, les décisions programmables, plus que programmées, correspondent à des choix répétitifs et routiniers pour lesquels on dispose d’une procédure appropriée. Ordinairement d’ailleurs, on peut formuler a priori un ensemble de prescriptions telles qu’on pourrait résoudre le problème posé grâce à un ordinateur. Or, nombreux sont ceux qui considèrent qu’il appartient à la direction générale de pousser au maximum la programmation des décisions les plus routinières pour libérer du temps disponible consacré aux décisions plus importantes et non programmables. D’une manière générale, on considère que les décisions stratégiques sont : – complexes, non programmables ; – fortement influencées par les motivations et les valeurs du groupe directeur (top management), même lorsque ces personnes ne partagent pas exactement les mêmes vues. Il en résulte des conflits ou des recherches d’influence, dont on tente de mesurer le poids au cours des phases d’un processus qui se déroule strictement. 2. Les décisions individuelles et collectives Dans le premier cas, une personne effectue le choix. Dans le second, plusieurs individus participent à l’opération, et tel est bien le cas pour la plupart des décisions quel que soit leur rang. $! |\/ | Encore faudrait-il faire la part des choses entre les décisions collectives réellement collectives et celles qui le sont faussement. Au plus haut niveau (comité de direction) les entreprises peuvent masquer des décisions fortement individuelles par une logique de réunions régulières. Tous les acteurs y ont intérêt. Le dirigeant évacue les conflits en informant et peut uniquement jouer de la division pour mieux imposer ses vues. Les hauts cadres se refusent à intervenir négativement dans une instance, à la participation de laquelle ils accrochent une partie de leur statut. 4$ 3. Les décisions liées au contexte temporel By D’après la nature des phénomènes qui provoquent le changement de stratégie et le contexte temporel de la décision, on peut opposer ainsi que de nombreux auteurs l’ont fait : – les décisions anticipées : l’entreprise « a le temps », elle mûrit peu à peu ses choix ; c’est la situation idéale ; – les décisions émergentes : l’entreprise ne décide pas à proprement parler, mais adapte peu à peu les formules retenues ; le « grand dessein » n’apparaît qu’a posteriori ; – les décisions occurrentes : lors d’un événement majeur, l’entreprise réagit brutalement et réoriente instantanément sa démarche. B. Le processus de décision Plusieurs étapes (figure 1.11) peuvent être distinguées, la direction générale ne tranchant qu’au moment du choix final. Figure 1.11. Le processus de décision |\/ | Les problèmes qui se posent lors de chaque phase sont bien différents. Certaines étapes sont brèves ; d’autres, longues. Les techniques mises en œuvre varient. $! Exemple By 4$ Il est possible de faire appel à la créativité dans la phase de recherche de solutions. L’analyse multicritère peut, quant à elle, être utilisée pour l’élaboration de la décision. Pour réduire l’arbitraire et harmoniser les modalités de prise de décision, on définit parfois méthodiquement le processus et les règles qui doivent être respectées pour choisir une solution. On utilise aussi de nombreux outils d’aide à la décision (arbres de décision, comparaison d’utilité des options : maximin, minimax, point mort, etc.). La qualité d’une décision est une notion relative qui dépend de nombreux facteurs (figure 1.12). Figure 1.12. Les principaux facteurs influençant la perception de la qualité de la décision C. Rationalité ou irrationalité de la décision D’innombrables controverses opposent différentes écoles ; certains auteurs, tel Simon, reprochent à d’autres d’être trop rationalistes. D’une façon générale, cependant, il convient de remarquer que c’est le modèle des économistes classiques ou néoclassiques qui a marqué les recherches sur la décision. Selon pareille vision, l’homo economicus, cet être de logique abstraite, agit en fonction d’un unique but : maximiser ses intérêts personnels. Avant de décider, de trancher, notre calculateur balance entre ses propres avantages et les coûts attachés au choix. 1. L’homo economicus Parce qu’il peut prévoir l’avenir, parce qu’il est parfaitement informé, parce qu’il est capable de trouver une méthode mathématique pour bien appliquer sa raison, le manager, dans cette perspective, doit chercher et trouver la meilleure solution au problème rencontré. Tel est le modèle de la rationalité pure et parfaite qui inspire Taylor, naïvement persuadé comme bon nombre de ses contemporains, qu’on peut trouver « the one best way ». Mais, devant les difficultés rencontrées, on ne peut s’en tenir à cette vision scientiste et par trop optimiste. 4$ $! |\/ | Déjà, Herbert Simon et, plus généralement les tenants du courant behavioriste, conscients de la contingence du monde et du caractère largement imprévisible de l’avenir, préfèrent s’en tenir à une rationalité limitée, à une rationalité de procédures plutôt que de viser, par le calcul, le maximum de gain. By En rationalité limitée, les managers adoptent la première solution satisfaisante qu’ils trouvent. Ce sont des « satisficieurs » et non des optimisateurs. Les contraintes temporelles, financières, mais aussi cognitives expliquent que la rationalité limitée soit très largement partagée par les managers. Le modèle IMC (Intelligence, Modélisation, Choix) Herbert Simon, dès les années 1960, schématisait toute procédure décisionnelle. Trois phases sont présentes : l’intelligence ou la compréhension du problème tel qu’il se pose ; la modélisation, c’est-à-dire la conception des solutions et enfin le choix, à savoir la sélection de la variante qui donne satisfaction au plus grand nombre. Certains auteurs vont s’en prendre aux illusions et aux croyances propres au management enseigné dans les meilleures business schools encore tout imprégnées de la foi en le one best way. On voit alors de nombre d’entre eux s’intéresser au rôle de l’intuition, aux jeux de l’inconscient et de l’irrationnel, au cours de la prise de décision. Ainsi, Akio Morita, fondateur de Sony, allait jusqu’à accorder un privilège déterminant à la dimension intuition, postulant qu’elle entraînait des ruptures qualitatives plus fécondes que le calcul impliqué par la pratique des méthodes prétendues scientifiques. Bref, on laisse une large part à la créativité et à la rapidité au cours du processus de décision. Les modèles de décision 1. Le décideur rationnel. 2. Le décideur contraint par l’organisation. 3. Le décideur politique. 4. Le « non-décideur ». Enfin, décider c’est imposer une volonté avec les risques de conflits afférents. Pour réduire ce risque, on s’efforce de faire converger toutes les volontés, ainsi que nous l’avons déjà souvent constaté. Pour cela, on souhaite faire de l’organisation un foyer où se concentrent les valeurs et les buts partagés par les différentes parties prenantes : le top management, le middle management, les hommes des centres opérationnels. D’où les tentatives répétées, sous des formes diverses, de décentralisation, de participation à la prise de décision, afin que chaque personne dans l’entreprise, quel que soit son rang, puisse s’automotiver, en prenant part de façon active aux choix. $! |\/ | Les entrepreneurs d’aujourd’hui ne s’embarassent pas de lourdes études avant de démarrer une activité. Selon l’idée « d’effectuation », ils lancent pour tester, puis améliorent, transforment en s’adaptant après les premiers résultats. Uber Pop, très critiqué, a cédé sa place d’activité dominante à UberX chez Uber. 4$ 2. Les facteurs psychologiques et cognitifs de la décision By Prolongeant les doutes formulés par H. Simon sur la rationnalité des décisions managériales, D. Kahneman(4), spécialiste de psychologie cognitive et prix Nobel d’économie, remet en cause le caractère rationnel et logique de la pensée humaine. Son analyse repose sur une analyse duale de notre système mental distinguant la pensée rapide – qu’il dénomme « système 1 » –, et la pensée lente appelée « système 2 ». Tableau 1.2. Les deux systèmes de décision selon Kahneman Système 1 Rapide Intuitif Automatique Actif en permanence Inconscient Permet d’économiser temps et énergie Système 2 Lent Délibéré, réfléchi Contrôlé Requiert un effort, entraîne de la fatigue Conscient Permet d’éviter les erreurs cognitives Les deux systèmes sont en interaction permanente mais le système 1, intuitif, est plus influent qu’on ne le pense. Il préside en fait à de nombreux choix. Ce système est d’autant plus sollicité que l’être humain est dans une situation d’« aisance cognitive » qui résulte d’effets de souvenirs, de familiarité et de clarté, conduisant à une appréciation positive de la situation. Les biais de jugement, et donc de décision sont très fréquents, notamment chez les managers. Ils remettent en cause la supposée rationnalité managériale. L’auteur note ainsi : • L’effet ou le biais de surestimation ou d’égocentrisme. Il se traduit par une confiance excessive en ce que le décideur croit savoir et en son incapacité à reconnaître l’étendue de son ignorance ainsi que l’incertitude du monde. Ainsi, les entrepreneurs et les investisseurs ont tendance à surévaluer leurs chances de succès. • L’effet de surestimation d’événements improbables ou rares. • L’effet de statu quo. Il conduit à surestimer les risques de tout changement et à privilégier la continuité. • L’effet de halo. Il incite à privilégier l’impression initiale et à suivre le premier avis formulé dans une discussion de groupe. • L’effet de pseudo-certitude ou biais rétrospectif. Il considère comme valable et certain ce qui est issu de l’expérience. 4$ $! |\/ | • L’effet d’aversion à la perte. Il entraîne des pertes plus impressionnantes que les gains. « L’aversion à la perte est une puissante force conservatrice qui favorise des changements limités à partir du statu quo tant dans la vie des institutions que dans celle des individus »(5). Les mauvaises impressions et les stéréotypes négatifs se forment plus rapidement. Ils sont aussi plus résistants à la contradiction que leurs équivalents positifs. • Les effets d’escalade dans l’engagement. Les managers s’entêtent dans l’erreur plutôt que de la reconnaître et cherchent à en masquer les coûts (sophisme des coûts irrécupérables). By Quelles sont les implications sur le plan managérial de ces résultats ? Elles sont certes très importantes pour les décisions opérationnelles pour lesquelles on conçoit facilement que le système 1 se déploie pleinement. Sous-estimer ces effets pour les décisions stratégiques constituerait cependant une erreur. Exemple Dans la matrice SWOT que les étudiants – apprentis stratèges – chérissent tant, l’appréciation des forces et faiblesses est éminemment subjective. De la même manière, les menaces ou les opportunités sont susceptibles d’être surestimées ou, à l’inverse, sous-estimées en fonction du contexte dans lequel les décideurs évoluent. Comble de la critique de la rationnalité managériale, l’auteur note que la chance joue un rôle dans la réussite et qu’un détail peut faire la différence entre échec et succès... VI. Stratégie et crise La foi dans la capacité d’une démarche stratégique correctement opérée à mener l’entreprise à bon port relèverait-elle de la pure naïveté ? En d’autres termes, convient-il d’inciter les entreprises à dépenser de l’énergie pour suivre les prescriptions de la démarche stratégique alors que celle-ci pourrait n’être qu’un gaspillage de ressources ? La réponse est bien sûr négative. Il ne s’agit pas de cesser de former les dirigeants et futurs dirigeants, les managers et futurs managers mais de les former autrement en les invitant à cultiver un incessant esprit critique, un éveil de tous les instants aux changements amples et brutaux que nous connaissons. Il est utile de tenter de résumer les points qui ont évolué fondamentalement au cours des dernières années. Si nous nous doutons que la plupart d’entre eux ont eu un puissant impact sur la démarche stratégique des entreprises, nous ne savons ni lequel, ni où, quand et comment cette influence s’est exercée. Quels sont-ils ? Ce sont d’abord le contexte au sein duquel les entreprises évoluent, ensuite les entreprises elles-mêmes et, enfin, les personnes qui sont aussi les principaux acteurs des entreprises. A. Le contexte By 4$ $! |\/ | Tout d’abord, pour paraphraser un célèbre humoriste, « la prévision s’avère de plus en plus difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ». Nous vivons dans un univers qui n’est plus aléatoire, peu ou mal probabilisable, mais incertain. Les bouleversements nous assaillent sans le moindre signe avant-coureur. Bien évidemment, chacun connaît le fardeau des risques que le monde porte sur ses épaules : changement climatique inéluctable, raréfaction de l’eau, dégradation de l’environnement, croissance dissymétrique de la population, épuisement des ressources naturelles, ampleur des dettes souveraines, montée des nationalismes et du terrorisme, catastrophes nucléaires... la liste est sans fin. Les plus avertis disposent de quelques longueurs d’avance, mais ils sont toujours rattrapés par le maelström. Nombreux furent les banquiers, notamment français, qui écourtèrent leurs vacances en août 2007, lors de la mini-crise financière de l’époque. Ils furent pourtant, comme tout le monde, emportés par la grande crise qui a débuté le 15 septembre 2008 par la faillite de Lehman Brothers. Ensuite, nous vivons dans un contexte qui ne pardonne plus et qui met à mort, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les acteurs insouciants, peu experts ou malchanceux. C’est vrai pour les pays : l’Irlande des années 2008 à 2012, la Grèce et le Brésil aujourd’hui. C’est vrai également pour les entreprises. Exemples Kodak a disparu non pas tant parce que l’entreprise a mal négocié le virage du numérique mais parce qu’elle n’a pas maîtrisé le passage du numérique d’élite au tout numérique démocratisé. Nokia a failli quitter les écrans radar pour avoir réagi un peu tardivement à l’implacable passage du téléphone mobile au Smartphone. Plus récemment, Yahoo, en dépit de sa médiatique dirigeante, n’a pas pu rivaliser avec l’immense Google et voit son activité de portail s’amoindrir. Les causes sont-elles ici des erreurs stratégiques, des erreurs managériales, de l’arrogance, un manque de chance ? Sans doute un peu de tout à la fois mais le changement de contexte a été, dans tous les cas, l’élément déterminant. B. Les entreprises L’entreprise, acteur principal, sinon unique, de la démarche stratégique, n’est plus celle que l’on connaissait il y a peu. Les changements sont-ils réels ? Pérennes ? Achevés ? La réponse à ces interrogations est vraisemblablement négative mais on peut toutefois insister sur deux points. |\/ | Le premier est, pour les entreprises, la prise de conscience de la nécessité d’une réelle humilité à l’égard de l’environnement. D’abord, aucune entreprise ne peut s’autoriser à négliger les préoccupations environnementales. Ensuite, chacun sait que le monde change aujourd’hui davantage en Asie et en Amérique latine, voire en Afrique, qu’en Europe et en Amérique du Nord. Enfin, sans verser dans un angélisme inutile qui pousserait à voir les entreprises à la quête d’une image plus « citoyenne », reconnaissons que le passage d’une unique shareholder value à une shared value synonyme de partage, est en marche. C’est à l’apôtre du libéralisme bon teint, Michael Porter, qu’est due cette expression publiée pour la première fois dans un article de la prestigieuse Harvard Business Review en janvier 2011. Les entreprises se doivent d’adjoindre aux seuls actionnaires, dans leurs objectifs, les personnels, les clients et peut-être d’autres acteurs. The winner takes all! By 4$ $! Le second point est l’extrême diversité des positions concurrentielles, et ceci avec des évolutions rapides, des entreprises et de ce fait, de leurs performances. Alors que Total, Schneider, LVMH et Airbus affichent des santés remarquables, EDF et la Société Générale sont à la peine. Dans ces conditions, il est fort délicat de suggérer à des entreprises aussi dissemblables de suivre des principes identiques pour mettre en œuvre leur démarche stratégique. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont devenus invincibles. Les licornes sontelles leurs successeurs ? C. Les personnes Les dirigeants changent, les managers évoluent et les collaborateurs se transforment. Le regard porté sur les personnes et le regard que les personnes portent sur les autres ainsi que sur leur entreprise n’est plus le même. Comment caractériser ces modifications ? Fatalisme mais aussi engagement, pessimisme et également dynamisme, défiance accompagnée de volonté... tout est dans tout. Les personnes sont devenues complexes. Selon Booz and Cy (2011), les dirigeants, appartiennent à l’une des quatre catégories suivantes : – les Holding Companies (le dirigeant vit son métier comme celui d’un gestionnaire – financier – d’un portefeuille d’activités) ; – les Strategic Management Companies (le dirigeant apporte exclusivement une vision à ses troupes) ; – les Active Management Companies (le dirigeant supervise diverses activités) ; – les Operational Involved Companies (le dirigeant est impliqué dans la partie opérationnelle de son groupe). La question est alors de savoir comment suggérer des outils uniques aux dirigeants, aussi hétéroclites, de ces quatre catégories. Les managers et les collaborateurs n’ont rien à envier à ces derniers en termes de diversité. Adressons toutes nos félicitations au responsable d’une équipe projet comptant à parts égales des représentants des générations « X », « Y » et des « Z » ! Face à ces évolutions, les spécialistes du management stratégique ne manquent pas de faire valoir leurs opinions même s’ils mettent souvent la sourdine. Pour sortir la démarche stratégique de l’ornière, Gary Hamel, expert s’il en est, conseillait récemment d’axer la volonté des dirigeants vers « plus de valeurs » (seul moyen de mobilisation), « plus d’innovation » (pour rester en tête du peloton), « plus d’adaptabilité » (pour maîtriser le changement), « plus de passion » (pour développer l’enthousiasme) et « plus de liberté » (pour savoir dépasser la logique du tout contrôle). By 4$ $! |\/ | On ne peut qu’être attentif à ces idées. Il faut absolument sortir du désarroi. Tout est bon, y compris les antiennes rabâchées depuis toujours. Mais il convient d’être également quelque peu distant : les gourous retombent vite dans les recettes au goût de « Yakafokon »(6). Où est la bonne formule ? Si elle existe, elle se situe à coup sûr entre pragmatisme, écoute, bravoure, humilité et détermination. Telle est la position que nous adoptons dans cet ouvrage. By 4$ $! |\/ | Figure 1.13. Le schéma d’analyse d’un cas de stratégie |\/ | $! 4$ By Mini-cas : la stratégie, un sens et une vision à retrouver Les pays occidentaux traversent une crise majeure qui est en passe de devenir sociale et politique. Au-delà de la redistribution des cartes que nous vivons dans les domaines économiques et sociaux, il s’agit même probablement d’une crise de la pensée et du sens de l’action. Serions-nous au bord d’une catastrophe ? De plus en plus d’institutions, et d’abord les entreprises, sont assaillies par le court terme. La seule logique qui semble compter est celle de l’immédiateté. Du coup, les entreprises souffrent d’un processus délétère qui détériore la confiance dont elles jouissaient, il y a encore peu de temps, parmi les consommateurs, les salariés et la société en général. Leur légitimité est remise en cause. Nous sommes au pied du mur. Après la famille, l’école, l’Église, les entreprises semblent se déliter dans un magma informe où plus personne ne trouve de points de repère. Continuer dans cette voie permettra peut-être à certaines de passer le gué, mais elles en sortiront en lambeaux, moribondes. Ces trente dernières années de mondialisation galopante, alimentées par les technologies de l’information, ont été un vaste leurre collectif. Nous nous sommes laissé duper par beaucoup de discours qui se voulaient innovants, voire révolutionnaires, et qui se sont révélés utopistes. Nous nous sommes imaginé que nous pourrions spécialiser certains pays dans la production, d’autres dans les services, d’autres encore dans la finance, et que tout le monde bénéficierait de cette nouvelle spécialisation. L’enrichissement fulgurant de certaines zones C’était oublier que la mondialisation n’a pas rendu les marchés plus efficients qu’auparavant. Comme souvent lorsqu’il y a un changement profond, nous avons pu assister à l’enrichissement fulgurant de certaines zones (les pays asiatiques notamment) et à l’appauvrissement abyssal d’autres. La richesse mondiale a certes globalement crû, mais certains acteurs y ont perdu, pendant que d’autres progressaient. Difficile d’expliquer aux perdants que nous pouvons nous réjouir d’un accroissement de la moyenne mondiale du pouvoir d’achat ! $! |\/ | La durée de la crise remet en cause ces illusions. On sait qu’il faut, par exemple, réindustrialiser des pays comme la France, faute d’être forcés d’accepter que notre spécialisation à terme soit celle d’un « musée du monde ». Pour réussir ce défi, les entreprises doivent retrouver le sens de la stratégie, de la vision à long terme. Il ne s’agit donc plus simplement pour elles de gérer le changement, mais de se réinventer. Une vraie révolution. 4$ Ces dernières années ont donné beaucoup de poids aux actionnaires. On en connaît les raisons légitimes, mais de nouvelles règles du jeu sont à trouver pour sortir de cet objectif encore trop souvent unique qu’est la valeur à court terme. By Le développement durable, qui se substitue aujourd’hui à la création de valeur pour l’actionnaire, exige que les entreprises tiennent compte de tous leurs partenaires. Elles ne pourront pas prospérer dans une société en décomposition sociale, avec une forte baisse du pouvoir d’achat et une confiance écornée dans le système économique et financier, avec des ressources rares et une planète abîmée. Restaurer la confiance La crise va imposer une refondation du dialogue social. Les entreprises pourront ainsi restaurer la confiance et redémarrer plus vite, plus fort, et de façon plus durable, en mobilisant leurs équipes et en attirant les talents dont elles ont besoin. Enfin, pour être pleinement responsables, elles devront aussi davantage travailler sur les sujets de société avec les territoires et les collectivités où elles sont implantées. La géographie est plus que jamais importante dans les réflexions stratégiques. Ne nous leurrons pas, une telle approche nécessitera énormément de courage. Les poncifs lénifiants de la gestion du changement doivent être dépassés. Il faudra accepter des larmes, et espérons que nous éviterons le sang. Il ne sera pas facile de gérer simultanément l’austérité et la relance. Tout le monde devra être concerné. Il nous faudra en particulier accepter de corriger le manque de leadership dont nos sociétés occidentales souffrent énormément. Ce nouveau leadership devra se construire, au-delà des compétences techniques, sur une conscience sociétale. On l’aura compris, il nous faut rapidement repenser nos modèles, mais c’est une occasion unique pour les entreprises. Il ne s’agit pas seulement pour elles d’éviter la catastrophe à court terme, mais de retrouver une indiscutable légitimité. Tribune de B. Ramanantsoa, directeur général de HEC, « Éviter la catastrophe, retrouver une légitimité », Le Monde Économie, 17 septembre 2012. Question By 4$ $! |\/ | Compte tenu des contextes économiques, financiers, politiques, réglementaires, et en vous fondant sur l’article, pensez-vous que l’on puisse encore enseigner la stratégie aujourd’hui ? Chapitre 2 La démarche stratégique Les compétences clés à acquérir : • Connaître l’évolution des idées et des pratiques en matière de démarche stratégique. • Savoir ce que recouvre la notion de démarche stratégique. • Discerner les différentes étapes du processus. |\/ | • Savoir ce qu’implique le concept d’objectif. • Planifier la fixation des objectifs. $! • Prendre la mesure des différents courants de démarche stratégique. • Mesurer le poids pris par les aspects financiers dans la stratégie. 4$ • Intégrer les questions liées au développement durable de l’entreprise. By Dans toutes les entreprises, les managers élaborent des plans, bâtissent des programmes, mettent en place des instruments de contrôle, bref s’efforcent d’imaginer et de construire le futur de la firme. On appelle planification stratégique (strategic corporate planning) le processus, le déroulement méthodique qui consiste à formuler les objectifs visés et à choisir les moyens appropriés pour y parvenir. La réflexion, à propos de ces processus, a débuté dans les années 1960. Elle s’est enrichie au cours du temps, mais elle a aussi été critiquée par certains auteurs ou par certains consultants souhaitant proposer – ou vendre – d’autres outils. De telles controverses, dont les journalistes se délectent, laissent généralement les managers de marbre. Ainsi des entreprises comme Vinci, Free ou encore Google continuent à planifier. Même si d’aucuns prédisent régulièrement sa disparition, la planification stratégique mérite d’être analysée. Nous avons donc pris le parti d’en présenter les différents outils, lesquels forment une batterie toujours utilisée par les praticiens. I. Le processus stratégique Nous sommes ici au cœur d’un domaine profondément influencé par l’environnement culturel de l’entreprise. D’un pays à un autre, d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à une autre, le processus stratégique diffère. Par conséquent, il est bien difficile de présenter des schémas normatifs dont le champ d’application serait généralisable. Soulignons cependant que, pour répondre aux changements accélérés des marchés et de la technologie, l’activité stratégique ne se prête pas à une routinisation figée de tâches toujours identiques visant à atteindre des buts immuables. La stratégie est un enchaînement de décisions ininterrompu concernant des objectifs qui évoluent et des moyens destinés à atteindre ces objectifs. Nous allons exposer tout simplement ce qui est le plus courant et nous commencerons par le concept de planification qui, pendant de longues années, a été purement et simplement assimilé au processus stratégique. A. Le concept de planification La planification s’inscrit dans le cadre de la gestion prospective. Celle-ci consiste à introduire l’avenir dans les décisions du présent. Dans une firme, la gestion prévisionnelle est une nécessité absolue. Les entreprises, et c’est d’autant plus vrai qu’elles sont grandes, ressemblent aux grands bateaux qui ne peuvent brutalement virer à droite ou à gauche, s’arrêter ou reculer. Une bonne décision intègre donc les données du futur (la prévision) et, ce faisant, prépare cet avenir en gérant mieux le présent. Cela constitue un exercice périlleux ; l’avenir est par définition incertain même si, parfois, des probabilités peuvent être attachées à tel ou tel événement (univers aléatoire). 1. Ce qu’elle n’est pas 4$ $! |\/ | La planification est l’action qui marque la volonté de l’entreprise d’agir sur le futur ; elle se traduit par des tableaux, des déclarations, des figures et schémas. « Planifier c’est concevoir un futur désiré et les moyens d’y parvenir. » Dans un article célèbre, Peter Drucker définit la planification en deux temps. By La planification n’est pas la prévision, car en plus de celle-ci on trouve la volonté de l’entreprise d’agir sur le futur. La planification ne conduit pas à décider pour le futur : elle permet de prendre des décisions aujourd’hui en fonction de leurs conséquences à venir. La planification n’élimine pas le risque : le risque est inhérent au management. La planification n’a pas pour but prioritaire l’élaboration d’un plan : le résultat de l’action (le plan) est infiniment moins important que l’action elle-même (la planification). 2. Ce qu’elle est La planification est un instrument d’action : elle donne à l’entreprise le moyen d’agir sur le futur. La planification est un instrument de motivation : elle engendre une telle circulation d’informations entre les acteurs que chacun peut se sentir plus motivé par la réussite de l’ensemble. La planification est un instrument de cohérence : elle assure les ajustements entre les personnes, entre les divisions, entre les échéances. En caricaturant, on peut aller jusqu’à dire que, dans la planification, c’est le plan qui reste le moins important. Celui-ci n’est pas contraignant ; il sera revu si les données changent. Mais l’activité, le processus même et l’état d’esprit qui suscitent dans tous les services une attitude dynamique à l’égard de l’environnement sont de loin les éléments essentiels. La planification, d’ailleurs, ne va pas de soi ; elle rencontre tous les jours des obstacles. Ceux-ci tiennent à deux causes : – d’une part, les cadres de l’entreprise sont submergés par les problèmes quotidiens, par les décisions à prendre dans l’instant, par la routine, et ne dégagent qu’avec peine du temps pour la réflexion ; – d’autre part, la pression du présent est forte. On peut comprendre que l’horizon d’un manager ne dépasse pas la période sur laquelle il sera possible de mesurer sa performance. Un chef de produit, qui sait qu’il n’occupera ce poste que pendant deux ans, est-il tenté de s’intéresser à ce qu’il adviendra de ce produit après les deux années ? Pour reprendre l’image des bateaux, nous nous situons ici au moment décisif du « changement de cap », lorsque l’entreprise, pour atteindre l’avenir qu’elle se donne pour objectif, doit hisser de nouvelles voiles et réorienter son gouvernail. B. L’évolution de la notion de démarche stratégique |\/ | Au cours du temps, les idées ont évolué. L’évolution de la démarche stratégique peut être découpée en plusieurs phases. 1. L’influence du contrôle budgétaire By 4$ $! Dès les années 1920, un certain nombre d’entreprises nord-américaines innovent dans ce domaine. Certains responsables, tel Donaldson Brown, le premier, chez DuPont de Nemours, mettent en place des méthodes de prévision de durée moyenne (un an), emboîtées et coordonnées entre elles, et qui coïncident avec des découpages de responsabilité. 2. La politique générale et l’école de Harvard C’est à l’université de Harvard que l’on va découvrir, au cours des années 1950, cette nouvelle discipline managériale que constitue la politique générale (Corporate Policy). Comme les entreprises vendent de nombreux produits sur de nombreux marchés, le rôle de la direction générale consistera, entre autres, à harmoniser la politique générale et les stratégies produits/marchés (Business Strategy). Dans toutes ces études, on allonge l’horizon de la prévision (de 2 à 10 ans), mais les techniques restent « mécanistes ». On prolonge les phénomènes de gestion dans le temps. Or, comme on l’imagine, cette méthode rencontre rapidement des limites, car le futur n’est en rien assimilable à du passé prolongé. Vers les années 1960 cependant, certains chercheurs de la célèbre Business School proposent de fonder la politique générale sur une fine analyse des capacités de la firme et des ressources de l’environnement. L’esprit de planification change alors ; on devient de plus en plus sensible aux ruptures qui brisent les trends ; on se met à tenir compte des aptitudes des dirigeants, de leurs expériences, de leurs valeurs. En vue de formaliser ces analyses, de les rendre plus méthodiques, on élabore des modèles ; l’un des plus célèbres d’entre eux restant le modèle LCAG (du nom des auteurs : Learned, Christensen, Andrews, Guth), qui s’applique à la stratégie de domaine (Business Strategy) (figure 2.1). Figure 2.1. Les principes du modèle LCAG 3. La planification stratégique (Strategic Planning) Exemple By 4$ $! |\/ | Elle se développe à partir des années 1970, sous l’impulsion d’Igor Ansoff et de consultants appartenant à des cabinets spécialisés en stratégie. On perfectionne la méthode (« analyses stratégiques ») et on invente de nouveaux outils (courbes d’expérience, matrices, etc.). La cohérence de la démarche et la simplicité pédagogique des instruments incitent de nombreux responsables à adopter ces procédés, le succès cédant la place à l’engouement. Il s’agit presqu’une d’une foi. Au cours de ces dernières années, d’aucuns ont estimé que la capacité d’analyse alliée à une volonté sans faille permettait de surmonter toutes les incertitudes du futur. Coca-Cola calcule le nombre d’envies de boire quotidiennes des habitants de la planète, retranche les demandes non solvables, détermine sa part de marché cible sur le solde et adapte ses produits aux goûts des consommateurs. L’entreprise induit de ces données son chiffre d’affaires et son bénéfice. 4. La planification douce ou le Soft Management Mais, à la fin des années 1970, les instruments et la méthode de l’analyse stratégique vont être vivement critiqués. Porter propose un schéma d’analyse concurrentielle qui remplace les outils récemment élaborés. Plus encore, on critique l’esprit de la planification stratégique que l’on juge parfois trop coûteuse et excessivement procédurière. D’une certaine manière, c’est le procès de la rationalité – de « l’hyperrationalité », elle-même irrationnelle – en management qui est alors fait. On stigmatise les entreprises, telle General Electric, « malade de la science », dont le projet de domination des hommes, du monde et du temps paraît démesuré. Pour remplacer toutes les tentatives prométhéennes de maîtrise stratégique, certains auteurs proposent une forme de renaissance de la simplicité managériale décrite comme retour au paradis perdu. Le succès en management n’est plus conditionné par la rigueur d’une démarche planificatrice, mais par le respect de principes simples et sages qui consistent essentiellement à mobiliser les ressources humaines, à écouter le client et à être réactif. Un tel management de bon sens, mais simpliste, se fonde davantage sur les incantations (« zéro défaut », « zéro mépris ») que sur les analyses. Il possède cependant des qualités, puisqu’il impose de s’interroger sur les organisations, sur la culture de l’entreprise, sur son mode de direction. Mais, pour autant, la planification stratégique continue de se développer. Elle touche de plus en plus les moyennes, voire les petites entreprises. Le processus stratégique évolue, car les managers, dégrisés de certaines naïvetés, ne peuvent plus éviter de prendre en compte les modifications de l’environnement. La stratégie ne résulte pas d’heures de recherches et de modélisation minutieuse… Elle est le résultat d’un processus simple et assez rudimentaire. Stratèges, sortez de vos zones de confort : – piège n° 1 – la planification stratégique : trop de « plans toujours changeants » ; – piège n° 2 – une réflexion centrée sur les coûts ; – piège n° 3 – des cadres stratégiques autoréférentiels : partir de cadres trop connus(7). |\/ | 5. La vision stratégique : un futur désiré By 4$ $! L’enseignement des dernières années nous laisse songeurs. En 2008, le monde semblait bien aller. La liberté politique et l’initiative individuelle paraissaient pouvoir s’épanouir jusque dans les coins les plus reculés de la planète ; la croissance économique était la plus rapide de l’histoire ; tout laissait augurer qu’elle allait se poursuivre pendant des années grâce à une très forte progression démographique, à l’existence d’une épargne abondante, à des progrès scientifiques et techniques extraordinaires permettant d’espérer un développement durable. Et patatras ! Voilà qu’une dépression fond sur la planète. Qui l’aurait prévue, même si l’on avait su que certaines familles américaines se révélaient incapables de rembourser un crédit sur leur logement ? Or, c’est bien là où réside la difficulté. L’effet papillon, qui veut que le battement d’aile d’un de ces sympathiques lépidoptères au Brésil entraîne une tornade au Texas, déjoue les tentatives de prévision des managers, comme il bouleverse les prédictions des météorologues. La naissance d’une crise(8) Nous sommes avant 2008. Les salaires des classes moyennes, aux États-Unis, stagnent. Les ouvriers et employés sont incités à s’endetter (subprimes = crédits à haut risque) pour acheter leurs logements. Le marché immobilier et celui du bâtiment connaissent alors une belle croissance. Trop belle même, car l’endettement finit par dépasser le seuil tolérable. D’où perte de confiance et fuite devant toute dette. Les banques du monde entier s’affolent ; certains établissements disparaissent et obligent les chefs d’états à les renflouer. Or, les banques, devenues frileuses, refusent de prêter à des entreprises saines qui tombent en faillite. La débâcle bancaire, puis financière devenue économique, engendre une crise sociale de grande envergure, particulièrement en Europe. Des millions de travailleurs sont au chômage. Quelles leçons en tirer ? $! |\/ | Depuis plus de 20 ans, l’obligation d’obtenir un ROE à 15 % (Return on Equity, c’est le rendement des actions) entraînait les entreprises et les banques à prendre des risques démesurés. Les managers et les banquiers ont souvent joué avec le feu et les contrôleurs les ont laissé faire. Apprendre la stratégie, c’est apprendre à être mesuré, en mettant fin à l’absurdité d’un ROE à 15 % ! 4$ a. Les effets de la crise sur le management By On constate que le passé a progressivement perdu son rôle de garant d’un avenir maîtrisé ; le présent, même lui, est vilipendé comme fauteur de myopie et inhibiteur d’innovations stratégiques véritablement créatrices de progrès. Il faut « désapprendre le présent » et « reconstruire une architecture stratégique », en développant une « vision stratégique ». On parle aussi d’« intention stratégique », ce qui n’est autre que la représentation d’un futur désiré. L’étude de grands groupes français met en évidence le fait que les raisons de la popularité du concept de vision dans les milieux managériaux tient à ses caractéristiques et au fait qu’il remplisse plusieurs fonctions. Exemple La vision de l’entreprise Valeo se définit par une croissance fondée sur l’innovation et le développement en Asie, dans un contexte mondial de forte évolution de l’industrie automobile. La stratégie de l’équipementier s’articule autour de deux axes : devenir le partenaire incontournable des constructeurs dans la réduction des émissions de CO2 et accélérer son développement dans les pays émergents et en Asie. Deux idées forces guident cette stratégie : l’entreprise mobilise ses équipes en interne et affiche sa détermination en externe. Il n’y a pas de chiffres, pas d’éléments opérationnels, seulement une image de l’avenir que la direction souhaite faire partager. La vision est généralement synthétique, aisément diffusable, intégratrice de différents concepts du management (métier de l’entreprise, objectifs et moyens, culture, valeurs, etc.). En résumé, la vision, en projetant une représentation commune de l’avenir souhaité de l’entreprise, permet de diffuser simplement un message cohérent sur ses finalités. Figure 2.2. La vision, caractéristiques et fonctions Forte de ces caractéristiques, la vision remplit plusieurs fonctions complémentaires. La vision est un moyen de communication : By 4$ $! |\/ | • À l’extérieur, la vision sert de « résumé » de la stratégie de l’entreprise vis-à-vis à la fois du monde financier et des médias économiques. Compte tenu de l’importance prise au cours des deux dernières décennies par la sphère financière, pouvoir diffuser de manière simple, succincte l’orientation de la stratégie de l’entreprise sans toutefois entrer dans des détails trop confidentiels, est important. Ainsi, l’affichage, comme vision stratégique, de la volonté de devenir leader sur ses marchés, constitue une réponse au besoin de clarification du monde financier concernant les stratégies des grandes entreprises évoluant dans des secteurs mondialisés, très concurrentiels, où il est nécessaire de concentrer ses ressources sur un seul ou sur un petit nombre de métiers. • À l’intérieur de l’entreprise ou du groupe, les dirigeants souhaitent, par ce moyen, donner du sens à l’activité des salariés ; – ceux-ci ayant un niveau de qualification plus élevé que par le passé, ils sont demandeurs d’un lien entre leur travail quotidien et les objectifs plus globaux de l’entreprise ; – les grandes entreprises se sont transformées en multinationales composées de salariés de cultures très différentes et donc difficilement mobilisables dans une direction identique. La vision possède une dimension identitaire ; elle peut constituer un référentiel commun et elle est un moyen pour fédérer l’ensemble des personnels autour d’une finalité commune exprimée d’une façon compréhensible par le plus grand nombre. La vision joue un rôle de mobilisation des équipes dans un sens commun. Elle permet d’orienter et de guider les comportements et les pratiques managériales. La vision possède également une fonction justificatrice. Grâce à un message simple et relativement large, elle permet de masquer les jeux de pouvoir et les stratégies individuelles ou de groupes des différentes parties prenantes de l’organisation. Ainsi, tant vis-à-vis de l’externe que de l’interne, l’entreprise apparaît comme un tout homogène. Elle bénéficie d’un relatif degré de liberté dans son adaptation à l’environnement et dans l’intégration de stratégies, éventuellement émergentes. Exemple La société chinoise Huawei, qui connaît une croissance exceptionnelle sur les marchés mondiaux à partir de sa base domestique, fonde son développement sur une adaptation continue aux contextes. D’abord présente dans les équipements télécoms lourds, elle s’est ensuite orientée vers le léger (les softs) puis vers les antennes 4G. Enfin, elle annonce vouloir devenir le premier fabricant mondial de Smartphones. Sa stratégie s’adapte pas à pas aux évolutions technologiques et aux changements des marchés. b. Management de crise ou crise du management ? |\/ | Pour parvenir à cette fin, l’entreprise ne doit pas mettre en œuvre une planification naïve mais se lancer dans une analyse de ses compétences fondamentales à partir desquelles elle construira son réseau d’activités. 4$ $! Nous retrouverons cette approche lors du diagnostic stratégique. Il demeure qu’aujourd’hui on est assurément incité à reconnaître que la simple notion de part de marché (sur laquelle était bâtie la planification stratégique) rive en quelque sorte l’entreprise à son présent, alors que les marchés de demain seront autrement découpés, voire émergeront de domaines méconnus. By Au surplus, dans la démarche naïve de planification, les effets limitatifs sont bien connus. Ils ont été regroupés par Henry Mintzberg autour de trois idées : • L’erreur de prédétermination. Il n’est plus envisageable de prévoir avec une précision acceptable l’évolution de l’environnement. • L’erreur de détachement. On pense à tort que la planification peut être indépendante des choix opérationnels ; c’est inexact car ces derniers conditionnent, par rétroaction, la stratégie. • L’erreur de formalisation. En voulant tout exprimer et tout quantifier, on tue l’intuition véritablement créatrice de progrès. Les vertus de la planification sont certes mises en cause mais l’on s’interroge également sur les capacités d’apprentissage des entreprises. Toutes ces controverses à propos de la planification stratégique n’ont pas abouti à supprimer le processus mais à l’enrichir de manière à intégrer plus de complexité dans les analyses. Pour parvenir à ce but, il convient que l’entreprise – c’est-à-dire tous les hommes et femmes qui la composent – développe sa capacité d’apprentissage. Les champs de la psychologie et de la sociologie nourrissent la réflexion. Les choix stratégiques reposent en effet largement sur des représentations mentales. On recourt à la psychologie de la cognition pour élaborer des cartes cognitives. Cette expression désigne les schémas construits à partir des discours d’une ou de plusieurs personnes appartenant à la direction générale. Une carte cognitive a pour objet de faire apparaître diverses variables reliées entre elles, par exemple, pour une entreprise de vente sur Internet (figure 2.3). Figure 2.3. Un exemple de carte cognitive |\/ | La carte cognitive qui constitue une représentation schématique des règles de fonctionnement de l’entreprise et de son environnement nous rappelle que les décisions stratégiques reposent sur des perceptions de la réalité supposée et que l’importance du subjectif, du cognitif, ne doit pas être négligée. Les cartes cognitives sont fréquemment partagées au sein d’une entreprise. Elles peuvent l’être au sein d’un secteur et ce, de façon erronée. $! Exemples By 4$ L’effondrement de la « nouvelle économie » liée aux activités d’Internet nous a, en son temps, fourni l’illustration d’effets cognitifs partagés, tant dans la période d’engouement que dans la phase de crise. Dans le secteur automobile, l’idée que, pour être rentable, une entreprise doive produire six ou sept millions de véhicules neufs par an fait partie de ces éléments cognitifs partagés, et non nécessairement étayés par les faits. Les cartes cognitives servent à mieux connaître la perception que le top management possède de son environnement et des conditions de réalisation des objectifs. Cette technique fournit donc une image concrète de la vision stratégique. L’outil peut aider à prendre des décisions et à perfectionner l’apprentissage individuel et collectif. En effet, un manager ne conçoit pas seulement des solutions à des problèmes rencontrés, il doit aussi appliquer concrètement les remèdes choisis. Cet engagement dans l’action entraîne fréquemment un biais, un manque de recul ou un défaut de sérénité qui bloque les capacités de réflexion. Exemple Lorsqu’un dirigeant manque de recul, l’élaboration d’une carte cognitive, avec l’aide d’un consultant, peut l’aider à prendre conscience des solutions que son engagement dans l’action masquait. La carte cognitive facilite, au surplus, la transmission d’idées et enrichit la conscience collective d’un groupe de décideurs. Enfin, l’outil sert à prévoir le comportement stratégique, dans la mesure où la pensée inscrite sur la carte préfigure l’action stratégique. 6. Une diversité de processus, une démarche idéalisée On vient de constater que la conception du management stratégique a évolué au fil du temps. Elle varie aussi en fonction de la vision que les managers ont de la rationalité ou de l’irrationalité qui préside à la prise de décision et qui commande le rôle des équipes chargées de l’élaboration stratégique. By 4$ $! |\/ | Figure 2.4. Les différentes formes de planification Des théories ont été élaborées pour expliquer une telle diversité. Les cinq attitudes résultant des visions contradictoires • La sélection naturelle. Comme certaines espèces animales qui survivent parce qu’elles subissent des mutations convenant à telle ou telle modification de l’environnement, les entreprises produisent différentes stratégies. Certaines ne correspondent pas au changement de l’environnement et les entreprises qui les ont adoptées disparaissent. D’autres stratégies, au contraire, s’ajustent aux nouvelles données du milieu extérieur. Les équipes managériales qui les ont formulées rencontrent alors le succès. • La mode. Comme les chercheurs dans les sciences avec leur théorie, les managers sont tributaires de représentations, de paradigmes, qui orientent leurs décisions stratégiques. Lorsque la planification est de saison, toutes les (grandes) firmes s’efforcent de s’engager dans cette voie. Lorsque la mode passe, les dirigeants changent de méthode. On parle en l’espèce de mimétisme organisationnel. |\/ | • La complexité dans un environnement chaotique et imprévisible. Les managers découvrent des signes qui les incitent parfois à changer de cap stratégique. Si cette orientation est bonne, l’entreprise, au terme d’une démarche d’apprentissage, pourra garder en mémoire les contenus et les processus de décision. 4$ $! • La rationalité pas à pas qui s’apparente à la rationalité limitée (Herbert Simon). Les décideurs prennent des décisions d’ordre stratégique lorsque des problèmes importants se posent ou lorsque des occasions fructueuses se présentent. Petit à petit, l’entreprise « apprend » et les responsables adoptent un cadre de décision méthodique. By • La rationalité pure et parfaite. Elle représente le cas où les équipes stratégiques d’une firme prennent des décisions logiques et construisent l’avenir au travers de planifications formalisées et systématiques. Nombreuses sont les modalités pratiques d’élaboration des stratégies : depuis l’absence même de stratégie formulée jusqu’à la programmation méthodique des décisions. D’une manière générale, on observe que les managers tracent des sentiers stratégiques constitués de décisions prises « pas-àpas » pourrait-on dire. À une succession de décisions mineures succède au fil du temps un choix important qui bouleverse l’organisation. Toutefois, derrière cette diversité apparente, on relève les traces, plus ou moins marquées, d’une démarche idéale telle qu’elle a été formulée par les tenants de la planification stratégique. 7. Les différentes étapes de la démarche stratégique Il est commode de présenter ici, dans un schéma d’ensemble, l’intégralité du processus stratégique, avec ses différentes étapes (figure 2.5). Nous donnerons quelques indications à propos de chacune d’elles en sachant que les phases de diagnostic et de choix des orientations seront reprises en détail. Soulignons que cette démarche constitue un modèle destiné à susciter la réflexion des managers. Dans la réalité, en fonction notamment de la taille des entreprises et des secteurs, les méthodes effectives divergent, à des degrés divers, d’un tel idéal de rationalité. By a. Le diagnostic 4$ $! |\/ | Figure 2.5. La démarche stratégique Le diagnostic (l’analyse externe et l’analyse interne confrontées à la fixation des objectifs) constitue la première phase et donne à l’entreprise toutes les indications souhaitables pour confronter ses perspectives avec ses forces et ses faiblesses, ses ressources, ses compétences. b. L’écart stratégique L’écart stratégique ou planning gap (figure 2.6) résulte d’une comparaison entre l’objectif et la prévision, qui elle-même découle des analyses externes et internes. Figure 2.6. L’écart stratégique Cette comparaison traduit une simple extrapolation du passé ; elle représente un futur subi, non pas au sens où l’entreprise cesserait tout effort (on voit sur le graphique que la prévision de chiffre d’affaires (n + 5) est supérieure au chiffre d’affaires actuel), mais au sens où elle n’entamerait aucune action nouvelle particulière. L’objectif, quant à lui, dépend d’une série d’éléments que nous exposerons ultérieurement. Ici, nous avons proposé un planning gap en termes de chiffre d’affaires ; les taux de rentabilité ou les parts de marché pourraient tout aussi bien être utilisés. Il demeure que l’entreprise se trouve aujourd’hui confrontée à un écart entre les objectifs n + 5 et la prévision n + 5. C’est précisément le rôle de la démarche stratégique, et d’abord de l’analyse stratégique, de combler cet écart. On retrouve bien ici l’idée selon laquelle la démarche engage à prendre, dès à présent, des décisions en fonction de l’avenir souhaité. De nos jours, la notion d’écart stratégique n’est plus guère employée en tant que différence entre stratégie subie (prévisions) et stratégie voulue (objectifs). En revanche on distingue : • La stratégie déduite. Les managers formulent la stratégie au terme d’une analyse des opportunités externes. Autrement dit, on adapte les choix aux contraintes de l’environnement. • La stratégie construite. Elle consiste à repérer les ressources et compétences de la firme en vue de créer les opportunités nouvelles, celles grâce auxquelles on se dotera d’un avantage concurrentiel. By 4$ $! |\/ | Figure 2.7. Les dimensions déduites et construites En réalité, la césure entre ces deux méthodes n’a qu’une vertu pédagogique. Nous allons constater que les stratégies effectives comptent à la fois une dimension déduite et une composante construite. c. La décision stratégique Une technique de sélection d’une stratégie s’inspire de la méthode de prise de décision, telle qu’elle a été formulée par Simon. On se trouve alors confronté aux questions suivantes (figure 2.8) : Figure 2.8. La décision stratégique Comment rechercher des choix possibles ? Le point de départ est constitué par les objectifs et l’écart stratégiques de l’entreprise. Souhaite-telle croître en chiffre d’affaires, développer sa rentabilité pour les actionnaires, constituer un patrimoine familial ? Selon les objectifs stratégiques retenus par l’équipe de direction, les choix envisagés diffèrent. Les résultats du diagnostic interne, au travers des forces et des faiblesses mises en relief, des compétences spécifiques et des ressources détectées, orientent également les choix stratégiques étudiés. Par exemple, une entreprise qui possède des compétences en matière de marketing direct et de logistique est encline à envisager des choix stratégiques dans le commerce sur Internet. Les résultats du diagnostic externe, au travers des opportunités et des risques, conduisent aussi à analyser l’intérêt de certaines options. Exemples • Cdiscount, première entreprise française de e-commerce, a été lancée par trois frères entrepreneurs, les frères Charle, puis a été reprise par le groupe Casino. $! |\/ | • EasyJet, mesurant le contexte économique tendu pour les entreprises, cible la clientèle « affaires ». By 4$ La recherche des choix possibles peut être marquée par le principe de la rationalité limitée qui conduit les managers à cesser la recherche de solutions possibles lorsqu’ils en trouvent une qui est « satisfaisante » par rapport aux objectifs fixés. Comment évaluer les choix possibles ? À ce stade, il s’agit d’analyser si l’on peut réaliser les objectifs. Sur le plan pratique, il peut être utile de clarifier le processus de choix à l’aide de la grille de comparaison ci-après. La démarche consiste successivement : – à définir des critères de choix ; – à pondérer ces critères ; – à noter chaque choix possible par rapport à chaque critère ; – à totaliser les scores. Bien sûr, il est illusoire de penser que les décisions stratégiques peuvent être prises de façon algorithmique. La présente grille, dont les critères sont indicatifs (tableau 2.1), n’a d’intérêt que pour la démarche qu’elle impose au décideur ou aux groupes de décideurs. Sur quels critères peut-on juger les choix possibles ? On distingue plusieurs critères : – La « philosophie » de l’entreprise. On entend par cette expression les valeurs de l’équipe de direction, tant économiques que sociales, voire morales. Elles ne vont pas manquer d’influencer les choix stratégiques : une politique agressive ou au contraire une préférence pour la stabilité, par exemple. – Le degré de réalisation des objectifs. Pour chaque choix possible, on examinera les chances qui existent d’atteindre les objectifs. Dans ce cas encore, des tableaux sont utiles, où l’on affecte chaque stratégie d’un coefficient de probabilité. – Le risque. Il est impliqué par les différents choix possibles. On sait ainsi que la recherche d’un grand profit s’accompagne d’un risque important. Or, quel niveau de risque peut-on accepter dans notre firme ? La réponse à cette question dépend essentiellement des valeurs de l’équipe de direction vis-à-vis du risque. À une équipe timorée, on ne pourra pas proposer les choix les plus hardis. By 4$ $! |\/ | Tableau 2.1. Un exemple de grille d’évaluation stratégique – Les forces et les faiblesses de l’entreprise, les ressources disponibles et les compétences maîtrisées. Elles servent à analyser et à mettre en relief les aptitudes et les compétences de l’entreprise. Par exemple, maîtrise-t-on la technologie ? Les dirigeants possèdent-ils un goût suffisant pour entreprendre ? Quelles sont les aptitudes réclamées par le marché ? Quel est notre principal avantage par rapport au concurrent le plus proche ? Quelles sont nos faiblesses par rapport à ce rival, etc. ? – La synergie. La direction de l’entreprise compare les choix stratégiques en fonction de leurs complémentarités par rapport aux stratégies actuelles. Qu’est-ce qu’une synergie ? On dit qu’il y a effet de synergie lorsque la combinaison de deux ou plusieurs stratégies aboutit à un meilleur résultat que si l’on considérait isolément les résultats de chaque stratégie (2 + 2 = 5). À niveau de risque égal, le « mix » stratégique qui produit les meilleurs effets de synergie sera donc sélectionné. Concrètement, on se posera des questions comme celles-ci : – Le canal de distribution actuellement utilisé peut-il servir à vendre le nouveau produit que nous envisageons de lancer ? – Notre équipement technologique actuel suffit-il pour fabriquer le nouveau produit ? Il convient de distinguer deux types de synergie : • Les synergies de chiffre d’affaires. Elles se traduisent par une croissance du chiffre d’affaires global résultant des complémentarités commerciales (hôtels et locations de voitures, par exemple). |\/ | • Les synergies de réduction de coûts. Elles résultent des économies faites lors de la fusion d’activités. Exemple By 4$ $! Mais attention, il existe aussi, même si l’on en parle beaucoup moins, des synergies négatives (2 + 2 = 3). Elles ont notamment pour cause des incompatibilités de cultures, d’organisations, de gammes de produits, d’images, de systèmes d’information. Les échecs de certaines fusions (Alcatel-Lucent repris ensuite par Nokia), voire les processus qui avortent (Publicis Omnicom), illustrent les difficultés réelles de ces opérations. Pourquoi ces incompatibilités si fréquentes ne sont-elles pas anticipées ? Parce que, dans de nombreux cas, les opérations sont étudiées sur un plan prioritairement financier et que l’on considère à tord que « l’intendance suivra ». d. Les plans opérationnels La stratégie reste à un niveau de description générale du futur désiré pour la firme. Il va s’agir, au stade où nous sommes parvenus, de transformer cette vision globale en plans précis et concrets (business plans). Ces sous-stratégies s’appliquent aux différentes divisions et fonctions de l’entreprise. Différentes questions peuvent alors se poser. Exemple Si la stratégie choisie est la diversification du produit, on peut notamment se poser les questions suivantes : • Quelles usines choisir ? • Quel processus de production mettre en place ? • Quel plan d’investissement adopter ? • Comment financer les investissements ? • Faut-il augmenter le capital ? • À quel segment de marché convient-il de s’adresser ? • Par quels canaux de distribution ? • Quel prix établir ? • Quelle structure choisir ? |\/ | • Qui impliquer ? 4$ e. Les budgets $! Pour coordonner les activités, on crée souvent un groupe de projet animé par un project manager. By Puis, pour chacune des divisions et fonctions impliquées, on établit des engagements financiers pour une période donnée qui est généralement d’un an (tableau 2.2). Tableau 2.2. La traduction budgétaire de la stratégie Stratégies et Budget Budget Budget Budget sousTotal production finance RH marketing stratégies A B C D Total Avant le lancement d’une nouvelle stratégie, il convient de vérifier si les prémisses ne changent pas. Exemple On peut notamment se poser la question suivante : la conjoncture est-elle la même ? Si ces fondements changent, les plans stratégiques doivent être alors modifiés. En résumé, au cours de cette phase de mise en œuvre, on décompose la stratégie globale en souséléments divers. Ces opérations constituent un processus décentralisé complexe qui touche tous les départements, fonctionnels ou divisionnels, sur plusieurs niveaux hiérarchiques. f. Le contrôle Comprenons bien que les plans ne sont pas établis une fois pour toutes. Tous ces plans sont glissants : lorsqu’une année passe, le premier exercice des plans fonctionnels devient un budget et les plans par fonction voient eux-mêmes leur terme reculer d’une année. |\/ | On observe, à nouveau, que le contrôle n’est pas assimilable à une simple succession linéaire d’examens, mais qu’il constitue un enchaînement d’opérations complexes, à caractère cyclique, hiérarchique, itératif. 4$ $! En conséquence, le processus n’apparaît pas fermé, mais il est continuel ou, pour être plus précis, il se déroule continûment, au rythme de périodes de contrôle adaptées aux besoins de l’entreprise (figure 2.9). By Figure 2.9. Le contrôle stratégique Exemple Dans la distribution, les objectifs sont examinés et, le cas échéant, corrigés tous les 18 mois ; tandis que l’on évalue la stratégie tous les ans, les programmes et les plans sont révisés tous les six mois. Dans d’autres entreprises, la période séparant deux examens stratégiques est plus longue parce que l’environnement semble plus stable. Tel est le cas des cimentiers. En revanche, lorsque le milieu extérieur est plus turbulent – tel celui de l’informatique – la durée entre les révisions est réduite. L’ensemble du mécanisme n’est pas placé sous la responsabilité directe de la direction générale. Celle-ci ne fait que coordonner et approuver les différentes étapes. Pour bien le comprendre, et également voir que le processus se déroule dans le temps, avec un calendrier précis, examinons l’exemple de la figure 2.10. By 4$ $! |\/ | Figure 2.10. La démarche stratégique Il apparaît clairement que les tâches sont réparties en fonction de la nature du travail, même si la direction générale conserve la mission essentielle. Dans les grandes entreprises, on rencontre généralement un ou plusieurs services qui ont pour tâche de veiller à une bonne coordination du déroulement du processus. La place de ces services dans l’organigramme traduit l’idée que la direction générale se fait de la planification. L’orientation donnée par la direction générale dans les choix qu’elle opère est d’une grande importance quant à la réussite de la démarche stratégique : elle ne met pas seulement en mouvement, par ses choix, mais elle démultiplie leurs effets sur les collaborateurs, par un comportement approprié. La dernière étape du contrôle stratégique, qui repose sur la comparaison des objectifs et des résultats, est parfois négligée. Plusieurs considérations expliquent cette situation : • Le manque de temps. Devant arbitrer entre des activités concernant l’avenir et un travail d’analyse du passé, les managers manifestent une préférence pour le futur et le présent. • Les changements brutaux de l’environnement. À quoi bon comparer les objectifs et les réalisations lorsque le contexte économique ou politique rend caducs les objectifs ? • Les rotations des équipes managériales. La tendance au renouvellement fréquent des managers peut conduire à oublier les objectifs passés avec le départ de ceux qui les ont fixés. • Les déficiences des systèmes d’information. L’inertie des systèmes d’information par rapport aux changements stratégiques crée des situations où les managers ne disposent pas des informations pour effectuer le contrôle stratégique d’activités nouvelles. • Le caractère désagréable du contrôle. La comparaison des résultats obtenus avec les objectifs fixés n’est pas toujours une activité agréable pour les managers qui ont tendance, comme tout être humain, à fuir les tâches non valorisantes. • Le non-contrôle. Il prive l’entreprise des enseignements tirés de l’expérience et appauvrit sa fonction d’apprentissage. C’est pour éviter cet écueil que les entreprises formalisent leur contrôle stratégique, le rendant de fait obligatoire. By 4$ $! |\/ | Figure 2.11. Le non-contrôle stratégique : causes et conséquences g. Les stratégies de rupture En définitive, on constate que la démarche stratégique, telle qu’elle a été conçue dans les années 1970, est un processus complexe, hiérarchique, cyclique. Elle est révisée périodiquement par effet de rétroaction. C’est une belle construction logique systémique. Toutefois, un certain nombre de reproches n’ont pas manqué d’être adressés à ce modèle de management : • Ces études, élaborées en période de croissance, sont moins adaptées à des phases de crise, où les responsables prévoient d’autres stratégies : désinvestissement ou recentrage, par exemple. • La logique de la démarche est rigoureuse, mais les auteurs n’abordent guère la question de la nature des opérations qu’il convient de mettre en œuvre une fois les choix d’objectifs et de stratégie effectués. En bref, la planification stratégique reste trop abstraite. • Cette logique entraîne le règne absolu du calcul – sous l’emprise du cerveau gauche –, au détriment d’une réflexion plus sage, ainsi qu’au détriment de l’intuition créatrice, domaine d’excellence du cerveau droit. • En dépit de la recherche de rétroactions, la démarche devient rapidement rigide et contraignante ; elle bride les capacités d’adaptation, renforçant le pouvoir des gestionnaires-technocrates, coupés de la réalité et qui favorisent la centralisation et le contrôle paperassier. Il apparaît que les stratégies trop enserrées dans une planification contraignante doivent être remplacées par des « stratégies émergentes » plus souples, plus décentralisées. Dès les années 1980, les spécialistes de la planification stratégique se sont mis en quête de formules moins rigides, plus adaptables, qui correspondent mieux à un univers plus incertain et plus turbulent. L’incertitude croissante entraîne des surprises stratégiques et celles-ci obligent à rechercher des moyens de riposte. Le problème consiste donc tout d’abord à détecter les signes, plus ou moins forts, annonciateurs de surprises stratégiques. Exemple 4$ $! |\/ | Les entreprises se sont engouffrées dans la fabrication de panneaux photovoltaïques. Le motif était très directement lié au prix d’achat par EDF des kWh « verts » ainsi produits. Réglementé, ce prix n’a eu de cesse de diminuer et tout le secteur est dorénavant en surproduction. Le modèle, dans son ensemble, se déroule de la façon suivante (figure 2.12). By Figure 2.12. La détection des surprises Au fond, ce qui est préconisé, c’est d’enrichir l’ancien modèle de planification stratégique, grâce à des techniques plus créatives, susceptibles d’anticiper rapidement les changements dans l’environnement. D’où l’idée actuelle de formuler des stratégies de rupture. La planification stratégique traditionnelle s’exerçait dans un environnement normalement figé, avec les mêmes produits, sur les mêmes marchés, selon des technologies peu évolutives et dans un cadre concurrentiel bien déterminé. Les stratégies de rupture se situent dans une autre perspective. Elles visent, comme leur nom l’indique, à créer la surprise, à changer la règle qui préexistait, à faire autrement et non nécessairement à chercher à faire mieux que les concurrents. Exemple Lorsqu’en 1971 Howard Schultz lance les cafés Starbucks, il invente un concept à part entière : ce n’est pas un restaurant (rien à voir avec McDonald’s), ce n’est pas un simple café non plus... Les Starbucks Coffees sont à cette époque des espaces au « design presque négligé dans lequel il est agréable de passer une quinzaine de minutes ». Les stratégies de rupture ont pour effet majeur de déstabiliser les concurrents, les managers de rupture n’ayant de cesse de créer et de détruire eux-mêmes leurs propres avantages concurrentiels. Ces derniers sont en effet caducs, au moment même où ils sont obtenus, et inimitables par les concurrents. |\/ | Exemple By 4$ $! Après avoir obtenu de haute lutte une licence télécom, Xavier Niel, patron de Free, invente le « mobile low cost ». Véritable stratégie de rupture, sa mise en place n’implique ni agence, ni terminal à payer. Le prix est donc très attractif et les clients adhèrent par millions. C’est perdre son temps que de vouloir les acquérir ou que de tenter de se doter de conditions (de facteurs clés de succès) dans le cadre concurrentiel ancien. L’époque des plans stratégiques à 5 ou 10 ans est révolue, comme est terminé le temps de la concurrence respectueuse du rival. Il convient de se doter de capacités de perturber les marchés en brouillant les pistes, en émettant des signaux trompeurs afin d’égarer l’adversaire. Exemple Apple ne manque pas de communiquer sur les perspectives des nouveaux produits qui sont encore bien loin d’être mis sur le marché. Cette stratégie a pour effet d’inciter les clients à attendre le nouveau produit au lieu d’acheter les systèmes rivaux disponibles. On cherche à réduire les ventes des concurrents, en stabilisant les gains de l’entreprise. Si perturber les règles de la concurrence devient un impératif, il convient cependant de souligner qu’une fois la rupture consommée, les managers perturbateurs doivent mettre en œuvre une stratégie classique. Or, cette dernière démarche exige à nouveau de programmer les opérations (investissements, lancements de produits, rachats de concurrents, etc.). En conclusion, quel que soit le contenu des étapes du processus stratégique, on ne peut guère échapper à la programmation d’actions conscientes. D’une manière ou d’une autre, on ne cesse de planifier. Une telle obligation est d’autant plus forte que la stratégie des entreprises s’enracine dans la finance. Dans ce dernier domaine, le calcul prévaut, l’inspiration et la spontanéité n’ayant guère leur place. Tableau 2.3. Un bilan de la planification stratégique Avantages Inconvénients 4$ II. Les objectifs de l’entreprise $! |\/ | – Paraît inadaptée en période de crise. – Oblige les dirigeants à briser leurs habitudes. – Reste souvent très abstraite. – Implique les dirigeants qui ont participé à – N’est pas soucieuse de la mise en œuvre l’élaboration de la stratégie. opérationnelle. – Constitue un excellent moyen de – Bride l’innovation, la flexibilité et la communication et de coordination. réactivité. – Assure les bases du contrôle. – Favorise les tendances centralisatrices. – Élargit la vision des responsables. – Soumet les managers à un contrôle paperassier. By Pour maints auteurs, au cours du déroulement du processus stratégique, avant les objectifs, il conviendrait de parler d’une finalité dans un sens plus large. Commençons par élucider cette notion et la place que les objectifs occupent par rapport à certains concepts parents, avant d’examiner le contenu même des objectifs stratégiques. A. La finalité de l’entreprise Le terme d’objectif est emprunté à l’art de l’archer : c’est le clou qui tient la cible et qu’il faut frapper si l’on veut réaliser le meilleur tir. Dans le vocabulaire de la gestion, le mot sert à désigner les représentations d’un état futur que les responsables de l’entreprise veulent voir se réaliser. Or, exprimés en termes concrets et chiffrés, les objectifs traduisent des fins dernières plus générales, bref une cause finale qui entraîne l’action. 1. Les diverses catégories de finalité On distingue plusieurs modalités. a. La mission La détermination de la mission de l’entreprise consiste à répondre à la question : « Pourquoi existet-elle ? » ; c’est sa raison d’être. Peter Drucker a utilisé ce terme pour désigner la réponse claire et compréhensible par tous à la question que devraient se poser les dirigeants : « Qu’est-ce que notre affaire ? » L’exemple donné par l’auteur est celui de l’American Telephone and Telegraph Company (Bell System) dont le directeur Theodore Vail affirmait, il y a plusieurs décennies : « Notre affaire est de rendre service. » Cette vision de la fin de l’activité résultait alors du risque de nationalisation de la firme qui exploitait le réseau téléphonique américain. Il convenait de trouver un soutien auprès des consommateurs pour empêcher l’appropriation de l’entreprise par l’État. Toutes les actions, tous les propos devaient donc être guidés par le souci de satisfaire les utilisateurs. b. La vocation et le métier La vocation correspond au rôle que les dirigeants entendent faire jouer à l’entreprise pour répondre aux besoins de l’environnement d’une part et à ses aspirations d’autre part. Quant au métier, il se fonde sur le savoir-faire technologique, commercial, administratif, dérivant d’une culture d’entreprise (figure 2.13). Exemple By 4$ $! |\/ | Figure 2.13. Les finalités de l’entreprise Dans une entreprise de tissu d’ameublement, le métier consiste à fabriquer des tissus d’ameublement imprimés alors que la vocation consiste à créer, chez le client, une atmosphère à partir d’étoffes et même de papiers colorés. La vocation de la firme est donc définie à partir des besoins du marché : les souhaits des consommateurs et la production des concurrents. De plus, la vocation dépend des possibilités de l’entreprise à satisfaire ces besoins décelés. La vocation, selon cette acception, est très proche de la mission définie précédemment. c. Les buts Les buts – il s’agit des préférences qui sous-tendent l’action – sont généralement latents ; ils ne deviennent explicites que lorsqu’une crise surgit. La volonté de garder la majorité à l’assemblée générale ne se manifeste qu’au moment où une menace pèse sur la coalition dirigeante. Ainsi les buts ne dépendraient-ils pas de la volonté des dirigeants, mais résulteraient de contraintes inhérentes à l’entreprise telles que la survie, la croissance et la recherche du profit. Valeo exprime avoir « une double obsession : la croissance et la rentabilité » (déclaration du Président, mars 2015). d. Les objectifs Ils ne sont que des sous-ensembles des buts, fixés par les dirigeants. Par exemple, si le but consiste à réaliser un profit maximum, on déterminera des objectifs de rentabilité exprimés par divers taux (rentabilité des investissements, des actifs, des capitaux propres, etc.). C’est ainsi qu’un objectif se définit par les quatre composantes suivantes : – un attribut, la dimension ; – une échelle de mesure ; – une norme ; – un horizon temporel. Exemple $! |\/ | Un objectif peut être d’atteindre un taux (échelle) de rentabilité (attribut) de 20 % (norme) d’ici deux ans (horizon). 4$ e. La vision ou l’intention stratégique By Animés par la préoccupation de voir toujours plus loin et surtout par le souci de bien marier la prévision et la volonté, l’incantation et l’exhortation, l’individuel et le collectif, les dirigeants ont forgé des appellations nouvelles. La vision et l’intention stratégique (strategic intent) entrent dans cette famille. Elles expriment, dans le discours managérial, la situation future, à laquelle aspirent (rêvent ?) ceux qui ont en charge le devenir de l’entreprise. Quel positionnement, sur quel marché, avec quelle structure, animée par quelles valeurs, caractériseront-ils l’entreprise dans cinq ans ? De ces définitions, retenons qu’il existe une finalité, définie de multiples manières, plus ou moins explicites, et qui oriente les actions de l’entreprise. Plus simplement, il existe une « raison » à ce que font les dirigeants. Sans une telle notion plus ou moins concrète dans leur esprit, l’action serait assurément incohérente. Toutefois, cette finalité est souvent difficile à préciser ; au mieux, elle s’exprime par des formules emblématiques et générales, alors qu’on a besoin d’outils sûrs pour guider l’action. Tel est le rôle assigné aux objectifs. Qu’est-ce qu’une vision ? Une vision, ou encore un projet d’entreprise, est matérialisée par une charte rédigée à l’initiative de la direction. Elle a d’abord pour objet de rassembler les salariés, de concentrer leur énergie en vue d’un but accepté par chacun. Cependant, cette première fonction de rassemblement mobilisateur serait insuffisante, car l’ambition des promoteurs de cette pratique vise davantage encore la régulation sociale. Une démarche validée par la pratique |\/ | Il ne suffit pas de déclencher le désir de prendre des initiatives à tous les échelons de la hiérarchie, encore faut-il que ces démarches se révèlent, à l’expérience, heureuses. Certes, des méthodes d’organisation ont été trouvées pour élargir l’espace de liberté des personnes, mais comment peut-on réduire le risque que fait courir, à l’entreprise, l’assomption de liberté ? Comment éviter la dispersion, voire l’anarchie ? Certaines décisions sont sans doute bénéfiques, cependant d’autres sont susceptibles de contribuer à la ruine. Au fond, le responsable de la firme se trouve confronté à un dilemme : d’un côté transformer des salariés routiniers en acteurs volontaires et libres, de l’autre réduire le risque engendré par la prise de décisions spontanées hasardeuses. On retrouve ici la recherche d’équilibre entre différenciation et intégration. By 4$ $! Donner à l’entreprise une vision conduit à diminuer ce danger, par l’effet de guidage que cela suscite chez chacun. Cet outil peut être comparé à une boussole, car il aide à maintenir le cap dans la direction voulue. La vision constitue un instrument de contrôle, non plus par l’intermédiaire d’une pointeuse ou d’une procédure budgétaire, mais par le truchement de la culture et, plus encore, par les valeurs que partagent les différents groupes de personnels. En bref, une vision d’entreprise n’a pas pour but de déclencher des pulsions libératrices désordonnées, mais pour objet de montrer l’étoile, le but vers lequel on veut se diriger. Le contenu d’une vision d’entreprise L’articulation repose souvent sur quatre thèmes. Il convient tout d’abord de développer le sentiment d’appartenance à un groupe, à une entreprise qui possède une identité forte. Ce « patriotisme » d’entreprise trouve sa racine dans l’histoire de l’organisation. Un tel sentiment s’accompagne – ou provoque l’émergence – de valeurs communes qui, parce qu’elles sont volontairement protégées, entraînent l’accord, le fameux consensus du groupe. Les valeurs auxquelles on fait le plus couramment référence restent le service du client, le respect de la personne, l’esprit d’équipe, l’excellence, le professionnalisme et la participation. Toutefois, la promotion de ces valeurs n’est pas tâche aisée. Pour concrétiser de telles aspirations, il est nécessaire de déployer de grands efforts. Là réside le véritable défi (challenge) posé à chacun, quelle que soit sa position sur l’organigramme. Exemple Le groupe LVMH vise à être l’ambassadeur de l’art de vivre occidental en ce qu’il a de plus raffiné. LVMH veut symboliser l’élégance, la créativité et apporter du rêve dans la vie au travers des produits et de la culture associée, alliant tradition et modernité. Les valeurs fondamentales partagées par tous les acteurs du groupe se répartissent en cinq impératifs qui ont fait l’objet d’une large réflexion à travers les différentes sociétés du groupe : être créatif et innovant, rechercher l’excellence dans les produits, préserver l’image de marque, avoir l’esprit d’entreprise et être animé de la volonté d’être le meilleur dans chaque domaine. By 4$ $! |\/ | Enfin, de nouvelles règles de jeu restent à formuler, de manière à ne léser personne, car l’adhésion des hommes à une vision serait problématique en l’absence d’une justice interne. Les principes de management de Nestlé Le développement durable est le développement des générations actuelles sans compromettre celui des générations futures. Il permet de concilier le développement social, la croissance économique et le respect de l’environnement. La création de valeur partagée. L’ambition du groupe est de contribuer à l’amélioration des conditions économiques et sociales des collaborateurs et des communautés tout au long de notre chaîne de création de valeur tout en proposant des produits de grande qualité. Cette ambition s’applique autant aux agriculteurs qui nous fournissent, qu’aux communautés proches de nos usines ainsi qu’à nos différents partenaires. Après analyse de ses activités, le groupe a décidé de se concentrer sur trois domaines, présentant le plus grand potentiel d’optimisation de la valeur partagée : la nutrition, l’eau et le développement rural. Ces activités sont au cœur de sa stratégie d’entreprise et sont essentielles au bien-être des citoyens des pays où il opère. Sur ces domaines, le groupe investira plus de ressources, de talent et de capital. By 4$ $! |\/ | La vision ou l’intention stratégique s’illustre par une pyramide à trois niveaux : www.nestle.fr 2. Les fonctions pratiques des objectifs Ce sont des instruments qui orientent la politique, entraînent l’action et aident à corriger les défauts constatés. On peut donc découper cette fonction générale, qui consiste à diriger la firme vers un terme, en cinq sous-fonctions dont les propriétés deviennent plus concrètes pour les gestionnaires. a. L’innovation La recherche d’objectifs incite les dirigeants à sortir du cadre des habitudes, à réfléchir en commun, à examiner le milieu extérieur, à considérer l’entreprise avec quelque recul. Dès lors, cet exercice, qui rend les hommes de la direction conscients des problèmes latents, les amène tout naturellement à rechercher des solutions propres à résoudre les difficultés. b. La stimulation Les objectifs jouent un rôle important de stimulation des managers, les conduisant à se dépasser. Ils sont une des composantes des politiques d’animation des hommes, de stimulation et de récompense. c. La comparaison Les objectifs servent à apprécier plusieurs possibilités. Ils sont donc au sens littéral des critères, des signes qui permettent de juger si l’action qu’on envisage d’entreprendre est conforme aux aspirations. Exemple Soit trois décisions d’investissement A, B, C laissant apparaître les taux de rendement suivants : A = 15 % du capital investi ; B = 18 % ; C = 22 %. 4$ d. La cohérence $! |\/ | Si l’objectif défini par les dirigeants consiste à atteindre 20 % des capitaux permanents, c’est alors, de toute évidence, le projet C qui sera sélectionné. By La stratégie est composée de décisions multiples qui, nous l’avons souligné, risquent de diverger entre elles, voire de se contrarier en l’absence d’un fil d’Ariane. Si les objectifs qui fondent la stratégie constituent un système logique, les décisions qui s’appuient sur cette base ne risquent pas de se nuire. Au contraire, elles s’aident les unes les autres, dans la mesure où elles restent complémentaires, entraînant ainsi un effet de synergie. e. Le contrôle Ce sont les objectifs qui, parce qu’on les chiffre, rendent possibles les mesures des performances attendues et, de ce fait, aident à mettre en place un système de contrôle. À l’intérieur de celui-ci, les objectifs sont transformés en prévisions détaillées, et servent à mesurer les écarts avec les réalisations. B. La diversité des objectifs Les entreprises, quelles que soient leur taille, leurs domaines d’activité, leur forme juridique sont des organisations complexes dont l’existence est soumise à un ensemble d’impératifs vitaux. Ceuxci constituent les supports des objectifs que les managers ne peuvent manquer de poursuivre. Ces finalités sont soit d’ordre général, assurer la pérennité de la firme par exemple, soit de nature ou d’expression financière, ainsi réaliser un taux de rentabilité des investissements de 15 % dans deux ans. Pareils buts ne peuvent être atteints, à terme, que par le bon fonctionnement de toutes les composantes de la firme. Ils lui confèrent une efficacité et une efficience aussi satisfaisantes que possible. Les conditions du succès Efficacité : concordance du résultat de l’action menée avec le but (le bouquet d’objectifs) poursuivi. Exemple : objectif de chiffre d’affaires pour l’année N : 10 000 000 €/réalisation : 10 752 918 €. → Cette entreprise est efficace, puisque la réalisation dépasse légèrement l’objectif. Efficience : obtention du résultat à moindre coût. Exemple : soit une entreprise dont les deux résultats comparés sont les suivants : Année n Commentaires 10 000 000 € 8 000 000 € 2 000 000 € 20 % 11 000 000 € 8 500 000 € 2 500 000 € 23 % On constate un progrès de l’efficience de 3 % $! Chiffre d’affaires Coûts de structure Marge nette % marge nette/CA Année n – 1 |\/ | Indicateurs By 4$ Efficacité et efficience conditionnent la satisfaction des trois impératifs vitaux : la compétitivité, la solvabilité, la rentabilité. Les impératifs vitaux • La compétitivité ou l’aptitude de l’entreprise à affronter la concurrence avec des chances de succès. • La solvabilité, c’est-à-dire la capacité de l’entreprise à faire face à ses échéances et à rembourser ses dettes. • La rentabilité, autrement dit la capacité à dégager un profit, un surplus monétaire net. Si l’on doit de plus en plus douter que la recherche de profit maximum constitue – comme la théorie micro-économique le postulait –, l’objectif unique de l’entreprise, on ne peut guère contester que l’enregistrement des pertes, ou la non-réalisation d’un profit suffisant, engendre un péril mortel. En conséquence, le profit reste toujours une obligation. Test de réussite et indicateur de succès, il est la source de l’autofinancement sans lequel l’entreprise ne peut se développer et progresser. Le profit constitue en outre une marge de sécurité à l’égard du risque global encouru, celui-ci résultant des risques de tous ordres et dans les domaines techniques, humains, financiers, commerciaux, etc. Aux exigences de fonctionnement correct s’ajoute le respect de trois contraintes complémentaires de survie : • La vitalité de l’entreprise. On parle aussi parfois d’« animation », laquelle repose en définitive sur la valeur des hommes qu’elle rassemble, donc sur sa capacité à développer leurs compétences, leur coopération à l’œuvre commune et leur cohésion. • Sa capacité à préserver son autonomie, à savoir l’indépendance du centre de décision qu’elle représente. • La flexibilité. L’entreprise vit dans un milieu ambiant complexe, en évolution rapide. Elle est obligée, sous peine de disparaître, de s’adapter en permanence aux changements de l’environnement. Elle doit, pour vaincre les résistances, s’installer dans le changement. On constate que la fixation d’objectifs, qu’elle soit formalisée ou implicite, dépend de la combinaison d’un ensemble complexe d’impératifs dont le poids relatif de chacun varie au cours de la vie d’une firme. En effet, pour rester présente sur le marché, l’entreprise doit progresser au moins aussi vite que ses concurrentes, ou plus vite, si elle veut améliorer sa position. Sa pérennité, comme son développement, suppose une croissance qui, on le verra plus tard, peut être obtenue par diverses voies. En conclusion, les objectifs d’une entreprise forment une constellation mouvante, conditionnée par le respect de « lois de survie » et d’impératifs vitaux. |\/ | III. Les grandes orientations By 4$ $! Il ne faut pas être dupe des mots : l’entreprise en tant que telle n’a pas de buts, d’objectifs. Ceux-ci et sa stratégie lui sont assignés par les détenteurs du pouvoir, c’est-à-dire ses propriétaires et/ou ceux auxquels ils ont donné mandat d’agir pour assurer la survie et le développement de l’organisation. Ainsi compris, les intérêts de l’entreprise peuvent ne pas coïncider avec ceux des participants, des parties prenantes (stakeholders), dont les motivations ne sont ni homogènes ni convergentes. Hors de l’entreprise, des revendications s’expriment dans la société, particulièrement en matière sociale et écologique. A. Diverses finalités, divers modes de gouvernance L’entreprise consensuelle relève de la mythologie. Conscients de la diversité des points de vue, les dirigeants soucieux de maintenir la cohésion de la firme nécessaire à la sauvegarde de l’efficacité économique s’efforceront de réduire ou de prévenir les tensions conflictuelles. L’entreprise apparaît alors comme un espace politique, c’est-à-dire un lieu de négociation permanente entre individualités et groupes cherchant leur satisfaction. On désigne par le terme de « gouvernance » le régime politique, c’est-à-dire les voies, les moyens par lesquels les dirigeants définissent leur système de direction. La stratégie de l’organisation – particulièrement le choix des objectifs – est conditionnée par les finalités poursuivies par les différents groupes d’acteurs internes ou externes. Les économistes classiques pensaient qu’il n’y avait pas d’autre objectif rationnel que de maximiser le profit. Dans cette perspective, certains financiers modernes invitent à maximiser la richesse des actionnaires (shareholders). En d’autres termes, la finalité recherchée par les dirigeants consiste à rendre maximale la valeur de l’action en Bourse. Créer de la valeur pour l’actionnaire (shareholder value) devrait donc être l’objectif prioritaire. Cependant, une entreprise n’a pas seulement affaire à ses shareholders. Elle connaît d’autres partenaires (des stakeholders : des clients, des fournisseurs) et les représentants d’un environnement qu’elle ne peut ignorer. Shareholders et stakeholders partagent un destin commun. On distinguera dans la figure 2.15 les objectifs qui concernent les groupes de partenaires externes (shareholders et stakeholders) de ceux qui touchent les différentes catégories de personnel de l’entreprise : les salariés et des dirigeants. Tous ces objectifs poursuivis s’inscrivent dans des systèmes où les priorités sont multiples : profit bien entendu, croissance, mais aussi maintien de l’emploi ou protection de l’environnement. Une question importante reste de savoir si le classement hiérarchique des objectifs est ou non soumis à des facteurs de contingence : conjoncture économique, secteur industriel, taille ou structure patrimoniale. Parmi ces facteurs, la nationalité et plus largement l’origine géographique des dirigeants jouent un rôle important. By 4$ $! |\/ | Figure 2.14. Les parties prenantes ou stakeholders Figure 2.15. Les finalités externes et les finalités internes Exemple Dans les pays anglo-saxons, le modèle libéral, orienté vers les actionnaires (shareholders), domine tandis qu’en Europe continentale les managers tiennent souvent davantage compte des parties prenantes (stakeholders). Ce second modèle est parfois qualifié de « rhénan ». Les erreurs stratégiques commises par des entreprises (Areva ?), voire les scandales (VW et le diesel ?), ne manquent pas d’alerter sur les relations entre gouvernance, stratégie et performance durable. On peut affiner l’analyse, en distinguant deux autres possibilités : – celle des pays qui avaient fait le choix d’un système d’économie étatisée (ex. : l’Algérie), où le poids des pouvoirs publics pèse encore lourd sur le choix des objectifs des firmes ; – celle des pays où les traditions sont encore fortes, et où les relations se règlent au sein de réseaux familiaux, ethniques ou claniques (pays de la Méditerranée, Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est). By 4$ $! |\/ | Figure 2.16. Les quatre modèles de gouvernance B. La responsabilité globale(9) On utilise également le sigle CSR (Corporate Social Responsibility) ou RSE (Responsabilité sociétale – ou sociale – des entreprises) en français. 1. Définition Depuis fort longtemps, les chefs d’entreprise et les managers sont obligés de se plier à des obligations sociales. Toutefois, depuis une trentaine d’années, on ne s’en tient plus au seul respect de contraintes internes et légales, par exemple l’application scrupuleuse de la législation sociale, on doit tenir compte de demandes issues de toute la société, non seulement sur un plan strictement sociétal, mais plus largement en intégrant dans la vie de l’entreprise le souci écologique. L’idée de développement durable, parfois nommée développement soutenable, précise cette vaste préoccupation. Le développement durable est défini par le rapport Brundtland (1987) comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Plus précisément, il s’agit de mettre en application deux points de vue : • Dans l’espace. Chaque homme sur cette Terre possède un même droit d’accéder aux ressources de la nature. • Dans le temps. Si nous possédons ce droit d’utiliser les biens naturels fournis par la Terre, nous avons aussi le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations futures. Dans cette perspective, la responsabilité du chef d’entreprise et de ses managers est grande. On peut la formuler de la manière suivante : « Je suis responsable des relations directes que j’entretiens avec : – mon entreprise que je dois faire prospérer ; – les personnes qui m’entourent, au-delà du cercle de l’entreprise ; – l’environnement naturel, base de l’existence de tout être vivant. » By 4$ $! |\/ | Figure 2.17. Les trois piliers du développement durable La finalité consiste alors à définir des stratégies viables conciliant trois dimensions : • L’économique. La performance financière, mais aussi la capacité à contribuer au développement économique de la région où est implantée la firme. • Le social. La prise en compte des conséquences de la stratégie mise en œuvre pour les employés et plus largement pour les stakeholders divers (fournisseurs, clients, collectivités locales, etc.). • L’écologique. La compatibilité de la stratégie de la firme et des objectifs environnementaux (maintien de la diversité, survie des écosystèmes par exemple). Ce dernier volet implique de maîtriser la production des déchets et d’émission polluantes, en vue de diminuer la consommation des ressources difficilement renouvelables. En matière de gouvernance, le développement durable conduit les dirigeants de la firme à faire participer à la prise de décision un grand nombre d’acteurs (citoyens, entreprises, associations, élus, etc.). Il implique une forme de démocratie participative. 2. Les implications de la responsabilité globale Le développement durable ne doit pas être considéré par les dirigeants comme une contrainte supplémentaire jugée excessive. C’est aussi, pour l’entreprise, un mode d’expression de sa liberté d’entreprendre et d’amélioration de sa productivité. Il s’agit, en définitive, d’articuler trois principes. a. Être économiquement efficace En s’engageant dans le développement durable, les managers peuvent trouver des sources d’amélioration de la rentabilité. Citons : – la recherche de nouveaux positionnements pour répondre aux exigences des clients ; – l’amélioration de la qualité, parce que le développement durable touche toutes les chaînes de valeur et qu’il introduit des obligations de résultats ; – le développement d’une forte valeur ajoutée allant de pair avec la recherche de nouveaux produits ; |\/ | – l’innovation et l’internationalisation. Le développement durable impose aux managers d’élargir leurs activités, grâce à une politique d’innovation qui souvent s’affranchit des frontières. $! b. Être socialement équitable 4$ La performance sociale se mesure à partir de toutes les améliorations internes concernant les salariés : salaires, emploi, sécurité, hygiène, amélioration des compétences. By Plus largement, la recherche d’une performance sociétale débouche sur l’idée d’une entreprise citoyenne dont les dirigeants se veulent acteurs de la vie locale : développement régional, la lutte contre le chômage et la précarité. On verra plus loin que si les dirigeants s’impliquent dans la vie de la cité, ils doivent tenir compte des nouvelles responsabilités sociales de l’entreprise. Dans cette perspective, les questions liées au management de la diversité dans les entreprises se posent désormais avec une acuité particulière. c. Être écologiquement responsable Généralement, les entreprises recherchent ou sont engagées dans des processus de croissance. Mais toutes les formes de croissance ne servent pas la protection de la nature. Au contraire, nombreuses sont celles qui sapent l’écosystème où tout a sa place. Aussi, depuis peu, une distinction est-elle faite entre croissance quantitative et croissance qualitative. La croissance quantitative néglige la composition du chiffre d’affaires et ne tient que très peu compte de la mise à contribution des biens écologiques (l’air, l’eau, le soleil, les ressources naturelles, etc.), dans la mesure où ils n’entrent pas dans le calcul des coûts et n’entravent pas la réalisation de profit. À l’opposé, la croissance qualitative est liée à une compréhension du bien-être, qui tient compte de la qualité de vie. Parmi les mesures qui favorisent la croissance qualitative, on citera : – la conception de produits verts ; – le respect de la réglementation écologique et la formation ; – la réduction de la consommation d’énergie ; – la réduction des émissions polluantes et du bruit ; – la propreté des sites ; – la protection des sols ; – le traitement des déchets ; – la réduction des gaz à effet de serre. 3. Les domaines d’application de la RSE By 4$ $! |\/ | Nous avons vu précédemment qu’une bonne performance, en vue d’un développement durable, devait intégrer les trois dimensions économique, sociale et environnementale. La RSE rend plus concrète une telle ambition en développant l’idée que la responsabilité d’une firme s’exerce à l’égard d’une foule de parties prenantes : non seulement les actionnaires, les salariés et les clients, mais encore les fournisseurs, l’État, les collectivités territoriales, les riverains des sites où l’entreprise est implantée, les ONG et même les concurrents. Le domaine d’application de la RSE est donc très vaste. Son contenu varie en raison de multiples facteurs (la taille par exemple) ; il dépasse le plan des exigences légales minimales et celui des obligations imposées par les conventions collectives. Parce qu’elle permet de concilier les ambitions du développement durable, la RSE figure au centre des débats mondiaux au sujet des grandes questions qu’affronte l’humanité : la mondialisation, le réchauffement climatique ou le respect des droits de l’homme par exemple. En Europe, la Commission européenne demande aux entreprises de rendre compte de leurs activités et d’améliorer la production d’informations utiles aux investisseurs et aux consommateurs. La Commission européenne précise même ce que le public peut attendre de la RSE. Exemples Les citoyens européens sont notamment en droit d’attendre : – le recrutement d’un plus grand nombre de travailleurs issus de groupes défavorisés ; – l’investissement dans le développement des compétences, l’apprentissage tout au long de la vie et la capacité d’occuper un emploi ; – l’amélioration de la santé publique dans des domaines tels que la distribution et l’étiquetage des denrées alimentaires ; – de meilleures performances en matière d’innovation ; – l’utilisation plus rationnelle des ressources naturelles et la réduction des niveaux de pollution, par l’investissement dans l’éco-innovation et par l’adoption volontaire de systèmes de gestion environnementale ; – une image plus positive de l’entreprise et du chef d’entreprise dans la société ; |\/ | – un plus grand respect des droits de l’homme ; $! – le recul de la pauvreté. 4$ 4. Le management de la RSE By Pour donner un contenu plus concret à ce projet, les syndicats européens et certaines ONG demandent la publication d’un rapport annuel de RSE par les grandes entreprises. Ils souhaitent obtenir des standards sur tous les aspects de la gouvernance d’entreprise : certification des produits, transparence et qualité de toute la chaîne de production, traçabilité des produits et des fournisseurs. Les entreprises ayant une politique RSE bénéficient d’un accès privilégié aux fonds communautaires. L’engagement d’une direction d’entreprise dans une démarche de RSE prend de nombreuses formes. Il peut se traduire par la certification d’un site ou de l’entreprise selon des normes (ISO 14001 pour l’environnement, QSE pour l’hygiène et la sécurité, SA8000 pour le respect des droits au travail). Il peut prendre une forme d’engagement à atteindre des objectifs d’amélioration continue, de la qualité par exemple. La bonne pratique de la RSE implique que l’entreprise rende des comptes à différents types de partenaires : à des organismes de défense de l’environnement, à des investisseurs, à des syndicats ou à des ONG spécialisées. Les dix principes du Pacte mondial Le Pacte mondial des Nations unies invite les entreprises à adopter, soutenir et appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l’Homme, des normes du travail et de l’environnement, et de lutte contre la corruption. En d’autres termes, c’est seulement dans les domaines qui les concernent que l’on requiert des entreprises de véritables évolutions. Organisé en dix principes, le Pacte mondial est issu de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ; de la Déclaration de l’Organisation internationale du travail (OIT), relative aux principes et droits fondamentaux au travail ; de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement ; de la Convention des Nations unies contre la corruption. Droits de l’homme Les entreprises sont invitées : 1. à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’Homme dans leur sphère d’influence ; 2. à veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l’Homme. Droit du travail |\/ | Les entreprises sont invitées : $! 3. à respecter la liberté d’association et à reconnaître le droit de négociation collective ; 4$ 4. à éliminer toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ; 5. à abolir effectivement le travail des enfants ; By 6. à éliminer la discrimination en matière d’emploi et de profession. Environnement Les entreprises sont invitées : 7. à appliquer le principe de précaution face aux problèmes touchant l’environnement ; 8. à prendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d’environnement ; 9. à favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement. Lutte contre la corruption 10. Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin. http://www.unglobalcompact.org/un/gc/unweb.nsf/content/thenine.htm Le développement durable au sein du groupe Lafarge Depuis de nombreuses années, Lafarge a intégré les trois dimensions (économique, sociale et environnementale) essentielles du développement durable, dans sa stratégie et sa culture. Nous sommes convaincus que notre performance ne sera durable que si elle associe rentabilité économique, écoute et amélioration de notre société, qualité environnementale. Axe économique |\/ | L’optimisation de l’utilisation de nos ressources en matières premières, l’utilisation responsable de matériaux recyclés, de combustibles de substitution nous permettent d’économiser des ressources non renouvelables et de diminuer nos coûts de production. Il en est de même de l’utilisation de liants hydrauliques tels que les cendres volantes ou les laitiers issus des industries sidérurgiques qui, par leurs caractéristiques hydrauliques similaires, peuvent remplacer des liants dans l’industrie du ciment et contribuent également à diminuer nos émissions de CO2. Axe social By 4$ $! Le dialogue actif avec nos employés et leurs représentants et les autres parties prenantes, ONG, populations et gouvernements locaux, etc., nous permettent d’intégrer nos opérations dans l’économie locale en concertation étroite avec les communautés qui vivent autour de nos sites de production. Des programmes de santé et de sécurité, de logement, d’éducation, de développement local accompagnent nos implantations, notamment dans les pays émergents, et permettent d’améliorer localement les conditions de vie. Axe environnemental Nos engagements de réduction d’émission de CO2 nous conduisent à trouver des solutions innovantes tant en termes de procédés que de produits. De même, les réhabilitations réussies de carrières sont des garantes de l’obtention de nouvelles autorisations d’exploiter. D’autres actions concrètes nous permettent de réduire l’impact de nos activités sur notre environnement : en particulier, le remplacement des matières premières et le recyclage des déchets d’autres industries, la réduction des émissions atmosphériques, la conservation et la préservation de l’eau, la maîtrise de notre consommation énergétique et l’utilisation de combustibles alternatifs, la réduction des impacts du transport et la généralisation d’audits environnementaux. www.lafarge.fr Figure 2.18. Un exemple de mise en œuvre de la RSE chez Pernod Ricard : une plate-forme dédiée, pour une plus grande lisibilité de la stratégie D'après le site Pernod Ricard. Ces règles, différentes d’une entreprise à l’autre, portent par exemple sur l’évaluation, la rémunération, la promotion. Elles se fondent sur les grands principes que nous avons rencontrés maintes fois (décentralisation, autonomie, droit à l’erreur, etc.). 4$ $! |\/ | Depuis dix ans, nombreuses ont été les entreprises à formuler des visions de groupe. Cependant, la dynamique résultant de cette élaboration reste encore collective, parce qu’elle se fonde sur des valeurs partagées. Pour améliorer l’efficacité de la firme, on souhaite agir sur les valeurs individuelles. Et c’est à ce stade qu’émergent des préoccupations éducatives ou mieux encore, éthiques. By 5. L’éthique d’entreprise Bien qu’il soit difficile d’en fixer un contenu précis, on s’accorde généralement sur la définition de l’éthique d’entreprise(10). Elle consiste en l’ensemble des règles de conduite admises par la communauté des gestionnaires, en vue de réaliser certaines fins. Toutefois, l’éthique d’entreprise n’est pas seulement la théorie raisonnée et individuelle du bien et du mal, comme l’a conçue la tradition religieuse et philosophique occidentale. Elle est considérée avant tout comme une arme destinée à mieux gérer l’entreprise. Deux catégories de raisons motivent ce choix. Selon certains auteurs, la recherche d’une morale dans les affaires « donne de l’âme », inspire, anime l’entreprise d’un souffle qui produit des effets bénéfiques nombreux. Pour d’autres courants de pensée, les pratiques morales constituent une cause directe et nécessaire de l’augmentation des profits. a. Un « supplément d’âme » La morale des affaires transforme en la revêtant d’un aspect éclatant et glorieux l’image de l’entreprise, à l’extérieur comme à l’intérieur de la firme. Il devrait en résulter de nombreux fruits. Vis-à-vis de l’environnement extérieur, la morale renforce les relations de confiance que l’entreprise entretient avec ses différents partenaires. Ainsi, les consommateurs sont moins enclins à la suspicion avant l’achat du produit ou du service et plus fidèles en cas de réachat. Exemple Darty propose depuis longtemps à ses clients de passer un contrat qui garantit la sécurité durable des relations avec l’entreprise. Parfois, l’ambition s’inscrit au-delà d’une simple amélioration de l’image externe. Certaines entreprises visent l’éducation éthique de leurs employés. En fait, on s’efforce de remodeler l’homme pour aboutir à un perfectionnement interne collectif. On diminue ainsi le risque de fuite d’informations, de détournement de fonds, de collusion avec des ennemis potentiels ; bref, on renforce la protection de la cité. Exemple |\/ | Dans l’industrie de l’armement, aux États-Unis, on cite le cas d’entreprises, comme la General Dynamics, qui, sous peine de sanctions des pouvoirs publics, ont obligé leurs responsables à suivre des séminaires de morale des affaires. By 4$ $! Dans cette perspective, la morale constitue le moyen de fortifier une nouvelle vision de l’entreprise par le public. La firme devient une institution éducatrice comme l’étaient la famille, l’école ou l’Église, qui ont toutes trois perdu en efficacité. L’enseignement moral, le respect des règles du jeu correctes vis-à-vis de la société fondent par conséquent plus solidement la légitimité toujours recherchée par l’organisation. Antidote puissant, l’éthique dans l’entreprise protège des âpres comportements de Wall Street, par exemple, ou des tentations aventureuses, comme celles observées à la suite de scandales divers. b. La transfiguration interne Au sein de l’entreprise, les bienfaits engendrés par le souci de morale ne sont peut-être pas moins riches. L’équipe de direction voit son rôle indiscutablement accepté par l’ensemble des employés, s’il apparaît que la conduite des hommes de pointe de la firme est en tous domaines conforme à des valeurs morales affichées et partagées. Au fond, le caractère exemplaire de nos dirigeants permet non seulement d’éviter que leur statut soit contesté au sein de la ligne hiérarchique, mais encore la morale qu’ils prônent sert surtout d’adjuvant au service des fins qu’ils poursuivent. Paraphrasant Chandler, on pourrait écrire : « Business Strategy follows ethics ! » dans la mesure où la morale d’entreprise reste indiscutable, dans la mesure où chacun partage les valeurs de tous. D’où l’obligation de rédiger un code souvent simpliste et vague dans son contenu, de manière à rassembler tout le personnel derrière les affirmations posées (foi en l’homme, respect de l’autre, liberté d’expression, responsabilité partagée, etc.). Mais la rédaction du code ne constitue qu’une première étape. L’ambition éthique de la direction est plus vaste. Par contiguïté, la morale des dirigeants imprègne en effet celle des employés. Ainsi, la direction transmet jusqu’à la base ses principes et ses règles. Individuellement, chacun devrait y trouver son compte car, pour chaque membre de l’entreprise, l’éthique de la firme est considérée comme un facteur de motivation. Or, si la pratique de règles morales procure de la satisfaction aux individus, elle fournit aussi directement plus de profit à l’entreprise. c. Un supplément de rentabilité Assurément, la morale d’entreprise engendre du profit supplémentaire. Un exemple indiscutable peut être pris dans l’univers du commerce de détail. On connaît les effets pervers de la démarque inconnue dans le secteur de la distribution. Au dire des spécialistes, la différence entre l’inventaire physique et l’inventaire comptable proviendrait, pour une part non négligeable puisqu’elle peut dépasser la moitié du montant total de la démarque inconnue, du vol, des larcins des employés. Étant donné que la démarque inconnue représente environ 0,80 % du chiffre d’affaires, une simple diminution de moitié de la part attribuée aux vols du personnel augmenterait le bénéfice de la firme de 20 %. Les leçons de morale dans la firme paraissent donc bien fécondes. |\/ | La théorie des droits de propriété vient renforcer cette observation empirique. On sait que, selon les tenants de cette vision de la firme, l’intérêt de l’entreprise est de se protéger des employés resquilleurs (hollow executives), des « passagers clandestins » qui coûtent cher aux autres. La défense des intérêts de tous contre les excès des fraudeurs internes requiert donc la désignation d’un superviseur qui remplit sa fonction le plus efficacement possible. 4$ $! Or, cette fonction de contrôle, qui permet de réduire les effets des actes des « passagers clandestins », est dispendieuse parce qu’elle implique la création d’instruments de contrôle nombreux et perfectionnés. By Selon certains auteurs, le meilleur moyen pour tenter de réduire un tel coût consisterait à élever le niveau de moralité en abaissant le nombre de pratiques condamnables. De fait, quelques cours de morale, efficaces bien entendu, dispensés au personnel seraient moins coûteux qu’un lourd système de mesure et d’évaluation visant à déceler et à sanctionner les fraudeurs éventuels. Il résulterait donc de notre éducation morale un supplément de bénéfices, une plus grande efficacité pour l’ensemble de l’équipe et une meilleure chance de survie en milieu concurrentiel. En définitive, la morale n’est plus pour le gestionnaire le lieu du bien, de l’idéal, de la volonté de Dieu, de l’impératif moral, voire celui du bonheur individuel ou pour tous ; la morale devient un outil destiné, comme d’autres, à accroître l’efficacité de l’action des responsables engagés dans la conduite de la firme. IV. Les méthodes de fixation des objectifs Quel que soit le contenu des objectifs, la question se pose de savoir comment et par qui les contenus sont formulés. Les spécialistes se partagent entre deux écoles : l’une, normative, préconise de rechercher des méthodes pour objectifs ; l’autre, plus descriptive, se borne à observer les différentes pratiques qui varient selon les circonstances. A. Une approche normative Selon les tenants de cette école, les objectifs doivent répondre à certaines obligations : • Ils doivent avoir un contenu défini par des variables bien identifiées (chiffre d’affaires, parts de marché, marges, niveaux des coûts, etc.). • Un horizon de temps marque le moment où ils doivent être réalisés (dans trois ans ou dans cinq ans). • On doit désigner les hommes qui seront chargés de leur réalisation. • Une analyse logique est nécessaire. Elle a pour objet de déterminer les différentes sortes de relations que peuvent présenter entre eux les objectifs (relation de complémentarité, relation de concurrence, relation d’indifférence). Sur cette base, il est possible d’établir un système hiérarchisé d’objectifs (figure 2.19). 4$ $! |\/ | Figure 2.19. Le système d’objectifs • De façon générale, les objectifs doivent être : By – réalistes ; – actuels, c’est-à-dire liés à la situation présente ; – acceptés par les hommes qui seront chargés de les réaliser ; – écrits, pour préparer le contrôle. B. Une approche descriptive Selon les représentants de cette seconde orientation, les objectifs ne sont pas le produit d’un processus rationnel. L’entreprise est en effet composée de plusieurs coalitions de personnes, à l’intérieur de ses frontières bien entendu (employés, ouvriers, cadres, etc.), comme à l’extérieur (clients, actionnaires, fournisseurs, etc.). Exemple Chez Danone, chaque activité devait passer au crible de cinq critères : les perspectives de croissance, la position concurrentielle, l’aptitude à la mondialisation, le niveau de rentabilité, la contribution à la création de richesse pour l’actionnaire. Or, ces différents groupes de participants possèdent des valeurs, des intérêts qui leur sont propres et qu’ils souhaitent réaliser dans l’entreprise. Les sous-objectifs des groupes entrent en conflit et les objectifs de la firme résulteront de marchandages entre coalitions et individus. La figure 2.20 représente le jeu des différentes coalitions. |\/ | Figure 2.20. Les coalitions internes et externes $! L’analyse des parties prenantes peut être conduite selon les étapes suivantes : 4$ • Identifier les parties prenantes : quelles sont-elles ? Quel est leur pouvoir ? • Analyser le comportement de chaque partie prenante : quelle est la position actuelle ? Quel est le potentiel de coopération ? Quel est le potentiel d’opposition ? By • Comprendre la logique de chaque partie prenante : quels sont ses objectifs, ses principes, ses motivations ? • Rechercher les possibilités de coalition : est-il possible d’associer plusieurs parties prenantes ? Comment ? Certes, l’observation de la vie effective des affaires laisse apparaître une grande variété de parties prenantes dont les intérêts divergent. Il s’ensuit des rivalités plus ou moins profondes, une telle lutte politique ne pouvant manquer d’influencer le mode de fixation des objectifs. Toutefois, l’effort pour trouver des procédures plus rationnelles ne paraît pas superflu, lorsqu’on considère l’enjeu, qui consiste tout simplement à définir, le plus clairement possible, la direction que l’on envisage de suivre pendant un certain nombre d’années. C’est pourquoi nous allons présenter maintenant une méthode de formulation des objectifs. V. Le nécessaire pragmatisme Même s’il est nécessaire de maîtriser les débats théoriques, le pragmatisme est de mise pour adapter la démarche stratégique au contexte de chaque organisation. A. La réconciliation des perspectives externes et internes Nous avons déjà souligné que les stratégies effectives ne pouvaient éviter de prendre en compte deux perspectives, celle extérieure à la firme et celle qui résulte de considérations internes. Cette césure provient de l’opposition entre deux visions managériales, deux théories : la théorie classique, la plus ancienne, axée sur la perspective externe et la théorie des ressources reposant sur la vue interne. Précisons qu’il ne s’agit pas ici de théories au sens de construction de l’esprit unifiée, donc parfaitement cohérente, ayant pour objet d’expliquer un phénomène. Mais, sous ce vocable de théorie, parfois aussi désigné par les termes de modèle ou de paradigme, il faut comprendre le rassemblement de points de vue d’auteurs et les conseils élaborés par des équipes de consultants inspirés par l’une ou l’autre perspective. $! |\/ | Tableau 2.4. Les deux visions de l’analyse stratégique 4$ 1. L’école traditionnelle ou la perspective externe By C’est la plus ancienne, puisqu’elle exerce son influence jusqu’au virage des années 1990. L’entreprise est considérée comme un portefeuille d’activités exploité en fonction des opportunités de l’environnement. Le succès de la stratégie dépend des choix effectués par les dirigeants pour ce qui touche d’abord au secteur d’activité (l’automobile, la chimie, le textile, l’informatique par exemple) où s’engage la firme. Plus la concurrence est vive dans ce secteur, moins les chances sont grandes de réaliser du profit. Les managers axent surtout leurs efforts sur la réduction des coûts et sur la différenciation des produits, de façon que les clients perçoivent clairement l’avantage que leur procure un prix avantageux ou un produit original. Bref, la réussite de l’entreprise dépend de la capacité qu’elle a de créer de la valeur pour ses clients. La stratégie est tirée par le marché (market pull). 2. L’école des ressources ou la perspective interne À l’inverse de la position précédente, cette théorie postule que les performances dépendent des ressources et compétences physiques, symboliques, financières, organisationnelles et, bien entendu, humaines qu’ont réussi à engranger les managers. Ces trésors (core of competencies) restent propres à chaque firme. Ils sont donc différents d’une entreprise à l’autre et cachés à l’observateur extérieur. La stratégie consiste à identifier de telles ressources et compétences, en vue d’activer la demande à partir de l’offre. Cependant, l’avantage concurrentiel dépend des aptitudes que possède l’entreprise à découvrir de nouveaux marchés, à inventer de nouveaux produits, séducteurs et innovants (technology push), à se démarquer de la concurrence en offrant différemment des biens ou des services somme toute comparables. Cette théorie ne se fonde plus sur le produit ou sur le domaine d’activité, mais elle met l’accent sur les compétences et les ressources qui peuvent concerner des produits ou des services fort différents. Ces deux points de vue, interne et externe, ne peuvent pas être séparés. Ils sont indissociables. En effet, les ressources et les compétences ne sont que les instruments par lesquels les managers créent des activités qui, elles, engendrent des avantages concurrentiels. Les deux théories se complètent et il serait alors vain de se poser la question de savoir laquelle prime sur l’autre. Nous puiserons donc nos enseignements à l’une et à l’autre source. B. Les contraintes En définitive, à propos de la démarche stratégique, on pourrait dire que l’équipe des dirigeants doit répondre en continu à une série de questions dont les réponses sont guidées par un réseau dense de contraintes (figure 2.21) : • Qui sommes-nous ? Quelle est notre affaire ? Quel est notre métier ? Que savons-nous faire ? |\/ | • Où voulons-nous aller ? Que deviendra l’entreprise dans 3 ans, 5 ans, 10 ans ? Changeronsnous de métier ? Quels sont nos objectifs personnels ? Quels sont les objectifs des autres acteurs internes et externes ? $! • Pourrons-nous y aller ? Quelle sera l’évolution macroéconomique du monde entier ? Les frontières s’abolissent-elles ? Disposerons-nous des brevets, des hommes, des ressources ? 4$ • Comment y aller ? Quel cap devons-nous adopter ? Faut-il lancer de nouveaux produits, conquérir de nouveaux marchés, acheter des technologies ? Faut-il se séparer de certaines activités ? By Ces questions générales se posent cependant dans des contextes bien différents les uns des autres. Figure 2.21. Les contraintes stratégiques C. Les stratégies en pratique Si l’on compare les stratégies d’entreprise, on est frappé par leurs diversités apparentes. De nombreuses causes sont à l’origine de cette pluralité. Exemples La stratégie d’Airbus n’a rien à voir avec celle de son sous-traitant Corse-Composites Aéronautiques qui lui fournit des pièces en matériaux légers. Chez Airbus, pour abaisser les coûts de fabrication, la résolution de problèmes d’organisation est déterminante, tant pour coordonner les activités des centres de production des pièces que pour réguler les flux d’approvisionnement livrés par les sous-traitants (supply chain). Chez CCA, on effectue de gros efforts en marketing relationnel, soit pour gagner de nouveaux prospects, tel Airbus Helicopters, soit pour fidéliser les anciens clients comme Dassault. |\/ | La taille de l’entreprise induit des préoccupations différentes, qui engendrent à leur tour des stratégies dissemblables. De la même manière, le clivage entre les fabricants de biens et les prestataires de services laisse apparaître de gros écarts en matière stratégique. Renault met l’accent sur les caractéristiques des modèles et des prix. Le groupe Accor s’efforce de développer un avantage concurrentiel immatériel (conseils aux clients, accueil, diversité des formules, ambiance, etc.) pour gagner des marchés. Six stratégies à éviter 1. exclusivement chiffrée ; By Six stratégies à éviter 4$ $! En conclusion, on peut observer qu’à l’instar de la structure de l’entreprise ou du choix d’un mode de gouvernance les stratégies des firmes restent tributaires de facteurs de contingence. 2. désincarnée, qui ne peut s’expliquer aisément ; 3. copiée-collée : plusieurs entreprises de même secteur adoptent des stratégies identiques ; 4. multidirectionnelle : trop d’activités peu en rapport les unes avec les autres ; 5. défensive : il faut répondre à un besoin encore inassouvi ; 6. rigide : des ajustements sont nécessaires. Source : Marie-Sophie Ramspacher, Les Échos, 12 janvier 2015. Mini-cas 1 : des objectifs multiples et... incohérents Il y a trente ans, M. Bernard fuit sa Pologne natale au volant de son camion, sa famille cachée dans la remorque. Arrivé à Paris, à force d’énergie, il s’installe comme transporteur routier. Il devient au fil du temps sous-traitant d’une grande entreprise nationale. D’un camion il y a trente ans, M. Bernard est passé à cinquante camions aujourd’hui, propriété de la société des Transports Bowsky. Il est le premier prestataire de l’entreprise qui lui a fait confiance, il y a une vingtaine d’années. D’entreprise en nom propre, il est passé à une SARL au capital de 150 000 €. Sa fille est gérante de la société. Son fils assurait jusqu’à un passé récent la direction administrative. Il a quitté l’entreprise pour partir à l’étranger, en laissant un système d’exploitation particulièrement puissant. Les Transports Bowsky ont investi dans un système embarqué qui permet à tout moment de : – connaître la position des véhicules ; – suivre la bonne traçabilité des marchandises ; – sécuriser presque totalement les véhicules et leur chargement ; – faciliter des opérations B to C avec accusé de livraison et encaissement des règlements. C’est grâce à cette politique que les Transports Bowsky ont pu s’imposer comme un partenaire de qualité. 4$ Environnement général $! |\/ | Le problème est que les Transports Bowsky réalisent 95 % de leur chiffre d’affaires avec un seul client. By L’univers du transport est en pleine mutation avec une tendance lourde d’évolution vers le principe multimodal. Les problèmes d’environnement et les problèmes sociaux constituent une des préoccupations majeures des entreprises de ce secteur. La concurrence est féroce, surtout de la part des transporteurs étrangers soumis à des règles sociales moins contraignantes que celles imposées en France. Les transporteurs des pays de l’Est travaillant à leur tarif font en réalité du dumping. En particulier, ils n’hésitent pas à brader sur les itinéraires de retour. La privatisation imposée aux postes européennes par la Commission de Bruxelles conduit à un réaménagement complet du marché de la messagerie. Les Transports Bowsky sont présents sur le marché de la messagerie, ce qui leur permet de ne pas avoir à rechercher de chargements de retour moyennant un prix de prestation très élevé (+ 30 % par rapport au marché français). Un autre facteur de risque et de coût est le nombre de ruptures de charges supportées sur un trajet. Les ruptures de charges ne permettent pas une bonne traçabilité des marchandises. Elles fragilisent le transport en réduisant le coefficient de sécurité. Les Transports Bowsky assurent un « zéro rupture de charges » moyennant les surcoûts indiqués ci-dessus. Situation financière des Transports Bowsky La santé financière des Transports Bowsky est globalement bonne. Toutefois, une détérioration générale de l’exploitation apparaît. La capacité d’endettement de l’entreprise est intacte. Le chiffre d’affaires par personne témoigne d’un accroissement significatif des effectifs même si, dans le même temps, le salaire par tête (hors charges) baisse également. Le résultat net est en baisse notoire, malgré une progression spectaculaire du chiffre d’affaires. Jusqu’à maintenant, on enregistre une progression du résultat plus forte que la progression du chiffre d’affaires, pour aboutir à une chute aujourd’hui. Le diagnostic général peut prendre la forme de l’analyse SWOT suivante : Diagnostic interne Forces Faiblesses Diagnostic externe Absence de benchmark et de veille concurrentielle. Méconnaissance de la démarche commerciale, de l’affrètement et de la structure des coûts. Développement d’activités à forts effets d’expérience et économies d’échelle. By Menaces 4$ $! |\/ | Opportunités Développement de l’activité dans un domaine où le surcoût est accepté du fait de la valeur du produit ou de la prestation (conditions de délais et/ou de sécurité). Développement du chiffres d’affaires. Solides capacités financières. Maintenance et veille technologiques. Politique de calcul de coût et réduction des coûts pour gains de productivité. Diversification client. Objectifs de l’entreprise Face à ce diagnostic global, M. Bernard et sa fille ont décidé de repenser la stratégie des Transports Bowsky. Ils s’interrogent sur les axes possibles uniquement en B to B. Trois scénarios sont envisageables : 1. La diversification de l’activité dans de nouveaux secteurs commerciaux : a- location avec chauffeur : • industries en flux tendu industriel (automobile), flux tendus commerciaux (processus sans stockage intermédiaire) ; b- trafic de lignes à horaires fixes incluant des modifications erratiques : • industrie, commerce de gros, commerce de détail, tel que réseau développement photo, pressing, librairies hors presse, etc. ; • compagnies aériennes ; c- transport routier de marchandises de proximité : mêmes secteurs ; d- messagerie ou TRM (Transport outier de Marchandises) spécialisés dans l’absence de rupture de charge/transport sécurisé : • informatique, bureautique, médical (hors installation) ; • industrie du luxe. 2. La diversification avec adjonction des métiers de : • gestionnaire de fret (entreposage) ; • logisticien (stockage, préparation-expédition des commandes, transport-livraison) ; • prestations de recrutement pour d’autres entreprises et personnel intérimaire. 3. L’extension au niveau national ou une nouvelle implantation régionale : • la gérante actuelle, fille de M. Bernard, souhaite que le développement se fasse dans une seule entité juridique. Elle entend également que les nouvelles activités de croissance externe se développent en modifiant aussi peu que possible le processus actuel qu’elle connaît bien et qu’elle juge efficace. |\/ | M. Bernard, principal actionnaire et ancien gérant à la retraite depuis peu, pense quant à lui que : – les nouvelles activités doivent avoir la même rentabilité que les activités actuelles ; $! – la sécurité de l’outil actuel doit être totale, que la croissance soit interne ou externe ; 4$ – le développement de nouvelles activités passera sûrement par l’adjonction de nouveaux métiers qui ne devront en aucun cas perturber les activités actuelles très profitables. By Compte tenu de l’évolution rapide et parfois brutale de l’environnement, en particulier réglementaire, père et fille sont d’accord pour envisager que ces objectifs soient mis en œuvre dans un délai qui ne devrait pas excéder 18 mois. Questions 1. Comment, compte tenu des éléments de diagnostic, M. Bernard peut-il conduire ses choix d’orientation stratégique ? 2. Pensez-vous que les différents objectifs pourront être atteints dans des conditions acceptables de réussite ? Mini-cas 2 : Les métiers et valeurs, moteurs de la vision stratégique Voici le profil métier et les principaux repères de l’entreprise d’ingénierie Technip, créée en 1958, cotée aux Bourses de Paris et de New York, leader mondial dans son domaine. Sa mission : un groupe mondial d’ingénierie de premier plan Capable de fournir de l’ingénierie, des technologies et des services de construction à l’industrie pétrolière, gazière, pétrochimique et à d’autres industries, Technip est l’un des leaders mondiaux dans son domaine. Grâce à ses bases opérationnelles dans les cinq continents, avec un effectif de 19 000 personnes, le groupe, bien positionné auprès de tous les clients significatifs, est en mesure de prendre en charge tous les aspects d’un projet majeur aux meilleurs coûts, depuis l’ingénierie de base jusqu’à la réalisation clé en main. Des domaines d’activité très diversifiés $! |\/ | Les domaines d’intervention de Technip couvrent le développement de champs off-shore et onshore, le traitement et la liquéfaction de gaz, le raffinage de pétrole, les pipelines à terre et la pétrochimie, qui représentent ses principales activités. Le groupe est particulièrement bien placé dans le secteur de l’off-shore profond, secteur dans lequel il utilise ses propres actifs industriels. Il développe également ses activités dans des secteurs non pétroliers, tels que les engrais, la chimie, les sciences de la vie, la génération électrique, les industries manufacturières et autres industries, ainsi que les bâtiments du secteur des services. 4$ Le métier d’ingénierie et de construction, une vocation By L’entreprise couvre une gamme complète de services allant de l’ingénierie de base aux solutions globales. Technip fournit tout ou partie des études de faisabilité, des services d’ingénierie de base ou de détail, d’approvisionnement des équipements, de supervision de la construction et de management de projet. Le groupe a une longue expérience de la réalisation de projets clé en main et du montage des financements de projets pour le compte de ses clients. Dans le domaine de l’off-shore notamment, Technip est en mesure de répondre aux opérateurs qui souhaitent confier la plus grande partie des services à un seul entrepreneur général, capable de manager tous les aspects d’un projet important de développement au meilleur coût. Le groupe travaille régulièrement en partenariat avec des entreprises de diverses nationalités. Il a développé une politique d’achat d’équipement qui lui permet d’obtenir les prix les plus compétitifs sur le marché international, en utilisant une place de marché privé. Technip assure également la formation du personnel opérateur, la mise en route, l’exploitation et la maintenance des installations. Une forte expertise technologique Par l’intermédiaire de ses ingénieurs de procédé et de ses techniciens hautement qualifiés, Technip a acquis une solide expertise technologique qui l’a conduite, dans certains cas, à concevoir et fabriquer ses propres produits, ses propres technologies, et les équipements de procédés associés dans les domaines de l’off-shore (conduites sous-marines, ombilicaux, ROVs, (remotely operated vehicles ou plates-formes) ainsi que dans les secteurs du raffinage, du gaz, de l’hydrogène, du soufre, de l’éthylène, des engrais et du ciment. Technip a également établi des liens étroits, voire des accords exclusifs, avec des bailleurs internationaux de licence de premier plan, notamment dans le domaine de la pétrochimie. Ses priorités et ses valeurs : qualité, santé, sécurité et environnement La qualité de ses prestations, la santé et la sécurité du personnel travaillant sur les chantiers en cours ou dans les installations conçues et construites par Technip, ainsi que la protection de l’environnement, sont des priorités absolues. Ces éléments sont pris en compte dès la conception de l’installation et les mesures appropriées sont mises en œuvre et appliquées strictement à chaque étape de l’exécution d’un projet. Le respect des objectifs qualité inspire la manière dont Technip conduit ses activités : tous ses centres d’ingénierie sont certifiés ISO 9001. Les objectifs HSE (hygiène, sécurité, environnement) gouvernent la manière dont Technip conduit ses activités auprès de ses clients et partenaires dans les bureaux comme sur les chantiers. Le respect de ces objectifs est assuré par la charte HSE : Technip considère que le succès de cette politique passe par l’implication de l’ensemble du personnel. Une vision stratégique By 4$ $! |\/ | Les activités de Technip sont régies par une charte de valeurs, approuvée par le conseil d’administration. L’objectif de l’entreprise est d’apporter le plus haut niveau de satisfaction possible à l’ensemble de ses partenaires, et notamment à ses clients, à ses actionnaires et à ses salariés. La charte, qui repose sur les valeurs fondamentales que sont l’excellence professionnelle et l’intégrité, définit des principes d’action et de comportement professionnel qui soutiennent la démarche professionnelle de chacun des collaborateurs du groupe dans leur action quotidienne. C’est en s’appuyant sur les principales caractéristiques décrites ci-dessus que la direction de Technip a publié en interne, pour son personnel, un document intitulé « Notre vision ». Cette vision suggère notamment que l’entreprise atteigne le leadership mondial en termes de réputation et de performance dans son domaine, grâce à la motivation, à l’expertise et à la créativité technologique de ses équipes. Question Comment la description de la mission, des savoirs et des valeurs de Technip permet-elle d’apprécier la nature de la démarche stratégique de la société ? Mini-cas 3 : L’éthique est partout, n’est-ce pas trop ? Au Forum économique mondial de Davos, dans les épiceries ou corners éthiques, sur les marchés financiers via les fonds éthiques ou encore avec la nouvelle profession de déontologue, l’étique est devenue incontournable. Le jour d’une remise de diplômes, la moitié des 430 étudiants du MBA de l’Insead ont signé un « pacte » où ils s’engageaient à tenir compte des « conséquences sociales et environnementales des décisions qu’ils auraient à prendre dans leur vie professionnelle ». Aucune sanction – même symbolique – n’est prévue en cas de non-respect. C’est une première ! De son côté, le Centre des jeunes dirigeants fait la promotion d’« un management humaniste » en proposant aux chefs d’entreprises des outils d’évaluation pour qu’ils puissent concrètement déterminer où ils en sont en matière de développement durable. $! |\/ | Un récent sondage réalisé auprès de 1 200 anciens de Centrale, qui occupent des postes de haut rang dans des entreprises, renseigne sur leur conception et leur pratique de l’éthique. Un tiers pense que l’éthique est un « ensemble de valeurs fondamentales partagées par tous les salariés », un autre tiers pense qu’il s’agit d’« idées défendues avec ferveur par quelques personnes ». Les autres se partagent entre « une notion étrangère aux règles de fonctionnement de notre entreprise » et « une belle charte affichée dans certains bureaux ». By 4$ « Le recul de l’État, la démultiplication des scandales, les nouvelles obsessions sociales sur la santé, l’alimentation, le besoin de transparence, toutes ces raisons expliquent la montée en puissance de l’éthique », rappelle le philosophe Gilles Lipovetsky. L’entreprise ne peut plus se contenter de concentrer son action sur la satisfaction de son actionnaire (stockholder), elle doit aussi prendre en compte ceux qui peuvent être touchés par son activité, les stakeholders : les salariés, les clients, les voisins, les gouvernements, les associations de protection de la nature, etc. « Elle doit construire sa propre légitimité. L’efficacité privée ne suffit plus, l’éthique rassure », souligne Gilles Lipovetsky. André Comte-Sponville, dans Le Capitalisme est-il moral ? (2004), s’insurge contre cet éthiquemanagement. Selon lui, l’entreprise n’est là que pour faire du profit, pas des bonnes œuvres. Et, si elle en fait, c’est uniquement pour en tirer du profit ! Autre pierre dans le débat ajoutant à la confusion entre éthique et communication : Alcatel avait annoncé des efforts en matière de « développement durable », notamment sur le plan social, mais l’entreprise s’est retrouvée assignée devant le conseil de prud’hommes par 180 licenciés qui l’accusaient d’avoir tout fait pour les priver d’un plan social. Questions 1. Quels sont les objectifs actuels des entreprises et des parties prenantes intéressées ? 2. Ces objectifs sont-ils toujours compatibles ? Chapitre 3 Le diagnostic stratégique Les compétences clés à acquérir : • Comprendre la logique qui guide un diagnostic stratégique. • Connaître les différentes notions et les démarches nécessaires pour pratiquer un diagnostic stratégique. • Effectuer une segmentation stratégique. |\/ | • Formuler un diagnostic externe puis un diagnostic interne. • Formuler un diagnostic business puis un diagnostic corporate. $! • Appliquer tous les outils du diagnostic stratégique à une situation concrète. 4$ • Évaluer un portefeuille d’activités. By • Comparer les différentes matrices de portefeuilles d’activités. Le diagnostic stratégique, point de passage obligé vers la détermination des orientations stratégiques, sera longuement présenté. Dans un premier temps, nous verrons que des options doivent être prises avant d’effectuer le diagnostic. Puis nous entrerons dans les outils du diagnostic externe/interne avant de conclure par une synthèse. I. Les préalables au diagnostic stratégique A. La séquence diagnostic-décision stratégique La définition des stratégies est fort naturellement précédée d’une phase de diagnostic stratégique, l’analyse et la réflexion devançant la prise de décision. Cette phase de processus stratégique est essentielle dans la mesure où elle oriente les alternatives stratégiques qui seront envisagées et les décisions qui seront prises, compte tenu des objectifs retenus par la direction générale. La séquence ainsi décrite est généralement considérée comme rationnelle (cas 1 de la figure 3.1). Figure 3.1. Les séquences diagnostic-décision stratégique $! |\/ | En pratique, il faut être conscient du fait que le sens de la relation n’est pas toujours aussi net et qu’il est susceptible d’être inversé. Les objectifs peuvent être choisis en fonction des décisions arrêtées et les alternatives et le diagnostic orientés en conséquence. Le cas 2 de la figure 3.1 prend en compte l’influence des décisions stratégiques envisagées sur le diagnostic réalisé. C’est ce que l’on peut appeler une séquence « rationalisatrice »(11). L’apparente rationalité masque souvent en entreprise des processus itératifs complexes et la séquence 3 se rapproche de la réalité. En matière de décision stratégique, il ne faut pas surestimer la rationalité et la linéarité des processus. On dit parfois que les stratégies retenues s’apparentent davantage à des stratégies émergentes qu’à des orientations véritablement souhaitées. 4$ B. Les deux perspectives de l’analyse stratégique By Le diagnostic stratégique repose sur deux approches complémentaires, le diagnostic interne de l’entreprise et le diagnostic externe de l’environnement de celle-ci (figure 3.2). Figure 3.2. Le double diagnostic stratégique Cette démarche repose sur une conception de l’entreprise considérée comme un système ouvert sur son environnement, la stratégie définissant les modes de relation entre l’entreprise et cet environnement. 1. Le diagnostic interne Il vise à définir le potentiel stratégique de l’entreprise, c’est-à-dire les forces, les atouts sur lesquels elle pourra s’appuyer pour définir ses orientations stratégiques. Le diagnostic interne doit permettre de mettre en évidence le savoir-faire de l’entreprise, son métier, ses compétences. Mais l’entreprise n’est pas faite que de forces, elle compte également des faiblesses, des caractéristiques sur lesquelles elle ne peut pas compter pour définir ses stratégies. Le diagnostic interne vise donc à définir les capacités et les aptitudes stratégiques de l’entreprise. 2. Le diagnostic externe Il a pour objectif de déceler, dans la situation actuelle et dans les évolutions des environnements de l’entreprise, les perspectives susceptibles de lui être favorables et défavorables. En effet, les environnements de l’entreprise recèlent à la fois des opportunités, des chances de développement et des menaces qui peuvent remettre en cause les stratégies actuelles. 3. Les orientations stratégiques $! |\/ | De la combinaison des résultats de l’analyse interne et externe, on déduit les orientations stratégiques que l’entreprise peut envisager et parmi lesquelles ses dirigeants pourront puiser en fonction de leurs objectifs. 4$ Cette analyse, reposant sur la découverte des forces/faiblesses et des menaces/opportunités, porte le nom de SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). By La décomposition formelle entre diagnostic interne et diagnostic externe ne doit pas laisser penser que ces deux approches sont indépendantes. Elles sont en réalité fortement liées. Ainsi, en matière stratégique, le diagnostic interne n’a de sens que par rapport aux concurrents. La situation « en valeur absolue » de l’entreprise est dénuée d’intérêt sur un marché concurrentiel. Ce qui compte, c’est sa situation relative. C’est la raison pour laquelle le diagnostic stratégique retient les concepts de part de marché relative, de qualité relative, etc. De la même façon, le diagnostic externe ne saurait être mené sans tenir compte de l’entreprise et de ses activités. Ce sont elles qui orientent les secteurs sur lesquels le diagnostic va porter. De plus, les forces de l’entreprise n’existant que dans un contexte précis, elles peuvent se transformer en faiblesses dans un autre. Il en est de même quand on étudie les facteurs clés de succès dans un secteur (le délai de livraison ou la réactivité commerciale, par exemple). C’est là une caractéristique d’un environnement donné. Mais cette caractéristique ne prend sens, sur le plan stratégique, que dans la mesure où elle est maîtrisée par l’entreprise. Force est de constater que les outils de diagnostic sont étroitement imbriqués entre les aspects externes et internes. C. La segmentation stratégique La mise en œuvre des techniques du diagnostic stratégique nécessite au préalable que l’on précise ce sur quoi va porter le diagnostic. Plusieurs cas de figure sont schématiquement à distinguer. Soit l’entreprise est mono-activité et dans ce cas elle constitue un tout homogène qui peut faire l’objet d’un diagnostic unique. Soit l’entreprise s’est diversifiée au fil du temps, elle est devenue multi- activités et il convient, avant de mener les diverses phases du diagnostic, de s’interroger sur l’homogénéité de l’ensemble de l’entreprise en ce qui concerne ses compétences fondamentales et, éventuellement, de la décomposer en sous-ensembles homogènes puis, de procéder à une segmentation stratégique (figure 3.3). Le diagnostic se fera alors par DAS, ce qui n’exclut pas que les compétences transversales soient étudiées. Mais, si l’entreprise constitue en elle-même une unité d’analyse pertinente, caractérisée par des compétences transversales communes aux diverses activités, la segmentation peut devenir inutile. By 4$ $! |\/ | Figure 3.3. Le choix d’une unité d’analyse 1. L’utilité de la segmentation stratégique La segmentation stratégique consiste à découper l’entreprise en unités homogènes tant sur le plan interne que sur le plan externe. Exemple Pour un groupe qui exercerait des activités aussi diverses que la production de véhicules pour particuliers, de machines agricoles, de véhicules industriels, de matériels d’armement, de cycles, de matériels de jardinage, de véhicule de course et de financement, il n’est pas envisageable de procéder à un diagnostic simultané. Les clients, les concurrents, les produits et les règles concurrentielles sont trop différents d’un secteur à l’autre. Un découpage s’impose (figure 3.4). Figure 3.4. La nécessité de la segmentation stratégique : l’exemple d’une industrie du secteur de la mécanique Selon les auteurs et les approches, les unités homogènes portent des intitulés divers, mais recouvrent globalement la même réalité. Nous considérerons comme synonymes les termes centre d’activité stratégique (CAS), segment stratégique, strategic business unit (SBU), domaine d’activité stratégique (DAS). 4$ $! |\/ | Chaque domaine d’activité est supposé constituer une entité homogène pouvant à la fois faire l’objet d’un diagnostic et d’une proposition stratégique adaptée. Un domaine d’activité stratégique est homogène sur le plan des produits et des services offerts à un marché spécifique, la concurrence y est clairement identifiée, des compétences précises y sont relevées, des ressources peuvent y être affectées et l’entreprise peut y développer un avantage concurrentiel. Exemple By Il apparaît évident qu’une entreprise ayant un portefeuille aussi diversifié que celui représenté sur la figure 3.4 ne peut pas faire l’objet d’un diagnostic unique. Pour une entreprise de e-commerce, qui commercialise des produits diversifiés sur des marchés « grand public » et « professionnel », faut-il, à des fins de diagnostic, segmenter l’activité et distinguer ces deux domaines d’activité ? Ou faut-il, au contraire, considérer que ces activités partagent des compétences transversales fondamentales dans les domaines du marketing direct, de la gestion d’un site Internet et de l’animation de communautés virtuelles, de la logistique ? La réponse est loin d’être simple. Si l’on estime que la vision différenciée de l’entreprise, selon des DAS, est pertinente, alors il faut procéder à une segmentation stratégique et, le cas échéant, à l’analyse des compétences transversales. La segmentation stratégique est donc une opération importante de la démarche stratégique dans la mesure où elle conditionne le niveau d’analyse tant interne qu’externe du diagnostic et où ensuite elle induit le niveau auquel les décisions stratégiques seront prises. Ne perdons pas de vue qu’elle constitue la phase préliminaire de l’analyse des portefeuilles d’activités. 2. La méthodologie de la segmentation stratégique Il n’existe pas de méthodologie admise et efficace et l’on se contente souvent d’affirmer qu’une bonne segmentation stratégique se reconnaît à la pertinence des décisions stratégiques prises à partir d’elle. On peut cependant noter que deux approches complémentaires sont utilisées, l’une plutôt théorique, l’autre plutôt empirique. Figure 3.5. Les trois critères du segment stratégique La première approche consiste à retenir les trois critères de définition du segment (figure 3.5) : – la technologie (aspect fabrication) ; – le besoin satisfait (aspect produit) ; |\/ | – la clientèle (aspect marché). $! À partir de ces trois critères, une entité homogène est définie, c’est-à-dire qu’un domaine d’activité stratégique (DAS) regroupe un type de clients, un produit donné, pour un besoin satisfait. By 4$ Ainsi, dans le secteur des appareils de levage et des grues, on sera amené à distinguer les clients selon leur appartenance aux secteurs du BTP ou de l’industrie, les technologies selon qu’elles sont électromécaniques ou hydrauliques et les besoins ou fonctions du produit selon qu’il s’agit de levage ou de manutention (figure 3.6). Figure 3.6. La segmentation stratégique appliquée au secteur du levage et des grues La seconde approche est plus empirique. Elle consiste, par tâtonnement, à définir, à partir de la structure actuelle de l’entreprise, de ses découpages d’activité, les domaines d’activité stratégique aux contours les plus homogènes. Il s’agit bien évidemment d’un exercice délicat puisqu’il consiste à aller à l’encontre de l’histoire de l’entreprise, de son développement par adjonctions successives d’activités nouvelles. La segmentation stratégique, en cherchant à créer des DAS entre lesquels il n’existe pas nécessairement de complémentarité, vise à ignorer les synergies qui ont été la raison d’être de certaines diversifications passées. 3. La relation technologie-segmentation stratégique Toute analyse stratégique commence par la détermination de l’unité d’analyse ; ce sont les DAS que nous avons définis en trois dimensions (besoins satisfaits, clients visés et technologie). Cette troisième facette est peut-être la moins précise tant l’appellation technologie peut regrouper des aspects variés. Il demeure que l’axe technologique constitue bien une des trois dimensions de la segmentation stratégique. Deux activités répondant aux mêmes besoins pour les mêmes clients mais faisant appel à deux technologies différentes constituent des DAS différents. Exemple Deux marteaux-piqueurs, l’un hydraulique, l’autre pneumatique, relèvent de DAS distincts. La présence de l’axe technologique dans la segmentation s’explique par l’existence de courbes d’apprentissage différentes selon les technologies utilisées. 4$ $! |\/ | Les changements technologiques ont pour conséquences, le cas échéant, une modification du paysage concurrentiel, un regroupement des segments stratégiques et un redécoupage des autres. Les frontières entre les segments, et donc la détermination des unités d’analyse stratégique, sont susceptibles d’être bouleversées lorsque des innovations technologiques surviennent. Un DAS ne s’explique que parce qu’il délimite des facteurs clés de succès précis. Une technologie nouvelle périme sur-le-champ certains facteurs clés de succès alors qu’elle en fait vivre d’autres, les rassemble parfois ou les subdivise encore. By Nous sommes ici au cœur d’une des critiques importantes adressées à l’analyse stratégique traditionnelle fondée sur des DAS (immuables ?). Dès lors que des changements technologiques majeurs s’opèrent selon une fréquence rapide, il est vain de vouloir inscrire les données concurrentielles dans un paysage représentatif du seul présent alors que celui de l’avenir est au mieux incertain, au pire inconnu. Exemple Qui peut affirmer que, dans les années à venir, les automobiles connectées et intelligentes seront encore la propriété d’une personne ? Elle se déplaceront seules et seront assurées sans que le conducteur ne le soit. Les entreprises sont enserrées dans un enchevêtrement de technologies évolutives à l’intérieur desquelles elles s’allient et se concurrencent pour placer au mieux leurs produits. La convergence technologique actuelle des activités numériques (vidéo, informatique, téléphonie, etc.) renforce l’acuité de cette question. 4. Les difficultés de la segmentation stratégique Les difficultés de la segmentation stratégique sont nombreuses. a. Jusqu’où segmenter ? Le problème du degré de détail de la segmentation stratégique à retenir n’est pas simple. Trop globale, elle associe des activités qui ont peu de points communs. Trop fine, la segmentation stratégique se confond avec la segmentation marketing. On peut aisément distinguer les divers niveaux d’analyse que sont l’entreprise dans son entier, les business units (métiers), les produits et les clients. Or, le découpage conditionne en partie les implications stratégiques. Exemple Dans une entreprise où un DAS de petite taille subit de lourdes pertes, une stratégie d’isolement reviendrait à le condamner alors même que son intégration dans un ensemble plus vaste pourrait être salvatrice. |\/ | b. La précarité de la segmentation stratégique $! La segmentation stratégique est précaire dans la mesure où elle peut toujours être remise en cause par un changement technologique ou une évolution du marché. By 4$ Figure 3.7. La réflexion stratégique appliquée à l’entreprise Lafarge Le découpage stratégique ne coïncide pas nécessairement avec l’organigramme de l’entreprise et cela est susceptible de créer des tensions soit dans la phase d’analyse, soit dans celle de la mise en œuvre. La segmentation stratégique ne doit pas être confondue avec la segmentation marketing. Tableau 3.1. La segmentation stratégique et la segmentation marketing Segmentation stratégique Découpage Décisions Décideurs Des activités de l’entreprise Investir, désinvestir... Direction générale groupe Segmentation marketing Du marché Prix, publicité, Internet... Division Marketing La première divise les activités de l’entreprise au niveau de la direction générale et les questions qui se posent sont celles de l’investissement ou du désinvestissement. En revanche, la segmentation marketing se focalise sur les clientèles, relève des décisions des directeurs marketing ou des chefs de produits et porte sur le mix marketing. Exemple L’étude du groupe Danone permet de bien comprendre la distinction à opérer entre le niveau stratégique et le niveau marketing. Face aux tendances lourdes en matière d’obésité qui concernent toutes les tranches d’âge et tous les pays, Danone aurait pu envisager de développer des gammes de biscuits allégés ou diététiques. Cela aurait été une décision prise au niveau marketing. Compte tenu du positionnement stratégique de Danone sur la nutrition et la santé, le groupe a décidé de céder le DAS Biscuit. Le raisonnement s’est situé au plan stratégique. c. la segmentation stratégique, une phase décisive 4$ $! |\/ | La segmentation stratégique est probablement l’une des phases les plus importantes mais aussi les plus délicates de la démarche stratégique lorsque la vision de l’entreprise s’opère activité par activité. Pour la segmentation stratégique, comme pour le diagnostic, se pose la question de l’internalisation ou de l’externalisation de l’analyse. By D. Internalisation versus externalisation du diagnostic La question qui est ainsi posée est aussi celle de l’internalisation ou de l’externalisation du diagnostic. Le diagnostic doit-il être effectué par des personnes membres de l’entreprise ou par des intervenants externes ? Le tableau 3.2 présente les éléments susceptibles de faciliter le choix. Une solution mixte (un consultant qui anime un groupe interne de diagnostic stratégique) est également pratiquée par les entreprises. Certaines utilisent également des solutions externes moins coûteuses en confiant à un stagiaire de haut niveau ou à un groupe de MBA une mission de diagnostic sur longue durée (six mois). Tableau 3.2. L’alternative internalisation/externalisation du diagnostic Avantages Interne à l’entreprise : groupe ad hoc, équipe projet, service fonctionnel • Risque de réapparition des • Meilleure connaissance préalable conflits internes habituels, des spécificités de l’entreprise. interfonctionnels notamment. • Implication plus grande des • Manque d’objectivité des équipes dans le diagnostic. analyses. • Mise en œuvre facilitée des • Absence de démarches et d’outils solutions du fait de la participation méthodologiques. à leur élaboration. • Inadaptation en cas de crise ou • Coût direct moins élevé. d’urgence, dans lesquelles des décisions radicales sont à prendre. • Apport méthodologique dû au • Coût plus élevé. professionnalisme du consultant. • Risque de diffusion à l’extérieur • Expérience préalable du secteur de l’entreprise d’informations et de ses spécificités. confidentielles. • Rapidité d’intervention et de • Dépendance vis-à-vis de la mobilisation d’équipes. direction. • Regard extérieur plus objectif et • Risque de voir proposées neutre par rapport aux dissensions des solutions trop standards internes. ou « à la mode ». 4$ $! Externe à l’entreprise : consultant Limites |\/ | Solutions By En pratique, le degré d’urgence et la situation de l’entreprise déterminent le choix. Plus l’entreprise est en crise et plus le diagnostic est susceptible de remettre en cause de façon drastique les stratégies et l’organisation actuelles, plus on fera appel à un consultant externe à l’entreprise (figure 3.8). Figure 3.8. Le degré d’urgence et l’externalisation du diagnostic E. Les outils du diagnostic stratégique Les outils de diagnostic doivent d’abord être distingués selon qu’ils portent sur le diagnostic externe ou interne. Mais certains outils sont particulièrement adaptés aux décisions qui seront prises au niveau d’une seule activité ; d’autres sont davantage utilisés dans le cadre global, celui de la stratégie corporate. Tout en sachant que vouloir classer de manière définitive un outil dans une case relève d’une attitude trop rigide, nous proposons cependant une typologie indicative des outils du diagnostic stratégique qui nous permettra de les présenter de manière ordonnée par rapport aux deux grands clivages que sont l’interne et l’externe d’une part, le business et le corporate d’autre part. Toutefois, on notera que le diagnostic par les ressources et les compétences s’effectue : – soit au plan global de l’entreprise, si l’on considère que ces compétences sont transverses aux différents DAS et communes à l’ensemble de l’entreprise ; – soit lors du diagnostic des DAS, si les compétences en question sont spécifiques à une division. De la même façon, s’agissant des fonctions et processus, les deux possibilités se présentent et dépendent en partie de l’organisation de l’entreprise étudiée : – les fonctions et processus centralisés au niveau du siège (planification, contrôle, ressources humaines, etc.) feront l’objet d’un diagnostic au niveau corporate ; – les fonctions décentralisées dans les divisions et propres à chaque DAS (production, commercial, etc.) seront analysées au niveau business. |\/ | Il convient de constater que l’utilisation des outils du diagnostic dépend du mode d’organisation : centralisé ou décentralisé ; ce qui démontre, si besoin était, le lien entre diagnostic stratégique et organisation. By 4$ $! Cette présentation a l’avantage – ce qui est réel – de montrer les outils de diagnostic comme une boîte à outils au sein de laquelle le décideur recherchera ceux qui sont les plus appropriés au problème à résoudre. Toutefois, elle ne doit pas faire oublier qu’un bon diagnostic fait appel à des outils de provenances diverses, complémentaires ou concurrents, car tous n’ont qu’un seul objet : éclairer les choix stratégiques de l’entreprise. Tableau 3.3. Les outils du diagnostic stratégique II. Le diagnostic stratégique externe L’objectif du diagnostic externe est d’analyser l’attractivité actuelle mais aussi potentielle d’un secteur. Il s’agit de déterminer les opportunités (c’est-à-dire les chances à saisir) et les menaces (les risques auxquels il convient de faire face), de comprendre les enjeux auxquels sont confrontées les entreprises. On ne saurait trop insister sur le caractère prospectif du diagnostic externe. Il doit en effet permettre de construire des scenarii d’évolution du secteur. Le diagnostic externe doit permettre de sélectionner les secteurs sur lesquels l’entreprise juge opportun d’investir ou de désinvestir. Sur un plan pratique, la question qui se pose est celle de savoir sur quels environnements le diagnostic doit porter. L’environnement immédiat, proche de chaque domaine d’activité stratégique actuel de l’entreprise, est bien évidemment concerné prioritairement ; le diagnostic peut en effet conduire à investir ou à désinvestir à partir des activités actuelles. Mais l’entreprise peut également être amenée à effectuer le diagnostic de secteurs connexes à l’activité actuelle, en termes de clients, de zones géographiques, de circuits de distribution ou de technologies et c’est alors un environnement plus lointain qu’il convient d’analyser. Enfin, le diagnostic externe peut porter sur des secteurs sans lien avec les activités actuelles de l’entreprise, ceci dans une perspective de développement ; dans ce cas, les environnements les plus éloignés doivent être pris en compte. Exemple $! |\/ | Une entreprise qui fabrique des barres chocolatées procédera au diagnostic externe de son propre secteur. Elle pourra, avec intérêt, se pencher sur les secteurs des desserts lactés ou des biscuits qui lui sont proches en termes de clients ou de technologies. Elle peut aussi procéder au diagnostic stratégique de la presse pour jeunes. By 4$ En somme, on recherche le « marché pertinent » de l’activité analysée. Une bonne méthode consiste à recourir à la notion de substituabilité : tous les produits qui répondent à une substituabilité en termes de demande (les clients passent de l’un à l’autre) et d’offre (les fabricants peuvent les produire dans les mêmes usines) appartiennent au même marché pertinent (relevant market). La définition des environnements qu’une entreprise va diagnostiquer dépend de ses ressources et compétences, de ses objectifs, mais aussi des opportunités. Il est clair qu’une entreprise ne peut pas faire un diagnostic de la totalité de ses environnements et que ceux-ci sont plus ou moins éloignés de son activité actuelle. On peut identifier quatre axes (les clients, les produits, les zones géographiques, les circuits de distribution, figure 3.9) qui guident les environnements faisant l’objet du diagnostic, sachant que l’entreprise s’éloigne plus ou moins de ses activités actuelles. Figure 3.9. Les axes du diagnostic de l’environnement |\/ | Exemple By 4$ $! Une entreprise fabriquant et distribuant des jus de fruits pour enfants en France peut diagnostiquer, entre autres, le marché européen (proche sur l’axe géographique), le marché des soupes (proche sur l’axe produit), le marché de la presse enfantine (très éloignée sur l’axe client) ou encore la vente en ligne (circuit de distribution). Le diagnostic externe peut d’abord être mené sur deux plans, celui de l’environnement global et celui de l’analyse du secteur que l’on dénomme aussi « analyse de l’industrie ». Ensuite, il est très utile, dans une perspective de synthèse, d’utiliser la méthode des facteurs clés de succès (FCS). L’analyse de l’écosystème d’affaires (ESA) complètera la compréhension de la dynamique du secteur. Enfin, dans une approche plus prospective, la méthode des scenarii permet de définir des hypothèses d’évolution. A. L’environnement global Cette approche peut être appliquée soit pour l’entreprise dans son ensemble, soit tous DAS confondus, soit à l’échelle d’une seule de ses activités. L’environnement de l’entreprise possède de multiples facettes et peut être abordé selon différents filtres (figure 3.10). Figure 3.10. Les multiples facettes de l’environnement (SPECTRED) Il s’agit essentiellement du regard porté sur l’environnement de l’entreprise et la méthode est macroenvironnementale. Globalement, l’entreprise, où qu’elle se trouve, est insérée dans des environnements multiples qui, tous à des degrés divers, influencent la situation présente et les volontés stratégiques pour l’avenir. |\/ | Pour résumer l’influence de ces divers environnements, on utilise différents acronymes comme SPECTRED : Social, Politique, Économique, Culturel, Technologique, Réglementaire, Écologique, Démographique. $! L’importance de cette grille d’analyse se manifeste sur deux plans : By 4$ • Il convient tout d’abord de discerner quelles sont les facettes de l’environnement qu’il faut intégrer, la réponse n’étant pas identique pour un acteur mondial des télécoms et une PME agroalimentaire régionale. La première fera une place particulière au contexte réglementaire international en matière de télécoms alors que la seconde se focalisera sur des aspects plus culturels, par exemple. Ces facettes jouent un rôle de questionnement et l’on doit s’interroger sur leur pertinence respective dans le cas étudié. • Ensuite, pour chaque facette de l’environnement retenu, il convient de mettre en exergue les éléments saillants susceptibles de constituer une opportunité, une menace et donc d’influencer la stratégie de l’entreprise. Notons que les différentes facettes de l’analyse SPECTRED ne sont pas indépendantes les unes des autres. L’importance croissante des aspects écologiques (pollution, effet de serre, etc.) conduit les entreprises à réserver une place spécifique à cette facette de l’environnement. Une analyse SPECTRED du groupe McDonald’s pourrait être formulée comme suit. Figure 3.11. L’analyse SPECTRED du groupe McDonald’s Exemple $! |\/ | L’analyse du groupe McDonald’s peut être complétée en précisant, pour chaque élément mis en évidence, s’il apparaît plutôt comme une opportunité (globalisation des modes de consommation) ou comme une menace (caractéristiques de l’environnement politique). Il est d’ailleurs intéressant d’observer comment McDonald’s a adapté sa stratégie en fonction de certains de ces facteurs d’environnement. By 4$ La difficulté de l’analyse repose sur la question de la détermination des tendances lourdes d’évolution ainsi que sur celle de leurs influences sur la stratégie de l’entreprise. C’est un marché réel pour les cabinets de consultants de proposer régulièrement aux grandes entreprises leur analyse des facteurs clés d’évolution qui sont susceptibles d’influencer leur devenir dans les trois, cinq ou dix ans à venir. Des tendances lourdes (un exemple d’après Microsoft) 1. Globalisation : adaptation d’une stratégie globale à des zones différenciées. 2. Dérégulation : atténuation des contraintes imposées par les autorités diverses. 3. Déstructuration : modification des frontières des marchés. 4. Mondialisation et instantanéité de la circulation de l’information. 5. Désintégration des chaînes de la valeur avec externalisation des maillons les plus faibles. 6. Migration totale des produits, des personnes, des capitaux. L’analyse des environnements procurera une toile de fond globale à l’utilisation de tous les autres outils et éclairera les propositions en donnant une vision globale de moyen et de long terme. Nous voyons que l’analyse peut porter sur un pays (le diamant de Porter), une zone géographique, voire sur le monde entier. Le diamant de Porter Pour séduire les groupes multinationaux, pour les inciter à s’installer dans un pays d’accueil, Porter suggère aux hommes politiques de faire briller de tout son éclat le « diamant » de la compétitivité, dont il transfère les règles des entreprises aux nations ou aux régions. Les quatre pointes du diamant sont les suivantes : – l’existence d’une demande solvable et exigeante qui pousse à innover ; – des firmes de grande taille soumises à la concurrence ; – un tissu dense de PME performantes, capables de répondre aux commandes passées par les grandes firmes ; – un environnement séduisant : main-d’œuvre qualifiée, infrastructure de qualité, système de communication efficace. $! |\/ | Plus grande sera la surface du « diamant », plus attractive sera l’image du pays apte à recevoir l’investissement. Dans ce schéma, l’État n’intervient pas dans la politique industrielle. Il reste l’instrument de la mise en œuvre d’une politique libérale, où l’économie mondiale est structurée par les groupes multinationaux, sur la base d’alliances qui organisent les circuits de production et la répartition des marchés. En un mot, la régulation mondiale est réalisée par les grandes firmes, analyse qui est loin de faire l’unanimité. 4$ L’analyse de l’environnement peut revêtir différentes formes et, par conséquent, suivre différentes démarches : By – rechercher successivement dans chacun des environnements les tendances pouvant influencer l’activité de l’entreprise ; – globaliser l’analyse de tous les environnements pour appliquer les facteurs d’évolution à un secteur ou un pays précis ; – partir d’une problématique (technologie, commercialisation, compétences, marchés, etc.) et faire utiliser le filtre de chaque environnement pour proposer les évolutions lourdes les plus caractéristiques. B. L’analyse du secteur L’objectif du diagnostic externe est de déceler dans l’environnement de l’entreprise, d’une part les opportunités de développement, d’autre part les menaces éventuelles afin de savoir dans quels secteurs l’entreprise doit investir ou désinvestir. Sur un plan pratique, il est d’usage d’organiser le diagnostic externe du secteur autour des quatre rubriques suivantes : la demande, l’offre, les groupes stratégiques, l’intensité concurrentielle (figure 3.12). Figure 3.12. Les quatre rubriques du diagnostic externe L’examen des rubriques conduit à collecter l’information et à se poser de nombreuses questions. Les outils du diagnostic externe sont souvent présentés sous la forme de grilles ou de check-lists. Il convient cependant, dans la démarche, de ne jamais perdre de vue l’objectif final et d’adapter l’analyse aux spécificités du secteur étudié. Une grille ne doit pas être appliquée de façon uniforme et rigide. Tout au contraire, elle constitue un point d’appui à partir duquel on construit son propre cadre. 1. La demande |\/ | Il est commode de distinguer la demande actuelle d’une part et son évolution d’autre part. L’analyse est ici proche du marketing et recourt aux techniques classiques d’études de marché. L’étude de la demande permet d’identifier le marché actuel et futur des entreprises présentes dans le secteur. By 4$ $! Le tableau 3.4 présente une liste indicative de questions, sa mise en œuvre pouvant prévoir une colonne pour les réponses et commentaires et une colonne d’appréciation au regard du diagnostic stratégique en cours. On évalue chaque réponse selon qu’elle est plutôt favorable ou plutôt défavorable à l’entreprise ; une colonne reprend les éléments pour lesquels l’appréciation est incertaine. Tableau 3.4. Le diagnostic de la demande Questions Les caractéristiques de la demande • Quelles quantités vendues ? • Qui achète ? • Qui consomme ? • Qui prescrit ? • Quand achète-t-on et consomme-t-on ? • Quelle saisonnalité ? • À quelle périodicité ? • À quelle occasion ? • Quel besoin ? Commentaires Menaces / Opportunités / $! 4$ By L’évolution de la demande • Quel taux de croissance global ? • Quelle phase du cycle de vie ? • Quel taux de croissance par segment ? • Quelle évolution économique ? • Quelle évolution démographique ? • Quelle évolution technologique ? • Quelle évolution des attentes et des goûts ? • Quelle évolution des styles de vie ? • Quelle évolution des circuits de distribution ? • Quels nouveaux usages ? • Quelles nouvelles clientèles ? • Quels substituts ? • Quelle position des pouvoirs publics ? • Etc. Synthèse |\/ | • Quelle motivation ? • Quel budget ? • Quelle élasticité prix ? • Quelle sensibilité à la publicité, aux promotions ? • Quelle fidélité aux marques, enseignes, circuits ? • Quels lieux d’achat ? • Quels circuits de distribution ? • Poids d’Internet ? • Etc. L’ensemble des caractéristiques envisagées sur un plan statique doit, dans un second temps, être mis en perspective afin d’anticiper pour chacune d’elles les évolutions possibles et probables. L’analyse de l’ensemble des caractéristiques de la demande et de leurs évolutions permet de se forger une opinion sur les perspectives des marchés en termes d’opportunités ou de risques. Il est important, pour le diagnostic de la demande, comme pour les autres rubriques du diagnostic externe, de conclure le tableau par une synthèse. 2. L’offre Le diagnostic de l’offre appréhende, dans sa globalité, la structure du secteur et non pas les produits offerts par l’entreprise (voir le diagnostic interne). a. Les caractéristiques de l’offre Les caractéristiques sur lesquelles il convient de s’interroger figurent dans le tableau 3.5. Là encore, il faut tout à la fois juger des situations actuelles et des évolutions possibles sur plusieurs rubriques. La question des capacités globales de production ou d’offre du secteur, surcapacité (offre et demande) ou sous-capacité est importante. Exemple $! b. La structure des coûts du secteur |\/ | Dans le cas d’une surcapacité globale du secteur, l’attractivité pour de nouveaux entrants sera faible car le risque de guerre des prix et de réduction de la rentabilité des firmes du secteur est élevé. Il est d’ailleurs fréquent que, dans cette situation, certaines firmes rachètent des concurrents avec pour seul objectif de récupérer leur portefeuille commercial et de fermer leurs usines pour réduire la capacité excédentaire. Exemple By 4$ La structure des coûts doit également faire l’objet d’une attention particulière. L’importance des charges fixes par rapport aux charges variables détermine le seuil de rentabilité et nous renseigne sur le niveau d’activité minimale à atteindre si l’entreprise pénètre dans le secteur. Des charges fixes élevées constituent une barrière à l’entrée pour des prétendants éventuels. Le poids relatif des différents coûts (charges de main-d’œuvre, de matières, etc.) permet d’appréhender les risques ou opportunités d’externalisation et de délocalisation résultant de l’importance des frais de personnel par exemple. L’existence d’économies d’échelle dans le secteur, c’est-à-dire de réduction des coûts unitaires résultant de l’étalement des charges fixes sur des volumes plus importants, nous indique par exemple qu’un nouvel entrant ne pourra pas démarrer petit et qu’une stratégie de petits pas sera inadaptée. Tableau 3.5. Le diagnostic de l’offre Questions Commentaires Menaces / Opportunités / Capacités du secteur • Secteur sous-capacitaire/surcapacitaire ? By $! 4$ Économie du secteur • Existence de barrières à l’entrée ? • Existence de barrières à la sortie ? • Degré de concentration et d’intégration des entreprises du secteur ? • Organisation de la filière et répartition de la valeur ajoutée dans le secteur ? • Rôle des pouvoirs publics dans l’économie du secteur ? Circuit de distribution • Concentration de la distribution ? • Concurrence entre circuits de distribution, multicanal ? • Accès aux circuits de distribution ? • Nombre de niveaux dans les circuits de distribution ? • Cycle de vie des formules de distribution ? Financement du secteur • Besoins de financement ? • Caractère cyclique du besoin de financement ? • Sources de financement habituelles ? publiques ? Technologie • Évolutions technologiques ? • Risques de ruptures technologiques ? |\/ | Structure des coûts • Importance des charges fixes/charges variables ? • Poids relatif des coûts de matière, de main-d’œuvre, de capital ? • Existence d’économies d’échelle ? • Importance de la valeur ajoutée ? • Impact sur la compétitivité ? Synthèse L’existence d’effets d’expérience dans le secteur, c’est-à-dire de réduction de coûts imputables à l’accumulation d’expérience, d’effets d’apprentissage, permet d’appréhender des barrières à l’entrée qui ne sont pas toujours visibles pour l’observateur novice. L’importance de la valeur ajoutée (chiffre d’affaires – charges externes) dans le secteur fournit une idée de la base de création de valeur et de profit par les entreprises. Exemple Les secteurs où la valeur ajoutée est très faible sont en général délaissés par les entreprises. c. L’économie d’un secteur |\/ | L’économie du secteur est définie par plusieurs notions importantes déjà évoquées : By 4$ $! • Les barrières à l’entrée jouent un double rôle. Pour les entrants potentiels, c’est-à-dire les entreprises qui ne sont pas dans le secteur, elles constituent des obstacles qu’il est très prudent d’avoir identifié avant de décider d’investir dans le secteur. En revanche, pour les entreprises du secteur, ces barrières constituent d’efficaces protections qui leur permettent éventuellement de pérenniser des rentes de situation. Il n’est donc pas paradoxal de voir des entreprises se plaindre des barrières à l’entrée, au nom de la libre concurrence, avant de pénétrer un secteur, pour ensuite contribuer à en ériger dès qu’elles sont dans la place. Les barrières à l’entrée dans un secteur • Les économies d’échelle. • Les coûts de transfert. • L’expérience. • L’accès aux circuits de distribution. • La différenciation des produits. • Les avantages spécifiques. • Les besoins de capitaux. • Les pouvoirs publics. • La technologie. • Les barrières à la sortie sont à étudier avant même de décider d’investir un secteur pour connaître les coûts de sortie dans l’hypothèse d’un échec. Les barrières à la sortie • Actifs très spécialisés liés à l’activité ou à un emplacement et ayant une valeur de cession faible ou de reconversion très élevée. • Coûts fixes de sortie, par exemple, de licenciement, de remise en état, de fourniture de pièces détachées. • Interrelations stratégiques entre l’activité dont on souhaite sortir et les autres activités, sur le plan de l’image, des synergies, etc. • Obstacles affectifs qui limitent la mise en œuvre des décisions économiques. • Restrictions des pouvoirs publics. |\/ | • Le degré de concentration ou d’atomisation des acteurs du secteur permet d’évaluer les réactions probables des entreprises déjà implantées et les difficultés associées à la stratégie de pénétration du secteur. 4$ $! • Le degré d’intégration verticale de la filière indique à la fois l’importance de la valeur ajoutée, mais aussi la rigidité de la filière. By • Le rôle des pouvoirs publics est traditionnellement fort dans certains secteurs (le secteur culturel français, par exemple) et il est important de bien prendre la mesure de ce rôle. • Le circuit de distribution doit être analysé avec attention car sa structure conditionne les chances de succès du nouvel entrant. De la même façon, les systèmes de financement et les technologies peuvent avoir des caractéristiques spécifiques à chaque secteur qu’il convient de maîtriser. d. L’éthique du secteur Lorsqu’une entreprise envisage d’investir dans un pays ou dans un secteur, la question du risque éthique se pose. Elle peut influencer la décision stratégique d’investir ou même de rester. En effet, les spécialistes de la criminalité financière et du blanchiment d’argent estiment que 20 % à 25 % de l’économie mondiale se situent en « zone grise » c’est-à-dire dans des secteurs caractérisés par la corruption et les pratiques illégales. Ce phénomène concerne à la fois le secteur public et le secteur privé. Pour le secteur public, plusieurs organismes internationaux classent les pays en fonction de leur degré de corruption. La Banque mondiale établit un classement de la transparence, de la responsabilisation et de la corruption dans le secteur public (base de données EPIN). L’ONG Transparency International(12) publie, quant à elle, un indice de perception de la corruption des personnes occupant des fonctions officielles. Dans les relations entre entreprises ou dans les pratiques des organisations criminelles, les menaces sur l’entreprise sont très nombreuses (séquestration, prise d’otage, violence à l’encontre des salariés, sabotage, attaque terroriste, escroquerie, corruption et, désormais, cybercriminalité). Exemple Un autonomiste corse repenti écrivait dans ses mémoires que, pendant une période de sa vie, il se rendait tous les mois au siège d’un grand club de vacances international dont le patron lui remettait une valise de billets pour éviter le plasticage des lieux de villégiature du groupe. Dans certains cas, le crime organisé pénètre les activités économiques légales à l’insu des managers. Exemple By 4$ $! |\/ | Le DG anglais nommé à la tête d’Olympus, firme japonaise d’électronique, a découvert quelques mois après sa nomination que l’entreprise qu’il dirigeait était en lien avec les yakuza et qu’elle était utilisée dans des opérations de blanchiment menées par la mafia japonaise. Il avait dû démissionner immédiatement après avoir révélé qu’Olympus avait versé des honoraires inhabituellement élevés dans le cadre de plusieurs acquisitions. La difficulté de l’évaluation de l’éthique du secteur réside dans son caractère relatif et dans la nécessité de tenir compte des différences légales, culturelles et de pratiques existant entre les pays. Les entreprises internationales, pour se protéger des risques juridiques dans leur propre pays, définissent des chartes, des codes ou nomment des compliance officers. L’observation montre qu’il existe parfois un écart entre le discours officiel, les règles formelles et les pratiques managériales tolérées. Dans un environnement concurrentiel très exigeant, où les objectifs de rentabilité et de chiffre d’affaires fixés sont de plus en plus élevés, le respect des règles est parfois mis à mal. La question est alors de savoir s’il s’agit de pratiques délictueuses isolées, de pratiques d’entreprises ou de normes informelles du secteur. Exemple Le secteur de la promotion immobilière a souvent connu, dans le passé, une réputation sulfureuse. Le risque encouru est cependant très important. Exemple Les pratiques non éthiques d’Arthur Andersen ont conduit ce cabinet d’audit à sa perte. Il convient dès lors de choisir le traitement que l’on réserve à ces informations lorsque les managers ou les équipes de direction y ont accès. Exemple Le patron d’un des leaders mondiaux de la publicité indiquait avoir renoncé au rachat d’une agence de publicité dans un pays du fait des liens entre cette agence et la mafia locale découverts dans la phase de due diligence. 3. Les groupes stratégiques |\/ | a. Le diagnostic des groupes stratégiques $! Le choix d’une stratégie suppose une analyse fine de la situation, des orientations et des potentiels de développement et particulièrement de réaction des concurrents. By 4$ Même si la collecte de l’information en est souvent délicate – chacun met tout en œuvre pour masquer sa situation réelle –, l’analyse de la concurrence au sein des groupes stratégiques apparaît comme une étape indispensable du diagnostic externe. Le tableau 3.6 résume les questions qu’il convient d’aborder pour chacun des principaux concurrents actuels et potentiels de l’entreprise. Tableau 3.6. Le diagnostic du groupe stratégique Questions Commentaires Menaces / Opportunités / $! By 4$ Conception de la concurrence ? • Sur l’évolution de son entreprise ? • Sur l’évolution des concurrents et du secteur ? Les capacités de la concurrence ? • Forces et faiblesses fonctionnelles – Marketing ? – Production ? – Organisationnelles ? – Financières ? – Humaines ? etc. • Capacités de croissance ? • Capacités d’adaptation au changement ? • Capacité de résistance ? Synthèse |\/ | Objectifs et stratégie de la concurrence ? • Quels sont les objectifs ? • Quelle est l’attitude à l’égard du risque ? • Quelles sont les valeurs et les croyances ? • Quel est le portefeuille d’activité du concurrent ? • Quelle est la stratégie du concurrent ? Au sein d’un champ concurrentiel déterminé, toutes les entreprises ne se heurtent pas également de manière frontale. Selon les choix stratégiques (et opérationnels) retenus, les entreprises peuvent se trouver dans une situation de très forte compétition (elles ont fait des choix voisins) ou au contraire se sentir relativement peu en interdépendance (elles ont opéré des choix différents). On parle ainsi de groupes stratégiques lorsque, dans un univers concurrentiel déterminé, on repère des entreprises proches les unes des autres. Le champ de la compétition devient une sorte de carte, non pas du Tendre comme dans l’amour courtois, mais de la férocité. Les facteurs concurrentiels qui permettent de savoir si l’on se trouve dans le même groupe stratégique qu’un adversaire sont, par exemple : – la politique de prix élevé ou de pénétration ; – la recherche d’une vente à haute valeur ajoutée ou au contraire dépouillée ; – l’étendue de la gamme offerte ; – la présence ou non à différents niveaux de la filière ; – le recours à une vente directe ou indirecte ; – l’intérêt pour un marché régional ou national. Un groupe rassemble des entreprises dont les caractéristiques stratégiques sont voisines. Il serait cependant illusoire de penser que ces groupes sont stables. Exemple Dans le secteur de la restauration, on compare, d’un côté, McDonald’s à Quick et Burger King ; de l’autre, Pizza Hut à Pizza Pino. Des chaînes de restauration comme Chez Clément et Hippopotamus se trouvent dans un autre groupe stratégique. |\/ | b. La collecte de l’information 4$ $! L’analyse de la concurrence pose des problèmes de collecte d’information essentiels et délicats. Sans un recueil systématique des données, une analyse sérieuse de la situation de la concurrence est difficilement envisageable. La collecte peut être ponctuelle et réalisée en vue d’une étude ad hoc ou systématique et s’intégrer à un véritable système de veille concurrentielle. By Dès lors, comment les entreprises procèdent-elles pour collecter de l’information sur les concurrents ? Cette opération s’avère plus simple qu’on pourrait le penser et les entreprises sont généralement très informées de ce qui se passe chez leurs concurrents. Ne perdons pas de vue que 95 % des informations nécessaires à ce que l’on appelle désormais l’intelligence économique sont disponibles sur en ligne et dans la presse. La figure 3.14 classe ces techniques en quatre catégories selon leur degré de facilité et leur caractère éthique. Figure 3.13. Un exemple de carte des groupes stratégiques Figure 3.14. Les techniques de collecte de l’information sur les concurrents On notera que de nombreuses informations figurent dans l’entreprise de façon latente, mais qu’un déficit d’organisation interne empêche que ces informations ne parviennent aux personnes clés chargées du diagnostic. Certaines entreprises mettent d’ailleurs en place des systèmes organisés de remontée de ces informations. Dans la collecte d’informations sur les concurrents, il convient de toujours vérifier la qualité des sources et de savoir que les concurrents peuvent délibérément diffuser de fausses informations. c. La veille stratégique 4$ $! |\/ | La rapidité accrue des modifications de l’environnement, le rôle toujours plus grand des interdépendances sur les marchés plus concurrentiels conduisent les entreprises à systématiser les procédures de collecte d’informations auprès de leurs partenaires comme de leurs concurrents, ou encore plus généralement auprès de tous les acteurs du monde des affaires. Le repérage des concurrents By On propose souvent une démarche en quatre étapes : Durant cette phase, tous les acteurs de l’environnement de l’entreprise sont identifiés et, grâce à des méthodes telles que la méthode Delphi, on tente d’attribuer à chacun les traits dominants les plus pertinents : concurrents directs et indirects (au sens de potentiels), clients et fournisseurs, pouvoirs publics, syndicats, « mouvements » d’opinion, etc. L’établissement des profils concurrentiels Dans un tableau à double entrée (en ligne les critères concernant les coûts, les systèmes de gestion, la distribution, la qualité de la fabrication, etc. ; en colonne, les concurrents), on porte des appréciations issues du point précédent. Le tableau est utilisé soit de manière verticale (un cadre de l’entreprise se « met dans la peau » d’un concurrent et joue un rôle virtuel, il devient son « ombre » et essaie de réagir comme il lui semble que l’original le ferait), soit de manière horizontale (on se compare sur un critère de management à l’ensemble des concurrents et l’entreprise tente de se rapprocher de celui qu’elle juge le plus performant : c’est le benchmarking). Le benchmarking Cette méthode a commencé à être pratiquée chez Xerox. Elle consiste à comparer et à évaluer les modalités selon lesquelles sont accomplis les tâches ou les services dans chaque unité par rapport aux concurrents mondiaux les plus redoutables ou à d’autres entreprises de secteurs différents. La meilleure performance devient la référence (benchmark) à atteindre et à dépasser. La mise en place d’un tableau de bord Toutes les informations concurrentielles sont collectées et présentées de manière synthétique après le recours à un dialogue permanent entre tous les responsables, de sorte que chacun se sente motivé par la mise en état de veille. Le document n’est pas figé et vit au gré des modifications de l’environnement. L’élaboration d’un système de veille stratégique La démarche est au total double : 4$ $! |\/ | Pour alimenter le système d’information, la veille devient permanente et systématisée auprès de l’ensemble des acteurs. Tous les signaux, les plus forts comme les plus faibles, sont collectés et analysés. Le « veilleur stratégique » participe au plus grand nombre de réseaux pour recueillir et comparer les informations selon leur source. By – agir de la façon la plus active pour s’informer auprès de toutes les sources avec pour seule limite les obligations légales et éthiques que l’entreprise s’impose ; – se protéger strictement de toute tentative d’intrusion en faisant valoir à tout le personnel le caractère vital de l’information stratégique. La diversité des sources d’information de veille 1. Banque de données Internet et centres de documentation. 2. Presse écrite et orale : quotidiens, magazines, revues professionnelles, télévision et radio. 3. Organismes privés et publics : chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers, services administratifs, Insee, DAFSA, groupe Profideo, Xerfi, etc. 4. Partenaires de l’entreprise : syndicats professionnels, réunions et salons, banques, fournisseurs et clients. 5. Concurrents : annonces de recrutement, catalogues, rapports annuels. 6. Contacts divers : clubs d’affaires et de services, colloques et séminaires, réseaux d’anciens élèves. 7. Réseaux sociaux : LinkedIn, Viadeo, etc. Ainsi, chez L’Oréal, l’exploration de l’environnement prend sept formes : – veille technologique : elle est très formalisée et est diffusée d’un laboratoire à l’autre par la circulation de documents internes ; – veille sociétale : suivi des grandes mutations de la société et des évolutions comportementales et socioculturelles des consommateurs ; – veille concurrentielle : surveillance de tous les concurrents actuels, directs, indirects et potentiels ; – veille commerciale : essentiellement consacrée aux questions de distribution des produits ; – veille législative : France, Union européenne et autres pays ; – veille géographique : suivi des marchés étrangers et de tous les problèmes liés à la mondialisation du groupe ; – veille géopolitique : recherche d’informations utiles aux décisions stratégiques en collaboration avec des instituts spécialisés en participant à des symposiums. 4. L’intensité concurrentielle $! a. Les six forces concurrentielles |\/ | L’intensité concurrentielle mise en avant par M. Porter qui prévaut dans un secteur détermine le niveau de rentabilité moyen des firmes et influence les stratégies suivies par les entreprises. 4$ L’analyse de cette intensité concurrentielle doit prendre en compte six forces, dont les cinq premières sont empruntées à Porter : By • Le pouvoir de négociation des fournisseurs. Dans le secteur, les fournisseurs des entreprises ont-ils la capacité d’exercer une pression sur leurs clients pour leur « dicter » leurs conditions ? Sans doute est-ce le cas dans la « presse » où les fabricants de papier sont tout-puissants. • Le pouvoir de négociation des clients. Se trouvent-ils dans une situation privilégiée les autorisant à s’imposer dans les échanges ? Voilà un cas qui se retrouve dans l’industrie agroalimentaire avec une grande distribution décidant souverainement de ce qu’elle consent à vendre. • La menace de nouveaux entrants. Des entreprises n’appartenant pas à un secteur sont-elles susceptibles, avec leur acquis, de capitaliser ailleurs, d’envahir le secteur ? C’est l’exemple de Free qui a fait un jour irruption sur le marché des téléphones portables. • La menace de produits substituables. Peut-on imaginer que les produits actuellement fabriqués ou les services aujourd’hui proposés soient un jour concurrencés par d’autres produits ou services ? Est-ce aujourd’hui le cas des ordinateurs auxquels se substituera peu à peu l’écran des tablettes ? • La rivalité entre les entreprises existantes. À l’heure actuelle, la paix règne-t-elle entre les concurrents en présence ou se livrent-ils une guerre sans merci ? La rivalité entre CocaCola et Pepsi Cola ou Airbus et Boeing est sans conteste moins policée que celle que l’on observe entre les banques. Sur ces cinq premières forces agit un facteur important, la puissance publique, qu’il convient de ne pas négliger, sans oublier, pour les entreprises européennes, l’environnement bruxellois ! Quels que soient les pays ou les zones d’implantation, les entreprises sont soumises au regard d’autorités régulatrices diverses. Nous rajoutons ce dernier facteur au modèle de Porter, de façon à permettre un traitement plus réaliste des cas d’entreprises européennes mais aussi anglo-saxonnes. Exemple Les démêlés de Uber ou Google avec les justices américaine et européenne illustrent le rôle des pouvoirs publics. Ces forces déterminent l’intensité concurrentielle et par voie de conséquence la rentabilité du secteur (figure 3.15). $! |\/ | L’intensité de chaque force concurrentielle est fonction d’une série de caractéristiques structurelles propres à chaque secteur que nous détaillerons ci-après. Nous envisageons en premier lieu l’impact des trois acteurs existants (fournisseurs, clients, concurrents) pour ensuite traiter des deux facteurs de menace (les entrants potentiels et les produits substituables). Figurent dans le schéma, verticalement, la filière actuelle ; horizontalement, les facteurs pouvant la menacer. By 4$ Figure 3.15. Les six forces commandant l’intensité concurrentielle et la rentabilité d’un secteur Le pouvoir de négociation des fournisseurs Ce pouvoir est fort et révèle une grande intensité concurrentielle : – si les fournisseurs sont plus concentrés que les clients atomisés auxquels ils vendent ; – s’il n’existe pas de produit de remplacement ; – si le secteur n’est pas un client important des fournisseurs ; – si le produit du fournisseur est un moyen de production essentiel dans le secteur d’activité du client et particulièrement lorsqu’il n’est pas stockable ; – si les fournisseurs ont su créer des coûts de transfert, c’est-à-dire des coûts qui seront supportés par le client s’il change de fournisseurs ; – si les fournisseurs ont différencié leurs produits ; – si les fournisseurs constituent une menace crédible d’intégration en aval et de prise de contrôle de leur client ; – si les pouvoirs publics les protègent. Lorsque le pouvoir de négociation des fournisseurs est élevé, ceux-ci imposent leurs tarifs et conditions générales de vente. Cela se traduit par des conditions d’achat moins favorables et par une chute des marges. Dans le cas inverse, ce sont les entreprises du secteur qui dictent leurs conditions à leurs fournisseurs. Le terme « fournisseurs » doit être ici entendu au sens large. Il s’agit non seulement des fournisseurs de matières, produits et services, mais aussi des banques ou des fournisseurs de main-d’œuvre. Les coûts de transfert : un facteur de fidélité |\/ | • Les coûts financiers – Pénalités liées à la rupture anticipée de contrat (maintenance, assurance). $! – Perte de ristournes progressives de fin d’année (distribution). 4$ – Frais de restitution de matériel de présentation ou de stockage au fournisseur (énergie). – Dépôt de garantie (secteur bancaire) ou coût du paiement comptant. By • Les coûts organisationnels – Adaptation aux procédures du nouveau fournisseur. – Adaptation des logiciels (échange de données informatisées). • Les coûts relationnels – Délais de connaissance des interlocuteurs. – Délais de création d’un climat de confiance. Le pouvoir de négociation des clients et des distributeurs L’intensité du pouvoir des clients est élevée si : – les clients sont concentrés ou achètent des quantités importantes par rapport au chiffre d’affaires du vendeur ; – les produits achetés représentent une part importante des coûts ou des achats du client ; – les produits achetés sont normalisés ou indifférenciés ; – les coûts de transfert sont négligeables ; – les profits ou les marges des clients sont faibles ; – les clients représentent une menace crédible d’intégration en amont ; – le produit n’influe pas ou peu sur la qualité du service ou des produits du secteur ; – les clients disposent d’une information complète ; – les pouvoirs publics protègent les clients ; – les changements technologiques les favorisent : la généralisation des codes-barres a renforcé le pouvoir des seules sociétés d’étude qui pouvaient les utiliser pour collecter l’information par ce canal, c’est-à-dire les plus grandes. La rivalité entre les concurrents existants Cette rivalité est d’autant plus intense que : – les concurrents sont nombreux ; – les concurrents sont sensiblement de force égale ; – la croissance du secteur est lente ou négative ; – les coûts fixes sont élevés ; – les augmentations de capacité se font par paliers importants ; |\/ | – les produits sont indifférenciés ; $! – les coûts de transfert sont faibles ; 4$ – les concurrents sont divers en termes d’objectifs, de personnalité, de culture ; – les enjeux stratégiques sont élevés ; By – les obstacles à la sortie sont élevés ; – les changements technologiques sont importants. La menace des nouveaux entrants Cette menace dépend essentiellement de deux facteurs. Elle est grande si : – les obstacles à l’entrée dans le secteur sont réduits ; – la crainte de la riposte est inexistante. Les barrières à l’entrée du secteur augmentent si : – les économies d’échelle, c’est-à-dire les diminutions des coûts unitaires résultant des volumes produits par période, sont importantes. En effet, les économies d’échelle imposent au nouvel entrant potentiel de produire immédiatement de grands volumes pour être compétitif ; – l’expérience accumulée par les entreprises en place est significative et constitue un avantage de coût ; – la différenciation des produits perçue par les clients est forte. Ceux-ci sont ainsi fidèles à leurs fournisseurs du fait de l’image de marque des entreprises du secteur et le nouvel entrant potentiel devra investir massivement en communication pour dépasser cette barrière à l’entrée ; – le besoin de capitaux requis pour s’implanter dans le secteur est considérable. Il s’agit tant du ticket d’entrée lié aux investissements matériels que de ceux indispensables pour communiquer dans les médias ; – les coûts de transfert que devront supporter les clients s’ils changent de fournisseurs sont conséquents ; – l’accès aux circuits de distribution est compliqué et les entreprises concurrentes s’efforcent de limiter cet accès ; – les entreprises présentes dans le secteur ont développé des avantages spécifiques dont ne peuvent se doter les nouveaux entrants (brevets, accès favorables aux matières premières, localisation, subventions, etc.) ; – les pouvoirs publics soutiennent ou protègent les entreprises du secteur par des restrictions publiques à l’entrée (réglementations, autorisations administratives, normes, etc.) ; |\/ | – des évolutions technologiques privilégient une entreprise (c’est parce que l’électronique a supplanté la mécanique en horlogerie que Texas Instruments a pu entrer dans ce secteur). $! La crainte de la riposte des entreprises du secteur 4$ Elle dépend : – des pratiques antérieures du secteur ; une réaction très agressive d’une entreprise du secteur étant susceptible de dissuader un entrant potentiel ; By – des ressources des firmes du secteur ; celles-ci donnant une idée de leur capacité de réaction dans l’hypothèse d’une guerre commerciale ; – de la croissance du secteur, capable ou non d’intégrer, sans dommages pour les entreprises actuelles, les nouveaux entrants. La menace des produits substituables Le risque d’arrivée des substituts est fort : – si les niveaux de prix et de profits du secteur sont élevés ; – si les fonctions remplies par les produits du secteur peuvent être satisfaites aisément par d’autres produits pour un rapport qualité/coût avantageux ; – s’ils sont adossés à une technologie nouvelle (le développement de la fibre optique a accéléré la concurrence entre les câblo-opérateurs et les chaînes TV hertziennes). Le rôle des pouvoirs publics et des autorités de régulation Il convient désormais de souligner le rôle essentiel joué par les pouvoirs publics (réglementation sur la concurrence, sur les relations fournisseurs-clients, incitations fiscales, etc.) et les autorités de régulation dans certains secteurs (télécommunications, audiovisuel, énergie, pharmacie) sur l’intensité de la concurrence au sein des secteurs. Il serait erroné de penser que l’influence des pouvoirs publics et de ces organismes se limite au continent européen. Les entreprises se doivent désormais de les intégrer dans leurs analyses stratégiques. Les pouvoirs publics et les autorités de régulation influencent aussi bien les pouvoirs de négociation des fournisseurs et des clients (réglementations) que les menaces de nouveaux entrants (autorisations) ou de substituts (incitations à l’investissement) ou encore des concurrents (réglementation des fusions). Cependant, on comprend bien que leur rôle n’est pas comparable à celui des cinq autres forces. En pratique, cette sixième force altère les cinq forces précédentes et le libre jeu du marché. Ainsi, par exemple, le pouvoir de négociation des clients peut être limité par voie réglementaire. b. La synthèse de l’analyse concurrentielle La prise en compte de l’ensemble de ces cinq premières forces et du rôle modérateur de la sixième conduit à apprécier l’importance de l’intensité concurrentielle du secteur. La collecte analytique des informations sur chacune des forces est synthétisée et se traduit par un jugement d’ensemble. Enfin, on peut rassembler, dans une note, les informations collectées sur chacune des cinq forces à l’aide du tableau 3.7. By 4$ $! |\/ | Tableau 3.7. Une synthèse de l’analyse de l’intensité concurrentielle La position des curseurs permet à l’entreprise de savoir si le domaine qu’elle analyse est particulièrement attractif (fournisseurs et clients dominés, pas de menace des substituts ou de nouveaux entrants, compétition modeste entre les acteurs actuels : c’est le jardin d’Éden) ou, au contraire, répulsif (fournisseurs et clients puissants, substituts prêts à se positionner, nouveaux entrants sur le pied de guerre, compétition rude : c’est l’Enfer). L’analyse de l’intensité concurrentielle est bénéfique aussi bien pour l’entreprise déjà présente dans le secteur que pour celles qui souhaitent s’y implanter. La première mène une analyse des cinq forces et cherche le moyen d’être la mieux placée (en cas d’atouts) ou la moins mal placée (en cas de menaces) par rapport à ses concurrents. Les secondes peuvent comparer les analyses globales qu’elles mènent sur plusieurs secteurs qui les intéressent également. Pour une entreprise comparant plusieurs secteurs dans lesquels investir, la représentation sous la forme d’une étoile sectorielle permet de synthétiser formellement et efficacement l’analyse. Sur la figure 3.16, chacune des cinq forces de Porter est représentée sur l’axe. Plus la force ou la menace est grande, plus elle se situe loin de l’origine. Figure 3.16. L’étoile sectorielle : deux exemples différenciés (secteurs A et B) c. Les limites de l’analyse de Porter Pour conclure, gardons à l’esprit que l’analyse présentée ici date de plus de trente ans. Ellle conserve un réel pouvoir explicatif de l’intérêt qu’une entreprise peut trouver à rester dans un secteur, mais on lui adresse aujourd’hui deux critiques. $! |\/ | La première est qu’elle intègre mal la dynamique concurrentielle ; elle est trop statique. Dans le monde réel, tous les éléments évoluent à grande vitesse et il est alors nécessaire de repérer les tendances plus que la situation à un instant donné. By 4$ La seconde tient à l’idée même de secteur. On sait que les notions de secteur, de marché, d’activité sont beaucoup plus floues qu’elles ne l’étaient naguère. Un secteur n’est plus un ensemble bien délimité avec des concurrents, des clients, des fournisseurs, des entrants potentiels. Tous les acteurs sont connectés dans des réseaux (un concurrent peut être en même temps un fournisseur et un client !), un secteur se défait, se reconstruit, se transforme, de sorte que l’idée de « barrières », chère à Porter, perd de son pouvoir explicatif. Une barrière vaut si elle est dressée devant un ensemble fermé bien délimité ; elle est sans réalité devant un espace ouvert aux dimensions évolutives. Dans les environnements que l’on qualifie d’hypercompétitifs, la présente analyse n’a plus sa place. Le modèle d’écosystème d’affaires permet de dépasser cette critique du cadre d’analyse de Porter. Les frontières des marchés disparaissent Amazon lance Workmail, un service de messagerie à destination des entreprises, et entre ainsi en compétition avec Microsoft et Google. Facebook autorise ses utilisateurs à créer eux-mêmes des applications et entre sur le marché de Apple, tout en facilitant l’accès des entreprises à sa plate-forme, ouvrant ainsi la porte du ecommerce, en concurrence avec Amazon. C. Le modèle écosystème d’affaires (ESA)(13) Le cadre d’analyse de l’écosystème d’affaires (ESA) apparaît comme une perspective supplémentaire en management stratégique. Elle a pour caractéristique d’intègrer la diversité des acteurs et la complexité de leurs liens. En rupture avec l’approche sectorielle, et notamment celle de Porter, cette perspective propose d’inclure les membres socio-économiques directement ou indirectement reliés à l’activité. Elle est donc particulièrement utile pour comprendre et diagnostiquer l’environnement économique d’une entreprise. L’écosystème d’affaires représente « la communauté économique supportée par une base d’organisations et d’individus en interaction, les organismes composant le monde d’affaires. Cette communauté économique offre des produits et services de valeur aux clients, qui sont eux-mêmes membres de l’écosystème. Les membres incluent les fournisseurs, les producteurs, les concurrents et autres parties intéressées. Leurs capacités et rôles coévoluent à travers le temps, et ont tendance à s’aligner avec les directions choisies par une ou plusieurs entreprises centrales. Les entreprises exerçant un rôle de leader peuvent changer à travers le temps, mais la fonction de leader dans l’écosystème est valorisée dans la communauté car elle permet à ses membres d’avancer selon des visions communes, d’aligner les investissements et de bénéficier de supports mutuels. »(14) |\/ | Cette définition de l’écosystème a pour intérêt d’intégrer diverses parties prenantes, absentes dans la chaîne de valeur traditionnelle. $! Exemple 4$ Les structures professionnelles, les institutions académiques, les administrations, les syndicats, les actionnaires sont inclus dans l’analyse ESA. By Les acteurs sont regroupés au sein de trois niveaux d’interaction : • Le cœur de métier. Il représente les membres affectant l’activité socioéconomique centrale (fournisseurs, distributeurs, et compétences motrices). • L’entreprise élargie. Elle intègre les acteurs constituant le réseau immédiat (clients, clients des clients, fournisseurs des fournisseurs, etc.). • L’écosystéme (figure 3.17). Il englobe les parties intéressées invisibles dans les représentations habituelles des réseaux d’acteurs (gouvernements, acteurs sociaux, associations, compétiteurs, etc.). Figure 3.17. L’écosystème d’affaires (ESA) D’après J. F. Moore. Ce cadre permet d’intégrer tous les acteurs susceptibles d’expliquer le fonctionnement et l’évolution de ce qui est considéré comme un écosystème d’affaires. $! |\/ | L’écosystème d’affaires est d’abord une nouvelle représentation qui met les diverses parties prenantes en réseau. Quatre éléments caractérisent un écosystème d’affaires et permettent de mieux analyser les rôles et actions des acteurs à des fins de diagnostic : By 4$ • L’interdépendance des membres pour leur développement et leur survie. Cela explique le choix de mise en commun des ressources et compétences pour le développement de nouveaux services ou technologies. Les concurrents ont un impératif de coopération ou de co-création de valeur. La coopétition se substitue à la compétition traditionnelle. La complémentarité entre les membres de l’Ecosystème d’Affaires est une condition de l’innovation. • L’hétérogénéité. La diversité des acteurs est une condition sine qua non de la complémentarité et de la dynamique de l’ESA. Les autorités de régulation doivent veiller à ce que les entreprises les plus puissantes ne réduisent pas, par absorption des concurrents, cette diversité, source d’innovation. • La dynamique de l’évolution des relations entre les acteurs. L’instabilité et l’évolution des rôles caractérisent l’ESA. • L’impact direct des actions de chacun sur l’ensemble de l’ESA. On retrouve là une caractéristique générique des systèmes. Les stratégies dynamiques et évolutives des acteurs de l’ESA le font évoluer et suivre un cycle de vie dans lequel Moore identifie quatre étapes : – la naissance ; – l’expansion ; – le leadership ; – l’auto-renouvellement. L’analyse en termes d’écosystème d’affaires permet d’avoir une vue plus globale de la dynamique de l’environnement d’une enteprise. Exemple L’analyse ESA s’applique notamment aux secteurs des télécommunications, du numérique, de la santé ou encore de l’’éducation. Voisin du modèle ESA, le modèle de filière repose sur la description de toutes les relations existantes entre les acteurs dans une filière. Ces relations relèvent de cinq natures différentes. 4$ $! |\/ | Figure 3.18. Modèle de filière (exemple d’assainissement de l’eau) By D’après Marc Diviné, Marketing B to B, Vuibert, 2e édition, 2016. D. Les facteurs clés de succès Pour survivre et se développer dans un secteur, une entreprise doit répondre à deux types de questions : • Que veulent les clients, que souhaite le marché ? • Comment affronter la compétition émanant des concurrents ?(15) Exemple Dans le secteur de l’hôtellerie, on sait que les clients incluent la sécurité dans le niveau de qualité et que, pour affronter la compétition, il faut avoir une perspective mondiale. Les FCS porteront à la fois sur la définition de normes rigoureuses et sur la sélection de localisations prioritaires. Un facteur clé de succès (FCS) dépend de l’environnement (c’est une caractéristique que l’entreprise doit maîtriser si elle veut s’imposer dans un domaine) et conditionne le diagnostic interne. Le principe est simple. Il consiste à formuler un diagnostic sur les seuls facteurs déterminants du succès de l’entreprise dans un secteur concurrentiel donné. La méthode repose sur l’hypothèse que la réussite d’une entreprise dépend d’une « formule stratégique » dont les composants sont en fait peu nombreux. Il suffit, dans une perspective stratégique, de porter son attention sur les compétences requises pour la mise en œuvre de la stratégie dans le secteur (figure 3.19). Figure 3.19. L’identification des facteurs clés de succès (FCS) |\/ | Les facteurs clés de succès diffèrent selon les secteurs industriels. Ohmae donne des exemples de facteurs clés visant soit à améliorer la rentabilité, soit à développer les parts de marché dans différentes branches d’activité. By 4$ $! Figure 3.20. Un exemple de maîtrise des FCS dans le secteur de la restauration professionnelle On peut dès lors définir les facteurs clés de succès comme « les caractéristiques de toute nature requises par l’entreprise dans un environnement déterminé pour qu’elle atteigne les objectifs qu’elle s’est fixés ». Tableau 3.8. Des FCS variables selon les secteurs K. OHMAE, Le Génie du stratège, Dunod, 1991, p. 35. |\/ | De même que chaque secteur appelle des FCS spécifiques, une volonté stratégique particulière implique des FCS adaptés. $! Exemple By 4$ Une entreprise souhaitant mener une politique de volume devra d’abord bien maîtriser tous les processus de contrôle ; une firme préférant se recentrer aura pour impératif de dominer prioritairement la gestion des plans sociaux. Il convient de souligner enfin que des FCS dépendent des différentes phases du cycle de vie d’un DAS. Le diagnostic opéré sous cette forme vient compléter les autres outils en mettant en relation l’interne et l’externe : une capacité donnée d’une entreprise ne devient un FCS qu’au regard d’un environnement précis et d’objectifs définis. Ce qui est important ici, c’est donc d’apprécier la maîtrise par l’entreprise des FCS imposés par l’environnement. Figure 3.21. Le cycle de vie et les FCS Nous analyserons par la suite, à propos de la stratégie Océan Bleu, la façon dont les entreprises peuvent rechercher des espaces de compétition dans lesquels les facteurs clés de succès diffèrent de ceux habituellement mis en avant. C’est la Strategy Canvas. E. La méthode des scenarii Le futur étant par définition imprévisible, la méthode des scenarii consiste à formuler quelques hypothèses globales sur les variables clés du secteur. De façon à synthétiser les informations disponibles sur l’évolution de l’environnement et à en extraire les éléments les plus importants pour l’avenir de l’entreprise, la méthode des scenarii peut en effet se révéler utile. Elle repose souvent sur l’appel à des experts dont les points de vue sont confrontés. Les scenarii correspondent à des visions alternatives de l’évolution de l’environnement de l’entreprise. Ces scenarii servent de base à l’élaboration de stratégies adaptées. La démarche peut être résumée ainsi : – identification des variables clés du secteur (démographique, prix du pétrole, espérance de vie, etc.) ; |\/ | – hypothèses d’évolution de ces quelques variables clés (forte, moyenne, faible) en intégrant ce que l’on appelle les tendances lourdes ; $! – scenarii d’évolution du secteur (pessimiste, probable, optimiste) ; 4$ – stratégies pour chaque scénario. By Tableau 3.9. Un exemple simplifié de scénario d’évolution de l’industrie pharmaceutique L’entreprise Shell a joué un rôle de précurseur dans l’utilisation de la méthode des scenarii et Thiétart cite l’anecdote selon laquelle, en 1979, le groupe pétrolier disposait d’un scénario envisageant un conflit armé dans le Golfe persique impliquant l’intervention d’armées occidentales pour protéger les sources d’approvisionnement en pétrole ! La méthode des scenarii n’est pas une technique de prévision, mais plutôt un processus de réflexion et de communication interne sur le devenir de l’entreprise. Comme pour toutes les techniques stratégiques, la méthode des scenarii vaut plus par le processus que par le résultat. III. Le diagnostic stratégique interne L’objectif du diagnostic interne est la mise en évidence des forces et faiblesses de l’entreprise qui lui permettront de choisir les stratégies les mieux adaptées à ses ressources et à son potentiel. Plusieurs méthodes complémentaires, parmi lesquelles il convient de choisir, sont utilisées. A. Les fonctions et les processus Classique dans sa démarche, ce diagnostic consiste à aborder successivement les différentes fonctions et processus de l’entreprise. Dans cette approche analytique, il convient de distinguer successivement trois étapes. 1. La détermination des fonctions et processus à analyser À côté des fonctions habituelles (commercial, production, finance, personnel, recherche et développement, approvisionnement, logistique, etc.), il convient de ne pas négliger les activités plus transversales dont l’impact sur la performance est grandissant. Ce sont les processus de finalisation, d’organisation, d’animation, de contrôle, d’information (figure 3.22). By 4$ $! |\/ | Figure 3.22. Les fonctions et processus à diagnostiquer Les fonctions à retenir dépendent à la fois de l’organisation de l’entreprise, de son organigramme, mais aussi de son activité. Négliger la fonction logistique dans le domaine de la vente par Internet constituerait un oubli ruineux ! 2. La définition des critères d’évaluation On définit pour chaque fonction une liste de critères d’appréciation permettant d’évaluer les forces et faiblesses de l’entreprise. Ces listes sont nombreuses et leur définition doit, avant tout, être adaptée à l’activité de l’entreprise. Il n’existe pas en la matière de liste « idéale » de critères. À titre d’illustration, on peut retenir, sans prétendre à l’exhaustivité, les critères suivants, pour quelques fonctions et processus de l’entreprise. Les tableaux 3.10 à 3.17 permettent, pour chaque critère, de préciser s’il s’agit plutôt de forces ou de faiblesses et de formuler des commentaires sur la situation de l’entreprise. Le travail de choix des critères et la réflexion qui l’accompagne sont aussi fondamentaux que le tableau final. La démarche de construction des tableaux menée, par exemple, par quelques cadres dirigeants avec l’appui d’un consultant est un redoutable exercice d’introspection pour déterminer tous les items (sans en oublier) sur lesquels on s’apprête à se juger soi-même. Tableau 3.10. Le diagnostic de la fonction commerciale Critères By 4$ $! • Portefeuille produits • Volume des ventes • Parts de marché • Répartition géographique du chiffre d’affaires • Répartition par canaux de distribution du chiffre d’affaires • Politique de marge • Image de marque • Étendue de la gamme • Qualité des produits • Qualité du service • Politique de prix • Fidélité de la clientèle • Maîtrise du marketing digital • Efficacité de la force de vente • Efficacité de la publicité • Efficacité des promotions • Efficacité du marketing direct • Etc. SYNTHÈSE |\/ | Faiblesses / Forces Commentaires / Tableau 3.11. Le diagnostic de la fonction finance Critères 4$ $! • Rentabilité • Endettement à long et moyen termes • Endettement de court terme • Solvabilité • Trésorerie • Stocks (évolution et poids) • Créances clients • Sources de financement • L’entreprise est-elle rachetable, « opéable » ? • Cotation boursière • Dettes fournisseurs • Part des frais financiers dans le chiffre d’affaires • Flexibilité financière • Etc. SYNTHÈSE |\/ | Faiblesses / Forces Commentaires / Critères By Tableau 3.12. Le diagnostic de la fonction production • Capacité de production • Qualité de la production • Flexibilité de la production, quantitative et qualitative • Taux de sous-traitance • Délai de production • Âge de la technologie • Âge des équipements • Coûts de production • Localisation de la production • Qualité du service après-vente • Structure des coûts • Logistique • Etc. SYNTHÈSE Faiblesses / Forces Commentaires / Tableau 3.13. Le diagnostic de la fonction R&D Faiblesses / Forces Commentaires / Critères |\/ | • Innovations technologiques • Innovations du process • Innovations produits • Innovations services • Dépôts de brevets • Potentiel de recherche • Moyens affectés à la R & D • Intégration de la R & D dans la structure • Adaptation au marché des innovations • Etc. SYNTHÈSE Tableau 3.14. Le diagnostic de la fonction personnel $! 4$ Critères Faiblesses / Forces Commentaires / By • Pyramide des âges • Compétences • Formation • Rotation du personnel • Absentéisme • Rémunération • Part des salaires dans le chiffre d’affaires • Capacité d’attraction des compétences • Etc. SYNTHÈSE Tableau 3.15. Le diagnostic de l’organisation Critères By 4$ $! • Une structure a-t-elle été clairement définie ? • Un organigramme à jour est-il diffusé ? • La structure est-elle adaptée à la stratégie ? • Les mécanismes de coordination sont-ils adaptés à l’activité ? • Les fonctions importantes sont-elles rattachées à la direction ? • Le système d’information est-il cohérent avec la structure ? • La surveillance de l’environnement est-elle intégrée dans la structure ? • La structure est-elle adaptée à l’évolution de l’environnement ? • Les procédures essentielles sont-elles définies ? • Etc. SYNTHÈSE |\/ | Faiblesses / Forces Commentaires / Tableau 3.16. Le diagnostic de la culture Critères By 4$ $! • Existe-t-il des valeurs communes ? Sont-elles diffusées ? • L’histoire de l’entreprise est-elle connue ? Estelle valorisée ? • L’entreprise a-t-elle des héros ? • L’entreprise entretient-elle des mythes ? Développe-t-elle les symboles d’appartenance et les rites ? • Un langage propre est-il développé ? • La culture est-elle bureaucratique ? fermée ? ouverte ? réactive ? adaptative ? • La culture est-elle orientée marché, recherche, production ? • Le personnel a-t-il un sentiment d’appartenance ? • La culture est-elle adaptée à la stratégie de l’entreprise ? • La culture est-elle adaptée au secteur et à son évolution ? • Etc. SYNTHÈSE |\/ | Faiblesses / Forces Commentaires / Tableau 3.17. Le diagnostic de la direction Faiblesses / Forces Commentaires / Critères |\/ | • L’actionnariat est-il stable ? • Le conseil d’administration est-il performant ? • L’équipe de direction a-t-elle montré sa compétence, sa cohésion ? • Quels sont les objectifs personnels des dirigeants ? • Quelles sont les formations de chaque dirigeant ? • Quel est l’âge de chaque dirigeant ? • Les tâches sont-elles bien réparties ? • Etc. SYNTHÈSE 3. Le mode d’évaluation 4$ $! Lorsque l’on procède à un diagnostic des fonctions ou des processus de gestion de l’entreprise, trois approches sont possibles. By La première consiste à procéder à une évaluation de l’entreprise, dans l’absolu, sans tenir compte des concurrents ou de l’environnement. On est là dans une approche classique d’audit d’une fonction. Le résultat de ce diagnostic peut être visualisé sous la forme d’un profil de compétence (figure 3.23). La deuxième, plus stratégique, conduit à évaluer l’entreprise ou le domaine d’activité stratégique de manière relative, par rapport à ses concurrents. En matière stratégique, l’évaluation relative est de loin préférable. Ce qui compte, en effet, ce ne sont pas les qualités ou les défauts de l’entreprise, mais ses caractéristiques relatives, par rapport à celles des concurrents. Cela témoigne à nouveau de l’imbrication nécessaire entre le diagnostic externe et le diagnostic interne. Il est ainsi possible de représenter plusieurs entreprises concurrentes sur un même graphique en faisant apparaître de façon comparative les profils concurrentiels. Il peut enfin être utile de comparer le profil de l’entreprise non pas à celui des concurrents, mais à un profil « idéal » attendu par l’environnement ou les marchés. Ainsi, dans l’exemple de la figure 3.24, l’entreprise offre inutilement une gamme trop large à un marché qui se contenterait d’une offre plus étroite. Les démarches de diagnostic par fonction présentent comme inconvénient d’être détaillées, longues, et de morceler la réalité de l’entreprise selon une conception fonctionnelle dont on sait qu’elle rend mal compte de la réalité systémique de l’entreprise. Cette approche risque également d’orienter le diagnostic vers des aspects opérationnels qui sont éloignés des préoccupations stratégiques. C’est pourquoi des méthodes plus synthétiques viennent compléter cette analyse. Nous sommes ici au cœur d’une activité. Il s’agit de mettre en évidence ce qui détermine ses capacités stratégiques. Le diagnostic repose à la fois sur l’analyse de la chaîne de valeur et sur le diagnostic des ressources et compétences que l’entreprise, pour une activité, est capable de mobiliser pour définir ses stratégies et affronter son environnement concurrentiel. B. La chaîne de valeur Porter propose d’analyser les sources de l’avantage concurrentiel d’une entreprise ou d’un DAS et d’utiliser un instrument qu’il qualifie de fondamental : la chaîne de valeur. Toute entreprise peut, en effet, s’appréhender comme un ensemble d’activités destinées à concevoir, fabriquer, commercialiser, distribuer et soutenir le produit. C’est l’interdépendance de ces activités qui crée pour l’entreprise de la valeur et de la marge. Dans un métier, une entreprise se donne pour objectif d’apporter à ses clients une valeur supérieure aux coûts qu’elle supporte. Plus l’écart est important, plus la marge qui la rémunère est grande. Il convient ainsi, pour bien analyser les avantages concurrentiels d’une firme : |\/ | – de replacer sa propre chaîne de valeur par rapport à celle de ses fournisseurs et de ses clients pour voir, par exemple, quelle différenciation elle apporte ; By 4$ $! Figure 3.23. Une représentation du profil de compétence D’après R.-A. THIÉTART, Le Management, 13e édition, PUF, 2012. $! |\/ | Figure 3.24. Le profil concurrentiel et le profil idéal 4$ D’après R.-A. THIÉTART, Le Management, 13e édition, PUF, 2012. By – de comprendre le comportement des coûts des diverses activités pour repérer celles qui créent le plus de valeur. Le diagnostic repose alors sur un découpage de l’entreprise entre toutes ces activités et sur l’identification des fonctions qui dégagent l’essentiel de la marge. Un tel outil sert à comparer la chaîne de valeur de l’entreprise à celle de « l’industrie » ou, parfois, à celle des principaux concurrents. On détecte ainsi les points faibles et les points forts qui appartiennent en propre à la firme concernée. L’idée est simple : l’entreprise a pour mission d’ajouter de la valeur à un produit. Cela se réalise au travers de deux types d’activités : – des activités principales : acheter, produire, commercialiser ; – des activités logistiques (de soutien) qui ont pour objet l’acquisition des ressources productives ou facteurs de production et la coordination des activités. Le point essentiel est que certaines activités apportent plus de valeurs que d’autres et, surtout, que l’entreprise possède un avantage compétitif sur certaines d’entre elles, pour lesquelles elle dispose d’une compétence distinctive. En conséquence, l’entreprise aura intérêt à externaliser les activités pour lesquelles elle ne dispose pas de cet avantage compétitif et à se spécialiser dans les activités clés. Exemple Benetton ou Hugo Boss se concentrent sur les activités de conception et de promotion et externalisent la fabrication (sous-traitance) et la distribution (distributeurs affiliés). La méthode de Porter présente des avantages. Elle est ouverte, qualitative, laissant au stratège une plus grande liberté d’interprétation des résultats. Elle montre que l’entreprise est au cœur d’une chaîne qui va de ses fournisseurs à ses clients. Toutefois, elle est lourde, longue et peu précise. De plus, elle ignore quasiment les problèmes posés par les choix de l’organisation, de la structure et par l’animation des hommes. Voici quelques détails sur chacune des fonctions : – logistique interne : activités d’approvisionnement et de stockage des matières et fournitures ; – production : transformation en produits finis ; – logistique externe : stockage et distribution physique des produits finis ; |\/ | – commercialisation et vente : activités commerciales destinées à connaître le client et à l’inciter à acheter ; $! – services : ils accompagnent le produit pour en accroître la valeur ; 4$ – infrastructure : activités de direction générale et de direction administrative et financière (elle sous-tend l’ensemble de la chaîne ; voir les pointillés de la figure 3.25) ; By – gestion des ressources humaines : gestion des personnels (elle peut être associée à toute la chaîne ou seulement à une activité) ; – développement technologique : maîtrise dans tous les domaines de la technologie la plus avancée et la plus adéquate ; – approvisionnement : ensemble des activités relatives aux achats. Figure 3.25. La chaîne de valeur type Figure 3.26. La reconfiguration sectorielle des chaînes de valeur À cette liste des fonctions définies dans les années 1980 par Porter il convient aujourd’hui d’ajouter le système d’information. Dans une filière, l’analyse de la chaîne de valeur peut conduire les entreprises à externaliser en amont ou en aval les fonctions jugées non stratégiques, à un moment donné. |\/ | De la même façon, à un même stade d’une filière, des entreprises peuvent décider de partager une même fonction en créant une structure commune ou plusieurs divisions d’un même groupe mutualisent une fonction. C’est la notion d’un centre de services partagés. By 4$ $! Figure 3.27. La structure commune gérant le système d’information de trois banques 1. Comment bâtir une chaîne de valeur ? Si l’on prend comme exemple une entreprise industrielle qui produit des transformateurs destinés à abaisser la tension de la distribution d’électricité à 220 volts, on peut procéder en deux temps. a. La définition des diverses activités de l’entreprise Voici la liste des activités dans le cas étudié : Tableau 3.18. Exemple d’analyse de la chaîne de la valeur Activités Principales X X X X X X X X X X X X X |\/ | X $! Direction générale Service du personnel Comptabilité Service commercial Service des achats Bureau de calcul Bureau des méthodes Atelier de fabrication des cuves Atelier anti-corrosion (grattage, peinture) Atelier de bobinage Atelier d’assemblage Entretien Service de réception avant cession au client Expédition (véhicule de livraison sur site) De soutien 4$ On remarque que le bureau des méthodes peut être vertical (un bureau par atelier) ou horizontal (un seul bureau). Il en est de même de l’entretien. De plus, il faut qu’il y ait une réception partielle lors du passage d’un atelier à l’autre. By b. La construction de la chaîne de valeur correspondant aux activités de l’entreprise Une chaîne de valeur simplifiée est donnée ci-après. Figure 3.28. Exemple simplifié d’analyse de la chaîne de la valeur 2. L’impact des TIC sur la création de valeur L’examen de la grille d’analyse de la valeur montre que les TIC ont aujourd’hui un impact sur toutes les activités tant principales que de soutien et qu’en conséquence, elles sont susceptibles de modifier la marge de l’entreprise et sa position concurrentielle. Pour les activités de soutien, il en va ainsi de l’équipement informatique et de l’infrastructure réseau, mais aussi des applications développées sur les intranets en matière de gestion des ressources humaines. Les techniques collaboratives de travail permettent aujourd’hui aux industriels de développer à distance avec leurs partenaires de nouveaux prototypes et les TIC bouleversent les stratégies et l’organisation des services d’approvisionnement du fait du développement de l’achat en ligne. Pour les activités principales, les entrepôts et les circuits de livraison sont automatisés, la flexibilité de la production se développe dans de nombreux secteurs, la transmission des commandes peut se faire via le Net, les vendeurs nomades sont équipés d’ordinateurs ou de terminaux portables et les activités de maintenance peuvent se faire à distance. Chacune des activités de la chaîne de valeur compte deux composantes, l’une matérielle (transformation de matières, transport de marchandises, déplacement de personnes, etc.), l’autre informationnelle (collecte, diffusion, traitement d’information). Plus la composante informationnelle est grande et plus l’impact des TIC est susceptible d’être considérable. |\/ | Chaque produit fini (ou service) compte lui aussi ces deux composantes matérielle (le bien) et informationnelle (l’information ou le service associé). On observe un développement de la place de l’informationnel dans les produits vendus et dans la valeur créée pour le client (produits et services associés). Les ordinateurs vendus avec une garantie ou un service d’assistance en ligne en sont une illustration. By 4$ $! Figure 3.29. Des TIC omniprésentes dans la chaîne de valeur Les gains résultant des TIC apparaissent aux plans de l’entreprise, de ses relations avec ses partenaires et de la mise en œuvre de sa stratégie générique : • La stratégie intra-entreprise. La création de valeur dépend de la coordination entre ces activités ; les TIC (réseaux intégrés, bases de données, intranets) permettent de développer fortement les capacités de coordination interne (entre les fonctions) et peuvent constituer une source d’amélioration de la compétence. Cette compétence de coordination peut être la source d’un avantage concurrentiel. Exemple Chez Danone, on développe une networking attitude. Les 84 000 managers du groupe sont invités à échanger entre eux leurs bonnes pratiques, leurs habitudes, leurs interrogations en partant du postulat selon lequel une solution à une question que se pose un manager quelque part dans le monde existe nécessairement à l’intérieur du groupe. • La stratégie interentreprises. La chaîne de valeur d’une entreprise est liée aux chaînes de valeur amont et aval des fournisseurs, sous-traitants, partenaires et distributeurs. Les TIC conduisent à modifier la chaîne de valeur de l’entreprise du fait de l’externalisation de certaines activités. Ainsi, on peut observer une reconfiguration de la chaîne de valeur dans la filière. La compétence de coordination inter-organisationnelle s’en trouve accrue. |\/ | Les TIC permettent de renforcer la stratégie générique suivie par l’entreprise. Ainsi, l’entreprise qui opte pour une stratégie de volume et de coûts faibles s’oriente vers un système d’information lui permettant une automatisation et une production de masse, des achats regroupés et un contrôle de gestion très précis. 4$ $! Exemple By Les compagnies aériennes low cost ont parfaitement intégré cette logique, en supprimant les agences et les billets papier au profit des billets électroniques. Le secteur des produits personnalisables, bouleversés par le développement exponentiel du numérique, en fournit une autre illustration. Exemple Vistaprint, fait reposer sa stratégie sur un site Web ainsi que sur l’utilisation extensive du système d’information pour gérer la chaîne de valeur. En revanche, les entreprises suivant une stratégie de différenciation mettent leur système d’information au service d’une personnalisation de la relation client et développent un site Internet au service de l’image de marque de l’entreprise. Exemple Le site du groupe L’Oréal met en avant les valeurs de la marque dans le but d’installer une complicité avec le client. 3. Les ressources et les compétences Les ressources sont définies comme des actifs stratégiques et les compétences consistent à les mettre en œuvre. L’avantage concurrentiel d’une entreprise dépend de ses ressources et de ses compétences. Leur diagnostic est donc essentiel pour comprendre les capacités stratégiques de l’entreprise. Cette analyse permet de comprendre pourquoi, dans un même secteur, grâce à des conditions concurrentielles identiques, et avec des stratégies comparables, certaines entreprises réussissent là où d’autres échouent. La démarche est la suivante (figure 3.30). By 4$ $! |\/ | Figure 3.30. L’analyse par les ressources et les compétences a. Les ressources Les ressources peuvent être tangibles ou intangibles. On doit distinguer dans le diagnostic quatre types de ressources : • Les ressources immatérielles. L’image, la réputation de l’entreprise, la clientèle, les brevets, etc. Par nature intangibles, donc moins « visibles » que les autres ressources, leur rôle est fréquemment sous-estimé dans le diagnostic. La difficulté de leur diagnostic ne doit pas occulter leur importance. • Les ressources humaines. Elles doivent être analysées quantitativement (effectifs, pyramide des âges, etc.), mais aussi en termes qualitatifs (flexibilité, possibilité de redéploiement, adaptation des compétences individuelles et collectives aux marchés et aux stratégies). • Les ressources financières. Source de financement de court terme et de long terme (banques, fournisseurs, actionnaires, pouvoirs publics, etc.). Il faut à la fois prendre en considération les ressources existantes et leurs capacités de mobilisation. • Les ressources physiques (équipements, installations, bâtiments, etc.). Ce sont des ressources tangibles en général peu flexibles et donc facteurs de risques. Il ne faut pas omettre d’intégrer dans l’analyse les matériels de fabrication mais aussi de traitement de l’information (ordinateurs, réseaux) dont on connaît désormais le rôle essentiel. L’évaluation de chaque ressource peut se faire par rapport aux deux critères que constituent : • La valeur pour le marché. L’évaluation de la valeur d’une ressource dépend de sa capacité à créer une différence pour les clients. Ainsi, une localisation exceptionnelle du point de vente constitue une ressource physique qui procure un avantage concurrentiel. 4$ $! |\/ | • L’exclusivité pour l’entreprise. Une ressource technologique qui se traduit par la détention de brevets constitue un atout dans la mesure où son caractère unique est protégé de la concurrence. La pérennité de l’avantage concurrentiel d’une ressource dépend de sa rareté (une ressource facilement accessible aux concurrents est de peu d’intérêt), de son imitabilité et de sa substituabilité. Quand une ressource est abondante, aisément imitable ou substituable, elle n’est pas source d’un avantage concurrentiel et n’est pas stratégique. Une ressource sera considérée comme stratégique quand elle est source de valeur, rare, peu imitable, peu substituable et donc génératrice d’un avantage concurrentiel. By Dans l’exemple ci-après (tableau 3.19), la détention d’une marque mondiale sera considérée comme une ressource stratégique. Tableau 3.19. Un extrait du diagnostic des ressources d’une entreprise Évaluation Valeur Description, des Ressources pour commentaires ressources le march Marque Immatérielles mondialement **** **** connue Personnel Humaines ** * bien formé Soutien des Financières * * banques Physiques Machines * **** Importance de l’avantage concurrentiel conféré par la ressource : * très faible / **** très fort. Mais ce qui compte pour une entreprise, ce n’est pas tant la disponibilité des ressources que sa capacité à les mobiliser en interne ou en externe, grâce à des partenariats dans une perspective d’entreprise en réseau. b. Les compétences Les compétences désignent des capacités à déployer des ressources pour atteindre un objectif. Elles reposent sur les processus organisationnels de l’entreprise, ce que l’on appelle dans une acception non péjorative des routines. Les compétences résultent d’un apprentissage collectif ; elles dépendent des capacités de l’entreprise à développer un apprentissage organisationnel interne. Alors que les ressources sont des stocks qui traduisent ce que l’entreprise sait faire, les compétences constituent des flux qui indiquent ce qu’elle peut faire. Les différents types de compétences Plusieurs types de compétences peuvent être identifiés. Elles sont directement ancrées dans les processus de l’entreprise. Nous pouvons en distinguer quatre catégories : |\/ | – certaines compétences sont d’ordre général, relativement classiques en management ; elles portent sur la capacité à gérer correctement les processus de finalisation, d’organisation, de contrôle et d’information ; 4$ $! – d’autres sont spécifiques aux fonctions et métiers de l’entreprise. Elles sont qualifiées d’infra-fonction ou intra-service ; By – les troisièmes concernent la gestion de la transversalité tant interne qu’externe. Il s’agit là de compétences plus difficiles à maîtriser car inter-fonctionnelles ou interentreprises. On insiste donc sur l’importance de leur maîtrise et il est nécessaire de souligner que leur caractère « invisible » ne doit pas laisser penser qu’elles sont mineures. Il en va tout autrement. Tableau 3.20. Un exemple d’évaluation des compétences Compétences Processus Managériale générale Fonctionnelle intra-service Finalisation Organisation Animation des hommes Contrôle Information Production Recherche et développement Système d’information Savoirs Savoirfaire Savoirêtre By 4$ $! |\/ | Amont avec les soustraitants et Développement les de nouveaux fournisseurs intraproduits Individuelle, Transversale interentreprises Aval avec entreprise Gestion de la professionnelle les qualité distributeurs Service client Horizontal avec les partenaires Les compétences intra-entreprise sont déterminantes dans l’élaboration de nouveaux produits requérant une coordination R&D/marketing dans la gestion d’une relation client efficace. Exemple Dyson excelle dans la coordination entre la recherche et la mise sur le marché de produits attendus par les clients. Au plan interentreprises, ces compétences relationnelles de coordination sont essentielles dans une perspective de firme étendue (intégrant fournisseurs et distributeurs dans le système d’information) et dans la gestion des alliances. Le succès de l’alliance Renault-Nissan ne doit-il pas être analysé au travers du filtre des compétences transversales de coordination interentreprises ? Les compétences ci-dessus sont collectives et se distinguent des compétences individuelles des personnels que l’on qualifie de professionnelles. Compétences de base / compétences distinctives Certaines des compétences sont distinctives car elles possèdent un caractère stratégique. D’autres sont dites « de base » ; il est essentiel de les maîtriser mais il serait vain de vouloir asseoir le développement stratégique sur elles. |\/ | Figure 3.31. Les compétences de base appliquées à une entreprise de e-commerce $! Il n’est pas toujours évident de distinguer une compétence de base (vision interne) d’un simple facteur clé de succès (vision externe). Voici deux principes à suivre : 4$ – une compétence fondamentale se traduit toujours par un facteur clé de succès mais l’inverse n’est pas exact ; By – une compétence est fondamentale si elle représente une valeur, un « plus » aux yeux des clients de l’entreprise ; sa maîtrise par l’entreprise est non contestée et durable ; elle fait preuve d’une certaine élasticité, c’est-à-dire si elle s’applique à d’autres produits que ceux actuellement fabriqués. Le diagnostic des ressources et compétences Exemple Les compétences fondamentales de UPS, l’entreprise de transports rapides sont : technologie des codes-barres, communication sans fil, gestion des réseaux et de la programmation linéaire. Le diagnostic consiste à passer au crible les compétences fondamentales de l’entreprise, à les juger, à envisager les possibilités d’amélioration, à examiner les opportunités d’acquisition externe. Seule la possession de ces compétences fondamentales ouvrira la voie vers des avantages concurrentiels qui permettront à l’entreprise d’atteindre ses objectifs. Les recommandations stratégiques seront faites à partir des compétences possédées : peut-on les combiner autrement pour offrir de nouveaux produits ? Est-il possible de les mettre en œuvre à destination d’une autre cible ? Peut-on acquérir un complément de compétence qui ouvrirait la possibilité de fabrication d’une nouvelle gamme de produits ? On peut schématiser ceci par une démarche en cinq phases. Les cinq phases du diagnostic des ressources et compétences 1. Identifier les compétences fondamentales existantes. 2. Mettre sur pied un programme d’acquisition des compétences fondamentales nécessaires ou de transfert d’un secteur de l’entreprise à un autre pour renforcer la position et préparer l’avenir. 3. Développer de nouvelles compétences fondamentales en interne. 4. Déployer les compétences fondamentales dans toute l’entreprise pour obtenir la meilleure adéquation entre une compétence fondamentale et un produit final. 5. Protéger les compétences fondamentales contre les concurrents et un redoutable adversaire : « l’usure du temps ». |\/ | Le diagnostic des ressources et compétences conduit, dans une perspective de secteur, à se comparer à la situation moyenne des concurrents et à se demander : – Quel est le niveau minimal de ressources à détenir et de compétences à maîtriser ? $! – Quelles sont les ressources et les compétences qui sont stratégiques ? 4$ – Comment acquérir ou développer ces ressources et compétences ? By À partir de l’approche par les ressources(16), un outil permet d’analyser le potentiel de création d’avantages compétitifs des ressources et compétences qu’une entreprise maîtrise. La méthode VRIO est l’acronyme de quatre questions à se poser au sujet des ressources et compétences pour déterminer leur potentiel compétitif : la question de la valeur, la question de la rareté, la question de l’imitabilité, la question de l’organisation. Ces questions cumulatives sont résumées dans le tableau 3.21. V R I |\/ | O Tableau 3.21. Les quatre questions de la méthode VRIO Les ressources et les compétences permettent-elles à la firme d’exploiter une Valeur opportunité ou de neutraliser une menace ? Si la réponse est positive, elles sont génératrices de valeur. Combien de firmes en compétition possèdent déjà les ressources et Rareté compétences génératrices de valeur ? Si la réponse est très peu, elles sont constitutives d’avantage compétitif. Est-ce que les firmes qui ne possèdent pas ces ressources et compétences subissent un désavantage de coût en cherchant à les obtenir ou à les développer ? Si la réponse est oui, la possession de ces ressources et Imitabilité compétences (V+R+I), génératrices de valeur et rares, est source d’un avantage compétitif défendable. Si la réponse est négative, les ressources et compétences (V + R) ne fournissent qu’un avantage compétitif temporaire. Est-ce que la firme est organisée pour tirer pleinement partie du potentiel compétitif des ressources et compétences ? Si la réponse est positive, les Organisation ressources et compétences (V+R+I+O) génératrices de valeur, rares, peu imitables, constituent des compétences distinctives durables pour l’entreprise. $! L’application de cette méthode au cas Dell peut être résumée comme suit (tableau 3.22). 4$ Tableau 3.22. Une application de la méthode VRIO à l’entreprise Dell By Ressources Avantage et Valeur Rareté Imitabilité Organisation compétitif compétences Achat en grosses quantités et en juste oui à temps Système de ventes par téléphone et oui internet Amélioration permanente des lignes oui d’assemblage, de la rapidité et de l’efficience Culture de l’écoute oui du client oui Temporaire oui Temporaire oui oui oui Défendable oui Compétence distinctive durable oui Un tableau commode à remplir pour mener le diagnostic consiste à opposer les ressources aux compétences d’une part, et celles qui sont de base à celles qui sont distinctives d’autre part. Tableau 3.23. Ressources et compétences Ressources Compétences De base Distinctives c. Les TIC Des ressources stratégiques Le processus d’information a pris au sein de l’entreprise une place déterminante qui s’explique par le rôle croissant des systèmes d’information et par le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC)(17). $! |\/ | D’abord applications informatiques limitées, puis facteurs de réorganisation interne, les TIC acquièrent aujourd’hui un rôle que l’on peut qualifier de stratégique sous le double effet d’une pression technologique (évolution en termes de puissance, de coûts, généralisation des réseaux, hauts débits) et concurrentielle (les TIC constituent une source d’avantage concurrentiel). By 4$ Figure 3.32. Les TIC, des ressources stratégiques Ce caractère stratégique est confirmé par diverses enquêtes. La présence croissante des TIC dans les entreprises est attestée par les fréquences d’utilisation d’un certain nombre d’applications. Ces résultats doivent bien sûr être nuancés selon les secteurs et la taille des entreprises, mais ils témoignent d’une place croissante faite aux TIC dans le fonctionnement des organisations que l’on peut désigner par l’expression « numérisation » ou « digitalisation croissante ». Les impacts sur le fonctionnement sont variables selon le type de reconfiguration de l’entreprise. Les niveaux de reconfiguration Traditionnellement, ce qui touche au système d’information relève d’une fonction de l’entreprise, d’abord la fonction informatique, puis la direction des systèmes d’information (DSI) et dans certaines entreprises, la fonction organisation. Cette évolution dénote bien le changement du rôle des technologies de l’information dans l’entreprise. Venkatraman a distingué cinq niveaux d’impact des TIC sur l’entreprise en fonction de deux dimensions que constituent l’importance des gains potentiels et le degré de transformation de l’entreprise : • Le niveau 1 est celui de l’exploitation locale des TIC au sein d’une fonction de l’entreprise. Il s’agit par exemple de l’automatisation d’une activité administrative (facturation) ou de production, d’une application de marketing direct. L’impact et les gains sont limités à une fonction. • Le niveau 2, celui de l’intégration interne des différentes fonctions, prolonge les applications locales mais introduit la coordination des applications. Les informations du service commercial et des stocks sont disponibles pour la production, par exemple. Ce niveau implique à la fois une intégration technologique (plate-forme informatique commune) et une intégration organisationnelle des processus de gestion, souvent plus difficile à réaliser. L’impact organisationnel est ici plus important car ce sont les mécanismes de coordination qui sont concernés et les traditionnelles frontières internes à l’entreprise qu’il faut reconsidérer. |\/ | • Le niveau 3 porte sur le reengineering des processus de gestion. Il s’agit là de procéder à une véritable reconfiguration des pratiques de gestion, de la façon de travailler. La création d’un dossier unique client, l’accès à ces informations par tous les personnels en contact, à partir du code client, a conduit à profondément réorganiser la chaîne de traitement des sinistres dans les secteurs de l’assurance. By 4$ $! • Le niveau 4, reengineering des réseaux de gestion, se situe dans une perspective d’entreprise étendue intégrant en amont les fournisseurs et sous-traitants et en aval les distributeurs. C’est à une remise en cause des frontières de l’entreprise que l’on assiste ici. Les applications d’échanges de données informatisées (EDI) et d’extranet où les partenaires accèdent aux stocks de l’entreprise en sont une illustration. C’est à ce stade également que peuvent apparaître des applications communes à plusieurs concurrents dans le domaine des achats ou de la conception (place de marché). Dans un quotidien de presse, la numérisation des processus peut remettre en cause la distribution sur les marchés éloignés et la transmission numérique ; une impression locale peut se substituer à l’expédition des exemplaires papier. • Le niveau 5 repose sur la redéfinition du portefeuille d’activités de l’entreprise, les TIC devenant un axe de développement de nouvelles activités génératrices de chiffre d’affaires. Ainsi, la création du site Fnac.com constitue pour le distributeur de produits et de services de loisirs une extension de son domaine d’activité. Alors que les niveaux 1 et 2 de reconfiguration relèvent de changements incrémentaux, l’entreprise met en œuvre pour les niveaux 3 à 5 des changements radicaux. On s’aperçoit donc au travers de l’examen de ces niveaux que les décisions de système d’information possèdent très rapidement une dimension organisationnelle et stratégique importante. Figure 3.33. Les cinq niveaux de reconfiguration provoqués par les TIC 4. Les contraintes financières du diagnostic |\/ | Diagnostic stratégique et repérage des contraintes financières ne peuvent qu’aller de pair : les choix stratégiques sont conditionnés par – et jouent un rôle sur – les équilibres financiers de l’entreprise. Ceci a été clairement mis en avant dans la présentation du diagnostic par fonction mais doit être à nouveau relevé ici. On peut même se demander si le diagnostic financier n’est pas un préalable à toute démarche stratégique. By 4$ $! Figure 3.34. Le diagnostic financier et le diagnostic stratégique Sans entrer dans le détail de l’analyse financière de l’entreprise, voici les principales informations financières susceptibles d’avoir une incidence sur le diagnostic stratégique. $! |\/ | L’analyse financière au service du diagnostic stratégique By 4$ Parmi tous ces calculs doivent être retenus ceux qui améliorent clairement la compréhension de la situation générale de l’entreprise et qui peuvent avoir une incidence sur les choix stratégiques. D’autres calculs peuvent être ajoutés à la précédente liste. Il faut cependant veiller à ne pas transformer le diagnostic stratégique en diagnostic exclusivement financier. Exemple Selon les informations disponibles au sein de l’entreprise, il est également possible de calculer le fonds de roulement et les besoins en fonds de roulement, d’élaborer le tableau de financement et d’évaluer le poids des frais financiers. IV. La synthèse du diagnostic stratégique A. L’analyse SWOT La synthèse des informations dégagées par le double diagnostic, interne et externe, peut être représentée dans une grille (figure 3.35). Les propositions de décisions stratégiques sont notées à l’intérieur du tableau à l’intersection des informations clés résultant du diagnostic. On donne à cette matrice le nom de SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). Cette analyse se décline en deux propositions : • PS1. Proposition stratégique no 1 résultant de la combinaison de l’opportunité no 2 et de la force no 1. • PS2. Proposition stratégique no 2 : consécutive à la prise en compte de la faiblesse 2 et de la menace 1. Figure 3.35. Une grille de synthèse du diagnostic et des propositions stratégiques |\/ | Cette grille incite à la réflexion à partir des combinaisons possibles de menaces, d’opportunités, de forces et de faiblesses. Les propositions stratégiques naîtront de l’ensemble de ces confrontations. $! Dans le quadrant A, vont figurer des décisions qui associent opportunités et forces. Il s’agit là des stratégies qui ont le plus de chances de succès. Les stratégies de croissance et de développement de nouveaux domaines d’activité stratégique doivent se situer de préférence dans ce quadrant. By 4$ Les décisions du quadrant B associent opportunités et faiblesses. Il peut s’agir de stratégies de partenariat permettant de compenser les faiblesses de l’entreprise et cependant de profiter des opportunités du marché. À la conjonction des menaces et des forces (quadrant C) se situent des décisions de protection permettant par exemple de créer des barrières à l’entrée à l’encontre des entrants potentiels. Le quadrant D suggère les réponses possibles de l’entreprise compte tenu de ses faiblesses et des menaces de l’environnement. Les stratégies de recentrage, de désinvestissement s’inscriront ici. Leur objectif est de réduire les menaces et les faiblesses qui pèsent sur l’entreprise. Il est important de souligner que dans ce type de tableau, il convient de hiérarchiser les propositions par ordre d’urgence ou d’importance notamment sur le plan opérationnel. Notons enfin que ce type d’outil peut s’utiliser tant au plan business que corporate. B. Les matrices de portefeuilles d’activités Ces outils ont été créés pour permettre une analyse globale et simultanée de l’ensemble du portefeuille d’activités d’une entreprise. Ils ont été conçus à l’origine pour des grandes entreprises possédant plusieurs dizaines, voire centaines de domaines d’activités stratégiques. Ils ont en commun de viser à une représentation synthétique et graphique des portefeuilles des entreprises diversifiées. Les matrices de portefeuilles d’activités sont nées il y a plusieurs dizaines d’années et, depuis, elles ont donné lieu à beaucoup de commentaires louangeurs comme à des critiques définitives. Nous verrons, en conclusion de leur présentation, que la vérité se situe, comme souvent, dans la voie moyenne. Ces outils d’analyse de portefeuilles d’activités reposant sur une démarche commune, nous proposons, dans un premier temps, la matrice générique de portefeuilles d’activités. Puis nous analysons, au travers de leur originalité, les matrices créées par les cabinets de consultants BCG et McKinsey. 1. La matrice générique de portefeuilles d’activités La finalité d’une matrice de portefeuilles d’activités est de représenter de façon synthétique un ensemble d’activités et de susciter une réflexion sur les décisions stratégiques à prendre pour les différents DAS. a. Les principes de construction de la matrice générique 4$ $! |\/ | La démarche du diagnostic stratégique repose sur un double diagnostic, interne et externe, pour chacun des DAS. Le diagnostic interne a permis de déceler les forces et les faiblesses du DAS. Le diagnostic externe a lui conduit à identifier les menaces et les opportunités. Il convient de situer les différents DAS par rapport à des dimensions comparables. On peut résumer le diagnostic interne de chaque DAS en termes d’atouts de l’entreprise et le diagnostic externe en termes d’attraits de l’environnement (figure 3.36). En effet, les questions fondamentales qu’il convient de se poser pour un DAS à l’issue du diagnostic sont les suivantes : l’entreprise a-t-elle des atouts ? Le marché est-il attractif ? By Figure 3.36. Du diagnostic générique à la matrice de portefeuille d’activités Si les axes sont ordonnés de faible à fort, chaque DAS peut être situé dans la matrice en fonction de son ordonnée et de son abscisse. Ainsi, dans l’exemple ci-dessous, l’entreprise possède pour le DAS no 1 des atouts importants et l’environnement de ce DAS est jugé porteur et attractif. En revanche, pour le DAS no 2, l’environnement est en crise et l’entreprise dispose d’atouts élevés. Pour le DAS no 3, l’environnement a été jugé favorable mais l’entreprise n’a pas véritablement d’atouts. Enfin, le DAS no 4 est en position critique, puisque le diagnostic interne conduit à identifier de nombreuses faiblesses et l’environnement n’est guère porteur. L’importance de chaque DAS dans le portefeuille d’activités peut être visualisée en le représentant proportionnellement au chiffre d’affaires, à la marge sur coûts directs, ou à l’indicateur habituellement utilisé par l’entreprise (figure 3.37). Figure 3.37. La matrice générique b. Les stratégies génériques des DAS Selon la position des DAS dans la matrice générique, des orientations stratégiques générales peuvent être envisagées (tableau 3.24). By 4$ $! |\/ | Tableau 3.24. Une comparaison de portefeuilles La matrice d’un portefeuille d’activités d’une entreprise est donc révélatrice de sa situation stratégique, financière, mais aussi culturelle et organisationnelle. Les trois portefeuilles classiques représentés dans le tableau 3.24 en fournissent l’illustration. 2. Les matrices des cabinets de consultants Nous étudierons les deux outils classiques d’analyse de portefeuilles d’activités, ceux qui ont été proposés par des cabinets de consultants : le Boston Consulting Group et McKinsey. a. La matrice du Boston Consulting Group Elle positionne les domaines d’activité stratégique en fonction de leur situation au regard de deux dimensions : la part de marché relative et le taux de croissance du marché. Tableau 3.25. Un exemple d’analyse de DAS DAS Taux de croissance Part de marché relative % chiffre d’affaires DAS 1 DAS 2 0% + 25 % 4 8 30 % 15 % DAS 3 DAS 4 + 15 % 4 20 % + 23 % –5% 0,25 1 10 % 20 % –8% 0,20 5% DAS 5 DAS 6 |\/ | La part de marché (PDM) relative Exemple By 4$ $! Elle renseigne sur la position concurrentielle de chaque domaine d’activité stratégique de l’entreprise et donc sur leur position en termes de leadership. Elle se calcule en rapportant la part de marché de l’entreprise à la part de marché moyenne des principaux concurrents. Elle est préférée à la part de marché en valeur absolue, car elle renseigne sur la véritable position concurrentielle de l’entreprise, mesurée en part de marché. En effet, la signification de la part de marché en valeur absolue dépend de la structure du marché. On peut calculer la part de marché relative du domaine d’activité stratégique no 1 du groupe Bouygues, « télévision généraliste ». Imaginons que les parts de marché soient les suivantes : TF1 38 %, France 2 23 %, France 3 17 %, M6 13 %, ARTE 2 %, Canal+ 5 %, France 5 1 %, autres 1 %. D’où une PDM relative (calculée par rapport aux trois plus gros concurrents) de : 38 / [(23 + 17 + 13) × 1/3] = 2,15. Cela signifie que TF1 « pèse » plus du double par rapport au « concurrent moyen ». Figure 3.38. Un exemple de matrice BCG Exemple Une entreprise peut être leader avec 4 % d’un marché très atomisé et, avec la même part de marché, en position peu significative sur un marché concentré. Les exemples de calcul de PDM relative du tableau 3.26 montrent à la fois l’influence de la structure du secteur et diverses possibilités de calcul de la part de marché relative en prenant comme référence l’ensemble des concurrents, les principaux concurrents ou bien encore le concurrent principal. Dans la pratique, le nombre de concurrents retenus doit, avant tout, dépendre de la distribution des parts de marché. Pratiquement, sur l’axe des abscisses, le domaine d’activité stratégique sera situé sur une échelle logarithmique entre 0,1 (le domaine d’activité stratégique a une part de marché égale à 10 % de la part de marché moyenne des concurrents) et 10 (le domaine d’activité stratégique a une part de marché 10 fois supérieure à celle des concurrents). 4$ $! |\/ | Tableau 3.26. Quelques exemples de structures concurrentielles By La PDM relative renseigne également sur la structure des coûts du DAS et sur les liquidités qu’il dégage. Le leader est en général celui qui réalise les marges unitaires les plus importantes sur le secteur. Ses coûts sont plus faibles en raison des avantages liés aux économies d’échelle et aux effets d’expérience. Le leader est celui qui, à la fois, bénéficie des effets de série et qui se trouve bas sur la courbe d’expérience. On assimile ici part de marché et volume cumulé de production, le leader étant considéré comme ayant beaucoup d’expérience. De plus, les prix du marché permettent, en général, à l’entreprise ayant la position concurrentielle la moins bonne de survivre et ils sont donc très supérieurs au coût du leader. En conséquence, la part de marché relative est un indicateur de l’importance des liquidités dégagées par le domaine d’activité stratégique. Le taux de croissance du marché Il est considéré comme un indicateur de l’attrait du marché ; plus il est important, plus le marché est jugé porteur. Il renseigne également sur les besoins de liquidités que le domaine d’activité stratégique va nécessiter. En effet, le taux de croissance annuel du marché conditionne directement le taux d’investissement nécessaire pour maintenir et, a fortiori, développer une position concurrentielle acquise. Plus le taux de croissance sera fort, plus les besoins de financement des actifs immobilisés et aussi du cycle d’exploitation seront élevés. A contrario, un marché stable n’implique que peu de besoins de financement nouveaux et, s’il est en décroissance, des dégagements d’actifs sont même envisageables. Les grandes catégories comprises dans la matrice BCG La matrice BCG classe les DAS en quatre grandes catégories (figure 3.39), les limites généralement retenues étant 10 % pour le taux de croissance, ou taux de croissance moyen des activités de l’entreprise, et la valeur pivot 1 pour la PDM relative. Figure 3.39. La matrice BCG : le financement des DAS $! |\/ | Les vaches à lait sont des domaines d’activité stratégique où la croissance est réduite, les besoins de financement sont limités ; en revanche, la position de leader fait de ces activités des sources importantes de liquidités. By 4$ Les vedettes constituent des domaines créant des ressources financières importantes qui permettent de financer les besoins engendrés par la croissance du marché. Ces domaines d’activité stratégique s’équilibrent ou sont excédentaires en liquidités. Ils constituent la partie dynamique du portefeuille d’activités. Les « vedettes » se situent en phase de croissance et sont appelées à devenir des « vaches à lait ». Elles contribuent à la croissance et s’autofinancent. Les poids morts sont des domaines d’activité stratégique vieillis pour lesquels l’entreprise n’a pas su s’imposer en termes de part de marché. Ils se caractérisent par une double absence de besoin et de dégagement de liquidités. Ils n’apportent à l’entreprise ni croissance, ni marge. Les dilemmes sont des domaines d’activité stratégique à fort taux de croissance, mais pour lesquels l’entreprise n’a pas encore su acquérir des positions concurrentielles dominantes. Ces domaines d’activité stratégique sont demandeurs de ressources financières pour assurer leur développement. Ils contribuent à la croissance de l’entreprise et nécessitent des liquidités. Le terme de dilemme fait référence au choix stratégique qui s’impose à l’entreprise : soit investir pour que le domaine d’activité stratégique devienne une vedette, soit désinvestir. Si l’entreprise refuse de choisir, les dilemmes sont appelés à devenir des poids morts. Sur un plan financier, le portefeuille doit globalement s’équilibrer, les domaines d’activité stratégique étant dans des situations complémentaires. On peut d’ailleurs représenter le circuit de financement de la matrice BCG en précisant que « les vaches à lait » doivent financer le développement des « dilemmes » et leur transformation en « vedettes », les « vedettes » vieillissantes devenant des « vaches à lait » sur le déclin ayant pour avenir de rejoindre les « poids morts » ! Les limites de la matrice BCG La matrice BCG, la plus ancienne, a été en même temps et à des périodes différentes très utilisée et très critiquée. Son utilisation par de nombreux consultants et par des entreprises de toutes dimensions repose sur plusieurs raisons : – l’excellente intégration des aspects stratégiques (croissance, désinvestissement) et financiers (financement du haut et du bas du bilan) ; investissement, – le caractère visuel et synthétique qui permet de représenter simultanément de très nombreuses activités d’un portefeuille d’entreprise diversifié ; – le caractère pédagogique, simple, qui donne au dirigeant une grille d’analyse compréhensible de ses choix majeurs. Le revers de la médaille est constitué de critiques sévères qui présentent toutes une évidente pertinence ; plusieurs aspects sont ici mis en avant : – les manipulations que la matrice permet, notamment en changeant le marché de référence, ce qui a pour effet de modifier la part de marché relative et donc la position dans la matrice ; |\/ | – la réduction abusive des questions stratégiques des entreprises à deux dimensions, et qui plus est à deux dimensions mesurées par des indicateurs strictement quantitatifs ; $! – l’utilisation comme outil de légitimation a posteriori de décisions déjà prises ; 4$ – la référence exclusive aux marchés où le phénomène d’expérience est vérifié et l’ignorance des situations où la concurrence ne se fait pas par les coûts, mais par la qualité, le service ou l’innovation technologique ; By – l’anachronisme de l’outil. Les matrices du BCG ont vu le jour à la fin des années de forte croissance, à la fin des Trente Glorieuses, avant 1970. Pour se développer à cette époque et lancer de nouveaux DAS, les entreprises devaient investir. Or les capitaux, sur les marchés, appelaient un taux d’intérêt élevé puisqu’ils étaient fort demandés par les investisseurs. La préconisation consistait alors à suggérer d’avoir de nombreux DAS en vache à lait, de façon à autofinancer les investissements. Mais, après les changements de conjoncture, après le premier choc pétrolier, cette suggestion n’était plus de saison. En effet, les projets d’investissement devenaient moins nombreux, donc le coût du capital baissait. Il valait donc mieux, pour financer les investissements, emprunter de l’argent bon marché parce qu’abondant (pétrodollars) et profiter de l’effet de levier, afin d’accroître la rentabilité. En bref, l’utilisation de la matrice n’a pas de justification dans l’absolu : un changement des conditions macro-économiques rend, par exemple, son emploi caduc... pour un temps. Dans les domaines des outils et procédures, l’idée de contingence est aussi vérifiée. BCG en est parfaitement conscient. Pour la société de conseil, la matrice des années 1970 ne perd pas toute sa pertinence, mais doit être utilisée au regard du contexte nouveau : tout change beaucoup plus rapidement et la part de marché est devenue un piètre indicateur de la performance. De ce fait, les cash cows ne peuvent plus représenter qu’une part modeste dans le portefeuille ; les questions marks sont nombreuses et c’est normal. L’agilité, la capacité à évoluer rapidement, devient l’indicateur de performance privilégié. En somme, les entreprises (les secteurs) relèvent de quatre environnements différents par rapport auxquels elles sont appelées à utiliser des outils de diagnostic stratégique différents(18). b. La matrice McKinsey Également appelé matrice ou grille General Electric, cet outil d’analyse multicritère repose sur la représentation des domaines d’activité stratégique par rapport à deux dimensions : l’attrait du marché à moyen terme (diagnostic externe) et la force compétitive ou position concurrentielle (diagnostic interne). La démarche est la suivante : – définition de critères d’évaluation de l’attrait du marché et de la force compétitive ; – pondération des critères d’attrait du marché et de force compétitive, le total des pondérations de chaque dimension étant égal à 1 ; – évaluation de chaque domaine d’activité stratégique par rapport aux critères, sur une échelle de 1 (attrait ou force compétitive faible) à 5 (attrait ou force compétitive forte) ; – calcul d’une note pondérée d’attrait et de force compétitive pour chaque domaine d’activité stratégique ; $! |\/ | – localisation de chaque domaine d’activité stratégique sur la grille McKinsey, la surface des cercles est proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé, la part de marché du domaine d’activité stratégique peut être visualisée ; 4$ – préconisations stratégiques en fonction de la situation de chaque domaine d’activité stratégique dans la matrice. By La méthode peut être illustrée par le tableau 3.27 et les figures 3.40 et 3.41 qui présentent le calcul des scores pour trois domaines d’activité stratégique, les critères d’attrait du secteur et de force compétitive n’étant qu’indicatifs. Il va de soi que les critères varieront d’une entreprise à l’autre et qu’ils doivent être définis par des personnes internes ou externes connaissant bien les caractéristiques concurrentielles des secteurs. Tableau 3.27. Un exemple de calcul des notes dans la matrice McKinsey By 4$ $! |\/ | Figure 3.40. Le calcul des scores dans la matrice McKinsey Figure 3.41. Les zones de la matrice McKinsey En fonction de la localisation des domaines d’activité stratégique dans les neuf cases de la matrice, trois grandes zones sont suggérées (figure 3.41) : – la zone A correspond à des segments attractifs où l’entreprise possède des atouts ; c’est une zone stratégiquement intéressante ; il convient d’y investir ; – la zone B regroupe des segments qualifiés de moyennement intéressants où les stratégies vont consister à récolter ou à désinvestir ; – la zone C rassemble des segments où l’attractivité et la force compétitive sont soit moyennes, soit faibles ; il s’agit d’activités peu intéressantes pour lesquelles les stratégies de désinvestissement vont s’imposer. L’avantage essentiel de la matrice McKinsey réside dans le processus qui est nécessaire pour son élaboration autant que dans sa présentation graphique finale. La démarche implique une réflexion sur les facteurs de compétitivité et d’attrait des secteurs auxquels l’entreprise est confrontée. Cette réflexion ne peut être que salutaire et fortement utile, par exemple, dans le cadre de séminaires d’une équipe de direction. En outre, l’outil permet d’intégrer dans l’analyse les critères clés des secteurs étudiés, sans se focaliser obligatoirement sur des variables quantitatives telles que la part de marché ou le taux de croissance. On peut, bien sûr, trouver la méthode plus complexe à mettre en œuvre, notamment lors de la définition des critères et de leur pondération. La subjectivité de la pondération et de la notation peut également être critiquée, sauf à reconnaître qu’en matière stratégique, mieux vaut une subjectivité portant sur des traits d’analyse élaborés en commun qu’un choix personnel non étayé. Tableau 3.28. Les intérêts et les limites des matrices Intérêts Limites |\/ | Présentation réductionniste des réalités Réduit l’analyse stratégique à deux dimensions Ignorance du lien entre stratégie et mise en œuvre Ignorance des aspects organisationnels et politiques Caractère très général des recommandations stratégiques $! Vue synthétique de l’ensemble des activités Représentation graphique claire 4$ Simplification des situations complexes By Intégration des préoccupations financières, marketing et stratégiques Identification des stratégies génériques correspondant à un portefeuille Possibilité de suivre l’évolution du portefeuille Caractère fondamentalement statique des outils dans le temps Outils de préparation des décisions stratégiques Outil de présentation de décisions déjà prises Outil manipulatoire pour jusitifier des options Outil pédagogique de formation prises d’avance Nous ne pouvons terminer cette présentation sans rappeler que les outils d’analyse de portefeuilles d’activités, tels que les matrices que nous venons de voir, ont été portés au pinacle par certains à une époque donnée, puis voués aux gémonies par les mêmes quelque temps plus tard, alors que d’autres se frayaient un chemin dans le sens exactement inverse. Trois remarques méritent d’être formulées : • Il est souhaitable de mettre l’accent sur le contexte ayant pour origine les cabinets de consultants internationaux des analyses de portefeuilles. Toutes les méthodes ont été mises au point par des cabinets de consultants dont les objectifs clairs sont : – d’être normatif plus que descriptif ; – de se différencier les uns par rapport aux autres ; – de rendre les outils, notamment ceux des concurrents, obsolètes en innovant régulièrement. Il ne s’agit pas ici de douter un seul instant du niveau d’expertise en matière stratégique des consultants internationaux, mais de relever que « l’histoire des matrices » aurait été fort différente si l’on s’était contenté de poser que l’entreprise doit classer ses domaines d’activité en fonction de ses propres atouts (c’est le diagnostic interne) et des attraits du marché (c’est le diagnostic externe) en laissant à chacun le soin de déterminer (ceci aurait été tout l’intérêt de la démarche !) quelles variables il doit utiliser pour graduer les axes. Dès lors que les hérauts des méthodes ont voulu imposer à la fois le choix des graduations, le nombre de subdivisions (donc le nombre de cases) et les appellations de chaque axe, il devenait évident que l’on entrait dans un monde fait de conflits et aussi d’une forte imprégnation de la réalité industrielle d’une époque. |\/ | • Nous avons vu que les conditions économiques d’aujourd’hui mettaient quelque peu à mal la notion de découpage d’une entreprise en activités stratégiques déterminées. Même si la remarque précédente faisait largement le lit de quelques critiques adressées aux matrices, il n’en demeure pas moins que toutes les matrices ont tendance à figer le découpage actuel des activités, ce qui de toute évidence n’est pas satisfaisant. L’analyse stratégique impose flexibilité, fluidité, transversalité, synergie ; le caractère mécanique de l’analyse de portefeuille risque d’enfermer le décideur dans une logique du présent préparant mal l’avenir, voire n’ouvrant pas les voies des découpages stratégiques du futur. 4$ $! • La financiarisation des marchés, le poids grandissant des actionnaires et des analystes financiers dans les décisions stratégiques ont provoqué un renouveau des matrices : quoi de plus clair en effet pour communiquer qu’un découpage des activités en un nombre limité de DAS et qu’une représentation, même simplifiée, sous la forme d’une matrice ? By Nous nous bornerons à ce stade à affirmer que les analyses de portefeuilles demeurent, aujourd’hui, un outil puissant pour inciter la direction générale de n’importe quelle structure à réfléchir au niveau qui doit être son apanage : la stratégie. En somme, les entreprises (les secteurs) relèvent de quatre environnements différents par rapport auxquels elles sont appelées à utiliser des outils de diagnostic stratégique différents(19). Figure 3.42. Les styles stratégiques selon les environnements Conclusion Il nous faut prendre un peu de recul sur la profonde influence de la conjoncture économique dans cette matière. Nous avons placé sur un pied d’égalité les diagnostics externe et interne mais force est de constater que, selon les perspectives de développement économique du moment, les entreprises ont tendance à privilégier un des deux aspects. Lorsque la conjoncture est rayonnante, le diagnostic externe est privilégié tant les chances de développement sont élevées ; à l’extrême limite, dans ce cas, l’entreprise peut croître, quelles que soient ses qualités propres. En revanche, lorsque la crise survient, le diagnostic interne retrouve toute sa vigueur : l’heure n’est plus à la recherche des opportunités de l’environnement mais au souci de s’ancrer sur ses points d’appui actuels (figure 3.43). En exagérant, l’environnement est tellement morose qu’il est presque inutile de l’analyser. Figure 3.43. Le balancier du diagnostic $! |\/ | Tout mouvement pendulaire donne naturellement lieu à des outrances. Au début des années 1990, l’accent a été placé si fortement (en raison de la conjoncture) sur l’intérêt du diagnostic interne que l’on niait tout l’intérêt du diagnostic externe. Par exemple, emboîtant le pas à Prahalad et Hamel, le BCG (1992) insistait lui aussi sur les capacités stratégiques de l’entreprise pour s’ouvrir des avantages concurrentiels en rejetant toute stratégie construite à partir d’une logique de produits et de marchés, donc réfutant la notion même de segmentation stratégique. By 4$ C’est peut-être tout simplement le poids du présent dans le diagnostic stratégique qui est ici en cause. À monde relativement stable, poids important du présent ; à monde extrêmement mouvant, poids réduit accordé au présent. À la limite, le regard porté sur le présent nuit à une saine analyse tant il risque de laisser penser que les champs concurrentiels sont fixés une fois pour toutes, que les concurrents de demain sont identifiés, que les règles du jeu vont se maintenir. À l’évidence, toutes ces propositions sont souvent fausses. En conséquence, si le présent compte moins (voire ne compte plus), le stratège ne gère plus des produits/marchés (orientations passées et présentes) mais des portefeuilles de compétences (seules vraies racines dans lesquelles il pourra puiser la réussite de demain). Ces affirmations sont réelles mais gardons-nous de toute exagération. S’attacher aux produits/marchés actuels, ce n’est pas conduire sa voiture en regardant dans le rétroviseur, c’est recourir au présent pour construire un futur à son avantage. Figure 3.44. Les trois axes de l’analyse stratégique L’approche de l’analyse stratégique et de la concurrence, avec Porter comme héraut et, l’école des ressources et des compétences stratégiques doivent également être prises en compte. Une fois le diagnostic stratégique établi, il convient de suggérer les décisions sur deux plans complémentaires. D’une part, à l’intérieur de chaque DAS, le responsable a pour mission d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés en opérant les choix stratégiques adaptés à son domaine : se développer ou se replier, rechercher un avantage concurrentiel en termes de prix, d’image ou de qualité, lancer une nouvelle gamme, se concentrer sur un segment de clientèle, etc. D’autre part, sur le plan global de l’entreprise, la direction générale doit gérer au mieux l’équilibre du portefeuille d’activités en coupant les branches mortes, en investissant dans de nouveaux domaines, en veillant à la pérennité de la valeur de l’entreprise(20). Ces deux plans, complémentaires, comme nous l’avons déjà souligné, constituent l’objet des deux prochains chapitres. 4$ $! |\/ | Figure 3.45. Les stratégies business et corporate By Mini-Cas : l’application du modèle ESA aux Business Schools en France Au cœur du modèle se trouvent les Business Schools (BS) françaises concurrentes entre elles. Qu’ont-elles en commun ces BS françaises ? Le nom de « grande école » conféré par l’appartenance au Chapitre de la Conférence des Grandes Écoles qui est fondamentalement caractérisé par une sélection par le concours. C’est un élément de la « plate-forme » définissant l’ESA. Nous laissons de coté les autres concurrents nationaux (IAE, universités et acteurs internationaux). La concurrence entre ces écoles porte sur de nombreux aspects, principalement le recrutement des étudiants, mais aussi le recrutement des professeurs, les ressources financières, les partenariats avec les entreprises, etc. La concurrence ne se fait pas entre toutes les écoles, mais au sein de groupes stratégiques dont les contours résultent des choix des étudiants lors des concours. En amont des BS, nous devons situer les élèves ou étudiants qui vont constituer le flux entrant. Nous partageons cet ensemble composé d’étudiants en cinq groupes d’acteurs : – Le premier groupe d’acteurs, historique est composé des classes préparatoires qui forment le flux traditionnel des candidats aux BS. C’est un ensemble relativement homogène où les professeurs jouent un rôle de prescription déterminant. – Le deuxième groupe est composé des universités françaises dont viennent, par les voies d’accès parallèles, les étudiants en recherche de professionalisation et d’image. Cet ensemble est diffus, les étudiants décidant individuellement de candidater aux différentes écoles via les banques d’épreuves (Passerelle, Tremplin) pour le Programme Grande École (PGE). – Le troisième groupe est composé des parents qui orientent leurs enfants à la sortie du lycée vers les programmes Bachelor, post-bac. – Le quatrième groupe est encore plus large et divers puisqu’il est composé des étudiants internationaux qui alimentent en nombre de plus en plus important toutes les filières (Bachelor, PGE, masters spécialisés, MBA, etc.) des BS. – Enfin, le cinquième comprend une population plus âgée, déjà diplômée en formation initiale, en activité dans des entreprises et organisations. C’est là une population hérérogène correspondant à plusieurs segments qui alimentent les cycles d’executive education des BS. $! |\/ | En aval de la BS, les diplomés, les alumni, sont en quelque sorte la « production » de la BS. Ce sont des acteurs en interactions durables avec la BS dans la mesure où, d’une part, ils apportent à « leur » école des soutiens sous différentes formes (fonds, partenariats, etc.) et où « leur » BS contribue à leurs propres notoriété et employabilité. Les BS se caractérisant par des procédures sélectives d’admission, plusieurs types d’acteurs se sont développés : By 4$ – Des systèmes de concours communs (Atout + 3 pour le Bachelor, BCE, ECRICOM pour le Programme Grande École, Passerelle, Tremplin, Atout, Passerelle World, pour l’international) ont été développés pour mettre en commun des coûts d’organisation et de communication. Pour chaque voie d’accès, plusieurs systèmes de concours qui regroupent des BS en concurrence entre elles, sont eux-mêmes en concurrence. On est là typiquement dans une logique de coopétition entre les BS. – Des systèmes de test de référence (GMAT, TAGE MAGE, TOEIC, TOEFL, etc.) founissent des scores utilisés dans les filières de recrutement. – Des organismes de préparation aux concours, généralement privés, permettent de préparer ces concours et ces tests. Mais le contact entre les cinq groupes cibles, les BS et les systèmes de concours n’est pas direct et de nombreux acteurs jouent un rôle intermédiaire non négligeable. Les voici : – Les organisateurs de Salons au plan national et international où sont à la fois présentes les BS et les organisateurs de concours. – Les agents recruteurs, intermédiaires rémunérés à la commission, qui au plan international recrutent des étudiants pour les systèmes de concours ou les procédures spécifiques mises en place par les BS. De façon transverse, il faut ici mentionner une série d’acteurs de la communication dont le rôle est très important dans les processus de choix des candidats aux BS : – Les médias nationaux et internationaux, tant traditionnels, visuels que Web. Les journalistes spécialisés dans le secteur de l’éducation ont en effet un rôle essentiel de prescripteur au travers des rédactionnels produits au fil de l’année comme au travers des classements qui influencent tous les acteurs de l’écosystème. Les classements ont pour les médias un double intérêt. D’une part, ils doublent les ventes au numéro des magazines, d’autre part, ils génèrent un flux d’annonces publicitaires des BS très conséquent. – Les agences de relations presse. Ces agences jouent un rôle de contact entre les BS et les journalistes. Leur existence se justifie par le double service qu’elles rendent. Aux BS, elle permettent des contacts rapides et facilités avec les journalistes du secteur pour obtenir des rendez-vous ou diffuser des communiqués de presse. Aux journalistes en recherche de témoignages d’étudiants ou de professeurs, dans des délais de rédaction toujours très courts, les agences de relations presse apportent les contacts réactifs au sein des BS. – Les agences de classement. On ignore en effet que tous les classements qui requièrent une expertise particulière et un travail très conséquent ne sont pas toujours produits par les journaux eux-mêmes et leurs journalistes. En soi, cette externalisation peut se comprendre en termes de ressources et compétences spécifiques requises. 4$ $! |\/ | – Acteur le plus récent de l’écosystème d’affaires, les réseaux sociaux spécialisés dans les BS jouent un rôle très important dans la population des candidats et peuvent, au moment de l’arbitrage des candidats entre différentes écoles, être un acteur d’influence. Les forums sont des lieux d’expression donnant lieu à la diffusion d’informations les plus diverses. By La nature académique des BS les met en relation avec des acteurs délivrant visas (État, CEFDG) et accréditations (EFMD, AACSB, AMBA). Ces organismes, auxquels les BS adhèrent et participent à travers diverses activités (séminaires, colloques, etc.), sont périodiquement évalués selon des méthodologies visant à garantir et à améliorer la qualité du fonctionnement des écoles. À proximité des professeurs des BS et des associations académiques, on peut souligner le rôle des éditeurs d’ouvrages (manuels, livres de cas, ouvrages de recherche) qui contribuent à la visibilité des enseignants et des institutions via leurs publications. Dernier groupe d’acteurs économiques de l’écosystème d’affaires des BS, les chambres de commerce et d’industrie, les entreprises et les collectivités locales sont des parties prenantes ayant un rôle clé dans la dynamique de l’ESA des BS. Les chambres de commerce et d’industrie ont joué un rôle historique dans la création des BS françaises qui ont longtemps été des services de ces collectivités qui les finançaient en partie. Les entreprises sont en relations multiples avec les BS. Cela constitue d’ailleurs un élément d’identité du fonctionnement des BS françaises. Qu’il s’agisse de la pédagogie, des chaires de recherche, des stages, de l’emploi, du financement, de la gouvernance, les entreprises sont omniprésentes au sein des BS. Tous ces acteurs sont en interaction et en interdépendance multiple au sein de l’écosystème. C’est précisément l’intérêt de ce type d’analyse que de mettre en exergue ces interdépendances qui sont porteuses de bouleversement lorsqu’un des éléments du système évolue. Les acteurs de l’écosystème d’affaires des BS $! |\/ | Les collectités locales, ville, communautés urbaines, départements, régions, constituent des acteurs qui à la fois contribuent au développement des BS et en profitent très largement sans que les impacts en soient toujours pleinement appréhendés(21). En effet, d’une part, elles peuvent contribuer aux financements des infrastructures immobilières ou d’actions de fonctionnement, mais, d’autre part, elles tirent profit du développement des BS tant sur le plan financier, qu’économique en termes d’emplois et de création d’entreprises, d’innovation, d’image, etc. Questions By 4$ D’après S. Ben Letaifa, M. Kalika, Les fusions, réponses à la crise des Business Schools ? Application du modèle de l’ÉcoSystème d’Affaires en France, EGM, FNEGE, 2012. 1. Regroupez les acteurs de l’écosystème d’affaires (ESA) en trois catégories, selon le niveau d’interaction (cœur de métier, entreprise élargie et écosystème). 2. Quelle est la dynamique actuelle de cet ESA ? Quelles en sont les évolutions majeures ? 3. Selon vous, les fusions entre Business Schools s’expliquent-elles par la dynamique de l’ESA ? Chapitre 4 Les stratégies business Les compétences clés à acquérir : • Repérer les principaux éléments qui conditionnent la performance, leur intérêt et leurs limites dans un domaine d’activité stratégique. • Connaître les facteurs de la performance (cycle de vie, expérience, leadership et compétences), leurs intérêts et leurs limites. |\/ | • Proposer des stratégies correspondant à un business. • Analyser les avantages et les limites de chaque stratégie. $! • Situer une stratégie dans la boussole stratégique prix-valeur. 4$ • Comprendre la stratégie Océan Bleu et la longue traîne. By • Identifier un secteur en situation d’hypercompétition. L’analyse stratégique d’un domaine d’activité, tant dans sa phase de diagnostic que de propositions, fait référence aux facteurs de performance éclairés par de nombreuses études qui ont à la fois permis de structurer la phase de diagnostic et d’orienter les prises de décision stratégique au sein de chaque DAS. L’examen de ces stratégies business, également dénommées « stratégies d’activité » ou encore « stratégies de DAS »(22), précède logiquement la présentation des stratégies génériques associées. La finalité ultime du management stratégique est de permettre à une entreprise de choisir et de mettre en œuvre, dans chaque DAS, une stratégie qui lui permette d’acquérir un avantage compétitif source de profit. En général, une entreprise possède un avantage compétitif quand elle crée plus de valeur économique que ses concurrents. La valeur économique peut s’appréhender comme la différence entre la valeur créée pour les clients et les coûts supportés. La supériorité d’une entreprise sur une dimension de la concurrence ne devient un avantage concurrentiel que si le client attribue de la valeur à cette supériorité. Il est stérile d’être meilleur que les rivaux sur un aspect de la stratégie si les clients y sont indifférents ou s’ils ne perçoivent pas l’aspect différenciation. I. Les facteurs de performance dans une activité Avec les outils d’analyse ci-dessous, nous tenterons de déterminer, au total, les points d’appui pour ranger les domaines d’activité stratégique au regard des facteurs supposés influencer la performance. Le préalable est, par conséquent, de se prononcer sur les éléments conditionnant la performance : un domaine d’activité stratégique bien « classé » sur ces éléments sera dans une position enviable, à maintenir ; un domaine mal classé se trouvera dans une situation difficile qu’il conviendra sans doute d’abandonner. Ce sont ces relations fondamentales (supposées ?) entre divers éléments et la performance que nous allons décrire. Quels sont les facteurs de performance qu’il convient aujourd’hui d’identifier dans un domaine d’activité stratégique ? Nous en retenons cinq qui nous semblent incontournables pour comprendre les stratégies choisies par les entreprises. Les quatre premiers sont spécifiques alors que le dernier est plus général : • la maîtrise du cycle de vie de l’activité, c’est-à-dire la gestion de la relation entre les ventes et le temps ; • l’accumulation de l’expérience qui permet de réduire les coûts unitaires ; • la position de leader en termes de part de marché, synonyme de rentabilité ; • l’innovation qui permet de créer un avantage concurrentiel générateur de performance ; |\/ | • la mobilisation des compétences de l’entreprise, par exemple la maîtrise du temps et la maîtrise de la qualité. By 4$ $! Figure 4.1. Les facteurs de performance A. Le cycle de vie : la relation ventes-temps Le concept de cycle de vie, emprunté au domaine du marketing, met en relation l’évolution des ventes ou de la demande dans un secteur avec le temps. Le cycle de vie ne fait qu’appliquer aux domaines de la stratégie de l’entreprise la notion de vieillissement, en distinguant les diverses phases qui vont de la naissance à la mort. On reconnaît généralement quatre phases : le lancement (également désigné comme phase d’émergence ou d’introduction), la croissance, la maturité, le déclin. 1. Présentation du cycle de vie d’un DAS Les phases peuvent se distinguer séquentiellement par le taux de croissance des ventes : – moins de 10 % dans la phase de lancement ; – supérieur à 10 % dans la phase de croissance ; – à nouveau inférieur à 10 % en phase de maturité ; – négatif en phase de déclin. Figure 4.2. Les quatre phases du cycle de vie Dans la phase de lancement, l’activité étant nouvelle, les produits encore mal distribués, la demande démarre lentement ; dans la phase de croissance, le marché s’élargit du fait de la familiarisation des consommateurs, de la communication et de la distribution améliorée ; le marché arrive ensuite à saturation, la concurrence est forte du fait de l’arrivée de concurrents et les ventes stagnent ; enfin, le marché se lasse, des innovations apparaissent et le déclin de l’activité vieillissante s’amorce. 2. L’identification des phases |\/ | Les indicateurs significatifs de la gestion varient en fonction de la phase du cycle dans laquelle se trouve l’activité. Même si les situations varient d’une activité à l’autre, il est possible d’indiquer les grandes tendances suivantes (tableau 4.1). $! Tableau 4.1. Les indicateurs et phases du cycle de vie 4$ Lancement Croissance Maturité Résultat négatif ou nul Coût de revient unitaire Prix de vente Marge unitaire Liquidités Endettement élevé élevé négative fort besoin élevé By Part de marché forte, tendance à l’accélération faible Croissance du marché Déclin exponentielle faible négative forte positif, en croissance en diminution en diminution positive équilibre moyen forte élevé, en stabilisation faible en diminution positive excédent nul faible faible en hausse en hausse en diminution équilibre nul Mettant en relation les ventes avec le temps, le concept de cycle de vie n’explique rien d’autre que le phénomène d’apprentissage (lancement), d’engouement (croissance), de lassitude (maturité) et de vieillissement (déclin). Son pouvoir explicatif est donc limité. On notera par ailleurs que le cycle de vie des secteurs et le cycle de vie des technologies sont liés car, d’une part, le cycle de vie du secteur est conditionné par le cycle de vie que connaissent les technologies et, d’autre part, les choix technologiques de l’entreprise sont influencés par la phase dans laquelle se trouve le secteur sur lequel elle intervient. C’est parce qu’une technologie se banalise qu’un secteur se met à décliner (remplacé par une autre activité reposant sur une technologie nouvelle). C’est parce que le secteur de la sidérurgie traditionnelle est en période de déclin que les entreprises ne lui font pas porter d’importants programmes de recherche et d’investissements. Ainsi, une technologie déterminée connaît un cycle de vie qui lui-même commande et est commandé par le cycle de vie du secteur. Les périodes de lancement et de croissance d’une activité sont caractérisées, entre autres, par une relative incertitude technologique. Le choix pour l’entreprise est soit d’essayer d’être parmi les premiers entrants sur le secteur si elle estime qu’elle pourra y acquérir une place forte et durable (en image, en courbe d’expérience, en puissance de marché), soit d’attendre pour imiter, si elle juge que les bastions élevés par les innovateurs seront fragiles et aisés à conquérir à moindre coût. Lors des phases de maturité et de déclin, lorsque les principales innovations du produit ont vu le jour, que les marchés sont stabilisés, que les technologies requises sont normées (sauf pour ce qui est des innovations de procédé), les firmes jouent la carte de la gestion astucieuse de la fin de cycle en tentant de préserver les marges et, si c’est possible, en ouvrant des micro-niches susceptibles de retarder la fin du cycle. D’une activité à l’autre, la durée des phases va différer (figure 4.3). 4$ $! |\/ | Figure 4.3. Le cycle de vie de l’activité By D’après J.-Cl. TARONDEAU et Ch. HUTTIN, Dictionnaire de stratégie d’entreprise, Vuibert, 2e édition, 2006, p. 57. De plus, rien n’indique que les produits passent nécessairement par les quatre phases. En pratique, les formes de cycle de vie sont très nombreuses. 3. L’utilité du cycle de vie En pratique, à quoi sert donc le concept de cycle de vie ? Quatre arguments méritent d’être avancés. a. L’adaptation des décisions Le cycle de vie permet tout d’abord aux responsables d’adapter leurs actions en fonction des phases (tableau 4.2). En effet, selon la phase du cycle de vie dans laquelle ils se trouvent, les actions stratégiques et opérationnelles différeront. Tableau 4.2. Le cycle de vie et les actions stratégiques ou opérationnelles Lancement Croissance Stratégie type Fonction clé expansion par développement création du marché R&D production puis marketing mise au point du produit Marketing publicité, promotion, vendeurs à la commission Production mise au point des méthodes, sous-traitance Logistique externalisée internalisée Contrôle définition des standards et calcul des coûts recherche de productivité formation de l’encadrement supérieur recrutement, heures supplémentaires, formation des personnels de production Personnel Déclin rentabilisation retrait marketing et distribution contrôle de gestion démarrage du produit suivant développement de arrêt variantes des recherches distribution très large, vendeurs salariés, communication de marque internalisation de la production en grandes séries, investissement, standardisation différenciation concurrentielle, promotion, amélioration du service distribution sélective, augmentation des prix, arrêt des promotions sous-traitance, réduction des délocalisation, coûts, procédures suivi des stocks, de routine, petites liquidation des séries équipements réduction des suivi des stocks de stocks de produits produits finis finis analyse des coûts analyse de la cachés et décision valeur d’arrêt By 4$ $! |\/ | Recherche et développement Maturité cercles de productivité et de transfert ou départ qualité b. L’action sur le cycle de vie du DAS Ensuite, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la connaissance du cycle de vie permet de contrarier le déroulement du cycle de vie (figure 4.4). En effet, quel responsable d’activité ne souhaite pas l’éternité pour les domaines dont il a la charge ? Ses actions viseront donc à : – raccourcir la phase d’introduction (A) ; – accélérer et prolonger le processus de croissance (B) ; – allonger le plus possible la phase de maturité (C) ; ou relancer le produit en lui donnant une deuxième jeunesse (D) ; – retarder et ralentir le déclin (E). Figure 4.4. Les actions visant à contrarier le cycle de vie « normal » c. La synchronisation des activités |\/ | Le cycle de vie conduit enfin à coordonner les développements des différentes activités et à passer d’une gestion de domaine à une gestion de portefeuille d’activités. Pendant la phase de croissance de l’activité 1, les recherches et la mise au point de l’activité 2 seront effectuées. L’activité 2 sera en croissance dans la phase de maturité de l’activité 1 et se trouvera en maturité lorsque l’activité 1 entamera son déclin (figure 4.5). By 4$ $! Figure 4.5. La coordination des cycles de vie des activités d. Le choix des DAS à fort taux de croissance La rentabilité étant liée au taux de croissance du secteur, l’entreprise a intérêt à investir dans les DAS dont les taux de croissance sont les plus forts (figure 4.6). Figure 4.6. Le taux de croissance du marché et la rentabilité Comme d’habitude, cette liaison compte des exceptions. Personne ne nie l’intérêt pour une entreprise d’exercer son activité dans un secteur en croissance : les cosmétiques valent mieux que le BTP, les tablettes que les ordinateurs portables. Mais, au-delà de cette réalité, on connaît des entreprises qui sont peu rentables dans des secteurs en croissance (SAP pour les logiciels intégrés) et des entreprises rentables dans des secteurs mûrs. Le lien n’est donc pas aussi évident qu’il peut le sembler à première vue. Il convient par conséquent d’admettre qu’il existe des zones de non- profit dans lesquelles la croissance est plutôt destructrice de valeur que créatrice de profit. Le conseil est d’éviter ces zones à tout prix. Exemples Si Uber (VTC) est peu rentable dans un secteur qui, lui, croît fortement, JCDecaux est extrêmement rentable bien que le secteur ait atteint un haut degré de maturité. 4. Un ou des cycles de vie ? $! |\/ | Lorsque le concept de cycle de vie est utilisé, il convient, pour éviter les confusions, de bien préciser à quoi l’on fait référence. En effet, en matière stratégique comme en marketing, le concept de cycle de vie peut s’appliquer : 4$ Le problème peut être compliqué si l’on introduit la distinction entre ventes et demande. By En stratégie, le niveau de raisonnement à retenir est, nous semble-t-il, celui du domaine d’activité stratégique, c’est-à-dire que l’on doit privilégier la demande se rapportant à un couple produitmarché. Le concept de cycle de vie, en dépit de son caractère déterministe et simplificateur, doit être connu du manager, ne serait-ce que pour tenter de le contrarier à son profit. B. La droite d’expérience 1. La relation expérience-coût unitaire L’observation empirique de l’évolution décroissante des coûts des produits dans le domaine industriel a donné naissance au concept de droite ou courbe d’expérience. Cette relation a une grande importance sur les stratégies des entreprises. a. La présentation de la relation La loi d’expérience stipule que le coût unitaire de la valeur ajoutée d’un produit homogène, mesuré en unités monétaires constantes, diminue d’un pourcentage fixe et prévisible chaque fois que la production cumulée double. En clair, plus une entreprise a fabriqué de produits, plus ses coûts sont compétitifs. En pratique, voyons les effets d’expérience pour les produits A et B dont les coûts unitaires évoluent ainsi (figure 4.7) : Figure 4.7. Le coût unitaire et l’expérience À chaque doublement de la quantité produite, le coût unitaire diminue de 30 % pour le produit A et de 20 % pour le produit B. On dira que le produit A possède une pente d’expérience de 70 %, alors que le produit B a une pente de 80 %. La représentation graphique donne une courbe décroissante qui devient une droite sur un repère logarithmique. b. Les observations empiriques $! |\/ | Il a été observé que la plupart des courbes d’expérience avaient une pente comprise entre 70 % et 80 %. Une revue de 190 études a montré que les pentes d’expérience étaient de 88 % pour les voitures, 85 % pour les appareils de télévision en couleurs, 80 % pour l’acier, 50 à 60 % pour les semi-conducteurs. 4$ c. Les conditions de vérification de la loi d’expérience By La relation établie entre l’expérience et les coûts unitaires est essentielle pour l’analyse stratégique et on comprend l’intérêt qu’elle a suscité. Il convient cependant de préciser les conditions de vérification de cette relation : • le terme d’expérience désigne le volume cumulé de la production depuis l’origine du produit et non sa production annuelle. L’expérience croît même si la production annuelle stagne ou diminue ; • la loi d’expérience résulte d’observations statistiques vérifiées dans certains secteurs mais pas dans tous ; la relation entre l’expérience et le coût unitaire n’est pas automatique. Les coûts ne diminuent que si les managers ont la volonté de les faire baisser. Il s’agit donc d’une « loi » volontariste, c’est-à-dire potentielle ; • l’effet d’expérience ne joue que sur les coûts de la valeur ajoutée (prix de vente moins charges externes), c’est-à-dire sur ceux sur lesquels l’entreprise exerce un contrôle direct ; il s’agit des coûts de production, de distribution, d’administration interne à l’entreprise ; • les coûts sont appréhendés en monnaie constante, de façon que l’inflation ne masque pas le phénomène ; • l’effet d’expérience est plus fort au début du cycle de vie, lorsque l’accumulation de la production est la plus conséquente ; • une droite d’expérience s’applique à une technologie précise, un changement technique modifie l’intensité de la relation entre coûts et production cumulée. On observera ainsi que toute lecture trop « mécanique » de l’effet d’expérience risque de conduire à des désillusions : le phénomène ne trouve sa raison d’être que sous certaines conditions ; il convient de les conserver présentes à l’esprit. d. Les causes de l’expérience Au-delà du constat empirique d’une relation décroissante entre les coûts unitaires et l’expérience, il convient de s’interroger sur son origine. Trois phénomènes entre lesquels la distinction n’est pas toujours aisée expliquent la baisse des coûts : • L’effet de l’apprentissage. Lié au temps, il se traduit par des économies engendrées par l’amélioration du savoir-faire de l’entreprise. Cet effet d’apprentissage peut prendre plusieurs formes : – la répétition et l’amélioration de l’expertise individuelle des salariés du fait de l’expérience acquise au fil de la production accumulée ; – l’amélioration des procédés de fabrication et des processus de traitement administratif, des circuits de circulation de l’information à mesure que les problèmes apparaissent et qu’une solution leur est apportée ; |\/ | – la simplification des produits, les aspects superflus ou coûteux étant progressivement supprimés ou standardisés. By 4$ $! • L’effet des économies d’échelle, ou effet de volume. Il correspond à la réduction des coûts unitaires observés lorsque le coût de l’investissement augmente moins proportionnellement que ses capacités. Ainsi, en matière industrielle, le coût d’un équipement ne croît pas proportionnellement à ses capacités : le coût par unité produite diminue donc. Le même phénomène se vérifie dans les domaines administratifs et commerciaux. Les effets d’échelle se subdivisent en deux grandes catégories : – l’étalement des charges fixes sur des quantités produites plus importantes ; – la diminution des frais variables unitaires du fait d’un recours à de meilleurs procédés grâce à la taille des installations. • L’effet de l’innovation ou du progrès technique. Il résulte de la recherche et permet de produire à des coûts moindres. Lorsque l’innovation est importante, il faut considérer que l’entreprise va, en fait, changer de courbe d’expérience, la relation entre la production cumulée et les coûts étant bouleversée. L’entreprise réussit alors en « bondissant » d’une courbe d’expérience à une autre en maîtrisant l’évolution technologique. L’expérience appelle différentes stratégies Selon la nature de l’effet d’expérience, les suggestions stratégiques diffèrent. On pourrait formuler les conseils suivants : accumulez de la production, si l’effet d’apprentissage est dominant ; accumulez de la capacité de production, si l’effet d’économie d’échelle l’emporte ; investissez en recherche, si l’effet d’innovation est premier. e. Les conséquences stratégiques de l’expérience Les implications stratégiques de la droite d’expérience résident dans la création d’un avantage concurrentiel en termes de coût, au bénéfice de l’entreprise qui possède la production cumulée la plus forte, c’est-à-dire en pratique celle qui a la plus forte part de marché. Cet avantage joue dans un domaine d’activité où les firmes en concurrence utilisent les mêmes technologies de production. Les préconisations tirées de la courbe d’expérience sont les suivantes : • l’entreprise qui a la production cumulée la plus élevée possède les coûts unitaires les plus faibles ; • l’entreprise qui souhaite se développer doit descendre sur la courbe d’expérience plus rapidement que ses concurrents et acquérir ainsi un avantage-coût déterminant ; • l’acquisition de cet atout concurrentiel en termes de coût doit se faire dès le lancement de l’activité lorsque les effets d’expérience sont les plus forts ; • l’acquisition de l’expérience implique une augmentation de la part de marché relative qui reposera sur une politique de prix agressive, elle-même anticipant souvent une baisse des coûts. By 4$ $! |\/ | C’est cette dernière situation qu’illustre la figure 4.8 ; l’entreprise pratique le prix P1 qui correspond à un niveau d’expérience anticipé E1 auquel elle produit au coût C1 qui lui confère la marge P1 – C1. Elle peut, lorsqu’elle a atteint le niveau d’expérience E2, maintenir le niveau P1 plutôt que de le baisser. Cela lui permet de réaliser de confortables marges mais présente l’inconvénient de rendre le secteur attractif pour les concurrents potentiels. Si la concurrence est menaçante (niveau E2), elle pourra baisser ses prix. C’est ce que le BCG appelle « pratiquer une ombrelle de prix ». On comprend bien que les situations stratégiques des entreprises seront fondamentalement différentes selon leur position sur la droite d’expérience (figure 4.9). Prenons le cas de trois entreprises concurrentes A, B, C, utilisant la même technologie de production et situées à des niveaux d’expérience différents. Nous supposons qu’un prix de marché s’impose aux trois firmes. Figure 4.8. L’expérience et la politique de prix Figure 4.9. L’expérience et les positions concurrentielles By 4$ $! |\/ | La situation et les alternatives stratégiques des trois concurrents peuvent être résumées par le tableau 4.3. Tableau 4.3. Les alternatives stratégiques en fonction de la position sur la courbe d’expérience Entreprise A |\/ | $! By • Descendre la courbe d’expérience, mais avec quel moyen ? • Innover technologiquement et changer de droite des coûts. • Segmenter le marché en se différenciant (par le service, par exemple) et Alternatives faire accepter aux clients un prix supérieur. Cela revient à être gros sur un petit marché plutôt que rester petit sur un gros marché. • Quitter le secteur avant qu’il ne soit trop tard en négociant son retrait avec d’autres entreprises du secteur (B ?). Entreprise C • L’entreprise C possède l’expérience la plus importante du secteur, ce qui lui confère un indéniable avantage-coût. Non seulement elle gagne plus que ses concurrents sur chaque unité vendue, mais en plus elle détient les parts de marché les plus élevées. • L’entreprise C a le plus de liberté stratégique compte tenu de sa position dominante. Deux • Accumuler de alternatives en matière de l’expérience, gagner des prix, et une obligation de parts de marché, pour se veille : rapprocher du leader et – politique de prix élevés avoir une situation qui engendre des marges concurrentielle très importantes et qui ne comparable : gêne pas les concurrents. – par croissance interne en Les liquidités ainsi développant une politique dégagées peuvent être commerciale agressive ; réinvesties dans d’autres – par croissance externe en activités ; rachetant une entreprise – politique de prix déjà implantée dans le agressifs, consistant à secteur (A ?). éliminer progressivement • Innover les concurrents les moins technologiquement et performants, quitte à changer de droite des augmenter ensuite les prix, coûts. une fois le marché assaini. • Mettre en place une veille technologique de façon à ne pas perdre l’avantage concurrentiel. • L’entreprise A se situe à un niveau élevé de la • L’entreprise B a acquis courbe d’expérience où ses une expérience suffisante coûts unitaires sont pour avoir un niveau de supérieurs au prix de coût inférieur au prix de marché. Si elle vend au marché. Elle est rentable, prix de marché, elle réalise mais dans une situation de des pertes sur chaque unité suiveur. vendue. Cette position n’est pas durable. 4$ Situations Entreprise B f. Les limites du concept d’expérience D’une portée évidemment capitale, il faut cependant noter que la relation entre coûts unitaires et expérience n’est pas universelle. Son intérêt est réduit ou inexistant lorsque : • la valeur ajoutée dans le produit est réduite ; • le produit se trouve en phase de maturité ou de déclin ; • l’innovation technologique est très rapide et rend de facto tout avantage d’expérience fugace, ou bien encore, l’innovation, qu’elle soit de procédé ou de produit, périme l’ancienne formule tout en faisant subir aux coûts une hausse structurelle importante ; • un concurrent bénéficie d’avantages sans rapport avec son expérience ; Exemple L’approvisionnements peut être réalisé à des conditions préférentielles ou un brevet peut permettre à une entreprise Y de produire pour moins cher qu’une entreprise X. • les consommateurs sont peu sensibles aux prix et que l’élasticité-prix est faible ; $! |\/ | • le secteur est sensible à divers éléments de différenciation (service, qualité, etc.) autres que le prix ; 4$ • la croissance de la taille de l’entreprise résultant de l’accumulation d’expérience engendre des surcoûts organisationnels et une rigidité inadaptée à un environnement dynamique ; By • les pouvoirs publics modifient les structures de coût (subventions, taux d’intérêt) ou les règles de la concurrence (normes et règlements) ; • les expériences peuvent être partagées entre plusieurs entreprises par le biais d’alliances ou de partenariats ; • le marché sur lequel l’entreprise possède une forte expérience disparaît. Exemple Les thermomètres médicaux à mercure ont été remplacés par des thermomètres électroniques. Tant du côté de l’innovation technique que du côté des changements de goûts des clients, se trouvent les principaux obstacles à une stratégie tentant de se reposer durablement sur les effets d’expérience. Pourrait-on avancer que, à long terme, l’effet d’expérience trouve sa propre limite là où il devrait engranger le maximum d’efficacité ? C. La position de leader et/ou l’agilité 1. La vision classique La part de marché détenue par une entreprise constitue un facteur essentiel de la performance dans un DAS. C’est un des nombreux résultats tirés d’une base de données constituée pendant de nombreuses années, le PIMS (Profit Impact of Market Strategy). Cette base de données visait à étudier les relations entre performance et décisions stratégiques au sein des DAS. En effet, les parts de marché et la rentabilité sont positivement et fortement corrélées. Cette relation, souvent mise en avant comme résultat essentiel du PIMS, est présentée dans le tableau suivant (figure 4.10). |\/ | Figure 4.10. La part de marché et la rentabilité 4$ $! Il apparaît ainsi qu’à une part de marché croissante correspond une rentabilité grandissante de l’entreprise. Ce résultat est un évident plaidoyer pour les stratégies de conquête de parts de marché et pour les stratégies de développement qui permettent d’asseoir un leadership. – les économies d’échelle ; – les effets d’expérience ; By Plusieurs facteurs permettent de comprendre ces résultats : – l’aversion des consommateurs pour le risque ; – le pouvoir de négociation. Exemple Jack Welch, l’ancien président de General Electric, affirmait : « Si nous ne sommes pas les premiers, nous nous retirons. » La situation de leader peut reposer sur l’accumulation d’expérience, mais aussi sur des investissements en qualité, sur la maîtrise d’une technologie ou sur une capacité à innover (figure 4.11). Figure 4.11. L’attractivité des différents segments de biens d’équipement Les Échos / Source : Société Générale Equity Research. 2. Une vision renouvelée du leadership |\/ | À l’instar des facteurs de performance vus précédemment, la notion de part de marché n’a pas manqué, récemment, de faire l’objet sinon de critiques, tout au moins d’analyses plus nuancées. Deux aspects peuvent être mis en avant. $! a. L’élargissement de la notion de leadership By 4$ Tout en reconnaissant que le leadership fondé sur la part de marché était encore régulièrement présent dans les discours de tous les chefs d’entreprise – il suffit pour s’en convaincre d’écouter les déclarations à propos de leur rang mondial, européen ou français –, force est de reconnaître que la part de marché a perdu une partie de son pouvoir explicatif. La place sur un marché révèle à l’évidence une situation de force pour une entreprise mais elle présente un double inconvénient : le premier est de reposer sur une définition de marché, dont on sait qu’elle peut être parfaitement artificielle, le second est qu’elle n’offre qu’une vision partielle de la situation réelle d’une firme dans son environnement. On y préfère aujourd’hui l’idée de mindshare(23) (degré de leadership), plus large, qui tente de mieux repérer la place véritable qu’occupe l’entreprise. On lui attribue trois facettes : – la place auprès des clients, on revient ici à la part de marché ; – la place auprès des investisseurs, qui vont apporter les sources de financement ; – la place auprès des compétences qui marquera l’attractivité des entreprises auprès des talents, jeunes ou moins jeunes, qui souhaiteront s’y révéler. L’importance des compétences dans l’explication des performances confère à cette facette un aspect tout particulier. L’addition de ces trois analyses révèle la place véritable que l’entreprise occupe, place dont elle peut, beaucoup mieux qu’avec sa simple part de marché, tirer profit. b. Business Design et migration de valeur L’idée de Business Design, ou encore de Business Model, dépasse celle de part de marché. Dans un sens, elle la critique. Considérer que la part de marché est un indicateur de performance c’est oublier que sur certains marchés, laminés par la pression des clients, les marges sont réduites comme des peaux de chagrin. Dans cette perspective, il ne faut pas chercher à élargir sa part de marché – ce qui conduirait à la mort – mais rechercher le Business Design (le modèle économique) qui, à un moment donné, s’inscrit dans une zone de profit, c’est-à-dire dans une activité qui engendre de la valeur pour une entreprise. La preuve de la disparition de la relation directe entre part de marché et rentabilité est cherchée du côté des grandes entreprises qui tout en étant des acteurs majeurs sur leur marché, ont cependant connu des difficultés financières : General Motors, Ford, United Airlines, Kodak, Sears. De sorte que le choix d’un bon Business Design permet de gagner de l’argent, à la limite, quelle que soit la part de marché. Et, pour en finir, les zones de profit d’un secteur économique changent de place. On observe une migration de la valeur. L’entreprise doit perpétuellement (tous les cinq ans ?) réinventer son Business Design pour demeurer dans la zone de profit. Exemple $! |\/ | Coca-Cola a réalisé pendant longtemps de solides profits en vendant sa formule chimique à des embouteilleurs qui distribuaient tout en assurant un marketing mondial. Puis la marque a compris que la valeur changeait de place. Elle s’est donc délibérément orientée vers la reprise de ses embouteilleurs afin de se rapprocher du client final. 4$ Avec toutes ces considérations, on comprend bien que l’indicateur de part de marché, trop statique, mérite d’être prolongé(24). L’agilité l’emporte sur la force comme facteur explicatif de la performance. By Un modèle de profit est une architecture stratégique qui permet à une entreprise d’être rentable en se positionnant sur un gisement de valeur. Voici quelques exemples : – les solutions clients : General Electric, HP ; – une pyramide de produits : Swatch, Mattel ; – l’intermédiation : Schwab ; – le facteur temps : Intel, Sony ; – l’esprit d’entreprise : 3M, ABB ; – une norme de fait : Microsoft, Oracle ; – une marque : Coca-Cola, Nike ; – un leadership local : Starbucks, Wal-Mart ; – un faible coût : Southwest, Dell ; – une part de marché relative : Procter & Gamble, Philip Morris. D. L’innovation Sur un plan stratégique, l’innovation constitue un facteur de performance important pour les entreprises dans la mesure où elle constitue une source d’avantage concurrentiel. L’innovation est à l’origine des ruptures qui bouleversent les positions relatives des entreprises en termes de part de marché. Cela est vrai tant au plan national qu’international. Exemple Les positions actuelles d’Apple, de Nespresso, d’Amazon, de Google ou encore de L’Oréal ne se comprennent qu’au travers du filtre explicatif du rôle joué par l’innovation. 1. La diversité des formes d’innovation 4$ $! |\/ | Comme le montrent les exemples cités, l’innovation est diverse dans sa nature. Le point commun entre toutes les innovations réside dans le caractère de nouveauté de l’offre faite au marché. Mais sur un plan stratégique, l’innovation n’a d’intérêt que si elle crée de la valeur pour le client qui accepte d’en payer le prix. Dans de très nombreux secteurs, l’innovation est une question cruciale liée à la survie de l’entreprise. Ainsi, Kodak, par défaut d’innovation, a perdu sa place sur le marché des appareils photographiques ; Apple, dans le domaine des produits électroniques, des ordinateurs et logiciels informatiques, maintient la sienne grâce à une innovation constamment renouvelée. L’innovation se distingue de l’invention en intégrant la mise sur le marché et la commercialisation. By a. La double réalité de l’innovation(25) L’innovation est à la fois un processus (celui qui consiste à innover) et le résultat de ce processus, c’est-à-dire le produit fini ou le service nouveau mis sur le marché. Cette distinction permet de différencier les innovations de processus des innovations produits. Exemples Si Amazon a innové par rapport à la Fnac, sur le plan du processus de distribution des produits, en revanche, les livres ou DVD livrés étaient identiques à ceux des concurrents. Mais, en lançant son Kindle, l’entreprise réalise une innovation produite sur le marché des liseuses. Les compagnies aériennes low cost ont, quant à elle, innové surtout sur le processus (vente des billets en ligne) et, marginalement, sur le produit. Il en est de même pour Free. b. La double origine de l’innovation L’innovation trouve à la fois une origine interne dans la recherche et une origine plutôt externe induite par l’étude du marché, des attentes et des besoins des consommateurs. Le premier type, dit technology driven ou technologie push, est le résultat des investissements faits par les entreprises en recherche fondamentale, en invention et en développement. Cette stratégie est illustrée par les forts investissements faits par les entreprises en recherche (3 % à 10 % de leur chiffre d’affaires) dans les secteurs de l’informatique, du numérique, dans l’industrie de la santé ou encore de l’automobile, par exemple. Figure 4.12. Les origines de l’innovation Le second type, dit market driven ou market pull, repose sur l’idée que seul ce qui répond aux attentes du marché peut réussir. Sans appropriation de l’innovation par le marché, pas de stratégie gagnante. Cette approche fait également la part belle au rôle de l’usage des produits par les consommateurs. Dans ces entreprises (alimentaires, cosmétiques) les études de marché sont essentielles et constituent un vecteur d’innovation. |\/ | Les deux approches ne sont pas exclusives. $! Exemple By 4$ Chez L’Oréal, la recherche, caractérisée par un très fort taux de dépôt de brevets, et le marketing constituent les deux activités prioritaires de la chaîne de valeur. L’entreprise investit à la fois en amont et en aval. Ce qui est atypique, c’est la manière dont elle parvient à associer et à faire travailler ensemble, à la fois chercheurs et marketeurs : dès que les chercheurs identifient, très en amont, une source d’innovation, les responsables marketing sont associés. Il s’agit là d’une compétence organisationnelle de coordination ancrée dans la culture de l’entreprise. c. L’innovation-rupture et l’innovation incrémentale L’innovation peut-être distinguée selon qu’elle introduit une rupture ou selon qu’elle est incrémentale. La distinction entre les deux repose sur l’importance du changement. La première est fondée sur un changement complet, radical de technologie, de modèle d’affaires et de produit tandis que la seconde est progressive, incrémentale. Exemple Le passage de la photographie argentique au numérique, ou encore de la téléphonie analogique à la téléphonie numérique, constitue un exemple d’innovations de rupture. En revanche, le changement de format d’un magazine ou une nouvelle version d’un logiciel relève de l’innovation progressive. d. L’innovation fondée sur le modèle d’affaires soutenant la stratégie La presse gratuite et les sites Internet financés par la publicité où le client apparent n’est pas le payeur constituent des innovations qui portent essentiellement sur le modèle d’affaires. La réussite de la stratégie repose alors sur la viabilité de ce modèle. Une innovation peut donc porter sur des dimensions distinctes (et non limitées) et être, pour chacune d’entre elles, source d’une plus ou moins grande nouveauté. L’étoile de l’innovation (figure 4.13) distingue cinq dimensions dans l’innovation : – la technologie. Il s’agit, par exemple, des automobiles électriques ; – le produit dans tous ses aspects (nom, design, conditionnement, fonctionnalités, etc.) ; – le processus de réalisation mais aussi de distribution. Ce peut être la distribution en ligne de livres rares ; – le client ; – le modèle d’affaires, le Business Model. By 4$ $! |\/ | Figure 4.13. L’étoile de l’innovation Exemple Les montres de la marque Swatch illustrent bien que l’innovation peut porter sur ces différentes dimensions : innovation sur le nom, le design, le produit, le réseau de distribution, la technologie, etc. e. L’innovation Top-down et Bottom-up Contrairement à ce que l’on pense généralement, l’innovation n’est pas dans les entreprises – notamment les grandes –, le monopole de la direction générale ou des services de R & D. Les travaux des sociologues de l’organisation, dont Norbert Alter, montrent que l’innovation résulte d’un processus souvent inattendu et jamais programmable, de mouvements peu ordonnés, qui reposent sur la transgression des règles et des normes. L’innovation est non seulement la résultante des services de recherche mais aussi du fonctionnement quotidien de l’entreprise, de ses erreurs et de ses échecs. L’innovation est, en ce sens, une activité banale, voire « ordinaire »(26). Exemples Les fameuses Bêtises de Cambrai sont nées, selon la légende, d’une erreur de manipulation d’un apprenti. Ce cas est loin d’être unique dans le domaine culinaire. La création de la première montre Swatch est également édifiante puisqu’elle n’était pas programmée. Elle ne relevait donc pas d’une stratégie délibérée d’innovation, d’un plan réfléchi ou d’une vision fulgurante.(27) 2. La courbe en S de la diffusion de l’innovation |\/ | On identifie généralement trois phases dans la diffusion d’une innovation. Dans la première période d’apprentissage du marché, plus ou moins longue, le nombre d’adopteurs (les first ou early adopters, technophiles, veulent être les premiers à acheter et adopter le produit) est limité ; dans la deuxième phase, un développement exponentiel se produit et la diffusion de l’innovation se généralise très rapidement. Le rythme important de croissance qui caractérise cette phase pose des problèmes sérieux sur le plan de la production et des services supports qui doivent « suivre » le développement de la demande ; enfin, la troisième phase est classiquement une phase de maturité. On peut faire le parallèle entre cette courbe en S et le cycle de vie des produits ou des domaines d’activités stratégiques (DAS). By Exemple 4$ $! Ce phénomène s’observe parfaitement sur les applications de réseaux sociaux sur Internet. Facebook a connu une première phase de relative confidentialité sur les campus américains, puis son utilisation a explosé par effet de bouche à oreille et de réseaux au plan mondial. Actuellement, on peut considérer que l’application, au sens classique, atteint la phase de saturation et que de nouvelles fonctionnalités sont nécessaires pour satisfaire les clients. Figure 4.14. La courbe en S de diffusion de l’innovation La durée des phases est variable selon les innovations. Elle peut être de quelques semaines sur les applications de réseaux sociaux ou de plusieurs années comme pour les machines à laver la vaisselle ou l’e-learning. Exemple Les innovations de rupture foudroient le marché ancien en un temps record. Le modèle de l’innovation ne comporte que deux segments : les testeurs et la majorité du marché. Seules des stratégies audacieuses de réponse ultrarapide permettent aux anciens acteurs d’éviter la mort subite. Garmin et TomTom ont disparu avec l’arrivée des applications gratuites de navigation(28). 3. La stratégie de premier entrant ou la stratégie du suiveur La bataille juridique mondiale qui oppose Apple, créateur de l’iPhone, et Samsung accusé d’avoir copié ses brevets en produisant le Smartphone Galaxy illustre bien le dilemme qui oppose les stratégies de first mover et de suiveur (de copieur, dans le cas évoqué). Les deux stratégies possèdent des avantages comme des inconvénients. First Mover |\/ | Tableau 4.4. La stratégie de first mover et la stratégie de suiveur By Avantages 4$ $! Effet d’image de l’innovateur auprès des consommateurs. Attractivité des ressources rares, notamment humaines. Effet d’expérience et économie d’échelle quand le marché croît. Création de barrières à l’entrée pour les suiveurs. Coûts internes de l’innovation. Coûts de diffusion de l’innovation dans le public (communication). Risques importants liés à l’incertitude quant à l’acceptation de l’innovation par le marché. Inconvénients Suiveur Bénéfice de l’expérience tirée des erreurs et succès du first mover. Bénéfice du développement du marché dont il n’a pas financé le développement. Coût de développement plus faible du fait de l’imitation. Barrières à l’entrée. Absence d’effet d’innovation sur l’image. Retard dans les processus d’apprentissage et d’innovation. 4. Les conditions organisationnelles de l’innovation Pour qu’une entreprise soit innovante, différentes conditions doivent être réunies : il faut bien évidemment des ressources financières pour financer la recherche et des ressources humaines, notamment des ingénieurs, mais on néglige souvent les conditions organisationnelles de l’innovation notamment, en ce qui concerne la structure et la culture de l’entreprise (chapitre 7). Sur le plan structurel, une structure de type « organique » est généralement recommandée : – décentralisation de la décision ; – organigramme plat ; – transversalité de la circulation de l’information ; – travail en équipe ; – bureaucratie peu développée. Sur le plan culturel, elle implique : – le droit à l’erreur ; – une communication orale et une culture de l’informel particulièrement développées ; – une valorisation de l’innovation ; – une grande liberté laissée aux équipes. Exemple |\/ | Les entreprises du numérique (Apple, Google) sont fréquemment mises en avant pour leur organisation et culture innovatrices. Google a ainsi mis en place une organisation du temps pour ses ingénieurs qui peuvent travailler une journée par semaine en toute liberté sur leur projet. By 4$ $! Figure 4.15. Les conditions d’une stratégie d’innovation efficace Ces éléments sont importants à prendre en compte car si l’existence de ressources financières et humaines constitue la condition nécessaire de l’innovation, elle ne saurait être suffisante. Il s’agit là en fait d’une question d’alignement stratégique : une entreprise avec une stratégie qui repose sur l’innovation doit aligner sa structure et sa culture. Exemple Dans le cas de Renault, doté d’un centre de recherche exceptionnel (Technocentre) qui regroupe plusieurs milliers d’ingénieurs et de chercheurs, la problématique de l’innovation se pose probablement davantage sur le plan organisationnel. L’innovation est de moins en moins une question traitée au sein de l’entreprise et de plus en plus dans le cadre d’un écosystème d’affaires. Alors que la R&D a longtemps été gérée en interne, les entreprises sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui à nouer des partenariats pour développer leur potentiel d’innovation. Ainsi, selon une étude menée par IBM(29) dans 64 pays, 53 % des entreprises collaborent avec d’autres entreprises sur des projets d’innovation et elles sont les plus innovantes. La compétence clé devient alors aussi la capacité à développer une transversalité intraentreprise (R & D/production/marketing) et interentreprises entre des partenaires. La gestion alternée de tels projets d’innovation par les partenaires constitue un facteur clé de succès. De manière encore plus large, il est possible de faire appel à des fournisseurs, à des clients, à des experts, voire au grand public. On parle alors d’open innovation, de crowdsourcing. Notons enfin qu’il convient que la stratégie d’innovation soit en cohérence avec la stratégie business du domaine d’activité stratégique et qu’elle renforce le positionnement choisi. Pour les stratégies low cost, l’innovation porte essentiellement sur la réduction des coûts qui permet la baisse des prix. Pour les stratégies de différenciation, l’innovation pourra porter sur tous les aspects de l’offre, susceptibles de créer ou de renforcer l’innovation (service, communication, fonctionnalités du produit, etc.). Tableau 4.5. Quelques exemples de stratégies Stratégie d’innovation |\/ | Stratégie business Réduction des coûts par numérisation des processus Différenciation Innovation technologique 4$ B for Bank Renault (voiture électrique) LCL Innovation de service au client Innovation portant à la fois sur le design Best seller (boussole (avantage valeur) et sur le processus de Ikea stratégique) fabrication (avantage de coût) Innovation sur les fonctionnalités des sites Long tail (longue traîne) Amazon Internet Océan Bleu Innovation de conception de la taille de l’avion Airbus A380 By Concentration $! Low cost Exemples E. La mobilisation des compétences de l’entreprise Dans un DAS, la performance peut aussi résulter de la maîtrise de compétences particulières. Après avoir rappelé les fondements de cette approche, nous étudierons deux cas particuliers de compétences : la maîtrise du temps et la maîtrise de la qualité. 1. Les fondements du modèle Resource Based Management Ce modèle, ou cette idée pour dire les choses plus simplement, a déjà été abordé en fin de chapitre 3. Son ambition est grande, puisqu’il ne vise pas moins – selon ses défenseurs – qu’à unifier toutes les perspectives qui foisonnent autour de la notion de stratégie. Comme nous l’avons déjà vu, il repose essentiellement sur un accent résolument placé sur l’aspect interne de la firme au détriment de l’analyse de l’environnement. Le modèle dénie toute valeur à une démonstration reliant l’avantage concurrentiel à une position dominante, position elle-même assise sur un marché offrant beaucoup d’attraits. La critique consiste à affirmer que la vision d’une entreprise détentrice d’un portefeuille de couples produits / marchés (perspective extérieure) est erronée car elle s’applique à un moment précis d’une histoire (aujourd’hui) qui par définition est dynamique. Tout au contraire, l’avantage concurrentiel d’une firme serait dans sa capacité à détenir, valoriser et conserver des ressources que les concurrents ne possèdent pas (perspective interne). C’est bien le sens du mouvement qui est inversé. On passe d’une logique externe / interne (en fonction de la nature de l’environnement, développons telle ou telle ressource) à une logique interne/externe (voyons sur quels marchés il sera possible de tirer le meilleur parti des compétences existantes). On remarque que le modèle repose sur des hypothèses assez précises telles que : le présent, en termes de marché, n’a que peu d’importance pour éclairer l’avenir, les entreprises ne s’adaptent pas de manière évolutive à un environnement qu’elles ont au préalable analysé ; c’est l’environnement et son évolution qui justifient ou non, après coup, le choix d’une stratégie ; l’incertitude est maîtresse. a. La définition des compétences 4$ $! |\/ | Les compétences sont des ensembles de savoirs et de savoir-faire qui vont des connaissances précises possédées par un individu, à des maîtrises particulières dans des fonctions de gestion (en recherche/développement, en marketing, etc.) et enfin à la maîtrise de processus interfonctionnels, donc parfaitement transversaux (la qualité, la motivation du personnel, le service client). Les compétences détenues peuvent ou non apporter un avantage concurrentiel à la firme. Pour que ce soit le cas, six conditions doivent être réunies : By • la valeur : la compétence doit offrir une valeur à l’organisation en lui permettant de mener des actions que les autres ne peuvent entreprendre de façon identique ; • la rareté : la compétence ne doit pas être directement à la disposition de tous ; • la non-imitation : les concurrents ne peuvent imiter la compétence ; • la longévité : la compétence doit placer l’entreprise dans une bonne situation sur une durée longue ; • la non-substitution : s’il est possible de substituer une compétence alternative à celle que l’entreprise détient, alors la première compétence ne vaut rien ; • l’appropriation : les résultats engendrés par la compétence doivent pouvoir faire l’objet d’une appropriation par l’entreprise. Exemples L’OFUP a fait reposer son développement sur une compétence particulière : la connaissance du milieu étudiant. La stratégie de l’afficheur JCDecaux est fondée sur la maîtrise d’une compétence relationnelle de négociation avec les collectivités. b. Les implications stratégiques L’avantage concurrentiel de l’entreprise ne trouvant pas sa source dans les caractéristiques d’un environnement mais dans la qualité des compétences maîtrisées, le diagnostic commence par l’interne avec un audit approfondi des compétences. Ce n’est pas chose aisée car les compétences qui procurent un avantage ne sont pas toujours facilement repérables et mesurables. Ensuite vient l’externe. Mais ici, contrairement aux prescriptions de l’intensité concurrentielle de Porter, on ne détermine pas de manière objective l’intérêt faible ou fort d’un secteur, on mesure les compétences qui, pour la firme et pour elle seulement, ont de bonnes chances de devenir un avantage concurrentiel en fonction des données de l’environnement. L’analyse externe n’est présente que pour vérifier le regard porté sur les compétences. La question qui se pose pour une entreprise ayant constaté un déficit de compétences est de définir comment en assurer l’intégration de nouvelles. Ces compétences peuvent être fonctionnelles (technologiques, financières, marketing, etc.) ou managériales. |\/ | Les entreprises disposent de trois orientations pour accéder aux compétences qui leur font défaut(30) : le développement, l’acquisition, l’alliance. La première alternative stratégique est interne, alors que les suivantes sont externes ; elles ne sont pas exclusives les unes des autres et sont combinées par les entreprises. Pour choisir entre ces trois possibilités, quatre critères sont pris en compte par les managers : le délai (important aujourd’hui, dans une perspective de réactivité), le coût, la maîtrise par l’entreprise (sa capacité à s’approprier la compétence) et enfin la réversibilité (ce que l’entreprise peut faire en cas d’échec). By 4$ $! Tableau 4.6. Une comparaison des modes d’intégration de nouvelles compétences D’après V. CLAUDE-GAUDILLAT • Le développement : le développement en interne par l’entreprise de nouvelles compétences peut être long et coûteux, notamment si ces compétences ne s’inscrivent pas dans le sentier de développement passé de l’entreprise. En cas d’insuccès, la réversibilité des investissements faits est réduite. En revanche, cette solution permet une grande maîtrise des compétences développées, leur appropriation par l’entreprise étant particulièrement forte. Citons le cas d’une entreprise de services qui, consciente de la faiblesse de son système d’information et de son caractère désormais stratégique, a choisi le développement interne d’un ERP plutôt que le recours aux solutions disponibles sur le marché. • L’alliance : c’est un mode d’intégration de nouvelles compétences rapide et le coût peut en être limité, comparativement aux deux autres alternatives. Le succès dépend de la capacité de l’entreprise à maîtriser rapidement les contraintes de l’alliance. La réversibilité de la décision est élevée et dépend des conditions de sortie de l’alliance. L’alliance est, par exemple, fréquemment utilisée dans le secteur automobile pour acquérir des compétences techniques ou bien pour assurer la maîtrise rapide de compétences sur de nouveaux marchés (l’alliance Renault-Nissan). • L’acquisition : le coût de l’acquisition externe de nouvelles compétences est souvent très élevé, de nombreux acteurs du secteur étant demandeurs, comme nous l’a montré le secteur des télécoms. Mais ce coût peut être compensé par le temps économisé, les délais d’acquisition pouvant être très rapides. Compte tenu de la chronocompétition stratégique que se livrent les entreprises, cet avantage est essentiel, le surcoût supporté par l’acquéreur devant être compensé par le temps gagné. Mais la maîtrise des nouvelles compétences peut être moindre qu’avec le développement interne. La possibilité de cession en cas d’échec est probablement plus forte et donc la réversibilité plus grande. Lorsque Rossignol (fabricant de skis) a voulu développer ses compétences dans le domaine des chaussures de ski, il l’a fait par acquisition d’une entreprise existante. 2. La compétence « maîtrise du temps » $! |\/ | Il appartient encore aux experts du BCG d’avoir mis l’accent sur la source de performance qui pouvait se trouver dans la maîtrise du temps. Rien ne sert d’être puissant, il faut en plus être capable d’observer, de comprendre vite les souhaits des clients, de choisir rapidement une réponse adaptée et enfin de mettre en œuvre la proposition dans les meilleurs délais. Voilà ce qu’est la maîtrise du temps. Elle est cependant relative. Il n’est pas obligatoirement nécessaire d’être le premier (essuyer les plâtres n’est pas rentable à tous les coups !) mais de faire une offre adaptée avant que les concurrents aient pu réagir. 4$ Exemples By De nombreuses entreprises sortent victorieuses de la time-based competition. Quand Renault faisait émerger, avec l’Espace, le marché des monospaces en Europe, Darty asseyait son développement sur l’idée originale – à l’époque – d’un service aprèsvente sans faute. Pour devenir maître du temps, il faut retenir délibérément trois orientations : • mettre en place un système de création de valeur flexible et réactif : les délais engendrés par les contraintes des procédures, par les soucis de qualité, par les difficultés structurelles doivent être minimisés ; • offrir un meilleur délai à ses clients permet de justifier un prix plus élevé : tout l’art consiste à faire valoir aux clients les avantages qu’ils retirent d’une réponse rapide à leurs besoins ; • apprendre à surprendre les concurrents car ceux-ci peuvent également se lancer dans la concurrence par le temps. La chronocompétition Dans leur ouvrage It’s not the big that eat the small... It’s the fast that eat the slow, les auteurs(31) suggèrent quatre orientations majeures pour gagner la chronocompétition : 1. Réfléchir vite. 2. Décider vite. 3. Être présent sur le marché plus rapidement que les concurrents. 4. Maintenir la rapidité. Finalement, le temps est un accélérateur des autres sources de performance : des coûts réduits c’est bien ; des coûts bas avant les autres, c’est mieux ; une qualité sans défaut c’est bien, obtenir le célèbre Malcolm Baldrige Quality Award le premier, c’est mieux. $! |\/ | Les entreprises sont ainsi conduites à tout mettre en œuvre pour mieux maîtriser le temps et réduire leurs délais de réaction. L’élaboration de systèmes d’information mondiaux dans les grands groupes grâce aux technologies d’Internet et d’intranet, la constitution d’équipes pluriculturelles au sein desquelles le métissage aide puissamment à réagir vite sont, par exemple, des points d’appui indispensables aujourd’hui pour avoir une chance de sortir victorieusement de la chronocompétition. 4$ Cette maîtrise du temps peut constituer une source d’avantage concurrentiel sur deux plans : By • Celui de la chronocompétition opérationnelle : organiser la production en « juste-àtemps », innover avant les autres, répondre plus vite que les concurrents à une demande de devis, à un appel d’offre, livrer plus rapidement, être plus réactif face aux questions des clients, répondre aux courriels en moins de 24 heures, etc. • Celui de la chronocompétition stratégique : innover avant les autres, infléchir ou changer rapidement de stratégie à la suite d’une rupture technologique ou de l’arrivée d’un nouvel entrant, etc. Dans le premier cas, ce sont les processus opérationnels qui sont en cause, alors que dans le second, c’est la capacité de la direction générale à se remettre en cause qui est testée. Selon les DAS, les exigences en matière de réactivité sont différentes, même si l’on observe une tendance globale à l’accélération. En croisant les exigences de réactivité opérationnelle et stratégique, on peut situer chaque secteur auquel l’entreprise est confrontée dans la matrice de réactivité sectorielle ci-après. Dans le cas des groupes diversifiés, l’entreprise se devra de vérifier qu’elle maîtrise bien les compétences de réactivité correspondant aux exigences de chaque DAS. La compétition à l’heure du digital 1. Énorme pression sur les prix et les marges. 2. Les concurrents émergent de partout. 3. Le gagnant remporte toute la mise. 4. La victoire des modèles plug and play. 5. Grande pénurie des talents nécessaires. 6. Convergence mondiale de la demande et de l’offre. 7. Naissance et disparition à haute vitesse des business models(32). 3. La maîtrise de la qualité |\/ | Sur le long terme, le facteur le plus important affectant la performance d’un domaine d’activité stratégique est la qualité relative des produits ou des services (figure 4.16). Ce résultat du PIMS, trop rarement cité, est d’une grande importance. Il justifie les stratégies reposant sur des politiques de qualité. By 4$ $! Figure 4.16. La qualité relative et la rentabilité La relation entre qualité et rentabilité peut être expliquée par : – la fidélité plus grande des clients ; – les achats répétés ; – la moindre vulnérabilité des produits et services de qualité aux guerres des prix. On sait donc que la qualité est une variable stratégique dont le poids est décisif sur les marchés où la concurrence s’aiguise. Dans de nombreuses branches (automobile, électronique, hi-fi, photographie, etc.), des politiques de domination mondiale sont mises en œuvre qui s’appuient certes sur des avantages de coûts, mais qui se fondent plus encore sur une qualité élevée recherchée par les acheteurs éventuels. La notion élargie de qualité La qualité, dans une perspective de domination stratégique, ne correspond pas à la simple absence de défaut. Selon le Bureau des temps élémentaires (BTE), la qualité d’un produit – donc du service qu’il procure – se définit comme son aptitude à satisfaire les besoins des utilisateurs. Entre autres, le prix est une performance du produit comme valeur d’acquisition d’un service. Ce qui signifie que la satisfaction du client est compatible avec la rentabilité et le développement de la firme. Le concept contemporain de qualité prend en compte deux dimensions : – la satisfaction du client ; – la diminution ou la stabilisation des coûts engagés pour obtenir cette satisfaction. La qualité est donc l’affaire de tous et de chacun dans la firme. Elle est le résultat d’un travail toujours recommencé, d’un contrôle rigoureux et d’une véritable traque des coûts de non-qualité. La question de la qualité se pose de façon inédite et avec une acuité particulière sur Internet. Exemple |\/ | La qualité du service Amazon.com ne se mesure pas seulement au travers de la qualité du site Internet mais aussi, et surtout, par la qualité de la logistique mise en œuvre pour satisfaire les commandes. $! Le contrôle de la qualité 4$ Le contrôle est plus ou moins largement pratiqué selon la conception, étroite ou élargie, de la qualité : By – le contrôle-constat consiste à vérifier a posteriori, au stade de la fabrication, la conformité de certains éléments du produit par rapport à des normes internes ou externes. On utilise généralement des méthodes statistiques, les sondages par exemple, pour mener à bien cette tâche et pour éliminer les rebuts ; – le contrôle-assistance permet d’assurer, grâce à un service dédié, la liaison entre les responsables de la conception et de la fabrication du produit (bureaux d’études, des méthodes par exemple) et les gestionnaires commerciaux. Il s’agit alors de corriger des anomalies dont se plaignent les clients ; – le contrôle-conseil a priori ne consiste plus en opérations rétrospectives mais, au contraire, en opérations prospectives. On tente d’apprécier les attentes de qualité exprimées par les consommateurs et de convertir ces caractéristiques qualitatives en paramètres mesurables et contrôlables tout au long du processus de conception et de production du produit. La démarche qualité dans la filière bovine – Respect du bien-être animal. – Traçabilité des animaux. – Pas d’utilisation de farine animale. – Sélection des meilleurs morceaux par des « maîtres-bouchers ». – Absence de traces de viande de cheval. – Certification des sites par leur conformité à la famille des normes ISO 9000. – Accréditation internationale (AFAQ). – Sécurité alimentaire (mise à disposition d’un numéro vert). Le TQC (Total Quality Control) |\/ | Conception 4$ $! Le TQC, terme qui a connu un grand succès au cours des dernières années, prolonge et systématise les tentatives précédentes. Selon son promoteur, Ishakawa, le TQC résulte de la participation active de l’ensemble du personnel de l’entreprise et non plus seulement des spécialistes. Il ne se limite pas aux opérations que nous venons de décrire, mais il consiste à rechercher en permanence à optimiser la qualité, le coût de revient et les délais pour répondre aux attentes des clients. By Un véritable « culte de la qualité » doit présider à la naissance d’un produit nouveau, comme d’ailleurs à la production-distribution de la gamme actuelle. Un tel culte s’exprime concrètement par l’élaboration d’un contrat d’« assurance-qualité » qui a pour objet de maintenir toutes les activités de la firme sous la pression constante des désirs de la clientèle. Mise en œuvre Garantir la qualité consistera, par exemple, à rédiger un manuel de qualité qui décrit les spécifications techniques et les procédures mises en œuvre. Celles-ci serviront de référence pour le suivi des produits et pour le contrôle de la qualité. On écrit ce qu’il faut faire, on informe, on garde la preuve de ce que l’on a fait. En un mot, on construit la « confiance ». La compétence de tout le personnel est améliorée par la formation. Quant à sa motivation, elle est entraînée par une participation aux décisions, particulièrement à l’intérieur des cercles de qualité où chacun peut valoriser ses aptitudes. On aboutit alors à un véritable système de gestion de la qualité qui a pour objet : – de déceler systématiquement les causes des erreurs observées ; – de mettre en œuvre les actions correctrices dans tous les domaines et toutes les fonctions ; – d’informer des résultats obtenus, en publiant des tableaux de bord de la qualité, qui visent à motiver le personnel et à pourchasser les coûts de non-qualité. Même si les cercles de qualité, qui ont constitué en leur temps la base de la pyramide de cette démarche, ont aujourd’hui pris des rides, il demeure que la recherche de la qualité reste une action de toujours. Valeo en fait une de ses orientations stratégiques (aux côtés de présence mondiale, de technologie avancée et de coût compétitif). La méthode « six sigma » Elle tire son appellation de la statistique : une qualité de niveau « six sigma » (six écarts types) donne un niveau de perfection de 99,9997 (3 défauts par million !). Elle a été mise au point par Motorola dans les années 1980 mais c’est en 1996 que sa notoriété éclate, lorsque Jack Welch, alors Chief Executive Officer (CEO) de General Electric, la met en œuvre. La réussite est telle que General Electric annonce avoir fait des milliards de dollars d’économies grâce à elle. La méthode s’inscrit dans la tradition du Total Quality Management (TQM), mais elle se fait fort de la surpasser en insistant sur six thèmes spécifiques(33) : – l’accent est résolument mis sur le client ; |\/ | – la gestion est subordonnée aux données et aux faits ; $! – tout découle de la gestion des processus et de leur capacité à susciter la performance ; 4$ – un management proactif et pas seulement réactif ; – l’abolition des frontières incitant à la collaboration entre tous ; By – la recherche de la perfection, et aussi la tolérance de l’échec. La mise en œuvre s’opère à partir du modèle du DMAIC : define, measure, analyse, improve, control. Plus précisément, un problème est d’abord défini et quantifié, puis les données sont collectées pour clarifier la question ; les outils analytiques sont utilisés pour rechercher les causes des difficultés ; une solution est identifiée, puis mise en œuvre, et enfin les activités améliorées sont soumises à un contrôle afin d’éviter le retour des erreurs. La méthode « six sigma » constitue une réelle avancée par rapport au TQM, mais elle ne doit pas se substituer à la nécessité (plus large) d’analyser l’entreprise (enfin !) comme un enchevêtrement de processus en abandonnant la vision traditionnelle des fonctions. Pour ce faire, il propose un tableau (tableau 4.7) afin de bien marquer la différence. Tableau 4.7. L’entreprise traditionnelle – L’entreprise « processus » Entreprise traditionnelle Entreprise « processus » Fonction Processus Département Limitée Équipe Large Centre de l’intérêt Étroites Supérieur hiérarchique Globales Client Performance Rôle du manager Activity-based Superviser Results-based Coach Rôle central Culture Responsable fonctionnel Responsable des processus Conflit Collaboration Idée centrale Unité de travail Description des activités Mesures |\/ | Il apparaît qu’aujourd’hui, dans l’entreprise, tout tourne autour des processus : la mise en place du Supply Chain Management, les fusions et acquisitions, la mondialisation, l’e-business, les tableaux de bord prospectifs, l’objectif de l’entreprise sous forme d’EVA. By 4$ $! Il convient toutefois de demeurer attentif à la généralisation du management par les processus. Si la mondialisation théorique est largement avancée, si l’intérêt clair est largement perçu par tous (hausse de la satisfaction des clients, amélioration de la qualité des produits et services), le chemin est encore long jusqu’à la réalité opérationnelle. La diminution des coûts de non-qualité L’appréciation de la non-qualité a pour objet : – de faire prendre conscience à tout le personnel de l’enjeu de la politique de qualité ; – de fournir des éléments chiffrés pour mieux remédier aux mauvais fonctionnements. L’ASQ (American Society for Quality) distingue quatre catégories de coûts : – les coûts de prévention comprennent le budget de la fonction de qualité, les coûts de formation, les investissements engagés pour réduire le nombre d’anomalies, etc. ; – les coûts d’évaluation correspondent aux charges engagées pour vérifier la conformité des produits, les coûts de réception par exemple ; – les coûts des anomalies internes englobent tous les coûts des défauts détectés dans l’entreprise avant que les produits soient livrés : rebuts, déclassements, retouches, pertes, réparations, etc. ; – les coûts des anomalies externes s’appliquent à tous les coûts des produits livrés et qui ne répondent pas aux attentes de la clientèle : réclamations, garantie, service après-vente, responsabilité civile et pénale, etc. Pour calculer ces coûts de non-qualité, de nombreuses sources de données s’offrent aux responsables : comptabilité générale, comptabilité analytique, mais plus encore statistiques provenant des différents services. Même si les calculs semblent lourds, la chasse aux coûts de nonqualité est utile, car le chemin est long qui conduit vers l’idéal du « zéro défaut ». Mais comment faire passer toutes ces options du décideur à l’exécutant, même si ce dernier participe au choix ? Il faut souligner, en conclusion, l’enjeu réel de ces formes de management par la qualité. Les entreprises sont passées d’un management de la qualité à un management par la qualité. On pourrait croire que le management par la qualité s’accompagne de moins de contrôle. En fait, l’autonomie dans le travail, la motivation, l’autocontrôle et le contrôle fonctionnel se sont substitués au contrôle hiérarchique. Au travers de la gestion de qualité, les structures, les mécanismes de coordination et d’animation ont été modifiés. 4$ $! |\/ | Figure 4.17. Des ressources et compétences à l’avantage concurrentiel R. GRANT, Contemporary Analysis, Blackwell, 8e édition, 2013. By Une fois le diagnostic effectué, il reste à définir les orientations stratégiques. On aura compris que le développement ne peut s’opérer que pas à pas, à partir d’un métier de base : l’entreprise se développe en recherchant des synergies entre activités, autour du cœur des compétences possédées. Cela montre bien que deux entreprises différentes ne portent pas le même jugement sur l’intérêt d’un marché déterminé ou d’une orientation particulière. Exemple Une entreprise qui domine bien les effets d’expérience et le savoir-faire de production s’orientera vers une stratégie de volume alors qu’une firme maîtrisant mieux la flexibilité, les aspects intangibles (réputation, image) se tournera plutôt vers une stratégie de différenciation. On peut résumer les facteurs de performance dans les DAS et leurs implications stratégiques ainsi (figure 4.18). By 4$ $! |\/ | Figure 4.18. Les facteurs de performance et les implications stratégiques II. Les stratégies business Nous abordons successivement les stratégies génériques dans un secteur, la classification de Porter, la boussole stratégique prix-valeur, la stratégie Océan Bleu, puis le rôle de la technologie, la stratégie de la longue traîne et le type d’industrie. A. Les stratégies génériques À l’intérieur d’une activité, les orientations stratégiques génériques sont réduites à deux : soit l’entreprise recherche des économies de coûts avec une volonté de volume, soit elle tente de se différencier par rapport à l’offre de ses concurrents. C’est ce que nous verrons avant de présenter la célèbre typologie de Porter qui décrit trois stratégies possibles. 1. La stratégie low cost Un excellent moyen pour dominer les concurrents consiste à produire à un coût inférieur. Pour cela, il est indispensable de disposer d’une part de marché non négligeable afin de bénéficier des lois d’apprentissage, mais aussi de posséder une organisation sans faille. Les coûts inutiles sont pourchassés, les meilleures sources d’approvisionnement recherchées, les investissements dans le matériel le plus moderne pratiqués. En un mot, l’entreprise mène une politique active d’amélioration de la productivité. C’est également vrai dans toutes les orientations mais plus particulièrement ici puisque la réussite repose sur les gains de coûts. À cette option on ajoutera le poids de l’innovation, qu’elle soit de procédé ou de produit, pour faire diminuer les coûts. On donne souvent l’exemple de la montre Swatch qui, en dehors de son marketing mix performant, compte 51 composants alors que pour une montre « normale », le nombre correspondant est de près de 100. Voilà une voie retenue par de nombreuses firmes dans l’automobile, l’électroménager, l’électronique. L’évolution du prix des calculatrices l’atteste. Exemple |\/ | Des entreprises comme Bic sont considérées comme des archétypes de stratégies low cost qui ne sont pas exemptes de dangers. Il suffit qu’une révolution technologique annihile en un instant tous les bienfaits de l’expérience passée pour que l’entreprise se retrouve très exposée ; ou encore que le prix d’une matière première indispensable augmente brutalement et alors le produit n’est plus compétitif au regard de ses concurrents. 4$ $! On peut résumer les caractéristiques, les implications organisationnelles et les risques de la stratégie low cost dans le tableau 4.8. Nous insistons sur le lien qui existe entre les caractéristiques de la stratégie générique et les implications organisationnelles. Une stratégie implique une organisation particulière. Caractéristiques By Tableau 4.8. La stratégie low cost • Recherche permanente de coûts faibles. • Investissements importants en production de masse. • Simplicité des processus de fabrication. • Effet d’expérience. • Économies d’échelle. • Communication de masse. • Distribution très large. • Internationalisation. Implications organisationnelles • Définition claire des responsabilités. • Direction par objectifs. • Objectifs quantitatifs précis. • Contrôle de gestion très développé et orienté vers la surveillance des coûts. • Analyse de la valeur et audit des coûts fréquents. Risques • Saturation du marché. • Obsolescence de l’outil de production. • Perte de l’avantage concurrentiel du fait du progrès technique des concurrents. • Concurrence de pays à coût de main-d’œuvre plus faible. • Perte de la capacité d’innovation technologique du fait de l’obsession des coûts. • Image de mauvaise qualité chez les clients Il faut en fait comprendre que la réussite de cette stratégie repose sur l’interdépendance de nombreux facteurs qui se renforcent les uns les autres. C’est le cercle « vertueux » de la stratégie low cost (figure 4.19). Les risques apparaissent si un des facteurs n’agit plus dans le sens de la réduction des coûts. Figure 4.19. Le « cercle vertueux » de la stratégie low cost Il ne faut cependant pas assimiler toute recherche de coûts plus faibles à une stratégie low cost (tableau 4.9). |\/ | Tableau 4.9. Deux actions différentes portant sur les coûts Action de réduction des coûts • Ne concerne que certaines entreprises. • Stratégie générique. • Recherche permanente de réduction des coûts. • Les baisses de coûts sont répercutées sur les prix de vente. • Concerne toutes les entreprises. • Action ponctuelle. • Apparaît surtout en période de crise. • Les baisses de coûts permettent de reconstituer les marges. By 4$ $! Stratégie low cost La maîtrise de l’évolution des coûts de revient, voire la légitime volonté de simple réduction des coûts sont des préoccupations de toute entreprise, dans toute circonstance, et ne doivent pas être confondues avec la stratégie générique de low cost qui, elle, aborde le problème des orientations concurrentielles de long terme. 2. La stratégie de différenciation Elle consiste en une distinction du produit ou du service offert par la firme qui vise à créer quelque chose qui soit perçu comme unique par l’ensemble du secteur. L’entreprise réussit ainsi à se constituer, sur son marché, un monopole de fait qui la met à l’abri des attaques des concurrents. Le produit, par sa conception, son image, les services qu’il rend, est tel qu’il ne connaît aucun concurrent direct. Les clients sont fidèles. La part de marché n’est pas nécessairement très élevée mais tenue fermement. Toute la question ici est celle du différentiel de prix que l’entreprise est capable de faire supporter à ses clients. La différenciation apporte une valeur supplémentaire à l’acheteur, valeur fonctionnelle ou valeur psychologique (attrait d’une marque) et celui-ci accepte de supporter un prix plus élevé que celui offert par les entreprises du même secteur qui poursuivaient une stratégie de coût. La réussite passe ainsi par un équilibre heureux entre l’accroissement du coût engendré par la recherche du facteur d’unicité et la perception par le client de la valeur correspondante (figure 4.20). Figure 4.20. La balance de la différenciation Si l’entreprise met en œuvre une procédure sérieuse pour faire valoir une différenciation faiblement perçue, elle se mine. Si elle réussit à comprimer les coûts d’un avantage ressenti comme exceptionnel par le client, elle prospère. Nous sommes en pleine logique de marketing. Le client achète des « valeurs » et, pour cela, il est prêt à payer, mais il compare en permanence en conservant un œil fixé vers le produit simplifié à bas prix. Pour que la différenciation réussisse, le différentiel de prix doit pouvoir se justifier de manière durable : |\/ | – le client reconnaît la valeur supplémentaire apportée au produit ; 4$ $! – l’entreprise (dans le cadre de sa différenciation) poursuit elle-même une politique de compression de ses coûts pour maintenir un écart constant avec les produits simples (ou alors elle renforce son facteur de différenciation). By On mesure toute la difficulté de cette politique si le client n’est pas véritablement intéressé par le facteur de différenciation et n’accepte pas de payer le surprix. Le spécialiste du produit simplifié réussit à améliorer son offre tarifaire et le différentiel de prix devient insupportable. Le client panache ses achats entre le produit simplifié et le produit différencié. Voilà autant de situations lourdes de conséquences négatives pour le tenant de la stratégie de différenciation. Exemples • On reconnaît les boutiques Zara à leur agencement et à l’ambiance du magasin. • Les jeans Diesel, pour se différencier, ont conçu des publicités humoristiques et décalées mettant en scène de fausses stars dont les frasques étaient évidemment inventées. Les facteurs de différenciation sont nombreux mais on peut, sans prétendre à l’exhaustivité, en citer quelques-uns (tableau 4.10). Tableau 4.10. Quelques exemples de facteurs de différenciation Facteurs de différenciation Illustrations • Circuit de distribution. • Mode de vente. • Darty, communication axée sur le service après-vente. • Bang & Olufsen, appareils hi-fi. • Tupperware, boîtes en plastique distribuées uniquement à domicile. • Éditions Atlas, CD, DVD, vendus dans les bureaux de tabac. • Cacharel, textile, parfum. • Nespresso, les capsules de café. • Sony en hi-fi, L’Oréal en cosmétique. • Fauchon, traiteur. • Label Max Havelaar. $! • Marque. • Conditionnement. • Innovation. • Qualité, hygiène des produits. • Commerce équitable. • Facom, outillage garanti à vie. |\/ | • Fiabilité technique du produit. • Service (avant, pendant, après la vente). • Esthétique des produits. 4$ Tentons, comme précédemment, de présenter les caractéristiques, les implications organisationnelles et les risques de la stratégie de différenciation par un tableau (tableau 4.11). Caractéristiques By Tableau 4.11. La stratégie de différenciation Implications organisationnelles Risques • Incapacité à limiter le surcoût dû à la différenciation. • Coordination importante des • Imitation par des concurrents • Intuition et créativité. activités R & D et marketing. situés dans des pays à coûts • Capacités d’innovation. • Capacité d’attirer et de retenir faibles. • Capacités commerciales. les compétences clés. • Banalisation du facteur de • Circuit de distribution associé • Structure souple. différenciation. et coopératif. • Animation orientée vers des • Perte d’intérêt du facteur de • Image de marque forte. objectifs qualitatifs. différenciation aux yeux des consommateurs. • Contrefaçons. Notons que le développement de la tendance no name reposant sur la critique des produits à marque, ainsi que l’essor important des marques de distributeurs dans la grande distribution ont parfois remis en cause certaines stratégies de différenciation des industriels. B. La classification de Porter Selon Porter, pour un DAS donné, trois grandes familles de stratégies sont concevables (tableau 4.12). Chacune d’elle est exclusive des deux autres, car toute recherche d’une voie médiane serait vouée à l’échec. Tableau 4.12. Les stratégies génériques Les deux premières stratégies génériques proposées par Porter sont celles que nous venons de décrire. Il en ajoute une troisième, en opposant, au sein de la différenciation, la volonté stratégique de s’adresser à tout le secteur d’une part (il l’appelle également différenciation) et à un segment particulier d’autre part ; cette dernière prend le nom de stratégie de concentration. 4$ $! |\/ | L’entreprise s’attaque à un segment précis : un groupe de consommateurs ou un groupe de produits. La recherche d’une cible unique lui permet de bénéficier des avantages soit de la domination des coûts, soit de la différenciation, soit des deux en même temps. Il est évident que, dans ces cas, la part de marché ne saurait être très élevée. Les risques sont identiques à ceux déjà évoqués, mais il faut y ajouter la possibilité pour un concurrent de découvrir des sous-segments dans la cible de départ ; la seule limite est le nombre des consommateurs y figurant. By Cette stratégie de concentration est, pour Porter, souvent choisie par des PME qui n’ont ni les moyens, ni la volonté de s’attaquer à l’ensemble du secteur. On trouve des illustrations dans le secteur des services, par exemple les coursiers qui se limitent à une ville (Paris Paname Courses, à Paris). Reprenons, pour la stratégie de concentration, notre tableau habituel (tableau 4.13). Tableau 4.13. La stratégie de concentration Caractéristiques • Concentration sur un groupe de clients, un segment de gamme, un marché géographique. • Service particulier fourni à la cible. • Parts de marché limitées. Implications organisationnelles • Structure orientée vers la cible. • Culture de service. • Souplesse interne pour satisfaire les clients. • Capacité d’adaptation des produits au besoin des clients. Risques • La cible est trop petite pour être rentable. • Les firmes dominantes attaquent la cible stratégique. • Les coûts du service deviennent prohibitifs. • Les attentes de la cible se banalisent. • Un concurrent segmente la cible visée. Pour Porter, entre les trois stratégies génériques développées au sein d’un secteur, domination globale par les coûts, différenciation et concentration, il est clair que l’entreprise se doit de choisir, sinon « l’enlisement dans la voie moyenne » menace l’entreprise. Il n’est pas possible, au sein d’un même DAS, de mener des stratégies dont les exigences en termes d’organisation sont antinomiques. Une entreprise ne peut pas, au risque de perdre son identité et ses facteurs de compétences, poursuivre à la fois une stratégie de différenciation synonyme de sélectivité, de sur mesure, et se lancer dans une stratégie de production de masse. En pratique, les tentations sont nombreuses, mais les passages à l’acte se traduisent généralement par des échecs. Au sein d’un même DAS, ces stratégies doivent être considérées comme exclusives les unes des autres. Exemple L’opposition entre low cost et différenciation peut être nette et l’absence de véritable choix se traduire par des rentabilités moindres (figure 4.21). By 4$ $! |\/ | Figure 4.21. L’enlisement dans la voie moyenne C. La boussole stratégique prix-valeur L’opposition entre stratégies reposant sur des prix bas (inspirées des logiques de volume et de coûts bas) et les stratégies de différenciation (fondées sur l’innovation, la technologie, la qualité, l’image, etc.) mérite d’être dépassée pour comprendre les stratégies d’entreprises comme Dell, Ikea, pour ne citer que deux exemples. En effet, ces entreprises peuvent désormais, en raison de la compétition intense, faire reposer leur stratégie simultanément sur la différenciation et des prix bas. En fait, l’analyse des stratégies des entreprises suivies dans un DAS peut s’effectuer simultanément selon deux critères : – Quelle est la valeur perçue de l’offre produits/services par rapport aux concurrents ? La qualité, le service après-vente, l’image de marque, l’innovation, etc., de l’offre sont-ils perçus comme supérieurs, équivalents, inférieurs à ceux des concurrents ? – Quels sont les prix par rapport aux compétiteurs ? Sont-ils comparables ? Plus élevés, plus bas ? Il est important de souligner que sur ces deux dimensions, ce qui prime ce n’est pas tant la valeur ou le prix, que la valeur relative et le prix relatif perçus par les clients. En matière stratégique et dans un environnement concurrentiel, seule la comparaison avec les compétiteurs compte : une qualité élevée ne crée pas de valeur si tous les concurrents ont la même ! L’analyse des stratégies business peut alors se faire à l’aide de la boussole stratégique prix-valeur (figure 4.22 et tableau 4.14) qui distingue neuf alternatives stratégiques en fonction de l’axe dominant du positionnement par rapport aux concurrents. Pour chacune de ces stratégies, demeure la question de la compatibilité des orientations stratégiques et de leur déploiement interne en termes d’organisation et d’animation des hommes. $! |\/ | Figure 4.22. La boussole stratégique prix-valeur Tableau 4.14. Les neuf alternatives stratégiques 1. Best-seller Valeur + Prix – 2. Low cost Valeur – Prix – 3. Premium Valeur + 4$ Caractéristiques L’entreprise offre à la fois une valeur supérieure et un prix plus compétitif que celui des concurrents, c’est la situation idéale car l’on combine les avantages d’une différenciation par le design (Ikea), par la qualité, par la fabrication à la demande (Dell) et des prix plus bas du fait des volumes et d’une maîtrise des fonctions clés de la chaîne de la valeur. L’entreprise propose un prix plus faible que celui des concurrents avec une offre produits ou services dont la valeur apparaît clairement aux clients comme étant plus faible. Dans le transport aérien, c’est la stratégie choisie par les compagnies (EasyJet, Ryanair) appelées « low cost » dans lesquelles le service est minimal et les conditions de confort spartiates. Dans la distribution, les « hard discounters » se caractérisent par des gammes de produits étroites, des produits très bon marché, des magasins sobres (Leaderprice, Lidl). Les journaux gratuits (Métro) rentrent dans cette catégorie. Le volume est caractéristique de cette stratégie. Cette stratégie associe différenciation par le haut, création de valeur aux yeux des clients avec une politique de prix supérieurs acceptée par le marché. La création de valeur peut venir de la technologie (montres By Stratégies Prix + Breitling), de la valeur immatérielle de la marque (Dior) pour les industries du luxe, de la créativité (Bvlgari en bijouterie). By 4$ $! |\/ | Cette stratégie repose sur une valeur offerte supérieure à celle des compétiteurs pour un prix équivalent à la moyenne de ce qui est généralement proposé par les concurrents. Dans l’automobile la maîtrise de la qualité par les constructeurs japonais (Toyota) leur a permis de proposer des modèles de meilleure qualité à des prix comparables à ceux des constructeurs américains ou européens. Dans un marché du livre où 4. Guerre de la valeur le prix minimun est fixé par la loi, Amazon.fr pratique cette stratégie et investit dans le service client. Decathlon fait de même dans le secteur Valeur + sportif. Prix = La stratégie de niche ou de focalisation souvent conduite par les PME est un cas particulier de la guerre de la valeur car l’entreprise cible un segment auquel elle offre une proximité plus grande, un service plus étendu pour un prix comparable. Si le prix est supérieur au niveau du marché elle se rapproche de la stratégie « Premium » et renforce le risque de voir arriver les concurrents. Pour le standard de qualité du marché, l’entreprise propose des prix qui sont inférieurs à ceux des concurrents. Cette stratégie, pour être pérenne, 5. Guerre des prix doit reposer sur une structure de coûts plus faible due aux volumes, ou à l’externalisation de certaines parties de la chaîne de la valeur. Dans la Valeur = grande distribution, c’est la stratégie des hypermarchés Leclerc. C’était Prix – la stratégie de Darty avant que cette entreprise ne communique sur le service. Cette situation associe une valeur moyenne pour le marché et un niveau 6. Surprix non justifié de prix supérieur à ceux des concurrents. Cette situation est difficilement tenable dans un environnement concurrentiel. Les fabricants de produits Valeur = textiles européens n’ayant pas délocalisé leur production se retrouvent Prix + dans cette situation. Pour un prix comparable à celui du marché, l’entreprise offre moins aux 7. Déficit de valeur clients probablement pour accroître ses marges ou du fait d’une structure de coûts non maîtrisés. La compagnie aérienne Swiss Air (aujourd’hui Valeur – Swiss) a suivi cette stratégie qui l’a conduite à l’échec et à être reprise Prix = par Lufthansa. À défaut de se trouver en position monopolistique protégée par les 8. Cul-de-sac pouvoirs publics, on imagine mal qu’une entreprise puisse poursuivre cette stratégie. La compagnie maritime publique reliant la Corse et le Valeur – continent en a constitué un bel exemple. Prix + 9. Enlisement Cette stratégie consiste à ne pas choisir une stratégie... et à se retrouver sans avantage comparatif face aux concurrents. Dans cette situation, Valeur = l’avenir est très limité. Prix = D. La stratégie Océan Bleu L’idée de ne pas opposer stratégie de différenciation avec stratégie de coût, et de combiner les avantages de prix et de valeur présents dans la boussole stratégique, se retrouve dans la stratégie Océan Bleu(34). Pour ses promoteurs, Océan Bleu consiste à créer un nouvel espace stratégique, plutôt que d’entrer en lice avec les concurrents directs, ce qu’ils dénomment Océan Rouge. L’idée centrale de la stratégie Océan Bleu est de sortir du périmètre actuel de la concurrence (faire reposer sa stratégie sur d’autres facteurs clés de succès) pour créer un nouvel espace stratégique reposant sur une logique innovation-valeur, génératrice de valeur pour les clients et pour l’entreprise. Il s’agit en général de mener de front la réduction de coûts et l’augmentation de valeur pour l’acheteur. Les deux stratégies Océan Rouge ou Océan Bleu sont résumées dans le tableau 4.15. Tableau 4.15. Les stratégies Océan Rouge et Océan Bleu Stratégie Océan Rouge Stratégie Océan Bleu Créer un nouvel espace stratégique Mettre la concurrence hors jeu Créer une nouvelle demande par une offre créatrice Concilier avantage de valeur et de prix |\/ | Agir dans le périmètre stratégique existant Gagner des parts de marché sur les concurrents Répondre à la demande existante 4$ $! Arbitrer entre valeur et coût D’après W. CHAN KIM, R. MAUBORGNE. By La définition d’une stratégie Océan Bleu suppose de répondre à quatre questions relatives aux critères, et aux caractéristiques produits-services qui créent véritablement de la valeur pour le client : • Quelles caractéristiques acceptées par les compétiteurs du secteur doivent être exclues ? Il s’agit d’éléments de l’offre actuelle du secteur qui ne créent pas de valeur. • Quelles caractéristiques doivent être atténuées par rapport aux pratiques actuelles du secteur ? Il s’agit d’aspects du produit ou du service que l’on ne peut pas supprimer, mais dont la portée et le coût peuvent être réduits. • Quelles caractéristiques doivent être renforcées par rapport aux pratiques actuelles du secteur ? C’est le cas inverse à la situation précédente. • Quelles caractéristiques absentes actuellement du secteur peuvent être créées ? Il s’agit là de se différencier par des éléments nouveaux. Exemples Sur le marché du vin, au plan international, on peut comprendre comment le producteur australien Casella a imposé ses produits (yellow tail) dans un nouvel espace stratégique sur un marché pourtant mature et encombré. Cette stratégie totalement innovante a engendré une véritable success story. Dans un autre secteur, la stratégie d’Airbus avec l’A380, face à la gamme Boeing, représente une stratégie Océan Bleu qui consiste à changer complètement le périmètre du marché en offrant aux compagnies aériennes un avion très gros porteur (500 places) face à une offre traditionnelle d’avions disposant de 350 places. L’innovation est à la fois technologique et commerciale. Enfin, dans le secteur morose du cirque et des spectacles, les dirigeants du Cirque du soleil ont complètement repensé l’offre traditionnelle tant sur le plan du contenu que du positionnement des prix. By 4$ $! |\/ | Tableau 4.16. Les caractéristiques de la stratégie Océan Bleu appliqué à Casella EXCLURE Terminologie œnologique : suppression des RENFORCER multiples labels, origines que le marché ne Avantage prix : positionnement médian entre les perçoit pas. Pas de référence aux châteaux et vins chers et les bons marchés. vignobles. Implication distributeurs détaillants : actions de Publicité média : suppression de la publicité sur merchandising offensive. les supports. ATTÉNUER Nombre de références : uniquement un CRÉER chardonnay blanc et un syrah rouge. Image différente du vin : plus ludique, Prestige vignoble : pas de référence à un décontractée, accessible ; cf. le site vignoble, uniquement référence à « Australian www.yellowtailwine.com. wine ». D’après W. CHAN KIM et R. MAUBORGNE. E. La relation technologie-stratégie business(35) 1. Technologie et stratégie de différenciation La stratégie de différenciation consiste à faire accepter au client de payer un différentiel de prix justifié par le caractère unique d’une offre. Le caractère unique peut reposer sur de nombreux éléments tels que l’image ou une qualité supérieure mais, très généralement, le facteur de différenciation résulte d’une innovation. Une entreprise propose un produit innovant dans son aspect, dans ses caractéristiques fonctionnelles, dans son conditionnement, etc. L’innovation est alors au cœur du processus de différenciation. Il est évident que la réussite de cette stratégie passe par la double réussite déjà évoquée. D’abord, l’innovation doit être perçue comme telle par le consommateur. On se souvient d’une lessive qui avait découvert un agent lavant beaucoup plus puissant que ceux existant sur le marché mais dont elle n’a jamais pu véritablement tirer les bienfaits car elle n’a pas pu, ou pas su, démontrer à ses clients l’intérêt d’une lessive ultra-compacte. Ensuite, l’innovation doit ne pas pouvoir être copiée par les concurrents (sinon tous versent dans une stratégie de volume avec l’initiateur qui a seul supporté les coûts de recherche) ; il est important de la « défendre » et pour ce faire deux solutions sont envisageables. La première est de la rendre publique en déposant un brevet ; la seconde est de la maintenir discrète jusqu’au jour où un concurrent la découvre. Exemples $! |\/ | On peut citer de belles réussites comme celles, dans le textile, de Gore avec le Goretex et de DuPont avec le Lycra. Gore « surfe » sur une vague de succès grâce à la généralisation des utilisations de son textile miracle : parfaitement imperméable et autorisant la transpiration. DuPont a insufflé une quasi-mode vestimentaire grâce au Lycra, extensible et résistant. Dans les deux cas, les concurrents s’échinent à courir derrière l’innovateur. By 4$ Au-delà des stratégies de différenciation faisant appel à l’innovation, on relèvera que certaines entreprises ont inversé l’ordre des propositions et font de l’innovation la base même de leur stratégie, qui entre donc dans le champ de la différenciation. Peut-on citer ici Citroën dans l’automobile, Dim dans le collant, Potain dans la grue ? 2. La stratégie de la longue traîne (long tail) Selon l’expression de Chris Anderson(36), journaliste et auteur américain spécialiste de l’économie d’Internet et de la gratuité, qui s’inspire de la dispersion des ventes observées dans les séries statistiques, la longue traîne ou long tail remet en cause la domination des modèles économiques reposant sur les gros volumes et le leadership. L’auteur indique que des produits qui font l’objet d’une demande et de vente réduites peuvent, ensemble, représenter une part de marché importante comparable à celle des produits leader. Le canal de distribution que constitue Internet joue un rôle déterminant qui rend ce modèle viable. Le principe de la stratégie de la longue traîne consiste à privilégier de petits volumes sur un grand nombre de références, plutôt que de gros volumes sur un petit nombre de produits. Exemples Les stratégies de distribution de Chapitre, site spécialisé dans les livres rares, d’Amazon, d’eBay ou encore des sites de téléchargement de musique peuvent reposer sur des ventes unitaires faibles de très nombreux articles. La stratégie de la longue traîne permet de transformer, grâce à la technologie Internet, de très nombreuses niches en un marché de masse. Si la vente de livres rares ou épuisés est peu rentable en librairie au regard des frais fixes associés (location du point de vente, frais de personnels, coûts de stockage) conséquents, en mettant en ligne, pour un marché mondial, un très grand nombre de références rares la stratégie devient pertinente. Figure 4.23. La stratégie de la longue traîne |\/ | Les acteurs de la longue traîne sont de trois types (tableau 4.17). $! Tableau 4.17. Les acteurs de la longue traîne Business Fabricants d’outils Agrégateurs Filtres By Démocratisation de la production Démocratisation de la distribution Connexion entre l’offre et la demande 4$ Forces Exemples Éditeurs de logiciels Amazon, eBay, iTunes, Netflix Google, blogs C. ANDERSON, The long tail, p. 57. Réduire les coûts en neuf règles Pour les agrégateurs dont le rôle est déterminant dans la stratégie de la longue traîne, Chris Anderson suggère neuf règles de réduction de coûts rendues possible par Internet. Règle 1. Développer les stocks centralisés ou virtuels. Dans la distribution, la question des stocks est un enjeu majeur du fait de leur coût de détention. Multiplier les stocks de livres dans des centaines de magasins de détail n’est pas toujours une solution adéquate. Un stock central est une option, mais une nouvelle réponse apparaît au travers des stocks virtuels, les stocks de différents magasins ou entrepôts étant virtuellement centralisés et totalement accessibles en ligne. C’est le système mis en place par Chapitre.com qui fédère virtuellement les stocks de centaines de libraires indépendants. Règle 2. Crowdsourcing. Reporter une partie de la chaîne de la valeur en aval et mettre le client à contribution. C’est ce que font Wikipedia, eBay ou encore Amazon, en mettant à contribution les consommateurs dans le fonctionnement des sites. |\/ | Règle 3. Multiplier les canaux de distribution. Tous les clients ne souhaitant pas acheter sur Internet, certaines entreprises développent des stratégies multicanaux, le Web étant complété par des points de vente physiques. 4$ $! Règle 4. Multiplier l’offre produit. Alors qu’auparavant un livre ne se vendait qu’au format papier, on voit apparaître des versions numériques et même, selon les modèles, des ventes au chapitre, à l’exemple des morceaux d’albums de musique. By Règle 5. Multiplier les prix. La multiplication des enchères, des canaux de distribution, des modèles où le prix est fixé en fonction de la disponibilité conduit, pour un même produit, à afficher des prix différents. Règle 6. Partager l’information. La généralisation des systèmes d’information en temps réel permet de diffuser aux consommateurs toutes les informations sur les ventes et la disponibilité des produits. Règle 7. Penser « et » plutôt que « ou ». Dans un environnement où les linéaires et le nombre de références présentées sont limités, le raisonnement des managers repose sur la sélection des produits présentés. Dans un contexte où l’offre présentée via le Net est potentiellement illimitée, la largeur de l’offre devient un atout. Règle 8. Faire confiance au marché pour faire la sélection. Dans un magasin traditionnel, le commerçant doit faire le choix des produits présentés. On line, il n’est pas nécessaire de préfiltrer les références ; les coûts de présentation des produits étant marginaux, il suffit de proposer et de laisser le marché faire la sélection. Règle 9. Comprendre le pouvoir du « gratuit ». Les modèles Google ou Skype reposent sur l’attrait de la gratuité qui crée du trafic et permet ensuite, soit des recettes indirectes de publicité, soit la vente de services complémentaires. 3. Les stratégies collaboratives digitales Au plan économique, on observe une nouvelle forme de stratégie particulièrement innovante dans toute une série de secteurs de service (transports, locations, ventes en ligne, etc.) : les stratégies collaboratives digitales. Celles-ci caractérisent aussi bien une entreprise comme Uber, que Airbnb, Leboncoin ou BlaBlaCar(37). Quels sont les points communs de ces stratégies qui concernent respectivement le transport par chauffeur privé, la location de chambres ou d’appartements dans 190 pays, les petites annonces ou le covoiturage ? Elles reposent tout à la fois sur la digitalisation des processus et sur le caractère collaboratif de la production du service : • Digitalisation. Ces entreprises ont mis aussi bien les technologies de l’information et de la communication (TIC) que le système d’information au cœur de leur modèle stratégique. Qu’il s’agisse d’applications mobiles (Uber, Airbnb) ou de sites Internet (Leboncoin), toutes ces entreprises appartiennent à l’économie numérique. Les TIC constituent la source de leur avantage concurrentiel. Ils représentent également la structure interne de leur fonctionnement, où tous les processus et fonctions sont numérisés. Toutes les fonctionnalités de la géolocalisation sont mobilisées pour offrir un service adapté en temps réel. • Caractère collaboratif. Ces entreprises sont collaboratives sur deux plans : 4$ $! |\/ | – D’une part, en amont, elles ont substitué à la traditionnelle hiérarchie interne aux entreprises, des relations partenariales avec des fournisseurs indépendants : les chauffeurs de Uber et les loueurs d’appartement de Airbnb sont indépendants juridiquement des plates-formes numériques citées. L’externalisation des activités de la chaîne de la valeur, qui ne concourt pas à la création de l’avantage concurrentiel, est la règle. By – D’autre part, en aval, ces entreprises font participer les clients au fonctionnement du système parce que ceux-ci contribuent en temps réel à l’évaluation des services par des systèmes de notation numérisés et généralisés. Ces stratégies collaboratives digitales s’inscrivent dans une logique de rupture permise par les TIC et de changement complet de business model par rapport aux acteurs des secteurs traditionnels. Ce phénomène se traduit par des frictions avec les parties prenantes (pouvoirs publics, concurrents). Ces entreprises, par nature innovantes, mettent en œuvre des stratégies de développement agressives au plan international. III. L’hypercompétition A. Qu’est-ce que l’hypercompétition ? La dynamique concurrentielle actuelle se caractérise par ce que l’on nomme communément l’hypercompétition. D’Aveni a identifié quatre facteurs qui provoquent l’hypercompétition au sein d’une industrie : – la demande des consommateurs ; – les savoirs ; – le déclin des barrières à l’entrée ; – la fréquence croissante des alliances entre firmes. L’hypercompétition s’oppose à la compétition statique. La différence entre ces deux contextes est essentielle sur le plan des stratégies induites et des organisations mises en œuvre. Le monde d’aujourd’hui a rendu les marchés infiniment plus concurrentiels qu’ils ne l’étaient il y a 10 ou 15 ans : les délais de réaction se sont réduits, les clients sont surinformés, la quasi-totalité des marchés a été déréglementée. La conséquence est lourde en ce qui concerne les avantages concurrentiels : autant il était possible naguère de mettre en œuvre une stratégie pour bénéficier d’un atout sur les concurrents durant un certain laps de temps, autant à présent les avantages ne peuvent être que temporaires et doivent, de ce fait, être gérés de manière dynamique. Cela n’implique pas que l’on soit passé d’une situation statique bienheureuse à un état de dynamisme redoutable, mais tout simplement que les conditions d’évolution se sont brutalement accélérées. L’état d’esprit doit changer. Le succès de l’entreprise ne reposera plus sur sa capacité à se positionner dans une situation avantageuse dont elle retirera des bienfaits mais dans son aptitude à élaborer une « architecture stratégique » (le terme est de Prahalad et Hamel) lui permettant de précéder et contrer ses concurrents à tout instant et sur le long terme. Tableau 4.18. La compétition statique et l’hypercompétition Environnement dynamique et instable Changement permanent de technologie aux différents stades de la chaîne de valeur Nouvelles formes de compétition sur la valeur créée pour le client Frontières entre DAS floues Distinction floue entre stratégies business et corporate Avantage compétitif éphémère, remis en cause en permanence Flexibilité dynamique, « continuous morphing » Dépréciation rapide des actifs, création de nouvelles ressources et compétences spécifiques, capacités dynamiques Innovation permanente Agilité stratégique Flexibilité organisationnelle $! Environnement relativement stable Hypercompétition |\/ | Compétition statique By Compétition sur les prix et les coûts 4$ Technologie stable Frontières entre DAS stables Distinction claire entre stratégies business et corporate Avantage compétitif durable Barrières à l’entrée, effet d’expérience Actifs stratégiques durables Peu d’innovation Stabilité stratégique Organisation relativement stable D’après L. G. Thomas, « The two faces of Competition : Dynamic Resourcefulness and the Hypercompetition Shift », Organization Science, juin 1996. B. La recherche d’avantages concurrentiels Le temps acquiert une position centrale dans la stratégie, car il est capital : – d’être le premier pour pouvoir imposer son rythme aux concurrents ; – de répondre rapidement aux clients afin de leur faire payer la valeur supplémentaire ainsi apportée. La maîtrise du temps (chronocompétition) devient le tout premier facteur de succès de l’intégration : pour vaincre le temps, l’organisation s’adapte, la stratégie se décide, les hommes se mobilisent. Au-delà de la toute-puissance du chronomètre, le cadre des champs de bataille explose. Les lieux traditionnels de lutte concurrentielle gagnent en instabilité, ce qui impose aux entreprises une mobilité et une réactivité de tous les instants : Le champ du positionnement qualité/coût connaît une succession de guerres de prix, puis de qualité, pour parvenir à un point de « valeur ultime » où les profits ne peuvent être restaurés qu’en créant de nouvelles sources de différenciation. |\/ | • Le champ du savoir-faire appelle des luttes sans fin entre l’innovateur et les imitateurs ; le premier fuit en avant et essaie de se protéger, les autres s’ingénient à contourner les obstacles pour éviter les frais de recherche trop lourds. 4$ $! • Le champ des territoires oppose les occupants et les assaillants ; ceux qui tiennent la position élèvent des barrières à l’entrée mais les autres tentent de pénétrer dans des interstices du marché où ils seront jugés peu dangereux ; tout s’achève par une mondialisation des territoires. By • Le champ de la puissance financière : l’entreprise puissante fortifie sa position en cassant les prix et en communiquant lourdement, mais les petites firmes s’entendent ou survivent dans des niches de telle sorte qu’elles constitueront toujours une menace. Cette grille de lecture de la concurrence montre que toute situation est précaire et que l’entreprise doit perpétuellement repenser ses stratégies (figure 4.24). Figure 4.24. La recherche des avantages concurrentiels G. HAMEL et C. K. PRAMALAD, La conquête du futur, InterÉditions, 1995, p. 24. C. Le continuous morphing Ce contexte d’hypercompétition a conduit à proposer un modèle de l’évolution permanente de l’entreprise à partir d’une étude approfondie de l’entreprise Yahoo. Les changements de marché et les modifications intervenant dans le jeu compétitif entre les entreprises remettent en cause les fondements de l’avantage compétitif. L’entreprise réagit par un continuous morphing c’est-à-dire par un processus de modification permanente de son activité, de ses ressources et compétences, de sa structure et de sa stratégie. Ce processus est alimenté par le développement de capacités dynamiques et de flexibilité stratégique. Les capacités dynamiques, c’est-à-dire la capacité de l’entreprise à intégrer les ressources et les compétences pour définir un nouvel avantage concurrentiel, jouent un rôle clé dans l’évolution. La flexibilité stratégique traduit la capacité à changer de stratégie rapidement à partir des nouvelles ressources et compétences mobilisées. Se produisent alors une migration compétitive d’un champ à un autre et l’apparition d’un nouvel avantage compétitif éphémère. Le cas de Google atteste le rythme et l’importance des changements continus qui peuvent se faire uniquement au sein d’une organisation flexible. D. Les axes d’exploitation de ressources $! |\/ | Il faut donc exploiter ses ressources au mieux sans se jeter trop avidement vers des choix de produits et de marché qui seront obsolètes lorsqu’ils seront mis en œuvre. Cinq chemins non exclusifs conduisent à une exploitation intelligente des moyens disponibles : bien se concentrer sur les objectifs stratégiques, accumuler plus efficacement les ressources, associer plusieurs types de ressources, conserver les ressources lorsque c’est possible, et enfin récupérer les ressources le plus rapidement possible (figure 4.25). By 4$ Figure 4.25. La relation entre continuous morphing et avantage compétitif Les nouveaux secrets de l’excellence reposent sur les piliers de l’hypercompétition (d’Aveni) : – satisfaire au mieux les intérêts en jeu (ceux des actionnaires notamment) ; – pratiquer l’anticipation stratégique en reconnaissant les contours futurs des besoins des clients ; – favoriser la rapidité d’action ; – surprendre ses concurrents pour gêner leur réaction ; – perturber les règles de la concurrence en faisant des offres novatrices ; – signaler son intention stratégique pour brouiller la vision des concurrents tout en restant secret sur les moyens mis en œuvre ; – organiser des poussées stratégiques simultanées et successives en attaquant sur plusieurs fronts. D’après http://www.google.com/corporate/timeline * développeur By 4$ $! |\/ | Tableau 4.19. Une illustration du continuous morphing : Google Figure 4.26. Les axes d’exploitation des ressources D’après G. HAMEL et C. K. PRAMALAD, op. cit., p. 185-186. Gary Hamel propose un modèle d’entreprise reposant sur quatre composantes principales, trois composantes passerelles et quatre facteurs sous-jacents (figure 4.27). La compétition se joue aujourd’hui beaucoup plus sur le modèle d’entreprise que, comme naguère, sur les marchés et les produits. Figure 4.27. Une démarche globale 1. Les composantes principales Les principales composantes sont au nombre de quatre : |\/ | • L’axe stratégique décrit en somme ce qui permet à l’entreprise de vivre, une sorte de business model. 4$ $! • Les ressources stratégiques (c’est l’aspect interne) liées entre elles par la passerelle « configuration » indiquant comment l’entreprise combine et conjugue ses savoirs, ses objectifs, ses processus. By • L’interface clients, sur laquelle reposera toute la relation vers le marché, liée à l’axe stratégique par la passerelle « bénéfices clients » décrivant ce qui est offert aux clients. • Le réseau de valeurs est très proche de la chaîne de la valeurs du même nom lié aux ressources stratégiques par la passerelle « frontières » ; c’est le Supply Chain Management. 2. Les facteurs sous-jacents Ce sont essentiellement : • L’efficacité. Elle consiste à offrir aux clients un réel avantage. • La spécificité. Il s’agit d’être le seul à proposer cet avantage. • La cohérence. Chaque aspect dépend de tous les autres. • L’accélération du profit. Il convient de faire en sorte que la situation de l’entreprise soit meilleure que la moyenne. Les quatre règles non négociables selon P. Drucker(38) 1. Les trois familles de postulats de la logique de l’entreprise (l’environnement – c’est-à-dire la société, les structures, le marché et le client –, la mission spécifique et les compétences clés) doivent coïncider avec la réalité. 2. Ces trois postulats doivent être en harmonie. 3. Pour porter ses fruits, la logique d’entreprise doit être connue et comprise par tous à l’intérieur. 4. La logique d’entreprise doit être sans cesse remise sur la sellette. Incantations conjoncturelles ou traits marquants qui éclaireront à jamais le panorama des luttes de demain ? Nul ne peut répondre avec certitude à cette question. Il demeure que beaucoup se plaisent à faire leur cette boutade : le futur n’est plus ce qu’il était. |\/ | Le trait le plus marquant est l’incertitude. Les consultants de McKinsey estiment que les entreprises sont confrontées à quatre niveaux d’incertitude : l’avenir relativement clair, l’avenir en alternatives (quelques scénarios peuvent être prévus), l’avenir en éventail (impossible de prévoir un scénario plus qu’un autre), l’avenir imprévisible. Confrontée à ces diverses situations, l’entreprise peut : 4$ $! – tenter de façonner l’avenir (par exemple, Kodak a voulu imposer son standard dans la photographie numérique) ; – s’adapter à l’avenir : on considère que les évolutions futures sont acquises ; By – ménager l’avenir : préparer des positions pour être capable d’intervenir avant les autres en fonction des évolutions observées. On voit bien ici que la planification classique perd ses balises. Le Business Model |\/ | Le Business Model (BM), également dénommé Business Design, modèle d’affaires ou modèle d’entreprise, décrit la formule stratégique mise en œuvre par une firme pour « gagner de l’argent ». L’expression ne doit pas être confondue avec celle de Business Plan qui signifie « comment gagner de l’argent ». Nous nous situons ici dans le pourquoi. La question est d’importance puisque le Business Model repose sur des choix d’activité, sur l’organisation de la chaîne de valeur, les modalités de mise en œuvre des ressources et compétences, les choix des partenaires et donc des frontières de l’entreprise, la façon dont elle apporte de la valeur aux clients. C’est bien l’ensemble des décisions stratégiques qui dessine l’architecture du Business Model. Le défi majeur est qu’aucun Business Model n’est stable. Un tel modèle est appelé à se transformer en raison de l’évolution des contextes, et notamment de l’arrivée de concurrents qui s’ingénient à copier – parfois en mieux –, ce qui était jusqu’ici performant. La distribution classique d’appareils électroménagers par des magasins se trouve confrontée à une nécessité de changement de BM. La presse écrite, la pharmacie (lorsqu’elle est trop dépendante de produits princeps), les grands hypermarchés, les chaînes de télévision généralistes et bien d’autres encore s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité de faire évoluer leur Business Model. By 4$ $! Les entreprises, voire les organisations, diffèrent profondément les unes des autres. La compréhension de la raison de l’existence d’un ensemble est essentielle avant même le diagnostic stratégique. Les modèles d’affaires de Vinci, de BlaBlaCar, de WWF ou encore de la SNCF sont bien différents. Alex Osterwalder et Yves Pigneur ont suggéré une analyse d’un business model en neuf éléments. D’abord utilisé pour prouver la pertinence du modèle d’une entreprise en création, le Business Model Canvas est très à même de faciliter l’illustration de la question « Pourquoi une entreprise gagne-t-elle de l’argent ? ». Les neuf éléments du Business Model Canvas sont : • Mes partenaires : qui pour m’aider à baisser mes coûts, à générer plus de valeur, à prendre contact avec mes clients ? quelles sont les possibilités de synergies ? • Mes activités : production/services, vente/promotion, administration. • Mes ressources : compétences, actifs, mes besoins pour délivrer mon offre. • Mon offre : qu’est-ce que je propose ? quels bénéfices pour les clients en fonction de leur système de valeur (coûts, temps, énergie, bien-être, etc.) ? • Ma relation client : les objectifs des clients (conquête, fidélisation, enrichissement, engagement) • Mes canaux de distribution : où et comment délivrer des informations et faire aimer, simplifier l'acte d’achat, fournir mes services, suivre l'utilisation, assurer la satisfaction ? • Mes segments client : qui aider ? quels sont les vides ? quelles sont les expériences clients ? qui est décisionnaire ? qui paie ? • Ma structure des coûts : les coûts générés (temps, argent, énergie) et la façon d’optimiser leur contribution par rapport à mes propositions de valeur. By 4$ $! |\/ | • Mes sources de revenus : quelles sont les valeurs pour lesquelles les autres sont prêts à payer ? combien ? comment ? quelles sont les autres possibilités de flux de revenus ? comment optimiser la contribution de chacun des flux au revenu total ? Mini-cas 1 : l’offre low cost d’Air France Air France renforce son offre low cost. La compagnie française, dont la filiale Transavia propose déjà des vols à bas coûts vers des destinations touristiques, annonce aujourd’hui le lancement d’une nouvelle offre sous son propre nom. Cette offre modifie la classe Economy sur 58 vols courts et moyen-courriers. Selon les informations du Parisien, cette classe sera désormais scindée en deux variantes : la classe éco Classic – similaire à l’ancienne Economy – et la classe éco Mini, qui est environ 20 euros moins chère. Son prix de départ : 49 euros, pour environ 40 allers simples au départ des aéroports d’Orly, de Marseille, Toulouse et Nice. Autres exemples de destinations à 49 euros : Marseille-Prague, Orly-Montpellier ou Toulouse-Berlin. Une dizaine d’autres vols sont vendus à 79 euros, comme le Marseille-Marrakech. Optimiser la compétitivité 4$ $! |\/ | L’offre, qui devrait concerner environ 10 % du volume des vols concernés, nécessitera tout de même quelques concessions de la part du passager. Le billet, par exemple, ne sera ni modifiable ni remboursable, et ne permettra pas de cumuler des miles, ces points qui permettent d’obtenir des réductions et billets gratuits. Le passager devra également attendre d’être arrivé à l’aéroport afin de choisir sa place, sans pouvoir la sélectionner à l’avance sur Internet. Enfin, à l’instar des compagnies easyJet ou Ryanair, il ne devra être muni que d’un bagage « cabine » de 12 kg : tout bagage en soute sera facturé 15 euros. By L’objectif de la compagnie française – qui poursuit son plan d’économies de 2 milliards d’euros d’ici à 2015 – est clair : optimiser sa compétitivité et reconquérir les parts de marchés perdues au profit des compagnies low cost qui ne cessent de gagner du terrain. Le nombre de destinations concernées pourrait augmenter avant fin 2013. Q. Périnel, « Air France détaille son offre low cost », Le Figaro, 7 janvier 2013. Questions 1. Quelle est historiquement la stratégie business d’Air France ? Justifiez votre réponse et illustrez-la par des exemples concrets. 2. La création de la nouvelle politique tarifaire est-elle une décision marketing ou une décision stratégique ? 3. Selon vous, pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? 4. Y a-t-il un risque d’enlisement dans la voie moyenne ? Pourquoi ? Mini-cas 2 : Decathlon et l’innovation Depuis une quinzaine d’années, l’enseigne nordiste s’est organisée pour concevoir des produits sportifs simples, innovants et à prix abordable. Question d’image... et de rentabilité. Pour comprendre la manière dont fonctionne l’innovation chez Decathlon, il suffit de se rendre à Villeneuve-d’Ascq (Nord), de trouver une place sur le parking de Decathlon Campus, puis d’entrer dans l’un des plus grands magasins de sport d’Europe. Enfin, il faut se faufiler jusqu’à la porte discrète tapie au fond du rayon cycles. Derrière, on découvre un autre magasin. Avec la même moquette verte au sol, les mêmes rails métalliques au plafond, ceux qui subsistent de l’ancienne usine Bull qui occupait naguère les lieux. Seule différence, les centaines de personnes qui circulent ne sont ni des clients ni des vendeurs, mais les concepteurs des produits qui viendront bientôt garnir les allées de Campus, de l’autre côté du mur. |\/ | Oxylane, la maison mère de Decathlon, mise tout sur l’innovation depuis le début des années 2000. « L’objectif, c’est la montée en gamme de nos produits. C’est plus intéressant en termes de marge, et cela permet de limiter les dépenses publicitaires », explique-t-on au siège d’Oxylane. 4$ $! Les premiers tee-shirts Decathlon datent de 1986. Aujourd’hui, plus de 60 % des ventes sont faites avec des produits maison. Chaque année, 2 800 nouveautés arrivent en rayon, soit 10 % de l’inventaire. By Il faudra attendre 2006 et l’arrivée de la tente « deux secondes » – 8 millions d’exemplaires écoulés – pour que la créativité de l’enseigne saute aux yeux du grand public. « Ils sont très malins dans l’innovation, très justes dans le rapport qualité-prix, estime Delphine Mathez, consultante chez Roland Berger. Ils ont aussi la taille nécessaire pour se le permettre. » C’est Vincent Leenhardt, le directeur de l’innovation d’Oxylane, qui joue le chef d’orchestre. « C’est un processus d’innovation qu’il faut installer par des personnes innovantes », affirme celui qui veille à l’articulation – complexe –, entre les différentes entités d’Oxylane : 21 marques « passion » et 12 « marques composants ». Les premières se réfèrent aux univers sportifs : Kipsta pour le football, Inesis pour le tennis et le golf, ou B’twin pour les cycles. Les secondes correspondent à des briques technologiques : le travail sur l’étanchéité des textiles (Novadry), ou celui sur la high-tech (Geonaute). Enfin, Oxylane Research réunit 50 scientifiques chargés de la recherche fondamentale, dans la thermodynamique, la physiologie, etc. En 2011, 36 brevets ont été déposés par leurs soins dans un portefeuille qui en contient presque 900. Ces chercheurs travaillent pour toutes les marques du groupe. « Soit elles demandent de l’aide, soit nous allons leur proposer quelque chose. Notre rôle c’est de partager et de transférer les connaissances entre les différentes composantes », souligne M. Lennhardt. Ce dernier n’hésite pas à aller chercher les compétences à l’extérieur. Pour mettre au point une caméra amovible pouvant filmer à 360 degrés, Geonaute a fait appel à Giroptic, société lilloise experte en vision panoramique. « Ils nous ont beaucoup appris sur l’apsect industriel, mais ils fonctionnent en mode start-up », constate Richard Ollier, son fondateur. Autre exemple, pour un cadenas à vélo, B’twin s’est inspiré des méthodes... de quelques voleurs, rebaptisés pour l’occasion « partenaires techniques ». Tout ce petit monde dispose sur place d’un atelier de prototypage, qui permet de fabrique des « monstres » en moins de 24 heures. Les « tests de torture » sont un autre passage obligé. Chaque produit fait l’objet d’au moins dix prototypes, et de beaucoup plus de tests, dans des machines inventées sur place, comme le simulateur de pluie et de vent, caché dans les entrailles de « Campus ». « C’est cette exigence de sécurité et de qualité qui m’a le plus frappé en découvrant Oxylane », souligne Olivier Bernasson, patron de Pecheur.com, un site racheté par les Nordistes en 2010. Rien ne vaut les essais grandeur nature et la proximité avec les clients. Pour inventer un bouée, le chef de produit Tribord a pris l’eau 300 fois. Son bureau est à deux pas de la plage landaise d’Hendaye (Pyrénées-Atlantique). Tout comme Quechua (montagne) est installé à Sallanches, en Haute-Savoie. Le chef de projet de Startech, l’arc avec des flèches à ventouses, a lui testé le packaging de son produit dans un magasin, pour « valider le choix et surtout se réconforter ». Ce dernier a pu confronter son bébé à ceux de ses collègues, le 15 novembre 2012, lors des Oxylane Innovation Awards. Une grande fête au Zentith de Lille. Pendant deux heures, les équipes de conception ont défilé sur scène devant 3 000 spectateurs. Questions By 4$ $! |\/ | « Innover, c’est faire un produit astucieux, accorder la technique et le beau pour faciliter la vie des sportifs, prêchait alors Yves Claude, le directeur général d’Oxylane. C’est plus compliqué d’innover sur des produits peu chers ! » Au final, l’équipe qui a conçu une besace se transformant d’un geste en sac à dos a raflé la mise. Il sera en vente en mars pour moins de 40 euros. J. Dupont-Calbo, Le Monde Économie, 5 mars 2013. 1. Quel est l’avantage concurrentiel de Decathlon ? 2. La stratégie de production de l’entreprise privilégie-t-elle l’intégration ou l’externalisation ? 3. Quelles sont les compétences et les ressources mobilisées au service de la stratégie business ? Chapitre 5 Les stratégies corporate Les compétences clés à acquérir : • Repérer les différentes options stratégiques au plan corporate : spécialisation, diversification, intégration, internationalisation. • Apprécier les effets sur la gestion de la firme. • Connaître toutes les options possibles pour se développer ou, au contraire, se désengager. |\/ | • Prendre la mesure de l’importance de la stratégie d’internationalisation dans une économie mondialisée. 4$ $! • Apprécier les objectifs poursuivis par l’internationalisation de l’entreprise. By La question des stratégies corporate et de la gestion du portefeuille d’activités se pose à toutes les entreprises. Même les entreprises qui ne se développent que sur un seul DAS s’interrogent sur l’opportunité de se diversifier et d’élargir ainsi leur portefeuille d’activités. Toutefois, la gestion des portefeuilles d’activités concerne au premier chef les grandes entreprises qui comptent des dizaines de DAS. Faut-il poursuivre le développement en dehors du (des) métier(s) d’origine ? Convient-il de s’intégrer verticalement, d’organiser son développement sur le plan international ? Autant de questions qui préoccupent les dirigeants d’entreprise. Ce ne sont pas les seuls à raisonner aujourd’hui en termes de portefeuille d’activités. D’aucuns considéraient, voilà quelques années, que les outils et concepts d’analyse des portefeuilles d’activités étaient désuets. C’était sans compter avec le rôle grandissant des actionnaires minoritaires et la recherche croissante de la valeur par les fonds d’investissement. Introduction Au fil des pages précédentes, nous avons rencontré de nombreux cas où les responsables désiraient faire croître leur entreprise. Si l’on se remémore la démarche stratégique, la question de l’élaboration du « mix » stratégique se résume en un double choix : soit l’option pour une activité unique, à savoir la spécialisation, soit l’option pour des activités multiples, à savoir l’intégration verticale ou la diversification. Du fait de la mondialisation des marchés, ces stratégies font de plus en plus souvent l’objet d’une internationalisation (figure 5.1). Figure 5.1. Les orientations stratégiques corporate |\/ | Il va de soi que lorsque les entreprises mettent en œuvre des stratégies interindustrielles, elles doivent aussi, dans chaque DAS, définir une stratégie intra-industrielle. C’est ici que la stratégie corporate rejoint la stratégie business. La stratégie corporate vise le P-DG et son COMEX, le CEO. La stratégie business s’adresse aux responsables de division, mais ceux-ci appartiennent tous à la même entreprise, au même groupe. Les divisions sont les acteurs d’un certain rang, le siège est le décideur suprême. By 4$ $! Les orientations que les dirigeants donnent à la marche des entreprises dépendent de leur compréhension du monde extérieur, de leur volonté, mais aussi des grands mouvements qui animent l’histoire économique. Ainsi, pendant la première moitié du vingtième siècle, a-t-on observé que les grandes firmes prenaient une place de plus en plus importante, tandis que les PME tendaient à reculer. Pendant les années glorieuses, de 1950 à 1970, la tendance s’est accentuée : la grande dimension devenant un idéal managérial recommandé parce que l’opinion la désignait comme un impératif industriel. La petite taille était considérée comme la survivante d’un archaïsme ou d’un régime qu’il fallait dépasser. Le modèle d’une gestion progressiste se concrétisait dans l’image de la firme qui bénéficie, grâce à sa grande taille, des avantages de réduction de coûts et qui gère un portefeuille de domaines d’activités stratégiques copieux et disparate. Les crises économiques ont fait redécouvrir les qualités propres aux petites entreprises qui, entre autres, créent des emplois et innovent, alors que les grands groupes suppriment des postes de travail et restent souvent plus timorés en matière d’innovation. L’étendue du portefeuille stratégique devient moins prisée par les managers que la spécialisation sur ce que l’entreprise sait faire. Cette nouvelle direction conduit à une réduction des tailles, une réduction du nombre des activités, voire des fonctions. Dans un monde qui se globalise, on verra par exemple telle entreprise européenne confier sa comptabilité à une entreprise d’informatique indienne. En contrepartie, des stratégies nouvelles apparaissent (partenariat, intrapreneuriat, essaimage, etc.). Il résulte de ces circonstances nouvelles qu’un enchevêtrement de possibilités s’offre aux stratèges. I. La spécialisation La spécialisation est reconnue depuis Ricardo comme la condition majeure du succès économique, pas seulement sur le plan de la macroéconomie internationale, mais aussi en ce qui concerne l’entreprise, car on constate souvent que cette dernière devient moins compétitive que ses fournisseurs et/ou que ses clients, lorsque ses activités s’étendent abusivement en aval ou en amont. Quelques précisions s’imposent. A. Définition La spécialisation est une orientation simple qui consiste à axer les efforts de la firme sur un marché et sur un même type de produit. Souvent, il s’agit de la seule possibilité offerte à une petite entreprise qui devra son succès soit à un avantage en matière de coûts, soit à une différenciation des attributs du produit ou des services fournis. La spécialisation s’oppose à la diversification. Mais cette opposition n’est pas binaire, elle relève plus d’un continuum qui va des entreprises totalement spécialisées qui ne fabriquent (cas désormais assez rare) qu’un seul produit pour un seul marché à celles qui sont très diversifiées et qui interviennent sur de très nombreux marchés avec des produits et services très divers. 4$ $! |\/ | La spécialisation peut se définir en termes de compétences. L’opposition entre spécialisation et diversification s’opérait traditionnellement en termes de produits et de marchés. On raisonne désormais en termes de métiers et de compétences, car c’est là que se situent les causes de succès ou d’échec. L’entreprise spécialisée est celle qui concentre son activité et ses ressources sur un métier défini comme un ensemble homogène de compétences. L’entreprise se diversifie quand elle doit mobiliser des compétences nouvelles. By L’entreprise spécialisée est présente sur un seul DAS et va, dans ce DAS, choisir une des stratégies génériques exposées dans le chapitre 4. B. Les caractéristiques En termes de cycle de vie, la stratégie de spécialisation se rencontre plutôt dans les phases de lancement et de croissance. C’est en effet au cours de ces phases que la concentration des compétences et des ressources sur une seule activité est la plus nécessaire et la plus efficace. Dans les phases de maturité et de déclin, la stratégie de spécialisation ne permet plus d’assurer à l’entreprise la croissance du chiffre d’affaires et devient plus risquée. Les voies de développement de l’entreprise spécialisée dans son DAS L’entreprise spécialisée peut, pour se développer dans son DAS, opter soit pour un développement géographique, soit pour un développement commercial par élargissement des gammes. Il ne s’agit pas ici de diversification. Le métier demeure le même : – Sur le plan géographique, l’entreprise peut étendre sa zone de clientèle. C’est ainsi que des transporteurs locaux ont étendu leur zone de chalandise au territoire national, sans changer de métier. De la même façon, la création de zones économiques de libre-échange et la standardisation des attentes des clients et des consommateurs conduisent des entreprises françaises à fournir plusieurs pays européens tout en restant dans le même DAS. L’extension de zone géographique n’est pas une diversification, si le métier de l’entreprise demeure globalement identique. $! |\/ | – Sur le plan commercial, l’entreprise spécialisée peut élargir ses gammes de produits, enrichir son catalogue de produits connexes. La PME agro-alimentaire qui complète sa production de brioches par des gâteaux quatre-quarts demeure spécialisée. Il en est de même du distributeur de produits médicaux qui ajoute à son catalogue du matériel orthopédique. By 4$ La spécialisation peut néanmoins masquer une diversification rampante. Par exemple une simple extension géographique conduit progressivement à gérer des circuits de distribution nouveaux pour l’entreprise et des clients aux attentes différentes ou encore l’ajout de nouveaux produits aux productions et aux catalogues de distribution nécessite l’acquisition de savoir-faire et de compétences nouvelles. L’entreprise se sera alors diversifiée sans s’en rendre compte. La réussite dépendra de sa capacité d’apprentissage de compétences qu’elle ne maîtrisait pas jusque là. Exemple Un éditeur connaissant parfaitement le circuit de distribution par les librairies traditionnelles décide, pensant que les méthodes sont très voisines, de distribuer ses ouvrages dans les grandes surfaces. Il pense mener une opération de spécialisation. En fait, il se rend compte que les contraintes de livraison, les processus de paiement, les habitudes de négociation des prix et les méthodes de communication sont autant d’éléments radicalement nouveaux : il est entré de plain-pied dans une opération de diversification ! Pour terminer, nous pouvons résumer les points positifs et négatifs d’une stratégie de spécialisation (tableau 5.1). Tableau 5.1. Un bilan de la stratégie de spécialisation Avantages Inconvénients • Stimule les effets de l’expérience : avantage de coûts. • Facilite la prise de conscience de l’avantage sur lequel s’élabore la stratégie compétitive de la firme. • Risque de miser sur un DAS en déclin. • Évite la dispersion des ressources et simplifie • Engendre une culture refermée sur elle-même. la gestion. • Limite la flexibilité stratégique. • Assure un développement plus aisément maîtrisable autour d’un métier. • Crée une identité homogène et une culture forte. • Image externe claire. II. La diversification $! |\/ | La deuxième orientation pousse l’entreprise à investir dans des activités et/ou des marchés hétérogènes. Son portefeuille d’activités s’enrichit de nouveaux DAS. 4$ Exemple By Google, à son activité initiale de moteur de recherche, va ajouter deux DAS : l’intelligence artificielle et l’allongement de la vie humaine. A. La définition de la diversification La diversification s’oppose à la spécialisation qui consiste, pour l’entreprise, à demeurer dans un domaine d’activité stratégique. Lorsqu’une entreprise s’éloigne de son domaine d’activité stratégique, elle est supposée se diversifier. En pratique, le terme de diversification recouvre des réalités très différentes. Ainsi, on parle souvent à tort de diversification lorsque : – Nestlé lance une barre chocolatée pour une nouvelle cible ; en fait, c’est une diversification exclusivement marketing ; – Danone rachète une nouvelle eau minérale. Ces exemples montrent que l’opposition spécialisation/diversification, loin d’être dichotomique, doit être abordée au travers d’un continuum. En effet, dans certains cas, la nouvelle activité est très voisine des activités actuelles et seules changent quelques variables techniques et/ou marketing. Dans d’autres cas, le marché n’est pas le même, la technologie est fondamentalement différente. En fait, l’importance de la diversification doit être appréciée au regard du changement de métier résultant de la nouvelle activité (figure 5.2). Figure 5.2. Le continuum spécialisation-diversification Lorsque le changement est limité, on peut parler de diversification au sens marketing du terme. En revanche, quand le changement de métier requiert l’apprentissage de très nombreuses nouvelles compétences, il faut parler de diversification stratégique. On oppose également la diversification liée (dans un secteur qui présente un lien avec l’activité principale) et la diversification non liée (dans un domaine sans aucun lien avec l’activité principale). Plus le changement de métier est important, plus les compétences à acquérir sont nombreuses, plus les spécificités du nouveau domaine sont grandes du fait de la « distance » entre l’ancien et le nouveau métier, plus le temps d’apprentissage sera conséquent. Les risques pris par l’entreprise qui se diversifie sont probablement d’autant plus importants qu’elle s’éloigne de son métier d’origine (tableau 5.2). Il est cependant vrai que l’entreprise spécialisée sur un secteur en déclin court également des risques. By 4$ $! |\/ | Tableau 5.2. Les caractéristiques opposées des stratégies de spécialisation et de diversification La diversification peut se représenter par une « étoile » (figure 5.3). On mesure l’ampleur de la diversification par la distance qui sépare le nouveau métier de l’ancien sur les différentes dimensions du métier. Si l’on considère que le métier d’une entreprise se définit par une série de compétences : client, produit, technologique, distribution, géographique, réglementaire, culturelle, communication, etc., plus l’étoile sera large, plus l’entreprise s’éloignera de son métier ou de ses métiers. Figure 5.3. L’étoile de la diversification B. Les motifs de diversification Les raisons qui conduisent les entreprises à se diversifier sont nombreuses et souvent complémentaires. Il faut de prime abord noter que les entreprises qui se diversifient peuvent être dans des situations économiques fort différentes. Soit elles sont en bonne santé et la diversification se situe dans une perspective de croissance, elle traduit la mise en œuvre d’une stratégie de développement ; soit elles sont en difficulté, et dans ce cas la diversification vise au redressement. Il est clair que les chances de succès ne seront pas les mêmes (tableau 5.3). Tableau 5.3. Le contexte de diversification By 4$ $! |\/ | Au-delà du contexte dans lequel se situe l’entreprise, on peut plus précisément identifier neuf motifs de diversification (tableau 5.4). Tableau 5.4. Les motifs de diversification Motifs de la diversification Illustrations By 4$ $! |\/ | • Répartition des risques. 1. Gestion du portefeuille • Investissement vers des DAS plus rentables ou plus dynamiques. d’activités • Compensation du déclin d’un DAS. • Compensation de la saisonnalité d’un DAS. • Techniques : l’entreprise valorise dans un autre secteur ses 2. Valorisation de compétences brevets ou un savoir-faire spécifique. distinctives • Commerciales : l’entreprise valorise son image sur un autre marché. 3. Recherche de synergies • Sur toutes les fonctions de l’entreprise. • Financières : l’entreprise se diversifie pour placer ses excédents issus de DAS « vaches à lait ». 4. Investissement de • Humaines : l’entreprise se diversifie pour utiliser des effectifs ressources excédentaires devenus excédentaires. • Techniques : l’entreprise se diversifie pour « faire tourner » un outil de production devenu surdimensionné. • Intégration amont ou aval afin d’acquérir un avantage concurrentiel (sécurité d’approvisionnement ou de débouché) ou 5. Constitution d’avantages volonté de réduire le pouvoir de négociation d’un fournisseur ou concurrentiels d’un client. • Rachat d’un fournisseur ou d’un client d’un concurrent, pour le contourner. • Rachat dans des conditions avantageuses de fournisseurs, clients, 6. Saisie d’opportunités entreprises voisines. • Mégalomanie de dirigeants grisés par un succès dans le DAS 7. Ressorts psychologiques d’origine. des dirigeants • Caractère valorisant des diversifications pour des cadres de direction. • Rachat d’un fournisseur unique en difficulté ou d’un client en 8. Obligations faillite • Investissement dans les médias pour développer son pouvoir 9. Pouvoir d’influence. On retrouve, en matière de diversification, la notion classique de synergie résumée par la formule 2 + 2 = 5. Ces synergies ou complémentarités peuvent être de plusieurs natures. Des illustrations en sont données dans la tableau 5.5. Tableau 5.5. Quelques exemples de facteurs de synergie Facteurs de synergie • Image de marque, communication • Production • Logistique • Système d’information • Organisation |\/ | • Distribution • Complémentarité d’achat des services (voyage et hôtellerie). • Une même force de vente commercialise les deux produits (skis et raquettes de tennis). • Un nouveau produit bénéficie de la renommée d’un produit existant (parfums Jean Paul Gaultier). • Un produit est fabriqué avec les résidus d’un autre, ou sur les mêmes équipements. • Une nouvelle activité bénéficie de la logistique existante (flotte de camions). • La gestion de la nouvelle activité bénéficie du système d’information existant (le système de réservation aérienne est utilisé pour les réservations hôtelières). • La même structure organisationnelle sert aux différentes activités. 4$ C. Les axes de diversification $! • Marketing Illustrations By Produire ou vendre dans de nouveaux DAS implique de s’engager dans des activités nouvelles plus ou moins coûteuses, plus ou moins risquées. Les différentes voies envisageables peuvent être regroupées à partir de la grille d’Ansoff (tableau 5.6). Tableau 5.6. Les trois types de diversification Chaque diversification correspond à un axe de croissance. Une opération de diversification proche du métier d’origine de l’entreprise est appelée une diversification liée. Elle est non liée dans le cas contraire. 1. La stratégie de diversification produit Elle permet à l’entreprise de croître grâce à la vente de nouveaux produits sur le marché. Une telle stratégie peut être réalisée grâce à deux tactiques : – lancer purement et simplement un nouveau produit ; – changer les caractéristiques, les attributs superficiels du produit. Exemple On augmente la taille de l’article ; ou bien, au contraire, on le rend plus petit, plus maniable (une clé USB de 64 gigas qui complète une gamme s’arrêtant jusque là à 16 gigas). Le terme de diversification est dans ce cas quelque peu abusif. Tableau 5.7. Les avantages et les inconvénients d’une stratégie de diversification produit Avantages Inconvénients Il faut financer des stocks plus importants. Des difficultés de coordination surviennent. |\/ | Certains produits risquent de concurrencer d’autres biens de la gamme. $! La gamme des produits offerts s’élargit. Du côté de la production, certaines économies peuvent être réalisées en utilisant des installations ou des services communs, en standardisant des pièces, en produisant des éléments s’adaptant à l’un ou à l’autre produit. Du côté des ventes, si le réseau de distribution est unique, la réalisation de gains de synergie est à peu près certaine. 4$ 2. La stratégie de diversification marché – une expansion régionale ; – une expansion nationale ; By Elle ne concerne que les produits actuels, mais on les met en vente sur de nouveaux marchés. Les tactiques qui résultent de ce choix peuvent prendre les formes suivantes : – une expansion internationale ; – l’utilisation d’un nouveau canal de distribution : la vente par correspondance, par exemple ; – l’exploitation d’un autre segment de clientèle, etc. ; – Decathlon se lance dans la vente par correspondance ; – une chaîne d’hôtels ajoute la clientèle des voyages organisés à ses clients habituels ; – les vêtements Camaïeu ouvrent des magasins en Indonésie, en Malaisie à Singapour. Tableau 5.8. Les avantages et les inconvénients d’une stratégie de diversification marché Avantages Inconvénients L’entreprise échappe aux aléas qui résultent de l’exploitation d’un portefeuille de clients trop étroit. Les frais commerciaux supplémentaires entraînés par la conquête de nouveaux marchés – à l’exportation par exemple – sont souvent élevés ; ils peuvent mettre en péril l’équilibre financier de l’entreprise. La production se développe et le bénéfice des lois d’apprentissage se fait sentir : les coûts moyens unitaires diminuent. L’entreprise est confrontée à de nouveaux marchés qu’elle ne connaît pas. 3. La stratégie de diversification totale |\/ | Elle suppose le développement simultané de produits nouveaux et de marchés nouveaux. Telle a été la stratégie de l’entreprise nord-américaine General Electric qui intervient dans des domaines aussi divers que les services financiers, les générateurs d’énergie, les produits industriels, les moteurs d’avion, l’électroménager, les médias, le plastique, l’imagerie médicale. $! Exemples 4$ • Thalès est présent dans l’aéronautique, la défense, l’espace et les transports. By • L’entreprise canadienne Bombardier intervient dans l’aéronautique, le ferroviaire, les motoneiges et les scooters de mer. • À partir des métiers du polyester et du bois qu’elle domine, Beneteau s’engage dans la production de matériels publicitaires et d’aménagement immobilier, tel le chalet mobile (accessoirement il évite la saisonnalité du secteur de la plaisance). On peut évidemment compliquer le schéma à l’envi (tableau 5.9). Tableau 5.9. Les différentes stratégies de diversification totale Quels sont les risques de succès, d’échecs associés à ces différentes stratégies de diversification ? On observe en fait que les risques d’une stratégie de diversification dépendent de l’ampleur des compétences à acquérir. Ainsi, la diversification produit est généralement moins risquée que la diversification marché. L’explication est simple : il est plus facile d’acquérir les compétences pour maîtriser un nouveau produit que celles pour pénétrer un nouveau marché dont on ignore tout. Les compétences techniques liées au produit ou service seraient plus facilement mobilisables (soustraitance, licence, alliance, etc.) que les compétences marché. Dans cette optique, bien évidemment la diversification totale est la plus risquée. Tableau 5.10. Les compétences à acquérir et les risques La diversification totale est aujourd’hui considérée comme aventureuse par les marchés financiers. Les bourses du monde entier préfèrent les entreprises bien centrées sur leur métier ou celles qui se sont démembrées pour faire vivre des entités distinctes correspondant aux diverses activités : c’est la technique du split off. Exemple By 4$ $! |\/ | Ne parle-t-on pas de discount congloméral, c’est-à-dire de décote boursière que les marchés font subir aux entreprises encore tentées par la diversification ? On estime ce discount à 20 ou 25 %. Cette idée est forte. Elle pourrait se résumer en disant que les investisseurs préfèrent juger par euxmêmes de l’intérêt d’un portefeuille diversifié plutôt que de voir les entreprises assurer cette diversification à leur place. Il en va tout autrement des diversifications plus modestes, par extension de gamme ou de marché, afin de bénéficier de gains de synergie certains. Ces stratégieslà sont bien acceptées par les marchés financiers. En quelques années, la marque Philips s’est recentrée sur les métiers de la santé et du bien-être. Elle a vu sa rentabilité s’améliorer. La lecture des cours de la bourse révèle ce phénomène. Lorsque les dirigeants d’une entreprise annoncent une diversification, le cours risque de brutalement chuter, si les analystes la jugent trop éloignée du pôle de compétences central. Mais la valeur de l’action peut, à l’inverse, monter si les mêmes analystes considèrent la diversification comme un développement prudent. Exemples Thalès, entreprise présente dans l’aéronautique, la défense, l’espace et les transports est estimée trop diversifiée par les analystes financiers. Mais, à l’inverse, Apple, jugée trop spécialisée sur l’iPhone et l’iPad, connaît une mauvaise année boursière alors qu’Amazon, qui élargit son offre, est la coqueluche des traders. Tableau 5.11. Un bilan de la stratégie de diversification Avantages Inconvénients • Ampleur des investissements. • Réduction du risque. • Dispersion des ressources, des compétences. • Création de richesse par synergie. • Manque d’unité entre les différentes activités. • Amélioration de la structure du portefeuille des • Difficulté pour les dirigeants de connaître et de DAS. maîtriser leurs différentes divisions. • Développement de nouvelles compétences. • Obstacles à la sortie. • Plus grande flexibilité stratégique. • Perte d’identité, affaiblissement de la culture. • Image vis-à-vis des marchés financiers. D. Le balancier stratégique $! |\/ | Si l’on dépasse l’actualité du moment, on peut dire que dans une grande entreprise, la spécialisation est rare sur une longue période. La firme est conduite à se diversifier et/ou à intégrer certaines de ses activités. Toutefois, il serait vain de penser que toutes les activités d’une branche sont maîtrisables à l’infini. Aussi observe-t-on, surtout en période de conjoncture difficile, des manœuvres de repli vers des activités où la firme possède de réelles capacités. On parle alors de stratégies de recentrage qui prennent généralement trois formes : By 4$ • Le recentrage sur le métier vise à sélectionner les technologies maîtrisées grâce auxquelles la firme possède un avantage compétitif. Pour accentuer les efforts positifs de la spécialisation, la firme entamera des transactions avec des partenaires, en tentant d’imposer à ces derniers des accords contractuels privilégiés (sous-traitance ou distribution exclusive). • Le recentrage sur la mission est davantage lié au souci de marketing qu’à la technologie. Le problème consiste à définir le besoin à satisfaire de manière à proposer une palette de biens et de services complémentaires propres à lui répondre. L’analyse de cette mission servira à définir une identité pour la firme et à bâtir une image auprès du public. Exemple Yahoo, recentré sur la technologie et le mobile, a vu son cours de la Bourse se redresser, avant qu’il ne redescende aux enfers. • Le recentrage géographique est lié à l’insécurité dans certains pays. Exemple Carrefour s’est retiré de l’Indonésie après une série d’attentats. C’est en fait un mouvement de balancier stratégique que l’on observe (figure 5.4). Figure 5.4. Le balancier stratégique En somme, on peut considérer que, pour les grands groupes, la spécialisation correspond à l’exploitation de paniers d’activité fondés sur la maîtrise de savoir-faire déterminants, la firme externalisant les activités jugées non essentielles. On comprend aisément les avantages fournis par la spécialisation, qui se révèle plus facile, plus rapide à mener et moins dangereuse que toute autre stratégie. $! |\/ | Toutefois, le risque n’est jamais définitivement éliminé, puisque l’entreprise concentre ses efforts et ses ressources sur un domaine. Un événement survient, une mutation technologique par exemple, et voilà notre firme ruinée. 4$ Enfin, la spécialisation des hommes et des techniques peut parfois entraîner des rigidités sclérosantes qui brident toute capacité d’adaptation. By III. L’intégration verticale Une troisième orientation consiste à prendre place verticalement soit vers l’amont du domaine d’activité stratégique actuel, soit vers l’aval (figure 5.5). La stratégie d’intégration peut être considérée comme une forme particulière de diversification dans la filière. Les problèmes nouveaux qui se posent sont assez différents selon que l’intégration a lieu vers l’amont ou vers l’aval. Dans le premier cas, l’opération revient à se substituer à un fournisseur (Renault décide de fabriquer des phares). Mais, dans le second, l’entreprise se retrouve concurrente de ses propres clients (Lafarge produit des maisons préfabriquées). Figure 5.5. Les deux formes d’intégration verticale Exemples 4$ $! |\/ | Dormeuil, d’abord fabricant de lainages haut de gamme, a commencé par prendre pied dans la confection en produisant une ligne de vêtements puis décidé d’ouvrir des boutiques. Leroy Merlin, chaîne de bricolage, se lance dans la livraison et le montage à domicile. Apple se sépare de ses revendeurs et opère de plus en plus exclusivement par le canal des Apple stores. By À ceci, il faut ajouter que l’intégration risque de poser des problèmes techniques ou humains insurmontables. Dans une entreprise, il existe un savoir-faire, une expérience technique accumulée qui fait que, à un moment donné, elle est capable de dominer une technologie déterminée. Changer de métier peut ruiner cet avantage. Les motifs d’une telle politique sont nombreux. Ils sont financiers, technologiques et stratégiques (tableau 5.12). Tableau 5.12. Les motifs d’intégration Motifs financiers Motifs technologiques Motifs stratégiques 4$ $! |\/ | • Diminution du pouvoir de négociation des fournisseurs ou des clients • Accroissement de la taille de l’entreprise. • Possibilité de jouer avec les • Appropriation des marges • Acquisition des technologies prix de cession interne. bénéficiaires des fournisseurs amont et / ou aval. • Élévation des barrières à et / ou des clients. • Amélioration de la maîtrise l’entrée pour d’éventuels • Baisse des coûts de contrôle et de la qualité. nouveaux entrants. de coordination. • Simplification des process de • Sécurité des • Baisse du coût des stocks fabrication. approvisionnements ou des amont et / ou aval. débouchés (marchés captifs). • Meilleure adéquation entre les aptitudes de la firme et les facteurs de réussite sur le marché (pour l’intégration aval). By L’analyse des 5 + 1 forces de Porter peut conduire à la mise en évidence d’un pouvoir de négociation d’un fournisseur ou d’un client jugé excessif qui conduit l’entreprise à mettre en œuvre une stratégie d’intégration amont ou aval pour y mettre fin. On peut résumer les avantages et les inconvénients d’une stratégie d’intégration (tableau 5.13). Au cours des décennies passées, les entreprises ont plutôt eu tendance à aller dans le sens de l’intégration aval. Cette manœuvre stratégique permet en effet aux entreprises, notamment industrielles, de se rapprocher du client final. Dans un environnement changeant où les exigences des marchés sont fluctuantes, mieux vaut être plus proche des consommateurs. C’est ce qui explique que de nombreux producteurs aient créé leur propre réseau de distribution. Ne s’intègrent en amont que les entreprises cherchant à s’assurer un approvisionnement régulier en matière première (ou en composants), ou celles qui doivent s’approprier une technologie amont. C’est le cas dans le domaine des TIC où les grands acteurs s’intègrent en amont par croissance externe pour maîtriser des technologies émergentes. Tableau 5.13. Un bilan de l’intrégration Avantages Inconvénients • Diversification des activités. • Découverte de marchés nouveaux plus rentables. • Élévation de barrières anticoncurrentielles. • Diminution des risques. • Réalisation d’économies (essentiellement de coûts de transaction). • Élargissement de l’information. • Accroissement du pouvoir sur le marché. • Approvisionnements et débouchés captifs. • Besoins d’investissements très lourds. • Assèchement des ressources. • Frein au développement du métier de base de l’entreprise. • Dispersion. • Réduction de la flexibilité. • Multiplication d’obstacles à la sortie. • Difficulté de coordination. • Perte de l’identité, dilution de la culture d’entreprise. Exemples $! |\/ | Cisco rachète la société Meraki pour permettre à sa base de clients de taille moyenne d’accéder aux solutions cloud. Microsoft achète Skype, leader mondial de la téléphonie par Internet, pour se rapprocher de ses clients. 4$ Actuellement, les pénuries sur les marchés des matières premières conduisent les entreprises à développer, à nouveau, des stratégies d’intégration amont. By Pour conclure sur la question du choix stratégique corporate qui oppose spécialisation et diversification, on peut résumer le dilemme auquel les dirigeants se trouvent confrontés : • Rester spécialisé, bénéficier des avantages d’économies d’échelle, d’expérience, de concentration des ressources, mais courir le risque du déclin du DAS unique sur lequel l’entreprise est positionnée. • Se diversifier, bénéficier des avantages de la répartition des risques liés au cycle de vie des DAS, mais courir le risque du changement de métier, de la non-maîtrise des compétences et de la dispersion des ressources. Une fois de plus, le manager doit gérer un équilibre (figure 5.6). Figure 5.6. L’équilibre des risques entre spécialisation et diversification IV. L’internationalisation L’internationalisation, cette stratégie de développement à l’étranger, hors de la région ou de l’État d’origine de l’entreprise, a constitué depuis des siècles, une voie stratégique prometteuse et risquée. Recherche particulière du développement des marchés, selon la classification d’Ansoff, la mondialisation contemporaine met le monde entier présent dans les entreprises et oblige les managers de toutes les firmes, les grandes comme les petites, à s’internationaliser. Plus qu’un choix parmi d’autres, l’internationalisation, qui conduit à accroître l’engagement des entreprises dans des opérations multinationales, devient le passage obligé, où se rencontrent toutes sortes d’organisations : des groupes géants tels General Electric, IBM ou Facebook, mais aussi des PME, voire des TPE, qui exportent leurs produits et s’approvisionnent auprès de fournisseurs lointains. Contrainte existentielle, l’internationalisation prend des formes multiples, depuis l’exportation jusqu’à la globalisation de la stratégie. Elle concerne aussi bien les stratégies business que les stratégies corporate. Si la mondialisation pousse inéluctablement l’entreprise à s’internationaliser, cette orientation n’est pas seulement un destin, c’est de plus en plus souvent un choix délibéré et conscient. |\/ | A. De la mondialisation à la globalisation $! 1. Le processus By 4$ Le phénomène de mondialisation n’est pas neuf. Marco Polo, comme les grands marchands de Gênes et de Venise, furent les premiers champions du « commerce au loin », selon l’expression de l’historien Fernand Braudel. La mondialisation va prendre son essor avec la Révolution industrielle et les aventures coloniales. Au cours de cette première phase du phénomène, qui s’étend jusqu’au milieu du XXe siècle, les échanges de marchandises, de capitaux et de personnes s’accélèrent d’un pays à l’autre mais aussi entre les continents. À partir de 1950 se produit une véritable révolution : de nombreuses entreprises américaines puis européennes deviennent transnationales. Elles franchissent les frontières et commencent à se délocaliser, puis à externaliser certaines activités, conservant dans leur giron ce qu’elles savent faire et se séparant de ce que d’autres peuvent produire à moindre coût. La nouvelle mondialisation, baptisée « globalisation » dans le monde anglo-saxon, débute à la fin des années 1970. À partir de 1980, elle accélère, change de nature sous l’impulsion de multiples facteurs et ne se limite plus seulement aux pays occidentaux pour atteindre les entreprises des pays en développement. Notons un point de vocabulaire : comme la plupart des spécialistes, en France, nous parlerons plutôt d’« internationalisation », s’agissant d’opérations menées par l’entreprise hors de ses frontières. En revanche, nous réserverons le terme de globalisation pour toute stratégie coordonnée dans de nombreux pays. 2. Les moteurs de la globalisation Des mutations d’envergure se produisent : • Des mutations idéologiques : au moment où le système communiste s’effondre, le libéralisme, voire l’ultra libéralisme, s’affirme avec force. Il prend essentiellement naissance dans les pays occidentaux qui au même moment s’efforcent de promouvoir leurs valeurs : les droits de l’homme, assortis de la démocratie sur le plan politique et du libreéchange en matière économique. D’où la création, après celle de l’Europe élargie, de vaste zones commerciales, telles le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), le NAFTA (États-Unis, Canada, Mexique), ou l’ASEAN (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Cambodge) et le SAFTA (Pakistan, Inde, Sri Lanka, Bangladesh, Népal, Bhutan, Maldives). • Des mutations technologiques : dans tous les domaines les progrès se multiplient, mais les avancées les plus fondamentales ont consisté en la création du réseau Internet et en l’émergence continue de TIC. |\/ | • Des innovations financières : grâce à la généralisation des 3D (dérèglementation, décloisonnement, désintermédiation), se produit un séisme d’ordre financier. Les frontières entre marchés nationaux et supranationaux s’effacent, tandis que se développent les grands réseaux boursiers qui fonctionnent 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. De nouveaux produits financiers facilitent la collecte de l’épargne et permettent aux agents de diversifier leurs opérations, tout en se protégeant mieux contre les risques. De puissantes banques remplacent les intermédiaires indépendants. 4$ $! • Des innovations managériales : les techniques de production flexibles permettent de baisser les coûts de production, de faciliter l’adaptation des produits à des besoins divers et de diminuer la durée des cycles de fabrication. By • L’apparition de nouveaux marchés géants au moment où certains pays en voie de développement enregistrent une expansion vigoureuse, notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). De ces changements résultent trois évolutions de grande portée qui contribuent à modifier les stratégies des entreprises : • La mondialisation de la demande. Une clientèle potentielle mondialisée apparaît. Elle est constituée par ces foules de consommateurs de toutes nationalités qui, de Paris à Brasilia ou à Tokyo, achètent les produits des marques mondialisées dans les mêmes circuits de distribution. Une telle homogénéisation de la demande ne concerne pas seulement les produits de consommation courante. Elle touche aussi les consommateurs de produits industriels, les fabricants de composants électroniques ou encore les acheteurs de pièces pour l’aéronautique. Ainsi, Zodiac vend ses pièces à Airbus, à Boeing, à Dassault, à Bombardier et à Embraer. Exemples L’explosion d’Amazon, pour ce qui est du commerce en ligne, ou encore l’implantation de cafés Starbucks à Paris, Casablanca ou Pékin entraînent une homogénéisation des comportements d’achat. Les mêmes segments de clientèle émergent par conséquent sur tous les continents. • La mondialisation de l’offre. La révolution des transports et des communications aide les entreprises à répartir leurs activités sur un plan mondial. Les managers disposent donc des moyens de penser et d’agir à un niveau mondial. Ils élaborent des stratégies globalisées, relatives à leur présence dans tel ou tel lieu, sur la base d’alliances ou de transferts de technologies. • La mondialisation de la concurrence. Les concurrents eux aussi adoptent des stratégies mondialisées. L’entreprise les affronte par conséquent sur les mêmes marchés et elle doit se doter d’avantages concurrentiels globalisés pour les égaler et les dépasser sur de nouveaux marchés. By 4$ $! |\/ | Figure 5.7. Les moteurs de la globalisation B. Les finalités de l’internationalisation Si nous reprenons ici ce terme de finalité, utilisé dès le début de l’ouvrage, c’est parce que ce mot renvoie au fond à la motivation de l’action stratégique. Au-delà de la quête de buts généraux (rentabilité, croissance, etc.) déjà étudiés, nous examinerons les raisons profondes qui incitent les managers à s’engager dans des aventures lointaines exigeant le déploiement de compétences appropriées. 1. Les facteurs d’internationalisation L’expression « facteurs d’internationalisation » fréquemment employée désigne les motifs, les raisons qui incitent les dirigeants à s’installer au loin. Dans le cadre d’une recherche tout à fait classique de développement, quatre séries de facteurs poussent les managers à regarder au-delà des frontières étroites du territoire national : • Une demande élargie. Les nouveaux marchés internationaux sont d’autant plus alléchants que se produit au fil du temps une convergence des besoins et que les mêmes segments de clientèle se rencontrent ici ou là. Ainsi, une classe moyenne/supérieure émerge partout dans le monde. Malgré des écarts de revenus et des différences culturelles, un Brésilien et un Indien tous deux formés en Californie ont des réactions comparables en matière d’innovations informatiques ou de produits pharmaceutiques. • Une baisse des coûts. Elle résulte des économies potentielles réalisables, qu’il s’agisse d’économies d’échelle ou de bénéfices tirés des effets de l’expérience. À ces deux raisons, on ajoutera les économies possibles dues à la localisation (baisse des coûts de la maind’œuvre ou des transports notamment). Exemples $! |\/ | Nike s’installe en Asie du Sud-Est pour fabriquer ses produits à des coûts moins élevés que ses concurrents. United Fruit possède des milliers d’hectares de plantations de fruits en Amérique du Sud et en Amérique centrale. La production intensive pratiquée permet de baisser fortement les coûts de production. By 4$ • Des armes contre la concurrence. Celle-ci redoublant d’intensité au niveau mondial, elle incite les managers à rechercher inlassablement de nouvelles sources d’avantages concurrentiels partout dans le monde (meilleurs partenaires pour produire ou pour distribuer leurs produits, par exemple). • Des environnements politiques ou législatifs favorables. Certains responsables politiques incitent les entreprises étrangères à s’installer chez eux en pratiquant, comme l’Irlande, le dumping fiscal. Ces facteurs procurent à l’entreprise qui s’internationalise une série d’avantages concurrentiels. Des avantages de localisation, comme on vient de le constater, mais aussi des avantages organisationnels qui permettent de réduire les coûts de transaction, de développer l’emploi des compétences, de réaliser des économies d’échelle ou d’obtenir des gains d’expérience ou de synergie, enfin d’élargir ses réseaux (clients, fournisseurs, partenaires, etc.). Exemple L’entreprise coréenne Samsung s’est implantée, dans les années 1980, dans la SiliconValley en vue de s’initier à l’informatique à un moment où l’entreprise ne produisait que des postes de radio. Sur place, les managers coréens ont appris à maîtriser de nouvelles technologies. Ils ont noué des liens avec les universités américaines pour recruter, le moment venu, des informaticiens et des chercheurs. Soulignons que les incitations à se mondialiser ne se limitent pas à la production de biens matériels. Elles touchent aussi les vastes domaines des services. L’offshoring et l’internationalisation des services(39) Délocaliser des activités tertiaires qui n’appartiennent pas au cœur du métier, la logistique ou la comptabilité, devient fréquent. L’offshoring consiste à faire réaliser à l’étranger des services qui seront consommés ailleurs que dans le lieu de la production du service. Plusieurs activités sont concernées par cette pratique : l’informatique, les services après-vente, la réalisation de logiciels, la banque, les assurances, l’audiovisuel, etc. Pour remédier à une panne de Livebox ou de matériel chez Orange, chacun de nous a déjà eu des contacts, plus ou moins fructueux d’ailleurs, avec un de ces centres d’appel installés dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est bas. |\/ | L’offshoring exige le plus souvent une proximité (near shore) culturelle et linguistique entre les pays partenaires : les pays anglo-saxons avec l’Inde ; la France avec le Maghreb. Notons à ce sujet que le Maroc envisage de créer, à Casablanca, le site Casashore qui rivaliserait avec les implantations indiennes. $! L’onshoring (offshoring à domicile) consiste à employer dans l’entreprise du personnel originaire des pays étrangers où se pratique l’offshoring aux conditions de ces pays. 4$ Ces pratiques sont parfois critiquées en raison des discriminations qu’elles entraînent et des dépendances qu’elles suscitent entre les partenaires. By Un certain nombre de dirigeants de secteurs high-tech ont compris qu’au-delà de la recherche d’avantages particuliers, c’est l’internationalisation elle-même qui, dès la naissance d’une entreprise ou d’un projet de développement à l’intérieur d’une entreprise existante, est un passage obligé. On parle donc, dans cette perspective, d’entreprises born global et de « global entrepreneurs », dont le monde est la cible. Ces managers placent d’entrée de jeu leur stratégie dans un cadre mondial. Parmi celles-ci, on trouve, par exemple, des start-up spécialisées dans les nanotechnologies ou encore dans du matériel médical très perfectionné. 2. Les compétences nécessaires La réussite de l’internationalisation repose sur de nombreuses conditions : • Les compétences des dirigeants. En effet, l’équipe de direction ne peut manquer d’ouverture sur le monde et de curiosité pour réussir ses opérations. Ses responsables doivent aussi posséder une résistance aux risques supérieure à celle exigée pour la conduite d’opérations courantes. • Une bonne maîtrise de l’information. L’engagement hors des bases nationales suppose la collecte d’une masse d’informations politiques, économiques, sociales, technologiques, financières. • Une intelligence de la complexité. Les informations sur les marchés étrangers ne sont pas seulement nombreuses, elles sont souvent confuses, partielles et compliquées à déchiffrer. • Des connaissances étendues. Pour procéder aux opérations courantes avec des partenaires étrangers, il convient de maîtriser un certain nombre de langues, mais il est aussi opportun de connaître les caractéristiques culturelles des personnes avec lesquelles on est conduit à négocier. L’internationalisation est de plus en plus complexe du fait de la diversité de l’espace économique mondialisé. À cette difficulté s’ajoute l’obligation de prendre en compte une multitude de variables, lorsqu’on élabore un plan stratégique. L’internationalisation suppose donc l’acquisition progressive de nombreuses compétences : des connaissances solides bien sûr, mais aussi des qualités morales, de l’initiative, de la curiosité, de l’ouverture d’esprit. En outre, la croissance à l’international impose la recherche d’une compétence précieuse : la flexibilité, dont les besoins vont croissant avec la complexité des opérations. Tableau 5.14. Les compétences à l’international Un portefeuille de compétences $! |\/ | Les valeurs d’ouverture au monde des dirigeants L’intelligence de la complexité La maîtrise de l’information Des connaissances étendues 4$ C. Les stratégies d’internationalisation(40) By Le terme de processus, que l’on utilise fort souvent en management, convient particulièrement à l’internationalisation des entreprises, dont les managers doivent, tout à la fois, renforcer leur avantage concurrentiel et coordonner leurs actions. Trois types de décisions commandent la stratégie : où ? quoi ? comment ? Il s’agit plus précisément : • De déterminer la localisation. • De se décider relativement à l’alternative de standardisation ou d’adaptation locale. • De choisir un des modes possibles d’internationalisation. 1. La stratégie de localisation Les managers, quelles que soient les branches d’activité et la taille des entreprises dans lesquelles ils exercent leur métier, ne peuvent être présents sur tous les marchés, sur tous les continents, pas même dans tous les pays réputés les plus attractifs. L’examen de plusieurs critères aide à prendre des décisions. a. La proximité géographique et culturelle Certains pays sont proches non seulement en distance, mais aussi par les mœurs, le droit, la langue et le niveau de vie. C’est donc dans ces lieux que l’on commence à vendre, voire à s’implanter. Parfois, le poids des coûts de transport constitue aussi un argument pour localiser les centres de production près des clients. b. Les barrières à l’entrée Elles ne sont pas seulement douanières mais dépendent plus subtilement de la nature des normes sanitaires ou techniques. c. La maîtrise du marketing Dans certains pays, les comportements sont comparables. Les clients peuvent alors être facilement identifiés et fidélisés. De même, la connaissance des circuits de distribution peut constituer un argument pour s’implanter à l’étranger. d. Les risques |\/ | L’internationalisation est ambiguë en termes de risque encouru par l’entreprise. D’un côté, elle le diminue ; d’un autre, elle l’augmente. Elle le diminue parce qu’elle répartit les aléas sur plusieurs marchés et parce qu’elle procure un supplément de vente. Mais, par ailleurs, elle l’augmente, car l’ouverture au loin entraîne de nouveaux dangers. By 4$ $! Tableau 5.15. Les risques liés à l’internationalisation Parmi les risques importants, il en est deux dont le poids est considérable : • Le risque économique. Il résulte tout d’abord de la fluctuation des taux de change. Il affecte aussi bien les échanges commerciaux (exportations et importations) que les opérations financières de l’entreprise (emprunts et investissement), mais à ce risque monétaire s’ajoutent d’autres dangers économiques : l’arrivée de nouveaux concurrents, les modifications des circuits de distribution, les changements des consommateurs, etc. Exemples • Les assembleurs automobiles ont diminué leurs investissements dans les pays émergents d’Amérique du Sud qui connaissent une croissance médiocre en 2015. • Toujours en 2015, Thalès a remis à un terme indéterminé des programmes prévus au Brésil. • Le risque politique. Il a pour origine l’incidence des troubles et des bouleversements dont la prévision est difficile dans un monde en mouvement. Nombreuses sont les conséquences de ces aléas. C’est une filiale que l’on perd en Libye, c’est une créance impayée au Mexique, c’est la rupture abusive d’un contrat en Malaisie, c’est le blocage des capitaux en Birmanie, etc. Il existe de nombreuses méthodes d’évaluation et de gestion du risque pour des pays donnés. Les plus simples consistent à évaluer plusieurs critères déterminants en recourant à un calcul de notes pondérées. D’autres méthodes utilisent l’analyse des données et visent à établir des scenarii pour ensuite classer les pays en fonction des risques qu’ils présentent. By 4$ $! |\/ | La sensibilité des entreprises au risque-pays varie selon leur taille. Les PME ne sont pas nécessairement les plus fragiles car les grands groupes suscitent, dans les pays où ils sont implantés, des envies et des jalousies à la mesure de leur pouvoir. Tableau 5.16. Une évaluation des risques-pays par la méthode des scores pondérés Pays A 3 4 12 6 18 2 5 10 6 12 2 4 8 2 4 3 3 9 4 12 1 6 6 8 8 1 7 |\/ | 7 7 7 7 $! 7 5 5 8 8 6 6 2 8 16 4 8 1 5 5 7 7 3 7 21 5 15 1 8 8 2 2 2 6 12 5 10 1 8 8 3 3 1 1 4$ – Stabilité politique, risque terroriste – Attitude à l’égard des investissements étrangers – Possibilité de transfert des bénéfices – Tendances aux nationalisations – Difficultés administratives – Respect des contrats – Existence d’un droit des affaires – Moyens de transferts – Qualité des communications – Confiance envers le partenaire – Taux de croissance économique du pays – Inflation – Possibilité de convertir la monnaie locale en devises fortes – Coût du crédit Coefficient Note Note 1 de Note Note pondérée pondérée pondération By Critères 1371 1. A obtient la meilleure note. Il présente moins de risques que B. Total Pays B 117 Enfin, l’intensité du risque varie selon la nature de la transaction : les gros contrats de vente d’équipements industriels, une centrale nucléaire par exemple, semblent plus exposés aux aléas politiques que la simple exportation ou l’ouverture d’une filiale de vente, car l’enjeu économique est plus important et le délai de réalisation plus long. Exemple Areva a renoncé à construire des usines de composants lourds ailleurs qu’en France. Une fois les risques mieux cernés, il est judicieux d’étudier les clientèles possibles afin de repérer des groupes possédant, d’un pays à l’autre, des caractéristiques communes. 2. Le dilemme : adaptation ou standardisation ? Les stratégies oscillent entre deux extrêmes : • L’adaptation de la stratégie aux exigences de chaque marché étranger sélectionné afin de se rapprocher au mieux du consommateur. C’est l’affirmation actuelle de Coca-Cola qui, soucieux de se démarquer de son image de marque arrogante et globale, joue le « Think global, act local » (tout en insérant chaque action locale dans une réflexion globale, bien évidemment). 4$ $! |\/ | • La standardisation, ou globalisation au moyen de laquelle on tente d’offrir un produit uniformisé sur tous les marchés visés, en vue de profiter des économies d’échelle techniques ou bien entendu commerciales. Certes, la seconde stratégie, la standardisation, est séduisante, parce que moins onéreuse et moins compliquée. Toutefois, son emploi est limité par certaines contraintes. La sagesse incite alors à mettre en application la célèbre formule : « think global, act local », c’est-à-dire un peu de mondialisation, mais également un effort de customisation. By a. Les limites à la standardisation Les difficultés inhérentes à ce choix sont observables non seulement hors de l’entreprise, mais aussi en son sein : Les contraintes externes Voilà quelques années, de nombreux spécialistes américains de marketing pensaient que les produits élaborés dans une firme texane devaient convenir aussi bien aux habitants de Dallas qu’aux consommateurs du reste du monde. En effet, l’idéologie de l’époque postulait : « World is a village ». Cependant, depuis plus de trente ans, l’examen des faits oblige les managers à douter d’une telle universalité. Nombreux sont en effet les produits qui réussissent une percée sur tel marché national et qui échouent ailleurs. Exemple Les apéritifs anisés (pastis, ouzo, anisettes), tellement prisés en Europe méditerranéenne, déplaisent en Allemagne à cause de leur goût et de leur couleur qui rappelle aux clients d’outre-Rhin un précipité chimique. Trois catégories d’obstacles empêchent le développement de la standardisation : – les obstacles économiques ; – les obstacles culturels ; – les obstacles juridiques. Même sur un plan plus restreint que la terre entière, la standardisation est parfois refusée. On a longtemps pensé, par exemple, qu’un euro-marketing dans le domaine des produits alimentaires allait banaliser les politiques commerciales. Or on peut constater que cette simplification est difficile à réaliser. Certes, d’une part les goûts changent d’une province à l’autre (il n’est pas sûr qu’un Alsacien appréciera la cuisine sicilienne) mais, d’autre part, les formules de distribution varient d’un pays à un autre. |\/ | En Allemagne, à côté des grandes surfaces traditionnelles imitant le modèle américain, se sont développés des hard discounters qui pratiquent des prix très bas sans accompagnement de service. En Italie et en Espagne, le commerce traditionnel reste la formule dominante : le consommateur méditerranéen, bien que relativement moins riche que celui d’Europe du Nord, préfère les contacts personnels avec un commerçant familier que la fréquentation de magasins anonymes qui proposent des premiers prix attractifs. $! Exemples By 4$ Coca-Cola Company, société propriétaire de la marque et du savoir-faire, élabore à Atlanta les principes du marketing mondial mais Coca-Cola Entreprise, à Paris, a toute latitude pour organiser la rencontre avec les consommateurs par les canaux les plus adaptés à ce marché particulier. À l’inverse, le territoire de communication de Gillette, la jeunesse et l’homme universel, est décliné dans le monde entier. Les contraintes internes On relève généralement deux difficultés freinant la standardisation. Souvent, des engagements préalables pris à l’étranger, avec des distributeurs par exemple, empêchent d’appliquer la même politique ici et là. Mais, plus souvent encore, les problèmes surgissent sur le plan de l’organisation. En effet, la standardisation suppose, pour entraîner des économies d’échelle, une relative centralisation des décisions, processus qui, lui-même, risque d’entrer en conflit avec la souplesse, donc avec la décentralisation nécessaire à l’adaptation à des marchés locaux. Le dépassement du dilemme adaptation/standardisation : des différenciations spécifiques Le dogmatisme, qui a parfois prévalu au cours des vingt dernières années en faveur de l’une ou de l’autre branche de l’alternative, n’est plus de saison. On sait que des modifications stratégiques mineures s’imposent. Elles ne touchent pas seulement le marketing-mix de l’entreprise, mais aussi la gestion des ressources humaines. Ainsi, le style de commandement, qui s’exerce chez Renault au Maroc diffère de celui pratiqué dans les sites de production roumains. Figure 5.8. La demande d’un produit dans divers pays 3. Les modalités de l’internationalisation Elles sont nombreuses, parce qu’elles dépendent de multiples déterminants. Pour nous en tenir à l’essentiel, nous distinguerons trois modalités stratégiques : |\/ | – les stratégies d’exportations directes ou indirectes et qui dépassent par leur complexité le simple développement de marché ; 4$ $! – les investissements directs réalisés sur des marchés extérieurs pour y vendre, voire pour y produire ; – les partenariats d’ordre divers réalisés avec des firmes étrangères. By Pour mieux repérer les différentes modalités, il est possible de décrire l’internationalisation comme un processus qui partirait du plus simple pour aller vers le plus complexe. En réalité, le choix d’une des phases ne correspond pas aux moments successifs de ce sentier. Il dépend d’une multitude de facteurs propres à l’entreprise ou à l’environnement comme : – la taille de l’entreprise ; – l’expérience et volonté des managers ; – les disponibilités financières ; – la taille du marché visé ; – les risques encourus ; – l’existence de partenaires compétents, etc. Soulignons aussi que ces stratégies se combinent généralement au gré de l’expansion du groupe. Figure 5.9. Le processus d’internationalisation Exemple |\/ | Renault produit déjà des véhicules au Maroc et s’apprête à en produire en Algérie, mais le constructeur ne possède que des filiales de vente en Tunisie ou au MoyenOrient. By 4$ $! Il existe aussi des facteurs culturels ou même politique qui différencient les stratégies des firmes appartenant à divers États-nations. C’est ainsi que les entreprises françaises, au cours de ces dernières années ont souvent préféré les implantations à long terme entraînant des délocalisations à l’étranger, tandis que les managers allemands privilégient les relations commerciales, telles les alliances stratégiques ou la fragmentation des chaînes de valeur. D. La mise en œuvre de l’internationalisation L’internationalisation augmente la complexité de l’animation, du contrôle et de la structure des entreprises, surtout dans le cas des firmes globalisées. 1. L’animation et le management interculturel L’une des principales difficultés rencontrées par les dirigeants au moment de la conception et, plus encore, au moment de la mise en œuvre d’une stratégie d’internationalisation, est liée à la diversité des cultures des personnes concernées par l’opération (clients, fournisseurs, personnel local, managers expatriés et ensemble des partenaires). Pour s’adapter à ces différences, les gestionnaires ont pris conscience qu’ils ne pouvaient pas plus plaquer un style de direction unique que mettre tous les clients et les fournisseurs sur le même plan. Le management interculturel a pour objet d’étudier les particularités propres à des groupes de collaborateurs de cultures différentes. Il s’agit, sur la base de telles connaissances, de sensibiliser les cadres expatriés ou les managers plurinationaux aux spécificités qu’ils rencontrent. Ce serait une illusion de croire que l’on pourrait trouver des solutions communes s’appliquant ici ou là. Un Californien, un Égyptien ou un Chinois ne partagent pas la même vision du monde. La seule solution, dans les grandes entreprises, où l’on cherche à trouver un leadership aussi motivant que possible pour tous, consiste à rechercher un style de management qui ne se fonde pas sur la diversité des cultures, mais sur des valeurs managériales partagées. L’idéal consisterait donc à trouver de vastes plages communes entre les diverses cultures régionales et la culture de l’entreprise. Ce problème est complexe. La convergence des cultures est loin d’être réalisée dans un monde où l’on évoque plus souvent le choc des civilisations que leur coexistence harmonieuse. Figure 5.10. Les frontières entre la culture d’entreprise et les cultures régionales |\/ | 2. Le contrôle $! Il s’exerce aussi bien au plan des risques courus qu’à celui des gains obtenus. 4$ a. Le contrôle des facteurs négatifs By La complexité du management international renforce la difficulté de contrôler le processus stratégique. Pourtant, une telle évaluation est nécessaire car le désinvestissement international, c’est-à-dire l’abandon d’une activité à l’étranger, devient de plus en plus fréquent à mesure que la mondialisation étend ses réseaux. Depuis le ralentissement de la croissance mondiale à partir de 2010, la montée des risques financiers dus au surendettement de certains pays en Europe du Sud et l’augmentation des risques politiques dans le monde arabo-musulman, les entreprises internationalisées sont incitées à prendre en compte un possible désengagement impliquant une revente de leurs actifs dans les moins mauvaises conditions. Parfois l’opportunisme – l’espoir de réaliser une plus-value, par exemple – motive également le choix. Les erreurs stratégiques ont essentiellement pour cause : – une appréciation défectueuse des risques et des coûts ; – une dégradation imprévisible de l’environnement international. Ces sources d’erreurs qui – notons-le – existent déjà dans le cadre de la gestion nationale présentent des effets démultipliés à l’international. Il convient par conséquent de renforcer le contrôle de ces diverses causes de biais stratégiques. Mais les erreurs peuvent aussi, dans certains cas, se traduire par de bonnes surprises, qu’il convient de mieux cerner grâce à un contrôle accru. Tableau 5.17. Les facteurs négatifs à contrôler Sous-estimations des coûts et Fluctuations de risques l’environnement international $! |\/ | • Coût caché d’accès au marché (nécessité de verser des pots-de-vin). • Concurrence plus vive (entreprises informelles). • Coûts d’exploitation plus élevés (maind’œuvre peu productive). • Coûts logistiques plus élevés que prévu • Changement politique : risque-pays. (transport, communication). • Modifications réglementaires. • Sous-information sur le marché local (données • Fluctuations des taux de change. inexistantes ou fausses). • Partenariats douteux (partenaires inexpérimentés, peu fiables). • Comportement des consommateurs difficile à cerner. • Contraintes d’équipement collectif. • Concurrence différée des partenaires. 4$ b. Le contrôle des facteurs positifs By Si l’internationalisation réussit, tous les éléments contribuant au succès en bénéficient. Il est donc judicieux d’appliquer le contrôle aux facteurs de succès. Quels que soient les obstacles rencontrés pour contrôler le déroulement du processus d’internationalisation, il est nécessaire de consacrer des efforts permanents à cet exercice. Si les perspectives de gains sont attrayantes, les risques restent à la mesure de l’ampleur des projets. Tableau 5.18. Les facteurs positifs à contrôler 3. Les structures Les types de structures sont très variables selon la taille et l’engagement international de l’entreprise. Nous retrouverons cette question dans le chapitre 7. Bartlett et Goshal ont établi une classification des firmes internationalisées qui permet de comprendre que l’écart est immense entre une entreprise nationale, très ouverte à l’étranger et une entreprise globale qui a perdu sa nationalité. Tableau 5.19. La typologie de Bartlett et Goshal D’après BARTLETT Ch.-A. et GOSHAL G., Le managemenet sans frontières, Éditions d’Organisation, 1991. a. Entreprise internationale • Coordination globale faible. • Réactivité locale faible : – globalisation du marché limitée ; – présence à l’étranger modeste ; – filiales locales gérées en direct par le DG de la maison mère. Exemples : éditeurs, entreprises de tailles moyennes du secteur de l’agro-alimentaire, etc. |\/ | b. Entreprise multinationale $! • Coordination globale faible. – multidomestique ou multilocale ; 4$ • Réactivité locale forte : By – filiales locales ayant une autonomie de ressources et d’adaptation aux caractéristiques locales ; – coordination globale limitée, remontée d’informations, contrôle financier. Exemples : Amazon, Unilever, Nestlé. c. Entreprise globale • Coordination globale forte. • Réactivité locale faible : – globalisation de marché forte ; – structure intégrée au plan mondial par produit ; – économies d’échelles, transferts ressources et compétences entre pays ; – systèmes de planification et de contrôle sophistiqués ; – pas de coordination locale des différentes unités. Exemple : Airbus. d. Entreprise glocale • Coordination globale forte. • Réactivité locale forte : – indépendance des unités locales sources de ressources et compétences pour l’ensemble du groupe ; – unités locales spécialisées et constituant des centres d’excellence ; – maison mère assurant la coordination par la culture, les processus ; – fonctionnement en réseau. Exemples : ABB, 3M, Dell. Les firmes internationales se rencontrent dans l’industrie cimentière, les globales dans les semiconducteurs, les multinationales dans l’audit et la consultation, les transnationales dans l’industrie pharmaceutique. 4. La firme globale By 4$ $! |\/ | Le terme « firme globale »(41) s’applique aux firmes globales et glocales, immergées dans le processus de globalisation et qui réforment leur management en vue d’un objectif d’internationalisation généralisée. La poursuite de ce but de globalisation vise à améliorer, sur tous les plans, la compétitivité (efficience + efficacité) de l’entreprise par le développement de toutes ses activités aux quatre coins du monde. Le terme développement, tel que nous l’utilisons ici, est certes ambigu. Il concerne aussi bien la recherche d’un nouveau débouché (Danone s’implante en Malaisie) que le souci d’améliorer l’avantage concurrentiel tout au long de la chaîne de la valeur (les entreprises chinoises recherchent à leur tour des sous-traitants en Asie du Sud et en Afrique), afin de diminuer le coût de revient ou bien encore acquérir des compétences nouvelles en unissant, comme le font Renault et Nissan, la recherche et développement. Pareil objectif de recherche de compétitivité supplémentaire par l’internationalisation touche toutes les fonctions de l’entreprise : direction générale, recherche et développement, marketing, production, finance, ressources humaines, etc. Il imprègne les choix stratégiques, entraîne des transformations organisationnelles et une « financiarisation » des stratégies. a. Les choix stratégiques On le sait : aussi bien le niveau corporate que le niveau business de la stratégie sont concernés. Ainsi, sur le plan corporate, la spécialisation, la diversification, la recherche de partenaires sont souvent fondées sur une considération touchant à l’international. Exemple Si General Motors s’associe avec Fiat, c’est entre autres parce que le grand constructeur italien est bien implanté sur les marchés d’Europe de l’Est qui s’ouvrent ainsi aux Américains. Sur le plan de la business stratégie, intervient le fameux débat qui oppose les tenants de la standardisation du DAS aux défenseurs de l’adaptation aux exigences de segments de marchés disparates. On a remarqué précédemment que la solution vers laquelle penchent de nouveau les spécialistes est plus nuancée que ne le sont les deux branches extrêmes de l’alternative : « Think global, act local ! », préconisent-ils. C’est une stratégie « glocale ». Tableau 5.20. Les implications du précepte Think global, act local Think global Objectifs Segmentation Produit Act local • Réaliser des économies d’échelle, Prendre en compte les différences d’apprentissage, de recherche. culturelles, sociales, économiques, • Abaisser tous les coûts de R et D, de juridiques de chaque marché. production, de marketing. Identifier d’un pays à un autre des Viser le même segment. segments homogènes. Adapter les éléments du marketing mix (la marque, le conditionnement, la Concevoir un produit international. distribution, le prix, la communication). Exemples By 4$ $! |\/ | Plus précisément, les gammes de produits constituant le DAS seront produites de manière standardisée, mais elles seront adaptées pour tout ce qui touche les principales variables du marketing : marque, conditionnement, image de marque, canaux de distribution, prix, méthodes de communication, etc., de manière à prendre en compte les différences culturelles, sociales et économiques de chaque marché. « Nos marques ont une dimension universelle mais sont capables de s’adapter à une demande locale », relève Jean-Paul Agon, P-DG de L’Oréal. Ainsi, la marque Maybelline est à l’origine du Colossal Kajal indien, sorte de khôl surpuissant. À l’inverse, un développement local peut se révéler une opportunité mondiale : Garnier a par exemple lancé depuis l’Inde sa ligne pour hommes, aujourd’hui commercialisée dans le monde entier. Indistinctement donc, les stratégies corporate ou business sont traversées par l’intention d’effectuer la production, la recherche et d’assurer la commercialisation en tout lieu où se présente une occasion fructueuse. Exemple La stratégie du groupe AXA est fondée sur le principe : « Penser globalement, agir localement ». Ce qui veut dire que « tout est décentralisé... » afin de concilier taille et efficacité sur le terrain « ... sauf » certaines fonctions qui relèvent de la responsabilité du groupe : – la planification, le reporting, l’allocation des fonds propres et les décisions d’acquisitions ; – la politique informatique ; – la philosophie des ressources humaines ; – l’usage de la marque Axa et l’image du groupe. b. Les modifications organisationnelles By 4$ $! |\/ | Il convient d’adapter la structure et le mode d’animation à l’ouverture globale. Celle-ci exige une centralisation des décisions stratégiques. Il faut en effet qu’un cerveau décide des orientations générales, coordonne les activités et prenne les décisions financières avec célérité. En revanche, la mise en œuvre des stratégies par des équipes internationales réparties dans le monde s’effectue dans un cadre d’autant plus décentralisé que les filiales de la firme travaillent avec des partenaires locaux autonomes. On en vient alors à chercher à constituer des réseaux tels ceux que l’on rencontre dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électronique et du textile. La firme-réseau est organisée sous la direction d’une entreprise leader et comprend plusieurs niveaux de participants. Figure 5.11. La firme globale en réseau Les grands groupes ne sont plus les seuls à poursuivre des stratégies globalisées. Des entreprises moyennes, voire des petites, s’orientent vers pareil choix stratégique. Ainsi voit-on fleurir des alliances coopératives à l’échelle mondiale. Le choix d’un « bon » partenaire étranger en vue de créer une joint-venture performante devient alors le principal facteur clé du succès. c. La financiarisation de la firme globale La globalisation entraîne de lourds investissements et, par suite, d’importants besoins en financement. La globalisation s’accompagne donc toujours d’une dimension financière, des firmes très internationalisées devenant des opérateurs majeurs sur les marchés financiers. Chaque entreprise globale organise la circulation de ses propres fonds, dans un marché interne, afin de localiser les profits ou de financer des investissements directs dans tel pays de son choix. En un mot, l’entreprise globale se financiarise par opportunités internes ou par nécessités externes, de manière à attirer des capitaux étrangers. Dès lors, la stratégie financière se confond avec la stratégie générale. De fait, la firme mondialisée peut vouloir, à tout moment, mobiliser des capitaux pour intervenir sur les marchés financiers, pour se couvrir contre les risques de change et de taux d’intérêt, pour diminuer le risque, à l’aide de nouveaux produits financiers sur les marchés dérivés. Une telle activité financière mondialisée des entreprises globales engendre des conséquences sur la santé des économies nationales. Celles-ci deviennent en effet tributaires des jeux spéculatifs sur les marchés internationaux des capitaux. En raison de la dérégulation, les États ne peuvent plus contrôler les opérations des managers globalisés, incités à produire toujours plus de valeur pour leurs partenaires. On en vient donc à penser qu’il serait judicieux, sur le plan macroéconomique, de réglementer à nouveau les mouvements de capitaux internationaux ou d’imposer les opérations financières internationales à caractère trop spéculatif. Toutefois, grâce à Internet, des solutions plus légères favorisent la globalisation. Tableau 5.21. Un bilan de l’internationalisation Inconvénients |\/ | Avantages By $! 4$ • Découverte de nouveaux débouchés. • Abaissement des barrières protectionnistes. • Prolongation du cycle de vie du produit sur différents marchés. • Diminution des coûts d’approvisionnement. • Diminution des coûts de production. • Économie de coûts (d’échelle, d’apprentissage). • Augmentation des risques : – politiques, – économiques, – financiers. • Éloignement géographique et culturel du pays d’origine. • Obligation d’adaptation des produits et de leurs stratégies aux différents marchés. • Augmentation des coûts de marketing. • Risque de perte de technologie. • Difficulté de gestion et complexité organisationnelle. 5. Le netchising On désigne par ce terme l’emploi des nouvelles technologies dans le but de faciliter le déploiement d’activités au loin, sans passer par la possession de filiales, d’usines ou de magasins. On évite ainsi des coûts de transaction, d’installation, de transfert d’actifs et même d’expatriation de collaborateurs. En revanche, par ce moyen, on développe à l’étranger les compétences basées dans le pays d’origine. Bref, le netchising (Coca-Cola, par exemple), se concentre sur ses compétences clés et laisse aux « netchisés » étrangers le soin de s’occuper de l’emballage, des unités, des approvisionnements ou des relations avec les parties prenantes sans entrer dans le capital des partenaires. L’entreprise japonaise NEC a diminué ses coûts de stock de 30 %, amélioré la productivité des approvisionnements de 20 % et diminué ses délais de commande de 15 % grâce au netchising. Le jugement du marché En somme, aujourd’hui, toutes les stratégies possibles ne rencontrent pas une adhésion identique. Le regard porté sur le cours boursier, les dirigeants suivent avec anxiété les états d’âme de la poignée d’analystes dans le monde qui font et défont les capitalisations boursières. Utiliser un mot tabou du moment, c’est risquer d’entrer dans une spirale négative d’information : plus on explique, plus les sceptiques invitent à faire baisser le cours. Tout au contraire, jouer de la corde magique à la mode de l’instant, c’est bénéficier d’une spirale positive d’information : quoique les dirigeants annoncent, le cours s’envole ! Pour Aneel Karnani, le marché porte des jugements sur les choix stratégiques : • La diversification dans les activités nouvelles : l’actionnaire gère lui-même les risques de son portefeuille. Le recentrage est impératif. En conséquence, le conglomérat ne plaît plus. • L’intégration verticale : tolérée si elle s’oriente vers l’aval parce qu’elle rapproche l’entreprise de son client. Suspecte vers l’amont ; il faut lui préférer l’externalisation. |\/ | • La diversification dans les activités connexes : elle n’est guère appréciée car les espoirs de synergie ont été, dans le passé, infiniment plus nombreux que les synergies avérées. En revanche, si la synergie est patente : pourquoi pas ? 4$ $! • L’extension géographique : elle est jugée excellente ; le monde n’a pas de frontières et il existe tant de pays émergents qui finiront par devenir de puissants marchés potentiels. Toutefois, la nécessaire adaptation locale sera mieux perçue qu’une globalisation extrême. By • La pénétration : elle demeure la panacée, mais doit s’accompagner d’une forte créativité commerciale. On ne gagne pas sans effort des parts de marché auprès des clients actuels. En résumé, les voies de développement de l’entreprise au plan corporate peuvent se résumer en trois choix illustrés par la figure 5.12. Il est clair que pour chacun des choix la réponse n’est pas binaire mais qu’elle se situe dans un continuum : • Spécialisation versus diversification : soit l’entreprise opte pour un portefeuille d’activités centré sur un DAS, soit elle multiplie des activités plus ou moins éloignées. • Intégration versus externalisation : soit l’entreprise intègre les activités de la chaîne de la valeur en amont (approvisionnement, fabrication de composants, etc.), en aval (distribution, logistique, etc.), soit elle fait le choix de les externaliser. • National versus international : la pression de la mondialisation des marchés conduit les entreprises à s’interroger sur la viabilité de leur stratégie nationale et à se développer sur des régions internationales (Europe, Moyen-Orient, Asie, etc.) ou à viser une couverture mondiale des marchés. Figure 5.12. Les axes stratégiques corporate Mini-cas 1 : la diversification selon Clément Faugier Le groupe ardéchois se lance dans les purées de fruits et légumes surgelés. Il espère ainsi se mettre à l’abri des aléas d’une activité jusqu’ici monoproduit. 4$ $! |\/ | Célèbre pour ses marrons glacés et ses crèmes de marrons, Clément Faugier fait son entrée dans les potagers. Plus de 130 ans après sa création, la société ardéchoise, la filiale du groupe Boiron, va se lancer courant 2013 dans la commercialisation de purées de fruits et légumes surgelés (abricots, myrtilles, framboises, fraises, potirons, petits pois, choux-fleurs...). By L’initiative fait suite à une première expérience réussie, la fabrication du Marpom’s, mélange de crème de marrons et de purée de pommes. Ces nouveaux produits seront fabriqués par Boiron Surgélation – l’autre filiale du groupe – et vendus sous la forme de galets portionnables de 1 à 1 000 kilos auprès de la restauration hors foyer et des industriels de l’agroalimentaire. À l’abri des aléas À cinq ans, l’objectif est d’atteindre une production annuelle de 5 000 tonnes et un complément de ventes de l’ordre de 5 millions d’euros. En élargissant ainsi le champ d’action de sa marque au-delà du marron, la société privadoise répond à un double souci : offrir de nouveaux débouchés à sa société sœur Boiron Surgélation, basée à Donzère (Drôme), dont la capacité de 10 000 tonnes est largement sous-utilisée, et se mettre à l’abri des aléas d’une activité jusqu’ici monoproduit. « Depuis cinq à six ans, les récoltes de châtaignes sont déficitaires en raison des conditions climatiques. Nous ne voulons pas courir le risque d’une rupture d’approvisionnement », souligne Jean-David Boiron, son jeune président. Le marron Clément Faugier fait toutefois recette, avec 6 000 tonnes de marrons glacés et crèmes de marrons produites chaque année, et des ventes de marrons en hausse de 2 % à 3 % par an, grâce au lancement régulier de nouveaux produits et concepts. La marque ardéchoise, qui emploie 70 salariés permanents et 50 saisonniers à l’international, peut aussi compter sur de fortes marges de progression à l’international. Présente dans plus de 80 pays, elle y réalise déjà 15 % de son chiffre d’affaires (20,5 millions en 2011) et vise plus du double dans cinq ans au terme d’une redéfinition complète de sa stratégie. P. Vercesi, « Après la crème de marrons Clément Faugier mise sur les fruits et légumes », Les Échos, 29 novembre 2012. Questions 1. Quelle est la nature de la diversification entreprise par la société Clément Faugier ? 2. Selon vous, s’agit-il d’une diversification à risque ? Mini-cas 2 : une diversification à double tranchant |\/ | Guy Cotten a une histoire centrée sur un métier : la marque de vêtements fondée en 1965 à Concarneau est spécialiste des vêtements marins. By 4$ $! Guy Cotten a commencé sa vie professionnelle en étant représentant. « Je suis arrivé dans le vêtement par accident », aime-t-il à rappeler. En effet, le week-end, pour arrondir ses fins de mois, il vend des cirés aux marins concarnois qui partent au thon au large de l’Afrique. À leur retour, les vêtements étaient dans un piteux état et Françoise, son épouse, qui travaillait à la voilerie Le Rose de Concarneau, devait les recoudre et les renforcer en ajoutant des empiècements. Le bouche-à-oreille fonctionne et les clients se multiplient, d’où la publicité : « On est si bien dedans quand il fait mauvais dehors ». Françoise et Guy ouvrent alors en 1965 leur boutique-atelier dans un garage, avec machines à coudre, à souder, à coller et à couper. Quelques milliers de cirés plus tard, elles seront 25 dans l’atelier. Puis trop à l’étroit, l’entreprise se délocalise à Trégun en 1971, à trois kilomètres. Dans le sillage des voileux Dans les années 1965-1970, les écoles de voile se créent et connaissent une véritable explosion. Il n’existait alors sur le marché que des vestes à boutons pressions ou des vareuses qui s’enfilent par la tête. Rien de bien pratique ! Au centre nautique de Rosbras, le fondateur et animateur, Yvon Hemery, s’étonne : « Comment se fait-il que personne n’ait pensé à réaliser un vêtement qui aurait l’étanchéité de la vareuse et les avantages pratiques d’une veste ? » Guy Cotten est interpellé en ces termes... Quelques jours après, les stagiaires du centre testent les premières vestes cirées alliant double patte Velcro et glissière !... La veste Rosbras est née. Le principe de la veste à glissière et double patte Velcro lancé par la société est aujourd’hui courant. On rencontre même des copies ou des réalisations frisant la contrefaçon (au point qu’il est envisagé des actions en justice). La gamme s’étoffe et les produits se modèlent à la demande. À partir de 1976, la multiplication des grandes courses au large, le véritable engouement pour la mer et le début des partenariats avec les grands noms de la voile accélèrent le succès. C’est le lancement de la veste de « Nav » qui vient compléter la grande gamme des cirés (30 articles). Cette veste au grand col fourré a été expédiée par milliers dans tous les coins de France et d’Europe. Le gilet « Skipper », une merveille de confort, a lui aussi marqué de son empreinte. Largement recherché par la clientèle, il a suscité plusieurs vagues de plagiats, puisque seize ont été dénombrés. Une gamme élargie La gamme s’est progressivement élargie. Elle compte près de 200 modèles de différentes couleurs mais toujours avec une « coupe maison » ergonomique, stylée et confortable à partir de tissu trois couches traitées portant le logo du petit bonhomme jaune dessiné par Le Quenec. L’entreprise familiale compte quelque 300 salariés. Depuis quelques années, Guy Cotten, 67 ans, a passé les rênes de l’entreprise à sa fille Nadine. Il s’est quant à lui intéressé à la sécurité en mer et a mis au point des cottes de travail dotées de bretelles autogonflables homologuées. L’entreprise dispose dorénavant de quatre gammes distinctes. $! |\/ | La gamme « Yachting et sports d’eau » est le reflet de la longue relation que la marque a entretenue dans le milieu du yachting. Ce lien privilégié remonte à 1966 quand les clubs de voile du sud de la Bretagne se sont équipés du fameux ciré jaune : l’authentique veste Rosbras. By 4$ Guy Cotten était alors précurseur dans le vêtement créé pour « faire de la voile » ! Légère, la veste Rosbras, caractérisée par sa double patte à scratchs et sa fermeture à glissière, était bien plus pratique que les vareuses du moment. Depuis, au fil des courses transocéaniques, la gamme s’est étoffée avec des tenues encore plus techniques, plébiscitées par les grands skippers comme Roland Jourdain, Marc Guillemot, Jean Le Cam, Yann Elies, Éric Drouglazet ou, plus récemment, François Gabart. Aujourd’hui encore, la Société Guy Cotten dispose d’un sérieux atout : elle possède en France un atelier de conception. Elle maîtrise donc à la fois la production, la fabrication et les réparations de ses vêtements. Ce fait est suffisamment rare sur le marché pour être souligné. Fabricant français, Guy Cotten offre des vêtements haut de gamme inédits en tissu respirant Dremtech + adaptés à toutes les activités nautiques dans un esprit de proximité et de haute technicité. Le service après- vente est lui aussi garanti. La gamme « Loisirs-ville » est destinée aux amoureux de la vie au grand air qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. À plus de quarante-cinq ans, la société Guy Cotten atteint une belle maturité : non seulement elle conforte sa présence sur le segment « enfant » sous la marque Kid Cotten mais elle développe aussi sa gamme « femme » par des formes appuyées, des matières élégantes et, enfin, par toute une ligne de toile en coton composée de pantalons, de shorts, de tshirts, de polos ou encore de chemises. La gamme « Pêche-industrie » dégage à l’instar de la marque, bâtie sur le granit breton, une identité bien trempée. En 1964, la conquête des mers débute par les ports de pêche. C’est l’époque des cirés lourds, peu confortables et vraiment peu solides, en coton enduit. La marque lance alors un ciré jaune en nylon enduit, beaucoup plus résistant et vraiment plus léger ! En moins de quatre ans, tous les ports bretons ont opté pour les cirés Guy Cotten. Aujourd’hui, l’entreprise est leader mondial sur ce marché. Enfin, la gamme « Agriculture-entreprise » est sans nul doute l’une des plus innovantes dans le milieu marin. Elle fait également partie de celles qui ont le plus fait pour améliorer le confort et la sécurité du marin, maîtres mots de Guy Cotten. En effet, la marque est spécialisée dans la protection des personnes au travail depuis plus de quarante-cinq ans. Elle conçoit des vêtements qui habillent tous ceux dont le métier exige une réelle protection. La technique de soudure haute fréquence ets utilisée pour étancher les coutures des vêtements de protection contre les intempéries. C’est la solution la plus efficace et la plus fiable. De la conception du produit à l’outil pour le fabriquer, tout est réalisé dans les usines Guy Cotten. Simplicité et solidité sont plébiscitées pour les vêtements de protection. La marque attache par conséquent une grande importance à ces deux éléments. D’après www.guycotten.com Questions |\/ | 1. Quelles sont les possibilités d’avenir pour l’entreprise Guy Cotten ? Pour quelles raisons ? Quels types de diversification pourriez-vous recommander à la marque ? $! 2. Quels en seraient les avantages et les inconvénients ? By 4$ 3. Selon vous, quelle est la solution la plus envisageable ? Mini-cas 3 : le trop-plein de diversification Présente dans l’aéronautique, la défense, l’espace et les transports, Thales, entreprise de 67 000 salariés, opère dans de nombreux domaines. Trop peut-être ? Qu’y a-t-il de commun entre le tableau de bord d’un Airbus, un satellite de télécommunications, un feu de signalisation ferroviaire, un sonar, un radar, un véhicule blindé et un film vidéo à bord d’un avion ? Réponse : Thales. Tous ces équipements figurent en effet dans le catalogue à la Prévert des activités du groupe français d’électronique et de défense. Né en décembre 2000 du regroupement de Thomson-CSF avec le britannique Racal, ce fleuron industriel de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires emploie plus de 67 000 salariés dans 56 pays. Cependant, sa notoriété auprès du grand public n’a jamais approché celle de l’inventeur du théorème du même nom. C’est pourtant grâce aux radars développés par Thales que deux avions sur trois dans le monde peuvent décoller et atterrir. Dix-huit des 20 premières banques mondiales utilisent les systèmes sécurisés de Thales pour leurs transactions. Les militaires français et de plusieurs autres armées communiquent aussi grâce à des radios Thales. La plus grande constellation de satellites de télécommunications, Iridium, porte également sa marque. Sans parler des nombreux composants électroniques ultrasophistiqués cachés sous le capot des blindés, des sous-marins, des missiles... Ces concurrents s’appellent EADS, Finmeccanica, Boeing, Northrop Grumman, Lockheed Martin dans la défense, les satellites et la cybersécurité, Siemens et Alstom dans les transports ou encore Panasonic dans la vidéo. Cependant, cette diversification s’est accompagnée de plusieurs centaines de millions de pertes en 2009 et 2010. Luc Vigneron a dû tailler dans le vif pour revenir aux bénéfices en 2011. Mais les questions stratégiques relatives à la dispersion des activités sont restées en plan. « Thales, dans sa forme actuelle, ne correspond plus au marché », estime un expert du secteur. « Il faut rebattre les cartes, regrouper certaines activités comme l’avionique avec Safran, pour constituer de véritables champions européens. » $! |\/ | B. Trevidic, « Un industriel très, voire trop, diversifié », Les Échos, 20 décembre 2012. 4$ Questions 1. Tentez d’expliquer les raisons et le processus qui ont conduit Thales à offrir à un portefeuille d’activités aussi large. By 2. Cette diversification à outrance est-elle, selon vous, un handicap ? 3. Quelles actions stratégiques proposeriez-vous, en tant que consultant externe, à JeanBernard Lévy, P-DG de Thales ? Chapitre 6 La mise en œuvre de la stratégie Les compétences clés à acquérir : • Tenir compte des difficultés de mise en œuvre des stratégies. • Comparer les intérêts respectifs des stratégies de croissance interne et externe. • Appréhender l’intérêt des stratégies d’externalisation. |\/ | • Évaluer la faisabilité des choix stratégiques. • Élucider les orientations nouvelles (partenariat, coopération, réseaux). • Établir un business plan. • Établir un tableau de bord prospectif. By • Vérifier l’alignement managérial. 4$ • Saisir l’importance de l’entrepreneuriat. $! • Apprécier les effets de ces stratégies de partenariat et repérer les conditions de leur réussite. Après avoir analysé les grandes orientations stratégiques, nous allons à présent étudier toute la variété de leur mise en œuvre. Chacune des orientations stratégiques retenues, que ce soit au plan business ou corporate appelle des choix en matière d’application. Faut-il étendre les activités ou réduire la voilure ? agir seul ou mener les opérations en partenariat ? recourir à ses propres ressources ou tenter d’acquérir des compétences déjà développées par d’autres ? installer les compétences assurant le développement à l’intérieur de son propre périmètre ou préférer externaliser des fonctions ou des métiers ? Ce sont autant de questions qui traduisent les choix stratégiques en leur donnant, selon les cas, des allures fort différentes. I. Les stratégies de développement On distingue généralement deux types de croissance qui s’appliquent aussi bien aux stratégies de business intra-industrielles (volume, différenciation, focalisation, prix-valeur) qu’aux stratégies corporate de portefeuille d’activités (spécialisation, diversification, intégration). De la même façon, une stratégie de développement international peut être conduite par croissance interne ou externe. On observe généralement une chronologie dans les modalités de croissance, l’entreprise connaissant d’abord une croissance interne pour ensuite se développer à l’externe. Mais des contreexemples existent ; ainsi, dans le secteur des services informatiques, on a vu des entreprises de petite taille croître très rapidement par croissance externe. Figure 6.1. Les deux types de croissance A. La croissance interne $! |\/ | Également appelée croissance organique, elle consiste en la création par l’entreprise d’une capacité nouvelle. Il s’agit souvent d’une capacité de production (la chaîne d’assemblage du Boeing 787), mais elle peut être d’une autre nature : capacité de recherche (création d’un laboratoire de bio-ingénierie chez Merck) ou capacité de commercialisation (ouverture d’une filiale de vente par Peugeot au Japon). L’innovation se trouve au cœur de la croissance organique (innovation produit, innovation services). 4$ Exemples By Lorsque Gillette passe de deux à quatre lames pour son rasoir, c’est de l’innovation. Lorsque Nestlé vend des cafetières pour assurer le succès de Nespresso, c’est encore de l’innovation. Bien évidemment, l’entreprise n’élabore pas elle-même tous les éléments de sa croissance. Elle acquiert généralement les machines auprès de fournisseurs extérieurs mais conçoit et réalise leur groupement en un ensemble productif (une usine) dont il convient d’acquérir le terrain et les bâtiments. La croissance interne entraîne donc généralement un paiement sous forme de liquidités. Il est alors nécessaire que la firme possède des ressources monétaires ou qu’elle parvienne à convaincre son banquier de la pertinence de sa stratégie. Si tel n’est pas le cas, on recourt au second type. Tableau 6.1. Un bilan de la croissance interne Avantages • Développement progressif, donc mieux maîtrisable. • Valorisation de l’expérience acquise. • Culture d’entreprise renforcée. • Image de bâtisseur. Inconvénients • Lenteur de la croissance. • Risque de réactivité plus grande de la concurrence. • Risque de sclérose. • Difficulté du financement. B. La croissance externe Le processus de croissance externe implique une relation entre plusieurs entreprises et entraîne un transfert d’actifs existants d’un acteur vers un autre. Il s’agit en effet du regroupement intégral ou partiel de deux ou plusieurs entreprises. 1. Les modalités de regroupement Les modalités de regroupement s’analysent selon deux types de procédures juridiques et financières. a. Les procédures juridiques La fusion est l’opération par laquelle deux ou plusieurs entreprises (A, B...) réunissent leurs actifs pour créer une société nouvelle C (figure 6.2). Exemple $! |\/ | Lafarge et le groupe suisse Holcim ont fusionné en 2015. Le nouveau groupe s’appelle LafargeHolcim. By 4$ Figure 6.2. Le mécanisme de la fusion L’absorption consiste en la réunion d’entreprises d’inégales dimensions : l’une des sociétés (la société absorbante : A) absorbe l’autre (la société absorbée : B) qui disparaît. Les actionnaires de cette dernière reçoivent en contrepartie les titres nouvellement émis par A (figure 6.3). Exemples Nokia achète Alcatel-Lucent. General Electric achète une partie de Alstom. Figure 6.3. Le mécanisme de l’absorption L’apport partiel d’actif : une société A apporte à une société B une partie homogène de ses actifs en échange de titres nouveaux de cette dernière (figure 6.4). Cette situation se rencontre surtout dans le cadre de restructurations d’entreprises conduisant à un recentrage sur les métiers de base. Exemple La société Montupet, spécialisée dans les pièces de plusieurs natures pour les automobiles, cède son activité fabrication de roues à la Société française de roues. Figure 6.4. L’apport partiel d’actifs |\/ | La typologie des fusions selon Solving International $! – Le type « soustraction » : deux entreprises s’allient pour diminuer l’offre afin de soutenir le prix dans un secteur surcapacitaire. 4$ – Le type « addition » : les entreprises fusionnent pour marier deux dynamiques de développement complémentaires. By – Le type « multiplication » : les entreprises se marient pour faire bénéficier chacune des atouts spécifiques de l’autre. – Le type « division » : la fusion permet à chacune de mieux répartir certaines charges (recherche par exemple) pour étoffer les marges. Elle aide à se concentrer sur certaines activités (la distribution, par exemple). b. Les procédures financières C’est au travers de ces procédures que la croissance sera mise en œuvre. On peut distinguer quatre types. • La négociation bi/ou multilatérale : c’est une forme de négociation directe que l’on rencontre lorsque la société qui fait l’objet de l’acquisition n’est pas cotée en Bourse, et/ou lorsque le capital est concentré entre les mains d’un ou de plusieurs porteurs connus. La démarche est alors la suivante : approche du partenaire, audit-diagnostic et évaluation de la société, projet d’accord, protocole d’accord et signature. • Le ramassage boursier : cela concerne les sociétés dont le capital est très dispersé dans le public. La société A, qui souhaite prendre le contrôle de la société B, se porte acquéreur quotidiennement de titres de la société B et se constitue peu à peu une minorité de contrôle. • L’offre publique d’achat (OPA) : la société A s’adresse publiquement aux actionnaires de la société B pour leur proposer le rachat d’une quantité déterminée de titres, à un cours garanti (supérieur à la cotation au jour de l’offre), en espèces, durant une période de un à trois mois, à condition que le nombre d’actions fixé soit atteint à la date de la clôture. • L’offre publique d’échange (OPE) : le principe est le même que celui de l’OPA, mais l’acquéreur propose ses propres titres (actions, obligations, obligations convertibles nouvellement émises) en échange de ceux de l’entreprise dont il souhaite prendre le contrôle. 2. Les avantages et les conditions de réussite de la stratégie de croissance externe Parmi les avantages, nous pouvons noter : – la rapidité d’action : elle permet effectivement d’être présent très rapidement sur un nouveau marché, ou avec un nouveau produit ; – la possibilité de contourner les barrières à l’entrée dans la nouvelle activité et les réactions des concurrents déjà en place ; $! – la réalisation d’économies d’échelle. |\/ | – la maîtrise d’un savoir-faire : l’entreprise qui rachète bénéficie en effet de l’expérience, de la compétence et éventuellement des brevets de l’entreprise déjà en place ; By 4$ Quelle que soit l’origine de la démarche de croissance externe (volonté permanente de l’équipe dirigeante ou opportunité), celle-ci ne peut réussir qu’à condition que l’analyse en amont soit bien exécutée, pertinente et de qualité, et permette de constater la compatibilité avec la stratégie de l’entreprise, sa structure et sa culture. Sinon gare aux déboires ! Exemple Les compagnies American Airlines et US Airways ont annoncé leur fusion dans le cadre d’un accord donnant naissance à la première compagnie aérienne mondiale. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, les effets des stratégies choisies sont très divers. Certaines époques ont connu des vagues de fusion retentissantes ; à d’autres moments, la plus grande méfiance est de mise devant la boulimie des présidents de sociétés assoiffés de grandeur. Il est très délicat de juger la réussite d’une fusion sur le court terme : le prix payé dépend du cours boursier de la cible, la monnaie utilisée pour l’achat correspond au cours de l’acquéreur. Une bonne affaire au départ, peut se révéler désastreuse quelque temps après, ou inversement. Les réussites tiennent à plusieurs facteurs : • Une motivation de rentabilité. Influencées par l’activisme des fonds d’investissement, les entreprises cotées en Bourse doivent mettre au premier rang de leurs objectifs la valorisation de l’investissement de leurs actionnaires. Les acquisitions nouvelles restent proches des activités de base des acquéreurs. Les arguments vagues du type « atteindre une taille critique » ou encore « bénéficier de gains de synergie » ne suffisent plus pour convaincre les opérateurs. Il faut des objectifs clairs (par exemple, la consolidation de deux entreprises d’une même activité : rachat de Motorola par Google) et la promesse d’une rentabilité alléchante. • Le mode de financement. Les actionnaires n’acceptent plus les opérations qui diluent leur pouvoir. C’est ainsi que l’on préfère financer les achats à partir des ressources propres, voire en recourant à l’emprunt, en cas de baisse des taux d’intérêt, plutôt qu’en émettant des titres qui augmentent le nombre d’actionnaires. Les décisions de fusion devraient être précédées d’un diagnostic préalable de faisabilité et de compatibilité sur les plans : – de l’organisation ; – de la culture ; – des systèmes d’information ; – des systèmes industriels. Tableau 6.2. Un bilan de la croissance externe Inconvénients |\/ | Avantages $! 4$ By • Rapidité du montage. • Faibles réactions des concurrents. • N’augmente pas l’offre globale. • Possibilité de diversification. • Emploi du levier financier. • Facilité de financement. • Risque de synergie négative. • Incertitudes sur le prix de l’entreprise rachetée. • Inadaptation de la cible aux objectifs stratégiques. • Difficulté d’intégrer l’entreprise rachetée dans le groupe. • Incompatibilité d’organisation, de culture, de système d’information. • Culture d’entreprise menacée. • Image de raider, d’opportuniste. Une telle démarche éviterait les nombreux échecs observés. La prééminence de la dimension financière occulte fréquemment ces aspects, souvent considérés comme secondaires. D’où les nombreuses contre-performances : – chute du chiffre d’affaires ; – destruction de la valeur boursière ; – baisse de la productivité ; – suppression d’emplois. Les difficultés d’intégration des groupes concernés ne sont pas seules responsables des échecs. L’appétit démesuré des fonds d’investissement, qui ignorent les dimensions culturelles et humaines des opérations qu’ils engagent, provoque de nombreux effondrements parmi les organisations bancales. Les fusions : tout sauf un long fleuve tranquille ! La fusion EADS-BAE avait été minutieusement préparée dans le plus grand secret par des équipes réduites des deux groupes. Tout était prévu : les modalités juridiques, l’évolution de l’actionnariat, les nouveaux projets, les économies d’échelle, la désignation du futur numéro un, très logiquement Tom Enders, patron du groupe majoritaire, à savoir EADS. Soudain, en quelques jours, tout se grippe : Londres, Berlin et Paris ne parviennent pas à se mettre d’accord. Ce projet majeur de fusion à l’échelle européenne tombe à l’eau à l’issue des trois phases préparatoires. 1. La préparation C’est souvent une banque d’affaires qui est à l’origine de l’opération. Elle constate qu’une firme est à vendre ou à marier, qu’une autre est acheteuse. Reste à convaincre les dirigeants d’adopter le projet. |\/ | 2. La négociation By 3. La due diligence 4$ $! Les dirigeants se rencontrent dans le plus grand secret. Ils ont déjà en main les évaluations concoctées par leurs banques d’affaires. C’est à ce stade que doit se décider qui des deux dirigera le nouveau groupe et quelle stratégie il suivra. La firme acheteuse désigne alors des experts qui ont accès à la data room, lieu où la firme achetée met à leur disposition une masse de dossiers confidentiels qu’ils peuvent uniquement consulter. Mais, une fois la fusion décidée, plusieurs phases critiques se profilent... 4. L’annonce Il faut séduire la Bourse et convaincre les investisseurs que le projet va les enrichir. La conférence de presse et, surtout, la première réaction des marchés financiers sont déterminantes. 5. Les cent jours C’est le délai pendant lequel l’opération financière se boucle, le partage des places dirigeantes se fait, les suppressions d’effectifs se déterminent. C’est pendant cette période que se joue le succès de l’opération. 6. Les trois ans On sait maintenant si la fusion a été un succès (intégration réussie des deux équipes dirigeantes, augmentation des ventes) ou un échec (luttes de clans, stagnation du chiffre d’affaires). Or, selon les consultants, trois fusions sur cinq ne créent pas de valeur pour les actionnaires. Il faut donc attendre la sanction de la Bourse. II. Les stratégies de désengagement Le désengagement, encore nommé « dégagement » ou « désinvestissement stratégique », désigne la stratégie qui réduit le périmètre, dans le but d’affecter les ressources dégagées à de meilleurs emplois (figure 6.5). Plusieurs raisons motivent ce choix : – la rentabilité insuffisante de l’entreprise ; – le réaménagement du portefeuille d’activités, lorsque certains DAS se situent dans des zones d’abandon ; – la nécessité de réalimenter la trésorerie ; |\/ | – l’action des pouvoirs publics, lorsque ces derniers interviennent en vue de faire cesser une position de domination exagérée qui bride le libre jeu de la concurrence ; 4$ $! – le désir de se recentrer sur le métier de la firme, etc. Exemples By Motorola cède l’activité équipement de réseau à Nokia-Siemens. Peugeot vend Gefco sa filiale dans le transport. Le désengagement peut être réalisé de deux manières : – par l’abandon pur et simple ; – par l’externalisation. Dans ce dernier cas, il concerne souvent des fonctions jugées non stratégiques. Figure 6.5. Le désengagement A. L’abandon Cette stratégie consiste à sortir d’un DAS. Plus précisément, on cesse la production et la vente d’un produit jusqu’alors exploité et, le cas échéant, on le cède à un repreneur. Tableau 6.3. Le bilan d’une stratégie de décroissance interne Avantages Inconvénients Perte de chiffre d’affaires sans réduction corrélative des charges fixes Dépeuplement ou précarisation d’une région Concentration des gammes et réduction des coûts allant à l’encontre de l’objectif de performance durable Détérioration de l’image de l’entreprise Recentrage sur le cœur de métier La décroissance externe peut constituer une alternative à la décroissance interne. Dans ce cas, l’entreprise tente de vendre à un repreneur éventuel le DAS et les actifs qui permettent sa fabrication. Elle négocie alors en parallèle le maintien du personnel par l’acquéreur. |\/ | Exemples 4$ $! • Engie tente de céder ses centrales au charbon pour investir dans les technologies émergentes et le digital. • Siemens intègre ses activités de santé dans une nouvelle entité pour mieux répondre aux besoins du marché et vend son électroménager à Bosch. By • Alstom cède à General Electric toute son activité énergie. • Nokia vend à Microsoft sa division Terminaux. B. L’externalisation L’externalisation consiste à confier (faire faire) à une autre entreprise une partie de la chaîne de valeur. L’externalisation n’est pas assimilable à la délocalisation qui consiste à transférer une partie des activités sur un autre site, généralement à l’étranger. Tableau 6.4. L’externalisation et la délocalisation 1. Les raisons de l’externalisation L’entreprise conserve l’exploitation du DAS en continuant à concevoir et / ou à assembler les composants, et / ou à vendre les produits. Cependant, certaines tâches sont confiées à une ou plusieurs firmes partenaires : la fabrication des composants par exemple. Exemple Dans le nord de l’Italie, et dans certains secteurs, l’activité industrielle est organisée en « districts géographiques » au sein desquels une multitude de petites entreprises, très spécialisées, sont toutes sous-traitantes et donneurs d’ordres pour articuler des filières très performantes : mécanique autour de Nodine, confection à Carpi, carreaux de céramique à Sassuolo. Cette stratégie suppose une réorganisation de l’entreprise, puisque bon nombre d’opérations sont sous-traitées. Exemple $! |\/ | Boeing transfère à de nombreuses entreprises sous-traitantes la quasi-totalité de la fabrication des parties du 787. L’entreprise se spécialise dans l’ingénierie en maintenant sa maîtrise sur le savoir et les processus. By 4$ Toutes ces actions peuvent être rapprochées des mesures d’outsourcing, d’externalisation des fonctions de soutien logistique (informatique, comptabilité, entretien, voire gestion du personnel et vente). La logique est semblable : concentrer les forces de l’entreprise sur son cœur de compétences et signer des contrats avec d’autres pour assurer le complément. Chez Renault Il y a quarante ans, 25 % des pièces d’une 4L provenaient des sous-traitants. Actuellement, 80 % des pièces d’une Laguna sont fabriquées à l’extérieur. Les constructeurs automobiles ne construisent plus : ils deviennent des assembleurs. À la limite, ils pourraient devenir un simple bureau d’études dont l’activité de base consisterait à concevoir de nouveaux modèles. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Renault a utilisé le slogan « créateur d’automobiles ». La question de l’externalisation est d’actualité. Après l’entretien, le gardiennage ou la restauration, ce sont aujourd’hui la comptabilité, l’informatique, les centres d’appels ou encore la gestion des parcs automobiles qui font l’objet d’une externalisation. On appelle offshoring cette délocalisation d’activités tertiaires vers des pays où le coût de la main-d’œuvre est bas. Si l’offshoring permet de réaliser des économies, il présente aussi l’inconvénient d’engendrer des coûts de transaction et de coordination avec des consommateurs éloignés du centre de production du service. Qui n’a jamais désespéré de remédier à une panne avec l’assistance de l’employé d’un centre d’appels lointain ? Figure 6.6. Les vagues successives d’externalisations On peut résumer le raisonnement suivi au travers de deux questions essentielles : |\/ | • La fonction concernée est-elle considérée comme stratégique ? Est-elle essentielle pour la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise au regard des facteurs clés de succès dans le secteur ? La réponse sera sans ambiguïté négative pour ce qui est de la restauration au sein d’un groupe. En revanche, elle sera plus ambiguë pour des activités de transport dans les services logistiques. 4$ $! • L’externalisation de cette fonction va-t-elle entraîner une perte de compétences pour l’entreprise, un transfert éventuel à des sous-traitants, voire à des concurrents ? Ce peut être le cas dans le domaine technologique (technique de miniaturisation) ou marketing (connaissance d’un marché). By Figure 6.7. L’algorithme de l’externalisation Mondialisation et externalisation, un couple qui ne va pas de soi Une analyse publiée par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT)(42) réfute l’idée selon laquelle la concurrence mondiale imposerait un modèle unique d’organisation économique des entreprises. Selon eux, la mondialisation ne condamne aucun secteur à la disparition dans les économies avancées, ni en Europe, ni aux États-Unis. Trois mutations profondes s’observent depuis dix ans dans l’environnement des entreprises : – la libéralisation des échanges de marchandises et de capitaux ; – la révolution des technologies de l’information et de la communication qui permet de numériser l’interface entre conception, fabrication des composants, fabrication des produits et distribution ; ainsi ces fonctions peuvent être implantées sur différents sites. C’est ce que l’on appelle la modularisation des processus de fabrication ; – la création d’importants bassins de personnels qualifiés, d’ingénieurs dans des pays à salaires faibles (Inde, Chine, etc.). |\/ | Ces facteurs accroissent la pression concurrentielle mais créent également des opportunités de reconfiguration des entreprises. 4$ $! Certaines entreprises décident de sous-traiter et de délocaliser toute leur fabrication (par exemple, Texas instrument à Taïwan), tandis que d’autres, comme Intel, fabriquent encore leurs propres puces électroniques en interne. Samsung ou Sony conservent l’essentiel de leur production dans leurs usines alors que Dell contrôle la définition du produit et sa distribution mais sous-traite et externalise toutes les autres fonctions. Il en est de même si l’on compare Zara, qui ne délocalise pas, à Lacoste ou à H&M qui externalisent. By La mondialisation n’impose donc pas une stratégie unique. Dans un même secteur, pour un même produit, de multiples choix peuvent se défendre. Ils sont influencés par les compétences techniques et humaines des entreprises, par leur histoire. 2. Les modalités de l’externalisation Les principales modalités sont au nombre de six : • La sous-traitance par laquelle le donneur d’ordres confie à son partenaire une tâche définie avec précision. • La fourniture spéciale qui correspond à la situation où le partenaire fournit des éléments respectant des contraintes, mais dont il conserve la propriété industrielle. • La fourniture banale qui s’en tient à la cession de prestations normalisées. • La cotraitance, cas où les deux partenaires assurent en commun la production d’un bien. • La commission, cas où un partenaire assure une fonction : la vente, l’achat, l’affacturage, par exemple, le partenaire étant rémunéré par une commission. • La concession, la licence, la franchise qui permettent d’accroître les ventes, sans trop investir. Tableau 6.5. Un bilan de l’externalisation Avantages Inconvénients Elle provoque une large ouverture sur l’environnement. Elle augmente la rentabilité, puisque l’on se consacre aux seules tâches bien maîtrisées et que l’on transforme des charges fixes en charges variables. Elle fait dépendre l’entreprise de ses fournisseurs. Elle pose des problèmes de sécurité des approvisionnements, de confidentialité, de défauts de qualité. Elle engendre des difficultés avec les salariés qui risquent de perdre leur emploi. Il convient alors de trouver des solutions pour résoudre ces problèmes (reconversion, incitation à la création d’entreprise, etc.). Elle prépare des accords de partenariat. Elle permet de se concentrer sur les savoir-faire fondamentaux de l’entreprise. |\/ | 3. Une recette miracle ? Exemples By 4$ $! Après quelques années d’expérience, l’externalisation apparaît souvent moins fructueuse que ne l’espéraient ses promoteurs. Ils rêvaient en effet d’une entreprise virtuelle, limitée au rôle d’interface entre de multiples corps de métier réunis par un projet commun. Or, l’externalisation devient dangereuse lorsqu’elle touche les fonctions les plus vitales de l’entreprise. Danone a réintroduit en son sein la logistique concédée à des techniciens extérieurs. Pour l’entreprise, la préparation et la livraison rapide des commandes de produits frais ont une valeur stratégique. De même, Novotel a repris à son compte le nettoyage des chambres. L’externalisation engendre une dépendance dangereuse. Les constructeurs automobiles ont tremblé lorsqu’ils ont appris que General Motors envisageait de racheter Valeo. La qualité ne suit pas toujours. Bien que la sous-traitance du nettoyage coûte 20 % de moins à Novotel que l’emploi direct du personnel, la propreté des chambres, mieux contrôlée, est apparue pour les dirigeants de la chaîne comme un investissement rentable à terme. Des coûts cachés (hidden costs) peuvent également se révéler (élaboration de cahier des charges minutieux, suivi des prestataires, coût de rupture des contrats, etc.). Exemple Dans l’infogérance informatique, l’entreprise cliente perd son savoir-faire. Sur le plan social, il est difficile de gérer une population de « privilégiés », employés par l’entreprise et une foule de personnels à statut précaire. Pour pallier ces limites, certaines entreprises internalisent à nouveau ou filialisent une activité. C’est ainsi que le service d’entretien de la RATP propose d’assurer la maintenance des escaliers mécaniques auprès des grands magasins ou des banques. Exemple 4$ $! |\/ | Figure 6.8. Le balancier externalisation-internalisation By Boeing et Airbus revoient à la baisse leur politique d’externalisation de la production à la suite des incidents intervenus sur les batteries au lithium du Dreamliner. III. Les stratégies de partenariat Les accords de coopération interentreprises connaissent un grand essor. Les spécialistes se sont beaucoup intéressés à cette option stratégique pour trois raisons principales : • Parce qu’elle permet aux petites entreprises de résister aux grands groupes. • Parce qu’elle est une bonne solution pour affronter la complexité croissante et la globalisation des marchés. • Parce qu’elle conduit à des interrogations théoriques qui ne manquent pas de susciter l’étonnement des chercheurs (où se situent les frontières de l’entreprise ? L’entreprise patrimoniale traditionnelle existe-t-elle encore réellement ? Si oui, sera-t-elle remplacée par des entreprises virtuelles, c’est-à-dire par des groupements éphémères ?). Quels sont les principaux traits de ces organisations nouvelles ? Le partenariat peut prendre deux formes différentes : • Les accords de coopération, qui peuvent prendre la forme d’accords commerciaux ou d’accords de développement de nouveaux produits. Exemples BMW renforce son alliance avec Toyota pour fabriquer une future voiture sportive commune, le moteur électrique, la pile à combustible. Volvo s’allie à l’entreprise chinoise Dongfeng pour devenir le leader mondial du poids lourd. • Les groupements d’intérêt économique (GIE) dont l’objectif peut être de confier une partie des fonctions classiques à des sociétés extérieures. Des outils nouveaux sont alors apparus : l’essaimage pour l’organisation, le capital-risque pour le financement par exemple, etc. L’intérêt est de rester centré sur son savoir-faire, de garder une certaine souplesse de structure et une capacité de réaction rapide, de dégager une rentabilité élevée grâce aux besoins limités en fonds propres. Exemple 4$ $! |\/ | Soixante-quatorze éleveurs laitiers indépendants, basés dans les départements de l’Aveyron, du Cantal et du Lot, produisant 20 millions de litres par an, ont annoncé la création d’un GIE. Souhaitant rester indépendants pour assurer la commercialisation de leur lait, ils ont créé leur propre marque, L’Éleveur occitan, et développé des produits spécifiques (une mozarella haut de gamme, du cantal AOP, de la crème...). By Ces nouvelles formes d’organisation sont comparables à un jeu de construction dont les pièces, les entreprises partenaires d’un moment, plus ou moins spécialisées, sont utilisables dans d’autres circonstances, pour des projets nouveaux. Les observateurs soulignent que ce mode de liaison entre les entreprises présente deux qualités organisationnelles que l’on considère souvent comme contradictoires : la forme des firmes mécanistes, où le déroulement des tâches est prévu et contrôlé avec rigueur, et la vertu des entreprises organiques, qui sont capables de s’adapter avec souplesse, comme des êtres vivants, aux conditions changeantes. En outre, on constate que le partage du travail et d’un certain nombre de coûts fixes entre des entreprises partenaires mais indépendantes est fort efficient. De fait, chacune d’entre elles recherchant son propre intérêt, on peut envisager qu’il en résulte, par effet de synergie, un produit global supérieur à la somme des effets recherchés par chacune des entreprises. Ces organisations sont apparues dans des secteurs d’activités très divers. Exemples Le textile, l’informatique, le design, le bâtiment et le cinéma sont particulièrement concernés car ce sont des branches caractérisées par une forte incertitude, une vive concurrence et donc un risque élevé de faible rentabilité des investissements. En effet, les séries produites sont courtes et l’on ne peut guère profiter du bienfait de la taylorisation, de la production de masse ou des effets fructueux des lois d’apprentissage. A. Les caractéristiques des partenariats |\/ | Tandis que certains grands groupes se recentrent sur leur métier, on voit apparaître des groupements d’entreprises qui semblent bien adaptés aux conditions économiques de ce nouveau siècle. En effet, ils mêlent les avantages des petites entreprises (recherche de l’innovation, flexibilité, motivation par l’exercice plus large de la responsabilité, etc.) à ceux des grandes firmes (économies d’échelle, pouvoir sur le marché, capacités financières, etc.). $! Exemple By 4$ Les clusters, pôles de compétitivité ou d’excellence, sont des groupements d’entreprises petites et moyennes qui, sur un territoire donné, s’allient avec des centres de recherche pour lancer des projets innovants. Il en va ainsi de system@tic, créé en 2005 en Île-de-France. Ce pôle dédié aux systèmes complexes et aux technologies de l’information et de la communication (TIC) regroupe plus de 600 acteurs de l’innovation et intervient sur quatre marchés applicatifs (télécoms ; automobile et transport ; sécurité et défense ; outils de conception et de développement de systèmes). Il n’est pas toujours aisé d’élaborer une typologie de phénomènes qui, par nature, sont multifacettes. Garette et Dussauge nous proposent deux grandes familles d’alliances dont les risques et les modes de gestion diffèrent. 1. Les alliances entre entreprises non concurrentes Les joint-ventures de multinationalisation lient une entreprise locale à une multinationale. Exemple Renault s’allie à l’entreprise locale Oyak, qui maîtrise bien l’environnement social et économique national pour créer une usine de montage en Turquie. Les partenariats verticaux associent des entreprises présentes à deux stades d’une filière. Exemple Les marques Apple et Facebook signent une alliance pour insérer dans les appareils de la première une application aisée vers les réseaux sociaux. Des accords intersectoriels rassemblent des entreprises œuvrant dans des secteurs connexes. Exemple Procter & Gamble (chips salées) et Coca-Cola et s’allient : l’un donne soif, l’autre l’apaise. 2. Les alliances entre entreprises concurrentes 4$ Exemple $! |\/ | Les alliances de co-intégration permettent aux entreprises de s’allier pour fabriquer un produit qui intégrera ensuite le processus de chacune. By PSA et General Motors s’unissent pour développer une plate-forme commune à partir de laquelle seront produites certaines voitures des deux marques. Grâce aux alliances de pseudo-concentration, les entreprises fabriquent et commercialisent un produit qui devient commun. Exemple PSA et BMW vont produire ensemble des moteurs hybrides. Les alliances complémentaires permettent à deux entreprises de mener une activité en mariant des compétences complémentaires. Exemple Diageo et Moët-Hennessy, qui disposent de portefeuilles complémentaires, s’allient pour la distribution de champagne dans de nombreux pays. B. Les raisons des partenariats Nombre de motifs peuvent pousser à conclure des partenariats. Nous citerons ici les principales. 1. L’efficience économique Les partenariats, la mise en réseau d’entreprises entraînent des avantages de coût. Passer un contrat de sous-traitance conduit par exemple à la transformation de frais fixes (salaires, loyers) en frais variables réduits (le prix payé aux sous-traitants). On peut généraliser cet exemple en posant le principe suivant : une organisation en partenariat doit permettre de baisser le coût d’une activité en dessous du niveau qu’atteindraient les solutions dispersées. 2. La concurrence Pour remédier à l’extension de la concurrence, qui ne consiste plus seulement à s’arracher, entre rivaux, des clients, mais qui s’étend à toutes les manœuvres technologiques, financières, de gestion des ressources humaines, nécessaires en vue d’acquérir des ressources et des compétences, une entreprise isolée, même de grande taille, est démunie. Le partenariat augmente les compétences pour faire face, à plusieurs, aux difficultés nouvelles. |\/ | 3. La mondialisation By 4$ $! La mondialisation des économies étend le besoin en ressources et compétences nécessaires à l’entreprise. Le phénomène renforce la concurrence, mais ouvre aussi des possibilités nouvelles pour trouver des clients, des fournisseurs, des sous-traitants, des partenaires nouveaux. Même les plus grandes firmes isolées sont dépassées devant ce foisonnement qu’elles ne peuvent maîtriser. En outre, l’extension des marchés entraîne des exigences de mobilité géographique, de flexibilité organisationnelle, de rapidité de réponse, auxquelles ne peuvent guère répondre les entreprises traditionnelles trop rigides, trop hiérarchisées. Ajoutons que les frontières restent difficiles à franchir et que, pour avoir accès à des marchés étrangers, plus ou moins habilement protégés, il convient de trouver des partenaires locaux. 4. La techno-science L’accélération du flux de productions scientifiques transformables en produits/services nouveaux est telle que l’isolement bride l’innovation. La R & D pousse l’investigation dans des domaines à la fois plus étendus (l’espace, les biotechnologies, par exemple) et plus spécialisés. Cette activité nécessaire coûte cher aux firmes, ce qui entraîne le désir et souvent l’obligation de partager les investissements avec d’autres. 5. L’apprentissage Les partenariats élargissent l’horizon d’une entreprise. Ils sont à l’origine d’acquisitions de compétences qui ne sont pas définies dans les contrats d’alliance, mais qui se diffusent par proximité. 6. Les enjeux et les risques L’importance des enjeux et des risques financiers, par exemple dans la recherche fondamentale ou dans des projets dont l’importance est source de risques énormes, conduit les entreprises à s’allier. Figure 6.9. Les principales motivations à l’origine des partenariats C. Les conditions de réussite des partenariats $! |\/ | Lorsqu’un dirigeant d’entreprise prend la décision d’étendre ses activités, non plus isolément, mais au terme d’une alliance, un pas est franchi. Les objectifs et les moyens doivent, en effet, être modifiés, car ils ne sont plus adaptés. En d’autres termes, la stratégie subit une mutation, car elle doit s’adapter aux ambitions et à la volonté des partenaires. Des difficultés nouvelles, impliquant des stratégies spécifiques (figure 6.10), peuvent alors voir le jour. 1. Des risques de conflit à ne pas négliger By 4$ Même si les intentions des différentes parties de coopérer en bonne intelligence sont partagées, il peut arriver cependant, au fil du temps, que des obstacles surgissent, affectant plus ou moins intensément les partenaires. Ainsi observe-t-on que certaines entreprises prennent du recul, s’éloignent et mettent l’alliance en péril. Figure 6.10. Le management d’un partenariat Un tel risque de conflit entre les objectifs et les intérêts augmente non seulement en fonction de la durée du partenariat, mais aussi proportionnellement, à la distance géographique ou à l’éloignement culturel qui séparent les partenaires. Il convient de n’intervenir en commun que sur des territoires et dans des horizons de temps maîtrisables. En outre, il faut éviter de s’engager dans des voies trop rigides, lorsque l’environnement recèle des possibilités de changement inattendues. À ce risque de divergence de politiques s’ajoutent d’autres possibilités de heurts. Ceux-ci proviennent de ce que l’on nomme l’opportunisme des participants. Ce comportement qui consiste à tirer pour soi, et non plus pour la collectivité, le meilleur parti peut cacher le désir de piller, à son propre profit, les ressources ou les innovations d’un partenaire que l’on ruinera. Il convient d’être prudent, particulièrement en matière de partage de technologies, afin de ne pas introduire les concurrents au sein de l’entreprise. Quel que soit l’objet du partenariat, il est sage de fixer juridiquement le domaine d’intervention de chaque partenaire. Exemple Les possibilités de concurrence à l’intérieur de la coopération doivent être abordées de front afin d’éviter les feintes des coopérants. 2. Une relation à équilibrer 4$ $! |\/ | Une dernière catégorie de risque consiste en la domination progressive d’une entreprise sur ses partenaires. Un tel exercice de volonté de puissance aboutit soit à la rupture de la coalition, soit à l’absorption d’un ou de plusieurs partenaires plus chétifs par le plus puissant. D’une manière générale, il paraît opportun que les firmes qui souhaitent coopérer soient de dimension comparable, l’efficacité et la longévité de l’alliance étant tributaires du maintien relatif d’égalité des coopérants au sein du réseau. On a ainsi observé que la confiance et, plus étrangement, la flexibilité, sont plus fréquemment réalisées quand les investissements des deux partenaires sont homogènes en quantité et qualité. By Exemple L’alliance commerciale Sky Team (Air France-KLM, Delta Airlines, Korean Air, CSA, Alitalia, Aeromexico, Aeroflot et China Southern, Vietnam Airlines) est née de la fusion des programmes de fidélisation des voyageurs. D. Le management d’un partenariat Comme les fusions-acquisitions, les partenariats ne sont pas assurés du succès. Nombreux sont les projets qui échouent. Il paraît donc opportun de chercher à améliorer la gestion de l’alliance. Cinq étapes peuvent être distinguées. 1. La préparation de l’alliance Elle suppose de définir avec clarté les objectifs poursuivis, car le partenariat n’est qu’une voie possible. Parmi les diverses possibilités de développement, il s’agit à cette phase de peser les avantages réels et les inconvénients de chaque solution envisageable. Si le partenariat est retenu, il convient de définir les relations qu’on souhaite entretenir avec les partenaires : – durée de l’alliance ; – type de partenaires recherchés ; – place des partenaires dans l’alliance. 2. La recherche des partenaires et la négociation Nombreuses sont les méthodes employées : relations amicales, contacts personnels, prospection au sein des syndicats professionnels, voyages d’études, etc. La confiance reste un critère déterminant de la sélection. Dans le choix d’un partenaire les critères suivants méritent d’être étudiés : – la capacité de chacun à contribuer aux objectifs de l’autre ; – la compatibilité des partenaires ; – l’implication de chacun. Une fois que les partenaires sont choisis, on précise avec soin les attentes de chacun, les points de conflit, en veillant à impliquer les directions générales dans le projet (figure 6.11). 3. La formalisation de l’alliance Il est toujours prudent de fixer avec précision le contenu de l’accord, notamment : |\/ | – les objectifs ; – la nature des tâches imparties à chacun ; $! – les ressources et compétences apportées par chacun ; – le partage des résultats ; By – la résolution des litiges ; 4$ – les contrôles périodiques de fonctionnement ; – les modalités de renégociation de l’alliance. Figure 6.11. Le management d’un partenariat 4. La gestion opérationnelle La conduite d’un partenariat s’apparente à la gestion d’un processus collectif qui pose des problèmes de coopération, d’équilibre de pouvoir, d’organisation, d’opportunisme. Il serait vain de vouloir formaliser un tel fonctionnement. Toutefois, il est recommandé de veiller aux conditions suivantes : – l’évaluation régulière des résultats rapportés aux objectifs ; – la définition de structures transverses, de type projet, entre les deux partenaires ; – la mise en place d’un système de communication aux partenaires des informations sur le réseau ; – le choix attentif des personnels qui travaillent dans l’alliance. Tableau 6.6. Un bilan du développement des activités en partenariat Avantages Inconvénients |\/ | • Danger de l’opportunisme des partenaires. • Luttes sourdes pour le leadership. • Difficulté d’évaluer les gains. • Coûts élevés de la coordination. • Conflits entre partenaires. • Émergence de partenaires dominateurs. • Obstacles constitués par les différentes cultures d’entreprise. • Incompatibilité organisationnelle. • Difficulté de fixer les frontières de l’entreprise. • Coût de rupture du partenariat. By 4$ $! • Diminution des coûts de transaction et des coûts d’organisation. • Diminution des risques (technologiques, financiers, commerciaux, etc.). • Découverte de nouveaux débouchés. • Apprentissage managérial accéléré grâce à l’expérience des autres. • Élévation de barrières à l’entrée. • Bénéfice des effets d’échelle. • Accroissement du pouvoir sur les fournisseurs et sur les clients. • Avantages compétitifs supplémentaires. • Rentes relationnelles diverses (exemple : meilleurs rapports avec les pouvoirs publics). • Augmentation de la sécurité des partenaires par renforcement mutuel. 5. L’évaluation du partenariat L’évaluation d’un partenariat doit se faire sur quatre plans : – les résultats des projets et activités de l’alliance ; – les effets (passés et futurs) de l’alliance sur les partenaires ; – la qualité de la relation entre partenaires ; – l’issue de l’alliance. E. Alliance ou fusion ? La question du choix de l’alliance ou de la fusion se pose concrètement aux entreprises, comme l’a montré l’alliance Renault-Nissan. L’alliance est bien sûr la seule option quand il n’est pas possible d’acquérir le partenaire cible, notamment du fait de réglementations d’autorité de régulation des marchés. Tableau 6.7. Une comparaison de l’alliance et de la fusion Alliance >> Fusion Fusion >> Alliance • Synergies limitées • Réversibilité • Risque de perte de client réduit • Peu de problèmes d’évaluation • Non-intégration d’actifs indésirables • Apprentissage progressif • Autonomie des partenaires • Unicité de pilotage • Intégration plus forte • Coûts de coordination réduits • Synergies • Image plus claire • Pérennité L’alliance est en outre préférée à la fusion lorsque : |\/ | – les synergies potentielles étant réduites par rapport à la taille des entreprises, un rapprochement global n’est pas justifié et serait coûteux ; $! – l’opération concernée étant limitée dans le temps, un rapprochement peu réversible comme la fusion n’est pas opportun ; By 4$ – la fusion ferait perdre des clients au cas où les partenaires se situent à des stades différents d’une même filière, le fournisseur étant susceptible de perdre des clients concurrents du partenaire-client ; – l’entreprise cible est délicate à évaluer du fait d’une asymétrie informationnelle sur la vraie valeur des actifs ; – l’entreprise cible est considérée comme difficilement intégrable du fait d’actifs enchevêtrés dans des actifs indésirables (non intéressants ou ayant une mauvaise image) ; – les partenaires souhaitent privilégier une prise de connaissance progressive et moins risquée de l’autre ; – l’autonomie des entreprises ne peut être remise en cause pour diverses raisons, notamment culturelles. Quand préférer l’alliance à l’acquisition ? La règle des 4 I prévaut : – infaisabilité : il n’y a sur les marchés aucune entreprise à acquérir (ou un achat est interdit par la législation) ; – investissements possibles : pour maintenir sa flexibilité, l’entreprise a toujours la possibilité, ultérieurement, d’investir elle-même ; – « indigestibilité » : l’absorption d’une autre entreprise apparaît trop difficile sur les plans technique et culturel ; – information asymétrique : il convient de préserver des informations de part et d’autre, lesquelles seraient inévitablement mises sur la table en cas d’acquisition. La fusion présente plusieurs avantages : – la création d’une structure juridique unique, alors que l’alliance impose le maintien des structures existantes et la création d’une structure de pilotage du partenariat ; |\/ | – l’intégration plus forte des entreprises existantes dans un ensemble nouveau ; $! – la réduction des coûts de coordination future ; 4$ – des synergies organisationnelles, marketing et industrielles plus fortes ; – une image externe plus claire sur le plan commercial mais aussi pour les marchés financiers ; By – une pérennité plus grande du fait du caractère irréversible de la fusion. Exemples Les avantages respectifs des deux alternatives expliquent que dans le cas de BNP et Paribas, une fusion ait eu lieu, alors que, dans le cas Renault-Nissan, c’est l’alliance qui ait été choisie. Le succès de cette alliance a incité Air France à opter pour une organisation identique avec KLM. IV. La mise en œuvre opérationnelle de la stratégie La définition et le choix des options stratégiques constituent une phase, évidemment essentielle, du processus stratégique. Ceci étant, il serait vain de considérer qu’il suffit de définir les choix stratégiques pour qu’ils soient effectivement mis en œuvre. Ce serait ignorer la réalité du fonctionnement des entreprises et des organisations que de le croire. La mise en œuvre opérationnelle suppose trois étapes. A. La vérification de la faisabilité des choix stratégiques Nous avons vu que les choix stratégiques résultaient tant du diagnostic interne que de l’analyse externe. Les managers ont donc intégré les contraintes auxquelles ils sont confrontés. Celles-ci conditionnent le succès de leurs décisions. Il nous semble particulièrement utile, avant que les décisions stratégiques ne soient définitivement arrêtées, de s’assurer de leur faisabilité. La figure 6.12 privilégie les dimensions internes de la faisabilité et s’inscrit dans une perspective de cohérence entre, d’une part, les compétences et les ressources de l’entreprise et, d’autre part, ses choix. Il est en effet particulièrement important de valider la faisabilité organisationnelle, culturelle, commerciale, technologique mais aussi financière, des orientations choisies. Il va de soi que si l’analyse conduit au constat d’une faisabilité sur l’un des critères considérés comme essentiels par la direction, le choix stratégique est susceptible d’être remis en cause. $! |\/ | Figure 6.12. La mise en œuvre opérationnelle • Organisationnelle • Culturelle • Technologique • Commerciale • Financière • Etc. Forte Moyenne Faible Conclusion By Faisabilité stratégique 4$ Tableau 6.8. La faisabilité stratégique B. L’établissement du business plan Le business plan est un document de synthèse qui présente le projet et dont l’objectif est de convaincre les interlocuteurs de sa pertinence et sa qualité. Le business plan doit mettre en évidence la pertinence commerciale, la cohérence des mesures et la faisabilité financière du projet. 1. Les différents business plans Tableau 6.9. Les déclinaisons des business plans Objet Rédacteur Lancement d’une nouvelle activité. Chef de projet Destinataires Lancement d’un nouveau produit. Chef de produit Création d’une entreprise. Création d’un point de vente, d’une franchise. Chef d’entreprise Direction générale, comité stratégique Direction marketing Direction de division Banquiers, partenaires Franchisé Franchiseur, banquier Innovation technologique. Créateur Direction de la recherche Financeurs publics a. Les qualités d’un business plan Les business plans diffèrent selon leur objectif, mais ils doivent partager les qualités suivantes : • Synthèse : quelques pages, les détails étant renvoyés en annexe. |\/ | • Clarté : les présentations sous la forme de tableaux et de graphiques sont privilégiées pour convaincre les différents interlocuteurs. 4$ $! • Cohérence : les données financières doivent être cohérentes entre elles et en accord avec les données du marché. • Chiffrage : les différentes hypothèses (notamment de marché) sont chiffrées. By b. Le contenu du business plan Bien que non normalisé, le business plan compte généralement les dix rubriques suivantes : |\/ | 1. Présentation générale du projet : idées, contexte, motivation principale. 2. Présentation des acteurs : les hommes, leur profil, leur expérience (important dans les cas de création d’entreprise). 3. Activité ou produit : ses caractéristiques, son positionnement, la cible. 4. Marché : demande (taille, tendance, caractéristiques, etc.), chiffrage en volume, offre, concurrence. 5. Distribution : canaux choisis. 6. Communication : budget, supports. 7. Juridique : choix des structures juridiques, protection (brevets). 8. Partenaires : liste et rôle des partenaires associés au projet. 9. Planning de mise en œuvre : les dates clés, un PERT. 10. Financier : Plan de financement au démarrage Compte de résultat prévisionnel sur trois ans Plan de trésorerie sur douze mois Il va de soi que le contenu du business plan doit être adapté au projet. By 4$ $! L’orientation stratégique envisagée (poursuite d’une stratégie déjà engagée, implantation à l’étranger, lancement d’une nouvelle activité, partenariat avec un concurrent, etc.) doit, autant que possible, faire l’objet d’un compte de résultat prévisionnel sur trois ou cinq ans. Les rubriques du compte de résultat dépendent de l’activité de l’entreprise et de l’organisation de sa comptabilité analytique. La difficulté réside surtout dans l’élaboration des prévisions du chiffre d’affaires. Si l’activité possède un historique, il est utile de rappeler les objectifs et réalisations de l’année précédente. Il convient, dans cette phase, de ne pas oublier que la surévaluation ou la sousévaluation des produits et des charges peuvent aussi résulter des stratégies des acteurs qui souhaitent se prémunir contre les aléas d’un avenir à l’évidence incertain. Le business plan d’un créateur d’entreprise Prenons le cas d’une créatrice de vêtements pour enfants, Mme Audran, qui souhaite s’installer à Paris à son compte. Afin de prouver la pertinence, la faisabilité et la viabilité de son projet et d’obtenir un crédit, elle doit remettre un business plan à sa banque. Celui-ci doit notamment aborder les aspects suivants : – juridique : nom de l’entreprise, forme juridique ; – marketing : analyse des clients, analyse des concurrents, politique de prix ; – commercial : offre (services et/ou produits), cibles, positionnement, plan d’action ; – gestion des ressources humaines : effectif, recrutement, politique salariale ; – logistique : approvisionnements, achats et distribution ; – financier : compte de résultat, trésorerie, plan de financement, bilan. Dans son business plan, Mme Audran n’aura pas à aborder de manière approfondie l’ensemble de ces points. Future gérante d’une société sans employé, elle n’est que peu concernée par la gestion des ressources humaines. Elle pourra néanmoins mettre en avant les aspects suivants : – juridique : le choix de la forme juridique de son entreprise peut avoir de fortes conséquences sur l’engagement de son patrimoine personnel en cas de faillite. La SARL est généralement recommandée ; – marketing / commercial : après avoir décrit le fonctionnement du marché, il sera important pour Mme Audran de faire ressortir son positionnement de PME et sa cible (les mamans cadres et citadines). Elle devra faire valoir et démontrer l’intérêt de ce positionnement par rapport à une demande croissante. Elle devra clarifier ses besoins en fonds de roulement. Elle ne devra pas non plus omettre de préciser son offre (originalité par rapport à la concurrence), diffusion (Internet et boutique-atelier), sa polyvalence et ses capacités d’adaptation (créations originales et réalisations sur mesure, selon la demande). |\/ | – financier : Mme Audran devra particulièrement se focaliser sur le plan d’investissement (montant de l’apport personnel). C’est en effet un des facteurs conditionnant l’obtention d’un prêt. Elle devra également pouvoir montrer une gestion de trésorerie positive, sur la première année notamment. Les problèmes de trésorerie font en effet partie des principales causes de faillite des jeunes sociétés. By 4$ $! Lors de son entretien avec son banquier, Mme Audran pourra s’appuyer sur plusieurs arguments pour justifier l’intérêt de son projet. Elle pourra tout d’abord mettre en avant la viabilité de son entreprise par rapport au secteur et au type de clientèle. À Paris, les petits créateurs ont la cote. La diffusion partielle de ses créations dans des boutiques de la capitale réduira d’autant son besoin en fonds de roulement. Enfin, Mme Audran pourra également faire valoir son expérience dans le secteur de la confection. Celle-ci lui a permis d’acquérir une parfaite connaissance des besoins des clients, des mécanismes de fonctionnement d’une PMI et des circuits de diffusion. Elle a pu, à cette occasion, développer un solide réseau de clients et de fournisseurs potentiels. Elle pourra, par exemple, obtenir des remises plus conséquentes sur les coupons de tissu. Ses compétences lui permettent en outre de proposer des outils de simulation en ligne qui faciliteront les ventes à distance (province et étranger). Là encore, si les résultats prévisionnels ne sont pas satisfaisants au regard des critères de rentabilité de l’entreprise, les décisions peuvent être remises en cause. Tableau 6.10. Le plan de financement Année n Année n + 1 Année n + 2 Besoins • Frais d’établissement • Investissement • Remboursement crédit • Besoin en FDR Ressources • Capitaux propres • Emprunts • Autofinancement Écart Tableau 6.11. Le compte de résultat prévisionnel $! 4$ By Chiffre d’affaires Marge brute (%) Charges variables (%) Marge sur coûts variables (%) Marge sur coûts variables (valeur) Personnel Marketing Finance Autres charges Amortissements Charges de structure Produits accessoires Résultat/Charges directes Résultat d’exploitation Résultat financier Résultat exceptionnel |\/ | Réalisé Réalisé Objectifs Objectifs Objectifs n–1 n n+1 n+2 n+3 Tableau 6.12. Le plan de trésorerie mensuel Janvier Février Mars Avril Mai ... Encaissement • Exploitation • Hors exploitation Décaissement • Exploitation • Hors exploitation Solde 2. La définition des responsabilités de mise en œuvre Cette ultime phase du processus stratégique est en pratique trop souvent négligée. La traduction opérationnelle By 4$ $! |\/ | Le diagnostic interne, surtout quand il est fonctionnel, aborde très fréquemment des questions d’ordre opérationnel. On ne dira jamais assez combien les aspects stratégique et opérationnel doivent être d’une part dissociés soigneusement (pour ne pas faire tomber l’analyse du futur dans la myopie oppressante du court terme) et d’autre part examinés ensemble (pour lier les actions qui résultent d’un diagnostic d’ensemble). On pourra à cette fin proposer la grille qui suit (tableau 6.13). Tableau 6.13. Un exemple de diagnostic et de propositions opérationnelles Fonctions Faiblesses et critères mise en place d’un système de remontée directeur commercial 15 000 € d’informations par la force de vente demander une responsable proposition dans 6 000 € communication une agence formation en interne par société spécialisée DRH |\/ | • Finance Crédit client manque de maîtrise du téléphone et des réponses par courriel très supérieur à la durée moyenne du secteur ramener la durée à 25 jours en directeur financier moyenne $! • Personnel Groupe chargé de l’accueil vieillot 25 000 € 12 mois 2 mois 7 mois à 12 mois déterminer 4$ • Organisation absence totale Existe-t-il une veille marché ? • Commercial Logo Actions Responsables Coût Délai By De nombreux choix stratégiques ne sont pas effectivement mis en œuvre tout simplement du fait d’une insuffisante définition des responsabilités et des allocations des ressources. En matière stratégique, le style incantatoire n’est pas synonyme d’efficacité. Il faut clairement préciser qui fait quoi, avec quels moyens et dans quels délais : QQOQCC (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Voir le tableau 6.14). Tableau 6.14. Les moyens de mise en œuvre Décisions Moyens Moyens Moyens Responsables Échéanc stratégiques financiers humains matériels Lancement de la gamme X. Implantation aux États-Unis. Accord de licence en Chine. Etc. 3. Le tableau de bord prospectif Une proposition de système de management stratégique global nous vient du domaine du contrôle de gestion : le balanced scorecard ou tableau de bord prospectif(43) (figure 6.13). |\/ | Figure 6.13. Le tableau de bord prospectif, un cadre stratégique pour l’action By 4$ $! Quatre phases s’enchaînent. La première consiste à clarifier l’intention stratégique et à la traduire en objectifs. L’accent est mis autant sur les indicateurs financiers que sur les données non financières (par exemple, les processus qui sont la source de la performance). La tâche de clarification peut révéler des absences de consensus marquées entre les dirigeants. La deuxième étape incite à communiquer les objectifs et les indicateurs en interne pour que chacun y adhère le mieux possible. La troisième phase du mouvement entre dans le concret de la fixation d’objectifs avec des échéances. Le chemin devient précis. L’articulation avec le contrôle de gestion, voire le contrôle budgétaire, s’opère à ce niveau. Enfin, la dernière étape permet un suivi « intelligent » de la démarche, rend l’entreprise apprenante, lui permet, d’abord, dans un processus de rétroaction en simple boucle, d’adapter ses actions pour que les objectifs soient atteints et, ensuite, dans un processus en double boucle, au sens de Argyris et Schön, l’incite à adapter ses objectifs aux modifications de l’environnement. Le tableau de bord prospectif, par sa généralité et la diversité des indicateurs retenus, a pris toute sa place dans la panoplie des instruments de pilotage stratégique. La renommée des auteurs, acquise en leur qualité d’initiateurs d’un nouveau contrôle de gestion, renforce le poids de l’outil. Exemple Dans une société de transport routier, de nouveaux indicateurs ont été mis en place. Ils sont organisés autour de quatre pôles : • Un pôle client – Nombre de nouveaux clients du mois par rapport au nombre total de clients. – Nombre de clients perdus par rapport au nombre total de clients. – Un indicateur de satisfaction clients construit à partir d’un questionnaire. • Un pôle processus – Nombre de nouveaux services proposés aux clients. – Nombre de litiges par rapport au nombre de transports effectués. – Nombre de retards par rapport au nombre de livraisons. • Un pôle organisationnel |\/ | – Ratio de couverture des postes clés. $! – Ratio de manquants : nombre de documents arrivant incomplets par rapport au nombre de documents transmis. • Un pôle financier 4$ – Ratio de conducteurs full. By – Croissance du chiffre d’affaires. – ROCE (retour sur capitaux employés). – Variation des frais financiers. – Charges indirectes par rapport au chiffre d’affaires. C. MENDOZA et R. ZRIHEN, « Du balanced scorecard au tableau de pilotage », Expansion Management Review, décembre 1999. Kaplan et Norton formulent dix recommandations pour mettre en œuvre un système efficace de tableau de bord prospectif : – Traduisez la stratégie en termes opérationnels. – Mettez en cohérence objectifs généraux de l’entreprise et objectifs décentralisés. – Faites de la stratégie le travail quotidien de chacun en fixant des objectifs personnels liés aux systèmes de primes. – Impliquez le personnel. – Faites de la stratégie un processus continu. – Montrez votre leadership pour forcer le changement. – Prenez toutes vos décisions en fonction de leur cohérence avec la stratégie. – Choisissez les bons indicateurs. – N’étouffez pas la créativité. – Ne déléguez pas le pilotage du tableau de bord. Cette liste montre toute la force que le tableau de bord prospectif peut engendrer dans l’entreprise à partir du moment où sont fortement présentes les idées de « balanced », c’est-à-dire d’équilibrage entre tous les acteurs (dirigeants, salariés, fournisseurs, clients, etc.) et de « cartes » par DAS, celles-ci étant destinées à stimuler chacun y compris jusqu’à l’attribution d’un bonus fondé sur des indicateurs globaux. 4. L’alignement managérial 4$ Exemple $! |\/ | Henderson et Venkatraman(44) suggèrent que le développement de la stratégie et des systèmes d’information doit être cohérent. C’est ce qu’ils appellent l’alignement managérial (FIT) entre la stratégie de l’entreprise et celle des systèmes d’information. Cela signifie que non seulement les décisions d’investissement en technologie de l’information (TIC) doivent être en phase avec les choix stratégiques, mais aussi que les orientations stratégiques doivent intégrer les potentialités des TIC, notamment en termes de création d’avantage concurrentiel. By Le développement d’une stratégie de flux tendu et de livraison en 24 heures dans un réseau de distribution implique bien évidemment des investissements conséquents en équipement des points de vente et en réseau. On comprend bien que la nécessité de cohérence dépasse la stratégie et les TIC, et intègre les autres facettes du management telles que les structures, les processus de gestion mais aussi les systèmes d’animation, notamment la culture de l’entreprise. Toutefois, cette recherche de cohérence n’est pas simple. Exemple Une grande firme de services aux entreprises, organisée en réseau, où les agences constituent une constellation de PME autonomes, avec leur directeur d’agence, véritable patron d’unité, ayant « son » personnel et considérant que les clients « appartiennent » à l’agence. Cette entreprise, dans le cadre d’une stratégie de différenciation par rapport à la concurrence, et de façon à intégrer son système d’information à celui de ses grands comptes, décide de se doter d’un logiciel intégré de gestion (ERP) permettant d’uniformiser tous les processus administratifs et notamment un accès des clients à ses bases de ressources humaines. L’entreprise doit faire évoluer ses structures, ses processus de gestion, ses habitudes mais aussi sa culture managériale ! |\/ | Dans le dernier exemple, il est clair que le problème ne se pose pas uniquement en termes de systèmes d’information. Il s’agit aussi d’assurer la cohérence non seulement entre stratégie et TIC, mais aussi entre TIC et structure, TIC et culture managériale et, enfin, entre TIC et compétences car, en l’occurrence, les responsables d’agence vont devoir faire évoluer leur métier. Exemple 4$ $! La performance durable d’une entreprise repose probablement sur cette capacité à mettre en cohérence (aligner) les différents aspects du management. By L’Oréal apparaît comme une entreprise où la stratégie d’innovation est en cohérence avec la structure floue et une culture centrée sur des comportements entrepreneuriaux(45). Figure 6.14. Le processus d’alignement managérial Dans une perspective de diagnostic d’entreprise, il est important, pour déterminer son potentiel de développement et sa véritable valeur, de porter un jugement sur le degré d’alignement managérial. En effet, une entreprise qui définit une stratégie et qui ne met pas en cohérence ses systèmes d’information, son organisation, ses processus et ses systèmes d’animation risque fort de gaspiller des ressources et de voir ses projets échouer. À titre d’illustration, le tableau 6.15 permet de mieux cerner la réalité de la réflexion de l’entreprise en matière d’alignement managérial. On ne saurait trop insister sur l’importance des éléments d’animation des hommes abordés dans le chapitre 7 et sur la nécessité de faire évoluer les pratiques et cultures managériales en matière de TIC notamment. Cela implique généralement qu’au-delà des investissements matériels en TIC, l’entreprise prévoie des investissements en formation permettant de faire évoluer les usages, les pratiques et les mentalités. Tableau 6.15. Un diagnostic de l’alignement managérial Degré d’alignement managérial Faible Fort By 4$ $! |\/ | Le plan stratégique de l’entreprise comporte un volet consacré aux implications de la stratégie en matière de TIC. La stratégie a été définie en tenant compte de l’impact des TIC sur l’avantage concurrentiel. Le directeur informatique fait partie du comité de direction ou du comité stratégique. La structure est définie en tenant compte des choix stratégiques. Une réflexion portant sur l’impact des TIC sur les modes de fonctionnement interne et sur les activités des managers a été engagée. Un plan de formation aux TIC a été prévu. 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 Mini-cas 1 : la mise en œuvre du business plan Le métier de chauffagiste amène à réaliser une large gamme d’interventions. La première d’entre elles consiste en l’installation d’appareils sanitaires (réfection de salles d’eau, ajout de colonnes, intervention sur les réseaux sanitaires ou thermiques, etc.). La deuxième gamme d’interventions recouvre le dépannage (réparation de fuites ou d’appareils défectueux, résolution de pannes). Enfin, la dernière gamme correspond à l’entretien (ramonage, détartrage, etc.). L’exercice de ce métier impose la maîtrise de différentes compétences, que ce soit en matière de plomberie, d’électricité ou encore de maçonnerie. Dans le cadre de l’installation, notamment thermique, les chauffagistes doivent par ailleurs posséder différentes accréditations. La première est délivrée par Qualigaz. Elle concerne la pose d’appareil thermique à gaz et le travail sur des conduits de fumée. La deuxième, obtenue en CAP de chauffagiste, est une certification de la capacité à travailler sur les réseaux électriques. Structure du marché et intervenants Le marché de l’installation, du dépannage et de l’entretien d’appareils thermiques se répartit entre deux types d’acteurs majeurs : les petites et moyennes industries (PMI) de moins de 10 salariés et les petites et moyennes entreprises (PME) d’environ 100 salariés. Les premières interviennent principalement auprès des particuliers. Elles sont généralement spécialisées soit dans l’entretien et le dépannage des appareils thermiques, soit dans l’installation complète des réseaux thermiques. Ce type de clientèle leur permet de limiter les investissements dans l’achat de matériel lourd et de recevoir les règlements des clients quasi au comptant. Les secondes gèrent généralement les gros chantiers dans le secteur du BTP. Elles travaillent directement avec des organismes tels que les HLM et les architectes responsables des gros projets. Du fait de l’ampleur des chantiers à mener et des délais dans les règlements, elles ont des besoins conséquents en fonds de roulement et en trésorerie. $! |\/ | Ces sociétés comptent principalement deux types de prestataires. Elles travaillent tout d’abord avec les banques de financement dans le cadre des installations d’appareils thermiques comme, par exemple, Pétrofigaz. Elles font par ailleurs bien évidemment appel à plusieurs fournisseurs généralement spécialistes d’une marque en particulier (De Dietrich, Feroli ou encore Friquelmilat, dans le domaine des chaudières). By 4$ Schéma récapitulatif des activités et intervenants Le projet de création d’entreprise M. Jean, employé dans une société de la région, décide de se mettre à son propre compte sans associé ou salarié. Chauffagiste depuis plus de dix ans dans la région de Fontainebleau, il a travaillé pour trois PMI différentes. Cela lui a permis d’intervenir sur des matériels de marques différentes. Il a complété sa formation initiale (CAP chauffagiste) et obtenu des accréditations dans la pose de gaz et les interventions sur les conduits de fumée. Au cours de ces années, il s’est toujours distingué par la qualité et la rigueur de son travail auprès des clients de la société. Client depuis plus de sept ans de la banque Fidelia, il décide de constituer un business plan en vue de l’obtention d’un crédit pour la création de sa société. Un entretien chez un expertcomptable de la région lui a permis de récupérer quelques informations sur le système des financements octroyés par les banques d’une part et des informations comptables à fournir d’autre part. Celui-ci lui a expliqué que, dans son cas, les banquiers étaient très attentifs à la situation bancaire du créateur d’entreprise, au secteur d’activité dans lequel il souhaite s’insérer et à la connaissance qu’il peut en avoir. Il lui a rappelé que les prêts étaient réalisés à hauteur de 80 % du matériel, sur des périodes de cinq ans généralement pour des taux d’emprunt de l’ordre de 4 % à 5 % hors frais de dossier. Ce prêt peut être complété par un emprunt CE PME dans les deux ans suivant l’obtention du crédit auprès de la banque principale. Le montant est compris entre 3 000 euros et 8 000 euros, pour un taux d’emprunt de 3,50 % hors frais de dossier. Il peut servir à financer le matériel mais également le fonds de roulement. Pour la réalisation de l’une des parties de son business plan, M. Jean a réuni plusieurs informations comptables rassemblées dans le tableau ci-après : Postes Descriptions Installation d’une chaudière à 9 909 €, et quatre contrats d’entretien à 660 € unitaire. Il faut compter 3 659 € pour l’installation d’une chaudière et 15 € pour un contrat d’entretien. Établi à 2601€, pince à emboîture à 2 481 €, coupe-tube à 92 €, scie à 24 €, enrouleur à 21 €, testeur à 77 €, clé à 45 €, meule à 20 €, mèche à 75 €. Voiture de société à 3 000 €, poste roller-flamme à 997 €, Achat du matériel amorti cintreuse 1 051 €, perceuse Hilti à 914 €, perforateur hilti à nécessaire à la création 1 300 €, mèche à 762 €, ordinateur à 2 286 €, imprimante à de l’entreprise 609 €. Téléphone 183 €, fournitures de bureau 23 €, petit outillage 64 €, Charges courantes par mois énergie 23 €, loyer 122 €, entretien matériel 213 €, assurances 191 €, publicité 198 €, frais de mission 534 €. Charges exceptionnelles sur Frais d’enregistrement de la société 1 256 € à la création, expertl’année comptable 1 524 € en fin d’année. Charges salariales par mois Estimation de 3 506 €. Apport personnel en début 15 245 €. de création Informations relatives aux Emprunt à la banque pour un montant de 4 500 € sur 3 ans. Taux charges financières d’emprunt : 6 %. NB : tous les montants communiqués dans ce tableau sont HT. By 4$ $! |\/ | Chiffre d’affaires prévisionnel par mois Achats marchandises lors des différentes interventions Achat du matériel non amorti nécessaire à la création de l’entreprise Questions 1. D’une manière générale, quand est-il nécessaire de réaliser un business plan ? À qui peut-il s’adresser et quels sont les objectifs principaux d’un tel document ? 2. M. Jean souhaite remettre un business plan à sa banque en vue de l’obtention d’un crédit pour la création de son entreprise. Quels sont les différents aspects qu’il devra aborder dans ce document ? Par ailleurs, quels arguments pourra-t-il mettre en avant le jour de son entretien afin de convaincre son banquier ? 3. À partir des évaluations faites par M. Jean, dressez le compte de résultat sur la première année, en n’omettant pas les dotations aux amortissements (amortissement linéaire sur 5 ans) et les charges financières. Mini-cas 2 : La nouvelle organisation décentralisée de Carrefour Profondément perturbé par le management à l’anglo-saxonne de la précédente direction, Carrefour France se met en ordre de marche. La nouvelle organisation sera annoncée courant mars. $! |\/ | Une fois réglé le recentrage géographique, Georges Plassat affirmant ce jeudi qu’il n’y aurait pas de nouvelles cessions d’actifs à l’étranger – même s’il y a des pays dans lesquels il y a des options stratégiques à prendre, a-t-il dit (la Pologne et la Turquie sont régulièrement cités par les observateurs) –, Carrefour France fait plus que jamais figure de priorité pour le P-DG du numéro deux mondial de la distribution. By 4$ « Si les recettes du passé avaient marché, on n’en serait pas là », a-t-il lancé, en affirmant qu’en France « il est incontournable de faire des changements ». Ceux-ci devraient être connus assez rapidement puisque Georges Plassat a indiqué qu’une nouvelle organisation de la filiale française, première contributrice au chiffre d’affaires et au résultat du groupe, sera annoncée dans le courant de ce mois de mars. Le client « au cœur de notre mode de pensée » D’ores et déjà, une chose est sûre, celle-ci sera fondée sur un principe de « décentralisation bien pensée, bien comprise », et bien dosée, a affirmé le patron de Carrefour. « La décentralisation n’est pas négociable et les anciennes méthodes doivent évoluer. Aujourd’hui, on doit avant tout penser client et (le) remettre au cœur de notre mode de pensée », a-t-il insisté. Il a notamment laissé entendre que l’organisation séparant les hypermarchés en trois catégories (petits, moyens et grands) serait abandonnée, au profit d’une organisation en « bassin » avec une approche multicanal. Entraîner les personnels, renforcer la diversité des ressources humaines, faire évoluer les organisations dans ces trois secteurs clefs que sont la logistique, les systèmes d’information et la gestion de l’offre : tels sont les chantiers sur lesquels travaillent Noël Prioux, le directeur exécutif de Carrefour France et ses équipes. Une autre politique de rémunération Mais qui dit décentralisation dit aussi une politique de rémunération différente, prenant en compte les nouvelles responsabilités des cadres, et notamment des directeurs de magasins. Sur ce point, Georges Plassat a précisé que les systèmes d’incitation (« incentive ») étaient en train d’être revus. C’est déjà fait pour les patrons de pays et en cours au niveau des cadres de la société. Cependant, a remarqué le P-DG du groupe, « on ne peut pas correctement intéresser à la performance sur des critères qualitatifs si les moyens disponibles dans les magasins ne sont pas là ». Comme pour les autres chantiers destinés à redresser le géant de la distribution, Georges Plassat a rappelé que son plan s’étalait sur trois ans, en appelant « à la discipline et à la patience ». Les syndicats, eux, sont vent debout contre la baisse de la participation en 2012 et demandent des comptes. A. Bourdet, « Carrefour prépare une nouvelle organisation décentralisée », Les Échos, 7 mars 2013. Questions 1. Quelles sont les raisons qui motivent la réorganisation ? |\/ | 2. En quoi la réorganisation est-elle alignée avec la nouvelle stratégie de Carrefour ? By 4$ $! 3. Sur quels principes la réorganisation repose-t-elle ? Chapitre 7 Le déploiement organisationnel Les compétences clés à acquérir : • Connaître les grandes formes de structures. • Repérer les principaux facteurs qui déterminent l’adoption d’une structure plutôt qu’une autre. • Envisager les rapports fondamentaux entre la structure et la stratégie. |\/ | • Savoir pourquoi la décentralisation tient une place centrale dans les entreprises et dans la théorie des organisations. $! • Comprendre pourquoi les structures de nombreuses entreprises évoluent vers des organisations en projet et en réseau. 4$ • Comprendre les principes sur lesquels sont fondées toutes les théories relatives à l’animation des hommes dans les entreprises. By • Identifier les différents styles de direction et en apprécier les effets sur les performances de l’entreprise. En tant que force ordonnatrice, la direction générale a pour tâche de modeler l’architecture globale de l’entreprise et de fixer des règles communes à tous les acteurs. Elle dispose d’un pouvoir pour diriger les collaborateurs tout en s’efforçant d’éveiller chez eux un véritable dynamisme. C’est pourquoi l’autorité dans l’entreprise perd son caractère disciplinaire pour se transformer en animation de personnes. L’application satisfaisante d’une stratégie implique l’adhésion du plus grand nombre des acteurs. Après avoir souligné les difficultés de mise en œuvre de la stratégie, nous verrons quels choix organisationnels sont pertinents puis nous mettrons l’accent sur la mobilisation nécessaire des équipes avant de conclure sur les formes que le processus organisationnel peut prendre. I. Les difficultés du déploiement L’analyse des orientations stratégiques a pu laisser entendre que les choix des entreprises étaient « purs » au sens où un diagnostic porté sur un domaine d’activité impliquait un choix et un seul. La plupart du temps, il n’en est rien : tout diagnostic doit être passé au crible des possibilités pratiques d’application. Ainsi, une volonté générale de spécialisation pourra prendre de nombreuses allures : renforcement exclusif d’une gamme, montée en puissance avec des investissements en communication de l’ensemble des produits du domaine, élagage de certaines branches et renforcement d’autres, etc. De même, le poids du passé (l’activité résulte-t-elle d’une ancienne acquisition ou constituait-elle le cœur de l’activité d’origine ?) et le degré de maturité du secteur dans lequel l’activité s’intègre auront de l’importance dans les choix opérés. Reprenons les trois grandes familles d’éléments qui viennent obérer la « simplicité » des choix stratégiques effectués, tant au niveau des DAS que du portefeuille d’activités. A. Les contraintes Il peut advenir que les technologies soient plus difficiles que prévu à développer, que les sources d’approvisionnement en matière de bonne qualité fassent défaut ou encore que des concurrents, jusque-là indépendants, se soient alliés. Exemples $! |\/ | Le groupe PSA s’est allié avec BMW en matière de moteurs hybrides et avec General Motors pour construire une plate-forme commune. De même, Renault s’est adjoint Nissan et Mercedes. La marque au losange fournit à Mercedes des moteurs 3 et 4 cylindres, en échange de quoi Mercedes lui fournit des moteurs 5 et 6 cylindres. 4$ Dans toutes ces situations, un nouveau diagnostic doit être mené car la situation concurrentielle a changé. By Comme nous l’avons déjà exposé, le processus stratégique est rétroactif : la mise en œuvre a toutes les chances d’enclencher un nouveau diagnostic de la situation. Mais, au-delà de cette idée générale, il convient ici de bien percevoir l’idée selon laquelle d’immenses et réelles difficultés naissent au moment où la décision stratégique est prise. Un double défi apparaît alors : – traduire dans les plans par fonctions les décisions prises et réaliser le mieux possible l’allocation des ressources qui permettra la mise en œuvre. Les conséquences sont financières (Où et comment investir ? Comment se financer ?), humaines (Qui embaucher ?), commerciales, matérielles (Quelles acquisitions réaliser ?) ; – informer, inciter et faire adhérer tous les acteurs de la mise en œuvre pour qu’ils acceptent les décisions prises et agissent dans le sens voulu. Le premier défi trouve sa réponse dans la qualité de la gestion courante relevant des diverses fonctions, le second a trait aux questions de structure, d’information, de style de leadership. De nombreuses dissonances peuvent intervenir entre les cinq grandes facettes de la stratégie de l’entreprise. Ces cinq facettes sont le fondement de l’avantage concurrentiel, la compétence distinctive, la stratégie affichée par l’entreprise, l’action stratégique réelle et l’environnement. Retenons surtout ici l’écart possible (fréquent) entre la stratégie officielle telle qu’elle est voulue par l’équipe dirigeante et l’action stratégique effectivement pratiquée. Il demeure que, pendant toute la démarche mise en œuvre par le stratège, celui-ci rencontre quatre écueils : • Vis-à-vis de son diagnostic : le stratège dispose d’une expérience, d’habitudes, de styles cognitifs, qui peuvent aisément le pousser à oublier une variable majeure, à se perdre dans un détail inutile. • Vis-à-vis de l’entreprise : le milieu dans lequel le stratège agit est vivant ; il est fait d’acteurs divers qui peuvent s’ingénier à perturber une vision a priori claire. • Vis-à-vis de l’information : l’excès est aussi dangereux que la pénurie, tout mono-éclairage (trop d’interne ou trop d’externe, trop de quantitatif ou trop de qualitatif) est porteur d’erreurs. • Vis-à-vis du temps et de l’argent : nous avons vu que la gestion de l’urgence réclame des conduites spécifiques. B. Le poids du passé Exemple By 4$ $! |\/ | L’attachement des dirigeants à certaines activités est plus ou moins fort. Ainsi, une activité en situation critique peut donner lieu, selon le cas, soit à une stratégie de redressement nécessitant de lourds investissements, soit à un désir de moissonner à très court terme. Dans un autre cas, lorsque la situation de l’activité est excellente, on peut assister à plusieurs sortes de réactions : proactives qui cherchent à toujours aller de l’avant en creusant encore les écarts (cas d’Apple aujourd’hui), ou seulement réactives qui attendent de découvrir l’intention des concurrents pour agir. Apple constitue un cas emblématique d’une entreprise guidée par son histoire. Née dans le concept de friendly user et se développant par innovation radicale régulière, Apple se trouve dans un chemin de développement tracé par son histoire. C’est un immense avantage qui peut devenir un redoutable inconvénient si un modèle donne des signes de défaillance. C. La maturité du secteur Elle est bien évidemment prise en compte dans le diagnostic mais, ici encore, selon les cas, les entreprises réagiront différemment. Lorsque le secteur est en phase de lancement, certains vont se précipiter pour « innover », d’autres attendront quelque peu pour « copier » ; d’autres encore laisseront les standards techniques se stabiliser pour intervenir. Dans un secteur en déclin, une entreprise peut vouloir privilégier la paix sociale du groupe et ne pas désinvestir, une autre peut recentrer brutalement ses activités. D. Et aujourd’hui ? Naturellement, on s’interroge avec beaucoup de gravité pour savoir si la notion de stratégie s’est modifiée avec les événements des dernières années : éclatement de la bulle Internet, retour à la « nouvelle économie réelle », climat international conflictuel, crise des subprimes et crise financière puis économique, crise des pays émergents, chute des prix du pétrole. Les réponses proposées sont résolument positives : oui, quelque chose a changé. L’ancienne stratégie, qui consistait à s’appuyer sur ses compétences fondamentales pour déterminer les marchés dans lesquels l’entreprise pourrait se déployer encore mieux, a vécu. La stratégie est devenue simple, organisationnelle et temporelle. Elle est simple car, pour dominer les changements brutaux, amples et les situations incertaines, il suffit de se fixer quelques règles de base pour mettre en œuvre un ou deux processus stratégiques. C’est le back to basics. Elle est organisationnelle car on met l’accent plus sur l’application, la mise en œuvre, que sur le choix. L’important – à la limite – n’est pas d’avoir une bonne stratégie mais d’avoir choisi la meilleure équipe pour la réaliser. L’organisation est elle-même une stratégie. Elle est temporaire car plus rien n’est durable. On sait que l’on ignore combien de temps un avantage concurrentiel résistera. La bonne stratégie à un moment donné sera la combinaison des petites évolutions (qui interviennent fréquemment) concernant la technologie, la marque, les marchés, la production, etc., de changements plus importants (ils seront moins fréquents) et enfin de bouleversements radicaux qui sont beaucoup plus rares. By 4$ $! |\/ | Les pertes de repères font dire que la stratégie entre dans le cadre du théâtre d’improvisation. Plus rien n’est jamais planifié à l’avance. L’entreprise se donne un thème général (cibler les marchés émergents par exemple), dans un théâtre d’opération original (surtout pas le marché actuel), définit des acteurs qui acceptent de ne pas être dans le rôle habituel, recherche un public (les clients mais aussi les fournisseurs, les investisseurs, le personnel, etc.) et s’engage, sans savoir véritablement où elle va, en élaborant des versions successives de l’histoire dont elle ne connaît pas a priori la forme. II. Les choix organisationnels Une organisation interne d’entreprise résulte bien sûr de son histoire, de son activité, des hommes qui la composent. Mais en pratique, le manager est confronté à cinq choix fondamentaux lorsqu’il définit une structure ; ces choix seront successivement abordés (figure 7.1) : • Comment spécialiser le travail ? • Où situer l’autorité ? • Jusqu’où faut-il décentraliser ? • Comment coordonner ? • Quel équilibre trouver entre différenciation et intégration organisationnelles ? Figure 7.1. Structures : les cinq choix fondamentaux A. La spécialisation du travail $! |\/ | Il est nécessaire, dans une structure, de spécialiser les opérations dès que les tâches se répètent et qu’une seule personne ne suffit pas pour y faire face. La spécialisation des tâches a une traduction horizontale (spécialisation fonctionnelle) et une traduction verticale (nombre de niveaux hiérarchiques). 4$ 1. La spécialisation horizontale du travail By La spécialisation des tâches se justifie par des considérations économiques. On considère généralement que la spécialisation est synonyme de productivité. En effet, plusieurs avantages sont associés à la spécialisation des tâches. Mais, attention, les spécialistes de l’organisation savent qu’elle ne présente pas que des attraits. 2. La spécialisation verticale du travail et l’éventail de subordination Sur un plan arithmétique, à effectif constant, le nombre de niveaux hiérarchiques d’une organisation dépend de l’éventail de subordination de chaque chef, c’est-à-dire du nombre de collaborateurs que chacun supervise. La tendance actuelle des entreprises est à la réduction du nombre de niveaux hiérarchiques, pour des raisons d’économies de coûts comme par souci de développer la réactivité de l’organisation. Les niveaux intermédiaires (le middle management) jouent cependant un rôle essentiel dans la communication des orientations stratégiques. Exemple La Société Générale élague son organisation pour gagner en efficacité en passant de cinq métiers à trois. La banque regroupe ainsi dans un seul pôle la banque de détail et les services financiers à l’étranger et crée un nouveau pôle qui chapeaute la banque d’investissement ainsi que la banque privée et la gestion d’actifs. B. La répartition de l’autorité L’autorité est le pouvoir de commander c’est-à-dire de contraindre, d’obliger, de diriger, bref de donner des ordres. Elle trouve sa source dans le statut de celui ou celle qui l’exerce, mais également dans les connaissances possédées ou encore dans une forme de charisme (autorité personnelle). Les diverses modalités de répartition de l’autorité se fondent sur des principes distincts qui s’opposent mais qui parfois aussi se combinent. Quatre types sont identifiés. 1. L’autorité hiérarchique C’est la première forme d’autorité à laquelle on peut penser : chaque subordonné ne dépend que d’un seul chef, c’est l’application de la ligne hiérarchique. On assiste à un empilage de responsabilités très cloisonnées. Les avantages sont évidents ; la plus grande clarté règne dans l’organisation. Discipline et contrôle sont facilités par la recherche en cascade des responsabilités. La coordination et la communication sont les points faibles d’une telle construction. |\/ | 2. L’autorité fonctionnelle 4$ $! Taylor fut le défenseur de l’autorité dans la spécialité, également appelée autorité fonctionnelle. Pour être efficace, il convient d’être spécialisé ; c’est vrai de l’ouvrier à son poste de travail, mais cela s’applique aussi à l’encadrement. By Chacun ne dispose pas d’une autorité générale, mais d’une autorité dans sa spécialité. Plusieurs générations après Taylor, ce principe d’autorité est toujours de grande actualité : la recherche d’une flexibilité généralisée dans l’entreprise et d’une parfaite réactivité incite à donner le pouvoir à l’acteur le plus compétent pour un problème déterminé, à un moment donné, sur un lieu précis. La rapidité décisionnelle s’améliore, l’autorité s’exerce plus efficacement. 3. L’autorité hiérarchico-fonctionnelle Les deux schémas précédents révélant des limites, il paraît judicieux de tenter de les combiner. Le principe est celui de la double ligne d’autorité : staff and line. Une ligne dispose d’une autorité générale, hiérarchique (line : pouvoir de commandement), une autre dispose d’autorité dans la spécialité (staff : pouvoir d’expertise, de conseil). Unité de commandement et autorité dans la spécialité ne sont pas antinomiques, si on donne à la seconde l’acception d’influence, d’ascendant. On trouve alors dans l’entreprise deux catégories d’individus, qui constituent les deux lignes. La ligne hiérarchique est celle des décideurs, elle est composée des opérationnels ; parmi ceux-ci règne une unité de commandement très nette. La ligne de conseil est formée des fonctionnels qui étudient, proposent, suggèrent, mais ne décident pas. Tel est le royaume des états-majors : conseil en marketing, auditeurs, responsables de la prévision, de la planification, conseils en recherche opérationnelle. Parfois, en pratique, un responsable cumule une double casquette : hiérarchique, pour une partie de son activité (son service) ; fonctionnelle, pour une autre. Les lignes, de cette façon, s’interpénètrent. À force de réduire les hiérarchies, d’accumuler les tâches de cadres toujours moins nombreux, il était logique d’assister à une telle abolition des frontières entre les deux lignes. L’avantage du procédé est très net. Lorsqu’une organisation dépasse une certaine taille et un degré de complexité donné, il n’est pas commode d’avoir deux lignes de responsabilités bien individualisées. Certains cadres au sein de la ligne hiérarchique possèdent un bon niveau d’expertise sur un sujet donné et, dans ce cas, ils disposent d’une autorité hiérarchique sur leurs équipes et d’une autorité fonctionnelle sur tous ceux à qui ils donnent des conseils. Les inconvénients résident dans tous les dangers de perversion du système, essentiellement dus aux mauvaises relations entre les opérationnels et les fonctionnels. Des conflits latents menacent en raison des objectifs divergents de chacune des deux catégories d’acteurs. Exemple $! |\/ | Dans la grande distribution, un propriétaire de magasin (autorité hiérarchique sur toutes les personnes dans son magasin) est chef de file d’une catégorie de produits et a une autorité de conseil sur tous les acheteurs des autres magasins pour le produit en question. Les spécialistes sont établis, mais leur autorité se restreint à un pouvoir de conseil, d’expertise. Exemple By 4$ Certaines entreprises choisissent de confier également aux spécialistes une complète autorité fonctionnelle. Dans ce cas, le responsable fonctionnel possédera sur les services opérationnels une autorité limitée à son domaine d’expertise. Certains directeurs des ressources humaines possèdent une autorité fonctionnelle en matière de licenciement, ce qui signifie qu’un directeur de production ne pourra pas prendre une telle décision. 4. L’autorité éclatée Les conditions d’exercice de l’autorité se transforment, car le niveau de formation des employés devient plus élevé et l’aspiration à l’autonomie plus grande. En outre, les nouvelles technologies de l’information et de la communication se perfectionnent, tandis que se renforcent les délocalisations devenues planétaires. Il en résulte un profond besoin de modifier l’art de décider, d’animer, de motiver tous les groupes d’acteurs composant une firme. Les modèles anciens sont dépassés. Les organisations sont morcelées ; elles présentent divers centres. Les structures de chacun d’entre eux sont plus plates, plus lisses, plus motivantes mais en même temps plus exigeantes pour l’individu, plus stressantes et donc plus menaçantes. C. La décentralisation Nous avons constaté qu’existent, dans les entreprises différents niveaux hiérarchiques, car, pour des raisons d’efficacité, une direction générale dont les capacités sont limitées ne peut pas conserver tout le pouvoir. La complexité, la spécialisation des tâches imposent un premier partage de l’autorité. À ces premières raisons s’ajoute un autre motif : l’attribution du pouvoir à des degrés divers, c’est-à-dire la décentralisation qui stimule les initiatives des collaborateurs et développe leur goût des responsabilités, bref qui constitue un puissant facteur de motivation. On retrouve ici la logique de la différenciation entre les orientations stratégiques business (au sein d’une division) et les orientations stratégiques corporate (l’entreprise, le groupe dans son ensemble). 1. Les définitions et les caractéristiques La décentralisation est une notion complexe. Elle doit être entendue comme la division du travail de direction. Elle ne se confond pas avec la délégation (confier à un subordonné un objectif précis et les moyens d’y parvenir). Une entreprise est décentralisée si le pouvoir de décision de la direction générale est réparti. Plusieurs formes de décentralisation peuvent être distinguées : |\/ | • La décentralisation verticale. Elle est caractérisée par une dispersion du pouvoir formel vers le bas de la ligne hiérarchique. C’est aussi la forme la plus banale. 4$ $! • La décentralisation horizontale. Le pouvoir de décision quitte la ligne hiérarchique et est recueilli par les fonctionnels. Ainsi, la ligne hiérarchique ne dispose plus seule du pouvoir de décision. By • La décentralisation sélective. Certaines décisions (finance) sont prises par la direction, d’autres (production) par la ligne hiérarchique. • La décentralisation globale. Un niveau déterminé de la hiérarchie s’occupe de l’ensemble des décisions, cette solution constituant d’ailleurs un cas limite. Il appartient à la direction générale de déterminer quelle(s) est (sont) la (ou les) forme(s) de décentralisation qui convient (conviennent) le mieux. Des contraintes existent. On assiste, de manière générale, à une forte centralisation des fonctions de support. Exemple Si les analystes disposent de certains pouvoirs verticalement, l’entreprise est centralisée car les experts ne sont en contact qu’avec la direction. Ce peut être le cas des services partagés. Dans les entreprises disposant de plusieurs divisions ou de plusieurs sites, une bonne méthode pour mettre en œuvre des économies d’échelle dans les fonctions de support consiste à créer un centre de services partagés. Ce centre dédié au contrôle de gestion, à l’informatique ou encore aux analyses juridiques regroupe des experts de haut niveau qui prennent des décisions ou formulent des propositions. 2. Les raisons et les conséquences Un certain degré de décentralisation s’impose d’abord pour des raisons négatives : la centralisation absolue porte en elle-même des limites évidentes et appelle la division du pouvoir. Mais la décentralisation présente aussi des avantages non négligeables. D’abord, elle améliore la qualité des décisions prises, en évitant de longs circuits de transmission d’informations. Ensuite, la décentralisation constitue un puissant élément de motivation. Les individus estiment qu’ils peuvent mieux dominer leur métier ; leurs responsabilités sont plus étendues. En pratique, le choix effectué par les dirigeants consiste à comparer les atouts respectifs de la décentralisation et de la centralisation (tableau 7.1). Tableau 7.1. Décentralisation et centralisation : les avantages respectifs Décentralisation Centralisation |\/ | 1. Confère une perspective globale aux décisions prises. 2. Facilite la cohérence des décisions prises dans les services. 3. Permet de réagir vite sans consultation des services. 4. Renforce l’uniformisation des politiques et des pratiques de gestion. By 4$ $! 1. Améliore la qualité des décisions par leur adaptation au contexte. 2. Permet une réactivité plus forte grâce à un circuit d’information plus court. 3. Facilite l’adaptation à un marché, à une situation locale. 4. Autorise des expériences locales et limite ainsi les risques. 5. Développe la motivation des cadres et des personnels. 6. Renforce l’identification des équipes au service. 7. Accroît la stimulation interpersonnelle et inter-service. 8. Limite les risques de perte d’un homme clé. 9. Développe l’aptitude au management global. 10. Libère la direction générale pour les questions stratégiques. • Constitue un facteur de différenciation organisationnelle. 5. Évite la duplication des fonctions. 6. Autorise le recrutement de cadres spécialisés de haut niveau. 7. Valorise les cadres détenteurs d’un pouvoir centralisé. 8. Facilite la coordination entre les services. 9. Facilite le contrôle. 10. Réduit les risques liés à la confidentialité de l’information. • Constitue un facteur d’intégration organisationnelle. Il est essentiel de relever que la décentralisation ne se décrète pas sans préparation et sans un étude des différents facteurs (tableau 7.2). Tableau 7.2. Les facteurs de décentralisation et de centralisation 4$ Exemple $! |\/ | Elle ne peut déployer tous ses effets que si elle est précédée puis accompagnée de diverses actions. La première consiste à former le personnel. Plus les cadres et les employés sont qualifiés, plus la décentralisation a des chances de réussir. Ensuite, il est impératif de mettre en place des procédures très strictes de contrôle. La décentralisation ne va pas sans une vérification du respect des méthodes et des résultats. L’inverse est d’ailleurs vrai : une forte centralisation implique moins de contrôle. By Danone, tant sous l’autorité du patron fondateur qu’actuellement, a toujours centralisé le stratégique et décentralisé l’opérationnel. D. La coordination Plus une entreprise est importante, plus la spécialisation est forte ; plus l’autorité y est éclatée, plus les problèmes de coordination se posent avec une acuité particulière. Les questions de coordination sont particulièrement importantes. La mauvaise coordination entre services se traduit par des dysfonctionnements coûteux. C’est probablement aujourd’hui la source majeure des dysfonctionnements organisationnels. 1. Les mécanismes de la coordination La coordination a pour objet d’ajuster les éléments de la structure, aussi bien horizontalement que verticalement. Comme une force vitale, la coordination maintient ensemble les diverses parties et les différents acteurs de la firme. Selon Mintzberg, trois mécanismes caractérisent la coordination. a. L’ajustement mutuel Puisque la décision est généralement collective, puisque l’exécution suppose aussi l’intervention de plusieurs personnes, il convient que les intéressés se consultent et fassent l’effort de s’adapter les uns aux autres, par le moyen d’une communication généralement informelle. On échange des savoirfaire sous contrôle de la hiérarchie. Pratiquement, l’ajustement mutuel se traduit par des contacts directs (téléphone, rencontre, courrier électronique, etc.). Il est efficace si les personnes concernées ont la volonté de trouver une solution. Lorsque la coordination par ajustement mutuel ne fonctionne pas, on a recours à la supervision directe. b. La supervision directe Elle s’exerce dans le cadre de rapports hiérarchiques. Le supérieur donne des ordres, des instructions aux subordonnés et il vérifie l’accomplissement du travail. C’est dans un tel cadre que la fonction de contrôle s’exerce, qui, nous l’avons constaté, se développe lorsque la direction générale partage son pouvoir avec ses collaborateurs (décentralisation). Si la hiérarchie est trop fréquemment sollicitée, elle est débordée. Le besoin de standardisation apparaît. c. La standardisation du travail $! |\/ | Ce mécanisme intervient lorsqu’il s’agit de rationaliser l’organisation du travail. La standardisation est le fait des services fonctionnels, de la technostructure, du siège. Quatre modes de standardisation sont observables et jouent un rôle de coordination : 4$ • La standardisation des procédés vise à préciser et à programmer le contenu des tâches (normes techniques). Exemple : le manuel de procédure dans un service production ou dans un service administratif. By • La standardisation des résultats a pour but de définir avec soin les caractéristiques d’un produit (cahier des charges) ou le niveau des performances à atteindre (élaboration d’un système d’objectifs). Exemple : la fixation du taux de rebut dans divers ateliers. • La standardisation des qualifications consiste à énumérer les savoir-faire nécessaires pour exécuter un travail (profil de poste). Exemple : la définition précise des profils de formation requis. • La standardisation des normes, des valeurs édictées pour l’ensemble de l’organisation, chaque membre de l’organisation travaillant à partir d’un ensemble commun de données ou de croyances. Exemple La création d’universités d’entreprise ou de chartes visent à la diffusion d’une culture, de valeurs communes. Au fur et à mesure de la croissance de l’entreprise, les différents modes se succèdent. Dans la petite entreprise ou au sein d’un groupe de taille modeste, l’ajustement mutuel est efficace. Quand les arbitrages sont nécessaires, quand l’allocation des ressources l’impose, la supervision directe est mobilisée. La croissance des effectifs, la répétitivité des tâches et des problèmes à résoudre conduisent à utiliser les différentes formes de la standardisation. Mais confrontés à des situations exceptionnelles, les managers sont contraints de revenir à l’ajustement mutuel. Figure 7.2. La succession des mécanismes de coordination 2. Les comités 4$ $! |\/ | La coordination peut se faire soit de façon présentielle, soit de façon distante. La tendance actuelle, qui s’appuie sur les outils collaboratifs et partagés, est à la coordination à distance. L’ajustement mutuel se fait de façon complémentaire par courrier électronique et par téléphone dans les équipes virtuelles ou éclatées. Les ordres des managers (la supervision directe) sont communiqués par courriers électroniques ou à l’occasion de conférences téléphoniques, de visioconférences ou de « webinaires » (conférences en ligne). Les modes de standardisation (procédures, résultats à atteindre, formation des personnels, valeurs) sont de plus en plus fréquemment disponibles sur l’intranet de l’entreprise. De même, la transmission des valeurs se fait dans les grandes entreprises au travers de visioconférences mondiales, dont les morceaux choisis sont ensuite mis en ligne sur l’intranet. By Lorsque la complexité ou l’urgence d’un problème fait que celui-ci est difficilement soluble par une des cellules de la structure habituelle, la question est confiée à un comité (un « groupe de travail »). C’est bien évidemment le cas lors de la définition des orientations stratégiques. Dans les entreprises, les comités sont souvent fort nombreux et variés. Certains ont des compositions très précises avec président, rapporteur, secrétaire ; d’autres rassemblent simplement ceux qui sont concernés par le problème étudié. Les uns sont permanents et se réunissent à période fixe pour traiter la question qui leur a été attribuée : comité de direction, comité de sécurité, comité de développement. Les autres sont temporaires et cessent lorsque leur objectif est atteint : comité de lancement d’un produit, comité de préparation d’une inauguration, comité de résolution d’un conflit. On peut encore opposer les comités selon leur rôle, qui va de la simple information à la décision en passant par la consultation. Le fonctionnement et les difficultés diffèrent dans chaque cas. Le travail en groupe est un excellent facteur de coordination. Les informations circulent mieux et plus rapidement ; les conséquences des décisions de l’un sont immédiatement connues de tous ; les risques de conflits sont éliminés avant leur apparition. La pratique doit cependant en être prudente et modérée. Le comité a facilement tendance à engendrer, chez les participants, un sentiment de frustration dû à une sensation d’inefficacité. Au surplus, une véritable dynamique de groupe risque de perturber le fonctionnement d’un comité. C’est pourquoi les réunions doivent être soigneusement préparées, et leur composition définie avec rigueur pour éviter les écueils traditionnellement constatés (tableau 7.4). Tableau 7.3. Les comités Avantages Inconvénients • Favorise la circulation de l’information. • Constitue un excellent moyen de coordination directe. • Évite et permet de régler les conflits. • Confère une vue plus large aux problèmes étudiés. • Permet une créativité plus grande. • Consomme beaucoup de temps. • Coûte en organisation et en fonctionnement. • Risque de frustrer les non-participants. • Risque de frustrer les participants si le comité est inefficace. • Privilégie les solutions conformistes plutôt qu’innovatrices. • Développe l’implication des participants, • Risque de manipulation du groupe par un l’acceptation et la mise en œuvre des décisions leader non représentatif. prises. Tableau 7.4. Réunions : les critiques des managers et les solutions $! 4$ • Mal préparées, ordre du jour flou. • Débutent en retard, trop longues, ne finissent pas à l’heure. • Évaluer le coût de chaque réunion, ne les organiser que lorsque les autres moyens de coordination sont inefficaces. • Calculer le coût de la réunion et l’imputer en comptabilité analytique au service qui l’organise. • Adresser avant la réunion un ordre du jour précisant ce qui doit être préparé par chacun, prévoir des supports visuels de présentation. By • Trop nombreuses, souvent inutiles. Recommandations |\/ | Critiques • Fixer sur la convocation un horaire précis de début et une durée réaliste (1 heure à 1 heure 30). • Désigner un rapporteur de la réunion chargé de diffuser par courrier électronique le compte rendu de la réunion dans les 24 heures, précisant ce que chacun doit faire ainsi que les échéances. • Participants mal choisis. • N’inviter que les participants concernés. • Pas de compte rendu, pas de suivi. 3. Les agents coordinateurs Au sein de la structure, des postes sont réservés à des responsables dont la tâche est d’assurer une coordination entre les fonctions et les services. Sans autorité sur la ligne hiérarchique, ces cadres fonctionnels conseillent, mettent en présence et ont souvent une responsabilité très précise, contrairement aux fonctionnels purs. Exemples Le responsable de l’« industrialisation », dans une entreprise produisant en série des téléphones, se voit confier la lourde tâche d’assurer la coordination entre le laboratoire qui réalise des prototypes et la fabrication qui doit les transformer en produits standard. Le chef de produit dans une entreprise de cosmétiques a la responsabilité directe du chiffre d’affaires réalisé et, dans cette perspective, assure la jonction entre les études de marché, la publicité, la promotion, l’administration des ventes, les merchandisers. Le directeur de projet, dans l’industrie automobile, qui dispose pleinement (ou partiellement) de la responsabilité de la mise en place puis de l’animation de toutes les instances de coordination mobilisées par le lancement d’un nouveau modèle. 4. Les systèmes d’information |\/ | Les systèmes d’information, et particulièrement les ERP (Enterprise Resource Planning) ou progiciels de gestion intégrés (PGI), dont sont dotées les grandes entreprises constituent un puissant facteur de coordination et d’intégration. 4$ $! À partir d’une base de données unique, donc génératrice d’une puissante intégration informationnelle, toutes les fonctions, et ceci dans les sites du monde entier, construisent leur suivi de gestion grâce à des modules compatibles. Les éléments de choix des décisions, le contrôle, le reporting s’inscrivent dans des cadres homogènes. Le langage s’unifie. By Les réseaux intranet, pour ce qui est de la communication, agissent dans le même sens. Une base de données centrale permet à chacun de puiser, en temps réel, la bonne information auprès du bon émetteur. Les codes s’harmonisent, les comportements se retrouvent, la culture se transmet. La coordination se renforce. Les réseaux sociaux internes constituent une parfaite illustration de ces possibilités. E. L’équilibre différenciation-intégration organisationnelles Spécialiser les tâches, diviser le travail, décentraliser les décisions, c’est introduire de la différenciation (au sens organisationnel) et développer des forces centrifuges qui conduisent à l’éclatement de l’entreprise et à la perte de son identité. Ces tendances qui remettent en cause l’unité de l’entreprise doivent être compensées par des mécanismes d’intégration. 1. La différenciation À partir du moment où l’on regroupe certaines activités, les personnes qui en ont la charge en deviennent progressivement des spécialistes. Le fait de fractionner les activités au sein d’une organisation induit nécessairement l’apparition de comportements et fonctionnements spécifiques à l’unité. C’est ce que l’on appelle les effets de « différenciation organisationnelle ». Figure 7.3. La différenciation organisationnelle |\/ | a. Les causes de la différenciation organisationnelle 4$ Les objectifs $! Trois causes de la différenciation méritent d’être développées : By Dans une organisation, chaque service doit atteindre des objectifs qui lui sont spécifiques et qui orientent son activité. On comprend aisément qu’à chaque type d’objectif correspondent des préoccupations, une organisation et des fonctionnements différents. L’environnement Chaque service est confronté à un environnement qui lui est propre et qui possède des caractéristiques spécifiques. Ces caractéristiques peuvent s’exprimer de différentes façons, en termes d’incertitude, de normalisation. Il apparaît naturel que du seul fait des acteurs auxquels le service est confronté, des effets de différenciation voient le jour. L’activité Le comportement des individus et le fonctionnement des services sont influencés par la nature même de l’activité du service. On ne traite pas de la même façon, d’une part, la conception d’une campagne publicitaire et, d’autre part, la préparation des documents comptables annuels. b. Les manifestations de la différenciation La différenciation interservices apparaît concrètement sous diverses formes. Certaines sont relatives au comportement des individus ; d’autres, à l’organisation des services : La différenciation des comportements des individus Les différences de comportements individuels se manifestent à des niveaux aussi variés que : – le langage. Il est aisément vérifiable que les langages utilisés dans les différents services varient ; – les référentiels. Les références conceptuelles, c’est-à-dire les schémas cognitifs utilisés par les responsables pour raisonner et pour résoudre leurs problèmes, varient d’un homme à l’autre, d’un service à l’autre. Cela s’explique à la fois par les formations différentes (formation d’ingénieur, de manager, de commercial, de contrôleur de gestion, etc.) et par la nature des objectifs prioritaires que chaque responsable doit atteindre ; – les horizons temporels. Selon les départements de l’entreprise, les hommes raisonnent à des échéances différentes. L’horizon temporel précise l’échéance dominante à laquelle les individus réfléchissent et selon laquelle ils décident ; |\/ | – les valeurs. D’un service à l’autre, les valeurs auxquelles les personnels sont implicitement ou explicitement attachés différent. Dans certains cas, le respect des règles, l’honnêteté, la ponctualité, la maîtrise des délais apparaissent comme étant primordiaux, alors que dans d’autres cas, seul le résultat est primé, quels que soient les moyens mis en œuvre ; 4$ $! – les tenues vestimentaires. Dans les entreprises qui ne pratiquent pas l’uniforme, on relève des différences notables dans les tenues vestimentaires d’un service à l’autre. La différenciation de l’organisation des services By La différenciation de l’organisation interne propre à chaque service peut se manifester sous tous les aspects du management. Les méthodes de travail, la formalisation des relations, les modalités de répartition des responsabilités, le recours à des procédures, les méthodes de contrôle vont souvent varier de façon notable d’un service à un autre. La forme structurelle change au sein d’une même organisation. Exemple La standardisation est plus fréquente dans des services de sécurité, où les procédures sont nombreuses, que dans la recherche ou la création publicitaire du fait de la nature de l’activité. La formalisation est très forte dans un service de contrôle ou d’audit, alors qu’elle est moindre dans un service des ventes. c. Les conséquences de la différenciation La différenciation organisationnelle a un impact notable sur le fonctionnement quotidien de l’organisation. Ces conséquences sont ambivalentes, car elles sont à la fois positives et négatives. Sans différenciation organisationnelle, les services ne pourraient pas atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Ils seraient inadaptés à leur environnement et aux spécificités de leur activité. La différenciation constitue donc une nécessité au service de l’adaptation de chaque entité de l’organisation à ses contraintes propres. Cependant, en développant des fonctionnements spécifiques à chaque service, en favorisant les différences comportementales des individus, la différenciation provoque une balkanisation de l’entreprise. Chaque service, en sécrétant ses propres langages, méthodes, organisations, valeurs, etc., a tendance à se refermer sur lui-même et à s’éloigner des autres services. Il en résulte inévitablement des difficultés de communication. La différenciation est donc une cause d’incompréhensions et de conflits entre les services. Lorsque les objectifs, les langages, les modèles conceptuels sont différents, voire antinomiques, très vite apparaissent des conflits entre les personnes, et le besoin d’intégration se fait sentir. 2. L’intégration organisationnelle |\/ | L’intégration est nécessaire pour maintenir unité et cohérence dans le fonctionnement de l’entreprise. Elle permet de prendre en compte le caractère transversal des relations entre services. By 4$ $! Le terme d’intégration est plus large que celui de coordination. La coordination fait référence au mécanisme formel permettant de rendre cohérentes et de synchroniser les actions des services. L’intégration est plus large dans la mesure où elle prend en compte le comportement des individus et leur volonté de coopérer afin de résoudre les conflits interservices tout en défendant les intérêts globaux de l’entreprise. Les mécanismes d’intégration sont nombreux et complémentaires. On ne peut, pour terminer, que souligner le rôle essentiel que jouent aujourd’hui les TIC sur le plan de l’intégration organisationnelle. Elles interviennent de façon transversale en rendant l’information disponible, en la transmettant en temps réel, indépendamment des localisations géographiques. Les choix organisationnels que nous avons présentés trouvent leur logique de fonctionnement efficace dans la recherche d’une habile combinaison entre la différenciation et l’intégration. Dès lors que plus d’une personne accomplit les tâches d’encadrement dans une entreprise, la nécessité de division des tâches s’impose ; aussitôt, le corollaire, le besoin de coordination apparaît. Trop diviser c’est sans doute responsabiliser et motiver, mais qu’en est-il alors de la nécessaire unité ? Trop coordonner, c’est évidemment assurer une bonne intégration, mais qu’en est-il de la différenciation stimulante et source d’innovation créatrice ? La direction générale a pour rôle essentiel d’assurer l’équilibre de la « balance organisationnelle » représentée dans la figure 7.4. Nous sommes ici au cœur de la double logique organisationnelle, au centre du plus profond débat. L’art du management consiste, entre autres prouesses, à définir le bon dosage entre, d’une part la différenciation qui stimule, dynamise, ouvre les portes de la responsabilité, et d’autre part l’intégration qui raffermit, recentre, montre la voie de l’unité. Figure 7.4. La balance organisationnelle III. Les configurations structurelles A. Les composantes de l’organisation L’organisation peut être schématisée par une ligne hiérarchique décomposée de haut en bas en trois parties : |\/ | – le sommet stratégique qui fait en sorte que l’organisation remplisse la mission de façon efficace et qu’elle serve les besoins de ceux qui la contrôlent ou qui ont sur elle du pouvoir ; c’est à ce niveau que se définissent les orientations stratégiques ; – la ligne hiérarchique : de la direction générale à la maîtrise ; $! – le centre opérationnel chargé d’accomplir le travail de production. 4$ La ligne de conseil se compose de la technostructure qui aide l’organisation en standardisant les procédures et des fonctions logistiques qui offrent des supports au centre opérationnel. By Cette représentation graphique de base témoigne en fait de deux préoccupations de Mintzberg : les modes d’ajustement et les modes de standardisation. Elle reprécise, une fois encore, la notion d’organisation qui est la somme totale de la façon dont on divise le travail et dont on coordonne les tâches qui résultent de cette division. Comme le précise par ailleurs Mintzberg, c’est le deuxième aspect qui en fait pose problème. Dans la pratique, chacune des cinq composantes de l’organisation essaye de tirer cette dernière dans la direction qui est la plus favorable à ses intérêts : – le sommet stratégique est, avant tout, guidé par des considérations d’ordre entrepreneurial ; – la ligne hiérarchique promeut la construction d’une bureaucratie divisionnalisée ; – le centre opérationnel défend des intérêts en termes de professionnalisation ; – la logistique, composée des fonctionnels de soutien, préfère l’adhocratie où ce sont des professionnels qui constituent la partie clé de l’organisation ; – la technostructure, préoccupée essentiellement par l’efficacité et qui milite par conséquent pour l’établissement d’une bureaucratie mécaniste, où la standardisation – mission de la technostructure – constitue le mécanisme essentiel de coordination de l’organisation. L’organisation apparaît ainsi comme soumise à des forces qui l’écartèlent. C’est ce constat qui fait dire à Mintzberg que, dès lors, toute organisation présente des tendances à l’éclatement. B. Les configurations de Mintzberg Pour Mintzberg l’organisation des entreprises peut se résumer en six grands types de configuration. Figure 7.5. L’organisation selon Mintzberg Elles se distinguent principalement par les mécanismes de coordination et correspondent à des facteurs de contingence (âge et taille de l’entreprise, technologie, environnement) différents : 4$ $! |\/ | • La configuration simple est naturellement adoptée par les petites entreprises où le patron est à la fois le leader, le propriétaire et le manager. Ces structures se distinguent par leur caractère informel (l’organigramme y est rare), le commandement direct, et souvent la nonorganisation. La centralisation va de pair avec la réactivité et la stratégie entrepreneuriale est le fait du dirigeant. By • La configuration mécaniste, également dénommée bureaucratie industrielle, se rencontre dans les grandes entreprises industrielles (usines de production) et de services (restauration rapide) où les tâches sont répétitives. Le travail y est rationalisé, les procédures très nombreuses, la spécialisation des tâches forte (pouvant aller jusqu’au travail à la chaîne). Les services appliquent aujourd’hui ce type d’organisation hérité de l’organisation scientifique du travail. • La configuration professionnelle ou bureaucratie professionnelle est présente dans les hôpitaux, les universités ou encore les entreprises de service où l’activité repose sur le professionnalisme des « producteurs » (les médecins, les professeurs, les expertscomptables, etc. Ils détiennent le pouvoir et impriment leur marque à toute l’organisation). • La configuration divisionnelle se rencontre dans les grands groupes multi-activités diversifiés. La décentralisation y est la règle et la coordination repose sur la standardisation des résultats (la dernière ligne du compte de résultat, chaque division étant un centre de profit). L’intégration y est assurée par les procédures et par un système de planification et de contrôle (notamment budgétaire) omniprésent. • La configuration adhocratique est une organisation adaptable selon les besoins et les contraintes liées à la tâche à accomplir. Une telle structure convient bien à la conduite d’activités uniques, non récurrentes, organisées par projet. Les activités complexes des secteurs des industries spatiales, de l’aéronautique ou des cabinets de consultants sont menées à bien dans ce type de structure. • La configuration missionnaire se caractérise par l’omniprésence d’une idéologie commune à l’ensemble de ses membres. Les valeurs partagées, la culture, l’adhésion à la mission fondatrice, constituent le mécanisme de coordination majeur et le moteur interne du fonctionnement de ces organisations. Exemple Les coopératives ouvrières de production, les associations, les kibboutz reposent sur ces principes qui s’adaptent bien à de petites organisations. Quand ces institutions grandissent, elles se subdivisent en unités autonomes. En dépit de leur taille, ces organisations sont en fait très rigides du fait de la stabilité des croyances et de leur appropriation par les membres. C. Les facteurs de contingence des configurations By 4$ $! |\/ | Figure 7.6. Les facteurs influençant la structure organisationnelle 1. L’influence de la stratégie Le lien entre stratégie et structure relève du bon sens. C’est tout l’objet de ce chapitre. Une étude célèbre de Alfred Chandler de grandes firmes américaines distingue deux phases dans l’histoire de chaque entreprise, ce qui permet de formaliser cette relation. La première phase consiste, en vertu du principe taylorien de spécialisation, à diviser le travail par fonctions (de production, commerciale, financière, etc.), une telle organisation – la forme en U (forme unitaire) – convenant parfaitement tant que l’entreprise est spécialisée et se cantonne à vendre des produits proches les uns des autres sur des marchés peu différents. Cependant, une fois passé ce stade, lorsque la firme se développe, exploitant plusieurs gammes de produits sur divers marchés, on constate que les dirigeants adoptent généralement une structure par divisions : la forme en M (multidivisionnelle). Chaque division correspond soit à une activité (un DAS), soit à une ligne de produits, soit à une région, soit encore à un même type de clientèle. Par conséquent, chacune de ces nouvelles cellules doit assumer les fonctions de production, de vente et de recherche qui correspondent à son domaine propre. La direction générale se consacre à la tâche d’allocation des ressources financières entre les divisions et au rôle de coordinateur. À une structure d’autorité très centralisée dans la première phase fonctionnelle a succédé un pouvoir de gestion périphérique décentralisé dans les divisions ; seul le contrôle reste l’apanage du pouvoir central dans la seconde phase (figure 7.7). Figure 7.7. L’influence de la stratégie sur la structure |\/ | 2. L’influence de l’environnement $! L’influence de l’environnement a été mise en évidence empiriquement à partir d’une vingtaine d’entreprises britanniques. 4$ Deux types de structures aux caractéristiques très différentes ont été identifiés par Burns et Stalker (figure 7.8) : By • une structure qualifiée de « mécanique » où la spécialisation des tâches est forte, les règles formalisées de façon stricte, la hiérarchie longue et respectée, les décisions centralisées et le contrôle autoritaire. • une structure en tout point opposée, qualifiée d’« organique », où les définitions des tâches sont peu précises, les échanges d’information fréquents, la hiérarchie limitée et souple, les prises de décision décentralisées. Figure 7.8. L’influence de l’environnement sur la structure Il a été observé que les entreprises dotées d’une structure mécanique étaient plutôt confrontées à des environnements stables, où l’innovation technologique et le rythme d’évolution des marchés étaient faibles. En revanche, les entreprises possédant une structure organique devaient faire face à des environnements beaucoup plus instables. Il est ainsi apparu que les entreprises adaptaient leur organisation aux caractéristiques de leur environnement. On comprend ainsi pourquoi les administrations ont une structure mécaniste et les start-up une structure organique. 3. L’influence de la taille Il suffirait de revenir sur la description des quatre types de structure évoqués pour se rendre compte que les entreprises, au cours de leur développement, connaissent des formes structurelles plus ou moins adéquates. La petite entreprise commence avec une structure personnalisée. Le groupe d’individus est alors suffisamment réduit pour que les liaisons nécessaires s’établissent directement avec efficacité. Puis l’entreprise grandit, et le directeur ne peut plus assurer l’intégralité du travail de coordination ; il embauche un responsable des ventes et un directeur de fabrication ; une structure fonctionnelle centralisée naît alors. L’entreprise franchit un troisième stade et voit ses activités se diversifier ; une certaine autonomie doit être laissée aux diverses branches, c’est une structure divisionnelle. Enfin, l’entreprise met en place une structure matricielle pour trouver à la fois la flexibilité, la spécialisation ou la gestion efficace des projets. Cette analyse ne devrait pas être aussi tranchée ; on trouve presque toutes les formes de structure dans des organisations de tailles les plus diverses mais une association logique taille-structure est fréquemment constatée. |\/ | Dans une perspective de diagnostic stratégique et organisationnel, à un moment donné de la vie d’une entreprise, il convient donc que sa structure soit bien adaptée à sa taille. $! Schématiquement, trois cas peuvent être distingués (figure 7.9) : 4$ • L’organisation s’adapte correctement au développement de la taille de l’entreprise. By • L’organisation a cessé de suivre l’évolution de la taille et l’on observe un écart de sousorganisation. C’est le cas des entreprises qui ont grandi sans modifier les moyens organisationnels. Cet écart de sous-organisation peut être la cause de graves crises de fonctionnement que l’on appelle les crises administratives de croissance. • L’organisation est surdéveloppée par rapport à la taille de l’entreprise et un écart de surorganisation est présent. Il peut avoir deux origines : – soit l’entreprise a anticipé un développement et a investi en organisation ; – soit l’entreprise a réduit ses activités, par exemple dans le cadre d’une stratégie de recentrage sur son métier d’origine, et l’organisation n’a pas été réduite en conséquence. Figure 7.9. L’adaptation de l’organisation à la taille des entreprises Exemple Une entreprise comme Amazon, qui a grandi très rapidement, souffre, selon son dirigeant J. Bezos, d’un écart de sous-organisation. L’entreprise est en effet passée, en très peu de temps, du livre au CD, au DVD et enfin aux liseuses et au commerce de fichiers électroniques pour devenir le premier e-commerçant du monde. Elle doit donc adapter en continu son organisation à ces nouvelles dimensions. 4. L’impact des TIC sur l’organisation Les TIC ont incontestablement un impact sur l’organisation des entreprises. Mais les effets ne sont pas systématiques. |\/ | Sur le niveau de prise des décisions, on observe que les TIC, dans le cadre du e-procurement, permettent à la fois de centraliser des décisions de choix de fournisseurs ou de références, et de décentraliser les commandes effectives dans chaque service. Dans le domaine commercial, la centralisation des règles peut être accrue, mais la décision finale peut être prise par des commerciaux nomades. En matière de e-formation, les salariés peuvent avoir une autonomie plus large de décision sur leur programme de formation. 4$ $! Sur la standardisation de l’organisation, c’est-à-dire l’importance des règles et des procédures, il est très clair que les TIC ont un effet normatif et constituent un puissant vecteur d’organisation et de diffusion des procédures. C’est d’ailleurs pour cette raison que leur introduction et leur diffusion se font parfois avec difficulté. By Sur le plan de la flexibilité de l’entreprise, là encore l’effet peut être double : – Les TIC permettent à l’entreprise d’adapter en temps réel sa production et sa logistique, de gagner en réactivité. Exemple Le concept d’entreprise agile, cher à Microsoft, implique de posséder trois sortes de talents qui se fertilisent les uns les autres : la maîtrise parfaite des TIC, des équipes mobilisées sous tension permanente et des processus de décision performants. Flexibilité, réactivité, capacité à agir vite et agilité sont les maîtres mots, l’entrepise devant se transformer en continu pour s’adapter aux conditions de marché. – Mais les TIC, par le développement des procédures qu’elles impliquent, constituent aussi un facteur de stabilité et de rigidité. En outre, les choix faits par l’entreprise en matière de système d’information sont financièrement lourds et structurants. Que se passe-t-il quand l’entreprise change de stratégie et que ses systèmes d’information deviennent inadaptés ? C’est toute la question de l’alignement managérial qui est posée. L’alignement managérial (ou stratégique) Il consiste à veiller à la plus parfaite cohérence entre les structures organisationnelles et l’architecture des systèmes d’information utilisés. Plus généralement, l’alignement insiste sur la cohérence entre les fonctions de support, les décisions et les moyens de mise en œuvre. Cela revient, en quelque sorte, à souligner que le chemin est bien long entre l’analyse stratégique, les décisions qui en découlent, la mise en œuvre des décisions et la performance qui doit, logiquement, en découler. 5. L’influence de la culture Ce terme de culture doit être entendu de façon large. Exemple |\/ | Au niveau national, la culture désigne un système de valeurs, des idéaux partagés par les habitants. $! L’influence de la culture sur les structures varie grandement d’un pays à l’autre (tableau 7.5). Contrôle de l’incertitude By 4$ Tableau 7.5. La relation cultures-structures Distance hiérarchique Forte Faible Bureaucratie impersonnelle Bureaucratie hiérarchisée Fort (Allemagne, Europe (France, pays latins) centrale) Famille (pays arabes, Adhocratie (GrandeFaible Afrique, Inde, Asie) Bretagne, pays nordiques) Selon Hofstede, quatre traits caractérisent les cultures diverses. Ils peuvent se combiner pour composer une sorte de psychologie collective, à laquelle doivent s’adapter les organisations. Ce sont les suivants : • Le degré d’individualisme : dans chaque société, les individus entretiennent des relations plus ou moins étroites. Plus un pays est riche, plus l’individualisme est marqué. • La distance hiérarchique : chaque société s’accommode différemment des inégalités individuelles ; les unes les acceptent, les autres s’efforcent de les ordonner. • Le contrôle de l’incertitude : lorsque les personnes sont éduquées de façon à accepter l’incertitude, le contrôle est faible ; il est fort lorsque la société crée des institutions assurant la sécurité individuelle. • La masculinité/féminité : une société « masculine » accentue la division sociale des sexes, elle valorise la domination et la réussite individuelle. Une société « féminine » minimise une telle division et accorde ses faveurs à la modestie, à l’entraide, à la qualité de la vie. Existe-t-il un management européen ? Il n’est pas tenable d’affirmer qu’il existe un modèle universel de management. Chacun sait que selon les entreprises, leur histoire, leur volonté, la localisation, des différences notables sont palpables pour ce qui est des grands principes du management : vision temporelle, répartition de l’autorité, modalités de décision, perspectives, etc. Peut-on estimer que les entreprises d’origine européenne se retrouvent autour de quelques idées qui les différencieraient de leurs consœurs nord-américaines ou asiatiques ? Nombreux sont ceux qui répondent positivement à cette interrogation en faisant valoir que le management européen présente les caractéristiques suivantes : – une préoccupation plus marquée pour la prise en compte de l’homme et la responsabilité sociale de l’entreprise ; |\/ | – une relation plus proche avec les autorités gouvernementales dans les États ; 4$ – une ouverture au monde accentuée. $! – un sens développé de l’interculturel et le respect de la diversité ; A. L’organigramme By IV. Les structures dans la pratique C’est une représentation graphique, plus ou moins détaillée, de la structure de l’entreprise. Sommaires dans certains cas, les tracés d’organigrammes ne se limitent pas, lorsqu’ils sont plus complets, à la représentation des rapports entre les personnes ou entre les services, mais ils font apparaître les noms des responsables avec leurs fonctions et la nature des liaisons. Un organigramme n’existe pas dans toutes les entreprises. Et pourtant, c’est un excellent outil de diagnostic qui révèle maintes anomalies et permet de rectifier des structures peu cohérentes. Il demeure que l’organigramme retrace une structure formelle à un instant donné, il donne donc une vision normative de l’entreprise : ce qu’elle devrait être et peut-être pas ce qu’elle est dans la réalité. Derrière la structure formelle se profile une structure informelle. Certaines liaisons prévues n’existent pas dans les faits, souvent pour incompatibilité de caractères. Inversement, un contact non prévu peut s’avérer parfaitement réel en raison d’affinités liant deux personnes. Exemple Un lien étroit non indiqué dans l’organigramme peut s’instaurer entre le directeur général et un jeune cadre, s’ils sont tous deux issus de la même université ou école. Or la vie effective de l’entreprise se trouve dans cette structure informelle. Le décalage entre structure formelle et structure informelle ne présente aucun danger, s’il ne nuit pas à la bonne marche de la firme. Dans le cas contraire, il revient à la direction de tenter de faire coïncider les deux structures. Sans doute trouvons-nous ici la seconde balance organisationnelle à laquelle les dirigeants doivent porter une attention extrême. Le formalisme de la structure tend à engendrer une bonne fiabilité car les procédures sont écrites, standardisées, respectées à la lettre. Le caractère informel d’une structure tend, au contraire, à mettre de la souplesse dans l’organisation en permettant d’adapter au cas par cas les décisions. Si la balance est trop fortement déséquilibrée dans un sens ou dans l’autre, de graves dysfonctionnements peuvent survenir. Un compromis dynamique est à rechercher. |\/ | Tableau 7.6. Les intérêts et les limites des organigrammes Intérêts Limites By 4$ $! • Image partielle de l’organisation (les relations • Traduction de la stratégie. informelles n’y figurent pas). • Clarification de la répartition des • Image partiale de l’organisation (les relations responsabilités. verticales sont privilégiées). • Formalisation des rattachements hiérarchiques. • Image traditionnelle de l’organisation (la • Valorisation de la structure formelle. transversalité, l’orientation client y figurent • Moyen d’information interne des nouveaux rarement). arrivants • Renforce la rigidité. • Moyen d’information externe des partenaires. • Suscite les rivalités interpersonnelles et interservices. L’organigramme peut révéler sans fard des choix stratégiques. Le passage d’une structure métiers à une organisation par zones géographiques traduit la volonté de se rapprocher des marchés. C’est pourquoi de nombreuses entreprises conservent leurs organigrammes de manière très discrète. B. Les structures types 1. La structure personnalisée ou entrepreneuriale Cette structure est de loin la plus simple. La direction joue le rôle capital en instaurant des liens avec l’ensemble du personnel. Les procédures et les liaisons sont peu formalisées, la coordination n’est pas réellement nécessaire, le champ d’intervention de chacun reste imprécis ; tous les problèmes sont réglés par le directeur et les relations personnelles sont privilégiées. La mise en œuvre d’une stratégie n’est naturellement pas absente dans ces entreprises. Cette structure s’observe dans les petites entreprises, les magasins de détail, les cabinets-conseils, les start-up, etc. L’avantage qu’elle représente est double : flexibilité et motivation. Rien n’étant formalisé, et la coordination relevant d’une seule personne, l’entreprise s’adapte facilement à tous les changements ou menaces. Le personnel est motivé par un climat de confiance et personnalisé. Les problèmes rencontrés sont ceux que toute institution connaît lorsqu’elle est animée par un « hommeorchestre ». Celui-ci désire tout faire et, inévitablement, il commet des erreurs. Les dysfonctionnements risquent de compenser le faible coût de cette structure. Tableau 7.7. Un bilan de la structure personnalisée Avantages Inconvénients • Flexibilité et réactivité de l’organisation. • Motivation du personnel. • Peu coûteuse. • Dirigeant débordé. • Manque de cadres compétents. • Risque d’écart de sous-organisation. 2. La structure fonctionnelle centralisée ou la forme en U 4$ $! |\/ | D’une manière générale, le terme de fonction désigne le rôle propre joué par un organe (un outil) dans un ensemble dont les parties sont interdépendantes, comme dans un être vivant ou dans une machine. En gestion, la fonction correspond à une activité homogène particulière (commerciale, technique, financière, de personnel, etc.) contribuant à la vie totale de la firme. Les diverses fonctions de l’entreprise sont utilisées comme critères de découpage structurel et la coordination intervient au sommet. By On rassemble au sein de divers services toutes les personnes investies d’une même fonction – les commerciaux, par exemple –, ou bien ceux qui, dans le cadre de leur activité, possèdent et mettent en œuvre les mêmes connaissances – les comptables, par exemple. Les contacts directs cèdent le pas aux procédures et à la formalisation ; les notes de service remplacent les ordres verbaux. Chacun occupe une position précise. Communication et décisions suivent une ligne hiérarchique sans faille. Qui dit procédure formelle dit aussi contrôle afin de vérifier le respect des procédures. Les conseils et les contrôleurs jouent un rôle essentiel : les premiers édictent les normes, les seconds surveillent leur application correcte. Les conflits divers entre les fonctions ne trouvent leurs solutions qu’au niveau de la direction générale. Cette structure convient bien lorsqu’une firme s’en tient à des activités routinières et peu différenciées lorsqu’elle met en œuvre une stratégie concentrée sur une seule activité (un seul DAS). D’où l’appellation de structure en U (pour unitary) qui a été utilisée. Dans ce cas, l’entreprise bénéficie à plein de la régulation rigoureuse du système, mais procédure, contrôle, rigidité font que les aspects humains sont peu pris en compte. Tableau 7.8. Un bilan de la structure fonctionnelle Avantages Inconvénients • Centralisation trop accentuée. • Ralentissement des décisions. • Trop forte identification à la fonction et oubli des intérêts de l’entreprise. • Direction générale débordée par les litiges et conflits interfonctions qui remontent. • Spécialisation par fonction. • Amélioration de la productivité. • Adaptée aux entreprises monoactivité. • Simplicité de fonctionnement. 3. La structure divisionnelle décentralisée ou la forme multidivisionnelle en M On remédie aux défauts du modèle par fonctions en privilégiant la recherche de résultats. Ce critère de « résultat » est large : il s’applique aussi bien à un produit spécifique, à un marché déterminé ou à une clientèle particulière. On regroupe sous un même ensemble nommé « divisions », les personnes responsables d’un produit, d’un marché ou d’un type de clientèle, la direction générale (le siège) assurant la coordination et la direction de l’ensemble. By 4$ $! |\/ | À l’intérieur de chaque division, on retrouve fréquemment une structure fonctionnelle centralisée. L’essentiel de la coordination intervient dans le cadre des divisions ; celles-ci disposent d’une marge de manœuvre étendue ; leurs objectifs, fixés par le siège, sont de nature globale (profit, marge contributive, rentabilité des capitaux). La direction générale se contente, a posteriori, de mesurer le degré de réalisation des objectifs et d’octroyer les moyens financiers (investissements) en fonction d’une stratégie sectorielle d’ensemble : se renforcer sur tel domaine, abandonner une branche morte, regrouper deux activités complémentaires. Chaque division est considérée comme un centre de profit c’est-à-dire une entité, jugée sur son résultat, à laquelle des charges et des produits sont affectés. Cette forme structurelle s’explique parce que, à partir d’une certaine taille, les domaines d’intervention de la direction générale se multiplient, la complexité s’accroît, il devient alors impensable de maintenir une centralisation par fonctions. Une grande autonomie est accordée à des divisions ; ceci explique le succès de cette structure dans les grandes entreprises. Chaque DAS ou pôle d’activité correspond à une division. Et pourtant, ce mode d’organisation apparaît fragile, toujours prêt à se transformer soit en une structure centralisée, soit en une collection d’entreprises indépendantes. Tableau 7.9. L’importance du siège dans les structures divisionnelles Effectifs au siège réduits (quelques dizaines) Peu de services rattachés à la DG, uniquement stratégie, contrôle, finance, etc. Le centre définit les objectifs et contrôle les résultats. Le contrôle est essentiellement financier. Autonomie de décision très large des unités périphériques. Risque d’éclatement et de balkanisation. Effectifs importants (plusieurs centaines) Toutes les fonctions sont présentes au siège : ressources humaines, production, marketing, informatique, etc. Le centre définit aussi de nombreuses procédures dans tous les domaines. Le contrôle porte aussi sur tout le management. Intégration forte des divisions sur les différents domaines fonctionnels. Risque de fonctionnement interne très lourd. |\/ | Le siège et la gouvernance centrale apportent aux diverses divisions à la fois des éléments positifs (des ressources financières, une harmonisation, une mise en cohérence, des expertises spécifiques) et – parfois – des désagréments (bureaucratie tâtillonne, reporting trop fréquent...). $! Tableau 7.10. Un bilan de la structure divisionnelle Inconvénients 4$ Avantages By • Responsabilisation des dirigeants en fonction des résultats à atteindre. • Multiplie les rôles et les compétences. • Libère la direction générale des questions • Structure coûteuse. opérationnelles. • Danger d’éclatement de l’organisation. • Facilite la mise en œuvre des stratégies de portefeuille (investissement/désinvestissement). Il faut par ailleurs noter que cette structure par division facilite les opérations de désinvestissement. La structure en holding C’est une forme extrême de structure divisionnelle. La holding est une entreprise de type M dont le siège est réduit à sa plus simple expression. La direction générale gère avant tout un portefeuille d’actions détenues dans différentes firmes. Son rôle principal consiste à acheter et à vendre des participations dans des filiales au gré d’opportunités diverses, les fluctuations boursières par exemple. Cependant, cette direction générale s’abstient, dans la plupart des cas, d’engagement managérial dans la vie des filiales dont elle détient un taux de possession variable. Une telle entreprise, dont la souplesse constitue la première des qualités, est peu capable d’imposer une ligne directrice aux filiales. C. Les structures transversales 1. La forme matricielle Sa vocation est de combiner les avantages de plusieurs types de spécialisation et de coordination. Elle doit permettre, en principe, d’effacer les inconvénients des structures fonctionnelles et divisionnelles pour n’en conserver que les points positifs. Le principe consiste à maintenir tous les découpages et à les superposer. Les membres de l’organisation sont repérés par des « coordonnées ». Une abscisse marque leur appartenance à un département, à une fonction. Une ordonnée indique à quels projets, à quelles tâches, à quels clients ils consacrent leur activité. Cette structure se rencontre, par exemple, dans les agences de publicité (une équipe travaille sur un budget) ou dans certaines entreprises de biens de consommation (les chefs de produits ont pour rôle, et responsabilité, de gérer un produit ou une gamme et ils sollicitent les différents départements à cet effet). Cette organisation est donc adaptée au changement. Elle est naturellement présente dans les firmes multinationales où des découpages d’abord par fonctions, puis par métiers (divisions) et par zones géographiques sont fréquents. Un manager se voit ainsi contraint de se rapporter à trois endroits différents de la structure. By 4$ $! |\/ | Figure 7.10. La structure matricielle Si tout fonctionne bien, nous retrouvons ici le double bénéfice de départements spécialisés, donc compétents, et de divisions capables d’assurer la coordination, donc laissant à la direction générale tout le temps de se consacrer à sa véritable mission. Cependant, dans de nombreux cas, les poids respectifs accordés aux différentes structures ne sont pas équivalents. Si les métiers ou les régions gouvernent tout, la structure devient divisionnelle ; si les fonctions ont le pouvoir, la structure est plutôt fonctionnelle. En outre, ce mode d’organisation trop mouvant engendre des conflits et oblige les collaborateurs à vivre parfois dans l’ambiguïté, car ils ne savent pas toujours clairement de qui ils dépendent. Ces structures bidimensionnelles (voire tridimensionnelles ou quadridimensionnelles : fonction/résultat/zone géographique/marque) sont de plus en plus fréquentes dans les grandes entreprises confrontées à des marchés mondiaux. Figure 7.11. Un exemple de structure matricielle : Thales Tableau 7.11. Un bilan de la structure matricielle Inconvénients • Flexibilité structurelle. • Combinaison de plusieurs structures. • Adaptée aux grandes entreprises multi-activités et multimarchés. • Double ou triple dépendance des subordonnés. • Intervention d’une même personne sur plusieurs projets. • Engendre le stress et les conflits. $! |\/ | Avantages 4$ 2. La gestion de projet By Depuis toujours, les entreprises ont des projets, à savoir une représentation d’un état que l’on pense atteindre, cette idée préalable entraînant, à un moment donné, la mise en œuvre de moyens propres à réaliser la vision initiale. Il peut s’agir de projets : – de lancement de produits ou services nouveaux ; – d’amélioration de la qualité ; – de réduction des coûts (Lean Management) ou des délais ; – d’informatisation ou de numérisation des processus ; – de réorganisation, etc. Ces projets ont en commun d’impliquer différents services et de requérir une forte coordination entre ceux-ci. La mise en œuvre des choix stratégiques en constitue un parfait exemple. a. La nature de la gestion de projet La mise en place d’une gestion et d’une équipe de projet s’effectue lorsque les conditions suivantes sont réunies : – la nouveauté de l’opération : celle-ci sort de l’ordinaire, elle ne peut pas être intégrée dans les pratiques courantes ; – une coopération de plusieurs départements ou de plusieurs intervenants extérieurs à l’entreprise, les uns et les autres pouvant travailler de manière séquentielle ou simultanée ; – la réduction des risques : l’envergure de l’opération gérée par projet entraîne des incertitudes financières, commerciales, technologiques, etc. Le nouveau mode de management doit être en mesure de repérer et d’atténuer les dangers connus par l’organisation ; – de stricts délais à respecter : lorsque les phases intermédiaires sont nombreuses entre un début et une fin fermement fixés, seule une planification rigoureuse assurera le respect des programmes et des budgets. b. L’évolution des procédures de gestion de projet Les spécialistes ont mis au point des méthodes et surtout de nouveaux processus de traitement des opérations. La démarche préconisée peut être décrite selon les séquences suivantes (figure 7.12). Cette méthode rigoureuse est assurément prudente. Elle suppose une longue préparation afin de ne pas déstabiliser l’organisation. Cependant, elle ne parvient pas toujours aux résultats escomptés. C’est ainsi qu’on estime que les coûts des grands projets ont été souvent dépassés de 40 % par rapport aux budgets prévus. |\/ | Les configurations structurelles évoluent, on réclame plus de flexibilité, plus de vitesse de réaction, plus de variété. Les spécialistes du management mettent l’accent sur de nouvelles variables de compétitivité : $! – sur le temps : pratique de la chronocompétition (time-based competition) qui procure un avantage (des barrières à l’entrée) sur les « suiveurs » ; By 4$ – sur la virtualité : parce qu’il devient impossible qu’une même entreprise puisse répondre à la fragmentation de la demande et à l’éparpillement du produit, il devient nécessaire de nouer des alliances éphémères (des entreprises virtuelles) dans une perspective de chronocompétition, avec des partenaires qui apportent des ressources complémentaires, en vue de réaliser un projet particulier ; – sur l’exigence de qualité : remontée vers l’amont de la démarche de qualité totale, le Quality Function Deployment (QFD). Ces nouvelles conditions entraînent d’autres contraintes en matière de gestion de projet (figure 7.12). Il s’agira essentiellement de mieux évaluer les risques, d’amenuiser les coûts et de comprimer les délais. De plus, on introduit un degré supplémentaire dans la gestion de projet. On ne raisonne plus par projet, mais par portefeuille de projets (gestion par projets). La planification devient plus compliquée, car elle ne s’effectue plus en une fois, comme nous l’avons vu au début du projet, à partir de la définition des objectifs, elle s’opère par cascades (verticales, à l’intérieur de l’organisation) et par vagues (horizontales, dans le temps). $! |\/ | Figure 7.12. Le processus de gestion de projet 4$ c. Les conséquences sur la structure By Si un projet – et a fortiori plusieurs projets – mettant en jeu plusieurs départements, sinon plusieurs firmes partenaires, est lancé, il est patent que l’organisation fonctionnelle traditionnelle n’est alors plus adaptée. Une configuration matricielle – on emploie davantage l’expression : fonctionnement ou management transversal – est généralement adoptée. Elle se superpose à l’organisation verticale de la départementalisation classique par fonctions ou par métiers. Plusieurs figures sont envisageables depuis les plus simples (structure avec coordination de projet) jusqu’aux plus compliquées (structure avec direction de projet : figures 7.13 et 7.14). Figure 7.13. La structure de coordination de projet Figure 7.14. La structure de direction de projet d. Les conséquences sur le leadership On sait qu’une structure transversale occasionne de nombreux malentendus et / ou conflits entre les acteurs du projet. Il est donc prudent de s’efforcer d’atténuer les risques de tension et plus largement de mauvais fonctionnement. Quelques recommandations peuvent être faites, par exemple : – désigner, dès le début, un responsable (le « patron ») ; |\/ | – ce responsable doit présenter des qualités de « généraliste », plus que de spécialiste ; $! – son pouvoir doit être délimité avec soin et fixé avec précision, particulièrement en ce qui concerne ses rapports avec les responsables fonctionnels. 4$ Dans le cas où coexistent de multiples projets, il convient d’éviter les conflits entre les projets. Pour cela, il est judicieux : – de s’interroger sur le « poids » relatif des chefs de projets ; By – de distinguer les projets vitaux, ceux dont dépend la survie immédiate de l’entreprise, des projets intermédiaires qui visent à étendre la gamme de projets de la firme, et les projets stratégiques capables d’assurer le développement à long terme. Les deux dernières catégories ne doivent pas être sacrifiées à la nécessité de la première ; – enfin, de mettre en place des structures de conciliation et d’arbitrage, par exemple en instaurant la réunion de comités périodiques. En définitive, un projet aboutit à une situation ambiguë. Il peut engendrer du stress et des conflits entre les participants, mais il peut aussi les mobiliser et les rassembler autour d’un but commun, autour d’occasions de se dépasser (émulation) et de relations plus intenses. Le chef de projet doit présenter des qualités pour éviter les risques de mauvais fonctionnement et, au contraire, susciter une ambiance favorable à la mobilisation de tous. L’open innovation, le crowdsourcing sont utilisés selon un mode projet. La méthode consiste à mobiliser via Internet des acteurs les plus divers du monde entier (experts, clients, fournisseurs, tout particulier désireux d’apporter une contribution) afin de faire émerger les solutions du futur en matière de produits, de services, de concepts. V. Vers de nouvelles structures A. Les structures agiles Les modifications dans les firmes, conduisent à des interrogations : sommes-nous à la veille de ruptures par rapport aux modèles bureaucratiques traditionnels ? Ou bien les transformations organisationnelles actuelles ne sont-elles que la résultante d’une évolution qui ne présente pas le caractère de nouveauté totale ? Certains doutent de la validité de la seconde hypothèse et penchent pour la première, à savoir l’avènement d’un modèle « post-bureaucratique », ou « postmoderne ». On parle déjà de firmes « agiles » (nouvelles) lorsqu’on évoque les structures venant remplacer l’organisation multidivisionnelle. Ces nouvelles structures bouleversent les bases de la bureaucratie qui est fondée sur trois principes : la hiérarchie des compétences en tant que mode de régulation, la définition rationnelle des postes axée sur la spécialisation, la nécessité d’assurer une coordination étroite. Or, de nos jours, les spécialistes mettent l’accent sur d’autres conditions : l’adoption de structures plates, donc la réduction des niveaux hiérarchiques ; la dispersion dans l’organisation des personnes aptes à prendre des décisions, la détention d’informations à des niveaux présentant une meilleure garantie d’efficacité que la position hiérarchique dans l’organigramme ; le développement de cellules entrepreneuriales dans une grande organisation afin de reconstituer au sein de celle-ci une constellation de PME flexibles ; la valorisation du management participatif, etc. By 4$ $! |\/ | La question se résume à une prise de position sur le caractère réellement novateur des structures connues aujourd’hui. De nombreuses voix reconnaissent les changements réels (transformations socio-techniques évidentes : amélioration de la qualité et de la diversité des produits offerts, gains de productivité, préoccupation de flexibilité et modification des frontières de l’entreprise, accords, alliances, externalisations nombreuses) mais penchent plutôt vers une hybridation des formules anciennes que vers de véritables innovations, même si certains évoquent l’avènement de l’organisation virtuelle. Tableau 7.12. Les caractéristiques des nouvelles organisations Mondialisation, globalisation, innovation, parties prenantes Contexte actives Réactivité, intégration de structures mondiales différenciées Exigences et multiculturelles Organigramme plat, décentralisation, frontières internes et Caractéristiques externes floues, transversalité de l’organisation, plasticité des structures $! |\/ | Technologie de l’information et Rôle central des systèmes d’information, organisation numérique, extranet intégrant les partenaires amont et aval de la communication Travail par projet, à distance Développement permanent des compétences Organisation du travail Intrapreneurship Autocontrôle Réseau Modèle d’organisation Externalisation des activités jugées non stratégiques Stratégie Partenariat, alliance 4$ B. L’organisation virtuelle By C’est une organisation « en blanc ». Elle revient à faire disparaître l’architecture de la structure formelle. Elle aboutit à une absence de barrières verticales et horizontales. Une telle « organisation-fantôme » résulte d’une révolution voulue par les dirigeants, car même les liens hiérarchiques traditionnels sont abolis. Le fonctionnement de telles organisations s’effectue par la collaboration d’équipes multidisciplinaires, qui restent autonomes, prennent les décisions et rendent compte de leurs résultats à une direction générale dont le rôle consiste à animer plus qu’à diriger leurs entreprises. Même si le besoin d’adaptation rapide à un environnement mondialisé tend à l’avènement de l’organisation sans frontière, les spécialistes ne continuent pas moins de s’interroger sur les principes qui président à la recherche d’un ordre sous-jacent, car les entreprises ne résisteraient pas à l’anarchie totale. Des règles s’imposent toujours. C. L’organisation en réseau Devant la complexité entraînée par la globalisation, on a vu qu’une réponse consistait en la recherche de partenaires. Dès lors, les organisations bureaucratiques traditionnelles, fonctionnelles, divisionnelles ou matricielles ne conviennent guère à de pareilles stratégies. En revanche, on voit apparaître des réseaux entre différentes unités ; entre le siège, les services centraux, les filiales nationales, les filiales internationales et différents partenaires : clients, fournisseurs, laboratoires privés, concurrents eux-mêmes. L’entreprise réseau gagne ainsi en flexibilité ce qu’elle risque de perdre en homogénéité. Le réseau est un mode d’organisation non hiérarchique et les relations sont caractérisées par leur caractère coopératif. Pour fonctionner, le réseau doit reposer sur la confiance et l’existence de valeurs et normes partagées et la complémentarité entre les ressources ainsi que sur les compétences dont disposent ses membres. Qu’est-ce qu’un réseau ? Le réseau est formé d’éléments reliés les uns aux autres. En management, un réseau est constitué par un ensemble d’organisations (entreprises, collectivités territoriales, villes, individus, etc.) qui, tout en gardant leurs individualités et leurs caractéristiques propres, forment une supraorganisation à la poursuite d’un objectif commun. Les interactions entre les éléments du réseau ignorent, en principe, la hiérarchie même lorsqu’il existe un centre de l’organisation qui pilote l’accomplissement d’un projet profitable à chacun des éléments. La souplesse exigée permet d’ajuster le nombre de participants aux exigences de la gestion efficace du projet. Le réseau peut être constitué : – à l’externe : de fournisseurs, de sous-traitants, d’anciens employés (outsourcing) ; |\/ | – à l’interne : de salariés ou d’équipes provenant des différents services. 4$ $! Le réseau semble l’organisation la mieux appropriée à la gestion de projets, à la recherche de la transversalité, même si les modes, fréquentes en management, ont exagéré ses aptitudes. By La complémentarité entre les membres du réseau peut reposer sur leur spécialisation, chacun développant ses compétences dans un champ concurrentiel particulier. Cette complémentarité peut être verticale (différents stades de la filière) ou horizontale (géographique, métier). Dans d’autres cas, les membres du réseau ne sont pas spécialisés et partagent leurs ressources (machines, personnel dans le textile). L’interdépendance entre leurs membres est un des facteurs de constitution et de pérennité des réseaux. Ceux-ci nécessitent pour fonctionner des organisations collégiales, coopératives, non hiérarchiques. En pratique les réseaux se caractérisent par des structures allégées, une prise de décision collégiale, des unités périphériques souples et en contact avec les clients. L’autonomie donnée aux structures périphériques leur permet d’être innovantes. Certains vont même plus avant : le principe du marché, à l’intérieur de la firme, remplacerait le fondement bureaucratique. Plus précisément, on organiserait l’entreprise en un ensemble de centres de profit, qui devraient se comporter comme autant de firmes autonomes. Chacun de ces centre nouerait, avec ses partenaires, des relations de type commercial, la direction se chargeant de définir les orientations stratégiques, de gérer l’infrastructure, c’est-à-dire le contrôle, la communication et la promotion de l’esprit entrepreneurial. Pour d’autres auteurs enfin, ni la bureaucratie, ni le marché interne ne constituent les meilleurs principes de régulation de l’organisation, mais l’un et l’autre doivent être remplacés par les valeurs et les normes, autrement dit par la culture. Dans un clan, le principe d’autorité, propre à une bureaucratie traditionnelle, est réduit, puisque l’adhésion de chacun est fondée sur un ensemble de valeurs partagées. En définitive, on peut admettre qu’existent quatre solutions aux problèmes d’organisation : – la solution bureaucratique, par l’emploi des règles et de procédures ; – la solution par le marché : en faisant appel à des mécanismes d’échanges régulés par des prix ; – le réseau qui repose sur la confiance et la coopération ; – le clan, qui suscite un attachement fort, quasi passionné, des uns aux autres. Dans les entreprises modernes, ces quatre possibilités de régulation coexistent à des degrés divers. Ceux-ci dépendent des caractéristiques de l’environnement, des technologies mises en œuvre, de l’évolution des mentalités, etc. Plusieurs structures sont nécessaires D. Plus de démocratie ? 4$ $! |\/ | Selon John Kotter(46), confrontées à la complexité de l’environnement, les entreprises se doivent de mettre en place non pas une structure, mais deux. La première, hiérarchique, modernisée, avec des projets et des task forces, est à même de gérer les sujets habituels. La seconde, en réseau, fondée sur le volontariat et la désobéissance, se préoccupe des défis stratégiques. By On peut considérer, de plus, que les tendances récentes favorisent la prise de décision par un plus grand nombre d’agents – d’intrapreneurs –, puisque, si l’on considère les divers modes d’organisation, on voit descendre l’intelligence stratégique tout au long de la ligne hiérarchique. Si cette tendance se confirmait, on verrait la stratégie émerger de l’ensemble de l’organisation et ne plus être édictée au sommet, la direction générale se bornant à susciter l’innovation et à sélectionner les options les plus fructueuses. Mais ces prophéties sont trop souvent contredites par la réalité. En effet, au cours des crises comme celles que nous vivons actuellement, la peur du licenciement abolit ces principes ; le stress pénètre alors les membres de l’organisation, reléguant dans l’oubli les illusions édéniques. Figure 7.15. La démocratisation de l’intelligence stratégique |\/ | Aujourd’hui, les organigrammes des entreprises présentent une nette tendance à se « vider » (beaucoup de fonctions, naguère intégrées, sont sous-traitées) et à se tasser (le nombre de niveaux hiérarchiques diminue). Il est fréquent de ne connaître dans les grands groupes que quatre niveaux entre le responsable opérationnel et le P-DG. Pour réussir ce « management minceur » (Lean Management) encore convient-il de former les acteurs qui, auparavant, disposaient du bouclier représenté par une imposante chaîne hiérarchique et qui doivent, à présent, décider seuls. Leurs responsabilités s’étendent en conséquence : c’est l’empowerment. 4$ $! Dans la pratique, les déclarations des entreprises reposent toujours sur les mêmes clichés : réactivité, adaptation au terrain, meilleur service au client. By E. Structure, stratégie et performance En considérant la structure au sens large, nous pouvons à présent tenter de donner des réponses précises aux questions portant sur les rapports entre l’organisation et la performance. 1. Les six composantes essentielles de la structure Toute structure compte plusieurs composantes essentielles : – la forme structurelle ; – la standardisation ; – la formalisation ; – la décentralisation ; – la planification ; – le contrôle. Or aucune de celles-ci ne peut être considérée comme le facteur décisif d’accroissement des performances de l’entreprise. En d’autres termes, il serait vain d’espérer améliorer la performance en agissant en priorité sur l’une des six composantes, fût-ce sur la décentralisation comme on l’a longtemps préconisé. Il convient en revanche de savoir tenir compte de la taille de l’entreprise et de son environnement pour ajuster la structure au contexte. Voici confirmées les positions énoncées par les tenants de la théorie de la contingence, à savoir : la structure ne constitue qu’un facteur parmi d’autres, influant sur les performances. Toutefois, certains profils organisationnels sont associés à une plus grande efficacité. Ainsi, dans les petites entreprises, des structures bureaucratiques (centralisées, formalisées, standardisées) se révèlent souvent très favorables à la performance. En revanche, dans de plus grandes, la standardisation et la décentralisation sont liées à l’efficacité supplémentaire recherchée. La structure organisationnelle d’une entreprise n’est donc jamais figée. Les évolutions tant internes qu’environnementales, ou encore les revirements de la volonté stratégique, trouvent leurs traductions dans l’organigramme. 2. Les maîtres mots de l’analyse organisationnelle Ce sont la réactivité et la transversalité. |\/ | La réactivité est la caractéristique qui rend l’entreprise capable d’adapter en permanence sa structure organisationnelle, ainsi que ses procédures de décision, aux modifications de l’environnement. C’est parmi les entreprises dotées de cette capacité que se retrouvent les plus performantes. $! Exemples By 4$ Microsoft décidant de commercialiser sa suite Office par abonnement, Monéo investissant le marché des tickets-restaurant à coups d’offres dématérialisées, Amazon lançant sa propre liseuse Kindle, ou encore Auchan ouvrant ses drives à marche forcée sont autant d’illustrations de la réactivité des entreprises actuelles. Mais la réactivité ne se décrète pas ; elle se gagne pas à pas après une lutte sans merci contre les freins naturels de toute organisation. La transversalité signe « normalement » la fin de la vision fayolienne de l’entreprise. Instantanéité et simultanéité prennent le pas sur la logique séquentielle des opérations. Pour bénéficier de gains de synergie, pour accélérer le time to market entre l’idée de produit et sa commercialisation, pour sortir victorieux de la lutte concurrentielle, l’entreprise pratique le reengineering (accent sur les processus de management et non sur les fonctions) et choisit de recourir à la gestion de projet : une équipe polyvalente est placée hors hiérarchie (mais avec du pouvoir) pendant un temps déterminé afin de mener un projet à terme. Un processus a pour caractéristique de mettre en cause plusieurs fonctions de l’entreprise. Exemple Le processus des ventes fait intervenir la fonction approvisionnement, la fonction études de marché, la fonction commerciale, la fonction comptabilité (émission et recouvrement de la facture). L’accent placé sur la transversalité consiste à organiser l’entreprise de telle sorte que les fonctions soient au service de la bonne gestion des processus. Aujourd’hui, les structures sont chahutées par un autre phénomène : celui de la mise en réseau. À force de constater que les entreprises d’une certaine taille allaient à leur perte parce qu’elles étaient incapables de réagir vite, d’être suffisamment flexibles pour s’adapter à un avenir mouvant, de diffuser correctement l’information en leur sein, on en est venu à concevoir l’entreprise comme un réseau de cellules (intrapreneuriat). Entre les cellules, les échanges s’opèrent par contrat. Les responsables des cellules deviennent de vrais pilotes qui doivent montrer des qualités d’animateurs et de formateurs. Tout cela conduit à une grande délégation et à une hyperinformation. Accessoirement, chaque cellule, devenue « autonome », peut être mise en compétition avec d’autres rendant les mêmes services mais en dehors de l’entreprise. La pression est maximale ! VI. La mobilisation des équipes |\/ | La mise en œuvre des orientations stratégiques réclame la plus parfaite adhésion de l’ensemble des acteurs. L’information circule mieux, les circuits de prise de décision et l’autorité sont plus flexibles, les structures et l’organisation connaissent une animation plus vigoureuse. Les modalités de commandement entrent mieux en action. $! A. Les styles de direction et leurs déterminants 4$ Le style de direction définit la façon dont les managers exercent leur autorité sur leurs collaborateurs. By La question se pose de savoir quels sont les éléments qui conditionneront le choix d’un style plutôt que d’un autre. Or, tout bien considéré, on ne peut nier que le mode d’exercice du pouvoir, despotique ou au contraire démocratique à des degrés divers, dépend à la fois de ceux qui commandent et de ceux qui obéissent. 1. La distinction entre manager et leader(47) Les deux termes recouvrent des réalités différentes. Le manager dispose d’un pouvoir légitime, formel pour exercer une responsabilité. Son pouvoir d’influence est lié à son autorité formelle. Le leader, en plus de cette position formelle, dispose du charisme, de l’enthousiasme, de l’énergie qui permettent d’influencer et de mobiliser une équipe voire toute une entreprise. Steve Jobs, pour Apple, fut non seulement un manager mais également un leader, voire un leader avant d’être un manager. Les leaders ont plus à voir avec les artistes, les créatifs qu’avec les managers et ils diffèrent par leurs motivations, leurs histoires personnelles, leurs psychologies, et la façon dont ils pensent et agissent. Alors que les managers sont plus orientés vers la rationalité et le contrôle, les leaders ont une culture entrepreneuriale, sont actifs plutôt que réactifs, préfèrent le risque au compromis. Les organisations ont bien évidemment besoin à la fois de managers et de leaders selon les tâches à effectuer, leurs situations, mais aussi les périodes de leur histoire. Tableau 7.13. Le manager et le leader Le manager Le leader Administre Demande comment et quand Se focalise sur les systèmes Fait les choses bien Maintient Compte sur le contrôle Se situe à court terme Accepte le statu quo Fixe le résultat Imite Reproduit l’existant Innove Demande quoi et pourquoi Se focalise sur les personnes Fait les bonnes choses Développe Inspire la confiance Se situe à long terme Remet en question le statu quo Regarde l’horizon Crée Développe l’originalité |\/ | D’après W. G. Bennis 2. L’influence de la personnalité des dirigeants By 4$ $! Il y a deux façons de traiter du commandement de l’entreprise. La première consiste à élucider la notion en pointant l’attention sur les compétences générales en gestion nécessaires pour exercer le pouvoir. La seconde, celle qui nous intéresse ici, concentre l’observation sur le titulaire du commandement. Or, cette deuxième voie est beaucoup moins pratique que la première. Il existe bien des monographies sur le comportement du chef, mais l’on craint toujours de succomber à la naïveté ou à la platitude des recettes concernant la « meilleure » façon d’exercer le commandement. Il faut avouer que les tentatives d’explications caractérologiques sont décevantes parce que peu explicatives des phénomènes psychologiques qui justifieraient le choix d’un style de commandement. On constate des faits, sans plus. On observe, par exemple, que lorsqu’un nouveau directeur est nommé, les subordonnés se mettent généralement à l’unisson des traits de caractère du nouveau venu. Au fond, le sujet est trop riche, et l’exercice même du pouvoir nous dérobe, de toute sa masse, les vertus individuelles nécessaires au commandement. 3. L’influence de l’orientation des dirigeants Blake et Mouton, partant de cette idée d’observation, ont proposé ce qu’ils ont appelé une grille managériale (figure 7.16). Cinq styles de direction sont définis en fonction de deux axes qui sont « l’importance accordée par la direction aux tâches à exécuter » et « l’importance accordée par la direction aux personnes travaillant dans l’entreprise ». |\/ | Figure 7.16. La grille managériale 4$ $! Le style de direction (1, 1) est évidemment à éviter car source de conflits, mais il serait faux de penser que le style de direction (9, 9) est le plus efficace dans toutes les circonstances, contrairement à ce qu’indiquent Blake et Mouton ; le style (1, 9) convient bien dans une agence de publicité, le style (9, 1) dans un service comptable. Le style de direction (5, 5) recherche une voie moyenne. On ne peut pas, en effet, ignorer les attentes des collaborateurs. By 4. L’influence des motivations des subordonnés Maslow a montré que le comportement d’une personne était commandé par le niveau de ses besoins non encore satisfaits. Dans ce sens, la motivation qui pousse un individu à agir dans l’entreprise doit être connue si l’on veut utiliser à son égard un style de direction adéquat. Maslow a proposé sa célèbre pyramide des besoins (figure 7.17). Nous pouvons en déduire, par exemple, que les membres d’un club sportif viennent y assouvir un besoin d’estime alors que les ouvriers spécialisés d’une chaîne de montage en automobiles recherchent un simple besoin de sécurité. Figure 7.17. La pyramide des besoins et les réponses de l’organisation Les conduites seront très différentes dans l’un et l’autre cas, et il en est de même pour le style de direction recommandé : souple, informel, participatif dans le club sportif ; rigide, standardisé et autoritaire dans la fabrique d’automobiles. 5. L’influence de la personnalité des subordonnés Pour McGregor, les individus se rangent en deux classes, répondant à deux « théories » représentatives de leur personnalité (tableau 7.14) : – « théorie X » : ceux relevant de cette catégorie sont dépourvus d’ambition, refusent les initiatives, n’aiment pas leur travail, ont des objectifs personnels différents de ceux de l’entreprise, recherchent la sécurité dans un travail répétitif ; – « théorie Y » : ces personnes acceptent les efforts, font preuve d’ambition et d’imagination, sont dynamiques. Il n’y a derrière ces deux « théories » aucun sous-entendu péjoratif, mais simplement un constat : les actifs ne se ressemblent pas et, dans une entreprise, dans un service, dans un bureau, les deux catégories se rencontrent. |\/ | Tableau 7.14. Les postulats de McGregor « Théorie X » 3. Style de direction 4. Aptitude au changement 5. Conception de l’homme 6. Implication dans le travail $! • Activité • Réalisation de soi • Rémunération • Plaisir du travail en équipe • Sens du défi • Crainte des sanctions • Responsable • Relation père-enfants • Autonome • Directif • Participatif • Contrôlé • Autocontrôlé • Adhésion • Résistance systématique • Enthousiasme • Prédéterminée par l’enfance • En évolution permanente • Limitée à la réalisation de ce • Forte en raison d’une volonté qui est demandée de comprendre et de créer 4$ 2. Motivation au travail • Passivité By 1. Préférence naturelle « Théorie Y » On a déjà compris que les styles de direction efficaces sont différents dans chaque cas : autoritaire et impersonnel pour les X ; souple, pour les Y. La difficulté se situe dans le fait que, par exemple, dans un même service, les X cohabitent avec les Y, alors qu’on ne peut imaginer deux systèmes de direction différents pour une même unité. On connaît les caractéristiques de la génération Y(48) (les personnes nées dans les années 1980 et 1990). Leurs besoins et leurs attentes sont différents de ceux de leurs aînés. Nourris par les TIC, soucieux de leur développement personnel et de l’atteinte d’un bon équilibre entre métier et loisirs, ils adhèrent aux objectifs de l’entreprise mais de façon d’abord rationnelle (« je donne, tu donnes, je reçois, tu reçois ») avant d’être affective. Les styles de direction s’adaptent par force à ces exigences. Que dire de la génération Z (les personnes nées à la fin des années 1990 ou au début des années 2000, les digital natives) ? Encore plus difficile à appréhender que son aînée, elle tente de marier des contrastes. Elle est résolument individualiste et engagée, en quête de valeurs et consciente des blocages de la société. Elle est également surinformée : c’est la génération des réseaux sociaux et du Web 2.0. Son arrivée dans l’entreprise pose de nombreuses interrogations sur les moyens à mettre en œuvre pour la mobiliser et mettre à profit les nouvelles compétences qu’elle a développées. 6. L’influence des facteurs de satisfaction En définitive, si autant d’éléments déterminent le choix d’un mode de commandement, la question finale que l’on peut se poser, à ce stade, est de savoir s’il existe un style de direction idéal. $! |\/ | Ainsi Herzberg, s’est rendu compte que la satisfaction n’était pas le contraire de l’insatisfaction. Pour les cadres, il existe des facteurs dits de maintenance (salaire, bonnes conditions de travail), qui, s’ils ne sont pas présents, entraînent une forte insatisfaction mais qui, s’ils sont assurés, ne suscitent pas pour autant une satisfaction. Il faut que d’autres facteurs, les facteurs de motivation (responsabilité étendue, possibilités d’avancement, travail attrayant), interviennent pour qu’alors la satisfaction augmente. Ainsi, il ne sert à rien d’améliorer les conditions de travail pour motiver ; toutefois, leur détérioration risquerait d’entraîner des départs de l’entreprise (figure 7.18). By 4$ Figure 7.18. La théorie d’Herzberg De sa théorie, Herzberg tire des implications pratiques très importantes et largement diffusées dans les entreprises industrielles et de services. Il conclut que la motivation du personnel ne peut résulter que d’une action réelle et profonde sur l’organisation des tâches. Il élimine d’emblée l’élargissement des tâches qui consiste à regrouper des tâches sans intérêts (0 + 0 = 0 !) et propose des principes d’actions, des conditions de réalisation d’une action d’enrichissement du travail et indique les résultats que l’on peut en attendre. B. Un style de direction idéal ? La réponse se trouve déjà dans le point précédent. Le style de direction doit s’adapter aux motivations des personnes, à leurs traits de caractère, à la nature des tâches à effectuer. Sur cet ensemble se superposent les ambitions et la personnalité du dirigeant. On peut d’ailleurs se demander si, à un moment donné, dans une entreprise, il existe un style de direction tranché ou si, au contraire, à partir d’un principe général, se met en place toute une variété de styles en fonction des domaines, des personnes et, pourquoi pas, des saisons ou des cycles lunaires. 1. Le continuum des styles de direction La figure 7.19 proposée par Tannenbaum et Schmidt, fait ressortir des cas plausibles depuis le despotisme absolu du chef jusqu’à la liberté d’action totale accordée aux subordonnés. Il est d’ailleurs difficile de porter un jugement de valeur sur chaque possibilité, dont l’efficacité dépend elle-même de conditions diverses. By 4$ $! |\/ | Figure 7.19. Le continuum des styles de direction Mais peut-on s’en tenir à une analyse aussi prudente ? Non, admettent Tannenbaum et Schmidt qui reconnaissent aujourd’hui que leur modèle est ancien et qu’il convient de le corriger. Les éléments nouveaux à prendre en compte leur semblent : – l’importance accordée à l’interdépendance entreprise-environnement ; – le fait que les dirigeants voient leur pouvoir discuté et même parfois entamé par d’autres groupes de participants à la vie de l’entreprise. Certaines théories contemporaines s’efforcent, du reste, de rendre compte de ces données nouvelles. 2. Le choix d’un style de direction En pratique, dans une entreprise, le choix d’un style de direction relève de trois séries d’influence (figure 7.20) : – le leader ; – les subordonnés ; – le contexte. Figure 7.20. Le choix d’un style de direction Reconnaissons que la question se posera toujours. Les difficultés rencontrées par la direction pour motiver le personnel se retrouvent bien fréquemment, et les observateurs sont perpétuellement à la recherche de méthodes plus efficaces. $! |\/ | Le cabinet Bain estime quant à lui que le bon dirigeant est celui qui sait s’adapter aux circonstances. La personnalité importe peu. Ce qui compte n’est pas d’avoir du « caractère » mais d’être capable de recourir au mode de direction le plus efficace. Cinq types de dirigeants sont présentés : 4$ – le leader-expert qui fait reposer sa direction sur son savoir-faire ; – le leader-stratège qui donne les grandes orientations ; By – le leader-rénovateur, adepte du changement permanent ; – le leader-coach, véritable meneur d’hommes ; – le leader contrôleur, l’œil rivé sur les procédures et les performances. Le coaching, un concept qui fait recette Actuellement, le leader-coach bénéficie d’un engouement particulier. Certains y verront l’influence des pratiques utilisées dans les sports d’équipe et très médiatisées. Le coaching consiste à obtenir le meilleur d’une personne dans des circonstances déterminées. Certains en ont même fait leur profession. Les grands (ou les moins grands) patrons recourent aujourd’hui, comme les sportifs, à une aide extérieure qui leur sert de reflet, de stimulant, d’accompagnateur, de regard bienveillant et motivant pour prendre confiance en eux-mêmes. Le coaché peut ensuite communiquer la méthode à ses collaborateurs : écoute, compréhension, propositions pour que chacun donne le meilleur de lui-même, au service de l’entreprise. Un style de direction pouvant, idéalement, satisfaire à toutes les contraintes que nous venons d’évoquer demeure donc à inventer. C’est bien pourquoi l’on cherche toujours, avec des réussites diverses, l’oiseau rare. C. La culture d’entreprise En recherchant des facteurs susceptibles d’animer les équipes dans l’entreprise, on en vient naturellement à s’interroger sur le rôle que peut jouer la culture. Pour l’anthropologue, le terme de culture est devenu synonyme de civilisation, au sens de l’ensemble des traits, des mœurs, des attitudes qui caractérisent un peuple et structurent sa personnalité. Or on suppose que se constitue, dans l’entreprise, une véritable culture (Corporate Culture) qui se révélera, au fil du temps, plus ou moins favorable à la volonté de changement et d’adaptation. Les entreprises affichent leur culture et leurs valeurs. En pratique, le terme de culture est utilisé sur différents plans. Il convient de toujours préciser à quelle culture il est fait référence, sachant cependant que les influences se combinent : – la culture individuelle d’une personne est liée à ses origines, à sa religion, à son éducation, etc. ; – la culture d’un métier, d’un service, d’une fonction, d’une équipe, d’un groupe de personnes se caractérise par une technicité ou une formation ; $! |\/ | – la culture d’entreprise varie énormément selon les valeurs du groupe ou de la marque ; 4$ Exemple By La culture de Airbnb est distincte de celle d’Accor. – la culture varie énormément selon le secteur d’activité. On peut ainsi opposer le secteur de la sidérurgie à celui des nouvelles technologies ; – la culture d’un groupe de pays, d’un pays ou d’une région qui peut avoir sa propre identité. 1. Les composantes de la culture Elles sont fort nombreuses (figure 7.21). Figure 7.21. Les composantes de la culture a. Les valeurs Ce sont les idées et les croyances que les membres de l’entreprise ont en commun et qui guident leurs comportements. Exemple Chez General Electric, on affirme que le progrès est le produit le plus important. Exprimées ou non dites, ces valeurs n’en restent pas moins une cause essentielle de la réussite d’une firme, parce qu’elles modèlent la stratégie, le style de direction ou les relations entre les services et les hommes. Parfois, ces idées se transforment en normes qui forment un véritable credo d’entreprise. b. Les mythes |\/ | Il s’agit des anecdotes, des histoires que l’on raconte à propos de la fondation de l’entreprise, ou de ses succès, de tels mythes ayant pour fonction d’entretenir et de véhiculer des valeurs essentielles et stimulantes. $! Exemple c. Les symboles By 4$ L’histoire du patron d’entreprise qui renonce à entrer au siège social sans son badge révèle l’importance du respect des règles. Ce sont les signes chargés d’un sens, liés de manière plus ou moins directe aux valeurs fondamentales. Ainsi les vêtements arrivent-ils à exprimer des idées ou des attitudes qui prévalent dans l’entreprise. Exemple Chez Apple aux États-Unis, le tee-shirt se porte avec ostentation, pour montrer que l’on faisait fi des traditions sclérosantes. d. Les rites On désigne, par cette expression, des activités banales, mais systématiques qui ont pour effet : – de développer le sentiment d’appartenance des hommes à l’entreprise ; – de valoriser certains événements mettant en relief les idées les plus importantes ; – de fixer en quelque sorte cette culture qui se constitue. e. Les héros La mythologie de l’entreprise connaît des personnages fabuleux, des demi-dieux, des « champions ». Il peut s’agir des fondateurs mais aussi d’employés plus modestes qui se révèlent un jour héros d’une situation donnée. Au fond, de tels modèles, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur de l’entreprise, expriment un besoin d’héroïsme et de valorisation d’actions souvent banales. Devenus normes et performances, ils motivent le personnel car ils proposent une galerie d’actes exemplaires et de vies illustres. f. Le réseau culturel Différent des canaux d’information officiels, ce système, occulte, a pour fonction de renforcer les valeurs et de trouver des soutiens. Les rumeurs chuchotées représentent, par exemple, un bon moyen de faire circuler les informations constitutives de la culture. Mais il convient d’être attentif à tous les biais possibles. La question se pose donc de savoir comment l’on peut se doter d’une culture adéquate. 2. La culture se gère-t-elle ? 4$ $! |\/ | Au fond, la question de la maîtrise de la culture de l’entreprise ressemble à celle de l’image du produit. De même que tout individu effectue spontanément une représentation mentale, consciente ou inconsciente d’un bien, de même s’amoncellent dans l’entreprise des idées, des valeurs, une histoire, des représentations, des images, etc., qui constituent la culture. Or, dans les deux cas, le travail du responsable consiste soit à composer une image convenable du produit, soit à modeler une culture propice à l’adoption des orientations qu’il souhaite prendre. By Concernant la culture, certains proposent des méthodes d’intervention directe. C’est ainsi que l’entreprise devrait tout d’abord trouver son héros qui transformerait le système de valeurs en credo. Puis, notre « champion » élu, par la vertu de l’exemple, montrerait la voie à suivre. Parallèlement, on chercherait à créer un réseau culturel destiné à faire circuler les mythes, tandis que s’instaureraient les rites officiels. Enfin, d’autres demi-dieux seraient désignés pour amplifier l’action. On admet aisément l’intention d’une telle démarche, mais on imagine aussi combien rapidement on risquerait de sombrer dans le ridicule, si l’on voulait forcer un phénomène mal connu en caricaturant sa manifestation. D. Le processus stratégique L’entreprise est un organisme vivant et la mise en œuvre des orientations stratégiques, voire les modalités de choix, s’opèrent au fil du temps et mobilisent de nombreux acteurs. 1. L’élaboration de la stratégie Opérer des choix, arbitrer entre des options multiples relève d’un processus complexe que les entreprises mettent patiemment en action. Il s’agit de surmonter des objectifs apparemment contradictoires. – agir rapidement mais sans précipitation ; – atteindre les objectifs en respectant plusieurs contraintes ; – s’appuyer sur les ressources internes tout étant éclairé par les tendances traversant l’environnement ; – respecter les volontés de la gouvernance sans négliger les préoccupations des autres acteurs. Tout est envisageable, rien n’est interdit tant les entreprises et leurs contextes sont différents. Une distinction classique oppose les méthodes relevant de la volonté quasi instantanée de celle résultant d’une démarche pas à pas. 2. Le poids de la volonté Dans un monde de liberté la volonté, la détermination guident les décideurs. Ouvrir un nouveau marché en Amérique latine, construire une usine en Afrique du Nord, se séparer d’une activité déclinante, acheter un fournisseur d’équipements indispensable à la fabrication constituent autant de décisions qui résultent d’une analyse pertinente, d’un engagement résolu et donc entrant dans le registre de la pure volonté. |\/ | L’instantanéité entre le diagnostic et le choix n’est pas obligatoirement de mise, mais ce sont prioritairement les outils du diagnostic stratégique et leur mise en cohérence avec les objectifs affichés qui commandent le choix. By 3. Le jeu des contraintes 4$ $! Plus précisément l’orientation est prise d’abord en raison des considérations internes (la volonté du dirigeant, les ressources et compétences disponibles) ou prioritairement en fonction des éléments externes (arrivée d’un nouveau concurrent, fermeture d’un marché). Au désir de liberté s’oppose l’existence de contraintes multiples engendrant, pour l’entreprise, la nécessité de mener l’élaboration de sa stratégie avec une méthode pas à pas. La stratégie est émergente, elle se construit, acquiert sa cohérence au fil du temps. Les décisions s’enchaînent, parfois l’entreprise louvoie, tâtonne, mais la vision d’ensemble demeure. Une contrainte se trouve dans l’histoire de l’entreprise. Même si, philosophiquement, seul le futur importe, il demeure que l’avenir est en grande partie commandé par le passé et le présent. Les orientations stratégiques d’avant limitent l’espace de choix d’aujourd’hui. L’Oréal est mondialisé depuis des décennies ; rien ne peut contraindre l’entreprise à réorienter cette stratégie. HewlettPackard est né avec les ordinateurs, même si le marché est difficile, l’abandon de la branche « métier historique » s’avère douloureux. La structure interne, l’organisation constituent une seconde famille de contraintes. Il a été beaucoup exprimé que la structure s’adaptait à la stratégie mais l’opinion inverse ne pas doit être négligée. La puissance des divisions correspondant à divers unités de luxe de LVMH imposent – dans une certaine mesure –, d’aller toujours de l’avant dans ces domaines. Les patrons des divisions ont comme objectifs assignés de développer leurs ventes, leur périmètre et les profits dégagés. L’investissement supplémentaire dans les orientations choisies dans le passé va de soi. Une formule connue – la dépendance de sentier –, (path dependency) résume à merveille ces idées. Une entreprise inscrit son existence dans une trajectoire, un sentier stratégique. Le chemin emprunté dans le passé limite et donc oriente les choix de demain. En conclusion, peut-on imaginer que l’entreprise selon ses souhaits peut délibérément opter pour une nature de préoccupation ou une autre ? Rien n’est moins sûr. Le BCG(49) met l’accent sur la nécessité d’adapter l’élaboration de la stratégie aux caractéristiques de l’environnement. Celles-ci reposent sur deux axes : la capacité qu’ont les acteurs à influencer la structure du marché, d’une part ; la nature plus ou moins prévisible du futur, de l’autre. Quatre formes d’environnement, appelant des orientations différentes, sont distinguées. Tableau 7.15. Les quatre formes d’environnement stratégique 4. La faisabilité de la stratégie $! |\/ | L’impératif de ne mettre en œuvre que les orientations pédagogiques souhaitables et faisables relève de l’évidence. Les orientations tant business que corporate sont, a priori, passées par le filtre de la faisabilité. Toutefois, il est utile de rappeler les grands alignements absolument nécessaires. 4$ a. Les objectifs By L’identité de l’entreprise (missions, vocations, buts) est à cet égard sollicitée. À la première étape de la mise en œuvre l’entreprise peut se rendre compte qu’un choix est incohérent ave son registre identitaire. On conviendra qu’une telle situation aurait pu être largement anticipée, mais il n’est jamais inutile de procéder ici à une remontée, parfois salutaire, à ce niveau. b. La faisabilité financière Mener une stratégie implique des ressources financières et appelle un retour sur investissement prévisionnel. Négliger l’un comme l’autre serait coupable, d’autant plus que des changements de gouvernance peuvent intervenir tout au long du processus et alors les contraintes du Return on investment (ROI) minimum requis évoluent. c. L’acceptabilité par les acteurs En interne, il serait préférable d’évoquer la « réserve » plutôt que la « non-acceptabilité » car les acteurs ne disposent pas de droit à critiquer les choix. L’accent est ici mis sur le poids, positif ou négatif que peuvent porter les managers face à un choix stratégique à l’égard duquel ils sont enthousiastes ou partagés. Pour ce qui est de l’externe, les annonces des choix stratégiques appellent des réactions des marchés financiers, de la presse, des pouvoirs publics, voire des clients, des fournisseurs, des partenaires. Là également des expressions favorables encouragent à une mise en œuvre rapide et très marquée ; des retours critiques peuvent engendrer un retrait, un délai et, pourquoi pas, un changement d’orientation. d. Les ressources et les compétences requises La mise en œuvre de la stratégie impose des ressources (brevets, technologie, terrains, équipements) disponibles, de même que des compétences (savoir-faire, maîtrise des règles, connaissances des langages). Sans cela, c’est l’aventure avec le risque de tellement peiner dans le déploiement qu’elle se solde par un échec. 5. Les acteurs Il serait aisé de dire que le choix de la stratégie et sa mise en œuvre appartiennent à toutes et à tous dans l’entreprise. Cette affirmation est tout à la fois vraie et fausse. Elle est vraie car la stratégie se définissant comme un changement, l’impact est généralisé. Mais elle est erronée car la plupart des acteurs sont d’abord mobilisés par l’opérationnel. a. Les dirigeants |\/ | Le choix stratégique et l’impulsion pour la mise en œuvre leur appartient. Ce sont eux qui sont responsables des performances devant la gouvernance et ils ont donc pour mission de mener l’entreprise vers les espaces procurant les résultats les plus flatteurs. Ces dirigeants s’expriment devant la presse et les marchés financiers. Souvent médiatiques, mais ce n’est pas une obligation, ils tiennent le devant de la scène tant la personnalisation des organisations est manifeste. $! b. Les experts By 4$ L’entreprise peut compter une cellule, un service, un département chargé de la stratégie du développement. Leur tâche est de préparer le processus, de nourrir l’utilisation des outils, de veiller au respect du timing, d’élaborer les outils de « socialisation » des choix stratégiques à tous les niveaux. c. Les conseils et consultants Le recours aux cabinets spécialisés (BCG, McKinsey, A.T. Kearney), les pratiques de coaching des dirigeants sont des pratiques courantes qui évitent l’isolement du décideur en lui apportant à la fois un reflet de ses propres idées et une irrigation au moyen d’informations venant de l’extérieur. d. Le middle management Son rôle essentiel est de transmettre l’information dans les deux sens, en veillant à ne pas déformer les messages tout en les adaptant aux divers auditoires. Mini-cas 1 : la fiabilité, une affaire d’organisation Cette étude de cas, basée sur l’exemple du pilotage dans le secteur aérien, décrit les procédures et tâches à suivre pour la préparation d’un vol puis l’étude des interactions entre les membres de l’équipage et entre les pilotes et l’environnement technologique, lors du pilotage de l’avion. Elle est issue d’échanges avec un commandant de bord. Un avion, c’est trois millions de pièces assemblées qui volent en même temps. Il existe un programme analytique de maintenance (préventive et corrective) et de révision périodique et planifiée en fonction des heures de vol, du nombre de cycles de pressurisation, de l’âge de l’avion et du nombre d’atterrissages. Des avions et des pilotes à suivre de près Dans le cadre de la maintenance préventive, interviennent des changements programmés de certaines pièces essentielles (vieillissement). Des contrôles sont effectués par les services officiels de la Direction générale de l’aviation civile – DGAC (Veritas). Avant d’être mis en ligne, l’avion doit satisfaire aux tests de la certification pour recevoir un certificat de navigabilité (CDN), document qui autorise sa mise en ligne. Dans l’utilisation opérationnelle journalière des avions, une visite courante est effectuée de façon périodique par les personnels agréés. Cela consiste en des contrôles journaliers, bi-journaliers, hebdomadaires (CJ, C2J, CS). Ceci définit tout un programme de vérification en opérations, écrit point par point, à l’instar des guides d’action des pilotes que constituent les check lists. Une formation solide 4$ $! |\/ | L’opérateur humain, « pièce » importante de la « machinerie », doit être fiable au même titre que toute pièce mécanique. Il devra donc être contrôlé régulièrement de manière préventive. Les pilotes passent bi-annuellement, à ce titre, une visite médicale approfondie. Ce contrôle important permet de valider annuellement la licence autorisant le pilote à exercer sa profession. By Pour maîtriser des systèmes complexes, pour être prêt à affronter un environnement incertain, potentiellement hostile, des formations conséquentes sont indispensables pour les pilotes. Outre l’ensemble des brevets et licences fondamentales pour la profession, obtenues après plusieurs années de formation générale (parties théoriques au sol, nombreuses heures de simulateur puis vols selon des programmes définis très précisément), tout pilote doit obtenir une qualification spécifique à chaque type d’avion (B737, B747, A320 A330, A380...). L’adaptation pour un nouvel avion requiert alors une formation au sol (cours et simulateur) et en vol (adaptation en ligne). La durée est variable selon le type d’avion, l’expérience professionnelle du pilote ainsi que selon les caractéristiques des réseaux exploités et des aéroports desservis. De même, le passage de la fonction d’officier pilote de ligne (appelé aussi copilote) à la fonction de commandant de bord est associé à un ensemble de stages. Les stages d’information sont des modules de visite des différents services pour comprendre et maîtriser leurs rôles. Les formations sont liées au rôle du commandant de bord proprement dit par rapport à sa fonction de leader, de décideur. C’est aussi l’occasion d’une révision globale des connaissances techniques et humaines réalisée à l’occasion d’une qualification sur un nouvel avion. (Le plus souvent, un pilote long courrier passe commandant de bord sur un avion moyen courrier). Le maintien des compétences est associé à des conférences et des contrôles. Les conférences portent sur la sécurité / sauvetage, les techniques avions, les mises à jour des doctrines compagnie... Des contrôles en simulateur et en vol sont effectués trois fois par an par des instructeurs agréés. Les qualités techniques et humaines des pilotes sont jugées à cette occasion en situation réelle. Cette structure de contrôle est aussi une obligation réglementaire qui permet de valider la licence du pilote, d’année en année. Nous avons vu comment le pilote acquiert la maîtrise initiale d’un nouveau type d’avion. Nous avons vu aussi que l’équipage technique (commandant de bord, officier pilote de ligne) suit des séminaires de révision et de formation ainsi que des contrôles réguliers. Une préparation qui tient la route Elle consiste notamment pour l’équipage à prendre connaissance des informations concernant la situation météorologique précise (au départ, pendant le trajet et à destination), l’état de l’avion (particularités fonctionnelles), le chargement (fret dangereux, consigne de traitement, personnes sur civière, présence de VIP) et, enfin, l’infrastructure (particularités aéroportuaires, installations radio-électriques, moyens de secours...). $! |\/ | Les atterrissages constituent un exemple de préparation préliminaire demandée au pilote. En effet, certains aéroports conservent des particularités que le pilote doit connaître. Les aéroports sont alors classés en trois niveaux. Le premier niveau implique pour le pilote la consultation de la fiche de terrain (95 % des cas). Le second niveau nécessite la visualisation d’une cassette vidéo attirant l’attention du pilote sur certaines spécificités. Par exemple, l’aéroport de Sofia (Bulgarie) comporte un terrain très montagneux proche des pistes et nécessite un contrôle aérien particulier (altitude calculée en mètre au lieu d’en pieds). By 4$ Le troisième niveau correspond aux aéroports hors norme : c’est le cas de Hong Kong où l’axe de procédure est différent de l’axe de la piste et oblige à un virage bas, au dessus du centreville. La procédure implique un vol de reconnaissance obligatoire (simulateur ou vol accompagné sur place). La route sera choisie en tenant compte de la sécurité, de l’économie (temps de vol, consommation de carburant, taxes suivant l’espace aérien traversé) et, enfin, du confort du vol. La quantité de carburant à définir sera au final déterminée par le commandant de bord, sachant qu’il existe un nombre de contraintes réglementaires qui amène à une valeur minimale. Les cockpits de verre ou glass cockpits Ils incluent une nouvelle présentation des planches de bord avec des Electronic Flight Information System (EFIS). La représentation de la trajectoire et des systèmes de l’avion est plus synthétique et soulage le travail de représentation de l’environnement. Par exemple, la représentation de la trajectoire apparaît plus homogène et centralisée au lieu d’un ensemble de divers autres paramètres disséminés sur la planche de bord. Les informations synthétiques sont alors intégrées sur un seul écran et prêtes à aider au diagnostic ; elles sont plus proches du pilote, plus naturelles. L’interface entre le monde extérieur et le pilote est transparente. Par exemple, un écran présentera un disjoncteur et un interrupteur avec un dessin symbolique du système (circuit allumé en vert, circuit éteint en rouge). Le cockpit apparaît comme un système de cognition collective (collecte, stockage, traitement et récupération des connaissances, formé par le réseau des systèmes cognitifs individuels et des artefacts). Mais les glass cockpits peuvent aussi présenter certaines limites. L’écran est interactif, très captivant. La modélisation complexe de l’environnement semble se suffire à elle-même ; peut même surpasser la réalité. Pour le cabinet Dedale (1993), « On retrouve alors les dangers d’un cockpit ‘‘égocentré’’ : chacun travaille dans son coin, sans s’occuper de ce que fait l’autre. Cette attitude pourrait être favorisée par les glass cockpits s’il y a diminution des communications extra-verbales. L’accès individuel et indépendant à toutes les fonctions du Flight Management System (FMS : ordinateur embarqué constituant une aide précieuse au travail d’optimisation du vol) pourrait entraîner un équipage avec deux pilotes travaillant séparément en parallèles (Two parallel one man crew) ». Ce type de cockpit conduit facilement à une mauvaise synergie. La préparation du poste d’un avion Elle est développée point par point dans un manuel d’exploitation. Tout est prédéfini, découpé phase par phase. Chaque action est prévue d’avance et doit se dérouler conformément à un canevas rigoureux qui est associé à chaque type d’avion et défini pour chaque phase de vol. 4$ $! |\/ | Ces canevas constituent des guides d’action dont la bonne réalisation est facilitée par la position physique de chacun des instruments dans le poste de pilotage. En effet, la trajectoire de la main du pilote qui réalise son guide d’action, décrit toujours un parcours auquel on peut attribuer une représentation arbitraire qui a l’avantage d’être mnémonique, d’où son efficacité. Le cas particulier de la mise en route initiale de tous les circuits de l’avion (appelé « prise en compte de l’avion ») est généralement associé pour les avions en équipage à deux (commandant de bord, officier pilote de ligne) à un chemin de parcours nommé de manière imagée « la grande boucle ». By De manière générale, cette structure de travail est précisée dans ce manuel pour l’intégralité de la gestion du vol, pour tous les paramètres pouvant intervenir depuis les règles d’acquisition des informations pour le vol du jour jusqu’à la clôture de ce même vol (visite de prévol, préparation du poste, mise en route, après-mise en route, roulage, décollage, montée initiale, montée, croisière, descente, approche, remise des gaz, atterrissage, après-atterrissage, arrivée au parking, stationnement prolongé). Elle est étendue jusqu’aux méthodes d’utilisation des différents systèmes de l’avion, dont la philosophie d’exploitation est précisée. Redondance et sécurité La redondance est utilisée pour réduire les effets négatifs de la complexité et des couplages serrés. Cette notion est associée à la sécurité et à la fiabilité. Elle prend de nombreuses formes comme la multiplication ou le chevauchement des décisions (overlap). Cela peut être la duplication, la multiplication pour éviter la défaillance technique ou humaine (le stockage de la connaissance, du traitement de l’information est dupliqué chez le commandant de bord et le copilote). Le cockpit intègre des instruments en double, voire en triple : par exemple trois altimètres, trois radios, trois circuits hydrauliques, des commandes en automatique ou en manuel...). Pour cette raison également, aucun avion de ligne ne dispose d’un seul réacteur. À quelques rares exceptions près, il est en effet interdit d’exploiter un aéronef monomoteur pour le transport public de passager. Tout ceci est associé à la notion de fail safe qui n’admet pas d’impasse dans le cadre de la conception d’outil exploité dans un domaine où la sécurité prime. On peut aussi parler du contrôle mutuel des actions importantes en situation dite d’urgencesecours. Les check lists à effectuer sont réalisées en contrôle mutuel entre le commandant de bord et le pilote (cross check). Ainsi, une erreur éventuelle peut être détectée et corrigée avant même d’apparaître. Il est démontré que, si pour chacun, la probabilité de faire une erreur est de 1/10, en cas de contrôle réciproque les probabilités ne s’ajoutent pas mais se multiplient. Ainsi, la probabilité n’est pas 2/10 mais 1/100. Le cross check est aussi appliqué de manière systématique en condition normale pour toute action ou autorisation importante. Donnons l’exemple de l’obligation réglementaire qui est faite de répéter tous les points clés des clearances de vol dans le cadre de la communication entre le contrôle aérien et les pilotes. $! |\/ | Les redondances existent aussi puisque le commandant de bord et le copilote sont multifonction. Le pilotage, les télécommunications, la mécanique peuvent aussi bien relever de l’un ou de l’autre. La trajectoire (pilotage, navigation) est la fonction appartenant en priorité au pilote désigné comme « pilote en fonction » pour l’étape en cours. Les télécommunications et la mécanique sont traitées par le pilote dit non en fonction. (À noter que si des mécaniciens sont présents comme dans le 747.100, 747.200, etc., la mécanique sera du ressort principal du mécanicien navigant). En revanche, le commandement appartient uniquement au commandant de bord dans tous les cas (hiérarchie organisationnelle). By 4$ La situation idéale est représentée par le cockpit synergique. Ce type de cockpit ne s’établit pas de façon spontanée. Il demande des efforts et il obéit à des règles qu’il faut faire respecter. Il est d’abord nécessaire de créer une atmosphère favorisant les échanges et effaçant les barrières. Le cockpit synergique se construit et s’entretient. Le leader (commandant de bord) crée des projets d’action communs avec ses partenaires (officier pilote de ligne, mécanicien). Il accepte les critiques et éventuellement de revoir ses choix. Avant de prendre sa décision, il recueille les informations autour de lui. Il anticipe, laisse travailler et participer les autres. C’est un leader très convivial qui s’efforce de détendre le groupe. Il a des jugements qui ne portent pas sur les personnes mais sur les faits. Le leader d’un cockpit synergique doit savoir varier son style de commandement en fonction du moment, de la situation et des acteurs. L’autorité moins marquée en situation normale est plus forte en situation chargée et / ou anormale. Stabilité des fonctions et évitement des routines dans les équipages La gestion d’un cockpit cherche à éliminer les divergences par rapport aux normes et aux standards de la compagnie aérienne et des instances internationales. Le personnel doit éviter toutes déviations possibles : il n’y a pas de place pour l’invention, l’improvisation. Il faut éliminer le subjectif humain. La place du commandant de bord est, par exemple, toujours à gauche ; celle du copilote, à droite. Les uniformes codés rappellent visuellement qui est le commandant de bord et qui est l’officier pilote. Contrairement à ce que pense l’homme de la rue, les équipages, la plupart du temps, ne se connaissent pas. Ceci renforce la sécurité puisque ce mécanisme évite les routines. Cela est rendu possible eu égard au nombre élevé de personnels. Même si les personnels navigants techniques (PNT) sont habilités par type d’avion, les équipages sont rarement constitués plusieurs fois de suite à l’identique. Il existe aussi une volonté de s’éloigner de tout cockpit particulier (mari-femme, père-fils...). En effet, une certaine intimité, complicité sur le plan privé ou affectif, pourrait favoriser l’oubli de certaines règles simples (ainsi on ne vérifie pas ce que l’autre fait, car on a une totale confiance). On retrouve alors un cockpit « laisser-faire ». La synergie d’un tel cockpit n’est pas bonne. De la même façon, un cockpit particulier (binôme instructeur-stagiaire encore peu confirmé) peut amener certaines déviations par rapport aux procédures exigées. On sait aussi qu’en situation de stress intense, l’individu a tendance à régresser vers des comportements primaires. Weick le rappelle dans le désastre de Tenerife où le commandant de bord se permet à tord de ne pas prendre en compte les remarques du copilote. Ce dernier reste alors passif en partie parce que le commandant de bord a été dans un passé récent son instructeur. On retrouve alors un cockpit autocratique : le chef se situe hors du groupe, il impose de l’extérieur les buts, les moyens et l’organisation. Il n’informe pas de la suite, il ne fait pas partager son projet d’action. C’est uniquement à la fin qu’il fait des remarques, plutôt globales et donc, peu pédagogiques. Son moyen d’action sur les autres, c’est l’ordre sans prendre en compte l’avis des autres. 4$ $! |\/ | On peut souligner qu’une façon efficace d’éviter une certaine routine consiste également en la gestion de la “nouveauté” : en effet, elle permet de casser les habitudes. Par exemple, il serait déraisonnable de demander à un pilote d’effectuer sa carrière sur un nombre réduit de type d’avion, voire sur un seul. Les changements de type d’avion tous les trois à six ans, avec une nouvelle qualification pour cet avion, contribuent ainsi fortement à obliger au respect des procédures et au maintien des compétences. By D’après V. Guilloux, « Exemple du pilotage dans le réseau aérien », in M. Kalika, J.-P. Helfer, J. Orsoni, Management. Cas et applications, Vuibert, 3e édition, 2010. Questions 1. À l’aide des éléments sur le pilotage aérien, comment définiriez-vous les organisations à haute fiabilité ? 2. Pourquoi parler de « cognition située » dans une organisation telle qu’un cockpit ? 3. Comment définiriez-vous la mémoire organisationnelle ? Mini-cas 2 : La relation stratégie-structure chez Danone |\/ | Questions 1. Caractérisez la structure du groupe Danone. $! 2. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle structure ? 4$ 3. L’organigramme vous renseigne-t-il sur la stratégie poursuivie par le groupe ? Identifiez les axes stratégiques de Danone. By 4. D’une manière générale, quelle relation pouvez-vous établir entre la stratégie et la structure d’une entreprise ? Chapitre 8 Le changement stratégique Les compétences clés à acquérir : • Identifier les sources du changement dans l’entreprise. • Connaître les étapes du changement pour mettre en œuvre la stratégie. • Qualifier le changement stratégique que l’entreprise doit mettre en place. |\/ | • Analyser le contexte du changement stratégique. • Décrire les forces en présence et les actions susceptibles de faciliter le changement. $! • Mesurer l’importance et les incertitudes des changements dans l’entreprise. • Comprendre toutes les difficultés qu’il faut surmonter pour réussir un changement organisationnel. 4$ • Repérer la phase de développement dans laquelle une entreprise se situe. • Mettre en place une action de changement. By • Définir la notion d’entreprise apprenante. Les choix stratégiques et organisationnels ne sont rien sans la maîtrise des processus de changement et d’apprentissage. Nous commencerons par aborder la question du changement dans l’organisation pour nous intéresser ensuite aux conditions de l’apprentissage organisationnel. I. Le changement organisationnel Peu de mots peuvent se targuer d’avoir fait une aussi belle carrière : le changement est devenu le principal attribut de la modernité dans un monde qui n’a de cesse d’évoluer au gré d’une histoire accélérée. Les organisations(50) n’échappent pas à cette force d’entraînement. Mais qu’est-ce que le changement ? C’est l’acte par lequel cette organisation se modifie, ou est modifiée, dans quelquesuns de ses caractères. Le changement aboutit à une transformation, subie ou voulue par les acteurs. De fait, il ne se passe pas un jour sans que des changements minimes interviennent. Exemple L’arrivée d’un nouveau vendeur plus dynamique, la perte d’un client qui annule une commande ou encore l’annonce de la ruine d’une banque dans un pays émergent peuvent être perçus comme des changements minimes ou notables selon le point de vue des acteurs concernés. D’autres changements présentent néanmoins une plus grande ampleur. Exemple Un changement d’équipe dirigeante par exemple chez Carrefour ou chez Accor, l’adoption d’une nouvelle structure ou encore le rachat d’un concurrent sont toujours perçus comme des changements importants. By 4$ $! |\/ | Pour comprendre le changement organisationnel, nous en abordons successivement les sources, les étapes et le contexte. Puis nous présentons les typologies du changement, son acceptation et les modalités de son pilotage. L’évolution de l’organisation, au travers de son cycle de vie, est enfin retracée. Si les occasions de changements minimes foisonnent dans la vie de l’entreprise, les transformations radicales restent cependant rares. Commençons par examiner pourquoi les firmes ne changent pas autant qu’on pourrait le supposer. A. Les sources du changement Sur le plan stratégique, le changement peut avoir des causes externes et internes. Ces deux éléments sont complémentaires et non exclusifs, les acteurs internes à l’entreprise pouvant reprendre à leur compte les changements intervenus dans l’environnement. Tableau 8.1. Les sources externes du changement Facette de l’environnement source... Écologique Culturelle Sociologique Économique |\/ | Juridique et réglementaire $! Technologique 4$ Démographique La politique de libéralisation économique et d’ouverture aux capitaux étrangers dans un pays émergent influent sur les choix d’implantation internationaux des multinationales. Les menaces terroristes créent de nouveaux marchés dans les domaines de la sécurité dans lesquels certaines entreprises investissent. Le vieillissement de la population conduit Toyota à développer une gamme de voitures pour les seniors. L’obésité croissante suscite la création d’activités de remise en forme. L’émergence des technologies 4G de télécommunication mobile conduit les opérateurs à développer des contenus. La réglementation sur les 35 heures en France a conduit des entreprises de main-d’œuvre à délocaliser leur production à l’étranger. Le réchauffement de la planète et l’épuisement des ressources pétrolières suscitent des investissements dans les énergies renouvelables. Le développement de l’application des préceptes de la Charia conduit une banque à créer une branche « islamique ». La recomposition des structures familiales (familles monoparentales et familles recomposées) pousse les constructeurs immobiliers à reconfigurer leur offre d’appartements et de maisons. Le taux de croissance de la Chine et de l’Inde conduit de nombreuses firmes à y investir. By Politique ... de changement de stratégie (exemples) 1. Les sources externes du changement de stratégie sont liées aux mutations qui interviennent dans l’environnement des entreprises. Chacune des multiples facettes de l’environnement(51) peut provoquer un changement de stratégie. Ces changements intervenant dans l’environnement peuvent susciter des réactions des concurrents plus agiles et réactifs, celles-ci provoquant à leur tour un changement de stratégie de l’entreprise. 2. Les sources internes du changement de stratégie sont liées aux hommes, aux résultats de l’entreprise et aux changements technologiques. • Les hommes sont les acteurs des changements de stratégie. Ce sont eux qui perçoivent les modifications issues de l’environnement et des actions des compétiteurs et qui suscitent les changements au sein de l’entreprise. Les dirigeants sont par nature les acteurs primordiaux du changement stratégique. C’est l’une de leur principale mission que de veiller à la pertinence de la stratégie de l’entreprise. L’accélération des rythmes des changements fait des managers des acteurs clés du changement de l’entreprise. Leurs décisions peuvent être influencées : – par des considérations liées à l’environnement ; – par des convictions ou des intérêts qui leurs sont propres. Il convient là de souligner le rôle des stratégies personnelles des dirigeants, les opérations de fusion ou de LBO témoignent en effet de l’importance de cette dimension dans la compréhension des stratégies décidées par les entreprises ; – par des biais cognitifs. En effet, l’environnement et la situation de l’entreprise sont perçus au travers de filtres cognitifs qui peuvent masquer, déformer, retarder la perception de l’environnement. Mais les dirigeants ne sont pas les seuls acteurs du changement. Les intrapreneurs, qui sont des membres de l’entreprise pouvant se faire les champions d’une innovation ou d’un nouveau projet, constituent également des moteurs des changements stratégiques. 4$ $! |\/ | • La situation de l’entreprise et notamment ses résultats financiers, ses parts de marché sont un déclencheur important de changement stratégique. Lorsque les résultats de l’entreprise se dégradent, les dirigeants sont conduits à s’interroger sur la stratégie et à défaut la pression des actionnaires les y contraint. On observe d’ailleurs que la mauvaise situation de l’entreprise peut conduire à un changement de dirigeants qui ont pour mission de changer la stratégie et sa mise en œuvre. By • Un changement technologique, une innovation scientifique majeure peuvent créer un contexte propice à un changement de stratégie. L’innovation technologique de Michelin dans le domaine des pneus pour poids lourds conduit l’entreprise à faire évoluer sa stratégie. Figure 8.1. Les sources du changement de stratégie B. Les étapes du changement Dans les entreprises, on associe souvent le changement à sa seule partie visible, c’est-à-dire le jour où le P-DG annonce le changement de stratégie. En fait, le changement stratégique comme tout changement, est un processus. Kurt Lewin propose de décrire le processus de changement en trois étapes : • Le dégel correspond à la prise de conscience par les acteurs de l’entreprise (dirigeants, actionnaires, managers, etc.) de la nécessité de changer. Le statu quo est ébranlé. C’est une phase de maturation. • Le mouvement traduit la mise en œuvre du changement au sein de l’entreprise et se caractérise par une instabilité forte, intermédiaire entre deux phases de stabilité. Cette phase constitue une rupture, un déracinement par rapport à la situation précédente. • Le regel marque l’ancrage du changement au plan du fonctionnement quotidien de l’entreprise, le retour à une nouvelle situation stable et à son enracinement. La phase d’enracinement est la plus délicate car elle nécessite de transformer en routines les nouveaux modes de fonctionnement de l’entreprise concernée. Or, si l’attention de la direction est naturellement portée sur les deux premières phases, la dernière est bien souvent oubliée (en fait, on ne sait pas bien comment faire !). 4$ $! |\/ | Figure 8.2. Les trois phases du changement By Dans le même temps, les routines restent essentielles : tout ne change pas. Les travaux de Vandengeon-Desrumez sur le processus de changement distinguent les actions dans les trois phases en fonction de la nature du changement, prescrit ou construit (figure 8.3). Le rôle des acteurs est en effet variable selon les phases et selon que le changement est : • prescrit, délibéré, de type haut → bas. Le leader joue un rôle central de visionnaire et son charisme constitue un moteur de la mise en œuvre du changement stratégique ; • construit, émergent et de type bas → haut. Le leader ne dispose pas d’une vision claire et il mobilise des groupes d’acteurs, notamment la hiérarchie intermédiaire, qui vont concevoir et mettre en place le changement. Dans cette perspective chère au sociologue français N. Alter(52), l’innovation émerge de la réflexion des groupes et est ensuite reprise par la direction qui l’institutionnalise. Mais dans le contexte d’hypercompétition qui caractérise certains secteurs, dans un environnement dont les dirigeants ne cessent de décrire l’instabilité et l’accélération du rythme des changements, il faut considérer que le retour à une situation stable est illusoire. Pour nombre d’entreprises, l’instabilité devient la règle et la stabilité l’exception ! Le changement ne fait que suivre le changement... Figure 8.3. Les types et phases de changement C. Le contexte du changement stratégique |\/ | Selon les entreprises, le contexte du changement stratégique diffère. Peut-on comparer le contexte stratégique d’un Google aux États-Unis avec celui d’EDF en France, celui d’une PME dirigée par son fondateur en Irlande et celui d’un groupe international implanté dans 30 pays, comptant des dizaines de milliers de personnes ? À l’évidence non. 4$ $! Pour comprendre le contexte stratégique du changement il convient d’analyser à la fois les aspects externes et internes du changement. Cette analyse doit prendre en compte les situations, c’est-à-dire les faits (une nouvelle réglementation, une innovation technologique, une perte financière, etc.), le rôle des différentes catégories d’acteurs concernés par le changement, les capacités organisationnelles de changement. By L’analyse de la situation de l’environnement conditionne l’urgence et l’importance du changement : – L’évolution démographique réduit-elle notre marché à l’horizon de cinq ans ? – L’application d’une réglementation internationale impose-t-elle une évolution stratégique à l’horizon de 10 ans ? – Un boycott des produits par un pays étranger impose-t-il une réorientation immédiate de notre stratégie commerciale ? – Notre principal concurrent vient-il de rompre avec sa stratégie passée ? L’analyse de la situation de l’entreprise conditionne aussi l’urgence et l’importance du changement : – Fait-on face à une lente érosion de nos parts de marché ? – Le bénéfice par action a-t-il régressé de 15 % ? – L’entreprise a-t-elle émis un « profit warning » ? – Le résultat net est-il passé de bénéficiaire à déficitaire brutalement ? L’analyse des acteurs externes nous renseigne sur la pression qu’ils font peser sur la direction de l’entreprise pour qu’elle décide de changer de stratégie : – Un fonds de pension déconseille-t-il l’achat des titres de l’entreprise ? – Des actionnaires minoritaires manifestent-ils leur mécontentement ? – Les pouvoirs publics font-ils pression sur l’entreprise ? L’analyse des acteurs internes nous renseigne sur leur attitude et indique la faisabilité organisationnelle du changement : – Un nouveau dirigeant vient-il d’être nommé et peut-il profiter d’un « état de grâce » ? – Les cadres soutiennent-ils les projets de changement ? – Comment réagit le personnel ? – Quelle est l’attitude des syndicats ? L’analyse des capacités organisationnelles de changement porte sur la structure et la culture de l’entreprise. – La structure est-elle bureaucratique, caractérisée par des règles écrites immuables et un avancement des personnels à l’ancienneté ? |\/ | – Les cultures du pays, du secteur, de l’entreprise sont-elles marquées par l’inertie, la vénération du passé, le respect de la tradition ou par la remise en cause, la mise en avant de la compétition et des capacités d’adaptation ? By 4$ $! L’ensemble de ces analyses permet de décider de l’urgence du changement, de son ampleur, mais aussi de sa faisabilité. Sa mise en œuvre requiert une analyse des forces en présence. By 4$ $! |\/ | Tableau 8.2. L’analyse du contexte de changement stratégique Analyse du contexte externe Synthèse de l’appréciation Quelle est l’urgence du changement ? • Facettes de l’environnement politique, Très faible Très forte démographique, technologique, juridique, etc. Quelle est l’importance du changement ? • Actions des concurrents Très faible Très forte • Actionnaires : – Noyau dur – Fonds de pension Quelle est la pression exercée par les acteurs – Minoritaires externes ? • Parties prenantes : Très faible Très forte – Pouvoirs publics – ONG • Médias Analyse du contexte interne Synthèse de l’appréciation Quelle est l’urgence du changement ? • Situation économique Très faible Très forte • Situation financière Quelle est l’importance du changement ? Très faible Très forte • Acteurs internes : – Dirigeants ? Quelle est l’attitude des différentes catégories – Cadres ? d’acteurs ? – Personnels ? Très défavorable Très favorable – Syndicats ? – Différents services ? • Capacités organisationnelles de changement – Structure : Petite/grande? Mécaniste/organique ? Quelle est la faisabilité organisationnelle du Hiérarchique/par projet ? changement ? Centralisée/décentralisée ? Très faible Très forte – Culture : Passéiste/moderne ? Monolithique/diverse ? Flexible/rigide ? D. Les forces en présence L’analyse du contexte permet de situer le décor dans lequel le changement se déroule. Il convient, pour préciser l’analyse, de se poser les questions suivantes : • Quels sont les acteurs en présence ? • Sont-ils favorables ou défavorables au changement ? • Quelle est l’importance de leur pouvoir ? Les résultats de cette analyse peuvent être représentés dans la figure 8.4 qui permet d’identifier quatre catégories d’acteurs. Ainsi, dans l’exemple d’un projet de construction d’une usine de fabrication aux États-Unis, les catégories d’acteurs étaient les suivantes : Les moteurs du changement sont favorables et ont un pouvoir pour le mener à bien ; dans notre exemple, la direction, les cadres, et à un degré moindre, la maîtrise. Les freins au changement sont défavorables, ont un pouvoir d’opposition ; dans notre exemple le syndicat Y, et à un degré moindre, le syndicat X. Les soutiens au changement sont favorables au changement, mais n’ont pas un pouvoir d’action très fort ; ici, les actionnaires et la presse économique. Les ralentisseurs du changement sont défavorables au changement sans disposer d’une latitude d’action très importante ; ici, il s’agit d’une collectivité locale et d’une association. |\/ | Au-delà de l’analyse statique de la situation des acteurs, il faut chercher à comprendre la logique de chaque catégorie d’acteurs de façon à en tenir compte, afin de tenter d’infléchir, de faire évoluer la position des « freins » et des « ralentisseurs ». Il convient pour ce faire d’analyser les résistances au changement et les conditions de l’acceptation du changement. By 4$ $! Figure 8.4. Les quatre catégories d’acteurs du changement stratégique E. Une typologie des changements Dans une entreprise, il est utile de distinguer les changements selon leur rythme et leur importance. 1. Le rythme du changement Le changement peut être : • Progressif. De nature incrémentale, il est mis en œuvre pas à pas, par étapes successives ancrées dans l’existant et le fait changer en douceur. Ce changement est susceptible d’emporter l’adhésion, le soutien des acteurs et en conséquence d’être moins traumatisant. Exemple La fusion entre le Crédit Agricole et le Crédit Lyonnais, deux grandes banques, semble s’être déroulée de manière progressive. • Rapide. Il est mis en place sans transition, brutalement, de façon radicale, du jour au lendemain. Exemple Le groupe Axa, qui s’est beaucoup développé par croissance externe, est connu pour mettre en œuvre sans délai l’intégration des entreprises absorbées. 2. L’importance du changement |\/ | Le changement peut être : By Exemple 4$ $! • Mineur. Il porte sur une partie seulement de la stratégie de l’entreprise, de ses systèmes et processus. Dans ce cas, l’entreprise est globalement en phase avec ses environnements, mais certains aspects méritent d’être mieux mis en cohérence. L’Oréal a remplacé dans certains pays, notamment au Liban, ses agents de distribution indépendants par des filiales intégrées. • Majeur. Il remet alors en cause les fondamentaux de l’entreprise, sa stratégie, son organisation. Exemple Pfizer, avec le déplacement vers les pays émergents, la fin de l’État-providence support de la R & D, la perte de poids des blockbusters, etc., revoit l’ensemble de son Business Model. 3. Les types de changements stratégiques Le croisement du rythme et de l’importance permet d’identifier quatre cas de changements stratégiques : • La révolution stratégique combine un changement radical et une mutation de la stratégie d’une entreprise mis en place sans délai. Canon a abandonné la fabrication des appareils photos argentiques. • L’évolution stratégique est un changement de grande importance qui rompt avec la stratégie passée, mais qui est mis en œuvre progressivement. La stratégie de Renault en matière de construction de véhicules à motorisation propre, prévue sur trois ans, s’inscrit clairement dans cette perspective. • La correction stratégique est un changement mineur mais qui est mis en œuvre très rapidement. Le Club Méditerranée, qui décide de renouer avec un positionnement haut de gamme au travers du slogan « Quand l’esprit Club Med rencontre le luxe », en constitue une illustration. • L’adaptation stratégique consiste à implémenter progressivement un changement stratégique mineur. La stratégie des acteurs de la restauration rapide visant à diminuer les quantités de matière grasse et de sucre dans les menus s’inscrit dans cette logique By 4$ $! |\/ | Figure 8.5. La matrice des changements stratégiques Le choix entre changement progressif et rapide, d’une part, et changement mineur ou majeur d’autre part, dépend de nombreux facteurs liés au contexte du changement. Exemple Parmi les facteurs contextuels, on peut notamment retenir la situation économique et financière de l’entreprise, l’urgence perçue de la situation, le style de direction des dirigeants, la culture de l’entreprise, les stratégies des acteurs. Il faut ici noter que tous ces facteurs peuvent faire l’objet de perceptions différentes et d’éventuelles manipulations. Exemple Pour faire apparaître un changement drastique et rapide comme nécessaire, une direction peut être tentée de noircir la situation, « de charger la barque », notamment en constituant largement des provisions pour risques, afin de faire apparaître une situation financière très dégradée. La comparaison du pilotage du changement par C. Ghosn, P-DG de Nissan et de Renault, permet de comprendre l’importance du contexte. Le même homme, dans le même secteur, a choisi deux mises en œuvre du changement compte tenu du contexte. L’arbitrage entre les quatre alternatives de changement stratégique dépendra donc de l’analyse approfondie du contexte du changement. Tableau 8.3. Le pilotage du changement par Carlos Ghosn C. Ghosn P-DG de Nissan Contexte culturel Changement stratégique |\/ | $! 4$ Situation de l’entreprise Celui qui a redressé Nissan avec « Cost-killer » efficacité, rapidement, sans ménagement. Résultats dégradés mais Quasi-faillite bénéficiaires, perte de part de marché. Entreprise japonaise, culture de Ancienne entreprise nationale, poids groupe, attachement fort du des syndicats important, culture personnel à l’entreprise Nissan, française attachée aux avantages capacité d’adhésion aux objectifs. acquis. Évolution : stratégie de croissance Révolution : plan de restructuration permettant une meilleure utilisation drastique de Nissan impliquant de l’outil et la création de nouveaux fermeture d’usines, licenciements, modèles ; pas de fermetures de sites, etc. pas de décision brutale. By Style de direction perçu à l’arrivée C. Ghosn P-DG de Renault F. L’acceptation du changement Pour comprendre l’acceptation du changement de stratégie, au sein d’une entreprise ou d’une organisation, il faut à la fois analyser les freins au changement sur un plan général et, plus spécifiquement, ce que l’on appelle les « résistances au changement ». 1. Les freins au changement Les obstacles au changement de stratégie sont aussi nombreux que les occasions. Pour discerner les premiers, classons-les en quelques catégories simples. a. L’équilibre des forces et les oscillations continues Observons une entreprise, Renault par exemple. Chaque jour, il se passe des événements à l’intérieur (l’embauche d’un collaborateur, un spécialiste du marché chinois) et à l’extérieur (la signature d’un contrat de coopération avec un sous-traitant : Valeo). Ces deux événements que l’on peut classer arbitrairement en événements interne et externe entraînent eux aussi des modifications dans d’autres firmes : chez Faurecia, d’où provient le cadre qui connaît la Chine et qu’il convient de remplacer ; chez Valeo, qui va devoir mettre en place une nouvelle chaîne de montage en partenariat avec un associé coréen. De proche en proche, un vaste environnement va être ébranlé par deux événements qui, comme des boules de billard s’entrechoquant, conduisent à une disposition nouvelle des billes sur la table. Mais cette disposition nouvelle, au fond, ressemble à la précédente : le nombre de boules est identique et il est peu important qu’une boule rouge ait remplacé une blanche. L’observateur distrait ne s’en apercevra même pas. En d’autres termes, la multiplicité des mini-changements aboutit à ce que, globalement, leurs effets s’annulent, comme les forces équivalentes des champions de bras de fer rendent immobiles les deux avant-bras, pendant un certain temps tout au moins. b. L’interdépendance des intérêts et les freins personnels Exemple By 4$ $! |\/ | Dans l’entreprise, certaines forces poussent au changement stratégique, d’autres le freinent. Certes, des oscillations minimes se produisent tous les jours – nous l’avons constaté – mais le camp des progressistes qui s’oppose à celui des conservateurs ne l’emporte que rarement pour déclencher une modification profonde. En effet, le changement brutal risquerait d’entraîner un bouleversement des intérêts, des avantages, des rôles auxquels sont attachés les progressistes comme les conservateurs. Or, les motifs individuels de résistance à tout changement sont nombreux. La routine, le poids du vécu, la peur de la nouveauté ou encore la crainte de voir les avantages acquis remis en cause peuvent rendre les individus réfractaires au changement. Toutes ces raisons renforcent l’impression selon laquelle une entreprise ne connaît que des oscillations continues et quasi-quotidiennes autour d’un point d’équilibre qui lui-même ne change que très rarement. Figure 8.6. Les freins individuels au changement c. Le poids de l’organisation initiale Dans toutes les entreprises, les fondateurs ont constitué un système de rôles et de tâches lorsqu’ils ont lancé leur affaire. C’est la spécialisation. Ils y ont, en outre, mis en place des procédures d’intégration pour assurer l’unité de l’action. Ces choix ont modelé la vocation, la structure, la répartition du pouvoir, la culture de la firme, sa stratégie. Bref, une configuration lourde s’est constituée et tend à se maintenir parce qu’elle contient en elle toutes les motivations de l’action initiale, toute l’intention du dirigeant fondateur. Bien entendu, cette configuration faite de routines se transforme sur le plan structurel, sur celui de la répartition du pouvoir et de la culture, mais lentement, difficilement, car l’impression du modèle de départ bride le changement stratégique. d. Les biais cognitifs La capacité de réaction stratégique des organisations est fréquemment freinée par une mauvaise perception ou une interprétation erronée des signaux de l’environnement ou encore par des décisions lentes ou mal mises en œuvre. |\/ | Exemples 4$ $! Blackberry a manqué le virage stratégique des écrans tactiles. Microsoft est passé à côté de l’émergence des réseaux sociaux. By Figure 8.7. Les freins à la réactivité stratégique de l’organisation En résumé, des forces de cohésion interne d’origines diverses (structurelles, culturelles, relationnelles) aboutissent à ce fait : en dépit de l’opinion courante et de la volonté affichée de leurs dirigeants, les entreprises changent moins de stratégie que l’on pourrait s’y attendre, bien qu’elles y soient contraintes. Il est possible d’aller au-delà de ce constat en observant que le changement, dans l’organisation, est infiniment plus complexe qu’on ne le croit. La religion du nécessaire changement brutal et permanent bute sur l’idée selon laquelle elle repose sur une seule sorte de changement : le changement dramatique, révolutionnaire résultant de modifications soudaines du champ concurrentiel. À ses côtés, existent le changement « organique », beaucoup plus lent, trouvant son origine en interne et aboutissant à un simple rajeunissement de l’entreprise, et le changement « systématique », dû à la volonté normale de toute entreprise de s’améliorer en continu, et débouchant sur des réformes, importantes certes mais non révolutionnaires. 2. L’analyse des résistances au changement Les sociologues français, notamment M. Crozier et E. Friedberg, ont montré que les phénomènes de résistance au changement n’avaient rien de pathologique, qu’ils étaient normaux. En effet, on considère souvent à tort le changement stratégique comme intrinsèquement bon (sinon pourquoi le mettrait-on en œuvre ?) et tous ceux qui ne sont pas d’accord sont fréquemment perçus comme des acteurs du passé qui ne comprennent rien aux véritables enjeux. C’est sans compter avec ce que l’on appelle les stratégies des acteurs et les phénomènes d’inertie, que cette dernière soit psychologique (individuelle) ou sociologique (de groupe). Le changement stratégique introduit par définition une modification de la situation des acteurs et il est compréhensible que ceux-ci s’interrogent, s’inquiètent de l’impact qu’il aura sur leur position personnelle. Comme nous l’avons vu ci-avant, le changement peut en effet susciter plusieurs types de craintes. Exemple $! |\/ | La perte d’avantages acquis, la modification de routines, d’habitudes ou encore de repères de régularité et de confort sont autant de sources d’angoisse. 4$ Le rôle du manager dans cette perspective consiste donc à identifier : – les acteurs internes, mais aussi éventuellement externes, concernés par le changement ; By – les conséquences négatives et positives, individuelles et collectives, du changement sur chaque catégorie d’acteurs ; – les possibilités d’action des acteurs concernés ; – les actions managériales susceptibles de limiter les effets négatifs du changement. Plusieurs types d’actions peuvent tenter de limiter les résistances au changement stratégique, étant entendu que le travail de compréhension préalable est essentiel au « déminage » des situations. Ces actions, qui peuvent être complémentaires, doivent être abordées dans une perspective contingente et doivent être adaptées au contexte. Il est enfin essentiel de distinguer les actions en fonction de leur temporalité par rapport au changement. Tableau 8.4. Un exemple d’analyse des résistances au changement (cas du regroupement de deux réseaux commerciaux) Responsables régionaux Formation Explication du nouveau système de commissionnement $! Commerciaux Modification des territoires Aucune commerciaux, mutations Mauvaise volonté Introduction de dans l’utilisation nouveaux outils de des nouveaux outils management de la force Motivation moindre de vente et de contrôle Risque de dénigrement de l’entreprise |\/ | Acteurs Actions Actions Conséquences possibles des possibles des du changement managers pour acteurs pour les affaiblir ce qui pour freiner acteurs freine le changement le changement 4$ En pratique, le choix des actions de conduite du changement stratégique dépendra de trois catégories de facteurs : By – l’urgence et l’ampleur du changement ; – les caractéristiques organisationnelles de l’entreprise (structure bureaucratique / organique, culture réactive / fossilisée) ; – le style de direction (participatif ou autoritaire) dominant dans l’entreprise et le style personnel du patron ; – la balance entre le coût des actions et les risques de blocage, certaines actions (dialogues, travaux de groupes, formation, etc.) pouvant être coûteuses dans l’absolu, mais moins onéreuses qu’un blocage de l’organisation par une grève, par exemple. G. Piloter le changement Nous avons observé que de nombreux freins s’opposent à la volonté de changement stratégique ressentie par les managers. Quand une entreprise comme La Poste change de stratégie en matière bancaire ou en termes d’exploitation de son réseau de points de vente, un vrai pilotage du changement est requis. Un grand nombre de paramètres, non contrôlables dans leur ensemble, interfèrent et contrarient les projets. Cependant, on doit tenter ici de rassembler les principales conditions qui favorisent l’acceptation et la réalisation du changement (tableau 8.5). Ces facteurs ne garantissent pas la réussite, mais constituent un climat favorable aux transformations souhaitées. Ensuite, par souci pédagogique, nous évoquerons les écueils à éviter. Tableau 8.5. Quelques pistes d’actions facilitant l’acceptation du changement Temporalité Actions Illustrations Entretiens individuels et attentifs d’acteurs clés. Écoute Réunions de groupes de managers et du personnel sur la situation stratégique de l’entreprise : réflexions et propositions. |\/ | Travaux de Avant groupe le changement : dégel, maturation $! Mobilisation des réseaux internes et externes à l’entreprise pour assurer les soutiens. Prise en compte de revendications de groupes d’acteurs. Alliance avec les parties prenantes. La définition d’un vrai projet suffisamment ambitieux et réaliste pour mobiliser les acteurs et les conduire à dépasser leurs intérêts personnels. Diffusion large et rapide de messages expliquant les raisons et les conséquences du changement : diffusion de courriels par la direction générale, visioconférence mondiale dans les grandes entreprises. By 4$ Réseaux Négociation Ambition Au moment du changement : mouvement, déracinement Information Intérêts / limites Création d’un climat de confiance. Enrichissement de la réflexion. Risque de diffusion d’informations confidentielles. Développe l’implication des acteurs. Long, coûteux. Risque de voir émerger des solutions traditionnelles. Aisé au niveau direction ou dans les PMI, plus difficile dans les grands groupes. Très utile. Développe la circulation des rumeurs. Limite les résistances de groupe et les risques de blocages. Augmente le coût du changement. La mobilisation se crée par l’action. Peu efficace si ce changement intervient après d’autres ayant échoué. Évite les rumeurs. Limite les malentendus. Livre une image de transparence. Efficace seulement si confiance préalable du personnel. Pas d’échange. Permet de répondre aux questions et de lever les ambiguïtés. S’impose dans les situations d’urgence et de crise. Permet l’appropriation par les acteurs des conséquences du changement. Évite le flou et l’incertitude. Implique les acteurs dans la mise en œuvre. Institutionnalise le changement. By 4$ $! |\/ | Chat avec les dirigeants. Communication Conventions d’entreprise réunissant tous (ou les principaux) acteurs. Utilisation de l’autorité hiérarchique, du charisme du Direction leader pour imposer le changement. Séminaires de formation de groupe de personnels expliquant les conséquences Formation concrètes du changement et les conditions de sa mise en œuvre. Adaptation des procédures, des processus, des routines, Après l’annonce de l’organigramme. du changement : Création d’équipes projets de Adaptation de mise en œuvre. regel, l’organisation Création d’acteurs relais, enracinement d’équipes mobilisatrices. Création de communautés de pratiques. Soutien psychologique individuel. Soutien Aide au reclassement. individuel Formation spécifique de mise à niveau. Limite les effets individuels négatifs du changement. Figure 8.8. Le choix des actions de conduite du changement 1. Les conditions de la réussite a. Un processus de planification stratégique souple Le processus fondé sur l’apprentissage (process view) est préférable à l’approche traditionnelle « moyens-fins (goal view) ». En effet, dans un environnement mouvant, les responsables n’ont pas intérêt à choisir pour cible des objectifs figés, il convient plutôt d’avancer l’idée d’un futur désiré, défini seulement dans ses grandes lignes, sans spécification de détail. Un tel scénario guide l’action, mais il n’est pas fixé obstinément. Au contraire, il est modifié à la suite d’essais et d’erreurs. La gestion du changement dépend donc de la capacité d’apprentissage de la firme. Exemple Google a su apprendre de ses erreurs. Les Google Glass n’ont pas obtenu les effets escomptés. Les efforts de commercialisation ont par conséquent été atténués. b. Des structures adaptées |\/ | La structure fonctionnelle hiérarchique ne favorise pas l’apprentissage ni le changement puisque, dans cette configuration, tout est prévu par un concepteur rationnel et omnipotent : lorsque la complexité s’accroît, le piège bureaucratique se referme, l’organisation se montre incapable d’apprendre. 4$ $! En revanche, les structures divisionnelles ou matricielles, les organisations par projets, parce qu’elles préfèrent le résultat aux procédures, favorisent les processus d’apprentissage. Accor a adopté ce type de structure. c. Une culture de l’erreur acceptée By Un bon nombre de gestionnaires considèrent encore l’erreur comme une faute honteuse. Or l’erreur est inévitable. Il convient donc de reconnaître ce fait pour affronter le mal et pour y remédier. L’erreur est « normale », il faut la considérer avec sérénité puisqu’on peut la dépasser. Exemple La culture de l’erreur chez L’Oréal facilite le changement stratégique. d. Un style de direction neuf Le changement provoque des inquiétudes et engendre souvent un stress qui paralyse tous les membres de l’organisation. Il convient donc de rechercher, et de trouver si possible, ce difficile équilibre entre un leadership qui mobilise et qui, en même temps, rassure les hommes de la firme. La nomination du nouveau P-DG d’Orange, après une crise interne, s’était inscrite dans cette logique. e. L’ouverture Les relations diverses que l’entreprise entretient avec d’autres composantes de la société, avec la recherche, avec l’école, avec des organisations étrangères, par exemple, constituent des stimulants aux changements. Toutefois, il est nécessaire que ces occasions soient vécues par des membres de l’entreprise comme des expériences valorisantes, des opportunités d’apprentissage. Microsoft a adopté cette perspective. Les possibilités de piloter les changements stratégiques dans l’entreprise, même si elles paraissent limitées, existent. Les recettes toutes faites sont vaines. Mais il convient d’orienter toutes les dimensions de la firme : sa structure, sa culture, son style de direction, son apprentissage. 2. Les écueils à éviter Une action de changement stratégique est rarement couronnée d’un succès total, de même elle n’est pas non plus vouée à un échec absolu. Pour que la balance penche du bon côté, voici quelques erreurs qu’il convient d’éviter : |\/ | • Ne pas créer un sentiment d’urgence assez fort. Si, au cours de la première étape, une sorte de dramatisation n’est pas orchestrée, les tendances conservatrices risquent de l’emporter. Il est capital de faire valoir que le non-changement sera plus pénalisant pour tous que le changement. À cet égard, des faits majeurs tels que la perte d’un gros client, une période lourdement déficitaire peuvent se révéler salutaires. By 4$ $! • S’engager sans le soutien d’une équipe puissante et proche de la direction. Un projet doit être piloté par une équipe soudée et suffisamment nombreuse (relativement à la taille de l’organisation). Ici, il n’est pas nécessaire (car impossible) de vouloir à tout prix convaincre l’ensemble d’un comité exécutif, par exemple, mais il faut s’assurer du soutien des personnes qui seront des avocats. Ceux qui occupent des « nœuds relationnels » sont tout désignés. • Ne pas offrir d’objectif suffisamment clair. Sans une vision claire d’un avenir précis et aisément communicable, le danger est grand de voir surgir beaucoup de réserves. Personne n’est enclin à s’approprier des objectifs complexes et flous. • Négliger le rôle d’une politique de communication. Tous les canaux doivent être utilisés pour expliquer et faire adhérer. C’est d’autant plus vrai que le changement annoncé implique des sacrifices à court terme pour certains. De même, chacun prendra garde à ne pas agir sur le moment dans un jeu qui pourrait paraître contraire au changement. Le risque de perte de crédibilité surviendrait. • Ne pas éliminer les principaux freins au changement. Les freins trouvent leur origine dans les structures, dans le style d’animation, dans les systèmes de rémunération. Les obstacles repérés doivent être levés. Si une personne d’un rang élevé apparaît réfractaire au changement, il conviendra de s’en séparer. • Tarder à faire connaître les premiers résultats. Les premiers signaux positifs doivent être soigneusement mis en exergue, tant la résistance peut facilement anesthésier les enthousiasmes du début. Offrir des résultats palpables dans un délai raisonnable est un gage de réussite à long terme. • Entamer trop rapidement le chant de la victoire. Même si c’est tentant, le dirigeant doit se garder d’annoncer que le rivage est atteint, alors que seules quelques étapes positives ont été franchies. Le risque est de voir la tension se réduire, les efforts s’atténuer et la volonté de changement s’arrêter, puis disparaître. By 4$ $! |\/ | • Ne pas ancrer le changement dans la culture interne. Les normes et les valeurs doivent impérativement prendre le relais de la volonté. C’est lorsque le changement se repère dans la culture que l’objectif est atteint. De même, sur une longue période, les hommes passent, les responsabilités changent. Les successions et les promotions doivent être décidées dans la logique du changement. Le reengineering Le changement de stratégie implique ou s’accompagne fréquemment d’un reengineering. Par exemple, on peut facilement imaginer que la création de lignes low cost par Air France, et plus récemment par la SNCF, s’est accompagnée d’une démarche de ce type. Le reengineering fut le terme choisi pour désigner l’ensemble des actions d’adaptation structurelle des entreprises aux conditions économiques présentes. Hamer et Champy le définissent ainsi : « Le reengineering est une remise en cause fondamentale et une redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires dans les performances critiques que constituent aujourd’hui les coûts, la qualité, le service et la rapidité. » Néanmoins, le reengineering ne fait pas toujours recette. Voici les principaux écueils à éviter : • Tenter d’améliorer un processus au lieu de le changer. • Ne pas se concentrer sur les processus opérationnels. |\/ | • S’intéresser uniquement au remodelage des processus. • Négliger les valeurs et les convictions des individus. $! • Accepter un compromis portant sur des résultats mineurs. 4$ • Abandonner trop vite. • Fixer des limites a priori à la définition du problème et à l’envergure du reengineering. By • Laisser la culture d’entreprise et les attitudes des dirigeants empêcher le démarrage du reengineering. • Essayer de déclencher le reengineering à partir de la base. • Désigner, pour conduire le reengineering, quelqu’un qui ne le comprend pas. • Rechigner sur les ressources dévolues au reengineering. • Noyer le reengineering dans un trop-plein d’activités. • Dissiper l’énergie de l’entreprise sur une multitude de projets de reengineering. • Tenter un reengineering alors que le P-DG est proche de la retraite. • Ne pas être capable de faire la différence entre le reengineering et les autres programmes d’amélioration. • S’attacher exclusivement aux concepts. • Tenter de réaliser un reengineering sans déplaire à quiconque. • Battre en retraite devant les résistances soulevées par le reengineering. • Faire traîner l’effort en longueur. En résumé, on peut retenir la nécessité de : – faire admettre l’obligation du changement ; – communiquer une vision générale du changement de stratégie ; – créer une vision opérationnelle du changement ; – intégrer le changement de stratégie et la gestion des ressources humaines. H. Le cycle de vie des organisations Les organisations en général, et les entreprises en particulier, ne connaissent pas d’évolution linéaire. Le changement stratégique et organisationnel se produit au terme d’une alternance de phases constituées : – de périodes de continuité pendant lesquelles les forces internes ou la dynamique externe ne peuvent pas briser la tendance à l’homogénéité ; – de moments de ruptures périodiques où le système explose. 1. Les phases de la croissance de Greiner |\/ | Le modèle de Greiner suppose que les phases de croissance sont suivies de crises et le schéma de Mintzberg introduit les configurations organisationnelles dans l’évolution. Les changements de stratégie et les changements d’organisation sont de fait intimement liés. 4$ $! Lorsque l’entreprise vieillit, elle voit augmenter sa taille et elle traverse différentes phases d’évolution où les changements sont progressifs. Ces phases d’évolution sont caractérisées par un style de management dominant qui permet la croissance. Mais ce management devient inadapté, atteint ses limites, et provoque une crise dont l’entreprise sort en adoptant un nouveau management : By • Phase 1 : créativité. Le fondateur, un entrepreneur souvent peu passionné par les tâches managériales, s’investit totalement dans la conception et la vente des nouveaux produits. La communication est informelle et l’organisation inexistante. Mais la croissance de l’activité requiert de la méthode, des procédures. C’est la crise de leadership qui peut être fatale et dont l’entreprise ne sort qu’en intégrant un nouveau manager capable d’introduire des techniques de management. • Phase 2 : direction. Elle se caractérise par une organisation hiérarchique fonctionnelle, une spécialisation des tâches, des systèmes de contrôle, une communication plus formelle. Quand l’entreprise continue sa croissance, le caractère très centralisé de cette organisation devient la source de la crise d’autonomie à laquelle beaucoup d’entreprises répondent en mettant en place une décentralisation des responsabilités. • Phase 3 : décentralisation. Elle se traduit par l’adoption d’une structure décentralisée où les responsables d’usines et de marchés gagnent en autonomie ; des centres de profit sont créés, la direction générale pratique une gestion par exception, et s’occupe plus de stratégies d’acquisitions que de management opérationnel. Cette décentralisation et l’autonomie grandissante prise par les unités conduisent l’entreprise à une grave crise de contrôle dont l’entreprise peut se sortir par la coordination. • Phase 4 : coordination. Elle implique la mise en œuvre de systèmes formels de planification et de contrôle, un renforcement des services fonctionnels d’état-major coordonnant et contrôlant les activités décentralisées, une centralisation des systèmes d’information, un contrôle des activités reposant sur le retour sur investissement. Ces systèmes permettent le développement de l’entreprise mais suscitent aussi un manque de confiance, des rivalités entre le siège (staff) et les services opérationnels (line). Les systèmes formels de coordination sont générateurs de procédures, de rigidité, et conduisent à une crise de bureaucratie. • Phase 5 : collaboration. Elle repose sur une approche plus flexible et plus humaine du management qui implique de multiples équipes transversales orientées projet, une réduction des équipes du siège, une structure matricielle, des systèmes de contrôle formels plus légers jouant un rôle de facilitateurs, des systèmes d’information en temps réel, des programmes de formation orientés vers les aptitudes comportementales. Ces pratiques, que l’on observe aujourd’hui dans les grandes entreprises internationales, peuvent provoquer une crise de saturation psychologique due à la pression du management et au stress dans des groupes de très grande taille. Une réponse à cette crise réside peut-être dans une phase d’externationalisation d’activités, de fonctionnement en réseau, d’alliance, etc. By 4$ $! |\/ | Figure 8.9. L’âge de l’organisation Il est clair que la durée des phases est variable selon les secteurs (leur rythme de développement), selon les entreprises et que ce modèle, comme tout modèle d’ailleurs, ne peut prétendre s’appliquer à toutes les entreprises. Par ailleurs, les changements de phase, les « révolutions », s’accompagnent souvent d’un changement de dirigeant. 2. Les six phases de Mintzberg Mintzberg a tenté de présenter un modèle synthétique de ce phénomène de cycle de vie des organisations en précisant quelle configuration structurelle caractérisait les étapes. Figure 8.10. Le cycle de vie des organisations Selon cet auteur, six phases se succèdent : • La formation. C’est une période pendant laquelle le chef d’entreprise fondateur joue le rôle fondamental d’animateur. On observe à ce stade une structure de type entrepreneurial. • Le développement. Trois types de changements sont envisageables à ce moment : |\/ | – si l’entreprise-organisation est composée de membres qualifiés, elle doit adopter une configuration adhocratique qui convient le mieux à des équipes managériales compétentes ; 4$ $! – si le fondateur est encore très actif, la configuration missionnaire est justifiée, puisque son charisme continue avec succès d’animer le corps social ; By – si de nouveaux acteurs externes, de nouveaux propriétaires par exemple, interviennent ; si la croissance entraîne un renforcement de la formalisation, il convient alors d’adopter une configuration bureaucratique. • La maturité. L’organisation a vieilli, la taille a augmenté. Cette étape est celle de la stabilité qui se manifeste par : – les configurations missionnaire et bureaucratique qui ont l’une et l’autre tendance à se prolonger en un système clos où les objectifs stratégiques sont l’enjeu de conflits entre le sommet stratégique, la ligne stratégique et la technostructure qui obligent à une décentralisation des décisions sans grande possibilité d’intervention de la part d’acteurs externes, fussent-ils les propriétaires ; – une configuration adhocratique qui contrôle plus fermement son environnement – par exemple lorsqu’elle fidélise ses clients – et qui évolue vers une structure professionnelle, dans laquelle les participants disposent d’une large marge de manœuvre en raison de la décentralisation mise en place. Le système d’objectifs est peu intégré ; les conflits se multiplient, le sommet stratégique se bornant à allouer les ressources et à réguler les oppositions entre les autres parties prenantes. • Le déclin. les conflits deviennent plus rudes et conduisent l’entreprise à sa disparition. Néanmoins on peut tenter, bien que difficilement, d’atténuer la tendance fatale. • La revitalisation. Il s’agit, pour soigner l’organisation, de trouver des remèdes qui agissent efficacement de l’intérieur. Par exemple : – une politique de gestion des ressources humaines plus active (intéressement, direction participative par objectifs, horaires à la carte, etc.) ; – moins de formalisation associée à une recherche de développement des relations interpersonnelles ; – un aplatissement de la structure, etc. Les propositions sont nombreuses pour tenter d’enrayer un tel déclin. Cependant, il convient de veiller à ce que l’introduction de ces mesures n’engendre pas de tensions supplémentaires. • Le retournement de tendance. il est comparable à une révolution, une restructuration en profondeur provoquée par un risque grave, une faillite ou une absorption par exemple. Dans ce cas, de nouvelles « aurores » peuvent se lever : un leader charismatique peut donner un élan inattendu, une structure bureaucratique usée peut, à la suite d’un reengineering, passer à une configuration adhocratique mieux adaptée, l’entreprise peut modifier sa stratégie de fond en comble (nouveaux marchés, nouveaux produits, etc.). |\/ | Le modèle de Mintzberg présente un intérêt pour mieux saisir le changement organisationnel. Il convient cependant de remarquer que la durée de chaque phase n’est pas prévisible. Il importe aussi de souligner que, si la vie d’une entreprise est constituée d’une alternance de phases, cette évolution n’implique pas que l’étape postérieure sera « meilleure » que l’étape antérieure. Il faut encore que l’organisation réussisse le passage. By 4$ $! Figure 8.11. La finalité du Knowledge Management II. L’apprentissage organisationnel On a vu que l’information est assimilable à une connaissance qui enrichit la représentation du réel du gestionnaire et, de ce fait, réduit l’incertitude. Si l’on considère l’entreprise comme un système ouvert sur l’environnement, de celui-ci proviendront des informations nouvelles au fur et à mesure des changements qu’il subit. Mais ces connaissances nouvelles modifieront aussi la vision du monde des managers et les inciteront à prendre des décisions mieux instruites pour agir sur le milieu extérieur. On peut ainsi regarder l’entreprise comme un être social capable d’accumuler des connaissances, de les interpréter, de les garder en mémoire ; bref, comme une organisation engagée dans un processus d’apprentissage. Cet apprentissage est essentiel sur le plan stratégique, sans lui, le risque d’erreur stratégique est majeur. Le management des connaissances est devenu, depuis quelques années, un sujet de préoccupation majeure des chefs d’entreprises et des chercheurs en sciences de gestion. La cause première de cette orientation provient de la quête permanente du « Graal » managérial, à savoir l’acquisition d’un avantage compétitif permettant de triompher d’une multitude de concurrents de plus en plus combatifs et avides. Or c’est l’innovation permanente qui constitue la clé d’accès au trésor. Détenir seul une technologie ne garantit pas la réussite d’une firme. La science et la technique évoluent trop vite et une technologie fructueuse aujourd’hui sera dépassée demain. D’où l’intérêt porté à la capacité d’étendre continûment le stock des connaissances engrangées dans l’organisation. L’innovation permanente dans tous les domaines dépend d’une telle aptitude. A. La nécessité de l’apprentissage organisationnel (Organizational Learning) Les termes d’apprentissage organisationnel et d’organisation apprenante reçoivent un intérêt majeur tant dans les milieux professionnels(53), où ils donnent lieu à des séminaires de formation, que dans les sphères académiques. Trois facteurs expliquent cet engouement : • Les changements de plus en plus rapides imposés par l’environnement obligent les entreprises à remettre en cause leur fonctionnement et à s’interroger sur les moyens d’acquérir (rapidement, réactivité oblige !) de nouveaux modes d’apprentissage. |\/ | • La place des compétences et ressources internes dans l’explication de la compétitivité des entreprises les conduit à approfondir le mécanisme de création, de diffusion et de mémorisation de leurs savoirs. 4$ $! • Les politiques de licenciement massif inspirées du lean management ont eu comme effet (non prévu) la perte des compétences acquises au fil des années par les salariés. Cela a provoqué une prise de conscience du caractère intangible et volatil de certaines compétences et de la nécessité de s’intéresser à leur mémorisation. By Figure 8.12. L’importance de l’apprentissage organisationnel L’acquisition de connaissances nouvelles fait évoluer la culture de l’entreprise ; elle remodèle son identité et conduit les gestionnaires confrontés à une même difficulté à agir autrement. Exemple Les dirigeants de Total, confrontés aux errances des politiques africaines, envisageront avec moins de réserve de s’implanter dans la région caspienne quand l’occasion se présentera. On entendra donc par apprentissage organisationnel la modification stable faisant suite à la perception et à la résolution d’un problème. Exemple De la même façon, les équipes dirigeantes de Renault ont « appris » de l’échec de la fusion avec Volvo pour la conduite de l’alliance avec Nissan. |\/ | Figure 8.13. Les déclencheurs de l’apprentissage organisationnel $! B. L’entreprise apprenante (Learning Organization) 4$ Des rapports entre l’organisation et son environnement résultent trois catégories de flux d’informations : By – des informations qui ont pour origine les transactions effectives entre l’entreprise et ses partenaires (ventes, achats, relevés bancaires, contrats, etc.) ; – des informations qui proviennent de l’environnement, par exemple des signaux émis par le système de contrôle ou des intentions d’achat formulées par des clients ; – des informations émises par l’entreprise en direction de ses partenaires (publication de documents comptables ou publicité). Avant de décider de changer de stratégie, les gestionnaires ont à comprendre : ils doivent sélectionner les informations pertinentes, les analyser, les interpréter, autrement dit, ils doivent cerner le problème qui se pose à eux. S’agissant d’un apprentissage par et pour l’organisation, le processus cognitif est décomposable en deux phases : sur le plan des individus tout d’abord, puis sur le plan de la collectivité que forme l’entreprise. 1. Le processus cognitif individuel Comment acquiert-on des connaissances ? Pour répondre à cette question, les spécialistes des sciences cognitives élaborent des schémas que l’on peut représenter sous la forme générale donnée par la figure 8.14. Figure 8.14. Le processus cognitif 2. Le processus cognitif collectif : les représentations partagées Chacun d’entre nous percevant et interprétant les stimuli de l’environnement selon ses propres acquis ou sa propre vision du monde, on risque de compter autant de représentations du réel que de gestionnaires. Tout le problème, pour l’organisation, si l’on veut obtenir une vue cohérente de l’environnement, consiste alors à rendre aussi large que possible la représentation partagée. |\/ | Pour parvenir à cette fin, il existe essentiellement deux moyens. $! a. L’observation dirigée Exemple By 4$ Pour un bon nombre d’événements ou d’objets, on met en place une grille de lecture collective qui a pour but d’harmoniser les représentations individuelles et de fournir ainsi une vision homogène. Dans un fonds d’investissement, les directeurs de business units disposent d’une « situation mensuelle » qui prend en compte le chiffre d’affaires, le résultat, les stocks et les taux de marge. Chacun possède donc les mêmes instruments de lecture des faits. Figure 8.15. La représentation partagée b. La coordination Si les moyens de l’observation dirigée conviennent pour des événements répétitifs, il n’en va pas de même quand surgissent des problèmes nouveaux. La solution la plus couramment adoptée consiste alors à réunir les gestionnaires concernés afin qu’ils s’entretiennent des difficultés et qu’ils envisagent une solution. Exemple La répétition de mauvais résultats, dans un domaine d’activité stratégique, conduit à une coordination au sein de la direction du fonds d’investissement qui peut décider de faire appel à un cabinet de consultants pour effectuer un diagnostic stratégique. |\/ | En définitive, il est vital que l’organisation acquière des informations pour comprendre les modifications de l’environnement et pour répondre à ses sollicitations. Mais il est aussi recommandé d’éviter de mettre en place un processus d’acquisition d’information lourd et coûteux pour chaque opération. Autrement dit, il convient de se doter d’une mémoire. $! C. Le rôle de la mémoire dans la vie de l’organisation By 1. La mémoire organisationnelle 4$ Les organisations, les entreprises ne sont généralement pas éphémères ; leurs vies s’étalent dans le temps. Au fur et à mesure que s’enrichit leur expérience, elles emmagasinent de la connaissance. On définira ce concept comme un système de traitement de l’information qui aide à l’acquérir, à la stocker et à la retrouver au moment opportun. La mémoire organisationnelle est double. Elle peut en effet porter sur des événements. Exemple L’apparition de nouveaux fournisseurs en Asie du Sud-Est est une information de type événementiel. Elle peut aussi porter sur des modèles qui expliquent pourquoi telle décision convient face à tel problème et qui apportent une solution. Exemple Le choix d’une stratégie de retrait d’un DAS se fait en fonction de modèles. 2. Le recours à la mémoire organisationnelle et ses limites Le stockage de l’information dans la mémoire de l’organisation est fort utile pour tous les problèmes qui se posent de manière identique. Si la solution ancienne a convenu, il suffit simplement de la répéter. Pour les problèmes analogues et non pas identiques, la solution ancienne est encore utilisable au prix d’une légère adaptation. En outre, l’expérience acquise et retenue aide souvent à perfectionner les procédures de résolution face à un problème nouveau, mais proche de certains déjà résolus. Enfin, l’apprentissage et le stockage en mémoire apparaissent comme un dispositif qui améliore l’efficience de l’organisation. Il est donc judicieux de chercher à perfectionner : – la formalisation ainsi que l’harmonisation des procédures, et les résultats ; – leur archivage ; – le développement d’une mémoire collective chez les individus. $! D. Les types d’apprentissage |\/ | Toutefois, les problèmes posés aux organisations sont rarement répétitifs. En matière stratégique, ils ne le sont même jamais. Il ne faudrait pas s’illusionner sur les capacités de la mémoire de l’organisation. Certes, elle est utile, mais jusqu’à un certain point seulement. Au-delà de ce seuil, elle conduirait à promouvoir la routine et à diminuer l’effort d’innovation. 4$ 1. L’apprentissage cognitif et comportemental By On oppose fréquemment sur le plan stratégique et organisationnel : • l’apprentissage cognitif, qui se traduit par une modification des perceptions, des représentations, des modèles de raisonnement, en pratique la façon dont on perçoit l’environnement et l’entreprise ; • l’apprentissage comportemental, qui repose sur un changement des procédures, des routines organisationnelles, en pratique les méthodes de travail et de fonctionnement de l’organisation. L’apprentissage cognitif est considéré comme précédant l’apprentissage comportemental, dans la mesure où le changement de perception serait la condition nécessaire au changement de comportement. En fait, les perspectives cognitives et comportementales de l’apprentissage sont plus interdépendantes que séquentielles. Dans une entreprise, le manager décide en fonction de ses perceptions, mais apprend aussi à partir des conséquences de ses actions et expérimentations. Il existe donc une interaction entre les aspects cognitifs et comportementaux de l’apprentissage. Ces modes d’apprentissage concernent directement le diagnostic et les décisions stratégiques. Figure 8.16. L’apprentissage organisationnel, un double processus 2. L’apprentissage à simple et à double boucle L’apprentissage à simple boucle correspond à une modification mineure, de court terme qui se déroule dans le cadre des règles existantes. C’est un apprentissage d’amélioration qui ne remet pas en cause les modèles de raisonnement. Le lancement d’une promotion ponctuelle dans le cadre de la stratégie existante entre dans ce cadre. |\/ | L’apprentissage à double boucle suppose une modification des modèles de raisonnement, des cadres d’interprétation. On ne va pas agir sur la politique de prix à court terme, mais on va remettre en cause le positionnement stratégique. Il s’agit là d’un apprentissage plus stratégique, qui constitue une rupture par rapport aux savoirs existants dans l’entreprise. Il y a là création de connaissances et source potentielle d’avantages concurrentiels pour l’entreprise apprenante. $! Cette distinction ne doit pas laisser penser que ces deux types d’apprentissage sont antinomiques. Ils peuvent apparaître complémentaires dans le temps. 4$ Tableau 8.6. Des apprentissages différents By Apprentissage à simple boucle Apprentissage à double boucle Modèles existants. Adaptation du comportement. Opérationnel. Routinier. Comment ? Améliore l’existant. Contexte stable. Renforce l’organisation existante. Nouveaux modèles mentaux. Changement cognitif. Stratégique. Non routinier. Pourquoi ? Source d’avantage concurrentiel. Contexte instable, ambigu. Suscite le changement d’organisation. Figure 8.17. Des apprentissages complémentaires 3. L’apprentissage individuel et organisationnel L’apprentissage peut s’opérer à plusieurs niveaux au sein d’une entreprise. Il peut être le fait d’un individu qui acquiert des connaissances ou des savoir-faire. Le suivi de programmes de formation externe à l’entreprise entre dans cette perspective. Un groupe de personnes au sein d’un service, d’un département peut participer à des séminaires de développement. Enfin, la direction de l’entreprise peut viser à créer une culture interne qui favorise l’apprentissage et permet la capitalisation de ses compétences fondamentales. |\/ | Figure 8.18. Les différents niveaux d’apprentissage dans l’entreprise 4$ $! Ces trois niveaux d’apprentissage sont en pratique complémentaires. L’apprentissage individuel nourrit l’apprentissage du groupe et réciproquement. Lorsque ces apprentissages reposent sur des procédures, ils caractérisent l’entreprise et non plus seulement les individus qui les mettent en œuvre. L’entreprise apprenante repose sur une spirale d’acquisition des connaissances. 4. La spirale d’acquisition des connaissances By Pour Nonaka, la connaissance débute toujours au plan de l’individu. Si l’on distingue les connaissances tacites des connaissances explicites, quatre modes de base de création des connaissances fonctionnent en interaction dynamique dans l’ordre suivant : • Du tacite au tacite. Un individu transmet directement à un autre son savoir, par l’observation, l’imitation, ou la pratique ; c’est la socialisation qui repose sur le partage d’expérience et l’interaction. Cette socialisation est un moyen limité de création de connaissances car ces dernières ne sont pas explicitées. • Du tacite à l’explicite. Les savoirs personnels et tacites sont formalisés, explicités, rendus transmissibles à toute l’organisation. Cette externalisation, résultat de l’interaction du tacite et de l’explicite, est génératrice d’une puissante création de connaissances. C’est précisément dans cet échange entre tacite et explicite que les entreprises japonaises excellent. • De l’explicite à l’explicite. Le regroupement et l’association de connaissances explicites au sein de manuels et de bases de données créent des connaissances par combinaison, par synthèse et catégorisation qui facilitent leur utilisation. • De l’explicite au tacite. Quand les salariés utilisent les connaissances explicites, les consignes, et qu’ils les appliquent à de nouveaux cas, c’est l’internalisation qui en traduit alors l’appropriation. Les phases d’externalisation et d’internalisation sont les étapes clés de la spirale des connaissances. Figure 8.19. Le modèle de création des connaissances E. Les conditions de l’apprentissage organisationnel 4$ $! |\/ | Si l’on considère que l’apprentissage organisationnel constitue, au travers des connaissances et des compétences qu’il permet de créer, un atout face à la concurrence, la question essentielle est de savoir quelles sont les conditions qui facilitent sa mise en œuvre. Il est possible d’identifier des déterminants externes et internes. Il s’agit là d’un véritable enjeu stratégique surtout dans les secteurs où l’innovation est forte. By Tableau 8.7. Les conditions favorisant l’apprentissage organisationnel Conditions • Environnements ni trop stables, ni trop instables. • Perceptions des managers primant sur les caractéristiques objectives. externes • Structures décentralisées, participatives. • Structures plates. • Gestion par projet. Conditions • Flexibilité organisationnelle. internes • Large diffusion des informations formelles et informelles sur les apprentissages antérieurs. • Implication et vision de la direction générale. Nonaka et Takeuchi identifient sept lignes directrices qui permettent à un praticien de développer un programme de création de connaissances et d’apprentissage organisationnel : • Créer une vision de connaissances. La direction générale doit fournir aux membres de l’organisation une carte mentale du monde et une direction quant au type de connaissances qui doivent être recherchées et créées. C’est là une intention stratégique. • Développer un équipage de connaissances. La création de connaissances repose sur des individus qu’il convient d’attirer et de garder dans l’entreprise. L’hétérogénéité des profils est considérée comme un atout. • Créer un champ d’interactions à haute densité sur la ligne de front. Pour ces auteurs, la création de la connaissance passe par la transformation de connaissances tacites (perceptions, idées, etc.) en connaissances explicites (langage formel et systématique). Il faut donc que l’entreprise soit un lieu d’interactions fréquentes et intenses entre les membres de l’équipage. Il peut s’agir à la fois d’équipes multifonctionnelles, de réunions de groupe, de séminaires externes ou de réorganisation des bureaux pour supprimer les cloisons. • S’appuyer sur le processus de développement de nouveaux produits. Le processus de création de nouveaux produits est le mécanisme central de création de nouvelles connaissances organisationnelles. Ce processus doit être géré par une équipe projet. • Adopter un management milieu, haut, bas. La création de connaissances organisationnelles résulte souvent de crises ou de situations d’urgence. On parle ici de chaos créatif : ce chaos est lié à l’écart entre les objectifs internes porteurs de défis fixés par la direction et les capacités actuelles de l’entreprise. Selon ces auteurs, une façon efficace de traiter ce chaos consiste à confier aux cadres intermédiaires le soin de gérer le décalage entre la vision de la direction et les réalités auxquelles les employés sont confrontés. 4$ $! |\/ | • Passer à une « organisation hypertexte ». Une organisation apprenante doit être capable d’« acquérir, accumuler, exploiter, créer continuellement et de façon dynamique de nouvelles connaissances et de les recatégoriser et recontextualiser stratégiquement ». L’organisation hypertexte repose simultanément sur trois niveaux ou couches organisationnelles : la hiérarchie est la structure la plus efficiente pour l’acquisition, l’accumulation et l’exploitation des connaissances ; la structure par projet est la plus efficace pour créer de nouvelles connaissances. La recatégorisation et la recontextualisation de ces connaissances nécessitent un troisième niveau appelé base de connaissances. By • Construire un réseau de connaissances avec le monde extérieur. La création de connaissances suppose une ouverture sur l’environnement et notamment sur les clients dont il faut capter les images mentales. Figure 8.20. L’organisation hypertexte I. NONAKA et N. KONNO, « Knowledge Based Organization », Business Review, vol. 41, no 1, 1993. Mini-cas 1 : la stratégie de redressement de Carrefour « Peut-on regreffer la tête d’un canard ? C’est toute la question et je crois que oui ! » Georges Plassat aime les métaphores. Depuis le mois de mai, le nouveau P-DG de Carrefour a entrepris de ranimer le volatile étêté qu’est devenu le deuxième distributeur mondial. Les résultats présentés ce jeudi 30 août sont les premiers signes d’espoir : les ventes ont affiché une hausse de 0,9 % au premier semestre. Mais la rémission durera au moins trois ans, selon son diagnostic. En France, les hypermarchés Carrefour ont accusé un recul de 6 % de leurs ventes au deuxième trimestre et, selon Kantar Worldpanel, ils ne cessent de perdre des parts de marché – plus de un point en un an – au profit de E. Leclerc. De Carrefour Planet, le concept qui devait réenchanter l’hypermarché, à Dia, le hard discounteur vendu pour pouvoir se désendetter, le leader français a couru dans toutes les directions. Il n’en a désormais plus qu’une seule : revenir à son savoirfaire de commerçant. « Faire simple », dit son P-DG, qui met aux oubliettes tout le discours marketing de son prédécesseur. |\/ | Revenir aux fondamentaux By 4$ $! Cette simplification consiste d’abord à redonner de l’autonomie aux directeurs des magasins. Résultat : 500 à 600 postes administratifs vont être supprimés dans les sièges du groupe en France. Le nouveau patron de Carrefour entend aussi « faire la chasse au gaspi » dans tous les recoins du groupe. Pour refaire son retard face à la concurrence, l’enseigne a instauré une garantie « prix le plus bas » sur des centaines de produits, et accélère le développement des drives, ces points de retrait des courses achetées en ligne. Mais Georges Plassat connaît suffisamment les marchés financiers pour se risquer à donner des objectifs chiffrés. Ce qui ne l’empêche pas de trancher. Si Carrefour n’est pas leader dans un pays, il coupe. Fin août, le PDG a ainsi annoncé la fermeture de ses deux magasins à Singapour. Une première. « La direction de Carrefour ne parlait plus qu’aux analystes depuis dix ans, Georges Plassat s’adresse aux clients », remarque Delphine Mathez, senior partner au cabinet de conseil en stratégie Roland Berger. Malgré cette attention portée à la communauté financière, la capitalisation est passée de 37 à 11 milliards d’euros depuis 2007 et l’arrivée dans le capital du groupe Arnault et du fonds d’investissement Colony. À présent, Carrefour veut se concentrer sur son métier, savoir acheter et vendre. « 100 % dédiés au commerce, 100 % dédiés au client », affirmait Noël Prioux, un pur produit de l’enseigne, après sa nomination en tant que directeur exécutif France l’an dernier. Une politique confirmée depuis par Georges Plassat. « Les hypers ne se managent pas du siège, explique Noël Prioux. Si vous connaissez quelqu’un qui peut prendre des décisions pour le million de clients qui nous fréquente tous les jours, présentez-lemoi, je l’embaucherai. » L’exact contre-pied de la politique de leurs prédécesseurs, qui avaient centralisé et truffé le siège de consultants, du marketing aux achats. Une inflation de cerveaux, comme dit le nouveau patron, qui éloignait les dirigeants de la réalité du terrain, là où se joue la bataille contre E. Leclerc, Auchan et Casino. Impliquer les managers Pour revenir aux fondamentaux du commerce, les directeurs de magasin ont maintenant plus d’autonomie. Les achats se faisaient au niveau des régions ? Ils sont désormais la responsabilité de chaque grande surface. « Avoir les moyens de négocier localement permet d’être plus rapide et plus efficace, explique Gildas Aitamer, analyste à Planet Retail. C’est ce qui fait la force des centres E. Leclerc, par exemple. » Si un concurrent baisse ses prix, lance une promotion, un chef de rayon peut désormais riposter immédiatement. « Nous avons à présent de bien meilleurs produits, assure le responsable des fruits et légumes d’un hypermarché d’Île-de-France. Nous pouvons les choisir, alors qu’avant il fallait seulement les écouler. » Pour des magasins mieux fournis et plus agréables, les audits sur l’hygiène se sont également multipliés, révèle un salarié. Garantir les prix bas By 4$ $! |\/ | Donner plus de pouvoir aux managers des hypermarchés revient à en enlever à ceux des directions centrales, dont le nombre de salariés avait explosé. « Aujourd’hui, il n’y a plus assez de travail pour tout le monde au siège, relève Thierry Faraut, délégué CFE-CGC de Carrefour. Il y a de moins en moins d’échelons intermédiaires. » Le premier employeur privé de France (110 000 salariés) a donc annoncé, fin août, la suppression de 500 à 600 postes administratifs. Du côté du management, les départs avaient débuté bien avant : José Carlos Gonzalez-Hurtado, le directeur commercial, et Patrick Rouvillois, le directeur marketing, ont ainsi été remerciés en mai et ne seront pas remplacés. La priorité est clairement donnée aux magasins. Selon les syndicats, le siège et les entrepôts représenteraient 2,5 % du chiffre d’affaires en France. Un handicap face aux groupements d’indépendants comme Leclerc et Système U. Plus légers et réactifs, ils font montre d’un formidable dynamisme ces dernières années, grâce à une politique commerciale avisée. Avec la fin de la loi Galland et des marges arrière indues, les prix bas sont redevenus le nerf de la guerre. Carrefour l’avait presque oublié. Fini, donc, les promotions à tout-va qui déconcertent les clients et brouillent son image. Fin janvier, le groupe a lancé sa garantie « prix le plus bas » sur 500 produits de marques nationales faciles à comparer. Du chocolat en poudre Nesquik aux rasoirs Gillette en passant par la bière Heineken, l’enseigne promet de rembourser deux fois la différence si l’on trouve moins cher ailleurs. « Il faut revenir dans la course. Les prix bas seront une constante, pas une variable d’ajustement », affirme Georges Plassat. Une allusion directe à Leclerc, qui s’applique à être le moins cher et le martèle avec efficacité. Selon une étude du cabinet OC&C Strategy Consultants, les clients de l’enseigne bretonne perçoivent ses prix comme moins élevés qu’ils ne le sont en réalité ; Carrefour, à l’inverse, est ressenti comme plus cher de 2,2 % que ce qu’indiquent ses étiquettes. Une image-prix défavorable qu’il faut améliorer au plus vite. En mai, l’enseigne a lancé l’opération « prix le plus bas » sur les carburants. De quoi marquer les esprits sans risquer de perdre des sommes folles, tant les remboursements se révèlent compliqués et rares et tant les différences de prix entre les distributeurs sont limitées. « C’est un élément crucial de la perception de nos prix », confirme Pierre-Jean Sivignon, le directeur financier du groupe. Plus marquant encore que la « garantie prix les plus bas » déployée en cette rentrée sur les fournitures scolaires. Mais la cohérence du discours commence à produire son effet, assure Georges Plassat, sans fournir de chiffres. Clarifier la communication La reconquête des consommateurs, dont le pouvoir d’achat s’effrite, passe aussi par le développement des drives. Le concept – commander ses courses sur Internet, aller les récupérer au magasin – fait un malheur en France. Alors que ses concurrents se sont engouffrés dans cette voie, Carrefour était resté sur le bas-côté. Carrefour rattrape son retard avec 67 points de livraison ouverts au deuxième trimestre, ce qui porte leur nombre à 125, tandis que Leclerc en est à plus de 200. « Carrefour est obligé de se mettre au niveau de ses rivaux, même si la rentabilité du drive n’est pas encore évidente », remarque Gildas Aitamer. Car si les prix sont les mêmes qu’en magasin, ce sont les salariés qui font le « travail » du client en préparant ses courses. Et ce type de distribution ne favorise guère les fameux achats d’impulsion qui font les profits des hypermarchés. Il faudra trouver des économies ailleurs. Dans la publicité, par exemple. 4$ $! |\/ | Le nouveau P-DG a quelques idées sur la question. « On investit une masse d’argent considérable pour expliquer qu’on peut, quand on est chauve, se sécher les cheveux avec un séchoir à 9 euros, se moquait-il en juin lors de l’assemblée générale des actionnaires. Mettons beaucoup de cet argent, superficiellement utilisé aujourd’hui, au service de nos magasins et de nos collaborateurs. » Estimé à 1 milliard d’euros par Les Échos en 2009, quand Publias l’a récupéré, le budget publicitaire pourrait être rogné. By L’année dernière, selon le cabinet d’études Kantar Media, l’inventeur des hypers a été le troisième plus gros annonceur dans l’Hexagone, avec des dépenses en hausse de 23 %, sans pour autant enrayer la baisse des parts de marché et des recettes : la réalité dans les rayons n’était pas aussi riante que dans la publicité. À l’inverse, Leclerc, septième plus gros acheteur d’espace, avait augmenté ses dépenses de 8,6 % et son chiffre d’affaires d’autant. Son avantage ? Sa communication n’a pas varié depuis trois décennies, quand Carrefour passait de l’incompréhensible panel de consommateurs, avec un sceau sur les produits façon « testé et approuvé par les clients », à ses promotions saisonnières, sans oublier son éphémère ligne bleue qui devait accélérer le passage en caisse. L’enseigne n’a plus qu’un slogan : « Les prix bas, la confiance en plus ». Reste à garder le cap, car la confiance ne s’achète pas, elle se construit dans la durée. S. Briand, « La vraie stratégie de Georges Plassat pour redresser Carrefour », Challenges, 6 septembre 2012. Questions 1. Quelles sont les causes du changement stratégique au sein du groupe Carrefour ? 2. Quels sont les acteurs de ce changement stratégique ? Quels sont leur pouvoir et leur attitude ? 3. Comment le changement stratégique est-il mis en œuvre ? Mini-cas 2 : le comité exécutif d’Orange, pièce maîtresse de la stratégie Trois ans après sa prise de fonctions comme PDG de France Télécom, Stéphane Richard fait le tri dans sa garde rapprochée. Il fait passer le comité exécutif de 14 à 12 membres, le rajeunit et le féminise. En 2010, le P-DG avait fait entrer du sang neuf au « comex », avec Pierre Louette, le secrétaire général, Bruno Mettling, le DRH, et l’ex-ministre de la Culture Christine Albanel. Il y avait également promu une femme, Delphine Ernotte, propulsée à la tête des activités en France. Stéphane Richard continue sur cette lancée en nommant une autre jeune femme, Béatrice Mandine, directrice de la communication et en la faisant entrer au comité exécutif. Récemment distinguée par l’étude annuelle VcomV, elle remplace Xavier Couture, qui quitte le groupe pour des raisons de convenance personnelle. |\/ | Une petite révolution By 4$ $! Mais le conciliant Stéphane Richard montre aussi qu’il est capable de faire des choix. En effet, deux « barons » du groupe sortent du comité exécutif. Il s’agit de Jean-Paul Cottet (marketing, innovation, nouvelles activités de croissance) et de Jean-Philippe Vanot (qualité, responsabilité sociale d’entreprise). Ce dernier devrait prendre sa retraite dans quelques mois. Quant à JeanPaul Cottet, son rôle est éclipsé par l’ascension de Vivek Badrinath. Cet ingénieur de 43 ans, passé par Thomson en Inde, est promu directeur général adjoint – comme le secrétaire général, la directrice France et le DRH. Il devient le patron d’un pôle élargi « innovation, technologie, expérience client ». Concrètement, l’ex-directeur d’Orange Business Services (OBS) reprend la tête du réseau. Thierry Bonhomme, jusqu’àprésent en charge des réseaux et de la R&D, dirigera à son tour l’activité entreprise. Vivek Badrinath prend également la main sur le système d’information et sur les terminaux. Il va superviser l’ensemble de la chaîne de l’innovation, des laboratoires jusqu’au marketing, alors qu’à présent elle était éclatée en chapelles. Cette petite révolution est le signe que le plan Nova Plus, engagé en 2010 pour rationaliser la R&D, commence à porter ses fruits après des démarrages difficiles. En créant le technocentre, l’exPDG Didier Lombard avait voulu donner un coup de fouet à l’innovation face à la « noblesse » de la R&D, incarnée par les chercheurs et les ingénieurs des Orange Labs. Le technocentre avait vocation à mêler recherche, développement et marketing. Dans les faits, les « grands » pays ont préféré développer leurs projets séparément. Et la dernière version de la Livebox est sortie avec deux ans de retard. « Vivek Badrinath a pour mission de remettre l’innovation et la R&D en marche. Pour casser les baronnies, les Orange Labs, le technocentre et les ingénieurs réseaux ont été regroupés sous sa coupe », note une source interne. Une bonne partie du futur de l’opérateur dépend désormais de lui. En remaniant sa garde-rapprochée, Stéphane Richard, qui avait été affecté par des rumeurs de départ au début de l’année, affiche aussi son envie de poursuivre sa mission à la tête de l’opérateur. G. de Calignon et S. Godeluck, « Stéphane Richard resserre le comité exécutif d’Orange », Les Échos, 21 mars 2013. Questions 1. Dans quelle phase du changement stratégique l’entreprise Orange se situe-t-elle ? 2. Quel est l’obstacle majeur qui mine le changement stratégique ? By 4$ $! |\/ | 3. En quoi la décision de resserrer le comité exécutif concerne-t-elle le changement stratégique de l’entreprise ? Cas de synthèse L’Oréal vaut bien une charte La mission du groupe Depuis plus d’un siècle, L’Oréal se consacre à un seul et unique métier : la beauté. Il s’agit d’un métier riche de sens puisqu’il permet à chacun d’exprimer sa personnalité, de prendre confiance en lui et de s’ouvrir aux autres. |\/ | Le profil général du groupe • Un siècle d’expertise cosmétique. $! • 25 milliards d’euros : chiffre d’affaires consolidé en 2015. 4$ • 32 marques mondiales(54). • 78 000 collaborateurs. By • 130 pays. • 501 brevets déposés en 2014. Le comité de direction est composé des personnes suivantes : • Jean-Paul Agon, P-DG de L’Oréal. • Laurent Attal, vice-président directeur général recherche et innovation. • Barbara Lavernos, directrice générale des opérations. • Nicolas Hiéronimus, directeur général des divisions sélectives. • Marc Menesguen, directeur général division produits grand public. • Brigitte Liberman, directrice générale de la division cosmétique active. • Christian Mulliez, vice-président directeur général administration et finances. • Alexandre Popoff, directeur général de la zone Europe de l’Est. • Jochen Zaumseil, directeur général de la zone Europe de l’Ouest. • Frédéric Rozé, directeur général zone Amériques. • Geoff Skingsley, directeur général de la zone Afrique / Moyen-Orient. • An Verhulst-Santos, directrice générale de la division des produits professionnels L’Oréal. • Jérôme Tixier, directeur général des relations humaines, conseiller du président. • Alexis Perakis-Valat, directeur général zone Asie / Pacifique. • Lubomira Rochet, Chief Digital Officer. La beauté est un langage L’Oréal s’est donné pour mission d’offrir à toutes les femmes et à tous les hommes de la planète le meilleur de l’innovation cosmétique en termes de qualité, d’efficacité et de sécurité, en répondant à l’infinie diversité des besoins et des envies de beauté à travers le monde. La beauté est universelle Depuis sa création par un chercheur, le groupe repousse les frontières de la connaissance. Sa recherche unique lui permet d’explorer sans cesse de nouveaux territoires et d’inventer les produits de l’avenir, en s’inspirant des rituels de beauté du monde entier. La beauté est une science Faciliter l’accès à des produits qui contribuent au bien-être, mobiliser les forces d’innovation pour préserver la beauté de la planète, accompagner les communautés qui l’entourent sont autant de défis ainsi que de sources d’inspiration et de créativité pour L’Oréal. |\/ | La beauté est un engagement 4$ $! En s’appuyant sur la diversité de ses équipes, la richesse et la complémentarité de son portefeuille de marques, L’Oréal a fait de l’universalisation de la beauté son projet pour les années à venir. L’Oréal au service de la beauté pour tous By « Les valeurs fondatrices de notre Société – telles que le respect, l’intégrité, l’excellence – ne sont pas seulement des mots. Elles constituent la réalité de notre quotidien et doivent s’incarner chaque jour dans notre comportement. Les leaders mondiaux de demain seront les entreprises qui auront intégré l’éthique dans leurs plans stratégiques comme dans leurs pratiques quotidiennes des affaires », affirme Jean-Paul Agon, P-DG du groupe. Et d’ajouter : « Notre stratégie de leadership est fondée sur un investissement permanent dans notre recherche et développement ; elle permet à nos marques de proposer des produits innovants, hautement efficaces, pratiques et agréables à utiliser, dans le respect des normes de qualité et d’innocuité les plus élevées. Nous visons l’excellence et n’hésitons pas à nous remettre continuellement en cause et à reconsidérer notre façon de travailler. Nous accordons une grande valeur à l’honnêteté et à la clarté : nos publicités sont fondées sur des performances avérées, prouvées par des données scientifiques. Nous bâtissons des relations solides et durables avec nos clients et nos fournisseurs, fondées sur la confiance et l’intérêt mutuels. Nous agissons avec intégrité : nous respectons les lois des pays où nous avons une activité ainsi que les pratiques de bonne gouvernance. Nous respectons des normes comptables et de reporting élevées et nous soutenons la lutte contre la corruption. Nous assurons à nos actionnaires une rentabilité à long terme en protégeant et en faisant le meilleur usage des actifs de l’entreprise. » La charte éthique made in L’Oréal « Notre charte éthique est le document de référence de l’éthique chez L’Oréal. Elle aide les collaborateurs à intégrer l’esprit L’Oréal dans leur travail au quotidien. La charte éthique s’adresse à tous les salariés du groupe et de ses filiales dans le monde. Elle concerne également tous les mandataires sociaux et les membres des comités exécutifs et de direction. Chaque collaborateur en reçoit personnellement un exemplaire », précise-t-on chez L’Oréal. Ce document de référence a été publié pour la première fois en 2000. Il a été mis à jour en 2007, avec l’aide de collaborateurs issus de vint-deux pays, réunis dans des groupes de travail internationaux en Asie, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine. Il a ensuite été validé par chaque « patron de pays », directeur des ressources humaines et conseil juridique local pour assurer son applicabilité dans chaque aire géographique. Pour souligner son importance, le PDG de L’Oréal a signé son avant-propos et le comité exécutif au complet a signé son introduction. La charte éthique est régulièrement revue, dans un souci d’amélioration. Les collaborateurs sont d’ailleurs encouragés à soumettre leurs remarques. Le « patron de pays » est garant du respect de la charte dans son aire géographique. Les diversités : une priorité La diversité est une valeur fondatrice pour L’Oréal : de la composition des équipes aux produits développés, L’Oréal place depuis toujours la diversité au cœur de ses préoccupations. |\/ | La philosophie de L’Oréal consiste à : 4$ $! • Refléter dans ses équipes et à tous les échelons, la diversité des origines (nationalités, origines ethniques, culturelles ou sociales) de ses clients, en cohérence avec ses bassins d’emploi. By • Favoriser la mixité au sein des équipes : renforcer l’accès des femmes aux postes à responsabilité, favoriser la mixité dans les fonctions aujourd’hui trop sexuées (marketing, industrie...) et assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. • Favoriser l’emploi des personnes handicapées. • Valoriser l’expérience pour anticiper l’allongement de la durée de la vie professionnelle. • Développer une culture managériale inclusive, respectueuse de tous. La « matrice diversités » de L’Oréal Les initiatives de L’Oréal s’articulent autour de six dimensions prioritaires et de cinq leviers d’action auxquels viennent s’ajouter l’action sur l’écosytème ainsi que la mesure et le pilotage de la politique. Le site du développement durable chez L’Oréal Questions www.loreal.fr. 4$ $! |\/ | Toutes les informations concernant les enjeux, politiques et initiatives du groupe en matière de responsabilité sociale et sociétale sont présentées sur le site http://www.loreal.fr/developpementdurable. Cet espace présente le développement durable en marche chez L’Oréal et offre une actualité sans cesse renouvelée. Des fiches techniques, basées sur les indicateurs de la Global Reporting Initiative (GRI), détaillent notamment les pratiques et résultats chiffrés du groupe. By 1. Le concept de RSE s’applique-t-il à L’Oréal ? 2. La stratégie vous semble-t-elle alignée sur la mission ? 3. Comment caractériseriez-vous l’organisation de L’Oréal ? 4. Quel est le rôle de la culture dans le fonctionnement de l’organisation ? 5. L’organisation et la culture sont-elles alignées avec la stratégie ? 6. Comment définiriez-vous la stratégie de L’Oréal à la fois sur les plans business et corporate ? 7. En termes de mode de croissance, la stratégie est-elle interne ou externe ? 8. La charte éthique peut-elle influencer le comportement des managers ? Si oui, comment ? 9. Pourquoi l’entreprise L’Oréal met-elle en avant la valeur de diversité ? 10. Quelle est la stratégie internationale de L’Oréal ? Comment situeriez-vous L’Oréal sur la matrice de Bartlett et Ghoshal ? Dossier L’entrepreneuriat et le management des petites entreprises Les compétences clés à acquérir : • Prendre la mesure d’un mode particulier de management : l’entrepreneuriat. • Exposer les différentes définitions de la petite entreprise. |\/ | • Comprendre son rôle dans le tissu industriel et social. • Connaître les caractéristiques essentielles des petites entreprises. 4$ $! • Tracer les grandes voies autorisant un meilleur développement de ces entreprises. By Pendant longtemps, le monde des petites entreprises est resté un continent inexploré parce que négligé par les pouvoirs. Et voilà que depuis quelques années ces firmes font l’objet d’une grande sollicitude : même pour les gestionnaires, « Small is beautiful ». Les petites entreprises sont fort difficiles à définir en raison de leur hétérogénéité. On utilise souvent les termes de PME ou PMI et, caractérisant ces organisations par les effectifs employés, on fixe leur limite à 200 voire à 500 salariés. Toutefois, il existe bien des différences entre l’entreprise artisanale où n’opèrent que le patron et un ou deux ouvriers et la moyenne entreprise industrielle de 400 employés qui s’apparente davantage à une grande firme qu’à un artisan. C’est pourquoi nous avons choisi de nous passer de l’adjectif « moyenne » pour ne parler que de la « petite entreprise » par opposition à la « grande firme ». Ce dossier ne doit pas faire oublier les célèbres entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elles sont mises en exergue lorsqu’il s’agit de comparer l’émergence du tissu industriel de notre voisin allemand avec celui, moins vigoureux, que nous connaissons de ce côté du Rhin. Introduction A. Les caractéristiques managériales de la petite entreprise (PE) À des degrés divers, on observe les traits suivants : • Si la limite ne pose pas de difficulté vers le bas, certains commerçants artisans travaillant seuls, en revanche la frontière est imprécise vers le haut. Certaines nomenclatures mettent un terme à 200 employés, d’autres vont jusqu’à 500. • L’organisation est simple. Dans une structure personnalisée – on l’a constaté – le travail s’effectue par contact direct et ajustement mutuel. • La structure est centralisée. Toutes les décisions sont prises par le patron. • La spécialisation est faible, qu’il s’agisse de celle des employés ou de celle des équipements. • La stratégie apparaît peu formalisée parce que, souvent, les décisions ont pour origine l’intuition. • Le système d’information externe reste simpliste. Par exemple, les études de marché sont rares et la veille technologique reste limitée. B. Les championnes du XXIe siècle $! |\/ | Nombreux sont ceux parmi les gestionnaires, les économistes ou même les hommes politiques qui parent les petites entreprises de toutes les vertus et les promettent à un avenir florissant, puisque certains n’hésitent pas à avancer que la grande firme est aujourd’hui condamnée. Trois vertus sont généralement reconnues aux petites organisations : 4$ • La flexibilité qui permet de s’adapter aux changements les plus divers, voire les plus inattendus. By • La proximité signifie que l’entreprise de petite dimension entretient avec ses partenaires proches des relations plus soutenues, plus morales, plus conviviales, en un mot plus humaines que la grande organisation bureaucratique déconnectée des réalités locales et dont les dirigeants n’obéissent qu’à la pure rationalité économique. • Enfin, les petites entreprises constituent dans le monde contemporain le meilleur moteur de développement. Dans les pays développés, elles seules créent des emplois, surtout dans les régions périphériques. Dans les pays en développement, elles contribuent à former un tissu économique plus solide que les grands groupes étrangers qui s’en tiennent aux exportations de matières premières et à l’importation de quelques produits périmés ailleurs. Les petites entreprises ont donc besoin d’un management approprié. I. L’entrepreneuriat On a vu, tout au long des chapitres précédents, que les managers des grandes entreprises disposaient d’un arsenal d’outils perfectionnés et d’armes puissantes pour mettre en œuvre un management stratégique efficace. Toutefois, ces instruments sont souvent trop lourds ou trop coûteux pour gérer de petites unités comme les TPE réunissant moins de dix collaborateurs ou même des structures constituées de vingt à trente employés. L’entrepreneuriat remédie à ce défaut. On définira ce terme d’entrepreneuriat tout simplement comme le management propre aux petites entreprises. Ce management est, tout à la fois, stratégique et opérationnel car, dans de petites unités, la distinction entre ces deux aspects est difficile à établir. L’entrepreneuriat suppose ainsi que celui qui le pratique possède des qualités très particulières. A. L’entrepreneur, héros de l’entrepreneuriat Les économistes ont élaboré la figure d’un personnage de légende : l’entrepreneur. C’est lui qui apporte les capitaux, ou une partie des capitaux nécessaires pour faire fonctionner l’entreprise. Il amène aussi ses compétences. Il combine ingénieusement les moyens techniques et financiers. Il dirige les collaborateurs et organise l’entreprise. Sa stratégie est tendue vers un seul objectif : réaliser le maximum de profit qu’il réalise en innovant continuellement. On ajoute que ce héros doit être animé par l’esprit d’entreprise, c’est -à dire par la passion de s’engager dans une aventure et de conduire une entreprise dont le succès n’est jamais assuré. Cette incertitude inhérente au fait d’entreprendre implique que, comme pour tout héros, celui qui court une telle aventure est un preneur de risques, très motivé par ses engagements. Toujours à l’affût de nouveautés, il aime et recherche les défis. 4$ B. Les PIC et les CAP $! |\/ | Toutes ces qualités ne sont bien évidemment pas présentes dans un seul individu de manière identique. Il y a de nombreux types d’entrepreneurs, qui possèdent à des degrés divers les vertus précédemment exposées. By P.-A. Julien et M. Marchesnay ont présenté une classification basée sur la logique de l’action(55). Selon ces auteurs, trois grandes aspirations motivent les entrepreneurs : – la pérennité ou le souci de durer ; – l’indépendance ou la volonté d’être autonome ; – la croissance assimilable à un fort désir de puissance. À partir de ces désirs, deux logiques d’action sont mises en évidence : • Une logique d’action patrimoniale : l’entrepreneur PIC C’est le cas d’un chef d’entreprise qui vise en priorité la Pérennité, l’Indépendance et la Croissance. Un tel comportement est plus fréquemment répandu dans les affaires familiales, où les dirigeants marquent une préférence pour l’investissement « en dur » (des bâtiments ou des terrains) plutôt que pour l’investissement immatériel (formation ou communication) parce que tous ces PIC visent à accumuler des biens matériels. • Une logique d’action entrepreneuriale : l’entrepreneur CAP Ce sont des chefs d’entreprise qui préfèrent valoriser leurs capitaux plutôt que d’accumuler. Ils poursuivent une Croissance forte, recherchent l’Autonomie de décision et ne sont guère préoccupés par la Pérennité de leur entreprise. Le CAP, tel le fondateur d’une start-up, se complaît dans un climat agité et, si possible, porteur d’une forte expansion. Il préfère les investissements immatériels ou encore la R & D. L’esprit d’entreprise est plus ou moins répandu dans une population donnée. Exemple Les Vénitiens de la Renaissance, qui organisaient des échanges fructueux mais aventureux avec l’Orient, étaient particulièrement bien dotés en la matière. De nos jours, la plupart des États s’efforcent de promouvoir, avec plus ou moins de bonheur, des politiques qui ont pour objet la stimulation de l’entrepreneuriat. Dans les régions, ils font même assaut d’incitations financières, matérielles ou de stages de formation pour soutenir la création, le développement ou la reprise de petites entreprises. Celles-ci connaissent certes une nouvelle vigueur, mais n’en demeurent pas moins des êtres fragiles. II. La fragilité des petites entreprises 4$ $! |\/ | Comme les êtres vivants, les petites entreprises sont mortelles. Certes, depuis les années 1970, il en naît plus qu’il n’en meurt. Toutefois, leur taux de mortalité infantile est impressionnant. Environ 60% d’entre elles ne dépassent pas le cap des huit ans, le pourcentage de disparition étant plus élevé dans les premières années qu’après cinq ou six ans d’existence. Quelles sont donc les causes de ces maux qui peuvent conduire, dans bien des cas, à la disparition ? A. Les faiblesses managériales du chef d’entreprise By Nous venons de constater que la littérature économique et managériale classique présentait une figure idéalisée de l’entrepreneur. C’est ainsi qu’il devrait remplir trois fonctions à la perfection, puisqu’il est capable de connaître l’optimum par le calcul différentiel qu’il pratique inconsciemment : • L’entrepreneur est un capitaliste qui rassemble des capitaux au coût le moins élevé en vue de tirer un profit maximum servant à récompenser les risques courus. • C’est un manager qui mobilise des facteurs de production (du matériel, des hommes, de l’information, des technologies) et les combine de manière optimale. • C’est un innovateur qui, rompant avec la tradition, crée de nouvelles richesses ou de nouveaux emplois. Or, observons la réalité. Bien rares sont les patrons de petites entreprises, comme d’ailleurs les dirigeants des grandes, qui réunissent toutes les qualités et toutes les aptitudes pour remplir ces trois fonctions. Ce ne sont pas des preneurs de risque (risk takers), comme le décrit la théorie mais des hommes, somme toute assez prudents, pour ne pas dire timorés. Du reste, les banquiers éconduisent les créateurs d’entreprise ou les petits patrons trop portés sur la prise de risque, les prêteurs n’appréciant que les « risques mesurés ». Trois facteurs négatifs affectent la gestion des dirigeants des petites entreprises : • Les objectifs poursuivis par ces pseudo-héros sont plus frileux que ceux analysés par la théorie économique classique. Ils ne cherchent ni à réaliser le maximum de profit ni à rendre maximale la valeur de l’entreprise, comme le postulent les tenants de la théorie financière. Ils ne cherchent pas davantage à affirmer leur volonté de puissance au fil d’une poursuite continuelle de la croissance, comme l’imaginent les zélateurs des théories managériales. Non, les patrons des petites entreprises, plus souvent PIC que CAP, sont plus modestes : ils visent généralement la pérennité, la survie de leur affaire ou encore une autonomie confortable. Ils ressemblent plus à un père de famille vieillissant qu’à un conquérant de ces nouveaux empires que forment les parts d’un marché mondialisé. • Le chef d’entreprise possède rarement une formation complète en management. En général, il a acquis une compétence technique qui lui semble suffisante pour réussir. Quant à la gestion, elle lui paraît secondaire. D’ailleurs, il la limite au domaine de la comptabilité qu’il soustraite à un expert-comptable, afin de respecter les obligations de la loi. Le créateur d’entreprise suit parfois un stage d’initiation à la gestion mais, une fois l’affaire démarrée, il n’a ni le temps ni l’envie, de poursuivre sa formation générale. |\/ | • Enfin, le chef de la petite entreprise est continuellement soumis à la pression des urgences et il ne consacre que peu de temps à la réflexion à plus long terme. $! B. Un management erratique de la petite entreprise By 4$ Tout au long de cet ouvrage, nous avons présenté le management comme l’art de prendre des décisions informées et rationnelles réduisant l’incertitude, grâce à des démarches méthodiques et à des outils scientifiques. En outre, il a été suggéré qu’il était opportun d’adopter un style de décision qui permette de faire participer les collaborateurs à la prise de décision. Or, chaque élément de ces qualités propres à la gestion contemporaine n’est pas entièrement présent dans les petites entreprises. Trois défauts caractérisent le plus souvent leur gestion : • Un manque chronique d’information tout d’abord. Parce qu’il ne possède pas la connaissance des sources de données, parce qu’il n’a pas les moyens d’acquérir systématiquement une vaste information, parce que ses connaissances en informatique sont trop étroites, le patron d’une petite entreprise se trouve en état permanent de myopie face à l’environnement, particulièrement en ce qui concerne les dimensions du marketing, qu’il s’agisse du choix des nouveaux débouchés ou de la sélection d’un nouveau segment de clientèle, par exemple. • Il résulte de cette pauvreté informationnelle des choix incertains et parfois peu cohérents. • Enfin, les propriétaires-dirigeants retiennent l’information qu’ils possèdent et ne font guère participer leurs employés à la vie de la firme. On trouve donc dans ces organisations des employés assez satisfaits de leur sort parce que leurs tâches sont plus variées que dans une multinationale riche de procédures, mais incapables d’initiative lorsqu’il conviendrait d’en prendre. C. La déficience financière structurelle Les bilans des petites entreprises s’opposent à ceux des grandes firmes par le poids plus élevé qu’occupe le court terme. Chez les premières, le « bas de bilan » pèse plus lourd que dans les grandes firmes. Les actifs circulants sont relativement copieux, à l’image des dettes à court terme du passif. Une telle situation est due, tout à la fois, aux réticences des banquiers à accorder aux petites entreprises des prêts à long terme, mais aussi au comportement des petits patrons qui, par souci d’indépendance, refusent l’endettement à long terme. Cette particularité financière des petites entreprises, où les liquidités sont relativement plus faibles que dans les grands groupes, entraîne des difficultés de trésorerie fréquentes. Comment, dès lors, donner plus de vigueur à ces petites organisations ? III. Le diagnostic stratégique dans les petites entreprises |\/ | Nous venons de mettre l’accent sur les spécificités essentielles des petites entreprises. Il en résulte que le management de ces firmes particulières ne peut ressembler point par point à la pratique stratégique et organisationnelle des grandes et des moyennes organisations. Nous soulignerons les principales singularités d’un diagnostic managérial propre aux petites organisations, avant de proposer des grilles d’analyse susceptibles d’aider le chef d’entreprise au cours du processus de décision. $! A. Les dimensions du diagnostic managérial By 4$ Un postulat erroné, selon lequel le management stratégique n’existe pas ou pire encore est inutile dans les petites entreprises, doit être dénoncé. Le chef d’entreprise, quel que soit le statut de la firme (artisanal, TPE, PE), possède une vue préalable sur le devenir de l’organisation dans un avenir relativement éloigné. Toutefois, cette projection, ou plutôt cette intention, que porte le manager n’est pas rédigée, formalisée comme elle l’est dans une grande entreprise. Lorsqu’on fait l’effort de comprendre le contenu et l’articulation de telle ou telle intention stratégique, en dépit des difficultés rencontrées pour la faire formuler, on trouve toujours le même contenu de pensée, que l’on peut résumer en cinq questions : – les fins dernières : qu’espère-t-on en s’engageant dans cette affaire et en la faisant prospérer, compte tenu de notre expérience et de nos aspirations ? – l’environnement : l’état du milieu externe dans lequel on évolue (la concurrence, le marché potentiel, les sources d’approvisionnement, etc.) permet-il de juger que le but que l’on souhaite atteindre est réaliste ? – les moyens : la composition des équipements, des ressources financières et humaines, des compétences, des informations nécessaires pour parvenir au but est-elle suffisante et adaptée aux fins poursuivies ? – les orientations : sur quelle voie doit-on s’engager pour atteindre les fins dernières ou plus particulièrement les objectifs ? – l’organisation : quelle structure, quelle répartition des tâches, doit-on adopter pour conduire les opérations au terme désiré ? Un tel schéma de réflexion peut être représenté de la manière suivante. Figure 1. Le pentagone stratégique de la PE On constate qu’il correspond, de manière simplifiée et synthétique, au schéma d’analyse stratégique et organisationnel présenté précédemment. Ce modèle appelle les commentaires suivants : 1. Les fins dernières On souhaite signifier, par cette expression, que l’entreprise ne peut manquer d’avoir conscience de trois dimensions : |\/ | – le métier : ses capacités, son expérience, son « know how », son aptitude à s’adapter et à bien gérer ses affaires, $! – la mission : les besoins qu’elle est capable de combler auprès de tel ou tel segment de clientèle, By 4$ – les objectifs poursuivis : ils sont, on le sait, multiples. Mais, s’agissant des petites entreprises, la rentabilité que l’on considère comme une contrainte incontournable doit constituer la condition de réalisation des trois grandes familles d’objectifs : la pérennité, l’indépendance etl a croissance. Figure 2. Les fins dernières de la PE 2. L’environnement À la différence d’une grande firme capable de modeler le milieu où elle évolue, la petite entreprise ne peut guère que s’adapter aux caractères de l’environnement, surtout au contexte concurrentiel et aux attentes de la clientèle. Dépendant également de la politique menée par les institutions locales, les chefs d’entreprise sont dans l’obligation de suivre les orientations prises par les décideurs proches, les représentants de l’État et des collectivités territoriales. 3. Les moyens Il est évident que ce dont le chef d’entreprise dispose pour s’adapter à son environnement et pour réaliser ses objectifs suppose d’être inventorié avec soin, qu’il s’agisse de moyens financiers, technologiques ou informationnels. 4. Les orientations stratégiques Ces orientations adoptées par le manager et la petite firme sont, elles aussi, conditionnées par le jeu des forces économiques. L’existence de la petite entreprise, sa capacité de survie dépendent avant tout des choix de marketing judicieux. Tout d’abord il s’agit de résoudre le problème de segmentation, à savoir la sélection d’une cible de clientèle tout à la fois suffisamment large pour nourrir une activité rentable mais aussi quelque peu ignorée jusqu’à présent par la concurrence, autrement dit une niche. Ensuite il convient, s’il existe néanmoins des rivaux réels ou possibles, de choisir le créneau qui permettra de se différencier de ses concurrents. C’est le positionnement. 5. L’organisation $! |\/ | Elle dépend de son dirigeant, des objectifs qu’il poursuit. Elle est aussi tributaire des caractères de l’environnement. Nous avons en effet constaté précédemment que la structure de la firme était dépendante des facteurs de contingence. 4$ Exemples By Plus l’environnement est instable ou turbulent, plus la structure doit être souple ou flexible. De même, le style de direction dépendra du caractère du patron, de celui du dirigeant, de l’activité ou des particularités de la culture locale. B. Des grilles d’analyse pour prendre une décision Outre les caractéristiques propres aux décisions stratégiques que nous venons d’étudier, les petites entreprises connaissent une courbe de vie dont il est nécessaire de distinguer les étapes car, à chacune des phases, correspondent des opérations et, partant, des décisions qui leur sont propres. Figure 3. La courbe de vie d’une PE P.-A. Julien et M. Marchesnay proposent de regrouper ces six étapes en trois phases clés dont chacune intègre des opérations spécifiques (jeunesse, âge adulte, vieillesse). |\/ | Le tableau 1 rassemble toutes ces données dans une grille d’opérations qui, à chaque moment, entraîne des décisions spécifiques selon les circonstances. Les spécificités de la décision financière correspondant à chaque phase y sont indiquées. By 4$ $! Tout ce travail d’analyse et de prise de décision permettra à quelques rares élues de devenir moyennes, puis grandes. Un bon nombre de petites firmes resteront dans cet état, tandis que disparaîtront les moins robustes et les moins chanceuses. Même si la démarche entrepreneuriale est souvent exaltante, la trajectoire managériale de la petite entreprise est semée d’embûches périlleuses. Tableau 1. La vie de la PE et ses principales décisions Phase clé Étape Étude du projet Durée Jusqu’à 2 ans Caractéristique stratégique – Études de faisabilité – business plan Jeunesse Lancement Démarrage 1 à 6 mois 6 mois à 5 ans – Mise en œuvre du plan – Décisions à long terme – Mobilisation active (jusqu’à 5 ans) – Contrôle – Idées de « produits » à exploiter – Recherche de cibles de clientèle – Recherche de créneaux – Études de faisabilité : . technique Choix : . marketing – des locaux . financière – d’équipements – Définir les tâches – Les attribuer au personnel – Mise en place d’une structure Phase clé Étape Croissance 2 ans Caractéristique stratégique Maîtriser le développement : changement de taille, d’activité, de structure Opérations By Maturité Quelques mois Indéfinie autant que possible Évaluer le rachat possible par le nouveau propriétaire Se maintenir et / ou croître 4$ Durée Âge adulte Reprise |\/ | Structure financière $! Opérations . humaine – d’associés éventuels – Définir le . juridique – de formule de fonctionnement – Rencontre avec les produit/service opérationnel des services stakeholders : – de financement et des hommes . prêteurs – de statut juridique – Choisir les outils de . associés – de collaborateurs gestions appropriés : . clients (recrutement) . tableaux de bord . fournisseurs . système d’information . collectivités . outils de contrôle territoriales . outils de prévision – Mise en œuvre du business plan – Négociation avec les stakeholders Dette à court terme : les fournisseurs, la famille du dirigeant Dette à long terme : emprunts bancaires très faibles Fonds propres : économies du dirigeant (80 %), subventions (20 %) – Perfectionner les outils de : . veille stratégique . gestion opérationnelle – Évaluer de nouvelles – Évaluer le prix de – Se décider sur : opportunités : rachat de la firme par des . l’acceptation de la . analyse de portefeuille méthodes financières croissance de DAS – Juger l’état de santé de . son refus . analyser les l’entreprise – Améliorer le style de compétences techniques, – Décider de l’achat ou direction marketing, financières, de rejeter – Si la croissance est humaines – Évaluer de nouvelles admise, alors : – Évaluer et choisir de opportunités . étudier les voies nouvelles voies – Évaluer et choisir de possibles stratégiques nouvelles stratégies . les mettre en œuvre – Modifier la structure si – Modifier la structure si besoin est besoin est – Procéder aux réformes de structure éventuelle (structure personnalisée → structure fonctionnelle ou transversale) Structure financière Dette à court terme : fournisseurs, emprunt bancaire Dette à long terme : « leasing », participation des collectivités Fonds propres : apport initial, incorporation de réserves, augmentation éventuelle du capital Phase clé Durée Étapes De quelques mois à 2 ans Désengagement Cession – Vente de la firme – Organisation de la transmission Abandon d’un DAS Disparition Abandon d’activités Fermeture – Calcul des – Désinvestissement coûts/avantages des – Calculer : progressif opérations suivantes : . la valeur de vente – Gestion quotidienne – désinvestissement . le coût de transmission prudente (vente de locaux ou – Rechercher des – Calculer le coût de matériel) repreneurs l’abandon – non-remplacement des . choix des repreneurs – Évaluer les coûts équipements obsolètes . préparer les repreneurs psychologiques et – recentrage des activités sociaux Dette à court terme : fournisseurs, quelques emprunts de trésorerie Dettes à long terme : en forte diminution (désinvestissement) Fonds propres : apports + réserves qui diminuent Structure financière 4$ By Opérations $! |\/ | Caractéristique stratégique Vieillesse IV. Des remèdes pour les petites entreprises L’examen des faiblesses natives des petites entreprises conduit à envisager trois types de prescriptions. Les premières concernent l’amélioration des compétences des chefs d’entreprise, les deuxièmes touchent aux mesures susceptibles d’atténuer les difficultés financières, enfin les troisièmes portent sur l’orientation stratégique que, collectivement, peuvent adopter les dirigeants au moment où l’économie se mondialise. A. L’amélioration des compétences managériales des décideurs Il convient d’organiser des stages de formation adaptés aux contraintes qui pèsent sur ces hommes ; en connaissant bien les étapes de la vie de ces petites entreprises on peut mettre en place des programmes adéquats. Cette dernière exigence suppose d’étendre et de multiplier les recherches universitaires relatives à ces organisations, car le domaine des petites entreprises constitue un territoire encore mal connu. Et ce serait une erreur que de vouloir transposer les connaissances acquises dans les grandes firmes pour gérer les petites. Les différences entre les unes et les autres ne sont pas seulement de degré, mais plus profondément de nature. B. Une nécessaire adaptation du financement Pour remédier au mal financier chronique (coût trop élevé du financement, manque de liquidité), plusieurs remèdes sont envisageables. À nouveau, la formation est nécessaire, afin d’apprendre aux créateurs d’entreprise et aux patrons déjà confirmés que le fonds de roulement se gère au rythme de la croissance et qu’un tel modelage du bilan est tout simplement une condition de survie. La création d’entreprise 4$ $! |\/ | Une action auprès des banques, conduite par les pouvoirs publics, peut aussi être menée. En effet, les institutions prêteuses doivent jouer plus qu’elles ne le font un rôle de conseiller auprès de leurs clients. Sur un plan managérial, il est plus important de se préoccuper du bon équilibre entre le besoin en fonds de roulement et le fonds de roulement que de réunir de riches cautions. Enfin, les pouvoirs institutionnels (politiques, régionaux, professionnels, etc.) ne doivent pas hésiter à susciter la création de sociétés de capital-risque qui proposent aux dirigeants des petites entreprises des modalités de financement autres que des prises de capital, auxquelles les patrons restent fondamentalement hostiles. By La création d’entreprise est l’acte fondateur de l’entrepreneuriat. On distingue trois types de création : – la création absolue. L’entreprise et l’entrepreneur n’ont pas de prédécesseurs ; – la création périphérique. Une entité nouvelle, juridiquement autonome, est créée, mais elle dépend économiquement d’une autre institution, c’est le cas d’une filiale ou d’une franchise ; – la reprise. L’entreprise ancienne subsiste, seul le propriétaire change. Si l’entrepreneuriat constitue une activité créatrice stimulante, mais c’est aussi un jeu dangereux : plus de la moitié des entreprises créées disparaissent avant l’âge de cinq ans. Certains entrepreneurs défaillants reprendront des initiatives de création, d’autres, hélas, seront ruinés. Il importe donc d’étudier avec soin le processus entrepreneurial. Les modalités de la création d’entreprise L’émergence de l’idée L’envie d’entreprendre se trouve chez des personnes expérimentées qui désirent changer leur vie professionnelle, comme chez des jeunes gens ou des demandeurs d’emploi souhaitant trouver une activité. Ce sont ceux qui possèdent déjà des compétences affirmées et de l’expérience qui ont le plus de chance de réussir. Des organismes publics soutiennent certaines initiatives techniques, par exemple l’ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche), tandis que se créent des centres de formation, des incubateurs de projets, destinés à transmettre les connaissances et à soutenir le créateur. L’élaboration du projet L’idée initiale, aussi novatrice soit-elle en apparence, doit trouver un débouché solvable. 4$ $! |\/ | Le processus entrepreneurial By L’étude commerciale vise donc, à ce stade, à trouver et à mesurer les capacités de la niche où l’entrepreneur aura le plus de chance de réussir. Sur ces bases, l’étude technique et financière a pour objet d’évaluer les besoins en matériels, en hommes et en investissements. Le plan de financement est particulièrement complexe à établir puisque l’entrepreneur, outre son apport, doit orienter sa prospection vers les aides publiques multiples et paperassières, et vers les apports éventuels des sociétés de capital-risque. Enfin, l’étude juridique (statut fiscalité) vient clore ce travail de préparation minutieuse, qui est rassemblé dans un business plan. Pareille synthèse a pour objet de mettre en lumière les résultats prévisionnels sur une période suffisamment longue (3 à 5 ans) dans le but d’allécher les investisseurs potentiels ou tout simplement pour rassurer le banquier. Le démarrage de l’activité Il suppose un engagement total du créateur qui doit par lui-même pratiquer tous les métiers : la production, le commercial, la finance et bien entendu le management stratégique qu’exige l’activité poursuivie. Il convient de saisir toutes les opportunités, aussi bien en aval en gagnant de nouveaux clients qu’en amont avec des partenaires possibles. En effet, la réussite des partenariats provient souvent de l’existence de réseaux. L’émergence de ceux-ci est favorisée par le regroupement des TPE nouvellement créées dans des structures appropriées : les pépinières d’entreprises, parfois rassemblées à proximité des centres de recherche dans des technopôles. Devant les risques courus par l’entrepreneur, il est nécessaire de mettre en œuvre tous les moyens pour faire de l’entrepreneuriat durable. Les grandes firmes ont un rôle à jouer dans un tel processus créatif. Elles peuvent encourager un de leurs salariés à créer, par essaimage, une activité destinée à être externalisée. Elles peuvent aussi proposer à des créateurs en puissance de développer un projet dormant. Par exemple, Danone proposera de créer des marques de boissons identitaires (du chouchen en Bretagne, du cidre de ferme en Normandie) à des jeunes diplômés en gestion. Cette formule se rapproche de l’intrapreneuriat, qui a pour but de stimuler, à l’intérieur de l’entreprise, toutes les initiatives créatrices des collaborateurs. Le capital risque (Venture Capital) au service des start-up $! |\/ | Le terme désigne un mode de financement de jeunes entreprises qui présentent des projets à fort potentiel, particulièrement dans le domaine des TIC. Des investisseurs (business angels) se réunissent pour proposer à des entrepreneurs du capital et de l’assistance en management. Leurs réseaux de relations et de compétences proposent une aide précieuse aux créateurs. On distingue plusieurs phases dans le processus de développement. Il s’accompagne de besoins de financement particuliers : 4$ – le capital d’amorçage (seed capital) a pour but de financer les études jusqu’au business plan ; By – le capital de lancement a pour objet de lancer la firme (start-up) jusqu’à ce qu’elle atteigne un premier niveau d’activité viable ; – au bout de deux ou trois ans, l’entreprise (second stage) éprouve de nouveaux besoins pour couvrir le besoin en fonds de roulement qu’engendre sa croissance. On fait alors appel à de nouveaux financements (expansion capital). V. Les orientations stratégiques à l’heure de la mondialisation Tout le système économique, à l’échelle mondiale, se réorganise sous l’effet des bouleversements multiples, qu’il s’agisse des crises successives, des progrès technologiques, du développement des moyens de transport et de télécommunication ou encore de la mutation des modes de production et de commercialisation qui conduisent à la mondialisation progressive des échanges. Il en résulte une recomposition du tissu économique et plus particulièrement une tendance à la « miniaturisation » de ses composantes. Toutefois, ce dernier phénomène, loin d’être le résultat d’un affaiblissement des grandes entreprises est, au contraire, provoqué par les stratégies mises en place par les puissants groupes pour adapter leurs activités aux nouvelles conditions qu’ils ont euxmêmes créées. Ces stratégies, on l’a souligné précédemment, se fondent sur l’idée d’externalisation d’activités. Elles consistent, pour les grandes firmes, à transférer une partie de leurs activités vers d’autres acteurs (sous-traitance). Exemple Des petites entreprises peuvent être prêtes à accepter de réaliser certaines tâches pour le compte d’autres organisations. Elles sont souvent mieux à même de les accomplir de façon efficace. La mise en réseau, au sens de maillage des activités, joue un rôle essentiel dans ces stratégies, et par conséquent dans le processus de mondialisation de l’économie. Dans pratiquement tous les secteurs d’activités, on assiste en fait, depuis quelques années, à la mise en œuvre de telles stratégies. Elles aboutissent à réduire les grandes firmes et à leur substituer des réseaux de petites entreprises organisées autour d’elles mais dirigées par elles. Quel avenir est alors possible pour les petites entreprises ? On peut les classer en deux catégories : |\/ | – celles qui ont su ou pu s’intégrer à une stratégie d’externalisation des grandes firmes. Elles ont, en principe, de meilleures chances de survie et de développement que les secondes, car leur partenariat avec de grandes firmes en fait des acteurs de la mondialisation ; 4$ $! – les autres, en revanche, sont exclues du processus de globalisation et en deviennent les victimes potentielles. Une voie de salut existe cependant pour ces malheureuses, la seule probablement, celle de la mise en réseau de leurs activités. Ces tissus stratégiques leur permettent de faire collectivement ce qui leur est interdit à titre individuel : atteindre la capacité stratégique nécessaire et rejoindre ainsi le club des élèves mondialisés. By Quels que soient les progrès du phénomène de mondialisation, des besoins spécifiques subsistent tandis que de nouveaux apparaissent ; la satisfaction des uns et des autres fera l’objet de marchés étroits et donc non mondialisés. De petites entreprises, à la vocation et aux capacités purement locales, sont mieux à même de survivre dans ces niches que les firmes mondialisées, mais à deux conditions : – spécialiser leurs activités dans la production de biens ou de services répondant à ce type de besoins spécifiques ; – trouver un débouché suffisant à proximité de leur lieu d’implantation. La mise en œuvre des stratégies de participation à la mondialisation (le satellite ou le conquérant) se heurte aux obstacles structurels propres aux petites entreprises que nous avons évoqués précédemment. Ceci explique pourquoi, bien que potentiellement mondialisables, peu d’entre elles sont effectivement mondialisées. Élaborer un plan stratégique d’envergure exige de la part des dirigeants un ensemble de qualités entrepreneuriales, de compétences et de moyens que très peu d’entre eux sont à même de réunir. Il leur faut, en effet, pouvoir prendre conscience de la nécessité d’un tel projet, avoir la volonté de s’y engager, et posséder la culture managériale nécessaire pour concevoir la stratégie et la mener à bien. La formation au management a encore de beaux jours devant elle. By 4$ $! |\/ | Tableau 2. Les stratégies des PE Glossaire Acquisition. Mode de croissance d’une entreprise par lequel cette dernière absorbe une autre firme. La recherche de synergie constitue la principale raison d’une telle opération. Adéquation stratégique (Strategic Fit). État de relations complémentaires entre plusieurs DAS à l’intérieur d’un portefeuille (fit) qui engendre, en principe, un avantage concurrentiel. Notion proche de la synergie. Adhocratie. Organisation adaptable, innovatrice, coordonnée par ajustement mutuel. Agenda partagé. Application informatique d’un intranet permettant la mise en ligne des agendas des membres d’une entreprise et facilitant, par exemple la fixation automatique de réunions. |\/ | Ajustement mutuel. Mécanisme de coordination reposant sur le contact direct, souvent informel, entre les membres de l’entreprise. 4$ $! Alignement managérial. Cohérence entre les différentes composantes du management : stratégie, systèmes d’information, structures, système d’animation, contrôle. By Alliances stratégiques. Accords de coopérations conclus entre firmes potentiellement concurrentes qui conservent leur indépendance et s’entendent pour gérer un projet commun. Anticipation. Capacité de prévoir des évolutions de l’environnement, leurs conséquences sur l’entreprise et de prendre des décisions en conséquence. Apprentissage (Learning). Phénomène qui laisse à penser que les firmes apprennent en accumulant des savoirs, par répétition des mêmes activités. Pareille répétition susciterait une diminution des coûts donc engendrerait un avantage concurrentiel. Apprentissage individuel. Acquisition de compétences par une personne. Architecture stratégique. Carte du futur élaborée en terme de ressources qui créent des ressources nouvelles. Plus concrètement, partage de savoirs en vue d’élaborer des produits nouveaux. Apprentissage organisationnel. Processus par lequel les membres de l’entreprise accumulent des connaissances, développent leur capacité à les interpréter et à les mémoriser. Attrait du marché. Pouvoir d’attirance exercé par un marché. Il ne se limite pas au taux de croissance mais prend en compte d’autres variables, par exemple la taille, le prix, la concurrence, la profitabilité et la maturité, les capacités de différenciations, etc., dont on évalue le score sous forme d’une moyenne pondérée. Audit stratégique. Évaluation a posteriori de la stratégie. Opération destinée soit à mieux comprendre la position concurrentielle de l’entreprise, soit à améliorer le processus de décision. Autorité fonctionnelle. Autorité s’exerçant en dehors de la ligne hiérarchique et reposant sur les compétences spécialisées. Autorité hiérarchique. Autorité s’exerçant dans le cadre d’une ligne hiérarchique. Autorités de régulation. Instances (ART, CSA, etc.) spécifiques à certains secteurs (télécommunications, audiovisuel, énergie...) intervenant pour limiter les effets du libre jeu de la concurrence. Avantage compétitif (avantage concurrentiel). S’observe quand une entreprise crée plus de valeur économique que ses concurrents dans un DAS. La valeur économique est la différence entre la valeur perçue par les clients et les coûts, généralement mesurer par le profit. L’avantage compétitif est le résultat d’une meilleure maîtrise des ressources et compétences, d’une meilleure stratégie, d’une implémentation de la stratégie plus efficace. Avantage compétitif durable. Se maintient dans le temps car les sources de l’avantage compétitif sont difficilement imitables par les concurrents. Avantage compétitif éphémère. Dans un contexte d’hypercompétition, les avantages compétitifs sont de plus en plus éphémères du fait de la disparition des barrières à l’entrée et de la remise en cause permanente des champs de compétition entre entreprises. |\/ | Balance organisationnelle. Équilibre entre différenciation et intégration organisationnelle. 4$ $! Balancier stratégique. Aller-retour dans les stratégies de portefeuille d’activités consistant à passer d’une stratégie de spécialisation à une stratégie de diversification, pour revenir, après avoir subi de mauvais résultats, à une spécialisation. Barrières à l’entrée. Voir Obstacles à l’entrée. By Benchmarking. Comparaison des modes de fonctionnement de l’entreprise aux pratiques d’autres entreprises (en dehors ou dans le secteur) considérées comme constituant des références d’excellence. Biais cognitifs. Déformation de la perception de la réalité imputable aux cartes cognitives et aux schémas mentaux du manager résultant de sa formation, de son expérience et de ses succès / échecs. Boussole stratégique. Outil permettant de situer une stratégie business sur deux axes : celui de la valeur perçue relative par rapport à la concurrence ainsi que celui du prix relatif par rapport à cette même concurrence. Bureaucratie. Mode d’organisation reposant sur la standardisation, la formalisation, la centralisation et la spécialisation. Business ethics. Voir Éthique d’entreprise. Les Anglo-Saxons, à la différence des Français, n’emploient pas le terme de morale et s’en tiennent à l’éthique (ethics). Les notions de « Business ethics » et de « Corporate ethics » revêtent le même sens et peuvent être confondues. Business plan. Document de synthèse présentant une stratégie ou un projet et dont l’objectif est de convaincre les interlocuteurs de sa pertinence et de sa qualité. Capacités dynamiques. Aptitudes des managers à intégrer des ressources, à les reconfigurer, à en rechercher de nouvelles, à mobiliser des compétences de façon à faire face aux exigences renouvelées de l’environnement. Carte cognitive. Représentation des relations de causalité perçue par des décideurs. Exemple : un livre invendu chez un libraire engendre des coûts de logistique supplémentaires chez l’éditeur. De tels schémas postulent que des décisions ne s’appuient pas sur des faits pour décider, mais sur des croyances. Centre de profit. Entité autonome d’une organisation dont le responsable est jugé sur le solde de son compte de résultat. Chaîne de valeur. Analyse des sources de l’avantage concurrentiel ou des faiblesses au sein des activités principales et de soutien de l’entreprise. Changement. Réponse des managers aux pressions multiples et évolutives de l’environnement. Plus récemment, modification apportée à la firme à la suite d’un reenginering. Chronocompétition. Création d’un avantage concurrentiel reposant sur la maîtrise du temps au plan opérationnel ou stratégique. Clan. Mode d’organisation où l’adhésion de chacun repose sur un ensemble de valeurs partagées. |\/ | Comité. Mécanisme de coordination horizontale par opposition à la hiérarchie (mécanisme d’intégration verticale). $! Compétences. Capacités à déployer des ressources pour atteindre un objectif ; elles reposent sur les processus organisationnels de l’entreprise et peuvent constituer un avantage concurrentiel. By 4$ Compétences de base. Apprentissage collectif de la manière de coordonner diverses compétences de production et d’intégrer de multiples courants technologiques. Ces compétences, également appelées « compétences fondamentales », sont composées de quatre facteurs : les savoirs, les systèmes techniques, les systèmes de management, les valeurs et normes. Compétitivité. État d’une entreprise capable d’affronter avec succès les concurrents grâce à la création d’avantages concurrentiels. Concentration. Synonyme de stratégie de niche. L’entreprise vise une cible étroite qui ignore les concurrents. Voir Focalisation. Contingence. Désigne des éléments imprévisibles qui ne sont pas marqués par la nécessité. Continuous morphing. Dans un contexte d’hypercompétition, processus de modification permanente de l’activité, des ressources et compétences, de la structure et de la stratégie, alimenté par le développement de capacités dynamiques et de la flexibilité stratégique. Contrôle. Ultime étape du processus de management consistant à comparer les objectifs et les résultats. Coopération. Synonyme de partenariat ou alliance stratégique, à savoir : accords liant deux ou plusieurs firmes qui mettent en commun des ressources et compétences en vue d’atteindre un but commun. Coordination. Mode de collaboration réalisé entre des services et des individus de l’entreprise. Elle rend cohérentes et synchronise les actions des services. La hiérarchie constitue une forme de coordination verticale, mais cette collaboration nécessaire est plutôt assurée par des relations horizontales, sous forme de comités, par exemple. Coordination distancielle. Utilise les TIC (technologies de l’information et de la communication) telles que la messagerie électronique, les visioconférences, les réunions téléphoniques, les intranets. S’oppose à la coordination présentielle, qui repose sur la présence effective des participants. Corporate ethics. Voir Business ethics. Les deux termes sont employés sans distinction. Corporate Social Responsability. Vision d’une entreprise qui se donne (à laquelle on attribue ?) dans ses préoccupations une dimension large, étendue aux aspects environnementaux et à l’insertion dans la société. Courbe en S de la diffusion de l’innovation. Représentation graphique du processus de diffusion d’une innovation identifiant trois phases : la phase d’apprentissage, la phase d’explosion et la phase de maturité. Coût de transfert. Coût supporté par un client quand il change de fournisseur. Les coûts de transfert constituent une barrière à l’entrée dans un secteur. |\/ | Croissance externe. Stratégie de développement reposant sur l’acquisition par l’entreprise de capacités existantes par absorption, fusion, acquisition. $! Croissance interne. Stratégie de développement reposant sur la création par l’entreprise de capacité nouvelles, par investissement et recrutement de personnel. 4$ CRM. (Custumer Relationship Management) Application informatique prenant en charge la planification, l’organisation et le contrôle des activités avant et après vente. By Culture organisationnelle. Ensemble cohérent de postulats fondamentaux qu’un groupe donné s’est inventé, a découvert ou a développé en apprenant à affronter les problèmes afférents à l’adaptation externe ou à l’intégration interne. Culture stratégique. État d’esprit caractérisant une entreprise capable d’anticiper, de décider et de mobiliser. Customisation. Stratégie consistant à personnaliser les produits ou services en fonction des caractéristiques du client. Cycle de vie. Notion visant à représenter une succession de phases qui rappellent les étapes de la vie. L’évolution est généralement composée de cinq phases : la gestation, la naissance, la croissance, la maturité et le déclin. Décentralisation. Mode d’orientation d’une firme qui repose sur une division du travail de direction. Une décision est décentralisée lorsque des personnes, situées à des niveaux hiérarchiques plus ou moins élevés, doivent effectuer seules des choix. Décision programmée. Choix répétitif et routinier pour lequel on dispose d’une procédure appropriée. Décision stratégique. Processus par lequel la direction générale modifie l’orientation à long terme des activités de l’entreprise. Dégel (ou maturation). Première étape du changement correspondant à la prise de conscience par les acteurs de la nécessité de changer. Délocalisation. Transfert d’activités vers des pays bénéficiant d’un avantage compétitif en raison de coûts plus bas, de compétences technologiques ou de perspectives de développement commercial. Delphi (méthode). Technique de prévision fréquemment utilisée dans les sciences du management. Elle consiste à faire effectuer des prévisions par un groupe structuré d’experts. Réalisées sur la base de questionnaires successifs, ces prévisions sont généralement plus fiables que celles effectuées par des individus isolés ou par des groupes non structurés. Cette méthode projective vise à identifier des convergences d’opinion et à dégager un consensus. Déracinement. Deuxième étape du changement, rupture par rapport à la situation précédente, qui traduit la mise en œuvre du changement. Déréglementation. Réduction ou suppression des interventions publiques dans la vie des entreprises. Exemple : suppression de contrôle des prix ou ouverture qui permet à toutes les entreprises d’avoir accès à ce qui était avant un monopole. Dérégulation. Synonyme de déréglementation. $! |\/ | Désengagement. Stratégie corporate consistant à désinvestir dans un domaine d’activité afin d’affecter les ressources à de meilleurs emplois. 4$ Désinvestissement. Stratégie consistant à arrêter l’exploitation d’un DAS. By Développement durable. Développement qui satisfait les besoins de la génération actuelle sans priver les générations futures de la possibilité de satisfaire leurs propres besoins. Il repose sur le respect des droits de l’homme, l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants, le développement d’une politique environnementale. Certaines entreprises font de ce principe une stratégie. Diagnostic fonctionnel. Diagnostic reposant sur l’étude des forces et des faiblesses des fonctions et des processus de l’entreprise. Diamant de Porter. Métaphore permettant de mesurer « l’éclat », l’attractivité d’un pays ou d’une région pour les entreprises désireuses de s’y implanter. Différenciation. Stratégie consistant à rechercher un avantage compétitif autre que le prix. Elle permet de dégager des profits supérieurs à ceux de la moyenne du secteur d’activité. Différenciation organisationnelle. Conséquence de la spécialisation du travail sur les plans du comportement des individus et de l’organisation des services. Direction par objectif (DPO). Méthode de management par laquelle un responsable de poste se voit attribuer, par la direction générale, des objectifs qu’il doit atteindre. Direction participative par objectif (DPPO). Objectifs négociés entre la direction générale et le responsable du poste. Diversification. Stratégie corporate consistant à mobiliser ses ressources dans plusieurs domaines d’activité. Domaine d’activité stratégique (DAS). Ensemble d’activités homogènes menées par une entreprise et dont les caractéristiques concurrentielles proches font qu’elles doivent subir un diagnostic stratégique unique en vue de la définition d’une stratégie. Downsizing. Dégraissage, c’est-à-dire réduction du nombre d’employés dans une entreprise dans le but d’améliorer la productivité et de réduire les coûts. Le downsizing est souvent la conséquence d’un reenginering. Il risque d’entraîner des effets négatifs auprès du personnel (perte de confiance, démotivation) comme dans l’environnement externe (image négative de la firme). Écart stratégique. Différence entre l’objectif (ce qui est visé) et la prévision résultant de la simple extrapolation du passé. Économie collaborative. Ensemble d’activités qui visent à produire de l’activité en commun. Elle s’appuie sur une organisation plus horizontale que verticale. Elle consiste à mutualiser des biens (covoiturage), des espaces (colocation), des outils (imprimantes 3D) ou encore des capitaux (crowdfunding). Elle doit son développement à l’utilisation de TIC permettant d’améliorer la créativité collective et la productivité. |\/ | Économie de champ. Ensemble des gains engendrés par le partage dans une même firme des moyens communs entre des activités différentes. Par exemple, le même service de R & D travaillant pour plusieurs divisions. $! Économie d’échelle. Diminution des coûts résultant de l’étalement des charges fixes sur des volumes plus importants (effet de série). 4$ Économie numérique. Regroupe le secteur des activités liées au numérique (télécommunication, audiovisuel, logiciel, Internet, réseaux informatiques, etc.). By Écosystème d’affaires (ESA). Communauté économique composée d’organisations et d’individus en interaction qui produisent des biens et des services. Les membres de l’ESA sont les fournisseurs, les producteurs, les concurrents et les autres parties prenantes intéressées. Effet de levier. Effet positif ou négatif de l’endettement sur les résultats financiers d’une firme. Si le prix des capitaux empruntés est faible, plus l’entreprise s’endette, plus sa rentabilité financière est bonne lorsque les investissements sont judicieux. Effets d’expérience. Diminution des coûts résultant de l’amélioration des procédés due aux effets d’apprentissage. E-learning. Intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les processus de formation. Enlisement dans la voie moyenne. Idée selon laquelle une entreprise qui cherche à suivre plusieurs stratégies aux exigences contradictoires est moins performante. Enracinement. Voir Regel. Entrant potentiel. Entreprise susceptible d’entrer dans le secteur et dont la venue est le cas échéant freinée par les obstacles à l’entrée. Entrepreneur. Personnage mythique des théories économiques, dont il est le héros. Il possède quatre caractéristiques : il apporte des capitaux, il organise l’entreprise, la dirige et, saisissant des opportunités, il apporte quelque chose de neuf (l’innovation). Les managers possèdent rarement toutes ces caractéristiques, ils ne sont généralement pas des apporteurs de capitaux au sens strict, ils ne sont d’ailleurs pas davantage des innovateurs permanents. Entrepreneuriat (Entrepreneurship). Aptitude d’un individu à prendre des risques et à engager ses ressources et ses compétences en vue de s’investir dans une aventure : la création d’une entreprise. Entreprise virtuelle. Entreprise qui réduit son degré d’intégration verticale jusqu’à la limite où elle perdrait son identité. Grâce aux progrès des TIC, de nombreuses tâches sont effectués par des partenaires qui rendent l’entreprise virtuelle plus agile donc plus réactive. ERP (Enterprise Resource Planning). Progiciel de gestion intégré (PGI) constituant un puissant facteur d’intégration organisationnelle. Esprit d’entreprise. Aptitude d’une personne (l’entrepreneur), voire d’un groupe social, à investir des capitaux et à s’investir dans une entreprise. L’entrepreneuriat en est la forme moderne. Essaimage. Stratégie consistant, souvent pour une grande entreprise, à favoriser le départ de ses salariés en les soutenant dans une démarche de création d’entreprise. Cette stratégie (spin-off) s’inscrit dans une double perspective de réduction durable d’effectif et d’externalisation. |\/ | Éthique d’entreprise. Voir Business ethics. Ensemble de règles de conduite admises par la communauté des gestionnaires, en vue de réaliser certaines fins. $! Étoile de la diversification. Représentation graphique des compétences requises pour se diversifier dans un nouveau domaine d’activité stratégique By 4$ Étoile sectorielle. Représentation graphique de l’intensité concurrentielle et de l’influence respective du pouvoir de négociation des fournisseurs, des clients, des menaces des substituts et des nouveaux entrants et de la rivalité entre les firmes présentes. Éventail de subordination. Nombre de personnes rattachées à un supérieur hiérarchique. Externalisation. Stratégie consistant à confier à des partenaires certaines tâches d’un domaine d’activité. Facteurs clés de succès (FCS). Caractéristiques que l’entreprise doit maîtriser pour s’imposer dans un secteur. Faisabilité stratégique. Vérification de la cohérence interne des décisions stratégiques par rapport aux ressources et aux compétences de l’entreprise et de leur cohérence externe par rapport aux attentes du marché. Filtre cognitif. Déformation de la perception des événements par les managers résultant de leur culture, leur formation, l’histoire de l’entreprise, etc. Finalisation. Voir Processus de finalisation. First mover. Stratégie consistant à être le premier à innover sur un marché par opposition aux suiveurs. Flexibilité. Aptitude d’une entreprise à s’adapter rapidement, économiquement et quasiment automatiquement aux fluctuations attendues de l’environnement. Focalisation. Stratégie de niche qui consiste à repérer un segment étroit de clientèle et à acquérir, en s’adressant à cette cible, un avantage concurrentiel soit grâce à une domination par les coûts, soit au terme d’une différenciation. Forces de l’entreprise. Ensemble d’avantages comparatifs de la firme qui assurent sa domination sur les concurrents ; on les oppose aux faiblesses qui désignent l’ensemble des avantages de la concurrence. Formalisation. Recours à l’écrit pour la définition des rôles et la communication. Fusion-acquisition. Opération par laquelle plusieurs entreprises mettent en commun leur patrimoine pour ne former qu’une seule firme. Globalisation. Imbrication des stratégies des firmes et des politiques économiques nationales, voire macro-régionales (UE, ALENA, etc.) dans un marché mondial. Gouvernance. Mode de gouvernement de l’entreprise qui met l’accent sur les relations préférentielles soit avec les stakeholders, soit avec les shareholders. On opposera alors une vision partenariale (premier cas) à une vision actionariale (second cas). |\/ | Gouvernance d’entreprise. Structures, procédures, pratiques qui précisent le fonctionnement des organes de direction de l’entreprise de façon à ce que soient préservés les intérêts de toutes les parties prenantes. 4$ $! Groupe stratégique. Entreprises en concurrence et proches les unes des autres car partageant des positionnements stratégiques voisins. Hiérarchie. Définition des relations verticales entre les supérieurs et les subordonnés. By Holding. Société mère qui contrôle plusieurs filiales. Hypercompétition. Environnement concurrentiel caractérisé par un haut degré d’incertitude, par des changements brutaux et importants. Identité. Représentation que les collaborateurs et les stakeholders d’une firme se font d’une organisation. Idiosyncrasie. Disposition personnelle à réagir à l’action d’un événement. Impartition. Partenariat entre plusieurs entreprises dont certaines décident de faire faire aux autres ce qu’elles faisaient auparavant. Incrémentalisme. Stratégie menée pas à pas en acceptant les retours et les détours plutôt que de vouloir atteindre directement les objectifs. Industrie. Ensemble d’entreprises présentes sur le même DAS. Information. Élément de connaissance diminuant l’incertitude où se trouve le décideur. C’est donc une ressource qui procure un avantage concurrentiel. L’entreprise la détient sans la partager. Innovation. Mise en œuvre d’inventions, de découvertes scientifiques qui se concrétisent par des produits ou services nouveaux, par des procédés techniques ou processus pour améliorer l’accomplissement d’une tâche ou la réalisation d’un objectif. Innovation technology driver (ou technology push). Résultat des investissements réalisés par les entreprises en recherche fondamentale, en invention et en développement. Innovation market driven (ou market pull). Résultat de la réponse aux attentes du marché. Intégration. Stratégie consistant à développer le portefeuille d’activités vers les fournisseurs (intégration amont) ou vers les distributeurs et clients (intégration aval). Intégration organisationnelle. Mécanismes permettant de maintenir l’unité et la cohérence interne de l’entreprise et de compenser les effets de différenciation. Intelligence économique. Activités coordonnées de recherche, traitement, diffusion des informations sur l’environnement susceptibles d’impliquer des changements stratégiques et opérationnels de l’entreprise. Intensité concurrentielle. Modèle dit des « 5+1 forces » de Porter qui mesure la vigueur ou le caractère atone de la compétition à l’intérieur d’un secteur, d’un DAS particulier. Intention stratégique. État mental désignant les aspirations stratégiques des dirigeants d’une entreprise. Elle dépend d’une vision stratégique préalable. Internationalisation. Opération qui vise à étendre les activités de l’entreprise « au loin ». $! |\/ | Intrapreneuriat ou intrapreneurship. Forme d’entrepreneuriat interne favorisée par la direction générale qui diversifie ses activités. By 4$ Joint-venture. Association, au sein d’une structure juridique, d’une entreprise avec un partenaire étranger facilitant la réalisation d’un projet industriel et / ou commercial commun, par la mise en commun de ressources et de compétences complémentaires. Elle est fréquemment utilisée dans les pays présentant de fortes barrières à l’entrée. Knowledge Management. Gestion des connaissances dans l’entreprise destinée à adapter la stratégie à un environnement tumultueux. LBO (Leverage Buy Out). Opération par laquelle une ou plusieurs entreprises en acquièrent un autre au terme d’un fort endettement. Le nom « leverage » suggère qu’un effet bénéfique de levier est recherché. Leader. Personne disposant d’un pouvoir formel et du charisme personnel lui permettant d’influencer et de mobiliser une équipe, voire une entreprise. Leadership. Style de direction qui peut aller du plus despotique au plus démocratique. Lean Management. Méthode (en français, « management minceur »), prisée des entreprises en période de crise et mise en œuvre par les consultants, qui vise à réduire tous les coûts de fonctionnement de l’ensemble des activités de la chaîne de valeur. Learning Mix. Politique visant à étendre les connaissances et à les partager dans l’entreprise. Learning Organization. Organisation dont les dirigeants visent à étoffer et à gérer les connaissances en vue d’innover en permanence. Légitimité. État par lequel une entreprise est considérée comme légitime, c’est-à-dire admissible, permise, voire utile, par la société. Ligne hiérarchique. Représentation des différents niveaux séparant la direction générale des opérationnels. Longue traîne (long tail). Stratégie reposant sur la distribution en ligne de gammes extrêmement larges de produits vendus en petites quantités. Low cost. Stratégie qui consiste à obtenir un avantage concurrentiel grâce à des coûts inférieurs à ceux des rivaux. Management. Ensemble des décisions de stratégie et d’organisation. Le processus de management est alimenté par le système d’information et suit les phases de finalisation, organisation, animation, contrôle. Management européen. Management reposant sur une préoccupation plus marquée pour la prise en compte de l’environnement, de l’homme et de la responsabilité sociale de l’entreprise, plus sensible aux autorités gouvernementales, plus tolérant aux diversités culturelles, plus ouvert que le management d’inspiration nord-américaine. Management opérationnel. Ensemble des tâches consistant à exploiter à court terme le potentiel de développement créé dans le cadre de la stratégie. $! |\/ | Management par les processus. Façon de gérer qui consiste à mettre l’accent plus sur la qualité du processus qui conduit au résultat que sur le résultat lui-même. Il s’agit d’une philosophie du pilotage de la performance qui vise à l’amélioration de la qualité et à la diminution des coûts. 4$ Management stratégique. Ensemble des tâches relevant de la direction générale, qui ont pour objectifs de fixer à l’entreprise les voies de son développement futur tout en lui donnant les moyens organisationnels d’y parvenir. Maturation. Voir Dégel. By Matrice de portefeuille d’activités. Représentation graphique des domaines d’activités de l’entreprise reposant sur les deux dimensions atouts de l’entreprise et attraits de l’environnement. Mémoire organisationnelle. Stock de connaissances acquises de l’entreprise et retenue en vue d’une utilisation ultérieure. Elle réside dans les mémoires individuelles et dans des procédures formalisées. Mimétisme managérial. Comportement consistant à prendre des décisions par imitation de ce que font des entreprises de référence ou en fonction des modes managériales. Mobilisation. Actions managériales consistant à susciter l’adhésion et l’implication des membres de l’entreprise à ses finalités. Modularisation (ou fragmentation) de la chaîne de valeur. Cette expression décrit les possibilités techniques et organisationnelles permettant de fragmenter un système de production. Les différentes étapes de la chaîne de la valeur sont ainsi assurées par différentes entreprises indépendantes. Morale des affaires. Voir Éthique d’entreprise. Bien que certains philosophes aient parfois distingué les deux termes, le mot « morale » (issu du latin) revêt le même sens que le mot « éthique » (issu du grec) dans l’univers des gestionnaires. Ainsi, les expressions « morale des affaires » et « éthique d’entreprise » sont employées indistinctement. Netchising. Moyen de développement international, proche du franchising. Il consiste à utiliser les techniques d’information modernes pour développer à l’étranger des activités sans passer par leur possession. On les concède à des partenaires. Niche. Portion de marché limitée. Une entreprise adopte une stratégie de niche lorsqu’elle ne possède ni ressources ni compétences suffisantes pour occuper avec succès un marché plus large. Obstacles à l’entrée (barrières à l’entrée). Freins limitant la venue d’une entreprise dans un secteur ; par exemple, les coûts de transfert, les effets d’expérience, les économies d’échelle du secteur. Océan Bleu. Stratégie consistant à créer un nouvel espace stratégique. Offre publique d’achat (OPA). Opération par laquelle une entreprise annonce publiquement aux actionnaires d’une autre entreprise qu’elle souhaite acquérir leurs titres pendant un certain délai et à un prix donné, généralement supérieur à la valeur boursière. Lors d’une OPA dite hostile, l’acquéreur ne consulte pas les dirigeants de l’entreprise visée. Elle reste amicale quand les entreprises coopèrent en vue de l’opération. Offre publique d’échange (OPE). Opération qui ressemble à l’OPA, mais où la transaction s’effectue par l’achat de titres et non par rachat. 4$ $! |\/ | Offshoring. Concept qui consiste à faire réaliser à l’international des services qui seront consommés ailleurs que dans le lieu de production. Plusieurs activités sont concernées : l’informatique, le SAV, l’audiovisuel, les activités bancaires ou d’assurance, etc. Le onshoring (offshoring à domicile) consiste à employer dans l’entreprise du personnel originaire des pays où se pratique le offshoring aux conditions de ces pays. By Organisation apprenante. L’entreprise acquiert et mémorise des connaissances qui enrichissent sa vision stratégique et réduisent l’incertitude. Organisation virtuelle. Forme de « non-organisation » qui résulte de la disparition, voulue par les dirigeants, des liens verticaux et horizontaux de la structure formelle. Pacte mondial (Global Compact). C’est une initiative internationale lancée en 2000 par Kofi Annan, le Secrétaire général des Nations unies. Le pacte vise à rassembler des entreprises et des organismes des Nations unies dans le but de promouvoir la responsabilité civique des entreprises. Parties prenantes (stakeholders). Acteurs de la vie de l’entreprise qui ne sont pas directement impliqués dans sa gestion, que l’on oppose aux actionnaires (shareholders). Certaines définitions larges des parties prenantes intègrent l’ensemble des acteurs de la vie de l’entreprise (salariés, fournisseurs, distributeurs, groupes de pressions, etc.). Planification. Ensemble d’actions qui consiste à concevoir un futur désiré et les moyens pour y parvenir ; instrument d’action, de motivation, de cohérence. Plate-forme technologique. Ensemble de compétences métier et de capacités organisationnelles dont la combinaison assure la compétitivité de l’entreprise et sur laquelle prennent appui les différentes activités de son portefeuille. Politique générale. Mère de la stratégie : orientation à long terme des activités de l’entreprise. Portefeuille d’activités. Ensemble des domaines d’activités de l’entreprise (DAS ou SBU) entre lesquels l’entreprise arbitre au fil du temps. Positionnement stratégique. Position qu’une entreprise entend occuper au sein d’un ensemble de facteurs clés de succès. Les entreprises choisissant le même positionnement stratégique constituent un groupe stratégique. Processus de finalisation. Définition des différentes catégories de finalités de l’entreprise – vision, mission, objectif, stratégie, plan, budgets – et des orientations que l’entreprise entend suivre. Processus d’animation des hommes. Mécanismes de gestion de ressources humaines suscitant l’adhésion des personnes aux finalités et aux modes d’organisation de l’entreprise. Processus d’organisation. Définition des mécanismes de gouvernance de l’entreprise, des structures, des mécanismes de coordination, des organigrammes, des procédures. Processus de contrôle. Vérification de la cohérence entre objectifs et résultats, du respect des principes d’organisation et définition des mesures correctives. |\/ | Processus stratégique. Ensemble des décisions et d’actions à caractère stratégique organisé dans le temps. La maîtrise de ces processus confère un avantage compétitif durable. $! Profil concurrentiel. Représentation graphique des forces et faiblesses de l’entreprise par rapport à celles des principaux concurrents. 4$ Profil de compétences. Représentation graphique des forces et faiblesses de l’entreprise. By Profit impact of market strategy (PIMS). Base de données comprenant 4 000 segments stratégiques utilisés pour étudier les conditions de réalisation de performances. Ainsi, il y aurait un lien entre la détention d’une forte part de marché et l’obtention d’une bonne rentabilité des capitaux investis par exemple. Projet. Mode d’organisation éphémère de services ou d’entreprises différents conçu en vue d’atteindre des objectifs. Le management par projet est pratiqué avec succès dans diverses entreprises automobiles et aéronautiques. Il débouche sur une organisation transversale des firmes concernées. Réactivité organisationnelle. Vitesse avec laquelle une entreprise réagit à un changement d’environnement. Recentrage. Stratégie consistant à se désengager de certains DAS considérés comme ne faisant plus partie du cœur de métier de l’entreprise. Reengineering. Remise en cause fondamentale et redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires en termes de coût, de qualité, de réactivité. Regel (enracinement). Troisième étape du changement qui marque l’ancrage du changement dans le fonctionnement de l’entreprise. Réseau. Mode d’organisation non hiérarchique où les relations sont caractérisées par leur caractère coopératif. Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Concept qui désigne l’intégration volontaire, par les responsables d’entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leur stratégie. Ressources. Actifs stratégiques, tangibles ou intangibles, de nature immatérielle, humaine, financière, physique, pouvant constituer la source d’un avantage concurrentiel. Resource Based Management (RBM). Approche du management stratégique de l’entreprise privilégiant l’explication des avantages concurrentiels par les compétences et les ressources que l’entreprise maîtrise. Return on equity (ROE). C’est le rendement des actions. R & D. Travaux de recherche effectués, généralement dans un service particulier, en vue d’accroître le stock de connaissances technoscientifiques dont on développe les applications. Réversibilité. Caractéristique des décisions opérationnelles qui peuvent être aisément remises en cause en cas d’erreur ou d’échec, à la différence des décisions stratégiques considérées comme irréversibles ou difficilement réversibles. Risque. Conscience d’un danger futur dont l’apparition n’est pas certaine mais possible. $! |\/ | Savoir organisationnel. Ensemble de connaissances et de croyances collectives partagées par les membres d’une entreprise. Ces savoirs et leur mise en œuvre forment la base des compétences. Certains savoirs sont tacites. On ne peut les communiquer par le langage, mais ils se transmettent par la pratique. D’autres savoirs sont dits explicites, car ils peuvent être exprimés donc formalisés. 4$ Scénario/Scenarii. Vision de l’évolution de l’environnement qui repose sur des hypothèses faites sur les tendances que vont suivre quelques variables clés caractérisant le secteur. By Segmentation stratégique. Découpage de l’entreprise en unités homogènes appelées domaine d’activité stratégique (DAS) ou strategic business unit (SBU) sur les plans interne et externe, sur lesquels un diagnostic sera effectué et des propositions stratégiques formulées. Spécialisation. Stratégie corporate consistant à concentrer ses ressources dans un domaine d’activité. SPECTRED. Diagnostic externe de l’entreprise intégrant les aspects Sociaux, Politiques, Économiques, Culturels, Technologiques, Réglementaires, Écologiques, Démographiques. Staff and line. État major (staff) et ligne opérationnelle (line). Stakeholders. Les parties prenantes, au sens littéral ce sont des « dépositaires d’enjeux ». Il s’agit de l’ensemble des publics externes et internes à l’entreprise concernés par les décisions prises par celle-ci. Standardisation. Mécanisme de coordination reposant sur la définition de procédures. Start-up. Petite entreprise en phase de lancement, engagée dans un domaine d’activité nouveau, telles les TIC. Stratégie. Ensemble de décisions de long terme prises par l’entreprise pour atteindre ses objectifs compte tenu de ses ressources et de ses environnements. Stratégie business. Choix stratégiques effectués au sein d’un domaine d’activité stratégique (DAS ou SBU). Stratégie corporate. Choix stratégiques concernant l’ensemble de l’entreprise et portant sur la gestion du portefeuille d’activités. Stratégie de croissance. Stratégie visant à développer l’activité de l’entreprise par croissance interne ou externe. Stratégie de différenciation. Stratégie de domaine (business) reposant sur un avantage concurrentiel perçu comme étant unique par l’ensemble du marché. Stratégie de diversification. Stratégie consistant à multiplier les activités de l’entreprise dans des domaines d’activités impliquant la maîtrise de compétences correspondant à des métiers différents. Stratégie low cost. Stratégie de domaine (business) reposant sur un avantage concurrentiel de coûts faibles. Stratégie de l’acteur. Les finalités personnelles des membres de l’entreprise (dirigeants, cadres, personnels) qui influencent leur comportement et leur décision. Stratégie de recentrage. Stratégie visant à abandonner des activités et à concentrer ses ressources sur un nombre limité de métiers dont les compétences sont maîtrisées. |\/ | Strategy as Pratice (SaP). Perspective s’intéressant aux pratiques d’élaboration, de formulation et de mise en œuvre de la stratégie afin de réaliser le changement. L’accent est mis sur les processus pratiques et les activités quotidiennes de la vie des organisations. 4$ $! Stress. État de tension physique et psychologique qu’une personne ressent lorsqu’elle est confrontée à des événements inattendus et qu’elle juge importants. Les entreprises doivent maintenir un bon équilibre entre la mise sous tension qui motive les ressources humaines et l’excès d’une telle tension qui produit des dégâts psychologiques. By Structure « agile ». Organisation caractérisée par un organigramme plat, la décentralisation, des frontières internes et externes floues, la transversalité de l’organisation. Structure divisionnelle. Organisation de groupes diversifiés ou chaque division autonome correspond à un centre de profit auquel des objectifs de résultats sont fixés. Structure informelle. Elle diffère de la structure prévue (formelle) et n’est pas représentée dans l’organigramme. Il s’agit d’une organisation de l’entreprise qui résulte des comportements des individus. Elle remet en cause l’équilibre voulu des pouvoirs et peut remédier aussi aux insuffisantes des structures formelles. Structure matricielle. Organisation résultant du croisement, dans la même entreprise, de la structure fonctionnelle et de la structure divisionnelle. Elle profite en principe des avantages des deux autres et s’efforce de gommer les inconvénients. Elle préfigure les structures par projet. Structure mécaniste. Organisation où la spécialisation, la standardisation, la formalisation sont fortes. Structure missionnaire. Organisation reposant sur une standardisation des normes et des valeurs et un leader charismatique. Structure professionnelle. Organisation reposant sur la compétence des opérationnels et la standardisation des qualifications. Structure simple. Organisation de nature entrepreneuriale reposant sur la supervision directe où la spécialisation et la formalisation sont faibles. Supervision directe. Mécanisme de coordination entre plusieurs membres de l’entreprises reposant sur l’autorité hiérarchique de leur supérieur. Supply Chain Management (SCM). Système de gestion de la chaîne logistique intégrant l’ensemble des procédures et applications informatiques permettant de gérer la totalité des flux d’informations et des flux physiques entre les différents acteurs, fournisseurs, producteurs, distributeurs d’un produit ou d’un service. SWOT. Processus stratégique décrit par quatre auteurs : Learned, Christensen, Andrews et Guth, d’où l’acronyme parfois employé de LCAG. La planification s’exécute en deux temps. À la détection des forces (Strengths) et puis à celles des faiblesses (Weaknesses) menée à la suite d’une analyse interne, succède l’identification des opportunités (Opportunities) et des menaces (Threats) résultant d’une analyse de l’environnement. Sur l’examen de ces bases, on effectue les choix stratégiques. Synergie. Effets de complémentarité entre deux activités (DAS) au sein d’un même portefeuille d’activités, souvent représentés par la formule 2 + 2 = 5. $! |\/ | Système d’information. Ensemble des ressources humaines et matérielles permettant la collecte, le traitement, la diffusion, le stockage des informations nécessaires aux décisions et au fonctionnement de l’entreprise. 4$ Technoscience. Ensemble des activités de recherches fondamentales et appliquées qui débouchent sur des applications techniques exploitables. By Technostructure. Services d’étude, d’analyse et de conseil générateurs de procédures internes et de standardisation. Trajectoire stratégique. Évolution dans le temps des choix et des évolutions stratégiques. Elle peut être déterminée par des causes externes (exogènes) et / ou par des conditions internes (endogènes). On oppose les mauvaises trajectoires (les vicieuses) aux bonnes (les vertueuses). Transversalité. Organisation qui traverse les différentes fonctions et coordonne les activités débouchant sur l’aboutissement d’un projet. Valeur (management par la). Processus de management stratégique fondé sur la recherche de la valeur boursière la plus élevée pour la firme. Valeurs des dirigeants. Un chef d’entreprise ou une équipe dirigeante a acquis des connaissances, s’est forgé une éthique, bref possède une « vision du monde », des valeurs qui ne manquent pas d’influencer les choix stratégiques. Veille stratégique. Procédures de collecte de l’information sur les concurrents, les partenaires, les acteurs des marchés. Vision stratégique. Consiste à reconstruire une architecture stratégique de l’entreprise en projetant ses anticipations de l’évolution de l’environnement. La vision est un outil de mobilisation et de communication interne et externe. Vocation. Rôle que les dirigeants veulent faire jouer à l’entreprise. Bibliographie ALTER N., L’Innovation ordinaire, 4e éd., PUF, 2013. 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La culture stratégique Figure 1.9. Le management stratégique 4$ Figure 1.11. Le processus de décision $! Figure 1.10. Les fonctions du décideur Figure 1.12. Les principaux facteurs influençant la perception de la qualité de la décision By Figure 2.1. Les principes du modèle LCAG Figure 2.2. La vision, caractéristiques et fonctions Figure 2.3. Un exemple de carte cognitive Figure 2.4. Les différentes formes de planification Figure 2.5. La démarche stratégique Figure 2.6. L’écart stratégique Figure 2.7. Les dimensions déduites et construites Figure 2.8. La décision stratégique Figure 2.9. Le contrôle stratégique Figure 2.10. La démarche stratégique Figure 2.11. Le non-contrôle stratégique : causes et conséquences Figure 2.12. La détection des surprises Figure 2.13. Les finalités de l’entreprise Figure 2.14. Les parties prenantes ou stakeholders Figure 2.15. Les finalités externes et les finalités internes Figure 2.16. Les quatre modèles de gouvernance Figure 2.17. Les trois piliers du développement durable Figure 2.18. Un exemple de mise en œuvre de la RSE chez Pernod Ricard : une plate-forme dédiée, pour une plus grande lisibilité de la stratégie Figure 2.19. Le système d’objectifs Figure 2.20. Les coalitions internes et externes Figure 2.21. Les contraintes stratégiques Figure 3.1. Les séquences diagnostic-décision stratégique Figure 3.2. Le double diagnostic stratégique Figure 3.3. Le choix d’une unité d’analyse Figure 3.4. La nécessité de la segmentation stratégique : l’exemple d’une industrie du secteur de la mécanique Figure 3.5. Les trois critères du segment stratégique Figure 3.6. La segmentation stratégique appliquée au secteur du levage et des grues |\/ | Figure 3.7. La réflexion stratégique appliquée à l’entreprise Lafarge $! Figure 3.8. Le degré d’urgence et l’externalisation du diagnostic 4$ Figure 3.9. Les axes du diagnostic de l’environnement Figure 3.10. Les multiples facettes de l’environnement (SPECTRED) By Figure 3.11. L’analyse SPECTRED du groupe McDonald’s Figure 3.12. Les quatre rubriques du diagnostic externe Figure 3.13. Un exemple de carte des groupes stratégiques Figure 3.14. Les techniques de collecte de l’information sur les concurrents Figure 3.15. Les six forces commandant l’intensité concurrentielle et la rentabilité d’un secteur Figure 3.16. L’étoile sectorielle : deux exemples différenciés (secteurs A et B) Figure 3.17. L’écosystème d’affaires (ESA) Figure 3.18. Modèle de filière (exemple d’assainissement de l’eau) Figure 3.19. L’identification des facteurs clés de succès (FCS) Figure 3.20. Un exemple de maîtrise des FCS dans le secteur de la restauration professionnelle Figure 3.21. Le cycle de vie et les FCS Figure 3.22. Les fonctions et processus à diagnostiquer Figure 3.23. Une représentation du profil de compétence Figure 3.24. Le profil concurrentiel et le profil idéal Figure 3.25. La chaîne de valeur type Figure 3.26. La reconfiguration sectorielle des chaînes de valeur Figure 3.27. La structure commune gérant le système d’information de trois banques Figure 3.28. Exemple simplifié d’analyse de la chaîne de la valeur Figure 3.29. Des TIC omniprésentes dans la chaîne de valeur Figure 3.30. L’analyse par les ressources et les compétences Figure 3.31. Les compétences de base appliquées à une entreprise de e-commerce Figure 3.32. Les TIC, des ressources stratégiques Figure 3.33. Les cinq niveaux de reconfiguration provoqués par les TIC Figure 3.34. Le diagnostic financier et le diagnostic stratégique Figure 3.35. Une grille de synthèse du diagnostic et des propositions stratégiques Figure 3.36. Du diagnostic générique à la matrice de portefeuille d’activités Figure 3.37. La matrice générique Figure 3.38. Un exemple de matrice BCG Figure 3.39. La matrice BCG : le financement des DAS |\/ | Figure 3.40. Le calcul des scores dans la matrice McKinsey $! Figure 3.41. Les zones de la matrice McKinsey Figure 3.43. Le balancier du diagnostic 4$ Figure 3.42. Les styles stratégiques selon les environnements Figure 3.44. Les trois axes de l’analyse stratégique By Figure 3.45. Les stratégies business et corporate Figure 4.1. Les facteurs de performance Figure 4.2. Les quatre phases du cycle de vie Figure 4.3. Le cycle de vie de l’activité Figure 4.4. Les actions visant à contrarier le cycle de vie « normal » Figure 4.5. La coordination des cycles de vie des activités Figure 4.6. Le taux de croissance du marché et la rentabilité Figure 4.7. Le coût unitaire et l’expérience Figure 4.8. L’expérience et la politique de prix Figure 4.9. L’expérience et les positions concurrentielles Figure 4.10. La part de marché et la rentabilité Figure 4.11. L’attractivité des différents segments de biens d’équipement Figure 4.12. Les origines de l’innovation Figure 4.13. L’étoile de l’innovation Figure 4.14. La courbe en S de diffusion de l’innovation Figure 4.15. Les conditions d’une stratégie d’innovation efficace Figure 4.16. La qualité relative et la rentabilité Figure 4.17. Des ressources et compétences à l’avantage concurrentiel Figure 4.18. Les facteurs de performance et les implications stratégiques Figure 4.19. Le « cercle vertueux » de la stratégie low cost Figure 4.20. La balance de la différenciation Figure 4.21. L’enlisement dans la voie moyenne Figure 4.22. La boussole stratégique prix-valeur Figure 4.23. La stratégie de la longue traîne Figure 4.24. La recherche des avantages concurrentiels Figure 4.25. La relation entre continuous morphing et avantage compétitif Figure 4.26. Les axes d’exploitation des ressources Figure 4.27. Une démarche globale |\/ | Figure 5.1. Les orientations stratégiques corporate Figure 5.2. Le continuum spécialisation-diversification 4$ Figure 5.4. Le balancier stratégique $! Figure 5.3. L’étoile de la diversification Figure 5.5. Les deux formes d’intégration verticale By Figure 5.6. L’équilibre des risques entre spécialisation et diversification Figure 5.7. Les moteurs de la globalisation Figure 5.8. La demande d’un produit dans divers pays Figure 5.9. Le processus d’internationalisation Figure 5.10. Les frontières entre la culture d’entreprise et les cultures régionales Figure 5.11. La firme globale en réseau Figure 5.12. Les axes stratégiques corporate Figure 6.1. Les deux types de croissance Figure 6.2. Le mécanisme de la fusion Figure 6.3. Le mécanisme de l’absorption Figure 6.4. L’apport partiel d’actifs Figure 6.5. Le désengagement Figure 6.6. Les vagues successives d’externalisations Figure 6.7. L’algorithme de l’externalisation Figure 6.8. Le balancier externalisation-internalisation Figure 6.9. Les principales motivations à l’origine des partenariats Figure 6.10. Le management d’un partenariat Figure 6.11. Le management d’un partenariat Figure 6.12. La mise en œuvre opérationnelle Figure 6.13. Le tableau de bord prospectif, un cadre stratégique pour l’action Figure 6.14. Le processus d’alignement managérial Figure 7.1. Structures : les cinq choix fondamentaux Figure 7.2. La succession des mécanismes de coordination Figure 7.3. La différenciation organisationnelle Figure 7.4. La balance organisationnelle Figure 7.5. L’organisation selon Mintzberg Figure 7.6. Les facteurs influençant la structure organisationnelle Figure 7.7. L’influence de la stratégie sur la structure |\/ | Figure 7.8. L’influence de l’environnement sur la structure Figure 7.9. L’adaptation de l’organisation à la taille des entreprises $! Figure 7.10. La structure matricielle 4$ Figure 7.11. Un exemple de structure matricielle : Thales Figure 7.12. Le processus de gestion de projet By Figure 7.13. La structure de coordination de projet Figure 7.14. La structure de direction de projet Figure 7.15. La démocratisation de l’intelligence stratégique Figure 7.16. La grille managériale Figure 7.17. La pyramide des besoins et les réponses de l’organisation Figure 7.18. La théorie d’Herzberg Figure 7.19. Le continuum des styles de direction Figure 7.20. Le choix d’un style de direction Figure 7.21. Les composantes de la culture Figure 8.1. Les sources du changement de stratégie Figure 8.2. Les trois phases du changement Figure 8.3. Les types et phases de changement Figure 8.4. Les quatre catégories d’acteurs du changement stratégique Figure 8.5. La matrice des changements stratégiques Figure 8.6. Les freins individuels au changement Figure 8.7. Les freins à la réactivité stratégique de l’organisation Figure 8.8. Le choix des actions de conduite du changement Figure 8.9. L’âge de l’organisation Figure 8.10. Le cycle de vie des organisations Figure 8.11. La finalité du Knowledge Management Figure 8.12. L’importance de l’apprentissage organisationnel Figure 8.13. Les déclencheurs de l’apprentissage organisationnel Figure 8.14. Le processus cognitif Figure 8.15. La représentation partagée Figure 8.16. L’apprentissage organisationnel, un double processus Figure 8.17. Des apprentissages complémentaires Figure 8.18. Les différents niveaux d’apprentissage dans l’entreprise Figure 8.19. Le modèle de création des connaissances |\/ | Figure 8.20. L’organisation hypertexte Figure 1. Le pentagone stratégique de la PE 4$ By Figure 3. La courbe de vie d’une PE $! Figure 2. Les fins dernières de la PE Index des thèmes By 4$ $! |\/ | Absorption, 1, 2, 3, 4 Accords intersectoriels, 1 Acquisition, 1 Acteurs, 1, 2, 3 Acteurs externes, 1 Acteurs internes, 1 Action, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 Adaptation stratégique, 1 Adhocratie, 1 Affaires, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 Agent coordonnateur, 1 Ajustement mutuel, 1, 2 Alignement managérial, 1 Alignement stratégique, 1 Alliances, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21 complémentaires, 1 de co-intégration, 1 de pseudo-concentration, 1 Alternative stratégique, 1, 2 Ampleur du changement, 1 Analyse de la concurrence, 1, 2 financière, 1, 2 organisationnelle, 1 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 Animation, 1, 2, 3 Anticipation, 1, 2, 3, 4 Apport partiel d’actif, 1 Apprentissage, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43 individuel, 1 organisationnel, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Appropriation, 1 Aptitude au changement, 1 Autonomie, 1, 2 By 4$ $! |\/ | Autorité dans la spécialité, 1, 2, 3 éclatée, 1 fonctionnelle, 1, 2, 3, 4 hiérarchico-fonctionnelle, 1 hiérarchique, 1 Autorités de régulation, 1 Avantage compétitif, 1 Avantage concurrentiel, 1 Avantages organisationnels, 1 Back to basics, 1 Balance organisationnelle, 1, 2 Balanced scorecard, 1 Balancier stratégique, 1, 2 Barrières à la sortie, 1, 2 Barrières à l’entrée, 1, 2, 3, 4 Barrières anticoncurrentielles, 1 BCG, 1 Benchmarking, 1, 2 Boussole stratégique prix-valeur, 1 budget, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Bureaucratie, 1 Bureaucratiques, 1 Business Design, 1 Business Model, 1, 2 Business plan, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 Business Strategy, 1, 2, 3 Buts, 1 Capacités dynamiques, 1 Capacités organisationnelles, 1 Carte cognitive, 1, 2, 3 Centralisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 Centre de profit, 1 Centre d’activité stratégique (CAS), 1 Chaîne de valeur, 1, 2, 3 Changement, 1 construit, 1 délibéré, 1 émergent, 1 entreprise apprenante, 1 politique, 1 prescrit, 1 stratégique, 1 Chiffre d’affaires, 1 By 4$ $! |\/ | Choix stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 Chronocompétition, 1, 2, 3, 4 Cinq forces, 1, 2, 3, 4 clan, 1 Collecte de l’information, 1 Comité, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 Commission, 1 Communication, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 Compatibilité, 1 Compétence, 1, 2, 3, 4 de base, 1, 2 stratégique, 1 transversale, 1, 2, 3 Compétition, 1 Compétitivité, 1 Concentration, 1, 2, 3, 4, 5 Concession, 1 Concurrence, 1, 2 Configuration adhocratique, 1 Configuration divisionnelle, 1 Configuration mécaniste, 1 Configuration missionnaire, 1 Configuration professionnelle, 1 Configuration simple, 1 Contexte du changement, 1 Contingence, 1 Continuous morphing, 1, 2 Contrôle, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51 budgétaire, 1 de l’incertitude, 1 Coopération, 1, 2 Coordination, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 Core of competencies, 1 Corporate, 1 Corporate Culture, 1 Corporate Policy, 1 Corporate Social Responsability, 1, 2 Correction stratégique, 1 Cotraitance, 1 Coûts cachés, 1, 2 Coûts de coordination, 1 Coûts de transaction, 1 By 4$ $! |\/ | Coûts de transfert, 1, 2, 3 Crainte de la riposte, 1 Créateur d’entreprise, 1 Création de valeurs, 1 Créativité, 1 Crise, 1 Critère, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 d’évaluation, 1, 2 CRM, 1 Croissance, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37 externe, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 interne, 1, 2, 3, 4, 5 Croissance organique, 1 Culture, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 de l’entreprise, 1, 2, 3, 4 stratégique, 1, 2 Customisation, 1 Cycle de vie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 de l’activité, 1 des organisations, 1 des technologies, 1 DAS, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52 Décentralisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 globale, 1 horizontale, 1 sélective, 1 verticale, 1 Décision, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89 administrative, 1, 2 centralisée, 1 individuelle, 1 opérationnelle, 1, 2 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 tactique, 1 Déclin, 1, 2 Dégel, 1, 2 Degré d’individualisme, 1 Degré d’intégration, 1 Délocalisation, 1 26, 25, By 4$ $! |\/ | Demande, 1 Démarche stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 Déracinement, 1, 2 Déréglementation, 1 Dérégulation, 1 Désengagement, 1, 2, 3 Désinvestissement, 1 Développement, 1 Développement durable, 1 Diagnostic, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46 de l’offre, 1 externe, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 fonctionnel, 1 interne, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 Diamant de Porter, 1, 2 Différenciation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48 organisationnelle, 1, 2, 3 Dilemme, 1, 2, 3, 4, 5 Direction, 1 par objectif (DPO), 1 participative par objectif (DPPO), 1 Distance hiérarchique, 1 Diversification, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30 de croissance, 1 de redressement, 1 marché, 1 produit, 1 totale, 1 DMAIC, 1 Domaine d’activité stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 Domination, 1, 2, 3, 4 Downsizing, 1 Droite d’expérience, 1, 2, 3, 4 Dynamique concurrentielle, 1 E-management, 1 Écart stratégique, 1, 2, 3, 4 Écologie, 1 Économie de champ, 1 Économies d’échelle, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 25, 21, By 4$ $! |\/ | Effet de levier, 1 Effets d’expérience, 1 Efficience, 1 Empowerment, 1 enlisement dans la voie moyenne, 1 Enracinement, 1, 2 Entrants potentiels, 1, 2 Entrepreneuriat, 1, 2 Entreprise apprenante, 1 Entreprise globale, 1, 2 Entreprise internationale, 1 Entreprise multinationale, 1 Entreprise transnationale, 1 Entreprise virtuelle, 1 Équilibre différenciation-intégration, 1 ERP (Enterprise Resource Planning), 1, 2, 3 ESA, 1, 2, 3, 4 Essaimage, 1 Éthique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 Évaluation, 1 Éventail de subordination, 1 Évolution stratégique, 1 Excellence, 1, 2 Expérience, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64 Explicite, 1 Exploitation, 1 Exploration, 1 Externalisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 Extranet, 1 Facteur clé de succès, 1, 2, 3 de motivation, 1, 2, 3 de performance, 1, 2, 3, 4 de production, 1, 2 Facteurs de satisfaction, 1 Facteurs clés de succès (FCS), 1 Faiblesses, 1, 2 Faire faire, 1 Faisabilité, 1, 2, 3, 4 faisabilité stratégique, 1 Filtre cognitif, 1 By 4$ $! |\/ | Finalisation, 1, 2, 3 Financement, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 Financiarisation, 1, 2 Firme globale, 1 Firmes « agiles », 1, 2 Fit, 1, 2, 3 Flexibilité, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 stratégique, 1 Focalisation, 1, 2 Forces, 1, 2, 3 Formalisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 Formation, 1 Forme en M, 1 en U, 1, 2 matricielle, 1 Fourniture spéciale, 1 Franchise, 1 Frontière, 1 Fusion, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 Fusions-acquisitions, 1 Gestion de projet, 1 Gestion prospective, 1 Globalisation, 1, 2 Gouvernance, 1 Grille managériale, 1 Groupements d’intérêt économique, 1 Groupes stratégiques, 1, 2 Héros, 1, 2, 3, 4 Hidden costs, 1 Hiérarchie, 1 Holding, 1, 2 Horizons temporels, 1 Hypercompétition, 1, 2, 3, 4 Idiosyncrasie, 1 Impartition, 1 Implementation, 1 Implications stratégiques, 1, 2, 3, 4 Importance du changement, 1, 2 Incrémentalisme, 1 Industrie, 1 Inertie, 1 Information, 1 By 4$ $! |\/ | Innovation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 Institutionnalisation, 1 Intégration, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 verticale, 1, 2 Intelligence économique, 1, 2 Intelligence stratégique, 1 Intensité concurrentielle, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Intensité de la concurrence, 1 Intention stratégique, 1, 2 Internalisation, 1, 2 Internationalisation, 1, 2, 3, 4 Interrelations stratégiques, 1 Intrapreneur, 1, 2 Intrapreneurship, 1 Joint-venture, 1, 2, 3, 4 Knowledge Management, 1 Knowledge workers, 1 LBO, 1 Leader, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 Leadership, 1, 2, 3, 4 Lean Management, 1, 2 Licence, 1 Logistique, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Low cost, 1, 2, 3 Maîtrise du temps, 1 Malcolm Baldrige Quality Award, 1 Management, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 européen, 1 interculturel, 1 opérationnel, 1, 2 transversal, 1 management européen, 1 Manager, 1, 2 Marché pertinent, 1 Masculinité/féminité, 1 Matrice, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 BCG, 1, 2, 3, 4 de portefeuille d’activités, 1 générique, 1, 2, 3, 4 McKinsey, 1 Maturation, 1, 2 26, 27, By 4$ $! |\/ | Maturité, 1 du secteur, 1, 2 Mécanistes, 1 Mémoire organisationnelle, 1, 2 Menace, 1, 2 de nouveaux entrants, 1 Méthodes de prévision, 1 Métier, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 Migration de valeur, 1 Mindshare, 1 Mission, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 Mobilisation, 1, 2, 3, 4, 5 Modèle IMC, 1 LCAG, 1 Mondialisation, 1, 2, 3, 4 Morale, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 Motivation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 Mouvement, 1 Mythes, 1, 2, 3 Négociation, 1, 2, 3, 4, 5 pouvoir (de), 1, 2, 3 Non-imitation, 1 Non-substitution, 1 Objectifs, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76 internes, 1 Obstacles à l’entrée, 1, 2 One best way, 1, 2 OPA, 1, 2 OPE, 1 Opportunités, 1, 2, 3 Organigramme, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 Organisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 78, 79, 80 apprenante, 1 hypertexte, 1, 2 numérique, 1 Orientation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 25, 26, 51, 52, 24, 25, 50, 51, 76, 77, By 4$ $! |\/ | Outsourcing, 1, 2 Part de marché, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 relative, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 Partenariat, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 vertical, 1 Parties prenantes, 1 Pentagone stratégique, 1 Performance, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 durable, 1 Personnalité, 1 Perspective, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 externe, 1 interne, 1 PERT, 1 Perte de l’identité, 1 Philosophie, 1 PIMS, 1, 2, 3 Planification, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31 douce, 1 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Planning gap, 1, 2 Plans opérationnels, 1 PME, 1 Poids mort, 1, 2, 3 Portefeuille, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 de compétences, 1 de projets, 1 d’activités, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 Position, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 concurrentielle, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Positionnement stratégique, 1 Potentiel, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 Pouvoirs publics, 1, 2, 3, 4, 5 Prévision, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 Procédures financières, 1, 2 Processus de contrôle, 1 Processus de finalisation, 1 Processus d’animation des hommes, 1 Processus d’organisation, 1 Processus stratégique, 1 Productivité, 1 By 4$ $! |\/ | Produits substituables, 1 Profil, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 concurrentiel, 1, 2 de compétence, 1 Project manager, 1 Projet d’entreprise, 1, 2 Qualité, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72 relative, 1, 2 Ramassage boursier, 1 Rareté, 1 Rationalité, 1 Réactivité, 1, 2, 3, 4 Recentrage, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 Réduction des coûts, 1 Reengineering, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 Regel, 1, 2 Regroupement, 1, 2, 3, 4 Relevant market, 1 Rentabilité économique, 1 Repérage concurrentiel, 1 Réseau, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 culturel, 1, 2 Résistance au changement, 1, 2 Responsabilité, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 Ressorts psychologiques des dirigeants, 1 Ressources, 1, 2, 3, 4 financières, 1 humaines, 1 immatérielles, 1 physiques, 1 stratégiques, 1 Réversibilité, 1, 2, 3 Revitalisation, 1 Révolution stratégique, 1 Risque, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 d’exploitation, 1 financier, 1 Rites, 1, 2 Rivalité, 1 Rotation des clients, 1 Rotation des fournisseurs, 1 Rotation des stocks, 1 By 4$ $! |\/ | Routine, 1 RSE, 1 Rythme du changement, 1 Savoir organisationnel, 1 Scenarii, 1 Segmentation, 1, 2, 3 marketing, 1 stratégique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 Sentiers stratégiques, 1 Situation stratégique, 1 Six sigma, 1 Soft Management, 1 Sous-traitance, 1, 2 Spécialisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 des tâches, 1, 2, 3, 4, 5 horizontale, 1 verticale, 1 SPECTRED, 1 Spirale d’acquisition de connaissances, 1 Split off, 1 Staff and line, 1 Standardisation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 des normes, 1 des procédés de travail, 1 des qualifications, 1 des résultats, 1 du travail, 1 Stimulation, 1 Strategic intent, 1 Strategic planning, 1 Stratégie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167 construite, 1 de croissance, 1, 2 de diversification, 1 de recentrage, 1 de rupture, 1 By 4$ $! |\/ | déduite, 1 générique, 1, 2, 3 low cost stratégie business, 1 stratégie corporate, 1 stratégie de différenciation, 1 stratégie low cost, 1 Strategy as Pratice, 1 Strategy Canvas, 1 Structure, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95 bureaucratique, 1, 2 centralisée, 1 des coûts, 1 divisionnelle, 1 divisionnelle décentralisée ou forme en M, 1 fonctionnelle, 1 fonctionnelle centralisée, 1, 2 fonctionnelle centralisée en U, 1, 2 formelle, 1 informelle, 1, 2 matricielle, 1 mécanique, 1 mécaniste, 1 missionnaire, 1 organique, 1 personnalisée, 1, 2 professionnelle, 1 simple, 1 transversale, 1 structures agiles, 1 Style de direction, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Supervision directe, 1, 2 Supply Chain Management, 1, 2, 3 Surprises stratégiques, 1 SWOT, 1, 2, 3, 4 Symboles, 1 Synergie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 Système, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21 d’information, 1, 2, 3, 4, 5 d’objectifs, 1, 2 Tableau de bord concurrentiel, 1 By 4$ $! |\/ | Tableau de bord prospectif, 1 Tacite, 1 Taille, 1, 2 Taille critique, 1 Taux de croissance, 1, 2 Techno-science, 1 Technologie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 Théorie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 de la contingence, 1 X, 1 Y, 1 Think, 1 TIC, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Time to market, 1 Time-based competition, 1, 2 Total Quality Control, 1 Total Quality Management, 1 Trajectoire stratégique, 1 Transversalité, 1, 2, 3, 4, 5 Typologie des changements, 1 Urgence, 1 du changement, 1, 2, 3 Vache à lait, 1, 2 Valeur ajoutée, 1 Valeurs, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35 Valorisation, 1, 2, 3, 4 de compétences, 1 Vedette, 1, 2, 3, 4, 5 Veille concurrentielle, 1 Veille sociétale, 1 Veille stratégique, 1, 2, 3 Virtualité, 1 Vision, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 normative, 1 stratégique, 1, 2, 3, 4 Vocation, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 Volume, 1 By 4$ $! A.T. Kearney, 1 ABB, 1, 2, 3 Accor, 1, 2, 3, 4 Aeroflot, 1 Aeromexico, 1 Air France, 1, 2, 3 Airbnb, 1 Airbus, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Alitalia, 1 Amazon, 1, 2, 3, 4, 5 American Airlines, 1 American Telephone and Telegraph Company, 1 Apple, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ARTE, 1 Arthur D. Little ASQC, 1 Auchan, 1 Axa, 1, 2 BAE, 1 Bain, 1 BCG, 1, 2 Bell System, 1 Beneteau, 1 Benetton, 1 Bêtises de Cambrai, 1 Bic, 1 Blackberry, 1 BMW, 1, 2 BNP-Paribas, 1 Boeing, 1 Bombardier, 1, 2 Boston Consulting Group (BCG), 1 Breitling, 1 Bureau des temps élémentaires (BTE), 1 |\/ | Index des entreprises, des produits, des instituts et des marques |\/ | $! 4$ By Burger King, 1 Bvlgari, 1 Canal+, 1 Canon, 1 Carrefour, 1, 2, 3, 4, 5 Chanel, 1 Chez Clément, 1 China Southern, 1 Citroën, 1 Club Med, 1 Coca-Cola, 1, 2, 3, 4, 5 Corse-Composite, 1 Crédit Agricole, 1 Crédit Lyonnais, 1 CSA, 1 Danone, 1, 2, 3, 4, 5 Darty, 1, 2, 3 Dassault, 1 Daucy, 1 Decathlon, 1, 2 Dell, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Delta Airlines, 1 Diageo, 1 Dim, 1 Dior, 1 Dormeuil, 1 DuPont de Nemours, 1, 2, 3 Dyson, 1 EADS, 1 EasyJet, 1 EDF, 1 Embraer, 1 Espace, 1 Facebook, 1, 2 Faurecia, 1 Fiat, 1 Ford, 1, 2, 3 France 5, 1 France 2, 1 France 3, 1 Free, 1, 2 General Dynamics, 1 General Electric, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 General Motors, 1, 2, 3, 4, 5 |\/ | $! 4$ By Gillette, 1 Google, 1, 2 Gore, 1, 2 Hertz, 1 Hippopotamus, 1 H&M, 1 HP, 1 Huawei, 1 Hugo Boss, 1 IBM, 1 Ikea, 1, 2 Intel, 1, 2 JCDecaux, 1 Jean Paul Gaultier, 1 KLM, 1, 2 Kmart, 1 Kodak, 1, 2 Korean Air, 1 Lacoste, 1 Lafarge, 1, 2, 3 Leaderprice, 1 Leclerc, 1 Leroy Merlin, 1 Lidl, 1 LVMH, 1 L’Oréal, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 M6, 1 Mattel, 1 McDonald’s, 1, 2, 3 McKinsey, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Mercedes, 1 Mercer, 1 Merck, 1 Métro, 1 MG Technologies, 1 Michelin, 1 Microsoft, 1, 2, 3, 4, 5 Moët-Hennessy, 1 Motorola, 1, 2 Nestlé, 1, 2, 3, 4, 5 Nike, 1, 2 Nissan, 1, 2 Nokia-Siemens, 1 Novotel, 1, 2 By 4$ $! |\/ | OFUP, 1 Olympus, 1 Oracle, 1 Orange, 1 Oyak, 1 Paris Paname Courses, 1 Pepsi Cola, 1 Pernod Ricard, 1 Pfizer, 1 Philip Morris, 1 Pizza Hut, 1 Pizza Pino, 1 Potain, 1 Procter & Gamble, 1, 2 PSA, 1, 2, 3 Quick, 1 RATP, 1 Renault-Nissan, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 Rossignol, 1 Ryanair, 1 Samsung, 1, 2 SAP, 1 Schwab, 1 Sears, 1 Shell, 1 Siemens, 1 Sky Team, 1 SNCF, 1 Société Générale, 1 Society for organizational learning, 1 Solving International, 1 Sony, 1, 2, 3, 4 Southwest, 1 Starbucks, 1, 2 Swatch, 1, 2, 3, 4 Swiss Air, 1 Texas Instrument, 1, 2 TF1, 1 Total, 1 Toyota, 1, 2 3M, 1, 2 Uber, 1, 2 Unilever, 1 United Airlines, 1 By 4$ $! |\/ | United Fruit, 1 US Airways, 1 Valeo, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Vinci, 1 Vistaprint, 1 Volvo, 1 Wal-Mart, 1 Xerox, 1 Yahoo !, 1, 2 Zara, 1 Zodiac, 1 $! 4$ By Alter, 1, 2, 3 Andersen, 1 Andrews, 1 Ansoff, 1, 2, 3, 4, 5 Argyris, 1 Aveni (d’), 1, 2 Bartlett, 1 Blake, 1, 2 Broustail, 1 Brown, 1 Burgelman, 1 Burns, 1 Champy, 1 Chandler, 1, 2 Christensen, 1 Crozier, 1 Drucker, 1, 2, 3 Dussauge, 1, 2 Fréry, 1 Friedberg, 1 Garette, 1 Godet, 1 Goshal, 1 Greiner, 1, 2 Grove, 1 Guth, 1 Hamel, 1, 2, 3 Hammer, 1 Herzberg, 1, 2 Ishakawa, 1 Kahneman, 1, 2 Kaplan, 1, 2 Karani, 1 Learned, 1 Lewin, 1 Marchesnay, 1 |\/ | Index des auteurs cités By 4$ $! |\/ | Martinet, 1 Maslow, 1, 2 McGregor, 1 Mintzberg, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 Moore, 1 Morita, 1 Mouton, 1, 2 Nonaka, 1, 2 Norton, 1, 2 Ohmae, 1, 2 Peters, 1, 2 Porter, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 Prahalad, 1, 2, 3 Ramanantsoa, 1 Ricardo, 1 Schmidt, 1, 2 Schön, 1 Simon, 1, 2, 3, 4, 5, 6 Stalker, 1 Takeuchi, 1 Tannenbaum, 1, 2 Taylor, 1, 2, 3, 4 Thiétart, 1, 2, 3, 4 Vail, 1 Vandengeon-Desrumez, 1 Venkatraman, 1, 2 Welch, 1, 2 1) www.vuibert.fr 2) Voir, à ce sujet, l’essai de SAUVAJOL-RIALLAND C., Infobésité. Comprendre et maîtriser la déferlante d’informations, Vuibert, 2013. 3) CLEGG S. et al., Strategy, Theory & Practice, Sage, 2012. 4) Kahneman D., Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée, Flammarion, 2012. 5) Op. cit. p. 366. 6) La formule est empruntée à ENLART S. et LAROCHE H., « Nous en avons assez du “Yakafokon” managérial ! », Les Échos, 10 décembre 2012. 7) Roger L. Martin, « Le grand mensonge de la planification stratégique », Harvard Business Review, février-mars 2016. 8) ATTALI J., La Crise et après ?, Fayard, 2008. 9) Voir SOBCZAK A., Responsabilité globale, Vuibert, 2011. |\/ | 10) Le terme d’éthique est généralement donné dans ce domaine comme synonyme de morale, c’est-à-dire comme science ou comme art de diriger sa conduite. Les Américains confondent souvent business ethics et corporate ethics, de la même façon qu’on utilise en France indifféremment les expressions « morale d’entreprise » ou « morale des affaires ». 12) http://www.transparency.org/ 4$ $! 11) L’expression « rationalisatrice » signifie ici que l’on justifie les décisions prises avec des arguments aussi forts que possible après avoir effectué les choix. Alors que la séquence « rationnelle » (cas 1) définit la situation dans laquelle l’analyse préalable (diagnostic) et la volonté d’atteindre un but (objectif) conditionnent la décision. By 13) BEN LETAIFA S. (2014), « Dans quel contexte s’exerce la stratégie ? », in Encyclopédie de la stratégie, TANNERY, MARTINET, HAFSI, DENIS (éd.), Vuibert. 14) MOORE J. F., The Death of Competition : Leadership and Strategy in the Age of Business Ecosystems, Harper Business, 1996. 15) D’après GRANT R. M., Contemporary Strategy Analysis, Blackwell Publishing, 2012. 16) BARNEY J. B. et HESTERLEY W. S., Strategic Management and Competitive Advantage, Pearson Prentice Hall, 4e édition, 2012. 17) Par TIC, nous entendons les technologies Internet et leurs applications dans l’entreprise au travers des intranets et des extranets, les technologies de téléphonie mobile, les technologies sans fil, mais aussi des technologies de télécommunication comme la visioconférence. 18) REEVES M., LOVE C., TILLMANNS Ph., « Votre stratégie a besoin d’une stratégie », Harvard Business Review, juin-juillet 2014. 19) REEVES M., LOVE C., TILLMANNS Ph., « Votre stratégie a besoin d’une stratégie », Harvard Business Review, juin-juillet 2014. 20) Dans les PME ou les entreprises à monoactivité, ces deux plans sont confondus. 21) Voir Business School Impact Score, FNEGE, 2012. 22) Il faut souligner que les stratégies business se déclinent tant au plan national qu’au plan international (chapitre 5). 23) L’idée vient du Cabinet Mercer Management Consulting. 24) Le concept de continuous morphing se situe dans cette perspective. 25) Voir FERNEZ-WALCH S., ROMON F., Management de l’innovation, de la stratégie aux projets, Vuibert, 3e édition, 2013. 26) ALTER N., L’Innovation ordinaire, PUF, 4e édition, 2013. 27) GAREL G., MOCK E., La Fabrique de l’innovation, Dunod, 2012, p. 23. 28) Larry DOWNES et Paul NUNES, « La rupture version bigbang », Harvard Business Review, juin-juillet 2015. 29) Citée par BATTILANA J., Le Monde, 12 mars 2013. 30) CLAUDE-GAUDILLAT V., « Industrie émergente et acquisition de compétences : déterminants du comportement stratégique des entreprises », in DOSTALER I., LAROCHE H. et BOIRAL O., Perspectives en management stratégique, Éditions EMS, 2002. 31) JENNINGS J. et HAUGHTON L., It’s not the BIG that eat the small... It’s the fast that eat the slow, Harper Business, 2002. 32) MCKINSEY QUARTERLY, mai 2014. 33) PANDE P. G. et al., The Six Sigma Way, McGraw Hill, 2e édition, 2013. |\/ | 34) CHAN KIM W., MAUBORGNE R., Stratégie Océan Bleu, 2e édition, Pearson, 2015. $! 35) On consultera DUSSAUGE P. et RAMANANTSOA B., Technologie et Stratégie d’entreprise, McGraw Hill, 1987 ; BROUSTAIL J. et FRÉRY M., Le Management stratégique de l’innovation, Dalloz, 1993. 4$ 36) ANDERSON C., La Longue Traîne, trad. Brigitte Vadé, Michel Le Séac’h, Pearson, 2009, 2e édition, 320 pages. 37) www.uber.com ; www.airbnb.fr ; www.leboncoin.fr/ ; www.blablacar.fr. By 38) DRUCKER P., Structures et changements, Village Mondial, 1996. 39) AUTISSIER D., BENSEBAA F. et BOUDIER F., L’Atlas du management, Eyrolles, 2012. 40) Voir HERTRICH S., MAYRHOFER U., KALIKA M., « Cas Danone : un leader mondial de l’industrie agro-alimentaire », CCMP, 2011. 41) L’expression « firme globale » est ici entendu dans une acception plus large que celle retenue par Bartlett et Goshal. 42) BERGER S., Made in monde, Le Seuil, 2013. 43) KAPLAN R. S. et NORTON D. P., Le Tableau de bord prospectif, Éditions d’Organisation, 2003. 44) VENKATRAMAN N., Architecting the Networked Society, Boston University School of Management, 2011. 45) Voir le cas « L’Oréal », BLANCHOT F., KALIKA M., www.ccmp.fr. 46) Harvard Business Review, février-mars 2014. 47) Maurice Thévenet, Le Leadership pour le leader. 48) MORLEY C. et al., La Génération Y dans l’entreprise, Pearson, 2012. 49) Voir REEVES M., LOVE C., TILLMANNS P., «Your strategy needs a strategy», Harvard Business Review, octobre 2012. 50) Voir BIA FIGUEIREDO M., KALIKA M., « La gestion du changement organisationnel : bâtir une culture de la sécurité de l’information », CCMP, 2012. 51) Voir la méthode SPECTRED dans le chapitre 3. 52) ALTER N., L’Innovation ordinaire, PUF, 4e édition, 2013. 53) Voir, à ce sujet, The Society for Organizational Learning (https://www.solonline.org/). 54) Ces marques réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. By 4$ $! |\/ | 55) JULIEN P.-A. et MARCHESNAY M., L’Entrepreneuriat, Economica, 2011. Cette œuvre est protégée par le droit d'auteur et strictement réservée à l'usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L.335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L'éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales… © Magnard-Vuibert – 2016 5, allée de la 2e DB – 75015 Paris By 4$ $! |\/ | Site Internet : www.vuibert.fr By |\/ | $! 4$