TUMEURS DE PANCOAST-TOBIAS AVEC ENVAHISSEMENT VERTEBRAL : CLASSIFICATION ANATOMO-CHIRURGICALE, TECHNIQUE D’EXERESE, RESULTATS. EN-BLOC RESECTION OF NON-SMALL-CELL LUNG CANCER INVADING THE THORACIC INLET AND THE SPINE E. Fadel, Ch. Court*, G. Missenard*,A. Chapelier, S. Mussot, Ph. Dartevelle Département de Chirurgie Thoracique, Vasculaire et de Transplantation Cardio-Pulmonaire, Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis Robinson, France * Service de chirurgie orthopédique, Hôpital Marie-Lannelongue, Université Paris-Sud e développement de la cervico-thoracotomie trans-claviculaire par Dartevelle et coll. dans les années 80 a permis d’obtenir la résection complète des cancers broncho-pulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique avec de bons résultats, même en cas d’envahissement des vaisseaux sous-claviers (1-2). L’envahissement direct par la tumeur du corps vertébral ou des trous de conjugaison intervertébraux est souvent considéré comme inopérable. En revanche, l’envahissement massif du corps vertébral reste pour nous une contre-indication chirurgicale car il est souvent associé à une maladie métastatique et à une faible survie (3). Lorsque le cancer broncho-pulmonaire envahit directement le trou de conjugaison le long d’une ou plu- sieurs racines nerveuses sans extension dans le canal rachidien une résection complète mono-bloc nous paraît réalisable. Nous avons développé une approche multidisciplinaire associant à la cervico-thoracotomie trans-claviculaire, une voie d’abord médiane postérieure permettant de réséquer les cancers bronchopulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique et les trous de conjugaisons intervertébraux. Pour diminuer les risques de récidive locale, la dissection est faite en tissus sains et la résection vertébrale a été effectuée sur au moins trois niveaux pour emporter au moins deux trous de conjugaison. Nous rapportons et discutons les résultats de cette technique chirurgicale. L RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 111 DOSSIER Article original E. Fadel, Ch. Court, G. Missenard, A. Chapelier, S. Mussot, Ph. Dartevelle Classification anatomo-chirurgicale L’extension au rachis du cancer broncho-pulmonaire peut être classée en 4 stades successifs : Stade I : Envahissement de l’angle costo-vertébral sans atteinte du corps vertébral ni du trou de conjugaison (figure 1) Stade II : Envahissement du trou de conjugaison intervertébral et/ou du périoste du corps vertébral Stade III : Envahissement limité de l’os spongieux du corps vertébral Stade IV : Envahissement massif du corps vertébral et/ou du canal spinal. Figure 2 : IRM montrant un cancer broncho-pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique droite et le trou de conjugaison le long de la racine nerveuse D1. Cette classification a un impact notable sur la technique opératoire et sur le pronostic. En effet, les tumeurs de stade I peuvent être carcinologiquement réséquées par la voie d’abord antérieure trans-claviculaire en effectuant une ostéotomie d’avant en arrière partant du corps vertébral et emportant l’apophyse transverse homolatérale avec la tête de la côte (figure 1). Pour ce stade aucune instabilité vertébrale n’est induite par la résection et il n’est donc pas nécessaire d’effectuer une fixation rachidienne. Les cancers à ce stade ont le même pronostic que le cancer broncho-pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique sans extension au rachis. Le geste osseux n’augmente pas notablement la complexité de la procédure chirurgicale ni la morbidité post-opératoire. Pour les tumeurs de stade II, l’envahissement du périoste du corps vertébral et/ou du trou de conjugaison rend impossible l’ostéotomie en zone saine par voie antérieure. Une voie d’abord postérieure permettra d’effectuer une hémi-laminectomie, de sectionner les racines et environ le tiers du corps vertébral en mono-bloc et ainsi de passer en zone saine de façon plus aisée comme le montre la figure 2. Cette résection impose une fixation rachidienne. Le stade III se caractérise par l’extension directe à l’os spongieux du corps vertébral au-delà du périoste. Un double abord est là aussi indispensable. L’abord postérieur permettra d’effectuer l’hémi-laminectomie, l’hémi-vertébrectomie des deux tiers pour passer en zone saine et la fixation rachidienne. Le stade IV constitue pour nous une contre-indication à la résection chirurgicale première. La chirurgie ne peut être envisagée qu’après une chimiothérapie néoadjuvante qui aura fait disparaître les signes IRM de l’envahissement de l’os spongieux et du canal spinal. Cette résection devra alors emporter tout le corps vertébral initialement envahi. Le traitement chirurgical des stades II, III et IV augmente significativement la complexité de la procédure. Dans ce travail nous exposons la technique chirurgicale et les résultats préliminaires du traitement chirurgical des stades II à IV. Figure 1 : cancer broncho-pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique et l’angle costo-vertébral (stade I). Sa résection peut se faire par la voie antérieure trans-cervicale d’avant en arrière en coupant l’apophyse transverse. RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 112 Tumeurs de Pancoast-Tobias avec envahissement vertébral : classification anatomo-chirurgicale, technique d’exérèse, résultats. Malades et Méthodes De Janvier 1980 à Novembre 2003, 100 patients présentant un cancer broncho-pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique responsable d’un syndrome de Pancoast et Tobias ont été opérés par cervicothoracotomie trans-claviculaire dans notre service. Parmi ces patients, la tumeur envahissait l’angle costovertébral (Stade I) dans six cas (6%) nécessitant la résection concomitante de l’apophyse transverse et une ostéotomie tangentielle de 10 % du corps vertébral. Ces six patients n’ont pas été inclus dans l’étude et ont été assimilés au groupe sans envahissement du rachis. Depuis octobre 1994, 21 patients (21%) avaient un envahissement direct d’au moins deux trous de conjugaison intervertébraux par la tumeur. Ils ont été opérés par double abord chirurgical associant un abord postérieur à la cervico-thoracotomie trans-claviculaire. Ces 14 hommes et de 7 femmes avec un âge moyen de 47 ans (extrêmes : 37-71ans) sont la base de cette étude. Le bilan préopératoire comprenait des radiographies thoraciques standard du thorax ainsi qu’une imagerie par résonance magnétique (IRM) centrée sur les trous de conjugaison intervertébraux concernés. L’envahissement vasculaire était systématiquement recherché par une aorto-artériographie des troncs supra-aortiques, une phlébographie et une échographie-doppler. De même, une artériographie médullaire a toujours été effectuée à la recherche d’une artère médullaire naissant en regard des trous de conjugaison envahis par la tumeur. La présence d’une telle artère représente une contre-indication à la résection chirurgicale étant donné le risque de paraplégie postopératoire. L’envahissement des trous de conjugaison intervertébraux a toujours été diagnostiqué en pré-opératoire à l’IRM (figure 2). Aucun de ces patients ne présentait d’envahissement du canal médullaire. Un tel envahissement représente pour nous une contre-indication chirurgicale. Un traitement néo-adjuvant a été effectué chez 9 patients, comprenant une chimiothérapie isolée dans 8 cas et une chimio-radiothérapie dans un cas. Un autre patient avait eu une tentative de résection tumorale par thoracotomie dans un autre centre. Figure 3 : Incision cutanée de la cervico-thoracotomie. Elle est faite en L inversé comprenant une branche verticale suivant le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien depuis la mastoïde jusqu'au dessous de la fourchette sternale et une branche horizontale le long du bord supérieur de la deuxième côte et prolongée dans le sillon delto-pectoral. décubitus dorsal, la tête en extension et tournée du côté opposé à la tumeur. La partie supérieure de l'hémithorax et le cou sont soulevés par un billot. L'incision cutanée est faite en L inversé comprenant une branche verticale suivant le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien depuis la mastoïde jusqu'au dessous de la fourchette sternale et une branche horizontale le long du bord supérieur de la deuxième côte et prolongée dans le sillon delto-pectoral (figure 3). Le chef sternal du sterno-cléido-mastoïdien est sectionné en laissant une longueur de tendon suffisante pour permettre sa reconstitution en fin d'intervention. Par cet abord, une exploration cervico-thoracique permet de s’assurer que la tumeur est extirpable de manière carcinologique. Dès lors, la moitié interne de la clavicule est sectionnée à la scie et désarticulée du sternum et sera préservée comme greffon osseux. Un volet musculo-cutané à charnière postéro-externe est constitué. La résection tumorale est alors menée en trois étapes : dissection des veines, des artères et Technique chirurgicale Le monitorage comprend une pression artérielle sanglante, une voie veineuse centrale et une température rectale. Une intubation trachéale sélective (sonde de Carlins) est mise en place. Le patient est placé en RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 113 E. Fadel, Ch. Court, G. Missenard, A. Chapelier, S. Mussot, Ph. Dartevelle re ou le tronc veineux innominé sont envahis, après contrôle proximal et distal ils sont réséqués et non reconstruits. L’artère sous-clavière est disséquée dans un plan sous-adventitiel, mais si elle est envahie, elle doit être réséquée en zone saine. Son contrôle distal est facilité par la section du muscle scalène antérieur. Le nerf phrénique doit être identifié sur la face antérieure de ce muscle et respecté sauf s’il est envahi par la tumeur. Les artères mammaire interne et cervicale ascendante sont sectionnées. L’artère vertébrale est sacrifiée si elle est envahie ou si l’artère sous-clavière est envahie en regard de sa naissance. L’artère sousclavière réséquée doit être reconstruite du fait du risque ischémique lié à la section de ses différentes branches collatérales. La reconstruction artérielle est effectuée de façon préférentielle par une anastomose termino-terminale sans interposition de prothèse à la fin du temps cervical. Ceci est souvent possible car les premières côtes ont été réséquées, donnant ainsi de la longueur à l’artère sous-clavière. Cependant, si le segment d’artère réséqué est trop long entraînant un risque de tension important sur l’anastomose termino-terminale, une prothèse en polytetrafluoroethylene (PTFE) annelée de calibre 6 ou 8 mm est utilisée. La dissection du plexus brachial se fait de dehors en dedans, allant des branches secondaires aux troncs primaires. La racine D1 est toujours envahie par la tumeur et doit être sectionnée au ras de la première côte (figure 4) au niveau de la confluence avec C8. Ceci facilitera la dissection de la racine C8 jusqu’en regard de son trou de conjugaison. L’envahissement du plexus brachial au dessus de D1 est considéré comme une contre indication chirurgicale du fait du mauvais pronostic. Après ce temps cervical pur, une valve autostatique, fixée sur la table opératoire, est placée sur le bord inférieur de l’incision pour exposer le pédicule pulmonaire et le médiastin. Les côtes envahies sont sectionnées latéralement en zone saine. Le rachis est abordé en dedans de l’artère carotide primitive. Une attention particulière est portée à l’angle trachéo-oesophagien afin de ne pas le léser par des écarteurs métalliques. La dissection de la face antérieure de la trachée et de l’axe artériel permet de libérer l’axe viscéral du cou en une seule unité. Après avoir écarté cet axe viscéral vers l’autre côté, le ligament longitudinal antérieur du rachis est exposé de la vertèbre C6 jusqu’à la vertèbre D5 si nécessaire. Le nombre de vertèbre à réséquer est évalué en pré-opératoire sur les données par IRM et confirmé A B C Figure 4 : Cancer broncho-pulmonaire gauche envahissant les trous de conjugaisons le long des racines D1 et D2 (A). Par la voie cervico-thoracique trans-claviculaire, la résection est faite en zone saine, la face antérieure des corps vertébraux est libérée et un sillon creusé le long de la ligne médiane du rachis (B). Un abord postérieur médian du rachis est effectué permettant une hémi-laminectomie de D1-D3, la section des racines D1 et D2 dans le canal rachidien, l’hémi-vertébrectomie de D1 à D3 et la fixation rachidienne (C). exposition du plexus brachial. Les veines jugulaire interne et sous-clavière sont largement disséquées. A gauche, le canal thoracique est lié et sectionné pour éviter un écoulement chyleux. Si la veine sous-clavièRACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 114 Tumeurs de Pancoast-Tobias avec envahissement vertébral : classification anatomo-chirurgicale, technique d’exérèse, résultats. La pièce opératoire qui comprend en monobloc les hémi-vertébrectomies avec les côtes, le poumon, et les vaisseaux attenants est alors retirée par la voie postérieure en faisant tourner la pièce d’avant en arrière et de dedans en dehors. Du côté de la résection, le rachis est fixé par une association vis-crochet (le plus souvent un crochet supra-laminaire C7 et par des vis pédiculaires sous la résection). De l’autre côté, le rachis est fixé par des prises segmentaires, préférentiellement par vis pédiculaires plutôt que par crochets, réalisé avant l’ostéotomie vertébrale afin de travailler sur une colonne stabilisée (5, 6). Une instrumentation en titane est utilisée pour permettre la surveillance par IRM de la zone opératoire. A la fixation est associée une greffe osseuse autologue venant de la crête iliaque et de la clavicule réséquée. Figure 5 : Radiographie post-opératoire montrant la fixation rachidienne. en per-opératoire par la palpation atraumatique des trous de conjugaison. Un sillon médian est creusé à la face antérieure des corps vertébraux à réséquer pour faciliter la section vertébrale durant la voie postérieure (figure 4). Dans notre expérience, chez tous les patients, au moins deux trous de conjugaison étaient envahis par la tumeur. Par conséquent, une hémi-vertébrectomie sur au moins trois étages a dû être effectuée. Une lobectomie supérieure est alors réalisée en monobloc par cette voie d’abord après section des artères, des veines et de la bronche destinées à ce lobe. Le lobe ainsi que toutes les autres structures réséquées sont laissés en place accrochés par la tumeur au rachis. Un curage ganglionnaire médiastinal complet (latéro-trachéal, sous-carénaire, interaortico-pulmonaire, médiastinal antérieur, latéro-oesophagien et du ligament triangulaire) est réalisable. La cervico-thoracotomie trans-claviculaire est alors fermée. Le patient est alors placé en décubitus ventral et une incision médiane permet d’exposer le rachis dorsal depuis C6. Après hémi-laminectomie s’étendant du côté de la vertèbre sus-jacente à celle sous-jacente aux trous de conjugaisons envahis, les racines nerveuses sont repérées, liées et sectionnées dans le canal rachidien à leur émergence de la dure mère, en amont du ganglion spinal de la racine postérieure. Les vaisseaux segmentaires sont repérés, liés et coupés. Le corps vertébral est sectionné à l’ostéotome en se dirigeant depuis le canal rachidien d’arrière en avant, le long de la ligne médiane (figure 4). Le sillon médian précédemment creusé sur la face antérieure des corps vertébraux à réséquer est palpé et permet de guider la direction de l’ostéotome. RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 Analyse statistique Les résultats exprimés sont des moyennes ± écarttypes. Des courbes de survie de type Kaplan-Meier ont été construites (7). Le suivi des patients a été effectué par des radiographies standard, des tomodensitométries et des IRM de la jonction cervico-thoracique. Résultats La résection a été complète et en mono-bloc chez tous les patients. La résection s’est étendue sur trois hémivertèbres chez 15 patients (D1 à D3 (n=14), D2 à D4 Figure 6 : Courbe de survie globale des patients opérés d’un cancer broncho- pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique et les trous de conjugaisons intervertébraux. 115 E. Fadel, Ch. Court, G. Missenard, A. Chapelier, S. Mussot, Ph. Dartevelle tuée chez 17 patients, avec des doses cumulées allant de 30 à 60 Gy. Six patients ont eu une chimiothérapie néo-adjuvante associée. Aucun patient n’a été perdu de vue. Douze patients (57%) sont décédés durant cette étude dont 10 par récidive tumorale (3 par récidive locale et systémique et 7 par récidive systémique). La médiane de survie a été de 27 mois. Le taux de survie actuarielle a été de 42% à 3 ans et de 21% à 5 ans (Figure 6). Le taux de survie sans récidive a été de 35 % à 3 ans. (n=1)) et sur quatre hémivertèbres chez cinq autres patients (D1 à D4). Un patient avait une tumeur envahissant le corps vertébral de D2, de D3 et de trois trous de conjugaison. Après une chimiothérapie néo-adjuvante, l’IRM de contrôle ne montrait plus d’envahissement des corps vertébraux. Il a donc eu une résection des deux tiers des corps vertébraux de D2 et de D3 ainsi qu’une hémi-vertébrectomie D1 et D4. Les deux premières côtes ont été réséquées chez deux patients, les trois premières chez neuf patients et les quatre premières chez neuf autres patients. Chez un patient, la résection costale s’est étendue de la deuxième à la quatrième côtes. Aucune reconstruction pariétale n’a été effectuée pour remplacer les côtes réséquées. La racine D1 du plexus brachial était envahie et a donc été réséquée chez tous les patients. La racine C8 a été réséquée chez un patient. Le nerf phrénique a également été réséqué, car envahi, dans huit cas. Durant l’intervention chirurgicale un examen anatomopathologique extemporané était toujours effectué au niveau des tissus mous pour s’assurer de la résection en tissu sain. A l’examen anatomopathologique définitif, au moins deux trous de conjugaison étaient envahis par la tumeur. Aucun envahissement du corps vertébral n’a été retrouvé. Néanmoins, la tumeur était accrochée au corps vertébral, sans plan de clivage net mais sans envahissement de la corticale osseuse chez quatre patients, y compris celui dont l’IRM montrait un envahissement vertébral avant la chimiothérapie pré-opératoire. Il n’y a pas eu de mortalité péri-opératoire ni de trouble neurologique définitif. Les pertes sanguines moyenne durant l’intervention ont été de 5000 ml (extrêmes: 1000 à 15 000 ml). La durée opératoire a été en moyenne environ de 8 heures 30 minutes (extrêmes:5 à 12 heures). La durée moyenne d’hospitalisation a été de 36 jours (extrêmes, 14 à 90 jours). Onze patients (52%) ont eu des complications postopératoires : sept infections pulmonaires, une fuite du liquide céphalo-rachidien, deux infections de la paroi et une reprise chirurgicale pour saignement. Une ventilation mécanique prolongée (7 à 30 jours) a été nécessaire chez sept des huit patients chez qui le nerf phrénique a été réséqué et chez deux autres malades. Une dérivation ventriculo-péritonéale a été effectuée chez le patient qui a eu la fuite de liquide céphalorachidien. Durant le suivi, un patient a développé une instabilité du rachis par radionécrose. Il a été réopéré un an plus tard pour réaligner le rachis et changer la fixation. Une radiothérapie post-opératoire a été effecRACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 Discussion L’association de la cervico-thoracotomie trans-claviculaire à une voie d’abord médiane postérieure permet la résection complète et mono-bloc des cancers bronchopulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique et les trous de conjugaisons intervertébraux sans mortalité péri-opératoire. Cette approche agressive est le seul traitement qui permet d’obtenir une survie à long terme. En effet, aucune survie à 5 ans n’est obtenue chez ces patients après radio-chimiothérapie seule ou quand la résection est incomplète lors de chirurgie intra-lésionnelle (3). De même, la chirurgie des cancers broncho-pulmonaires étendus à la paroi thoracique est associée à de mauvais résultats quand la résection n’a pas été effectuée en monobloc. Deux de nos patients, classiquement jugés inopérables (3), sont vivants et sans récidive tumorale à plus de six ans. Les taux de survie à 3 et à 5 ans obtenus dans cette série sont comparables à ceux classiquement obtenus après résection chirurgicale des cancers broncho-pulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique sans envahissement des trous de conjugaison (8-14). Depuis qu’elle a été décrite par Dartevelle et coll., la cervico-thoracotomie trans-claviculaire a permis de réséquer de façon carcinologiquement complète, en mono-bloc, et avec une sécurité maximale les cancers envahissant la jonction cervico-thoracique, qu’ils soient broncho-pulmonaires ou non (1,4). Cette voie d’abord permet la résection mono-bloc de la tumeur ainsi que des structures adjacentes potentiellement envahies : la paroi thoracique, la racine nerveuse D1 et les axes veineux et artériels. Par cette voie d’abord, l’artère sous-clavière peut être réséquée et reconstruite (2) et la lobectomie ou la pneumonectomie avec curage ganglionnaire complet effectués. Il n’est plus nécessaire de rajouter une thoracotomie postéro-latérale pour effectuer la résection pulmonaire. Par 116 Tumeurs de Pancoast-Tobias avec envahissement vertébral : classification anatomo-chirurgicale, technique d’exérèse, résultats. long de la gaine des racines nerveuses. Les racines nerveuses dans le canal médullaire étaient saines. Ainsi, durant la voie postérieure, après avoir effectué une laminectomie unilatérale, nous avons pu couper ces racines nerveuses en zone saine, au ras de la dure mère. Grunenwald et coll., ont aussi développé une double approche, antérieure et postérieure pour permettre la résection mono-bloc de ces tumeurs (15). Leurs résultats, comme les nôtres, montrent que malgré sa complexité, cette chirurgie carcinologique peut être effectuée sans mortalité péri-opératoire (4, 15). Cependant, le taux de morbidité durant la période post-opératoire est élevé puisque plus de la moitié de nos patients a présenté des complications sérieuses ce qui est aussi rapporté par d’autres. De plus, cette intervention est associée à des pertes sanguines majeures et à des durées opératoire et d’hospitalisation longues. Pour ces raisons la sélection des patients est d’une importance capitale. La lourdeur de l’intervention et le fort taux de morbidité nous poussent à réserver cette procédure à des patients jeunes avec un bon état général, sans pathologie cardio-respiratoire sous-jacente. ailleurs, six patients non inclus dans cette étude avaient un cancer broncho-pulmonaire envahissant la jonction cervico-thoracique et l’angle costo-vertébral (stade I) et adhérent au périoste du corps vertébral sans l’envahir. Dans ces cas le pronostic est plus favorable (3) et la résection complète a pu être obtenue par la cervico-thoracotomie trans-claviculaire seule, de façon beaucoup plus simple, en effectuant une ostéotomie tangentielle et sans nécessité de fixation rachidienne. La résection a emporté en bloc les apophyses transverses, l’ostéotomie partielle du corps vertébral, les côtes et le cancer qui n’envahissait pas le trou de conjugaison. Cependant, quand le cancer s’étend en arrière le long des racines nerveuses vers le trou de conjugaison, la résection ne peut être complète en mono-bloc par cette seule voie d’abord antérieure car le contrôle en zone saine ne peut être obtenu sur le rachis. Ce contrôle ne peut être obtenu qu’en coupant les racines nerveuses dans le canal rachidien. Ceci nous a amené à associer un abord postérieur du rachis à la voie antérieure transclaviculaire permettant ainsi une résection carcinologiquement complète et mono-bloc. D’ailleurs, nous avons utilisé cette double approche pour réséquer également des cancers non broncho-pulmonaires (sarcomes) envahissants la jonction cervico-thoracique et les trous de conjugaison chez quatre autres patients. L’envahissement massif du corps vertébral au bilan pré-opératoire est une contre indication chirurgicale d’emblée car il est associé à un mauvais pronostic et à un faible taux de survie (3, 8, 11, 12). Mais si la chimiothérapie néo-adjuvante a permis une très bonne réponse tumorale avec la disparition à l’IRM de l’envahissement massif du corps vertébral, comme chez l’un de nos patients, l’exérèse complète peut être obtenue à condition de réséquer les tissus initialement envahis avant la chimiothérapie. Il faut donc, pour obtenir la résection complète, effectuer une vertébrectomie mono-bloc des vertèbres initialement envahies. De même, nous considérons que l’envahissement du canal rachidien est aussi une contre indication chirurgicale du fait de l’impossibilité d’obtenir une résection en zone saine. Cela témoigne de l’importance de la tomodensitométrie et de l’IRM avec des coupes axiales, coronales et sagittales de la zone potentiellement envahie dans le bilan pré-opératoire. Les patients opérés dans cette étude n’avaient pas d’envahissement massif des corps vertébraux ni du canal médullaire. L’envahissement direct des trous de conjugaison s’est fait par propagation de la tumeur le RACHIS - Vol. 16, n°2, Juin 2004 Conclusion Les cancers broncho-pulmonaires envahissant la jonction cervico-thoracique et le rachis considérés jusqu’à présent inopérables, peuvent être réséqués carcinologiquement en mono-bloc avec très nette amélioration de la survie à court et long terme par rapport au résection intra-lésionnelle ou au traitement non chirurgical (radio-chimiothérapie). Cette résection peut se faire par la cervico-thoracotomie trans-claviculaire pour le stade I. Pour les autres stades et notamment en cas d’envahissement des trous de conjugaisons intervertébraux, une double approche associant à la cervico-thoracotomie trans-claviculaire, une voie d’abord postérieure est nécessaire. Cependant, la complexité et la lourdeur de cette procédure en terme de pertes sanguines, de durées opératoires et d’hospitalisation, doit la faire réserver à des patients sélectionnés avec la plus grande attention. L’importance de la morbidité périopératoire semble aussi liés à l’expérience de l’équipe chirurgicale multidisciplinaire en chirurgie rachidienne, thoracique et vasculaire. Ces résultats préliminaires devraient être confirmés par des études avec un nombre plus élevé de patients. ■ 117 E. Fadel, Ch. Court, G. Missenard, A. Chapelier, S. Mussot, Ph. Dartevelle Bibliographie 9- Wright CD, Moncure AC, Shepard JAO, Wilkins EW, Mathisen DJ, Grillo HC. Superior sulcus lung tumors. J Thorac Cardiovasc Surg 1987;94:69-74. 10- Devine JW, Mendenhall WM, Million RR, Carmichael MJ. Carcinoma of the s uperior pulmonary sulcus treated with surgery and/or radiation therapy. Cancer 1986;57:941-3. 11- Sartori F, Rea F, Calabro F, Mazzucco C, Bortolotti L,Tomio L. 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