Sciences de l'information et de la communication (SIC) Christophe Gimbert, maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication Responsable Ecole de journalisme Sciences-Po Rennes [email protected] Avant-propos : l’impact des médias Exemple : L’impact des médias sur les décisions de justice, note de l’Institut des politiques publiques, janvier 2016. L’analyse croisée des condamnations pénales et du contenu des journaux télévisés français (20h de TF1 et France 2) met en évidence l’influence du contexte médiatique sur les décisions de justice. Dans les cours d’assises, peines plus élevées au lendemain de reportages consacrés aux faits divers criminels, plus courtes après ceux traitants d’erreurs judiciaires. Réaction à l’actualité médiatique : influence de très court terme et seules les informations concernant la justice affectent les peines. Uniquement dans les cours d’assises = jurés populaires. L’expérience professionnelle serait donc un moyen de limiter l’influence des médias sur les décisions judiciaires. En détail ● ● ● ● ● En moyenne, chaque reportage sur un fait divers criminel augmente de 24 jours la durée des peines prononcées le lendemain par les cours d’assises. Chaque reportage sur les erreurs judiciaires diminue les peines prononcées le lendemain en assises de 37 jours en moyenne. Ces effets sont liés à la médiatisation et non à l’évolution réelle du nombre de faits commis. La probabilité d’être acquitté n’est pas affectée par le contenu des médias. Seules les informations relevant du domaine judiciaire ont une influence sur les peines. Avant-propos : et de quels médias ? ● Facebook, outil privilégié pour accéder à l’information Bien que Facebook se défende d’être un média, près d’un quart des internautes des Etats-unis déclarent que le réseau social fait partie des outils qu’ils utilisent le plus souvent pour accéder aux informations, qu’elles soient vraies ou inventées. Seuls deux médias historiques obtiennent un meilleur score : CNN et Fox News. ● Blog du Modérateur.com, déc 2016, étude Ipsos pour Buzzfeed US, panel de 3000 répondants, fin nov 2016 Avant-propos : et de quels médias ? Avant-propos : et de quels médias ? Avant-propos : et de quels médias ? Avant-propos : et le fact-checking ? ● ● Etude Barrera, Zhuravskaya, Guriev et Henry (Paris School of Economics et Sciences Po Paris), pendant la campagne présidentielle de 2017. 2500 électrices et électeurs soumis à de fausses infos sur les migrants venus par la Méditerranée. ● Objectif : croyances/informations/intentions de vote. ● Quatre groupes : 1/ Aucune info (groupe de contrôle) 2/ Affirmations M. Le Pen sur l’immigration 3/ Que des données officielles liés à ces affirmations 4/ Affirmations MLP + statistiques, soit « fake news et fact-checking » Avant-propos : et le fact checking ? ● ● ● ● Sur le deuxième groupe, celui des faits alternatifs MLP, les intentions de vote pour MLP sont plus élevées de 7 points que dans le groupe de contrôle 1/ Hausse identique (!!!) pour le quatrième groupe + 4,6 points dans le groupe 3 (exposé seulement aux faits). « Le fact checking corrige les connaissances réelles, mais pas les conclusions » + « impressions laissées par le message davantage que par les chiffres ». DEMANDEZ LE PROGRAMME ! Courants théoriques Auteurs majeurs Fonctionnalisme (1930's-1940's) Tchakhotine Lasswell - Foule et anomie (perte des valeurs sociales) Les médias renforcent les croyances des individus Katz Blumer Adorno Horkheimer Lazarsfeld Katz (Bureau of Applied Social Research/ Columbia) Usages et gratifications (1970-1980) École Francfort (1930's-1960's) Vision du public Les médias ont des effets forts (propagande persuasion) (Mass communicatio n research/Yale) Fonctionnalisme (1940's-1950's) Vision des médias Habermas Honneth (Institut de recherche sociale/ Francfort) Paradigme Intérêt Limites Société de masse : ce que les médias font aux gens, influence massive, effet immédiat et indifférencié, béhaviorisme - Premier courant d'analyse de la communication Groupes primaires structurés par des leaders d'opinion Effets puissants mais aussi effets limités - Notion de flux de communication Les médias répondent à des besoins Individus actifs mais vision atomisée du social Ce que les gens font des médias, idée de choix et de conscience de ces choix Les médias remplissent des fonctions pour satisfaire des besoins élémentaires On ne peut se contenter de penser que les besoins pré-existent aux médias La culture s'inscrit dans un mode de production particulier, les médias en sont un agent Constat d'un public passif, aliéné, détourné des problèmes quotidiens, mais non interrogé de façon empirique - Théorie critique des médias (marxiste, freudienne, kantienne) - industrie(s) culturelle(s) - espace public (Habermas) Les médias sont perçus, parmi d'autres, comme les agents d'une diffusion de l'idéologie dominante. Vision élitiste et décadente de la culture, distance avec la culture dite populaire, pas de sphère publique alternative - Viol des foules - Seringue hypodermique Effets variables suivant la psychologie et la situation des récepteurs - Crée un cadre conceptuel - Communication à double étage Public flou Linéarité, Absence de prise en compte du contexte Modèle positiviste, absence de vision critique du social, « faiblesse théorique » DEMANDEZ LE PROGRAMME ! Courants théoriques Auteurs majeurs Vision des médias Vision du public Cultural Studies (1970's-1990's à aujourd'hui) Hoggart, Hall Morley, Ang Radway, Fiske Jenkins Outils culturels hégémoniques (Diffuseur d'une vision dominante) - Capacité de résistance face aux « textes » (Center for contemporary cultural studies, Birmingham) Interactionnisme Pragmatisme (1950's-1970's 1990's-aujourd'hui) Becker Strauss (Ecole de Chicago) Pasquier Boullier Hennion (Centre de Sociologie de l'innovation, EHESS...) Les médias fournissent des ressources pour la construction identitaire - Identités collectives Public sur autres scènes : - identité - sociabilité - culture Paradigme Intérêt Limites - Encodage /décodage - Vision plus claire du public - Activité du consommateur - Méthodes ethnographiques (rupture avec le quanti et le spéculatif) - Prise en compte limitée de la domination culturelle - Tournant culturel, tournant de la réception - Coproduction du monde - Mondes sociaux - Amateurs de... - La culture comme activité collective - Ce que le public fait du contenu : réception - Héroïsation, relativisme culture, populisme - Risque d'enfermement dans l'empirisme micro-social DEMANDEZ LE PROGRAMME ! La télévision, ses transformations et ses publics Cours # 1 La recherche en communication « Devinette : Pourquoi la recherche en communication ressemble-t-elle à une série télévisée (grecque) ? D'abord parce qu'elle compte de nombreux pères putatifs, dont aucun ne se presse pour revendiquer la paternité ; ensuite parce que le bébé a été perdu ou kidnappé, et retrouvé longtemps après, devenu grand et séduisant, ignorant tout du fabuleux héritage qui lui revient ; enfin, parce que nous, les spectateurs, nous savons que l'on connaîtra l'identité du vrai père en se demandant quel est celui que les rejetons cherchent à éliminer. » Elihu Katz, sociologue américain, 1987 I - Genèse et institutionnalisation ● ● Irruption de la communication de masse, prise en compte progressive de la question des publics Les chercheurs de sont pas en apesanteur = contextes : historique de l'apparition de la sociologie de la communication, origine sociale des chercheurs, méthodes employées (statistiques, ethno, quantitatif, qualitatif) évolutions sociétales (hausse de la scolarité, nouveaux médias, etc.) I - Genèse et institutionnalisation ● Place des dimensions sociales dans l'histoire d'une discipline (R. Boure, 2006), laquelle est la combinaison de : - histoire des idées - histoire de la pensée - théories scientifiques Genèse et institutionnalisation ● ● ● Les sciences humaines et sociales (SHS), dont font partie les SIC, sont cumulatives : nouvelles perspectives et différentes manières de voir le monde L'information-communication est une discipline/ interdiscipline construite autour d'un objet : la communication et ses effets sur la société Discipline récente, liée au développement de la communication et de ses métiers II - Différentes visions de la communication ● Les SIC tentent de cadrer (Bougnoux, 1993) : - transformations des médias, - développement incessant des nouvelles technologies - essor des relations publiques en général ● Elles examinent les conditions pratiques (l'outillage médiatique, institutionnel et symbolique) Aux frontières des savoirs ● ● Les SIC s'articulent autour d'un noyau dur d'études autour de la logique des médias Logique des médias : attention au terme ! Il renvoie à l'histoire des techniques du traitement et de la transmission des messages et à l'examen du média ou de l'outil de transmission (téléphone, imprimerie, télévision, réseau Internet), sous toutes ses facettes. ● ● ● ● sémiologiques (quel type de signes utilise tel média ?) pragmatiques (comment les s'emparent-ils des messages ?) usagers imaginaires (identifications ou projections ?) systémiques (comment nous possédons des médias qui nous possèdent ?) Différentes visions de la communication ● ● Visions opposées (Dacheux, ) : la communication comme source de compréhension (com normative) ou source de manipulation (com fonctionnelle). Les SIC peuvent mettre à distance ces deux visions Pour Wolton (1997), trois manières de penser les rapports entre communication et société, trois sens à donner à la communication Visions de la communication ● ● ● ● La communication est d'abord une expérience anthropologique fondamentale (COMMUNICATION DIRECTE) La communication est aussi l'ensemble des techniques de communication (COMMUNICATION TECHNIQUE) La communication est devenue une nécessité sociale fonctionnelle pour des économies interdépendantes (COMMUNICATION SOCIALE) La notion d'interaction lie ces trois niveaux de communication Significations de la communication ● ● Communication fonctionnelle : moyen et capacité de diffusion et de transmission d'un message (persuasion). But : efficacité du moyen Communication normative : l'idéal que chacun se ferait de la communication (implicitement bonne). Volonté d'échanger, pour partager quelque chose en commun et se comprendre. Permet la compréhension mutuelle et la vie en collectivité. ● ● Communication fonctionnelle et normative sont deux conceptions différentes de la communication. C’est pourquoi, elles ont donné lieu à des théories divergentes L'idée de Wolton, c'est que les deux types de communication coexistent, qu'on ne peut aliéner la communication aux seuls principes de la communication fonctionnelle Exemples Communication fonctionnelle : Shannon et Weaver (1949) ils proposent le concept de la communication télégraphique. Quatre variables : un émetteur, un message, un canal de communication et un récepteur. Selon cette théorie, communiquer consiste à créer un message et à le diffuser à des destinataires via des canaux de communication. Si la communication ne fonctionne pas c’est qu’il y a du bruit : le message n’est pas assez bien fait ou le canal de communication n’est pas assez performant. Exemples Communication normative : L’École de Palo Alto conceptualise la communication d’une toute autre manière, en se basant beaucoup plus sur les idéaux de la communication normative. Ses chercheurs (Bateson, Paul Watzlawick…) ne focalisent plus la communication sur le message et les « tuyaux » mais sur les relations humaines. Pour eux, la communication ce n’est pas que le message mais c’est aussi et surtout ce qu’il y a autour. C’est le sens de la fameuse phrase de Watzlawick : « On ne peut pas ne pas communiquer »