vii-1 : maturation visuelle et électrophysiologie - Lodel

Œil et Physiologie de la Vision - VII-1
VII-1 : MATURATION VISUELLE ET
ÉLECTROPHYSIOLOGIE PÉDIATRIQUE
Florence Rigaudière
Eliane Delouvrier
Jean-François Le Gargasson
Pour citer ce document
Florence Rigaudière, Eliane Delouvrier et Jean-François Le Gargasson, «VII-1 :
MATURATION VISUELLE ET ÉLECTROPHYSIOLOGIE PÉDIATRIQUE», Oeil et physiologie de
la vision [En ligne], VII-Electrophysiologie pédiatrique, mis à jour le 18/06/2013, URL :
http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=134,
doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.134
Plan
MATURATION DU SYSTEME VISUEL SENSORIEL : DE L’ŒIL AU CORTEX VISUEL PRIMAIRE
Maturation des globes oculaires
Maturation rétinienne
Maturation des voies visuelles
Spécificités du prématuré
STRATEGIE DES EXPLORATIONS
Examens réalisables
Stimulations mises en œuvre
Conditions de recueil et traitement du signal
Conditions liées aux sujets
ELECTROPHYSIOLOGIE EN FONCTION DE L’AGE
ERG flash
ERG pattern
PEV flash
PEV damier transitoires
PEV onset-offset
Valeur diagnostique des PEV damier
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-1
Texte intégral
L’électrophysiologie pédiatrique s’adresse à une population dont le système visuel est en
cours de maturation. Entre la naissance et l’âge de deux ans, le tout petit est en période
préverbale, c’est un patient non coopérant ; parallèlement, le volume de ses globes
évolue et atteint pratiquement sa taille adulte en fin de deuxième année. Entre 2 et 4
ans, la rétine centrale de l’enfant évolue pour comporter la fovéola vers l’âge de 4 ans.
Son attention progresse sans qu’il ne soit encore capable d’une véritable coopération.
Entre 4-5 ans et 10-12 ans, l’enfant peut effectuer les consignes données tandis que ses
voies visuelles atteignent leur maturité en fin de la première décennie. Les variations des
réponses électrophysiologiques avec l’âge sont le reflet de la progression de la
maturation visuelle, la mise en œuvre des différents examens et de procédures
spécifiques doit donc suivre celles des capacités et du comportement de l’enfant.
Les trois stades schématiques du développement visuel de l’enfant sont à l’origine de
stratégies d’explorations adaptées. Chez le tout petit, les résultats sont qualitatifs et
limités au fonctionnement global des neurorétines (ERG flash) et des voies visuelles
maculaires (PEV flash) ; plus tard, les informations sont plus analytiques et quantitatives.
La plupart du temps, l’enfant est testé alors qu’il est vigile. Si le bilan
électrophysiologique doit être mené en phase pré-opératoire tandis qu’une anesthésie
générale est déjà induite, il faut se rappeler que les résultats électrophysiologiques
peuvent être modifiés par les substances utilisées et en tenir compte lors de leur
interprétation.
Les signes d’appel à la mise en œuvre d’un bilan électrophysiologique sont différents
selon les âges ; les circonstances d’exploration du nouveau-né, au cours des premières
années puis au-delà ont cependant un point commun : la recherche, l’évaluation, le
diagnostic ou le pronostic d’un déficit visuel.
MATURATION DU SYSTEME VISUEL SENSORIEL : DE L’ŒIL AU
CORTEX VISUEL PRIMAIRE
Pour un enfant normal à terme, la maturation des globes oculaires est pratiquement
atteinte à la fin des deux premières années, celle des rétines centrales à la fin de la
quatrième année, la maturation de la myéline des voies de conduction ne se terminant
qu’à la fin de la première décennie [Goddé-Jolly, 1992a], [Hoyt et al., 1982], [Lods, Fast,
1989].
Maturation des globes oculaires
Développements morphologiques
Diamètre antéro-postérieur
Entre 6 mois de gestation et le terme normal, le diamètre antéro-postérieur du globe de
l’enfant passe de 12 mm à 6 mois de gestation, 14,4 mm à 7 mois, 16,8 mm à 8 mois
pour atteindre 17 mm environ à la naissance. Il croît ensuite rapidement au cours des 18
mois suivants de 3,8 mm pour atteindre une valeur de 20,8 mm proche de celle de
l’adulte (22-24 mm) vers l’âge de 2 ans. Une croissance lente se poursuit encore jusqu’à
l’âge de quatre ans où la taille sera définitive (figure VII-1-1-a, b).
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-1
La cornée
Elle présente à 6 mois de gestation un diamètre d’environ 6 mm, à terme de 11 mm,
pour atteindre la taille adulte d’environ 11,5 mm, à l’âge de 2 ans. Son rayon de
courbure passe d’environ 5,5 mm à 6 mois de gestation soit une puissance du dioptre
cornéen antérieur d’environ 60 dt -, à 6,8 mm à terme - soit une puissance du dioptre
cornéen antérieur d’environ 48 dt -, pour atteindre la valeur de l’adulte vers l’âge de 2
ans soit 7,8 mm, ce qui correspond à une puissance du dioptre cornéen antérieur
d’environ 42 dt.
Le cristallin
A la naissance, il ne comporte que le noyau fœtal entouré de sa capsule ; il est plus
sphérique que celui de l’adulte. Son diamètre est d’environ 6 mm et son épaisseur
d’environ 3,7 mm, sa puissance est d’environ 33 dt. Son diamètre augmente jusqu’à une
valeur proche de 8 mm à 10 ans et 8,5 mm à 20 ans ; bien que son volume s’accroisse
tout au long de la vie par production de fibres protéiques, son épaisseur diminue
d’environ 0,3 mm dans les 18 premiers mois, puis de 0,2 mm entre 2 et 5 ans environ,
pour ensuite atteindre à la fin de la période de croissance de l’œil, l’épaisseur d’environ
3,4 mm correspondant à celle du cristallin de l’adulte (œil non accommodé) [Zdanik et
al., 1995].
Volume du globe
Il triple entre le 6ième mois de gestation et la naissance, double entre la naissance et l’âge
de 2 ans pour n’être multiplié que par un facteur 2,5 entre la naissance et la taille adulte.
Cette croissance rapide du globe dans les deux premières années de la vie est
principalement due à la croissance de la sclère et du vitré, la surface de la cornée variant
proportionnellement peu entre la naissance et 2 ans.
Emmétropisation à la fin de la deuxième année
Amétropies sphériques
Le plan focal image résulte de la combinaison des puissances des dioptres cornéens et
cristalliniens et se confond progressivement avec le plan rétinien pour l’emmétropisation,
c'est-à-dire pour que l’image soit perçue nette.
A 6 mois de gestation, il existe une myopie de l’ordre de 6 dt ; à la naissance à terme, la
dissociation entre le plan focal image des dioptres et le plan rétinien induit une
hypermétropie moyenne de 4,5 dt qui diminue très rapidement les huit premiers jours de
vie [Filliard et al., 1994] à une valeur d’environ 2-3 dt (figure VII-1-2). Cette
hypermétropie peut se maintenir durant les trois premières années pour évoluer ensuite
vers l’emmétropisation [Atkinson et al., 2007] le plus souvent atteinte avant la fin de la
première décennie.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-1
Cette période d’adaptation rapide vers l’emmétropisation durant les trois premières
années de la vie est due à la croissance de la sclère. Son contrôle semble assuré par un
méccanisme actif, lié non tant à des canismes accomodatifs qu’au fonctionnement de
la rétine sous l’influence du stimulus visuel lorsqu’il atteint la rétine sans modification de
ses caractéristiques [Lorentz et al., 1993]. Le facteur de croissance de la sclère pourrait
être la dopamine [Wallman, 1993] secrétée par la rétine au cours de l’éclairement.
Plusieurs paramètres tiniens semblent participer à l’emmétropisation : l’optimisation du
contenu en fréquence spatiale ou en contraste de l’image rétinienne [Schaeffel, Diether,
1999], l’adéquation entre la défocalisation et l’état de réfraction [Saunders et al., 1995],
[Smith, Hung, 1999] et l’existence d’un cycle nycthéméral durant cette période
(alternance de périodes d’éclairement et d’obscurité). En effet, l’exposition à un éclairage
durant la nuit (c'est-à-dire durant la période de sommeil) au cours des deux premières
années de la vie, semble favoriser la survenue ultérieure d’une myopie [Quinn et al.,
1999], constatations à nuancer par les résultats d’enquêtes menées sur des groupes
élargis à la population générale [Gwiazda et al., 2000] ou par ceux de travaux
expérimentaux systématiques [Smith et al., 2001].
Astigmatisme
Il existe fréquemment au cours de la première année puis disparaît ou diminue fortement
vers l'âge de 18 mois [Atkinson et al., 1980] (figure VII-1-3). Il est peut-être à un
déséquilibre des différentes forces musculaires extraoculaires [Kirkham, 1970] qui en
modifiant la forme de la cornée, en serait responsable ; l’astigmatisme cristallinien ne
paraît pas être en cause.
Remarque. Pour une description détaillée de la réfraction de l’enfant, de son évolution et de sa compensation
optique, on peut se référer aux ouvrages de Roth A (2007) [Roth A et al., 2007] et de Clergeau G (2008)
[Clergeau G et al., 2008].
Développement de l'accommodation et binocularité
Estimation de l’accommodation
Elle dépend des techniques utilisées. A la naissance, il existerait un mécanisme
préprogrammé d’accommodation pour les cibles proches, puis entre six semaines et
trois mois et de façon conjointe, la focalisation de l’image sur la rétine serait stimulée
par le flou tinien et la maturation de la fonction motrice de convergence binoculaire
[Currie, Manny, 1997]. Il existe un parallélisme entre l’accommodation et la
convergence par développement simultané des voies motrices (boucle géniculo-cortico-
colliculaire) et des voies sensitives. Le mécanisme d'accommodation-convergence paraît
être semblable à celui de l'adulte entre l’âge de 3 et 4 mois pour certains auteurs
[Banks, 1980] avec cependant poursuite de l’amélioration jusqu’à l’âge de six mois,
pour d’autres [Bobier et al., 2000].
L’amplitude d’accommodation est importante dans la petite enfance, de 6 à 10 dt vers
l’âge de 5 ans, 5 à 8 dt vers l’âge de 10 ans [Anderson et al., 2008] avec ensuite une
diminution régulière d’environ 0,3 dt par an.
Axes visuels
Ils s’alignent vers l’âge de trois à quatre semaines après une période transitoire
d’oscillation entre l’ortho, l’éso et l’exophorie. La fixation ou la reprise de fixation sur
une cible est possible dès l’âge de deux mois.
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Œil et Physiologie de la Vision - VII-1
Binocularité
Elle apparaît vers la fin du premier ou deuxième mois. Au cours des trois premiers mois
de vie, elle correspondrait plus à une combinaison non sélective de l’image corticale
provenant d’un œil ou de l’autre, qu’à une véritable fusion binoculaire. Cette dernière
semble s’établir à partir de l’âge de trois mois avec une amélioration notable des
performances binoculaires par rapport aux monoculaires [Birch, Swanson, 1992],
[Pigassou-Albouy, 2000].
Maturation rétinienne
La surface rétinienne
La surface totale de la rétine humaine croît d'un facteur 6 entre la 14ième semaine de
gestation et la naissance, mais de façon plus rapide durant les derniers mois. Elle
augmente progressivement d'un facteur 2 durant les deux premières années de la vie.
Elle atteint sa taille adulte vers l’âge de deux ans [Robb, 1982]. Le nombre total de
photorécepteurs est définitif bien avant la naissance, les mitoses cellulaires semblant
cesser longtemps avant le terme.
Rétine fovéale
La zone rétinienne qui ne contient que des cônes, c'est-à-dire celle qui correspond à la
fovéola de l’adulte, diminue progressivement de taille ; elle est vue sous un angle
d’environ 9 degrés à 22 semaines de gestation et 3 degrés vers l'âge de 45 mois
[Curcio, Hendrickson, 1991]. Sa formation est favorisée par l’absence de vascularisation
centrale et la pression intra-oculaire [Springer, Hendrickson, 2004a], [Springer,
Hendrickson, 2004b].
La morphologie des cônes fovéaux varie. A la naissance, ils présentent un aspect
immature sur les 5 degrés centraux environ ; ils sont courts et épais avec un article
externe à peine discernable (3,1µm). Ils deviennent progressivement plus fins et plus
longs (figure VII-1-4) ; leur longueur est multipliée par 7 à l'âge de 15 mois (22,5 µm)
et atteint la valeur de 29,5 µm à 45 mois [Wilson, 1988].
Leur densité augmente régulièrement, passant de 18.000/mm2 à 22 semaines de
gestation, à 36.000/mm2 à la naissance puis à 108.000/mm2 à 45 mois, cette valeur ne
représentant encore que la moitié de celle trouvée chez l'adulte. Cette augmentation de
densité est liée à la combinaison de plusieurs facteurs : diminution de taille de la zone
fovéolaire, élongation des cônes fovéaux et migration centripète de cônes périfovéaux
vers cette zone centrale, entraînant une diminution de l’espace entre chaque cône de
2,18’ à 5 jours, à 1,19à 15 mois et 0,70à 45 mois (pour 0,47chez l’adulte) [Wilson,
1988]. De façon parallèle, mais tardivement en fin de gestation, les corps des cellules
ganglionnaires sont rejetés à la périfovéa [Provis et al., 1985], le plexus vasculaire
périfovéolaire s’organise autour d’une zone centrale qui se creuse d’une fossette : la
fovéola ; ces trois facteurs permettent la migration normale de cônes jusque dans la
dépression fovéolaire [Provis et al., 2000].
L’absence de déroulement normal de cette étape, par exemple lorsque l’enfant naît
prématurément, retentit de façon indirecte sur la migration des cônes qui ne se fait pas
normalement vers la fovéola ; cette déficience peut en partie expliquer des difficultés
visuelles ultérieures. De même, l’hypoplasie fovéale observée chez les sujets albinos
est-elle probablement due à un défaut de migration des cônes vers la fovéola [Wilson et
al., 1988].
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