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communication & langages – n° 155 – Mars 2008
PUBLICITÉ
ANNE-AURELIE MARCHAL
Le marquage publicitaire
de l’espace parisien :
frontières et territoires
« L’air que nous respirons et un composé d’azote, d’oxygène
et de publicité. Nous baignons dans la publicité.
C’est elle qui nous salue à notre réveil, quand nous ouvrons
notre radio et nous accompagne tout le long de notre journée
sous les formes les plus diverses. »
R. Guérin, 1957
1
Au sein de la diversité urbaine, la
publicité se fait plurielle. De part
ses formes, ses supports ou encore
ses contenus, son expression varie
en fonction des sites urbains dans
lesquels elle s’insère. C’est pour-
quoi, il nous est possible d’observer,
à Paris, comment ces variations
publicitaires marquent des fron-
tières et distinguent des territoires,
tout en soulignant leur identité. Afin
de mettre en relief ce « marquage
publicitaire » de l’espace, Anne-
Aurélie Marchal choisit deux exem-
ples particulièrement éloquents : le
métro et le boulevard périphérique
parisien. Cependant, l’analyse de
l’empreinte publicitaire dans l’envi-
ronnement urbain ne se limite pas à
ces seuls sites emblématiques, car il
est possible, selon l’auteur, de mettre
en évidence la place importante de
la publicité à travers différentes
dimensions des frontières urbaines :
spatiales, temporelles ou encore
sociales.
Chaque espace ou territoire est découpé, limité, classé,
identifié et représenté en vertu de l’impérieuse nécessité, pour
les individus qui y vivent,
1
de connaître et d’appréhender leur
milieu
2
. Dans l’environnement urbain l’appréhension du terri-
toire s’organise grâce à la présence de structures officielles
spécifiques (limites d’arrondissement, panneaux de signalisa-
tion, plaques de rue, mur d’enceinte…) mais aussi, par le biais
des pratiques sociales et de l’expérience quotidienne que les
citadins ont de leur milieu. Aux frontières naturelles (fleuve,
changement de relief) et officielles (découpage administratif)
qui structurent la ville, se superposent d’autres limites de
l’ordre du vécu qui peuvent se manifester dans des détails ou
des éléments considérés comme superflus ou superficiels. Sous
l’angle de la phénoménologie, il paraît ainsi pertinent de nous
intéresser à ces frivolités néanmoins instructives, tant il est vrai
que «
la profondeur se cache à la surface des choses
»
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.
Ainsi, afin d’appréhender et de s’approprier leur terri-
toire les citadins usent de tous les éléments mis à leur
disposition, répartis à travers l’espace urbain. Il peut s’agir
1. R. Guerin,
Les Français n’aiment pas la publicité
, O. Perrin, 1957, p. 9.
2. Dans
L’image de la cité
, K. Lynch a montré l’importance vitale de cette
structuration de l’espace, et la façon dont elle s’appuie, en ville, sur l’image
que celle-ci peut produire à travers le concept de lisibilité notamment.
Ainsi, si « structurer et identifier son milieu est une faculté vitale chez tous
les animaux » (p. 4), chez le citadin elle se traduit par la nécessité de
posséder une « bonne image de son environnement » (p. 5). Pour ce faire,
la ville doit se rendre lisible et donc appréhendable, aux moyens de tous
les dispositifs et techniques d’orientation dont elle peut user.
3. Après E. Husserl, plusieurs penseurs tels que Nietzsche, Weber ou
Simmel ont partagé cette idée, soulignant l’importance pour l’intellectuel,
qui entend comprendre le social, de rester proche du quotidien, du vécu,
pour ne pas se perdre dans des élaborations intellectuelles qui oublient ou
voilent la réalité.