MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU Les cyanobactéries et leurs toxines Cécile Bernarda,* RÉSUMÉ SUMMARY Une des conséquences des déséquilibres du fonctionnement des écosystèmes aquatiques est l’apparition d’efflorescences de micro-organismes photosynthétiques dont l’étendue et la fréquence sont actuellement en augmentation. Parmi ces micro-organismes, les proliférations de cyanobactéries perturbent non seulement le fonctionnement des écosystèmes aquatiques par la biomasse qu’elles génèrent mais elles présentent des risques sanitaires lorsqu’elles produisent des toxines. Les cyanobactéries sont des procaryotes qui présentent une grande diversité de formes et de tailles regroupée en trois grands types : i) unicellulaire, ii) coloniale et, iii) filamenteuse pluricellulaire. Une autre caractéristique des cyanobactéries est la diversité des métabolites qu’elles synthétisent. Parmi ces métabolites, les cyanotoxines sont particulièrement importantes, regroupées selon leurs effets toxiques en hépatotoxines, neurotoxines et dermatotoxines. Les hépatotoxines sont les toxines les plus fréquemment rencontrées dans l’environnement mais le nombre de cyanobactéries neurotoxiques est en constante augmentation. Divers mécanismes sont impliqués dans la production de toxines par les cyanobactéries allant de l’échelle moléculaire aux facteurs de contrôle à l’échelle des écosystèmes ce qui rend problématique la prédiction du niveau toxicité associé à une efflorescence de cyanobactéries. Ces mécanismes font intervenir entre autres, les variations de biomasse de cyanobactéries, la diversité génétique des populations, la diversité des variants de toxines et l’état physiologique des cellules. L’interdépendance de ces mécanismes entre eux et les facteurs environnementaux les contrôlant sont complexes. Ainsi, les niveaux de toxicité observés in situ sont très variables ce qui rend difficile la gestion du risque induit par le potentiel toxique et la toxicité des cyanobactéries. Afin de gérer au mieux les risques associés aux cyanobactéries et aux cyanotoxines, dans un contexte de fréquentations des plans d’eau par les populations humaines, des mesures de gestion sont proposées afin d’allier au mieux usages et risques des plans d’eau ou des rivières. Cyanobactéries – cyanotoxines – écologie microbienne – ressources en eau – santé des écosystèmes – santé publique 1. Introduction L’eau douce est une ressource indispensable à la vie, notamment pour les populations humaines. L’enjeu majeur vis-à-vis de cette ressource concerne le maintien de sa disponibilité tant en quantité qu’en qualité au titre des services UMR7245 CNRS-MNHN Molécules de communications et adaptation des micro-organismes Muséum national d’Histoire naturelle 57, rue Cuvier 75231 Paris cedex 05 Cyanobacteria and cyanotoxins One of the consequences of environmental and human perturbations on aquatic ecosystems is the increase of blooms of photosynthetic microorganisms (in freshwater and marine ecosystems), which extent and frequency are currently increasing. Among these microorganisms, cyanobacterial blooms strongly affect the aquatic ecosystems functioning by the biomass they produce and through the possible production of toxins. Cyanobacteria are microorganisms that belong to the kingdom of bacteria. They have a wide variety of shapes and sizes, grouped into three main types : i) unicellular ii) colonial and iii) filamentous multicellular. Cyanobacteria produce a large variety of molecules and metabolites including toxins. They are grouped into three main families according to their toxic effects : hepatotoxins, neurotoxins and dermatotoxins. Hepatotoxins are most frequently encountered in the environment, but the number of species producing neurotoxins is in constant increase. Various mechanisms are involved in toxin production by cyanobacteria. They involve, among others, the change in biomass of cyanobacteria, the genetic diversity of populations or species, the diversity of variants of toxins and the physiological state of cells. The interdependence of these mechanisms and the environmental factors controlling them are complex. Thus, levels of toxicity observed in situ are highly variable making it difficult to manage the risk posed by the toxic potential and toxicity of cyanobacteria. In order to better manage the risks associated with cyanobacteria and cyanotoxins in the context of human population’s exposition (e.g. bathing, sealing, fishing, drinking water…), management measures are proposed to combine the best uses and risks of freshwater water ecosystems. Cyanobacteria – cyanotoxins – microbial ecology – freshwater resources – ecosystems and human health. a * Correspondance [email protected] article reçu le 5 novembre 2013, accepté le 14 décembre 2013. © 2014 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. et usages multiples qu’elle offre. Indépendamment des influences humaines, les propriétés des systèmes aquatiques sont gouvernées par des lois biologiques, chimiques et physiques reliées de multiples façons qui en définissent la quantité et la qualité. Mais les eaux de surface sont particulièrement vulnérables à l’anthropisation liée à l’augmentation des apports en nutriments et polluants (e.g. rejets urbains, activités agricoles, élevage…). Ainsi, les activités humaines se superposent aux processus naturels en les modifiant et en provoquant des ruptures REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 53 Figure 1 – Distribution des cyanobactéries au sein de l’arbre du vivant. Modifié d’après Cracraft et Donoghue, 2004. Quelques genres de cyanobactéries sont représentés par des photographies. Source A. Couté, C. Duval et C. Bernard, MNHN. de leurs équilibres (Water in a changing World, 2009 UN WWD Report n° 3). Une des conséquences de ces déséquilibres dans les écosystèmes aquatiques est l’apparition d’efflorescences de micro-organismes photosynthétiques (e.g. les cyanobactéries) dont l’étendue et la fréquence sont actuellement en augmentation [1]. Ces efflorescences constituent une nuisance au regard des risques sanitaires qu’elles engendrent en raison de leur capacité, parfois, à produire des toxines. 2. Les cyanobactéries : origine, nature et diversité morphologique 2.1. Définition Les cyanobactéries appartiennent au règne des bactéries dans l’arbre du vivant (figure 1). Ce sont des organismes phylogénétiquement anciens, de type procaryotes Gramnégatifs, vivant dans un large éventail d’écosystèmes [2]. Morphologiquement, les cyanobactéries sont très diverses allant des petites formes unicellulaires (formant le picoplancton, dont la taille est inférieure à 2-3 μm), jusqu’aux 54 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 formes de plus grandes tailles, coloniales, filamenteuses ou ramifiées. Certains groupes ont des cellules spécialisées comme par exemple les hétérocytes (lieu de fixation de l’azote atmosphérique, N2) et les akinètes (considérées comme des spores). Les cyanobactéries ont la particularité de présenter des propriétés communes à la fois aux organismes photosynthétiques eucaryotes (appelées communément « les microalgues ») et/ou aux bactéries. Les caractéristiques communes aux cyanobactéries et aux bactéries sont : i) l’absence de membranes nucléaire et plastidiale, de mitochondries, de réticulum endoplasmique et de dictyosome et, ii) la présence d’une paroi cellulaire caractéristique des bactéries Gram- comprenant de la muréine) [3]. Comme les microalgues eucaryotes, les cyanobactéries possèdent de la chlorophylle a et deux photosystèmes (les photosystèmes I et II). Elles utilisent l’eau comme donneur d’électrons et font une photosynthèse productrice d’oxygène. Elles possèdent des pigments photosynthétiques particuliers, communs à certaines algues (e.g. les Rhodophytes ou les Cryptophytes) appelées les phycobiliprotéines. Certains genres de cyanobactéries ont aussi de vraies ramifications et des jonctions cellulaires permettant les échanges de cellule à cellule. MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU Figure 2 – Échelle des temps géologiques et émergence des cyanobactéries. Adapté de Cavalier-Smith, 2010. Ma : milliard d’années. 2.2. Origine évolutive des cyanobactéries D’un point de vue systématique, les cyanobactéries représentent un groupe évolutif monophylétique au sein des eubactéries [4]. Les nombreuses phylogénies réalisées à l’aide de différents marqueurs montrent que ces organismes ont été un des premiers groupes à diverger au sein de la lignée bactérienne ancestrale [5]. Ce groupe a en effet une origine très ancienne et serait apparu juste après les bactéries mésophiles réductrices de sulfates (figure 1). Leur origine évolutive reste cependant sujette à controverse. Diverses études utilisant des traces fossiles proposent que les cyanobactéries soient apparues il y a 3,5 milliards d’années [6]. Mais une analyse plus récente, combinant des données paléobiologiques et des comparaisons phylogénétiques, datent l’apparition des cyanobactéries de la fin de l’archéen, il y a 2,7 milliards d’années (figure 2). À la période précambrienne (2,50,5 milliards d’années), les cyanobactéries ont constitué l’essentiel de la biomasse vivante et ont permis alors un accroissement du taux d’oxygène et une diminution du taux de CO2 de l’atmosphère terrestre. Un héritage vivant de cette « Ère des cyanobactéries » est constitué par les stromatolithes (figure 3) que l’on retrouve par exemple en Australie (Shark bay). Les cyanobactéries jouent encore à l’heure actuelle un rôle majeur dans le cycle de l’oxygène. En effet, selon la théorie endosymbiotique, elles seraient à l’origine des organelles spécialisées dans la photosynthèse chez les eucaryotes que sont les chloroplastes [7]. 2.3. Classification taxonomique des cyanobactéries La classification des cyanobactéries, d’un point de vue taxonomique, est gouvernée par deux codes : 1) le Code international de nomenclature botanique (ICBN « Code of Figure 3 – Stromatolithes en formation (Shark bay, Australie). © A. Couté, MNHN. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 55 Tableau I – Classification des cyanobactéries et correspondance entre le Code international de nomenclature botanique [10] et le Code international de nomenclature des procaryotes [11]. Code international de nomenclature des procaryotes Code international de nomenclature botanique Section I, II O/Gloeobacterales Synechococcales Formes unicellulaires, coccoïdes ou coloniales. Multiplication des cellules par scissiparité et/ou formation d’exospores. Disposition radiale des thylacoïdes. Section II Chroococcales Formes coloniales. Multiplication par division. Section III Pseudanabaenales, Oscillatoriales Formes filamenteuses unisériées, sans différenciation cellulaire (hétérocytes et akinètes), sans ramification, avec une division cellulaire perpendiculaire à l’axe du filament. Section IV Nostocales Formes filamenteuses avec différenciation cellulaire (hétérocytes et akinètes). Division cellulaire en un seul plan. Section V Stigonematales Formes filamenteuses avec différenciation cellulaire (hétérocytes et akinetes), et des ramifications (vraies ou fausses) et une division cellulaire en plusieurs plans. Brève description Les formes principales de cyanobactéries sont illustrées figure 4. Figure 4 – Principaux plans d’organisation des cyanobactéries. botanical nomenclature ») [8] et le Code international de nomenclature des procaryotes (ICNP « International code of nomenclature of prokaryotes ») [9]. La classification botanique est basée sur la morphologie des cellules, la présence d’enveloppes ou de gaines, le type de division cellulaire et des données de phylogénétique moléculaire. La classification d’Hoffman et ses collaborateurs de 2005 est l’une des propositions les plus récentes ; elle reconnaît 6 ordres, 30 familles et plus de 250 genres [10]. La classification des procaryotes considère les caractéristiques morphologiques et certaines propriétés physiologiques, cytologiques et biochimiques de cultures de cyanobactéries axéniques ; elle n’est pas basée sur le concept d’espèce [11-13]. Cependant, ces deux classifications reconnaissent les mêmes sections ou ordres (tableau I) et les différences se situent principalement dans les taxons inférieurs (e.g. le niveau de l’espèce). La systématique des cyanobactéries est en perpétuel remaniement et l’on peut s’attendre à d’autres changements dans les prochaines années avec l’avancement des techniques de génomique et de bioinformatique [14, 15]. 2.4. Diversité morphologique et principales caractéristiques fonctionnelles 2.4.1. Diversité morphologique Adapté de Couté et Bernard, 1999 ; Couté et Leitao, 2005. 56 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 Les cyanobactéries présentent une grande diversité de formes et de tailles (figure 4). Elles sont cependant regroupées en trois grands types d’organisation morphologique : i) unicellulaire, ii) coloniale et, iii) filamenteuse pluricellulaire. Les cyanobactéries unicellulaires peuvent présenter des formes de type sphérique, cylindrique ou encore ovoïde. La multiplication cellulaire de ces individus se fait par fission binaire [16]. Les organismes présentant ce type de morphologie et ne formant pas de colonies sont généralement des picocyanobactéries dont la taille est < à 2-3 μm (e.g. Synechococcus). Les formes unicellulaires peuvent également former des agrégats au MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU Figure 5 – Représentation schématique de l’organisation d’une cellule végétative de cyanobactérie. 2.4.2. Diversité cellulaire En plus des cellules végétatives non différenciées, la présence de formes cellulaires spécialisées ajoute à la diversité des formes et des fonctions présentes chez les cyanobactéries. Ces types cellulaires regroupent i) les hétérocytes, qui ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique N2, ii) les akinètes, qui sont des formes de résistance ou des spores et, iii) les hormogonies, les baeocytes, les nanocytes et les mégacytes, qui sont des formes de dispersion chez certaines cyanobactéries. 2.4.3. Enveloppe cellulaire Les cyanobactéries ont une enveloppe cellulaire de type Gramnégative. Cependant, certaines d’entre-elles présentent des caractéristiques des bactéries Gram-positives (e.g. le contenu lipidique de la paroi [17]). Chez les cyanobactéries filamenteuses, l’espace périplasmique est continu ce qui permet la communication entre cellules (e.g. chez les Nostocales [18]). A : membrane de thylacoïdes B : enveloppe cellulaire C : carboxysome CPG : granule de cyanophycine T : thylacoïdes P : granules de polyphosphate N : nucléoplasme G : granules de glycogène PB : phycobilisome GV : vésicules à gaz Adapté de Stanier et Cohen-Bazire, 1977. sein d’un mucilage (composé entre autres d’exopolysaccharides) suite à des divisions cellulaires multiples et former des colonies de forme plus ou moins régulière selon les espèces considérées (O/Chroococcales, figure 4). Les formes filamenteuses (ou trichomes), issues de divisions cellulaires sur un plan unique, présentent des organisations de type unisériées (O/Oscillatoriales, O/Pseudanabaenales, O/Nostocales ; figure 4) ou plurisériées (une ou plusieurs séries de cellules jointives). Certaines d’entre elles sont pourvues d’une gaine de polysaccharides, ou sont entourées d’une couche de mucilage ou encore présentent des ramifications (vraies ou fausses, O/Stigonematales, figure 4). Les formes filamenteuses se dispersent généralement par fragmentation du trichome au niveau de cellules dégénérescentes appelées nécridies. 2.4.4. Photosynthèse et antennes pigmentaires Au cours de l’évolution, les cyanobactéries ont été les premiers organismes procaryotes dotés de deux photosystèmes capables d’utiliser l’eau comme donneur d’électron et de produire de l’oxygène. Les photosystèmes de type I et II sont similaires chez les cyanobactéries et le phytoplancton eucaryote. Chez ces derniers, les deux photosystèmes I et II sont localisés à l’intérieur de la membrane des thylacoïdes. Chez les cyanobactéries, les antennes collectrices de l’énergie lumineuse, appelées phycobilisomes (figure 5), sont attachées en périphérie de ces membranes [19]. Les phycobilisomes sont constitués de phycobiliprotéines, organisées en un assemblage de disques radiaires, formant une structure tridimensionnelle (figures 6 et 7). Il existe quatre types principaux de phycobiliprotéines : l’allophycocyanine, la phycocyanine, la phycoérythrine et la phycoérythrocyanine. La nature des chromophores (phycocyanobiline, phycoroubiline, phycoerythrobiline) constituant les phycobiliprotéines détermine les longueurs d’onde de la lumière pouvant être captée puis utilisées pour la photosynthèse. De manière générale, les cyanobactéries utilisent la lumière dans l’orange et le vert (entre 500 et 660 nm [20]), Figure 6 – Phycobilisomes de cyanobactéries. A Figure 7 – Ultrastructure des thylacoïdes. A B A. Structure des phycobilisomes en lumière rouge (RL) ou en lumière verte (GL). Les disques rouges représentent la phycoérythrine et les disques bleus la phycocyanine. B. Différence de coloration de cyanobactéries à gauche en lumière rouge et à droite en lumière verte. Les phycobilisomes sont localisés sur les membranes externes des thylacoïdes. t : thylacoïde ; Pb : phycobilisome. Barre d’échelle = 2 μm. D’après Lichtlé et al., 1996. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 57 Figure 8 – Cellules de Microcystis sp. cyanobactéries entre la surface où se réalise la photosynthèse, avec production d’hydrates de carbone, et des zones plus profondes de la colonne d’eau où les hydrates de carbone sont consommés par respiration. 3. Les facteurs de contrôle des proliférations de cyanobactéries © C. Bernard, MNHN. © H. S. Pankratz. A. Observation au microscope photonique d’une colonie de cellules de Microcystis. B. Observation en microscopie électronique à transmission d’une coupe transversale de cellule en division. Grossissement : x31 500. Les structures en « nid d’abeilles » représentent des sections transversales de vésicules à gaz. 3.1. Les facteurs de contrôle des proliférations de cyanobactéries Les cyanobactéries ont une distribution géographique et écologique très Adapté de Walsby, 1994 [22]. vaste : des glaciers aux déserts, des eaux douces aux plus salées, des mares aux Figure 9 – Schéma simplifié des principaux facteurs de contrôle sources hydrothermales. Leur multiplicade la dynamique du phytoplancton et des cyanobactéries. tion massive conduit à des « blooms », fleurs d’eau ou encore efflorescences. Les études paléontologiques ont montré que le phénomène d’efflorescence des cyanobactéries n’est pas seulement contemporain. La plus ancienne mention d’un tel phénomène a été faite par De Candolle (1825) [23], à propos d’une prolifération d’Oscillatoria (= Planktothrix rubescens), colorant en rouge vif le lac de Morat (Suisse), événement décrit à l’époque sous le nom de « sang des Bourguignons ». Depuis, de nombreux travaux ont été publiés sur les efflorescences à cyanobactéries et leur déterminisme [24]. De ces études, il ressort un consensus clair sur la diversité et la complexité des facteurs contrôlant les proliférations de cyanobactéries. Ces facteurs interviennent à de larges échelles comme celui de l’augmentation globale de la température [24, 25], à l’échelle régionale telles que Les interactions complexes au sein de la communauté biotique ainsi que les principaux facteurs abiotiques jouant sur la dynamique de cette communauté sont représentées par des flèches. la nature et/ou la taille du bassin versant D’après Catherine, 2009 [32]. [26] ou encore à l’échelle du plan d’eau comprenant les interactions entre facteurs abiotiques (e.g. apports en nutriments) et facteurs biotiques dont les longueurs d’ondes ne sont pas exploitables par le (e.g. pression des prédateurs). L’ensemble de ces facteurs phytoplancton eucaryote [21]. sont inter-reliés entre eux, tel que représenté par le schéma 2.4.5. Les vacuoles à gaz simplifié en figure 9, montrant les relations complexes entre Certaines cyanobactéries possèdent des vacuoles à gaz leur ces différents facteurs de contrôle. permettant de réguler leur positionnement dans la colonne Parmi ces facteurs, les effets du changement climatique sont considérés comme ayant un impact croissant sur la nature et d’eau [22]. Les vésicules à gaz (figure 8), qui composent ces l’intensité des efflorescences de cyanobactéries [1]. En effet, vacuoles, sont des structures inertes, de nature protéique, les cyanobactéries présentent une croissance supérieure aux perméables au gaz. La régulation de la flottabilité se fait par autres organismes phytoplanctoniques au-dessus de 25 °C accumulation/dégradation de molécules de poids molécuet les températures élevées leur apportent ainsi un certain laire élevé (e.g. les hydrates de carbone), ainsi que par la avantage compétitif [27]. Le réchauffement des masses synthèse et/ou la perte de ces vésicules. Schématiquement, d’eau peut entraîner une stratification de la colonne d’eau la régulation de leur flottabilité permet une migration des 58 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU Figure 10 – Exemples d’efflorescences de cyanobactéries dans les plans d’eau ou en rivières générant de fortes biomasses. Efflorescence de Microcystis. © B. Marie, MNHN. Efflorescence de Planktothrix. © C. Bernard, MNHN. Efflorescence d’Aphanizomenon. © C. Bernard, MNHN. Efflorescence de Cylindrospermopsis. © M. Bouvy, IRD. Efflorescence de Dolichospermum (anc. Anabaena). © C. Bernard, MNHN. Efflorescence de Phormidium. © C. Quiblier, MNHN. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 59 de baignades ou aux bases de loisirs sont peu engageants pour les utilisateurs (figure 10). Leur densité cellulaire peut Genres Toxines également endommager les systèmes de potabilisation de l’eau. Dolichospermum (anc. Anabaena), Anabaenopsis, Aphanizomenon (incluant Anatoxines Cuspidothrix), Cylindrospermum, Hydrocoleum, Lyngbya, Microcystis, Oscillatoria, Parmi les cyanobactéries, seuls quelques Phormidium, Planktothrix, Raphidiopsis, Woronichinia genres forment principalement les effloDolichospermum (anc. Anabaena), Anabaenopsis, Annamia, Aphanizomenon, Microcystines rescences dans les plans d’eau ou les Arthrospira, Calothrix, Fischerella, Geitlerinema, Gomphosphaeria, Hapalosiphon, cours d’eau, en milieu tempéré. Parmi Leptolyngbya, Limnothrix, Lyngbya, Merismopedia, Microcystis, Nostoc, Oscillatoria, eux sont répertoriés les genres : AphaniPhormidium, Planktothrix, Plectonema, Pseudanabaena, Radiocystis, Spirulina, Synechococcus, Woronichinia zomenon, Cylindrospermopsis, Dolichospermum (anc. Anabaena), Microcystis, Dolichospermum (anc. Anabaena), Aphanizomenon (incluant Cuspidothrix), Saxitoxines Nodularia, Planktothrix en milieu planctoCylindrospermopsis, Limnothrix, Lyngbya, Phormidium/Geitlerinema, Raphidiopsis, nique et Phormidium/Lyngbya en milieu Scytonema benthique (tableau II et figure 11) [34]. Cylindrospermopsines Aphanizomenon, Cylindrospermopsis, Lyngbya, Oscillatoria, Raphidiopsis, Umezakia Ces genres présentent des caractérisNodularia Nodularines tiques écologiques qui leur sont propres Trichodesmium Palytoxine et ne se retrouvent pas dans le même Lyngbya Lyngbyatoxine type de milieu et/ou à la même période Limnothrix Limnothrixine de l’année. Ainsi les genres Dolichospermum (anc. Anabaena) et AphanizoLyngbya Debromoaplysiatoxine menon, cyanobactéries hétérocytées, Lyngbya, Phormidium, Schizothrix, Symploca Aplysiatoxine se développent généralement en début Hydrocoleum, Trichodesmium Ciguatoxine de période estivale le genre Microcystis En gras sont indiqués les genres les plus fréquemment décrits comme produisant des cyanotoxines. leur succède plus tardivement dans la saison [35]. De la même manière, au sein du genre Planktothrix, deux génotypes forment des ce qui favorise également les genres de cyanobactéries à efflorescences : le génotype « vert » Planktothrix agardhii vésicules à gaz [27]. et le génotype « rouge » Planktothrix rubescens. Alors, que L’augmentation de la température des eaux continentales P. agardhii est caractéristique des lacs eutrophes et peu est également considérée comme l’une des principales profonds, P. rubescens se retrouve dans des lacs profonds, causes de la migration d’espèces dites « tropicales ou en profondeur et à son optimum de lumière [36]. Les genres subtropicales » vers les zones tempérées (e.g. CylindrosMicrocystis, Dolichospermum (anc. Anabaena) et Aphapermopsis raciborskii [28, 29]. La germination des spores nizomenon sont présents dans une diversité de milieux, ou akinètes nécessitant une température minimale devienindépendamment de leur profondeur et ce, certainement drait possible dans ces plans d’eau dont la température en raison de leur capacité de migration verticale dans la augmente. colonne d’eau [37]. L’augmentation des flux de nutriments (e.g. azote, phosUne des conséquences des proliférations de cyanobactéphore) provenant de sources ponctuelles et/ou diffuses ries est non seulement la perturbation et le déséquilibre du entraîne une eutrophisation croissante des masses d’eau. fonctionnement des écosystèmes aquatiques par la bioCes nutriments sont principalement issus d’activités masse qu’elles génèrent mais également par leur capacité humaines aussi bien rurales qu’urbaines [30]. Le niveau à produire des toxines [38]. d’eutrophisation des plans d’eau a pour conséquence directe le développement des cyanobactéries [31, 32]. Au-delà de l’augmentation des flux de nutriments, les 4. Risques sanitaires liés aux activités humaines ont conduit à la création d’un certain nombre de plans d’eau présentant des conditions favocyanobactéries et leurs toxines rables au développement des cyanobactéries. Citons par exemple la création de sablières pour l’extraction de sables Le principal risque sanitaire lié aux cyanobactéries réside et de gravats en région Ile-de-France. Ces plans d’eau dans leur capacité à produire des métabolites toxiques. de petite taille et peu profonds ont des caractéristiques Les niveaux de toxicité observés in situ sont très variables géomorphologiques propices à l’eutrophisation [33] et aux ce qui rend difficile la gestion du risque induit par les effloproliférations de cyanobactéries. rescences de cyanobactéries. Tableau II – Liste des genres de cyanobactéries formant des proliférations et potentiellement toxiques. 3.2. Les proliférations de cyanobactéries et leurs conséquences Les efflorescences de cyanobactéries sont une source de nuisances de plus en plus importante sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Elles sont parfois la cause d’odeurs nauséabondes et à l’origine du mauvais goût de l’eau et de la chair des poissons. La couleur intense et l’aspect de l’eau qu’elles confèrent aux aires 60 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 4.1. Les toxines de cyanobactéries La diversité des métabolites, dont les toxines de cyanobactéries, a été décrite de manière exhaustive en 2006 par Welker et von Dörhen et van Apeldoorn et al. [39, 40]. Les cyanotoxines sont regroupées principalement en trois familles, selon leurs effets toxiques : les hépatotoxines, les neurotoxines et les dermatotoxines. Les hépatotoxines sont les toxines les plus fréquemment rencontrées dans MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU Figure 11 – Genres principaux de cyanobactéries formant des efflorescences et potentiellement producteurs de cyanotoxines. Genre : Planktothrix. © L. Brient, CNRS. Genre : Cylindrospermopsis. © C. Bernard, MNHN. Genre : Aphanizomenon. © C. Duval, MNHN. Genre : Phormidium. © I. Echenique, MNHN. Genre : Dolichospermum (anc. Anabaena) © A. Couté, MNHN. Genre : Microcystis. © C. Bernard, MNHN. l’environnement [34] mais le nombre d’espèces de cyanobactéries neurotoxiques est en augmentation ces dernières années [41- 44]. 4.1.1. Les hépatotoxines Les hépatotoxines regroupent trois principales familles de toxines : les microcystines, les nodularines et la cylindrospermopsine. 4.1.1.1. Les microcystines Les microcystines sont produites par une diversité de cyanobactéries incluant les genres formant principalement des efflorescences tels que Microcystis, Planktothrix, Aphanizomenon, Dolichospermum (anc. Anabaena) (tableau II). Les microcystines sont des heptapeptides cycliques (entre 800 et 1100 Da) avec i) un acide aminé atypique appelé REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 61 Figure 12 – Structures chimiques des principales toxines de cyanobactéries. A A B C D E F G C H A. Microcystines (I) et nodularines (II) (les acides aminés en position X et Z sont variables, R = H ou CH3). B. Cylindrospermopsine. C. Anatoxine-a (I), homoanatoxine-a (II). D. Anatoxine-a(s). 62 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 E. Saxitoxines. F. β-N-methylamino-L-alanine (BMAA). G. Lyngbyatoxin. H. Aplysiatoxine. MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU groupement Adda (la N-méthyldéhydroalanine ou Mdha et l’acide 3-amino-9-méthoxy-2,6,8-triméthyl-10-phényl-4,6diénoique) et, ii) deux acides aminés variables en position X et Z (figure 12). À ce jour, plus de 100 variants de microcystines ont été identifiés. Les microcystines sont des inhibiteurs puissants des phosphatases eucaryotes de types 1 et 2A [39]. Ces toxines pénètrent au niveau du foie via les canaux biliaires et entraînent une modification de la phosphorylation des protéines. Une des conséquences est la désorganisation du cytosquelette des hépatocytes pouvant entraîner une lyse cellulaire voire même une hémorragie hépatique. Les microcystines sont également suspectées d’être des promoteurs de tumeur [40]. Chez l’homme, le cas le plus grave de toxicité décrit à ce jour fait suite à la dialyse de patients insuffisants rénaux avec de l’eau contaminée aux microcystines conduisant à la mort de 50 patients [45]. Elles sont également suspectées d’induire des carcinomes hépatiques pour les populations consommant de l’eau contaminée [46]. 4.1.1.2. Les nodularines Les nodularines sont des heptapeptides cycliques présentant des analogies de structure avec les microcystines, dont le groupement Adda. Huit variants ont été décrits à ce jour [47] (figure 12). Les nodularines ont été identifiées au sein du genre Nodularia [34]. Par leur mécanisme de toxicité, les effets des nodularines sont équivalents à ceux des microcystines [47]. 4.1.1.3. La cylindrospermopsine et ses dérivés La cylindrospermopsine (figure 12) est un alcaloïde atypique de 415 Da présentant une unité guanidine cyclique. Elle a été caractérisée chez Cylindrospermopsis raciborskii [40] mais un nombre croissant de taxa sont décrits comme synthétisant la cylindrospermopsine ou ses dérivés (tableau II). Il existe deux variants de cette toxine la 7-épicylindrospermopsine et la désoxycylindrospemopsine. La cylindrospermopsine présente une toxicité non spécifique via l’inhibition de la synthèse protéique. Un effet mutagène de ce métabolite est également suspecté [40, 48]. L’anatoxine-a est une amine secondaire de 165 Da soluble dans l’eau. Son homologue méthylé, l’homoanatoxine-a (179 Da) présente une structure et des effets toxiques très similaires. Ces molécules induisent une dépolarisation de la membrane post-synaptique et entraînent la mort par arrêt respiratoire [50]. L’anatoxine-a(s) est, quant à elle, un ester de phosphate d’une N-hydroxyguanine cyclique de 252 Da. Son mode d’action se caractérise par l’inhibition de l’acétylcholinestérase provoquant une paralysie musculaire due à une surexcitation des axones au niveau post-synaptique [40]. 4.1.2.2. Les saxitoxines et dérivés La famille des saxitoxines est composée de la saxitoxine, de la néosaxitoxine et de leurs dérivés (figure 12). Les saxitoxines constituent une famille très diverse de toxines communément appelées toxines paralysantes, et sont responsables du syndrome IPFM (intoxication paralysante par fruits de mer). Ces toxines ont été décrites pour la première fois chez les dinoflagellés marins, mais on les retrouve chez un nombre croissant de cyanobactéries d’eau douce appartenant aux genres Aphanizomenon, Cylindrospermopsis, Dolichospermum (anc. Anabaena), Lyngbya et Phormidium (tableau II). La saxitoxine est une trialkyle tetrahydropurine d’une grande solubilité et stabilité dans l’environnement [51]. Les variants de la famille des saxitoxines se regroupent en formes non-sulfatées (STX et néo-STX), mono-sulfatées (gonyautoxines ou GTXs) et -di-sulfatées (C-toxines). Ces toxines inhibent les canaux sodium voltage dépendants bloquant ainsi l’influx nerveux. 4.1.2.3. La BMAA (ou β-N-méthylamino-L-alanine) La BMAA (figure 12) est un acide aminé non-protéogénique. Cette molécule, dont les cibles restent mal connues, pourrait être liée à des maladies telles que la sclérose amyotrophique latérale, la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson [49, 52]. Sa distribution au sein des cyanobactéries est extrêmement large puisque près de 95 % des souches testées sont identifiées comme capables de produire ce métabolite toxique [49]. Cette large distribution ainsi que les risques associés sont actuellement en cours d’évaluation. 4.1.2. Les neurotoxines Les neurotoxines de cyanobactéries se regroupent en deux familles principales : les anatoxines et les saxitoxines. Récemment la BMAA (β-N-méthylamino-L-alanine), un nouveau métabolite à effet neurotoxique a également été décrit [49]. 4.1.2.1. Les anatoxines Les anatoxines (figure 12) sont des alcaloïdes de faible poids moléculaire, spécifiques des cyanobactéries [40]. La production d’anatoxines a été mise en évidence chez plus de dix genres (tableau II). Jusqu’à récemment, cette famille de toxines a principalement été décrite chez les Nostocales appartenant aux genres Dolichospermum (anc. Anabaena) et Aphanizomenon ainsi que chez les Oscillatoriales appartenant au genre Phormidium. Cependant, il semble qu’elle soit beaucoup plus répandue au sein des cyanobactéries comme l’atteste leur mise en évidence au sein des genres Microcystis (Chroococcales), Planktothrix (Oscillatoriales) et Raphidiopsis (Nostocales). 4.1.3. Les dermatotoxines Les symptômes dermatotoxiques liés à la présence de cyanobactéries ont principalement été décrits en milieu marin et semblent peu fréquents en eau douce. Un certain nombre d’alcaloïdes ont été isolés de cyanobactéries marines et sont suspectés d’être à l’origine de dermatites (figure 12). Il s’agit de des lyngbyatoxines, des aplysiatoxines et de la debromoaplysiatoxines, ces deux dernières étant également suspectée d’être promotrices de tumeur et activateurs de la protéine kinase C [40]. 4.2. Déterminisme de la production de toxines La concentration en toxines mesurée in situ est très variable, ce qui rend d’autant plus difficile la gestion du risque induit par les efflorescences de cyanobactéries. Divers facteurs environnementaux et mécanismes moléculaires à celui des populations de cyanobactéries sont impliqués et rendent problématique la prédiction du niveau REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 63 global de toxicité associé à une efflorescence donnée. Ces mécanismes font intervenir entre autres, les variations de biomasse de cyanobactéries, la diversité génétique des populations, la diversité des variants de toxines et l’état physiologique des cellules. L’interdépendance de ces mécanismes entre eux et les facteurs environnementaux les contrôlant sont complexes. 4.2.1. Variations de biomasses en cyanobactéries La source la plus évidente d’évolution des concentrations en microcystines observables in situ trouve son origine dans la capacité des cyanobactéries produisant des microcystines à proliférer et à dominer la communauté phytoplanctonique. Les niveaux de toxicité observés sont donc indirectement liés aux variables contrôlant la dynamique des populations de cyanobactéries et des relations complexes existant au sein des écosystèmes aquatiques (figure 9). Cependant, la plupart des études s’accordent à dire qu’il n’existe qu’une relation limitée (de l’ordre de 50 % de variance expliquée) entre les concentrations en microcystines mesurées et les niveaux de biomasses de cyanobactéries potentiellement productrices de microcystines [53, 54]. D’autres mécanismes au niveau populationnel et/ou individuel sont donc impliqués pour expliquer la part de variabilité indépendante des évolutions de biomasse. 4.2.2. Diversité génétique des populations de cyanobactéries Au sein des populations naturelles de cyanobactéries, plusieurs génotypes coexistent et ces derniers sont impossibles à distinguer d’un point de vue morphologique. Par ailleurs, ces génotypes peuvent ou non porter les gènes impliqués dans la synthèse des toxines [55]. Depuis quelques années, des méthodes de biologie moléculaire (PCR quantitative : qPCR) sont utilisées avec succès pour étudier les variations des génotypes au sein de populations naturelles [55, 56]. Cependant, les abondances en génotypes toxiques ne permettent d’expliquer qu’une part de variance comparable à celle obtenue par l’étude de la relation avec la biomasse globale de cyanobactéries (e.g. 54 % : [56]). De plus, les facteurs qui contrôlent la dynamique de ces sous-populations restent méconnus [56]. 4.2.3. Diversité des variants de microcystines et voies de biosynthèse non-ribosomales Les voies de biosynthèse des cyanotoxines (microcystines, cylindrospermopsines, anatoxines et saxitoxines) sont non-ribosomales et impliquent des complexes enzymatiques dont les gènes sont organisés en modules (figure 13). La régulation de la synthèse de ces enzymes influence de manière qualitative et quantitative la production de toxines [57]. L’organisation modulaire Figure 13 – Exemple de voie de biosynthèse non ribosomale des cyanotoxines. Sur cette figure est illustrée la voie de biosynthèse des microcystines impliquant diverses enzymes pour la synthèse de la molécule finale. D’après Dittman et al., 2013 [57]. 64 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU des domaines d’adénylation constitue une source de diversité des métabolites. Les gènes impliqués peuvent subir des événements de recombinaisons génétiques homologues impliquant un même cluster de gènes ou des clusters différents. Ces événements peuvent survenir au sein d’un même génome ou provenir d’ADN libre d’autres cyanobactéries (transferts horizontaux) [57]. Ces événements contribuent à accroître la diversité des gènes impliqués dans la synthèse des toxines et donc la diversité des toxines elles-mêmes. 4.2.4. Impact de l’état physiologique sur la production de toxines Au niveau individuel, l’état physiologique a un impact sur le taux de production de cyanotoxines. Ainsi, il est communément admis que les cyanobactéries présentent des taux de production en microcystines maximaux durant la phase exponentielle de croissance [58, 59]. Le taux de croissance est le plus souvent corrélé positivement au taux de production de microcystines. Cependant, cette relation est susceptible d’être altérée par des facteurs externes qui rendent difficiles la prédiction de la production de toxines par la mesure unique du taux de croissance. Wiedner et al. [53] ont montré que la relation entre le taux de croissance et la production de microcystines disparaît en conditions saturantes de lumière chez Microcystis PCC 7806 tandis qu’elle reste positive en conditions limitantes de nutriments [60]. En ce qui concerne l’impact de la disponibilité en nutriments, Downing et al. [58] ont montré que le quota cellulaire (production moyenne par cellule) en microcystines est corrélé positivement avec le taux d’assimilation et le contenu cellulaire en azote, et est relié négativement au taux de fixation du carbone, au taux d’assimilation du phosphore et à la concentration cellulaire en phosphore sur une culture en phase stationnaire de Microcystis aeruginosa. L’état physiologique module également la structure des toxines dans une même souche. Citons par exemple l’augmentation de la production de MC-RR au dépend de MC-LR en fonction de la lumière [61], montrant ainsi que les paramètres environnementaux ont une action sur l’abondance relative des variants produits par une souche donnée. D’autres facteurs, tels que la température ou la concentration en nutriments peuvent également moduler la proportion de variants de toxine produits. Ces facteurs environnementaux pourraient influencer la disponibilité intracellulaire en différents acides aminés avec des conséquences sur le variant de toxine synthétisé [62]. En conclusion, de nombreux facteurs s’exprimant à différentes échelles modulent la production de toxines tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif avec des conséquences sur leur toxicité. 4.3. Risques pour la santé humaine et animale et conséquences économiques 4.3.1. Risques liés à la contamination directe Dans les écosystèmes aquatiques continentaux, les biomasses phytoplanctoniques peuvent atteindre des concentrations en chlorophylle supérieures à 100 μg.L-1. Cette biomasse en cyanobactéries peut engendrer une forte concentration en toxines dans le milieu. Dans ce contexte, le risque de contamination directe pour l’Homme intervient essentiellement par ingestion d’eau contaminée ou par contact. En 1878, Francis fut le premier à relier la présence d’efflorescences à cyanobactéries à la mortalité d’animaux domestiques en Australie. Récemment, la mort de chiens dans le Jura et dans les gorges du Tarn a été directement imputée à la présence d’anatoxine-a, neurotoxine produite par des cyanobactéries benthiques du genre Phormidium [41, 42]. Le cas le plus grave d’intoxication humaine par des cyanotoxines s’est produit en 1996 dans un hôpital du Brésil où cinquante personnes sont décédées suite à une hémodialyse effectuée par voie intraveineuse avec de l’eau contaminée par des microcystines [45]. Les cyanotoxines engendrent également des problèmes dans les exploitations agricoles ou dans les parcs zoologiques pour les animaux s’abreuvant dans une réserve d’eau contaminée. De plus, le problème de la salubrité des cultures maraîchères a été soulevé lorsque celles-ci sont arrosées avec de l’eau contenant des cyanotoxines [40, 63]. Par ailleurs, la majorité des eaux de boisson provient de réservoirs d’eau de surface et leur contamination par des cyanobactéries potentiellement toxiques représentent un souci permanent pour les gestionnaires de traitement et de distribution des eaux [64, 65]. Dans les filières de traitement d’eau potable, les proliférations de cyanobactéries peuvent provoquer un encrassement des filtres, ce qui complique le processus de traitement des eaux. Les aires de baignade et d’activités nautiques avec des efflorescences à cyanobactéries toxiques représentent le danger majeur pour l’homme. Ce risque est plus élevé pour les enfants qui sont susceptibles d’avaler d’importantes quantités d’eau en nageant ou en jouant [66]. Il faut également tenir compte des sports nautiques tels que le ski nautique, l’aviron, le canoë, etc. qui produisent des aérosols pouvant contenir des toxines qui sont alors inhalées et sont au contact de la muqueuse des voies aériennes. Des études menées chez la souris ont montré que les effets toxiques de l’anatoxine-a étaient plus importants si la toxine était administrée par instillation nasale plutôt que par absorption orale [67]. En milieu côtier et dans certaines conditions environnementales, les cyanobactéries peuvent proliférer comme par exemple l’espèce Lyngbya majuscula. Cette cyanobactérie est souvent associée à des problèmes dermatologiques [68].En 2010, une soixantaine de personnes ayant fréquenté la plage de N’Gouja à Mayotte ont présenté des syndromes d’irritation cutanée et respiratoire, vraisemblablement à la suite d’inhalation d’embruns et/ ou d’activité de baignade. L’apparition de ces syndromes irritatifs a été concomitante à une efflorescence massive dans l’eau, de cyanobactéries potentiellement toxiques du genre Lyngbya. Lyngbya majuscula peut synthétiser de nombreuses toxines dont les cibles et les effets peuvent être très divers. Les toxines les plus communément associées à des effets chez l’homme sont la lyngbyatoxine A, l’aplysiatoxine et la débromoaplysiatoxine. In vitro, ces trois toxines sont des promoteurs de tumeur, l’aplysiatoxine induisant une transformation cellulaire et la stimulation de la synthèse d’ADN. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 // 65 4.3.2. Risques liés à la bioaccumulation des toxines Si les cyanotoxines sont connues pour s’accumuler dans les coquillages filtreurs, le risque d’intoxication suite à une ingestion de bivalves d’eau douce est faible puisqu’ils ne sont consommés qu’exceptionnellement. En revanche, les cyanobactéries vendues comme compléments alimentaires peuvent présenter un risque potentiel pour le consommateur ainsi que l’a démontré une étude récente [69]. Les poissons d’eau douce sont également susceptibles de bioaccumuler des cyanotoxines [70]. Le risque pour l’homme lié à la consommation de poissons contaminés est peu pris en compte car les données manquent pour réaliser une évaluation du risque. De la même manière, peu de données sont disponibles concernant le risque d’intoxication par ingestion de bivalves marins contaminés par les cyanobactéries. Les cyanobactéries marines appartenant principalement aux genres Synechococcus et Prochlorococcus ne sont pas répertoriées à ce jour comme productrices de toxines. rRecommandations liées aux cyanobactéries : le cas de la France La reconnaissance à l’échelle européenne de l’importance qu’il faut accorder à la préservation des eaux de surface est illustrée par la Directive Cadre sur l’eau (DCE ; 2000/60/EC). Cette directive propose un cadre administratif pour la gestion intégrée des bassins versants des cours d’eau. L’objectif de la DCE est d’atteindre un niveau de « bonne qualité » des masses d’eau à travers l’Europe à l’horizon 2015. La DCE n’intègre pas la problématique des cyanobactéries mais propose un cadre général pour mieux gérer l’impact de l’eutrophisation issue de l’intensification des activités humaines. La prise en compte du risque sanitaire issu des proliférations de cyanobactéries est quant à elle relativement récente. Le rapport de 1998 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [71], faisant suite à l’étude épidémiologique de Pilotto et al. [72], est encore à l’heure actuelle le document de référence pour les recommandations relatives aux cyanobactéries [73]. Ces recommandations se basent sur trois types d’indicateurs afin de faciliter les possibilités d’implémentation en fonction des moyens disponibles. 4.3.2.1. L’eau de boisson Depuis 2001, un décret a fixé la limite maximale de 1 μg.L-1 d’équivalent microcystine-LR totale pour l’eau potable (applicable depuis décembre 2003), suite à la valeur guide provisoire de l’OMS. Cette valeur correspond à la concentration maximale, après traitement, considérée comme ne pouvant entraîner de toxicité aiguë (ce qui n’exclut pas des effets de toxicité chronique). Le programme des contrôles sanitaires officiels pour le réseau public d’eau potable stipule que les microcystines doivent être analysées dans l’eau de surface brute, au point de distribution, uniquement dans les cas de prolifération de cyanobactéries détectées par observation visuelle et/ou d’après des résultats analytiques. 4.3.2.2. Les activités récréatives Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France s’est basé sur les recommandations de l’OMS pour émettre un avis (CSHPF du 6 mai 2003). Cet avis a ensuite fait l’objet d’une circulaire produite par la Direction générale de la santé applicable aux zones de baignades et d’activités nautiques (circulaire DGS/SD7A 2003/270, 2004/364, 2005/304). Un arbre de décision a été mis en place pour les gestionnaires locaux des plans d’eau (circulaire DGS n° 2033-270 7a). En cas de concentrations élevées et persistantes de cyanobactéries, un système de contrôle strict est mis en œuvre, sur la base visuelle et d’observations microscopiques. Trois niveaux de mesures de gestion sont identifiés en fonction des concentrations de cyanobactéries (tableau III). À l’heure actuelle, malgré le risque pour la santé publique que représentent les neurotoxines de cyanobactéries, aucune recommandation n’a été mise en place par l’OMS pour ces toxines. Seuls l’Australie, le Brésil et la Nouvelle-Zélande ont proposé récemment des concentrations seuils pour les saxitoxines (3 μg.L-1) et les anatoxines (de 1 à 6 μg.L-1). Contrairement aux phycotoxines, aucune méthode d’analyse n’est préconisée concernant la détection des cyanotoxines. Tableau III – Recommandations françaises pour la gestion des risques liés aux cyanobactéries dans les plans d’eau utilisés pour les activités récréatives. Niveau 1 les activités Si le nombre de cellules est compris entre 20 000 et 100 000 cellules/mL ± 20 %, avec une majorité de cyanobactéries récréatives sont toujours autorisés et le public est informé par des affiches. Les inspections visuelles sont intensifiées sur une base quotidienne. L’échantillonnage pour le comptage et l’identification des cyanobactéries doit être effectué au moins tous les quinze jours. Niveau 2 Si le nombre de cellules est > 100 000 cellules/mL ± 10 %, la recherche de microcystines est réalisée. la baignade et les activités nautiques sont limitées. r Si la concentration en microcystines exprimée en équivalent MC-LR est < 13 μg/L la baignade est interdite et les activités nautiques sont limitées. r Si la concentration exprimée en équivalents MC-LR est > 13 μg/L Dans tous les cas, le public est informé. Niveau 3 Apparition d’efflorescences et « d’écumes » de cyanobactéries sur les zones de baignade toutes les activités dans ces zones sont interdites. Les restrictions ne doivent pas être appliquées obligatoirement sur tout le plan d’eau. D’autres zones sans efflorescences et/ou « écumes » bien visibles peuvent rester ouvertes. La notion « d’écume » est à la discrétion des gestionnaires du plan d’eau particulièrement pour les cyanobactéries n’en formant pas telles que celles appartenant au genre Planktothrix. D’après Chorus, 2012. 66 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2014 - N°460 MICRO-ORGANISMES PATHOGÈNES DE L’EAU 5. Conclusion Les cyanobactéries par leur origine ancienne, leur rôle dans l’histoire de la terre telle que nous la connaissons, leur diversité de formes, de couleurs, leurs capacités d’adaptation aux environnements les plus variés sont des micro-organismes fascinants. Les capacités adaptives des cyanobactéries s’appuient sur des propriétés fonctionnelles qui, lors de ruptures des équilibres naturels des écosystèmes aquatiques, font qu’elles prolifèrent jusqu’à produire de fortes biomasses. Ces biomasses ont des conséquences en retour sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques mais également sur l’Homme par les toxines qu’elles produisent. Les facteurs environnementaux qui contrôlent la dynamique des cyanobactéries Références [1] Paerl HW, Paul VJ. Climate change : Links to global expansion of harmful cyanobacteria. Water Res 2012;46:1349-63. [2] Whitton BA. Ecology of Cyanobacteria II : Their diversity in space and time. Eds Springer. 2012:759pp. [3] Fay P, Van Baalen C. Eds. The cyanobacteria. Elsevier, Amsterdam, 1987;534pp. [4] Wilmotte A, Herdman M. Phylogenetic relationships among the cyanobacteria based on 16S rRNA sequences. In : Garrity GM, editor. Bergey’s manual of systematic bacteriology. Springer; New York, 2001:487-93. 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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. [19] Grossman AR, Bhaya D, Apt KE, et al. Light-harvesting complexes in oxygenic photosynthesis : diversity, control and evolution. Ann Rev Genet 1995;29: 231-87. [20] Gantt E. Phycobilisomes : light-harvesting pigment complexes. BioScience 1975;25(12):781-8. [21] Kirk JTO. Light and photosynthesis in aquatic ecosystems. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom, Walsby, 1994:401p. [22] Walsby AE. Gas vesicles. Microbiol Rev 1994;58(1):94-144. [23] De Candolle AP. Notice sur la matière qui a coloré le lac de Morat. Mém Soc Phys Hist Nat 1985;3(2):129-146 [24] O’Neil JM, Davis TW, Burford MA, et al.The rise of harmful cyanobacteria blooms : The potential roles of eutrophication and climate change. Harmful Algae 2012;14:313-34. [25] Funari E, Manganelli M, Sinisi L. Impact of climate change on waterborne diseases Ann Ist Super Sanità 2012;48(4):473-87. 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