FIDELIS Thierry Module de valorisation des ressources végétales Valorisation des polyphénols végétaux dans l’alimentation. Sommaire Introduction ……………………………………………………………………………….3 I. Présentation des polyphénols……………………………………………………..3 a) Structure…………………………………………………………………..3 1) Les flavonoïdes…………………………………………………3 2) Les tanins……………………………………………………….4 b) Biosynthèse……………………………………………………………….4 c) Localisation……………………………………………………………….5 d) Rôles……………………………………………………………………...6 II. Les goûts et les polyphénols……………………………………………………...6 III. Utilisation dans les boissons fermentées…………………………………………7 IV. Sources alimentaires et antioxydants……………………………………………..9 a) Sources alimentaires……………………………………………………...9 b) Propriétés antioxydantes………………………………………………...10 V. Effets sur la santé humaine……………………………………………………...10 VI. Législation, consommation et biodisponibilité………………………………….11 a) Législation……………………………………………………………….11 b) Consommation…………………………………………………………..12 c) Biodisponibilité………………………………………………………….13 Conclusion……………………………………………………………………………….14 Résumé…………………………………………………………………………………..15 Bibliographie…………………………………………………………………………….16 Introduction Les polyphénols représentent une famille diversifiée, composée d’éléments importants constituant les qualités sensorielles (couleur, astringence…) et nutritionnelles des végétaux que consomme l’Homme. Cette famille est formée principalement des 4-oxo-flavonoides, des anthocyanes et des tanins ; et peut également, selon la nature des composés, avoir un intérêt pharmacologique. Les principaux polyphénols d’intérêts technologiques dans la pomme, le raisin, l’orge ou le thé sont les flavonols ou tanins condensés, et lorsqu’une couleur rouge est recherchée ; les pigments anthocyaniques. Les polyphénols végétaux ont d'abord été étudiés pour leurs effets protecteurs contre les pathogènes, bactéries ou virus qui infectent la plante, ou le rayonnement UV. Souvent présents en grande quantité dans les plantes consommées par les herbivores, ils limitent leur appétence et digestibilité. Ils ont donc été pendant longtemps considérés comme des facteurs antinutritionnels. C'est une attention tout à fait différente qu'on leurs porte aujourd'hui, après la reconnaissance de leurs propriétés antioxydantes et de leurs effets présumés sur la santé. Les recherches sur les effets santé des polyphénols ont cependant débuté beaucoup plus tardivement que pour les autres antioxydants. Ceci est grandement expliqué par la très grande diversité de leurs structures chimiques. L’alimentation apporte une grande variété d’antioxydants : vitamine E et C, polyphénols, pigments caroténoïdes. Les études épidémiologiques ont montré l’intérêt d’une alimentation variée, riche en fruits et légumes. De ce fait, l’apport d’antioxydants dans les portions alimentaires n’a plus que pour seul but de préserver les qualités sensorielles du produit, mais également de renforcer sa valeur nutritionnelle. Les polyphénols suscitent depuis peu un intérêt croissant de la part des chercheurs et des industriels de l’agroalimentaire. Un des objectifs de la recherche est de parvenir à établir les preuves des effets de la consommation de polyphénols sur la santé, et d’identifier parmi les centaines de polyphénols ceux qui pourraient jouer les rôles protecteurs les plus importants, en vue de la mise en place d’une nutrition préventive. On tentera ici, de présenter et de définir les polyphénols ainsi que leurs utilisations majeures en agroalimentaire et pharmacologie ; tout en abordant leurs effets observés ou supposés, sur la santé humaine. I. Présentation des polyphénols a) Structure Les composés phénoliques étudiés chez les végétaux ont tous en commun la présence dans leur structure d’un ou de plusieurs cycles benzéniques portant des fonctions hydroxyles. De ce fait, l’utilisation du terme « polyphénols » utilisé couramment n’est autre qu’un abus de langage ; car en effet il ne devrait concerné que les molécules portant plusieurs hydroxyles phénoliques. Cette famille est formée principalement des 4-oxo-flavonoides, des anthocyanes et des tanins. 1) Les flavonoïdes. Ce sont des composés de structure générale en C15 (C6-C3-C6), regroupés en plus de dix classes dont les anthocyanes, les flavonols et les flavanes qui sont à l’origine des tanins condensés, les flavanones, les flavones et les isoflavones. Les flavonoïdes sont des pigments de couleur blanc ivoire à jaune vif. En général, un ose est lié à la molécule phénolique par un liaison glycosidique C-O-C dégradable par la chaleur ; mais dans certains cas plutôt rares, la liaison est de type C-C, et de ce fait plus résistante. La nature des sucres se liant aux flavonoïdes est aussi très diversifiée. Il se peut que l’on observe un degré encore plus élevé de complexité chez les molécules de flavonoïdes. 2) Les tanins Les tanins ont été défini comme étant des composés phénoliques solubles dans l’eau, de masse moléculaire comprise entre 500 et 3000Da. Ils ont une grande importance agroalimentaire et économique, en partie parce qu’ils sont responsables de l’astringence de nombreux fruits et légumes et de leurs produits dérivés. Les tanins sont des poly phénols capables de se lier aux protéines en solution et de les précipiter. Ainsi les premières estimations quantitatives des tanins ont utilisé leur capacité d’interaction avec des protéines telles que la gélatine. On distingue deux grands groupes de tanins, différents à la fois par leur réactivité chimique et par leur composition : les tanins hydrolysables (« galliques ») et les tanins condensés (ou pro anthocyanidines ou tanins catéchiques). Les proanthocyanidines (tanins condensés) donnent après chauffage en milieu acide une coloration rouge due à la formation d’anthocyanes. Ce sont des polymères ou des oligomères de flavanes-3-ols dérivés de la catéchine. Les plus courantes sont la (+) catéchine, la (-) épi catéchine (cacao), la (+) gallo catéchine et la (-) épigallocatéchine (thé). Contrairement aux tanins hydrolysables, ils sont résistants à l’hydrolyse. Les tanins hydrolysables, eux, sont caractérisés par le fait qu’ils peuvent être dégradés par hydrolyse chimique alcaline ou acide ; ou enzymatique. En se faisant, ils libèrent alors une partie phénolique qui peut-être soit de l’acide gallique soit de l’acide ellagique et une partie non phénolique. Les tanins hydrolysables sont abondants dans le bois de beaucoup d’arbres et arbustes qui peuvent en être une source industrielle (tanins de chênes ou de châtaigniers par exemple). Ils participent notamment à la synthèse de la lignine, mais n’ont pas un grand intérêt agroalimentaire. b) Biosynthèse A l’origine de la plupart des molécules phénoliques chez les végétaux, deux acides aminés aromatiques : la phénylalanine et la tyrosine. Par désamination, la phénylalanine donne le précurseurs immédiats des phénols : l’acide cinnamique. Ensuite vient la séquence des phénylpropanoïdes permettant la formation des principaux acides hydroxycinnamiques présents dans les végétaux sous forme d’esters ou de glucosides. Les formes métaboliquement actives des acides hydroxycinnamiques sont leurs esters avec le coenzyme A, ce qui donnera par la suite les principales classes de composés phénoliques : _voie des acides de la série benzoïque (acide gallique) par beta-oxydation. L’acide gallique combiné à des sucres simples donnera des tanins hydrolysables. _voie des esters chlorogéniques par estérification avec un acide alcool _voie des coumarines, par cyclisation interne des molécules, suivie de modifications complémentaires (glycosylation, prénylations…). _voie des lignines par réduction, formation des monolignols puis polymérisation oxydative initiée dans la paroi cellulaire par les peroxydases. _voie des flavonoïdes avec un squelette moléculaire de base à double origine : 3 molécules d’acétyl CoA forme le premier cycle (A), une molécule de 4-coumaryl CoA forme le deuxième cycle (B) et l’hétérocycle (C). Cette condensation chimique va donner naissance à la chalcone. La biosynthèse des différents groupes de flavonoïdes implique un ensemble complexe de réactions comprenant, entre autres ; des hydroxylations, des méthylations, des glycosylations, des oxydations (grandes lignes de la biosynthèse de quelques classes de flavonoïdes). Ces réactions sont induites par des enzymes du métabolisme secondaire qui sont très peu représentées parmi les protéines des organes végétaux. Elles sont en plus facilement inhibées lors du broyage et de l’extraction, par les composés phénoliques eux-mêmes qui s’y fixent de façon irréversible. Pour étudier ces enzymes, il est donc indispensable d’utiliser des tampons d’extraction contenant des pièges à phénols et d’éviter les oxydations. Ces nombreuses contraintes rendent les études enzymatiques particulièrement difficiles. On abordera, que deux exemples d’enzyme clés. Les Coenzymes A-Ligases permettent la mise en place des formes activées des acides hydroxycinnamiques avec le CoA. Elles jouent un rôle essentiel dans la diversification des composés phénoliques en intervenant dans la distribution des esters CoA vers différentes voies. La chalcone synthase (CHS) intervient aussi dans une étape clé du métabolisme, qui est celle de l’entrée dans la voie des flavonoïdes. Elle est donc à l’origine de beaucoup de molécules ayant une importance primordiale dans la vie de la plante (tels que les pigments anthocyaniques des fleurs et des fruits) ; ou dans l’utilisation agroalimentaire des plantes : tanins condensés, colorants naturels, antioxydants…la CHS est un dimère codé par une famille multi génique, dont l’expression est régulée au cours du développement de la plante par des éléments cis ou trans agissant sur le promoteur du gène. Certaines enzymes du métabolisme phénolique ont été caractérisées chez les végétaux, et parfois même les gènes ont été clonées. Nous pouvons citer les O-méthyltransférases, les glycosyltrasnférases, les hydrolases qui interviennent dans la formation des tanins condensés et des différents groupes de flavonoïdes. Les enzymes sont souvent regroupées sous forme de complexes multi-enzymatiques associés aux systèmes membranaires intracellulaires. Notons que le métabolisme phénolique est aussi dépendant des facteurs externes. Tout d’abord, la lumière ; agissant par l’intensité de son flux et par la nature des radiations émises. Elle agit directement sur l’induction de la synthèse de plusieurs enzymes du métabolisme phénoliques. Les expériences ont montré que la température intervient aussi dans ce métabolisme. Un abaissement de la température associé à un traitement lumineux adéquat induit fréquemment une accumulation des anthocyanes chez de nombreux fruits. D’autre part, des perturbations du métabolisme phénolique apparaissent suite à des traitements au froid conduisant à des brunissements. La contamination du végétal par des microorganismes pathogènes entraîne également une augmentation des teneurs en composés phénoliques correspondant à la mise en place de mécanisme de défense de la plante. c) Localisation Les polyphénols (anthocyanes, tanins, flavonoïdes) s’accumulent principalement dans les vacuoles végétales. Certains flavonoïdes (quercétine, kaempférol) peuvent également être présent au niveau du noyau et de la membrane plasmique mais toujours à de très faibles concentrations. A l’échelle tissulaire, les anthocyanes et les pigments de types flavonols, sont généralement présents dans les couches cellulaires externes des organes végétaux, en particulier les épidermes des fruits et des feuilles. Mais certains d’entre ces organes montrent cependant une accumulation des anthocyanes dans les tissus profonds (fraise, cassis). Chez les raisin rouges, on observe deux types de situation selon les cépages : soit les anthocyanes sont seulement présentes dans la pellicule des baies, soit c’est tout le fruit qui est coloré chez les variétés dites « teinturier ». Dans ces mêmes baies, les tanins sont répartis très inégalement : 21% des proanthocyanidines sont dans les pellicules, 57% dans les pépins et 1% dans la pulpe. Des différences subsistent également entre les différents organes d’une plante donnée. Ainsi, bien que l’accumulation des composés phénoliques soit importante dans les parties souterraines de la plante, certains composés y sont absents et sont au contraire, caractéristiques des organes aériens. C’est le cas des hétérosides de flavonols et des anthocyanes des feuilles et des fruits. Les facteurs génétiques conduisent aussi à des différences marquées entre les espèces et les variétés. Il en est de même pour certains paramètres physiologiques comme l’âge des organes et leur stade de maturation. Bien qu’il soit difficile d’établir des généralités, nous pouvons remarquer que dans le cas des fruits charnus, à l’exception des anthocyanes , les fortes concentrations en composés phénoliques sont présentes dans les très jeunes fruits et vont ensuite en décroissant au cours de la croissance et de la maturation. d) Rôles Des résultats récents ont attirés l’attention sur l’intervention des certains flavonoïdes dans la régulation de la stérilité mâle cytoplasmique chez les pétunia. En effet, les glycosides de flavonols normalement présents dans le grain de pollen peuvent, en cas d’absence, entraîner une incapacité de germination pouvant être levée par un apport exogène de kaempférol. Les polyphénols (anthocyanes, flavonols,…) participent aussi à la coloration de certains organes végétaux, et jouent à ce titre un rôle dans l’interaction de la plante avec son environnement biologique : les pollinisateurs assurant la dissémination des fruits et la pollinisation. Tous les composés phénoliques jouent un rôle de protection UV contre le rayonnement solaire, en particulier par rapport à leur localisation superficielle dans les tissus. D’autres rôles, plus inédits sont également à signaler. Les polyphénols peuvent assurer la transmission de signaux de reconnaissance entre des micro-organismes et les plantes, comme par exemple dans le cas de la régulation des gènes de nodulation chez les bactéries symbiotiques du genre Rhizobium faisant intervenir des flavonoïdes issus des légumineuses. II. Les goûts et les polyphénols Ce sont Les composés phénoliques qui donnent aux végétaux leurs propriétés organoleptiques. Les propriétés des polyphénols, sont elles, assez variées et liées à la structure de ces derniers. Car en effet, les molécules à l’origine des saveurs élémentaires possèdent des caractéristiques physiques, chimiques et stériques précises qui leur permettent d’accéder aux récepteurs et d’en modifier la structure de manière à entraîner un signal physiologique chez l’Homme. L’astringence et l’amertume qui représentent les propriétés les plus marquées des polyphénols, semblent liées à la taille des molécules et au nombre de noyaux phénoliques. Cependant, il semble que seuls quelques uns des composés phénoliques comme l’oléuropéine, les dérivés de la naringine et les flavanols contribuent de façon significative à l’amertume dans les produits alimentaires. L’astringence se traduit par un ensemble de sensations comprenant le dessèchement de la bouche, la rugosité des tissus buccaux, et une impression d’étirement dans les joues et les muscles du visage. Cette propriété est généralement associée aux tanins. Les sensations ressenties par la bouche de l’individu sont provoquées par diverses interactions entre polyphénols et protéines salivaires. Ces interactions provoquent, in vitro, des précipitations du complexe polyphénol-protéine ; et peuvent être réversibles ou irréversibles. Elle est théoriquement associée aux composés phénoliques portant plusieurs noyaux di- ou trihydroxyphénols, seuls capables de servir de « ponts »entre les molécules protéiques. Mais de nombreuses expériences d’analyse sensorielle ont établi que des molécules plus simples, comme certains acides phénols, les flavonols monomères ou les flavonols présentent aussi ce caractère Revenons à présent à la notion d’amertume : les exemples les plus marquants de composés phénoliques amers sont, comme précité ; l’oleuropéine, dans l’olive, et les dérivés de la naringine, qui sont impliqués dans la saveur des agrumes. Le tyrosol et les flavonols pourraient, comme les acides phénols, contribuer eux aussi à l’amertume des boissons. Cependant, il semblerait que seuls les flavonols exercent un impact significatif sur ce caractère dans le cidre ou le vin. La perception de l’amertume et de l’astringence est grandement affectée par les autres constituant dans un milieu défini. Parmi les facteurs qui interfèrent avec les polyphénols dans les aliments : l’alcool, l’acidité et d’une manière générale, la présence de substances susceptibles de modifier la viscosité ou de former des complexes avec des composés phénoliques. Par exemple, l’amertume de la catéchine dans un vin blanc augmente à mesure que la teneur en éthanol est élevée. Par contre, l’astringence du cidre diminue lorsque le degré alcoolique augmente. L’abaissement du PH ne modifie pas l’amertume des polyphénols mais il se traduit par une augmentation significative de leur astringence en solution. Les polyphénols peuvent également contribuer aux saveurs sucrée et acide. Les composés porteurs d’une fonction carboxylique présentent un goût acide, les dérivés de l’acide benzoïque sont également acides mais ils sont perçus comme amer, sucrés, astringents et piquants, à des degrés divers, suivant leur structure. Certaines molécules comme la dihydrochalcone, de la néo hespéridine ont un pouvoir sucrant remarquable (20 fois supérieur à celui de la saccharine, 1500 fois supérieur à celui du saccharose). Elles peuvent être utilisées, par exemple, comme édulcorant dans les chewing-gums et les limonades en raison de leur grande stabilité et leur capacité à masquer les saveurs amères ou salées. La suppression des goûts amers et sucrés l’un par l’autre est un phénomène bien connu (ex : le sucre dans le café). Ce phénomène est réciproque mais asymétrique, le goût sucré étant plus efficace pour masquer l’amertume. La présence de molécules sucrantes diminue la sensation de dessèchement buccal ainsi que l’astringence. En ce qui concerne les applications en agroalimentaire, l’amertume est souvent masquée par le consommateur ou l’industriel par l’addition soit de substances édulcorantes, soit d’un assaisonnement. Mais dans certains cas particuliers, comme l’olive ou le pamplemousse, l’utilisation de techniques de désamérisation s’avère indispensable. De manière générale, l’amertume et l’astringence diminuent de façon spontanée au cours de la maturation des fruits ou de la conservation des produits. Le traitement industriel de désamérisation consiste en un trempage dans une solution alcaline diluée, suivi d’un rinçage à l’eau et d’une phase de conservation en saumure, au cours de laquelle une fermentation peut se produire Un traitement biotechnologique utilisant une souche de lactobacille est envisagé en remplacement du procédé alcalin qui engendre de nombreuses modifications chimiques et physiques, notamment la perte des constituants qui contribuent à la typicité des olives de tables de qualité. III. Utilisation dans les boissons fermentées Les mécanismes mis en jeu sont communs à tous les types de boissons fermentées. Au cours des étapes de l’élaboration des boissons fermentées, une partie des composés phénoliques subit des modifications dues à l’action de diverses enzymes. Certaines enzymes sont présentes dans la matière première (enzymes endogènes), d’autres sont apportées par les micro-organismes à la surface des fruits et dans les lieux de transformations. L’action enzymatique la plus significative dans la fabrication des boissons fermentées et impliquant directement les polyphénols, est probablement celle qui catalyse leur oxydation. Les principales enzymes endogènes très largement répandues dans les végétaux alimentaires et conduisant à la transformation des composés phénoliques sont les catéchol oxydases que l’on nomme polyphénoloxydases (PPO). Leur action conduit à la formation de pigments bruns désignés comme un « brunissement enzymatique ». L’enzyme essentiellement plastidiale, peut être mise en contact des substrats phénoliques vacuolaires lors de la destruction des cellules au cours de la transformation de la matière première (pressurage de la pomme, foulage du raisin, …). Les esters d’acides hydroxycinnamiques et les catéchines sont les substrats principaux de ces enzymes, et leurs produits sont des o-quinones (molécules colorées). Ces o-quinones évoluent elles aussi en des composés pouvant également être colorés. Ils existent aussi d’autres enzymes d’oxydation des polyphénols parmi lesquelles les plus importantes sont les lactases et les peroxydases. Dans le cas du moût de raisin, l’oxydation enzymatique est importante en vinification en blanc. En revanche, l’impact de l’oxydation est très faible en vinification rouge car le pressurage s’effectue après la fermentation alcoolique, donc quand la PPO n’est plus active. Dans le cas du cidre, les effets de l’activité PPO sont très visibles. Sans leur action les cidres seraient presque incolores. Les substrats principaux des PPO sont, dans la pomme, l’acide chlorogénique et de l’épicatéchine. La couleur des cidres qui varie de jaune paille à acajou, est donc essentiellement due aux produits phénoliques des réactions avec les précédents substrats. D’autres critères tels que le pH du milieu, le rapport de concentration entre les différentes molécules phénoliques ou la présence de composés réducteurs, influencent les mécanismes de l’oxydation et donc la quantité des produits formés. Il faut savoir que des composés comme les proanthocyanidines polymérisées peuvent inhiber l’action des PPO et contribueraient par la même occasion à la régulation de l’oxydation des polyphénols. Les dihydrochalcones caractéristiques de la pomme forment aussi des produits d’oxydation sous l’action des PPO. L’ensemble de ces produits néoformés conserve des propriétés antioxydantes et serait à l’origine de la couleur des jus de pomme. Certains intermédiaires auraient même une activité antioxydante supérieure aux polyphénols endogènes. Nous pouvons citer deux autres enzymes capables de dégrader les polyphénols dans les boissons : les cinnamates décarboxylases et les hydrolases. Nombres de réactions peuvent provoquer des troubles à plus ou moins long terme dans les boissons, ce qui n’est pas acceptable d’un point de vue commercial. Plusieurs techniques ont été développées pour pallier l’apparition de troubles dans les boissons. La plupart de ces techniques reposent sur la modification des proportions relatives de tanins et de protéines, par élimination de l’une ou de l’autre des espèces. Par exemple, l’addition de protéases permet de réduire le trouble dans la bière. Mais cette technique s’est avérée inefficace dans les vins, car les protéines du raisin sont très résistantes à l’hydrolyse enzymatique. Le problème majeur des traitements protéolytique réside dans le fait que les préparations disponibles sur le marché, dégradent aussi les protéines présentant des propriétés moussantes ; c’est-à-dire, celles qui sont essentielles pour la qualité des boissons effervescentes. Des traitements impliquant l’oxydation des polyphénols par une PPO ou une laccase, se sont révélés efficace dans les cas des jus de pomme, mais entraîne des modifications de couleur inacceptables dans les jus de pamplemousse. D’autres pratiques consistant à l’addition d’adsorbants capables d’éliminer les protéines en les faisant sédimenter peuvent être utilisées. Les agents les plus utilisés sont les bentonites (argiles constituées de silicates d’alumine hydratés) et les gels de silice. Les autres adsorbants visent à précipiter les tanins (« collage ») grâce à des protéines comme la gélatine, les albumines et les caséines et la PVP (polyvinylpyrrolidone). L’addition de PVP est une pratique courante en brasserie mais l’ajustement des doses doit être très précis, étant donné que la présence de traces dans la bière peut induire une précipitation au moment de la pasteurisation. IV. Sources alimentaires et antioxydants. a) Sources alimentaires Les teneurs en polyphénols des végétaux varient selon les conditions de culture, les organes, le degré de maturité de la matière première et la préparation de celle-ci. Si on considère les flavonoides, leur concentration est maximale dans les organes jeunes et dans les couches tissulaires superficielles et aériennes, étant donné que la lumière stimule leur biosynthèse. Les flavonoides peuvent être dissous dans la vacuole, ou retrouvés au niveau de la zone épicuticulaire des feuilles et des fruits. On en trouve donc des teneurs assez élevées dans les légumes feuillés tels que les salades, choux, épinards. Au contraire, les teneurs sont plutôt faible dans les légumes tuberculeux ou racinaires comme les pommes de terre ou les carottes. Les fruits contiennent également des taux des flavonoides assez satisfaisants. Ceuxci augmentent avec la maturation. Néanmoins, au moment de la consommation, l’élimination des pelures conduit à une perte notable en flavonoides. Des flavonoides, ce sont les flavonols qui sont majoritaires dans les fruits. Seuls les agrumes présentent un large éventail des divers types de flavonoides, toujours plus ou moins méthoxylés, parfois désignés sous le terme général de citroflavonoides (C.REMESY). Notons la présence dans certains végétaux comme le soja, de flavonoïdes particuliers : les isoflavones ou phytooestrogènes appelés ainsi à cause de leurs propriétés oestrogéniques. Les anthocyanes, eux, se retrouvent essentiellement dans les baies de fruits rouges (cassis, myrtilles), les fruits rouges en général (fraises, framboises) et les raisins rouges (cf. tableau). Dans les fruits à noyau, ils sont souvent localisés au niveau de la peau, alors que dans les fruits charnus leur présence a été mise en évidence dans la peau et la chair (C.REMESY). Les anthocyanes aussi augmentent avec le degré de maturité des fruits, pouvant dans certains cas atteindre des teneurs évaluées en g/kg de poids frais. Ces pigments sont retrouvés aussi dans quelques légumes (choux rouge, radis, …). En industrie agroalimentaire, les anthocyanes sont surtout utilisées en tant que colorant alimentaire auxquels ils confèrent des teintes allant du rouge violacé au rouge cerise ; et sont utilisables dans une gamme de pH allant de 3,5 à 5,5. Les utilisations d’anthocyanes en tant que colorants alimentaires ne sont autorisés qu’à partir de fruits ou de légumes comestibles. Néanmoins, le principal inconvénient de ces colorants est leur fragilité à la lumière, à la chaleur, à l’oxydation, à l’humidité ainsi que leur sensibilité au pH qui entraîne des variations de couleur (C.Remesy). Les source alimentaires de tanins sont principalement les oligomères de flavanes apportés par les fruits, à raison d’une teneur d’environ 40 à 100mg pour 100g de masse fraîche d’après Remesy. Ces tanins sont des proanthocyanidines, ou des proanthocyanidines accompagnées de tanins ellagiques (tanins hydrolysables) ; présents au niveau des téguments des fruits incomplètement murs. Les proportions des polymères varient avec les périodes de végétation de chaque espèce. On retrouve aussi des tanins dans les épinards, les graines de céréales et le cacao, ou encore dans les boissons que sont le cidre, le vin et le thé à raison de 1g/l environ. Ces types de composés polyphénoliques jouent un rôle majeur dans l’action antioxydante chez les végétaux. b) Propriétés antioxydantes. La plus importante cause du vieillissement des produits alimentaires et cosmétiques est l’oxydation. Ces dégradations ont un effet sur les qualités nutritionnelles et sensorielles des aliments et peuvent avoir des répercutions sur la santé du consommateur, car elles sont actives de la même manière sur les tissus biologiques. Les principaux agents oxydants sont les espèces réactives de l’oxygène (O2-, 1O2, HO°, H2O2, NO°), des enzymes (lipooxygénases, peroxydases), des ions métalliques (Cui., Fer) et les peroxydes lipides qui contribuent à la formation de chaînes de radicaux libres. Ces agents attaquent les protéines, les acides nucléiques, les acides gras insaturés et les vitamines entre autres. On compte au moins cinq modes d’intervention des antioxydants : interruption de la chaîne de propagation des réactions radicalaires par chélation des métaux de transition, désactivation des espèces oxygénées réactives, inhibition de l’activité des enzymes de peroxydation, abaissement de la pression partielle de l’oxygène. Les polyphénols étant des molécules à plusieurs noyaux benzénique, cette particularité confère à la fonction phénol un caractère plus acide que les groupements alcool : elle cède donc facilement un proton H+ pour former l’ion phénoxy. La perte d’un hydrogène : proton+électron conduit à la formation d’un radical fortement stabilisé. C’est cette propriété chimique qui donne aux composés phénoliques leur caractère antioxydant. En perdant un hydrogène au profit des lipides LOO°, ils les stabilisent sous forme d’hydroperoxydes LOOH et inhibent les réactions de propagation de la chaîne d’oxydation. C’est ce mécanisme qui définit les antiradicalaires. LOO° +A-H =LOOH +A° La délocalisation de l’électron non apparié sur le cycle aromatique et l’absence de site d’attaque de l’oxygène empêchent la propagation de nouvelles réactions radicalaires. Les antioxydants sous forme A° ont aussi la possibilité de ralentir la phase de propagation en formant un produit d’addition chimiquement stable avec les radicaux lipidiques formés. Notons qu’il est important de savoir que l’effet des antioxydants est limité dans le temps car ceux-ci sont progressivement consommés ; et les réactions d’oxydation reprennent ensuite avec la même vitesse qu’en absence d’antioxydant. Il faut également savoir que l’oxydation des lipides est un phénomène irréversible, et donc l’ajout a posteriori d’antioxydant ne permet pas de revenir à l’état non oxydé. Un potentiel faible favorise l’activité antioxydante. Plus les substituants sont donneurs d’électrons, plus la rupture homolytique de la liaison O-H est facilitée et meilleure est l’efficacité. Un bon antioxydant alimentaire doit être efficace à faible concentration, facile à incorporer dans les produits, résistant aux traitements thermiques, ne pas modifier sensoriellement l’aliment et ne pas présenter de risques pour le consommateur. V. effets sur la santé humaine. Les anthocyanes sont utilisés dans de nombreuses préparations pharmaceutiques, car on leur confère énormément de fonctions biologiques. Ils sont utilisés sous forme de sels de flavylium pour la majeure partie. Les plus utilisés sont les anthocyanes de myrtilles, de raisins et de cassis, auxquels on attribue une large gamme d’applications : traitement de douleurs rhumatismales et articulaires, ulcères de l’estomac et duodénal, inflammations de la bouche et de la gorge, pathologies vasculaires et pathologies liées au métabolisme des lipides et glycérides et troubles circulatoires. Des études récentes ont été menées afin de démontrer les possibles effets des anthocyanes en ophtalmologie. Des anthocyanines ont donc été testées dans des cas de myopies évolutives et de rétinopathies. Une action très nette a été révélée sur les sujets jeunes ; chez lesquels la myopie évolutive peut-être stabilisée, voire même dans certains cas diminuée, suite à un traitement prolongé avec ces pigments. Les actions sur les rétinopathies, ont elles aussi été validées dans les cas de pathologies d’origine hypertensive ou diabétique. Il semblerait alors dans ces cas précis, que les anthocyanes agissent sur les parois vasculaires. Dans le domaine cardiovasculaires, les anthocyanes sembleraient avoir des vertus antiinflammatoires, vasoprotectives, et inhibitrices de l’agrégation plaquettaire. Ces pigments augmenteraient après administration, l’action de la PGI 2 (prostacycline humaine inhibant l’agrégation des plaquettes physiologiquement). La propriété des anthocyanes à diminuer la fragilité et la perméabilité capillaire est commune à la classe des flavonoïdes ; et a été identifiée sous le terme de vitamine P par Szent-györgyi en 1936. En ce qui concerne les propriétés antioxydantes, les études et les avancées technologiques ne cessent de révéler de nouvelles attributions aux polyphénols. Ces propriétés se retrouvent surtout chez les flavonoides, et à degré plus important chez les flavanols qui sont très présents dans des boissons comme le thé et le vin. Par exemple, la prise de vin rouge désalcoolisé ou de procyanidines de raisin augmente le pouvoir antioxydant du plasma, sans intervention sur les taux d’autres antioxydants (C.Remesy). Les flavonoïdes réagissent avec la plupart des espèces oxygénées libres. Ce sont des piégeurs des radicaux hydroxyles et peroxyles impliqués dans la peroxydation lipidique. La catéchine, elle, piège très bien l’oxygène singulet. Les flavonoides ont aussi une activité chélatrice des métaux libres pouvant être à l’origine de la production de radicaux hydroxyles. La prise en charge des espèces radicalaires s’avèrent primordiale dans les processus d’oxydation des L.D.L (Low Density Lipoproteins), car la modification oxydative est impliquée dans le développement de l’athérosclérose. L’autre corps gras réduit par la présence de polyphénols est le cholestérol. Les catéchines du thé ou les tanins du raisin inhibent l’absorption intestinale du cholestérol. On peut noter, les effets phytoestrogéniques des isoflavones. Ces polyphénols sont capables de se lier aux récepteurs des oestrogènes et de ce fait ; d’avoir une action homologue à plus faible rendement, ou d’entrer en compétition avec les oestrogènes endogènes. Ces phénomènes créés par les isoflavones pourraient empêcher la lésion génotoxique au cours de la phase d’initiation lors de la cancérogenèse. Les flavonoides inhibent la croissance de lignées cellulaires cancéreuses en bloquant les mécanismes de transduction des signaux mitogènes. Pour finir, un effet protecteur vis-à-vis de la vitamine E a été montré chez les rats. Et la plupart des polyphénols possèdent des propriétés antibactériennes et antivirales. VI. législation, consommation et biodisponibilité a) Législation Afin de valider la mise sur le marché d’un extrait phénolique, certaines questions devront être évaluées. Tout d’abord, il faudra définir si le produit phénolique est un aliment ou un médicament, car la réglementation fait une différence entre les deux. La loi française considère comme denrée alimentaire ; toute denrée, produit ou boisson destiné à l’alimentation de l’Homme. L’Union Européenne considère comme « médicament » toute substance ou préparation présentée comme possédant des propriétés curatives pour des maladies humaines ou animales. Cette définition du médicament par présentation est complétée par une caractérisation fonctionnelle : « tout produit pouvant être administré à l’Homme ou l’animal, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques. Ce type de positionnement comme médicament entraîne un régime particulier. Il faut déposer auprès des autorités compétentes une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Cela nécessite préalablement la réalisation et la présentation de tests de toxicité et d’études cliniques irréprochables. L’extrait polyphénolique qui obtient une AMM devient monopole de la pharmacie. En cas de violation de l’une ou l’autre des règles régissant ce secteur, on s’expose à des risques de poursuites pour exercice illégal de la pharmacie. Ensuite, il faut définir si le produit est un aliment traditionnel ou un « novel food ». On considère comme alimentaire, une denrée qui est communément consommée dans la région. Par opposition, un « novel food » est un aliment ou ingrédient qui n’est pas habituellement consommé dans l’Union (Européenne). Les exemples de « novel food » regroupent : -un produit animal ou végétal jamais consommé par l’Homme ; -un produit animal ou végétal consommé dans une autre région du globe, mais pas dans l’UE ; -et les OGM ou les extraits d’OGM ; principalement. Troisièmement, il s’agit de savoir si le produit est un ingrédient alimentaire à but nutritionnel ou un additif. Un ingrédient à but nutritionnel, est une denrée qui par ces qualités nutritionnelles, participe au bon fonctionnement de l’organisme. Tandis qu’un additif peutêtre définit comme étant un ingrédient à but technologique. Un additif est dénommé sous le code E suivit de son numéro (exemple E330). Sa mise sur le marché nécessite une procédure communautaire d’autorisation, car il faut apporter la preuve que le produit offre un intérêt supplémentaire à ceux préexistant et qu’il est sans danger pour la santé. En tant qu’additifs, les polyphénols peuvent être présentés sous forme de colorants alimentaires, mais encore comme antioxydants et conservateurs. Leurs principales utilisations sont les boissons, la confiserie, les préparations de fruits et les produits laitiers. En tant qu’antioxydants conservateurs ; on les retrouve dans les aliments afin d’allonger la durée de vie et d’éviter les effets indésirables tels que le rancissement et la moisissure. Les antioxydants conservateurs peuvent être classés en deux groupes : les synthétiques et les naturels Aujourd’hui, Les textes législatifs qui existent pour les nutriments ne sont pas adaptés aux polyphénols et aux antioxydants en général. Ceci, en grande partie parce que les travaux de recherche sur l’Homme ne sont pas encore aboutis, et il demeure un besoin de déterminer d’une part le niveau de consommation actuel en polyphénols et en antioxydants, et d’autre part, le niveau d’apport souhaitable. b) Consommation Les familles de polyphénols les plus présentes dans l’alimentation sont les flavonoides et les acides phénoliques. En ce qui concerne les acides phénoliques, le café reste la principale source, suivi par divers fruits, légumes et céréale. Les teneurs peuvent allées jusqu’à 2g / kg de poids frais dans la myrtille. La consommation de polyphénols est très variable en fonction des habitudes alimentaires de chacun et de la qualité des produits consommés. Dans les pays dans lesquels elle a été étudiée, la consommation de flavonols est en moyenne de 20 à 25 mg/jrs (Etats-Unis, Danemark, Hollande). En Italie, elle varie entre 5 et 125 mg/jrs avec une moyenne de l’ordre de 35 mg/jrs. Pour les autres polyphénols, on observe des consommations d’environ 80 mg/jrs en Finlande avec des valeurs pouvant atteindre 200mg/jrs dans certains foyers. La consommation de soja dans les pays asiatiques est de l’ordre 10 à 35 g/jrs, ce qui équivaut à un apport de 2540 mg d’isoflavones. Les américains et les européens, qui eux mangent peut de soja, n’absorbent que quelques mg d’isoflavones par jour La consommation d’acides hydroxycinnamiques varie beaucoup en fonction de la consommation de café. En effet, une personne buvant plusieurs tasses de café par jour, peut absorber entre 500 et 800 mg d’acides hydroxycinnamiques, alors que les personnes ne buvant pas de café et mangeant peut de fruits n’en consommeraient pas plus de 25 mg/j. En additionnant les valeurs moyennes déterminées pour les flavonols, les flavanones, les flavanols monomères, dimères et trimères ; et les isoflavones, on obtient un total de 100-150 mg/j de polyphénols consommés dans les cultures occidentales, à quoi s’ajoute les consommations d’acides hydroxycinnamiques, d’anthocyanes et de proanthocyanidines. En fin de compte, la consommation totale de polyphénols, par jour, atteint certainement un gramme pour une majorité d’occidentaux. Ce qui est beaucoup plus élevé que la consommation d’autres antioxydants alimentaires. Cependant, les polyphénols les plus abondants dans l’alimentation ne sont pas obligatoirement les plus actifs à leur entrée dans l’organisme, soit parce qu’ils sont mal absorbés ou parce qu’ils sont éliminés. c) Biodisponibilité. La majorité des polyphénols sont présents dans les aliments sous formes d’esters, de glycosides ou de polymères qui ne peuvent, dans la plupart des cas, pas être absorbés tels quels. Pour être absorbés, ces composés doivent être hydrolysés en aglycones par des enzymes intestinales ou par la microflore intestinale. Mais même dans ce cas, l’action de la microflore sur les aglycones libérés amène à des formations, par conjugaisons, d’acides aromatiques simples limités en absorption. Plus loin dans le tractus, au niveau des entérocytes, puis du foie ; les polyphénols sont conjugués à des acides glucuroniques et des sulfates. Ils peuvent aussi être méthylés ce qui permet de faciliter leur élimination par les voies biliaire et urinaire en augmentant leur hydrophilicité. Les polyphénols éliminés par voie biliaire sont sécrétés au niveau du duodénum et soumis à l’action des enzymes bactériennes, les aglycones libérés peuvent alors être réabsorbés. Il a été montré que les polyphénols peuvent également pénétrer dans certains tissus, mais leur capacité à s’y accumuler reste encore à explorer. Il est vrai que quelques études ont été menées à ce sujet, notamment sur l’animal, mais elles restent très rares et pas assez informatives. « Lorsque des doses de polyphénols radiomarqués sont administrés à des souris ou des rats qui sont sacrifiés 1 ou 6h après, la radioactivité est principalement retrouvée dans le sang et les tissus de la sphère digestive » (Mullen et al., 2002 ; Suganuma et al., 1998 ; Ueno et al., 1983). Certaines études auraient montré que les polyphénols s’accumulent dans les tissus par des mécanismes spécifiques. Par exemple, un transport actif de la morine à été caractérisé dans les cellules endothéliales, ce qui est d’autant plus intéressant que ces cellules constituent une cible potentielle pour la prévention des pathologies cardiovasculaires. « La microradiographie de tissus de rats ayant subi une administration de gallate, d’épigallocatéchine ou de resvératrol radiomarqués a permis de montrer clairement que la radioactivité était inégalement répartie entre les cellules d’un même organe (Suganuma et al., 1998 ; Vitrac et al., 2003) ». L’accumulation de métabolites était 4 fois plus importante dans la zone dorsolatérale de la prostate du rat que dans la zone ventrale de cet organe selon Kwon (2001). Il en a été de même, après 28 jours de d’administration orale de tangérétine. La répartition de cette flavone s’étant révélée inégale, tant au niveau inter tissulaire qu’au niveau intra tissulaire. Deux études ont été menées sur des concentrations tissulaires de métabolites de polyphénols dans les tissus humains. Dans l’une d’entre-elles, « il a été montré que chez des femmes consommant des isoflavones, la concentration en équol dans le sein était supérieure à celle mesurée dans le sang tandis que le phénomène inverse était observé dans le cas de la génistéine et de la daïdzéine » (Mullen et a !.,2003). Ces résultats laissent donc apparaître qu’il n’y aurait pas de relation de cause à effet directe entre les taux de polyphénols plasmatiques et tissulaires. Par la même occasion, ce phénomène remet en question la pertinence de l’utilisation des taux plasmatiques comme preuve d’une bonne ou mauvaise alimentation polyphénolique. Conclusion Il est vrai que les effets santé des polyphénols dépendent de leur niveau de consommation et de leur biodisponibilité, paramètres qui peuvent varier énormément d’un composé à l’autre. D’une façon générale, les taux de polyphénols circulants sont plutôt faibles, et ne sont maintenus qu’en ingérant régulièrement des produits végétaux. De plus, bien qu’étant très abondants dans notre alimentation, certains polyphénols sont très mal absorbés ou pas absorbés du tout, si bien que leur impact potentiel se limite au tractus digestif. Ceci, qui, constituant une étape primordiale pour comprendre les effets des polyphénols ; est rendu plus difficile par le fait que l’évaluation de chacun des paramètres dépend du polyphénol considéré. Les orientations récentes des recherches sur les polyphénols visent à mieux comprendre les mécanismes d'action au niveau moléculaire et cellulaire. Mais, les résultats des études portant sur les marqueurs du stress oxydant sont très contradictoires et ne progresseront qu'à la lumière des progrès réalisés dans la validation de ces marqueurs. L'utilisation de nouveaux outils de la génomique et de la protéomique devrait permettre l'identification de certaines cibles d'importance. Car, trop peu d'études cliniques ont encore été publiées, mais elles suggèrent un rôle protecteur vis-à-vis des maladies cardiovasculaires. Les recherches épidémiologiques visant à préciser les associations entre les niveaux de consommation des divers polyphénols et le risque de développer les pathologies permettront de préciser la nature des polyphénols et les niveaux d'apports les plus favorables à la prévention des diverses pathologies. Ces études épidémiologiques en sont encore à leurs balbutiements. Il est vrai que les progrès sont rendus difficiles par l'insuffisance des tables de compositions alimentaires pour les polyphénols. Une première table partielle vient d'être publiée aux Etats-Unis ; et une autre table plus complète est en cours d'élaboration en France. Le développement de tels outils contribuera à préciser les associations entre consommation de polyphénols et santé ; une des clés nécessaires pour l'établissement de recommandations nutritionnelles. Dans l'état des connaissances actuelles, il est illogique de recommander une augmentation des niveaux d'apports en polyphénols. Un apport excessif en polyphénols à travers notamment la consommation de suppléments nutritionnels pourrait avoir éventuellement des conséquences fâcheuses pour la santé (statut en fer, effets pro oxydants, effets goîtrogènes, etc.). Seules les recherches à venir permettront de mieux préciser les niveaux d'apport les plus favorables au maintien de la santé. En attendant, nous disposons au moins d'une certitude : la consommation de fruits et légumes a un impact très favorable sur le maintien de la santé et doit être encouragée. Résumé Les polyphénols sont issus d’une famille très variée. Ils sont composés majoritairement des 4oxo-flavonoides, des anthocyanes et des tanins, et sont présents à des teneurs variables selon les sources, les organes, les tissus et les produits végétaux; et les facteurs externes associés. Les effets santé des polyphénols dépendent de leur niveau de consommation et de leur biodisponibilité. Ils peuvent être absorbés au niveau tissulaire chez l’humain, mais bien qu’étant très abondants dans notre alimentation, ils le sont pour la plupart, très peu.Un apport excessif en polyphénols à travers notamment la consommation de suppléments nutritionnels pourrait avoir éventuellement des conséquences fâcheuses pour la santé (statut en fer, effets pro oxydants, effets goîtrogènes, etc.). Les études épidémiologiques ont montré l’intérêt d’une alimentation variée, riche en fruits et légumes, mais trop peu d'études cliniques ont encore été publiées. Néanmoins, elles suggèrent un rôle protecteur des polyphénols vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, et depuis peu, vis-à-vis des cancers. Les flavonoïdes font partis des composés polyphénoliques les plus étudiés, car ils concentrent la plus grande partie des propriétés « bénéfiques » des polyphénols : le pouvoir antioxydant, la chélation des métaux libres, les effets anti-inflammatoire, la protection des L.D.L contre l’oxydation, les effets ophtalmologiques et les activités antivirales et antibactériennes. Un des objectifs de la recherche est de parvenir à établir les preuves des effets de la consommation de polyphénols sur la santé, et d’identifier parmi les centaines de polyphénols ceux qui pourraient jouer les rôles protecteurs les plus importants, en vue de la mise en place d’une nutrition préventive. Mots-clés : effets santé – biodisponibilité – maladies cardiovasculaires – cancers – flavonoïdes - antioxydant Abstract Polyphenols are descended of a very varied family. They are compound mainly of the 4-oxoflavonoids, the anthocyanins and the tannins, and are present to the variable contents according to the springs, the organs, the textures and the vegetable products; and the external associated carriers. The health effects of the polyphenols depend of their level of consummation and their bioavailibity. They can be absorbed to human tissues, but though being very abundant in our alimentation, the most part of them is unabsorbed a few. An excessive contribution in polyphenols through notably the nutritional supplements consummation can have some of wrong consequences to the health ( statute in pro oxidizing iron, effects that don’t allow usage of iodine , etc.). The epidemiological studies showed the interest of a varied, rich alimentation in fruits and vegetables, but too little clinical studies have still been published. Nevertheless, they suggest a protecting list of polyphenols opposite the coronary heart diseases, and recently, opposite the cancers. Flavonoïds departed of polyphenolic compounds the more studied, because of their concentrate of polyphenol “beneficial” properties : antioxidizing and metal-complexing effects, anti-inflammatory effects, the protection of L.D.L against the oxidatives alterations, ophthalmological effects and antiviral and antibacterial activities. One of invesgations objectives is to establish links between polyphenols consumption effects on health, and to identify among the hundreds of polyphenols the most important ones that could play preventive roles, in order to set up a preventive nutrition. Key-words: health effects – bioavailibility – coronary heart diseases – cancers – flavonoids antioxidizing Références Bibliographiques : Ouvrages : Baelde D. (1997). Les aliments santé : nouvel enjeu de la consommation alimentaire. B 1 D, 3 :57-61 Baelde D. (1999). 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