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Anatomie clinique de la cheville et du pied

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Anatomie clinique de la cheville et du pied
Comprendre pour bien traiter
M. SCEPI
Points essentiels
t La « cheville traumatique » intéresse le plus souvent quatre articulations : la
tibio-fibulaire distale, la talo-crurale, la subtalaire et le groupe articulaire
tarso-métatarsien et médio-tarsien.
t Les points d’insertion du naviculaire et de la base du processus styloïde du
Ve métatarsien peuvent être le siège de fracture en raison des contraintes
mécaniques qui s’y appliquent en traumatologie (notamment dans les
mécanismes indirects).
t Les éléments anatomiques antérieurs de contention sont faibles, ce qui
explique les transmissions des contraintes sur les appareils ligamentaires
collatéraux et subtalaires.
t Les groupes articulaires fonctionnels et anatomiques sont étroitement
liés et doivent engager à toujours envisager des atteintes anatomiques
multiples (et ne pas se contenter d’évoquer une « banale » entorse du
complexe ligamentaire collatéral latéral).
t La proximité des éléments destinés à la vascularisation et à l’innervation
du pied doit conduire à un examen clinique soigneux de ces fonctions
devant une cheville traumatique (notamment en cas de luxations et/ou
de fractures).
Introduction
La connaissance de l’anatomie clinique de la cheville et du
pied est indispensable pour l’urgentiste qui aborde les pathologies
traumatiques et fonctionnelles de ces deux entités. Ce chapitre est
différent des classiques descriptions dans le sens où il se veut volontairement pratique, « dynamique » (description des structures dans
le mouvement) et en relation directe avec la clinique aux urgences.
L’anatomie clinique de la cheville et du pied aux urgences se conçoit
comme un ensemble fonctionnel comprenant les articulations de la
M. Scepi ( ), Service Accueil Urgences – SAMU – SMUR, CHU Hôpital Jean Bernard,
86021 Poitiers Cedex. Laboratoire d’Anatomie. Faculté de Médecine. Université de Poitiers.
– e-mail : [email protected]
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
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Traumatisme de la cheville
cheville (talo-crurale, tibio-fibulaire distale et subtalaire) et celles
du pied (articulation transverse du tarse ou tarso-métatarsienne en
particulier). Nous envisagerons donc ces différentes entités anatomo-fonctionnelles et les points essentiels de l’anatomie afin de
comprendre les lésions et d’interpréter au mieux les différentes
imageries aux urgences.
Anatomie clinique appliquée des articulations de la cheville
Pour l’urgentiste, l’anatomie clinique concerne les articulations talo-crurale, subtalienne et tibio-fibulaire distale. Les traumatismes sont soit directs et concernent les lésions des éléments
osseux, soit indirects et intéressent les éléments, capsulaires, ligamentaires et ostéo-chondraux. Ces derniers mécanismes étant
les plus fréquents, il est essentiel de connaître l’anatomie de ces
éléments et leurs aspects cliniques fonctionnels.
Anatomie clinique de l’articulation talo-crurale
C’est l’articulation, communément dénommée articulation de
la « cheville », qui unit le squelette jambier et le tarse : mortaise
tibio-fibulaire/talus. Elle est très intimement associée sur le plan
anatomique et fonctionnel à l’articulation tibio-fibulaire distale
(cf. infra). Les éléments ostéo-chondraux en présence sont : la face
inférieure du tibia, la surface articulaire de la malléole médiale, la
surface articulaire de la malléole latérale et la trochlée du talus.
Lors des traumatismes de la cheville, tous ces éléments peuvent
être atteints de façon isolée ou associée (fig. 1).
Fig. 1 – Vue postérieure des articulations talo-crurale
et subtalaire (pied en varus équin) (d’après P. Kamina).
1 : tibia ; 2 : fibula ; 3 : talus ; 4 : calcanéus ; 5 : ligament
collatéral médial (deltoïde) ; 6 : ligament collatéral latéral
(fibulaire) : ligament talo-fibulaire postérieur et ligament
calcanéo-fibulaire ; 7 : ligament talo-calcanéen interosseux.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
Anatomie de surface
Le bord antérieur de l’extrémité inférieure du tibia est palpable
en dedans de la saillie du tendon du muscle tibial antérieur lorsque
le pied est en flexion dorsale ; la palpation se continue sur le versant
médial pour atteindre très facilement la malléole médiale.
La malléole latérale est aisément palpable sur sa face antérieure,
latérale et postérieure. En arrière, de part et d’autre de la saillie
du tendon calcanéen, les deux gouttières rétro malléolaires sont
palpables et doivent apparaître libres de tout épanchement.
En avant et en dehors de la saillie du tendon du muscle tibial antérieur, la saillie des tendons du muscle extenseur des orteils masque
la palpation de l’articulation tibio-fibulaire distale.
Anatomie des éléments capsulo-ligamentaires
La capsule articulaire est composée de deux tuniques : l’une
fibreuse et l’autre synoviale. La capsule fibreuse est mince, lâche et
s’insère sur le pourtour des surfaces cartilagineuses, sauf en avant
où elle s’en éloigne sur la trochlée du talus. Les éléments ligamentaires de l’articulation talo-crurale ont bénéficié de nombreuses
descriptions anatomiques, parfois à l’origine de classifications
nosologiques.
Deux entités anatomo-fonctionnelles sont à connaître : le ligament
collatéral latéral (fibulaire) et le ligament collatéral médial (tibial).
Chacune de ces entités est formée de plusieurs ligaments.
Ligament collatéral latéral (fibulaire)
Il est constitué de trois faisceaux qui convergent vers la malléole
latérale :
– ligament talo-fibulaire antérieur : souvent dénommé « faisceau antérieur » ; il est court, large et décrit un trajet antérieur
et médial qui va de la face antérieure de la malléole latérale
jusqu’au col du talus, en avant de la surface articulaire malléolaire latérale (fig. 2) ;
– ligament talo-fibulaire postérieur : souvent dénommé « faisceau postérieur » ; il est épais et très résistant ; il décrit un trajet
horizontal et médial qui va de la face postérieure de la malléole
latérale jusqu’au tubercule latéral du talus (fig. 2) ;
– ligament calcanéo-fibulaire : souvent dénommé « faisceau
moyen » ; il est long et décrit un trajet oblique en bas et en
arrière, qui va de l’extrémité de la malléole latérale à la face latérale du calcanéus (fig. 2) ;
Ligament collatéral médial (tibial)
Ce complexe ligamentaire résistant et épais est aussi appelé
ligament deltoïde à cause de sa forme en triangle à sommet
malléolaire.
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Traumatisme de la cheville
Il est constitué de deux « couches » ligamentaires :
– une couche superficielle : elle est elle-même constituée de
deux éléments ligamentaires : le ligament tibio-naviculaire et le
ligament tibio-calcanéen ;
– une couche profonde constituée également de deux éléments
ligamentaires distincts : le ligament tibio-talaire antérieur et le
ligament tibio-talaire postérieur (fig. 3).
Fig. 2 – Vue latérale de la cheville.
Fig. 3 – Vue médiale de la cheville. 1 : liga1 : ligament collatéral latéral : ligament talo- ment collatéral médial : couche superficielle ;
fibulaire antérieur ; 2 : ligament collatéral 2 : ligament collatéral médial : couche profonde.
latéral : ligament talo-fibulaire postérieur ;
3 : ligament collatéral latéral : ligament calcanéo-fibulaire ; 4 : rétinaculum des extenseurs ;
5 : fibula ; 6 : calcanéus.
Éléments anatomiques de voisinage (rapports essentiels de l’articulation talo-crurale)
Ils sont d’ordre tendineux (passage des tendons des muscles destinés
au pied et aux orteils), vasculaire et nerveux.
– En avant : l’articulation est en rapport avec les tendons des
muscles, long extenseur des orteils, long extenseur du gros
orteil, tibial antérieur. L’artère et les veines tibiales antérieures
accompagnées du nerf fibulaire profond passent en dehors de la
saillie du tendon du muscle tibial antérieur, en avant de l’articulation (pouls pédieux). La veine grande saphène décrit son trajet
en avant de la malléole médiale.
– En arrière : en arrière et médialement, dans la gouttière rétromalléolaire médiale, les rapports se font avec : les tendons des
muscles long fléchisseur des orteils, long fléchisseur du gros
orteil, tibial postérieur. L’artère et les veines tibiales postérieures
accompagnées du nerf tibial cheminent dans cette gouttière. Le
tendon calcanéen et son espace rétrotibial délimitent les deux
gouttières rétromalléolaires (fig. 4).
– En arrière et latéralement, dans la gouttière rétromalléolaire
latérale, les rapports se font avec l’artère et les veines fibulaires.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
En arrière de la malléole latérale, se trouvent les tendons des
muscles court et long fibulaires dans leur gaine synoviale et leur
coulisse fibreuse (fig. 5). La veine petite saphène passe en arrière
de la malléole latérale.
Fig. 4 – Coupe horizontale et rapports de l’articulation
talo-crurale (d’après P. Kamina). 1 : tibia ; 2 : fibula ;
3 : ligament tibio-fibulaire antérieur ; 4 : ligament
tibio-fibulaire postérieur ; 5 : ligament tibio-fibulaire
interosseux ; 6 : tendon du muscle long extenseur des
orteils ; 7 : tendon du muscle long extenseur du gros
orteil ; 8 : tendon du muscle tibial antérieur ; 9 : artère
et veines tibiales antérieures ; 10 : nerf fibulaire profond ;
11 : tendon du muscle long fléchisseur des orteils ; 12 :
tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux ; 13 : tendon
du muscle tibial postérieur ; 14 : artère et veines tibiales
postérieures ; 15 : tendon calcanéen ; 16 : tendons des
muscles long et court fibulaires.
Fig. 5 – Ligament collatéral latéral. Vue latérale de la cheville.
1 : ligament talo-fibulaire postérieur ; 2 : fibula ; 3 : tendon du
muscle court fibulaire ; 4 : tendon
du muscle long fibulaire ; 5 : processus styloïde du Ve métatarsien.
Anatomie fonctionnelle
L’articulation talo-crurale va intervenir dans deux compartiments fonctionnels, statiques et dynamiques. La statique de cette
articulation trouve son intérêt dans le maintien de la station érigée.
Cette fonction, propre à l’Homme, exige une stabilité parfaite du
talus en grande partie assurée par l’articulation talo-crurale et ses
éléments anatomiques.
La stabilité antéro-postérieure est assurée dans les déplacements
antérieurs par le bord antérieur de l’extrémité inférieure du tibia,
les ligaments antérieurs, le groupe des muscles extenseurs des
orteils et tibial antérieur ainsi que les muscles fibulaires. Dans le
sens postérieur, la stabilité est assurée par le bord postérieur de
l’extrémité inférieure du tibia, le rétrécissement postérieur de la
mortaise tibio-fibulaire et les ligaments postérieurs.
En ce qui concerne la dynamique de cette articulation, il n’existe
qu’un seul degré de liberté dans la talo-crurale, ce qui ne permet
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Traumatisme de la cheville
que des mouvements de flexion/extension dans un plan sagittal.
La flexion est le mouvement qui rapproche le dos du pied de la
face antérieure de la jambe et son amplitude varie de 20 à 30°.
L’extension est le mouvement qui éloigne le dos du pied de la face
antérieure de la jambe et son amplitude varie de 30 à 60°.
Schématiquement, l’axe de mouvement, transversal, passe par la
trochlée du talus et est perpendiculaire à celle-ci.
Lors des mécanismes les plus fréquents de traumatismes de la cheville, le talon décolle de son appui au sol et, de ce fait, l’articulation
talo-crurale se trouve « suspendue », soumise aux contraintes traumatiques et à l’énergie cinétique du traumatisme qui s’appliquent sur
les structures de maintien mais également ostéo-chondrales (fig. 6).
Fig. 6 – Vue postérieure des éléments
anatomiques de maintien actif des
articulations talo-crurales et du tarse
(d’après P. Kamina). 1 : tendon du
muscle court fibulaire ; 2 : tendon
du muscle long fibulaire ; 3 : tendon
du muscle fléchisseur des orteils ; 4 :
tendon du muscle long fléchisseur de
l’hallux ; 5 : tendon du muscle tibial
postérieur ; 6 : tendon calcanéen.
Repères anatomiques radiologiques essentiels
L’anatomie morphologique de cette articulation présente des
repères que l’on retrouve lors des examens de radiographies standard pratiqués aux urgences lorsque la clinique le demande.
Sur un cliché de face centré : l’interligne talo-crural doit être
régulier et présenter un espace articulaire de même épaisseur, la
malléole latérale descend plus bas que la malléole médiale et les
images des corticales osseuses ne doivent pas présenter de solution
de continuité (fig. 7).
Sur le cliché de profil centré : les deux malléoles sont visibles mais
se superposent, la partie postérieure de l’extrémité inférieure du
tibia est plus basse que la partie antérieure, le calcanéus et le sinus
du tarse sont visibles avec un angle talo-crural de 80° et l’interligne
talo-crurale et la trochlée du talus (dôme) sont réguliers (fig. 8).
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
Fig. 7 – Cliché standard de cheville de
face – repères anatomiques. 1 : tibia ;
2 : fibula ; 3 : interligne talo-crural ;
4 : interligne tibio-fibulaire distal ; 5 :
talus.
Fig. 8 – Cliché de profil de la cheville – repères
anatomiques. 1 : tibia ; 2 : fibula ; 3 : talus ;
4 : calcanéus ; 5 : interligne talo-crural ; 6 : espace
rétrotibial ; 7 : naviculaire.
Anatomie clinique de l’articulation tibio-fibulaire distale
Il s’agit d’une syndesmose qui unit l’extrémité distale du tibia à
celle de la fibula. Fonctionnellement, cette articulation est intimement liée à la précédente.
Anatomie de surface
La palpation de cette articulation est aisée à la face antérieure
et médiale de la malléole latérale. Lors des traumatismes de la cheville, cette palpation est douloureuse et l’anatomie de surface est
effacée par un épanchement traumatique fréquent à ce niveau.
Anatomie des éléments capsulo-ligamentaires
La surface articulaire fibulaire, convexe, s’articule médialement
avec son homologue tibiale, concave. La capsule articulaire est
ténue et renforcée par trois structures ligamentaires :
– ligament tibio-fibulaire antérieur : il naît de l’incisure antérieure du tibia et se dirige vers le bord antérieur de la malléole
latérale sur lequel il se termine ;
– ligament tibio-fibulaire postérieur : structure très résistante,
ce ligament naît du bord postérieur de la malléole latérale et
s’étend en éventail à la face postérieure de l’articulation pour
se terminer à la face postérieure de l’incisure fibulaire du tibia ;
– ligament interosseux : il est constitué d’un ensemble de courts
faisceaux fibreux qui unissent les deux surfaces articulaires
(fig. 9).
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Traumatisme de la cheville
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Fig. 9 – Articulation tibio-fibulaire distale
– coupe frontale (d’après P. Kamina). 1 :
tibia ; 2 : fibula ; 3 : interligne articulaire
et ligament interosseux ; 4 : ligament tibiofibulaire postérieur.
Fig. 10 – Repères radio-anatomiques de
l’articulation tibio-fibulaire distale – vue de
face. Interligne articulaire < 6 mm, à 1 cm du
plan de la surface articulaire du tibia.
Anatomie fonctionnelle
En statique, cette articulation est presque immobile et contribue à la stabilité de la cheville et du pied (station érigée, appui
monopodal statique).
En dynamique, lors des mouvements de flexion, la fibula est le
siège d’une légère ascension et sa surface articulaire se rapproche
de celle du tibia (rotation médiale associée). Lors des mouvements
d’extension, ces déplacements s’inversent.
Cette articulation est donc fonctionnellement associée de façon
intime aux amplitudes de la précédente et contribue ainsi à la stabilité dans la marche.
Repères anatomiques radiologiques aux urgences
Sur un cliché de face centré, l’interligne tibio-fibulaire distale doit
être inférieure ou égale à 6 mm (sinon : diastasis) (fig. 10).
Anatomie clinique de l’articulation subtalaire
Articulation synoviale de type ellipsoïde, elle unit le talus et le
calcanéus. À ce titre, elle est considérée comme une articulation du
tarse. Cependant, étant donné son architecture et son importance
fonctionnelle, elle doit être envisagée comme faisant partie intégrante des articulations de la cheville au sens clinique du terme.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
Anatomie de surface
Difficilement palpable, elle peut cependant être explorée dans
sa stabilité en bloquant le talus et en imprimant des mouvements
antéro-postérieurs et latéraux au calcanéus (qui doit rester solidaire
du talus).
Anatomie des éléments articulaires
Les surfaces articulaires, postérieures du talus et du calcanéus
sont exactement inversement conformes (très excavée pour le talus
et très convexe pour le calcanéus). La capsule fibreuse doublée de sa
membrane synoviale, est renforcée par trois ligaments : talo-calcanéen médial, talo-calcanéen latéral, talo-calcanéen postérieur. Le
ligament talo-calcanéen interosseux est une lame fibreuse, courte
et résistante, tendue verticalement dans le sinus talo-calcanéen
(sinus du tarse) (fig. 11).
Fig. 11 – Ligaments talo-calcanéens et articulation subtalaire. 1 : talus ; 2 : calcanéus ;
3 : ligament talo-calcanéen
interosseux ; 4 : ligament talocalcanéen médial ; 5 : ligament
talo-calcanéen postérieur.
Anatomie fonctionnelle
L’anatomie fonctionnelle de cette articulation doit être conçue
en étroite liaison avec celle des articulations talo-crurale et transverse du tarse. Néanmoins, au niveau de l’articulation subtalaire,
trois axes de mouvements sont à envisager : sagittal, transversal
et vertical. Selon l’axe vertical, les mouvements du calcanéus sont
de type abduction et adduction : on dit classiquement que le calcanéus « vire ». Selon l’axe transversal, le calcanéus présente des
mouvements de rotation antérieure et postérieure : le calcanéus
« tangue ». Selon l’axe sagittal, les mouvements effectués sont des
rotations médiale et latérale : le calcanéus « roule ».
Tous ces mouvements combinés, associés à ceux permis, et démultipliés par les autres articulations du tarse, vont aboutir à des mouvements complexes, « associés », mais cependant de la plus haute
importance fonctionnelle : les mouvements d’inversion (amenant
la plante du pied vers l’intérieur, vers l’axe du corps, et éversion,
amenant la plante du pied vers l’extérieur). Ces notions d’anatomie
fonctionnelle trouvent toute leur importance dans la compréhension de la genèse des lésions ligamentaires et ostéochondrales associées dans la plupart des traumatismes de la cheville.
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Traumatisme de la cheville
Repères anatomiques radiologiques
Sur le cliché de profil, le processus latéral du talus doit être à
l’aplomb du sinus talo-calcanéen. L’interligne talo-calcanéen est
normalement régulier (en l’absence d’arthrose).
Anatomie clinique appliquée des articulations du tarse
intéressées dans les traumatismes indirects de la cheville
Anatomie clinique de l’articulation transverse du tarse
Cette articulation unit le tarse antérieur et postérieur. Ce
complexe articulaire fonctionnel comprend l’articulation calcanéo-cuboïdienne, d’une part, et l’articulation composée talocalcanéo-naviculaire d’autre part. Les mouvements de l’articulation
transverse du tarse sont étroitement liés à ceux de l’articulation
subtalaire.
La palpation de l’os naviculaire et du cuboïde est possible cliniquement à la face dorsale du pied, mais les tests cliniques de ces
articulations sont impossibles dans leur individualité. Une exploration clinique de l’articulation transverse du tarse peut se faire
en bloquant le calcanéus et en empoignant l’avant-pied tout en
imposant à ce dernier des mouvements de rotation selon l’axe sagittal du pied (passant par le IIème métatarsien). En cas de douleurs
et d’absence de lésion osseuse à la radiographie, ce test clinique
permet de suspecter fortement une lésion.
La capsule articulaire est mince et renforcée par plusieurs ligaments
(calcanéo-cuboïdiens, calcanéo-naviculaires, talo-naviculaire). Un
ligament est commun aux articulations calcanéo-naviculaire et
calcanéo-cuboïdienne : le ligament bifurqué. Il prend son attache à
la face dorsale du calcanéus et se bifurque avant de se terminer sur
le naviculaire et sur le cuboïde. Son atteinte dans les traumatismes
indirects de la cheville avec forte énergie cinétique provoquerait
certaines fractures naviculaires non déplacées ou des fractures
parcellaires (« arrachements » osseux) (figs. 12 et 13).
D’un point de vue fonctionnel, les axes et les mouvements s’accordent avec ceux de l’articulation subtalaire pour permettre l’inversion ou l’éversion du pied. Les muscles moteurs de l’inversion
sont les muscles tibiaux (antérieur et postérieur) et le long extenseur
du I. L’amplitude moyenne est de 30°. Elle est de 25° pour l’éversion dont les muscles responsables sont le muscle court fibulaire et
le muscle long fibulaire.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
Fig. 12 – Articulation transverse du Fig. 13 – Cliché de profil de la cheville centré sur
tarse – vue supérieure de l’articulation le tarse révélant une fracture du naviculaire témoin
talo-calcanéo-naviculaire
(d’après d’une lésion du ligament bifurqué.
P. Kamina). 1 : calcanéus ; 2 :
naviculaire ; 3 : face inférieure du
talus ; 4 : ligament bifurqué ; 5 :
ligament talo-calcanéen interosseux.
Anatomie clinique des articulations des os du tarse distal
entre eux
Ces articulations sont palpables cliniquement à la face dorsale
du cou-de-pied.
Cinq articulations unissent les os du tarse distal entre eux :
– l’articulation cunéo-naviculaire ;
– l’articulation cuboïdo-naviculaire ;
– les articulations inter-cunéiformes médiale et latérale ;
– l’articulation cunéo-cuboïdienne.
Articulation cunéo-naviculaire
Elle est de type condylaire et unit les trois cunéiformes à l’os
naviculaire.
La capsule articulaire est mince, en continuité pour les trois articulations. Les ligaments sont au nombre de deux : le ligament
cunéo-naviculaire dorsal, mince, fragile lors des traumatismes en
extension de la tibio-tarsienne et de l’avant-pied, et le ligament
cunéo-naviculaire plantaire, plus résistant mais souvent peu sollicité dans les traumatismes de cheville.
Cette anatomie explique aisément les « arrachements » osseux de
la face dorsale de l’os naviculaire (lésion radiologique fréquemment associée aux lésions ligamentaires de la talo-crurale [fig. 13]).
D’un point de vue fonctionnel, les mouvements dans ces articulations sont intimement liés à ceux de l’articulation subtalaire. Les
axes de mouvement sont transversal (flexion/extension) et sagittal
(rotations axiale, médiale et latérale).
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Traumatisme de la cheville
Articulation cuboïdo-naviculaire
Elle est de type syndesmose et unit le naviculaire et le cuboïde.
Le ligament cuboïdo-naviculaire est épais.
Articulations intercunéiformes médiale et latérale et articulation cunéo-cuboïdienne
Les surfaces articulaires sont maintenues par des ligaments
plantaires et dorsaux et surtout par des ligaments interosseux, très
résistants, situés en arrière des surfaces articulaires et contribuant
efficacement au maintien de l’axe du pied. D’un point de vue fonctionnel, ces trois groupes d’articulations constituent une « assise »
importante dans les appuis statiques et dynamiques et complètent
les fonctions des autres articulations du tarse pour assurer la stabilité dans la station érigée. Ainsi, l’anatomie clinique, appliquée
à la biomécanique de la « cheville », intéresse plusieurs groupes
articulaires dans les aspects statiques et dynamiques (fig. 15). Ces
associations anatomiques expliquent facilement les associations
lésionnelles dans les pathologies traumatiques et la difficulté d’établir en urgence un diagnostic lésionnel précis, notamment dans la
pathologie traumatique ligamentaire.
Fig. 14 – Hypothèses biomécaniques : pied au
sol/talon au sol. L’articulation subtalaire est la
première sollicitée (1), puis le ligament talofibulaire antérieur et la capsule (2), le tendon
du muscle court fibulaire, puis les ligaments
talo-fibulaire postérieur et calcanéo-fibulaire
avec le tendon du long fibulaire (3).
Fig. 15 – Axes de mouvements pied au sol.
Toutes les articulations concourent ensemble
à la réalisation de ces mouvements, tous
nécessaires à la marche en station érigée.
La maturité des structures suivant l’âge explique également les
lésions anatomiques qui peuvent en découler (exemple : fréquence
des traumatismes épiphysaires chez l’enfant).
Dans la physiopathologie des lésions des traumatismes indirects de
la cheville, il faut distinguer les traumatismes avec pied au sol/talon
en charge et ceux avec pied au sol/talon en décharge et avant-pied
en charge (réceptions de sauts ou impulsions). En effet, lorsque le
talon n’est pas en contact avec le sol, les contraintes vont se répartir
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter
dans l’avant-pied, puis dans la talo-crurale en fin de cinétique.
Dans le cas où le talon est au sol, les contraintes vont d’abord se
répartir via la subtalaire, puis le ligament talo-fibulaire antérieur
et la capsule, continuer par le ligament talo-fibulaire postérieur
et le tendon du muscle court fibulaire pour – en fin de cinétique
– atteindre le ligament calcanéo-fibulaire et le tendon du muscle
long fibulaire (fig. 14).
Quoi qu’il en soit, une parfaite connaissance des structures anatomiques et de leurs fonctions facilitera l’examen clinique, l’interprétation de l’imagerie et parfois même les indications thérapeutiques
devant un traumatisme de la cheville.
Bibliographie
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