Juin 2015 Diagnostic Update La protéine amyloïde sérique A : un biomarqueur sensible pour la détection des réactions inflammatoires du cheval et du chat L‘identification comme le suivi des processus inflammatoires représentent souvent un défi en médecine vétérinaire. Les symptômes cliniques sont la plupart du temps non spécifiques et les modifications causées par l‘inflammation au sein de l‘organisme ne sont pas toujours détectables lors de l‘examen clinique général. La détection d‘une concentration élevée de protéine amyloïde sérique A (SAA) dans le sang permet non seulement de déceler une inflammation systémique, mais aussi d‘assurer un suivi fiable de l‘évolution et de la thérapie. Il s‘agit en outre d‘une analyse facile à intégrer à l‘examen clinique. Endotoxine Agent pathogène Traumatisme/lésion Cancer Lésion tissulaire et activation Monocyte Stroma Endothélium Leucocytes Activation La réaction de phase aiguë La réaction de phase aiguë (RPA) est constituée d‘une cascade très complexe de réactions immédiates déclenchées par l‘organisme en réponse à des lésions tissulaires. Il s‘agit d‘un mécanisme de défense inné qui va dans le sens d‘une réponse non spécifique aux lésions tissulaires. La RPA est déclenchée par diverses causes comme une infection bactérienne, virale ou parasitaire, un processus néoplasique, un traumatisme, une brûlure, etc. Les cellules et les tissus endommagés libèrent des médiateurs (acide arachidonique ou radicaux libres oxygènés par exemple) qui conduisent à l‘activation des monocytes, des macrophages et du stroma. Ceux-ci produisent à leur tour des médiateurs de l‘inflammation, notamment des cytokines (IL-1, IL-6 ou TNF-α) qui ont un effet endocrine et paracrine local, et propagent la RPA dans l‘organisme. C‘est à la fin de cette cascade de réactions que sont produites les protéines de phase aiguë (PPA) (fig. 1). La RPA vise à éliminer la cause du phénomène nocif, à favoriser le processus de guérison et à rétablir l‘homéostasie. Les protéines de phase aiguë Les protéines de phase aiguë (PPA) sont principalement synthétisées par les hépatocytes. En cas de RPA, leur concentration varie d‘au moins 25 % par rapport au niveau basal. Les PPA remplissent différentes fonctions parmi lesquelles: activation du complément et phagocytose par opsonisation des agents infectieux, chimiotactisme des monocytes, des neutrophiles et des cellules T, modulation de la réaction inflammatoire, etc. Muscle Dégradation tissulaire Moelle osseuse Leucopoïèse Cytokines (IL-1, IL-6, TNFα) Hypothalamus Fièvre Axe HPA Inhibition Cellules de Kupffer Cortisol Glandes surrénales Cortisol Cortisol Tissu extra-hépatique, épithélium par exemple Hépatocytes Les protéines de phase aiguë Fig. 1 : représentation schématique de la réaction de phase aiguë En cas de RPA, la concentration de certaines PPA peut augmenter ou diminuer. Elles sont par conséquent réparties en deux groupes: les PPA positives et les PPA négatives. Dans le cadre d‘une RPA, les PPA positives peuvent à nouveau être divisées en deux catégories selon leur dynamique et leur concentration sérique (tableau 1). Les protéines de phase aiguë positives peuvent être soit majeures soit modérées, en fonction de l‘espèce animale considérée. La protéine amyloïde sérique A est une PPA majeure chez le cheval comme chez le chat. Les protéines de phase aiguë positives : Leur concentration sanguine augmente en cas de RPA. Ce groupe rassemble la plupart des PPA (notamment la SAA et le fibrinogène). Les protéines de phase aiguë majeures • Chez les sujets sains, les concentrations sanguines sont très faibles. • Au cours de la RPA, ces concentrations augmentent d‘un facteur 10 à 100, voire 1000, comme c‘est le cas par exemple de la SAA chez le chat ou le cheval. • L‘augmentation est rapide (fenêtre de 12 à 24 h) et une diminution s‘observe après quelques jours. Les protéines de phase aiguë modérées • Chez les sujets sains, les concentrations sanguines sont déjà plus élevées. • Au cours de la RPA, ces concentrations augmentent d‘un facteur 2 à 10 ; c‘est notamment le cas du fibrinogène. • Les concentrations augmentent moins vite et stagnent plus longtemps. Les protéines de phase aiguë mineures Leurs concentrations augmentent d‘un facteur inférieur à 2. Les protéines de phase aiguë négatives : leurs concentrations sanguines diminuent au cours de la RPA ; c‘est par exemple le cas de l‘albumine. Tableau 1 : les catégories de protéines de phase aiguë Les protéines de phase aiguë comme biomarqueurs La protéine amyloïde sérique A chez le cheval La détection des PPA et d‘autres paramètres comme marqueurs permettant d‘évaluer les processus inflammatoires fait depuis de nombreuses années l‘objet de recherches et a déjà été appliquée en médecine humaine et vétérinaire. Le biomarqueur idéal des réactions inflammatoires doit : • présenter des caractéristiques permettant une évaluation fiable et dynamique de l‘état du patient, • présenter une concentration sérique très faible chez le sujet sain et, si possible, ne pas être influencé par des facteurs intrinsèques comme le sexe ou la race, • indiquer une réponse mesurable rapide et marquée, en rapport avec le déroulement de l‘inflammation (i.e. paramètre fiable pour le suivi thérapeutique), • être facilement mesurable. Infections bactériennes et virales : la concentration sanguine de SAA augmente quelques heures à peine après le début de l‘infection. Cette augmentation est plus forte pour les infections bactériennes que pour les infections virales. Le niveau La protéine amyloïde sérique A comme biomarqueur des processus inflammatoires La protéine amyloïde sérique A (SAA) est un biomarqueur sanguin sensible des lésions tissulaires et des réactions inflammatoires. Sa concentration montre un comportement très dynamique en relation avec le degré d‘inflammation et de lésion. Comparée à d‘autres PPA comme le fibrinogène, la SAA est un paramètre représentatif de l‘inflammation plus pertinent car en cas de RPA, sa concentration augmente de manière plus rapide et plus marquée. Cette augmentation est directement liée à l‘ampleur de la lésion tissulaire ou de l‘inflammation et reflète son évolution. En outre, la SAA a une demi-vie très courte et est dégradée par la clairance hépatique en 30 minutes à 2 heures après synthèse. Ainsi, sa concentration diminue très vite dès le début de la récupération. En cas de récidive ou de complication secondaire, (infection post-chirurgicale par exemple), la concentration de SAA augmente à nouveau. Les tableaux 2 (cheval) et 3 (chat) récapitulent les pathologies et troubles où une augmentation de la concentration de la SAA peut être observée. Augmentation de la concentration sérique de SAA dans divers processus et pathologies du cheval Pathologie Infections bactériennes Arthrite septique Septicémie du poulain Pneumonie (Rhodococcus equi) Gourme Abcès Infections post-chirurgicales Infections virales EHV-1 (poulain, cheval adulte) Virus de la grippe Tractus gastrointestinal Colique Diarrhée et entérite Péritonite Parasitose Reproduction Mise bas (augmentation physiologique chez la jument) Avortement septique Avortement de cause inconnue Poulains (autres causes) Rétention de méconium Syndrome de désadaptation Mise bas difficile (traumatique) Post-opératoire Castration Laryngoplastie Ovariectomie Arthroscopie augmentation due à une intervention chirurgicale sans complications) Tableau 2 d‘augmentation de la concentration de SAA ne donne aucune indication sur l‘agent pathogène. Le suivi de l‘évolution de cette concentration permet toutefois un suivi thérapeutique chez certains patients. En outre, en cas d‘infection épizootique dans l‘écurie (EHV S. equi equi), la détermination de la concentration de SAA peut servir à la détection des cas d‘infection subclinique. En cas d‘inflammations focales (abcès intra-abdominal par exemple), la concentration de SAA peut éventuellement rester dans la plage des valeurs usuelles. Pathologies néonatales : une augmentation de la concentration sanguine de SAA chez le poulain nouveau-né peut indiquer aussi bien une infection aiguë que chronique ou une septicémie. Il y a cependant des études contradictoires concernant la concentration sanguine de SAA en cas de transfert passif inadéquat, d‘isoérythrolyse, de syndrome de désadaptation ou de rétention du méconium. En cas d‘infections focales (abcès ombilical par exemple), la concentration de SAA peut rester dans la plage des valeurs usuelles. Interventions chirurgicales : une augmentation biphasique de la concentration de SAA postopératoire a été rapportée chez le cheval. La longueur de l‘incision et l‘ampleur des lésions tissulaires dues à la chirurgie influent sur la réaction inflammatoire physiologique. Après une castration, la concentration de SAA maximale est observée deux ou trois jours après l‘intervention ; une deuxième augmentation peut survenir après 4 à 5 jours. Une augmentation persistante de cette concentration peut indiquer une infection postopératoire. Maladies respiratoires : une augmentation de la concentration de SAA a été rapportée chez le cheval dans certaines maladies infectieuses des voies respiratoires (tableau 2). Il n‘a toutefois pas été clairement établi si les maladies respiratoires d‘origine allergique ou à médiation immune s‘accompagnent ou non d‘une telle augmentation. Amyloïdose : les processus inflammatoires récidivants accompagnés d‘une augmentation de la concentration de SAA peuvent conduire à une amyloïdose systémique réactive. Cette maladie peut conduire à la mort de l‘animal. La sécrétion de PPA (SAA par exemple) est une réaction non spécifique survenant en cas de RPA. La concentration de SAA sert au suivi de la réaction inflammatoire dans l‘organisme ; elle ne permet cependant pas de poser un diagnostic étiologique spécifique. Il convient d‘éviter de faire travailler le cheval durant la phase de convalescence si la concentration de SAA n‘est pas revenue dans la plage des valeurs usuelles. Quels sont les facteurs pouvant influer sur la concentration de SAA chez un cheval en bonne santé ? Le sexe : la concentration de SAA chez le cheval ne varie pas en fonction du sexe de l‘animal. L‘âge : en principe, l‘âge n‘a aucune influence sur la concentration de SAA chez le cheval. Il existe toutefois des études contradictoires quant à une augmentation légère au cours des 2 premières semaines de vie. Celle-ci débuterait 72 heures après la mise bas, probablement en réponse aux processus inflammatoires liés à la naissance et à l‘effort physique qu‘elle représente, ou au transfert de SAA via le colostrum. Il convient donc de considérer d‘un œil critique les légères augmentations de la concentration de SAA chez le nouveau-né au cours de la période mentionnée ci-dessus ; la détermination de la concentration à intervalles réguliers peut être une aide précieuse pour mieux cerner l‘état de santé du poulain. La gestation : la concentration de SAA chez la jument peut augmenter légèrement vers la fin de la gestation, pour des raisons physiologiques. La concentration diminue de nouveau environ 1 mois après la mise bas. La concentration de SAA ne peut pas être utilisée pour poser un diagnostic de gestation. La protéine amyloïde sérique A chez le chat Infections : quel que soit l‘agent pathogène en cause, une infection peut conduire à de très fortes concentrations de SAA. Même si l‘on admet que les infections bactériennes provoquent des hausses plus importantes que les infections virales, des augmentations particulièrement fortes ont été rapportées chez les chats atteints de péritonite infectieuse féline cliniquement déclarée. Inflammations : les essais d‘induction expérimentale aussi bien que les études cliniques ont montré que différents types d‘inflammations systémiques conduisent chez le chat à une augmentation importante de la concentration de SAA. Dans un rapport de cas portant sur un chat atteint de pancréatite aiguë nécrosante, la concentration de SAA était corrélée à l‘évolution clinique et plus exactement à la récidive de la maladie. Elle s‘avérait supérieure à la numération leucocytaire Augmentation de la concentration sérique de SAA dans divers processus et pathologies du chat Pathologie Inflammation Pancréatite Traumatisme/lésion Intervention chirurgicale Études expérimentales Lipopolysaccharide bactérien, essence de térébenthine Maladie virale PIF Processus néoplasique Tumeur à cellules rondes Mésothéliome malin Carcinome Sarcome Endocrinopathie Hyperthyroïdie Diabète sucré Autres Maladie polykystique Néphropathie chronique Maladie des voies urinaires inférieures du chat Tableau 3 Diagnostic Update totale ainsi qu‘à l‘immunoréactivité trypsinogène sérique comme paramètre pour l‘évaluation de l‘état du patient. Les sujets atteints de gastroentérite et de bronchopneumonie ne montrent que peu ou pas d‘augmentation de la concentration de SAA. Toutefois, le nombre de cas est trop faible pour permettre une généralisation. La formation d‘un foyer focal et la chronicité des maladies sont des causes possibles. En cas de maladie hépatique d‘origine inflammatoire, on considère que l‘absence d‘une forte augmentation de la concentration de SAA est due à une capacité de synthèse limitée. Processus néoplasiques : chez certains chats atteints de tumeurs, on peut observer une forte augmentation de la concentration de SAA. Ce phénomène a été observé pour les carcinomes, les sarcomes, les mésothéliomes malins et les lymphomes. Interventions chirurgicales : des études ont montré que chez les chats pour lesquels le type exact de castration n‘a pas été spécifié, ainsi que chez les chats ayant subi une ovariohystérectomie, on observe une augmentation de la concentration de SAA entre 3 et 6 (voire 8) heures après l‘opération ! Les pics de concentration interviennent à 21 – 24 heures et 48 heures respectivement après l‘opération ; puis la concentration diminue de nouveau pour revenir dans les valeurs usuelles le quatrième jour après l‘intervention. On considère donc que chez le chat aussi, une augmentation persistante de cette concentration peut indiquer une infection postopératoire ou une complication. Autres : il est également possible d‘observer une augmentation de la concentration de SAA chez les chats atteints d‘endocrinopathies (hyperthyroïdie, diabète sucré par exemple) et d‘autres maladies non inflammatoires (néphropathie chronique, polykystose rénale). On considère que l‘augmentation de la concentration de SAA est en fait causée par des infections sous-jacentes et/ou des lésions de l‘endothélium vasculaire. En médecine humaine, Test IDEXX de la protéine amyloïde sérique A Espèces : chat, cheval Échantillon : 0,3 ml de sérum (aucun plasma) Durée du test : 1 jour après réception de l‘échantillon au laboratoire Méthode : test d’agglutination au latex Disponible en test individuel et en tests additionnels aux bilans. une élévation du taux d‘interleukine 6 a été observée chez les patients atteints d‘hyperthyroïdie et de polykystose rénale. En outre, il a été établi que la SAA est libérée non seulement par le foie, mais aussi par d‘autres organes comme les reins et la thyroïde. Amyloïdose : la SAA est le précurseur de l‘amyloïde A et peut jouer un rôle dans le développement d‘une amyloïdose systémique. Des études antérieures évoquent des chats abyssins atteints d‘amyloïdose simple et présentant des concentrations de SAA plus élevées que celles observées chez des sujets sains de même race ou des sujets malades de race différente. Quels sont les facteurs pouvant influer sur la concentration de SAA chez un chat en bonne santé ? Le sexe : les études existantes font état de résultats contradictoires quant à l‘influence du sexe sur la concentration de SAA. La plupart n‘établissent pas de différence liée au sexe ou n‘évoquent pas explicitement cet aspect. Une seule étude a mis en avant un taux de SAA plus élevé chez les femelles malades. Il n‘est pas possible de tirer de conclusion quant à des concentrations généralement plus élevées chez les femelles saines. L‘âge et la race : une étude a mis en avant des concentrations de SAA plus élevées chez le chat âgé (de plus de 5 ans) par rapport au chat jeune et en bonne santé. Toutefois, leur état de santé n‘avait été établi qu‘à partir des antécédents et d‘un examen clinique. Les auteurs ne peuvent donc exclure que les différences de concentration observées soient causées par une plus grande incidence des maladies subcliniques dans le groupe des animaux plus âgés. À ce jour, aucune étude ne s‘est penchée sur une éventuelle différence de concentration de SAA entre les différentes races chez le chat sain. La gestation : il n‘existe pour le moment aucune étude sur la concentration de SAA pendant les différentes étapes de la gestation chez le chat. Autoren Dr. med. vet. Anastasios Moschos, Vétérinaire Responsable grands comptes cheval Consultant scientifique Vétérinaire FEI IDEXX Laboratories Dr. med. vet. Stephanie Nather, Vétérinaire Vétérinaire spécialisée dans les petits animaux Responsable grands comptes petits animaux Consultante scientifique, IDEXX Laboratories Documentation sur demande par e-mail à l’adresse [email protected] IDEXX Diavet AG Schlyffistrasse 10 8806 Bäch (SZ) www.idexx.ch Conseil spécialisé Tel: 044 786 90 20 Tous les noms de marque cités sont la propriété d’IDEXX Laboratories, Inc. ou de sociétés affiliées aux États-Unis et/ou dans d’autres pays. La déclaration de confidentialité d’IDEXX peut être consultée sur le site www.idexx.ch © 2015 IDEXX Laboratories. Inc. Tous droits réservés · 1505007-0615-CH/FR Dr. Cécile Rohrer Kaiser Dipl. ACVIM, ECVIM-CA Tel: 044 380 28 61 Fax: 044 380 28 62 [email protected]