Introduction générale
Lorsqu‟on évoque la question des inégalités écologiques de la ville, les premières images qui
viennent à l‟esprit sont celles des conséquences humaines et sociales des catastrophes des
années 2000 : explosion de l‟usine AZF de Toulouse, orages et éboulements de terrains des
villes du Sud de la France, inondations de la Nouvelle Orléans suite à l‟ouragan Katrina.
Toutefois, les inégalités écologiques ne se limitent pas à ces situations d‟exposition des
populations aux risques industriels et naturels. Elles font aussi intimement parti du fait urbain.
Si, dans ce cas, les facteurs qui en sont à l‟origine sont moins évidents à déceler car relèvent
de causes multiples, ils n‟en produisent pas moins des effets significatifs sur les populations et
les territoires concernés.
Aux USA, des fondations caritatives et des universitaires ont révélé l‟existence de situations
subies de discrimination raciale dans l‟accès à la qualité de l‟environnement urbain. Il a ainsi
été démontré que les minorités ethniques (afro et hispano-américaines) sont trois fois plus que
les autres populations exposées aux déchets toxiques et aux pollutions émises par les
infrastructures. Si la ségrégation urbaine touchant dans ce pays ces minorités est en cause, elle
ne constitue pas la seule explication. La faible inscription des précautions environnementales
dans les politiques urbaines et le rôle du marché en faveur de la concentration des installations
polluantes proches des quartiers ségrégés des minorités ne sont pas à sous-estimer. De même
que les inégalités d‟accès aux soins qui aggravent les conséquences de ces situations
d‟exposition sur la santé : là encore, trois fois plus de cancers, d‟asthmes et de malformations
des bébés au sein de ces minorités comparé au reste de la population.
L‟intérêt de l‟illustration américaine, même si elle ne peut pas être extrapolée en tant que telle
à la France, est de montrer certains des mécanismes qui contribuent aux inégalités
écologiques et qui permettent d‟en caractériser les situations. Ces inégalités sont dues à des
discriminations sociales et ethniques qui prennent place par le jeu du marché dans des
politiques urbaines et d‟infrastructures peu encadrées et peu soucieuses de l‟environnement.
Elles se caractérisent par des différences de situation d‟exposition environnementale, mais
aussi par la vulnérabilité accrue de ces minorités aux risques du fait de leur insuffisant accès
aux soins.
Les travaux menés en France, s‟ils font état de mécanismes sensiblement différents en raison
des contextes urbains et sociopolitiques distincts, laissent entrevoir des situations qui sont
aussi dues à l‟enchevêtrement de causes multiples. Aux phénomènes d‟héritage urbain et
économique s‟imbriquent les processus actuels de développement urbain. Ainsi, l‟héritage de
villes plus compactes où l‟industrie et les résidences étaient davantage réunies, où la première
couronne accueillait bon nombre d‟entrepôts de matières dangereuses et de communautés
ouvrières jouent sur la géographie et la caractérisation de ces inégalités écologiques. De
même que la façon dont s‟opère la régénération des zones en déclin économique et en friche
urbaine. Le renouvellement urbain, selon les tensions entre l‟évolution des marchés foncier et
immobilier et le rôle joué par l‟action publique, peut ainsi activer des effets de cumul entre
inégalités sociales d‟accès au cadre de vie et inégalités d‟exposition aux risques
environnementaux. Les deux cas extrêmes à l‟œuvre - la gentrification de zones attractives
présentant un bon niveau d‟accessibilité et de cadre de vie dont le foncier peut être revalorisé
versus la désaffection de zones urbaines dépréciées en raison de leur caractère social,