Version 6/02/08
UNE SERIE DE MESURES
POUR DIMINUER L’INCIDENCE
DES CANCERS DU SEIN
Henri ROCHEFORT et Jacques ROUESSE
au nom d’un groupe de travail de la commission III (Cancérologie)1,2
MOTS-CLES : CANCER DU SEIN, HORMONES, FACTEURS GENETIQUES, TRAITEMENT
MENOPAUSE, ANTIESTROGENES, FACTEURS DE RISQUE
How to decrease breast cancer incidence
KEY-WORDS: BREAST CANCER, HORMONES, GENES SUSCEPTIBILITY, RISK FACTORS,
ANTIESTROGENS
Résumé
Dans tous les pays à revenus élevés, l’augmentation de l’incidence du cancer du sein depuis ces
trente dernières années atteignant, en France, plus de 41 000 cas annuels fait que ce cancer, le
premier cancer féminin en terme de fréquence et de mortalité est devenu un problème de Santé
Publique. Même si la mortalité commence à baisser depuis 2000 du fait des progrès des
traitements et du dépistage, le cancer du sein avec environ 11 000 décès par an reste la 1
ère
cause de mortalité par cancer chez la femme La prévention pose de nombreux problèmes
l’étiologie de ce cancer étant multifactorielle, elle repose sur la définition des indicateurs
individuels de risque. Mises à part les rares cas (6 à 10% des cas) liés à des prédispositions
génétiques et celles qui concernent les lésions « pré invasives » biopsiées, l’appréciation du
risque est insuffisante. Cependant on peut dès maintenant proposer quelques attitudes de
prévention qui associées devraient faire baisser cette incidence. Les données épidémiologiques
montrent que des règles de bonne hygiène de vie (en évitant le sédentarisme, l’obésité, l’abus
d’alcool, le tabagisme et la prise non contrôlée d’hormones) devraient avoir une action
bénéfique. Une modification de la vie génitale privilégiant une première grossesse précoce, un
allaitement au sein et des prescriptions plus modérées des traitements hormonaux des
symptômes de la ménopause pourraient aussi diminuer l’incidence. Celle ci a baissé en France
à partir de 2005 depuis la baisse de 60% des prescriptions hormonales après la ménopause et
malgré la mise en place du dépistage organisé en 2004.
En ce qui concerne les formes majoritaires qui expriment les récepteurs des estrogènes, les
données de prévention médicamenteuses à base d’anti-estrogènes (ou SERM) apportées par des
essais randomisées doivent amener à réviser l’attribution de certaines AMM pour les femmes à
très haut risque de cancer du sein et à encourager de nouvelles études randomisées innovantes
et efficaces. Enfin un effort supplémentaire de recherche orienté vers une meilleure
connaissance de la cancérogenèse mammaire humaine devrait améliorer une prévention ciblée
des cancers du sein.
Summary
Breast cancer incidence increases in all industrialized countries. In France, with 41,000 new cases
and 11,000 deaths per year for breast cancer is still the fist cause of mortality by cancer in women.
Genetic familial breast cancers are rare (only~2% due to mutated BRCA1/2 genes). The majority
of the increase concerns sporadic cancers due to hormonal, reproductive and nutritional factors,
some of them can be avoided. Prevention should include 1).For all women, to avoid risk factors
2
such as alcohol, obesity, smoking, sedentarity, and when possible late first pregnancy and absence
of breast feeding. 2) To reduce the use of hormone replacement therapy, in order to decrease the
tumor promoter action of ovarian hormones as strongly suggested by the large decreased incidence
in France from 2005 following the 60% drop of HRT by post menopausal women.3) For the very
high risk women those with BRCA1/2 gene alteration, or in situ carcinoma and proliferative
atypia, chemo prevention with SERM should be authorized based on the randomized trials with
Tamoxifen and Raloxifene. New trials including others agents should be encouraged .4) Risk index
and individual risk factors should be improved and made available to physicians as it is worked out
by the US NCI .5) More basic research on early steps of human mammary carcinogenesis should
be encouraged to improve individual targeted prevention..
1
Ont également participé à ce groupe de travail : Mesdames R.M. Ancelle-Park , C. Hill,
H. Sancho-Garnier, B Séradour, D Stoppa Lyonnet et A. Tardivon . Messieurs
H Allemand
, D
Birnbaum, Ph. Bouchard, J Estève, .Ph Jeanteur, Y. Le Bouc, H Léridon, T Maudelonde, G.
Schaison, et M Tubiana qui est à l’origine de ce groupe de travail.
2 Le rapport complet avec l’ensemble des références est accessible sur le site de l’Académie
Nationale de Médecine : /www.academie-medecine.fr/
I INTRODUCTION.
1) Le but de ce groupe de travail
était d’étudier les causes de l’augmentation régulière
de l’incidence des cancers du sein invasifs, dans les pays industrialisés y compris la
France et d’essayer de proposer des actions de prévention pour inverser cette tendance.
Par rapport à d’autres cancers l’étiologie des cancers du sein n’est pas totalement élucidée.
C’est un cancer multigénique, multifactoriel, hétérogène à l’arrivée et probablement au
départ. Il n’y a que 6 à 10% de cancers héréditaires, les autres causes sont donc
principalement exogènes et probablement multiples, mais de faible pénétrance. Cependant le
rôle des hormones ovariennes comme agents promoteurs de tumeur du à leur activité
mitogène est bien établi et de nombreux facteurs de risque les concernent. Cela ouvre des
possibilités de prévention visant à inhiber ou à ne pas amplifier leur effet promoteur.
II L’INCIDENCE
DES CANCERS DU SEIN
EN FRANCE ET DANS LES
PAYS A REVENU ELEVE
Le cancer du sein est dans la plupart des pays industrialisés, le cancer le plus fréquent chez la
femme. Chaque année dans le monde plus d’un million de nouveaux cas apparaissent, soit 30
% de nouveaux cas de cancers féminins dans les pays industrialisés et 14 % dans les pays en
3
voie de développement. C’est aussi la première cause de mortalité par cancer avec 410 000
décès annuels en 2002 (1).
Les taux d’incidence les plus élevés sont observés aux Etats-Unis et au Canada (110/
100000) :
mais au Japon ils atteignent à peine 16/
100 000
, taux bas dus à un déficit en cancers post-
ménopausiques .Les migrantes Japonaises aux USA voient leur taux d’incidence augmenter. Il
croit aussi récemment dans les pays asiatiques qui adoptent une mode de vie occidentale.
France: Evolution incidence mortalité
(entre 1975 et 2000)
)
0
20
40
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100
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1991
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1993
1994
1995
2000
Année
Taux standardi pop.
européenne
/ 100.000 Femmes
Sources : INSERM CépiDc & InVS Francim
Incidence
Mortalité
France: Evolution incidence mortalité
(entre 1975 et 2000)
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Taux standardi pop.
européenne
/ 100.000 Femmes
Sources : INSERM CépiDc & InVS Francim
Incidence
Mortalité
4
Figure 1: Tendance temporelle de l’incidence et de la mortalité par cancer du sein en France.
En France, l’accroissement de l’incidence est de 2,4 % par an jusqu’en 2004 et porte sur
toutes les classes d’âge mais surtout à partir de 50 ans. Le nombre de nouveaux cas en l’an
2000 est de l’ordre de 41 000 soit un taux standardisé ‘’monde’’ de 88,9 pour 100 000 et
représente 35,7 % des cancers féminins. La mortalité, restée relativement stable, était en 2000
de 11 000 soit un taux de 19,7/
100 000
et 19 % de la mortalité par cancer (2) L’incidence du
cancer du sein augmente depuis l’âge de 30 ans jusqu’à environ 50 ans. A la ménopause
l’augmentation d’incidence se ralentit . Cette rupture de pente n’est observée que pour les
cancers hormono dépendants exprimant les récepteurs d’estrogènes (RE + ou -) et/ou de la
progestérone (RP + ou -).
III) DEPISTAGE, PREVENTION SECONDAIRE
III-1) La mammographie de dépistage réduit de 10 à 35% la mortalité par cancer du sein
selon les études. Son rôle dans l'augmentation de l'incidence du cancer du sein est discuté. En
France, l'introduction dans certains départements d'un dépistage organisé n'a entraîné aucune
inflexion significative d'incidence ceci étant dû vraisemblablement au fait qu'il existait déjà un
dépistage opportuniste important.
(3)
A
u Danemark (4) le sur diagnostic serait quasi nul. Pour
Zackrisson (5) 25 ans après le début de l'essai randomisé concernant le dépistage mis en place
en Suède la surincidence serait de 10%.. D'autres auteurs trouvent des chiffres plus élevés (6).
Le fait que le nombre de petits cancers invasifs détectés à l’autopsie de femmes décédées pour
d’autres causes est en très large excès par rapport à l’incidence de cancers révélés
cliniquement, suggère que certains de ceux-ci ne se seraient jamais développé.(7)
III-2) Certaines méthodes modernes d’imagerie, basées sur la morphologie et les propriétés
mécaniques ou fonctionnelles des tissus sont en cours d’évaluation, pour permettre
d’améliorer la détection et la caractérisation de lésions infra- cliniques.(8).
III-3) Les lésions mammaires proliférantes biopsiées constituent des étapes possibles de la
cancérogenèse et un facteur de risque. Les risques relatifs de cancers du sein variant de 1 à 2
5
pour les lésions proliférantes simples à 5-6 pour celles avec atypies. Le fibroadénome isolé
n’est pas un facteur de risque. .Pour les cancers in situ, le risque relatif d’évolution invasive
varie entre 5 à 10 selon leur grade.(9). La prise en charge de ces lésions pose des problèmes
parfois difficiles tant à un niveau local que général.
IV) APPORT DE LA GENETIQUE
Les mécanismes des étapes initiales de la cancérogenèse mammaire sont très mal connus bien
que le rôle promoteur des hormones soit bien établi.
1V-1) Les formes familiales représentent 6 à 10% des cancers du sein. Parmi ceux-ci, les
mutations BRCA1 & BRCA2 ne sont retrouvées que dans environ 20% des cas, les mutations
de TP 53, PTEN, STK 11 étant beaucoup plus rares. Au total chez seulement 2% des femmes
atteintes d'un cancer du sein une mutation délétère de BRCA1/2 est mise en évidence. Le
risque au cours
d'une vie
pour une femme porteuse de mutation de BRCA1 de développer un
cancer du sein est de l'ordre de 60% et un cancer de l'ovaire d’environ 40% et de BRCA2
respectivement de 40% et de 10% (10, 11)
La surveillance des femmes porteuses de la mutation repose sur des protocoles précis basés
sur l'examen clinique la mammographie. et l’IRM associées à l’échographie.. La prévention
est surtout chirurgicale avec la mammectomie prophylactique qui réduit le risque de cancer du
sein d’au moins 90 %, L’annexectomie bilatérale nécessitée par le risque de cancer de l'ovaire
diminue de 50% le risque de cancer du sein. Une chimio prévention hormonale pourrait
s’avérer ici bénéfique. En effet ces cancers pourraient être hormonodépendants dans leur stade
initial, du fait de l’effet protecteur de l’ovariectomie (12).
IV-2) Hétérogénéité et complexité des mécanismes moléculaires et cellulaires de la
cancérogenèse mammaire.
Pour 90% des cancers (les cancers non héréditaires) les mécanismes sont complexes et
probablement multigéniques.
Sur la base des nouvelles techniques d’analyse des gènes et de leur expression en ARN
messagers une nouvelle classification moléculaire des cancers du sein est proposée. Plusieurs
études (13-14) permettent de proposer au moins 4 sous-classes moléculaires de cancers du
sein invasif pouvant correspondre à des pronostics et des traitements différents, mais il n’y a
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