Les mauvaises habitudes alimentaires constituent un facteur
de risque majeur de diabète de type 2, mais comment faire pour
aider les gens à manger sainement ? Une mesure importante
consiste à s'assurer que les enfants sont encouragés à manger
des aliments sains et ne sont pas exposés à des campagnes
de promotion d'aliments énergétiques riches en graisse,
en glucides et en sel. Justin Macmullan se penche sur les
pratiques commerciales guidées par le profit, potentiellement
dangereuses, et réclame l'adoption d'un code de pratique
international pour empêcher les enfants d'aujourd'hui de
devenir la génération ‘mal bouffe’ de demain.
Protéger la génération mal
bouffe : nécessité d'une
intervention internationale
Justin Macmullan
alimentaires. Les publicités pour les aliments
et les boissons ne devraient pas exploiter
l'inexpérience ou la crédulité des enfants.
Les messages qui incitent à avoir des pra-
tiques alimentaires nuisibles à la santé
ou un mode de vie sédentaire devraient
être combattus au profit de messages qui
incitent à rester en bonne santé. Les gou-
vernements devraient s'efforcer avec les
associations de consommateurs et avec le
secteur privé (y compris le secteur de la
publicité) d'élaborer des approches mul-
tisectorielles appropriées pour s'occuper
de la question de la commercialisation
des aliments auprès des enfants et d'autres
aspects comme le parrainage, la promotion
et la publicité."1
Cinq ans plus tard, la commercialisation des
aliments auprès des enfants demeure une
préoccupation majeure. Les taux de surpoids
et d'obésité ne cessent d'augmenter, cer-
taines des hausses les plus importantes étant
L’OMS a mis sur pied, en 2004, une stra-
tégie visant à prendre en charge les ma-
ladies non transmissibles, dont le diabète
de type 2.
1
Cette stratégie identifie de ma-
nière explicite les problèmes de santé dus
à la consommation excessive de graisses,
de glucides et de sel, ainsi qu'aux rations
insuffisantes de fruits, de légumes frais et
secs et de céréales complètes.
La stratégie de l'OMS est claire sur ce
point : "La publicité en faveur des produits
alimentaires a des effets sur les choix du
consommateur et influence ses habitudes
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Diabète et société
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aujourd'hui enregistrées dans les économies
émergentes. Malg des appels à l'action de
plus en plus nombreux émanant d'experts
en santé publique et de groupes de fense
des consommateurs, de nombreuses sociétés
agroalimentaires continuent de consacrer
des budgets de marketing énormes à la
publicité d'aliments riches en graisses, en
glucides et en sel auprès des enfants.
Consumers International fait aujourd'hui
campagne pour l'adoption d'un code in-
ternational pour la commercialisation des
produits alimentaires auprès des enfants.
Si les parents jouent un rôle déterminant
dans le choix des aliments et des boissons
consommés par les enfants, les sociétés ont
également le devoir de ne pas saper les ef-
forts de promotion d'une alimentation saine.
La campagne de Consumers International
s'inscrit dans le cadre de la résolution
de l'Assemblée mondiale de la santé,
qui appelle l'OMS à formuler des recom-
mandations à ce propos. L'OMS devrait
présenter ces recommandations à ses ins-
tances dirigeantes en 2010, au terme de
longues consultations.
Commercialisation des produits
alimentaires
Les enquêtes menées par Consumers
International et nos membres se sont pen-
chées sur la commercialisation de diffé-
rents groupes d'aliments, dans différentes
régions et sur Internet. Elles ont mis en
évidence l'étendue du marketing d'aliments
non diététiques auprès des enfants, ainsi
que les techniques variées et complexes
utilisées par les fabricants d'aliments et de
boissons non alcoolisées pour encourager
les enfants à consommer leurs produits.
Des stratégies de marketing ciblées sur
les enfants ont été constatées sur les
emballages, dans les points de vente, sur
les sites web et dans les publicités télévi-
sées, de même que dans le cadre d'activités
de parrainage et de placement de produits.
Les techniques sont nombreuses et diverses,
allant de l'utilisation de personnages de
dessins animés et de célébrités à des jeux
et concours, en passant par des cadeaux.
Prises séparément, toutes ces tactiques peu-
vent paraître inoffensives, mais mises en-
semble, elles constituent un véritable déluge
de campagnes de marketing agressives
ciblées sur des consommateurs vulnérables.
Ces tactiques
s'apparentent à un
déluge de campagnes
de marketing
agressives ciblées sur
des consommateurs
vulnérables.
Les céréales
De nombreuses campagnes de marketing
font appel à des personnages de dessins
animés, à des jeux et à des concours pour
promouvoir les céréales auprès des enfants.
Ces personnages et jeux apparaissent sur
les emballages et les sites web, de même
que dans les campagnes publicitaires omni-
présentes avec, notamment, des publicités
télévisées spécialement conçues pour attirer
les enfants et diffusées à des heures de forte
audience chez les enfants.
Bon nombre de ces céréales contiennent
toutefois des taux excessifs de glucides
et/ou de sel. C'est le cas notamment des
Frosties de Kellogg's et du Nesquik de
Nestlé, qui contiennent tous deux plus de
glucides qu'un doughnut recouvert d'un
glaçage. D'autres céréales, comme les Rice
Krispies de Kellogg's et les Chocopic de
Nestlé, renferment plus de sel qu'un paquet
de chips au sel.
Mais, malgré cela, les Frosties font régu-
lièrement l'objet de campagne de mar-
keting autour du personnage de dessin
animé Tony le tigre, avec des jeux et des
liens vidéo. Nesquik utilise quant à lui le
lapin Nesquik, des énigmes et des jeux.
Ce type de publicité envoie un message
trompeur aux parents et aux enfants en fai-
sant croire que ces produits constituent un
petit-déjeuner adéquat pour les enfants. La
consommation journalière de ces produits
contribue pourtant fortement à des taux de
Les sociétés agroalimentaires
consacrent parfois des
budgets énormes à la
publicité d'aliments riches en
graisses, en glucides et
en sel auprès des enfants.
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sel et de glucides alimentaires supérieurs
aux recommandations de l'OMS.
Boissons non alcoolisées
Il est également apparu que les fabricants
de nombreuses boissons non alcoolisées,
dont Coca-Cola Company et Pepsi Co,
faisaient la promotion de leurs produits
auprès des enfants, malgré leur teneur très
élevée en glucides. Le Coca-Cola et le Pepsi
classiques contiennent entre 10 et 11 g
de glucides par 100 ml, ce qui équivaut
à près de 9 cuillers à café de sucre. Et le
Fanta, également fabriqué par Coca-Cola
Company, contient encore plus de glucides
(entre 11,7 et 15,2 g par 100 ml).
Cela n'empêche pas Coca-Cola et Pepsi
Co d'utiliser des sites web très sophisti-
qués s'appuyant sur des téléchargements
de musique gratuits, des célébrités et des
jeux pour cibler les adolescents et les en-
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fants. Les exemples de telles tactiques sont
légion : une publicité télévisée pour Pepsi
diffusée en Russie montre un adolescent
qui rêve de devenir une star du rock ; en
Thaïlande, Coca-Cola utilise des person-
nages de dessins animés appréciés des
enfants dans des publicités télévisées ; dans
une autre publicité, une jeune femme tirée
d'un dessin animé est présentée comme un
musicienne cool et douée parce qu'elle
boit du Fanta.
Chocolat et chips
De nombreux fabricants de confiserie font
la promotion de leurs produits auprès
des enfants. Les M&Ms de Mars sont une
marque mondialement connue qui utilise
de petits personnages animés sur l'embal-
lage et les sites web, lesquels proposent
notamment une série de jeux. Bien que le
site web des M&Ms interdise l'accès aux
enfants de moins de 14 ans, ces mesures
de protection sont souvent inefficaces.
Les œufs en chocolat Kinder de Ferrero
contiennent quant à eux un jouet et l'em-
ballage propose des images d'enfants.
Tous les paquets de chips Lays, fabriqués
par Pepsi Co, contiennent 34 g de lipides
par 100 g. Pourtant, la promotion de ces
chips en Inde est assurée par des stars de
Bollywood et du monde sportif tous très
populaires auprès des enfants et représen-
tant des modèles potentiels.
Fast-food
Les sociétés de fast-food, comme
McDonald’s, Burger King et KFC,
proposent toutes des menus pour enfants.
Certaines combinaisons de menus peuvent
représenter jusqu'à 50 % de l'apport jour-
nalier recommandé en lipides, en glucides
et en sel. Les enfants très jeunes, chez qui
ces repas peuvent représenter un pour-
centage encore plus élevé de l'apport
Manger certaines céréales chaque jour peut entraîner des taux de sel et de glucides supérieurs
aux recommandations.
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Justin Macmullan
Justin Macmullan est responsable de
campagne pour Consumers
International, qui est le seul organisme
mondial indépendant représentant
les consommateurs à organiser
des campagnes et compte plus de
220 membres dans 115 pays.
Vous pouvez télécharger une copie
des recommandations du CI/IOTF
pour un code international relatif à
la commercialisation des produits
alimentaires auprès des enfants et
consulter les enquêtes réalisées par le
CI concernant la commercialisation de
produits alimentaires auprès des enfants
sur le site www.junkfoodgeneration.org.
Référence
1 World Health Organization. Global Strategy
on diet, physical activity and health. GSDPAH,
WHA 2004 A57/9. World Health Assembly,
Geneva, May 2004.
recommandé en lipides, glucides et sel,
sont attirés par des personnages de des-
sins animés et des cadeaux. Lorsqu'un
enfant devient trop grand pour les menus
pour enfants proposés – à l'âge de 9 ou
10 ans –, il se tourne alors vers les pro-
duits des menus adultes, qui contiennent
parfois encore plus de lipides, de glucides
et de sel.
L'implantation de fast-
foods à proximité des
écoles peut encourager
la consommation
d'aliments traités
potentiellement nocifs.
Les publicités pour fast-foods s'adressant
aux enfants sont très répandues : pan-
neaux publicitaires, publicités télévisées et
radiophoniques, bandes dessinées et jeux
sur les emballages, cadeaux, concours
et clubs en ligne, contrats de parrainage
et placement de produits dans des films
pour enfants. Le ‘Chicky Club’ de KFC en
Malaisie est le club pour enfants le plus
important du pays. Les adolescents sont
eux aussi la cible d'une série de cam-
pagnes publicitaires complexes. En outre,
l'implantation de fast-foods à proximité
des écoles peut encourager la consom-
mation régulière d'en-cas et d'aliments
traités potentiellement nocifs.
Réponses de l'industrie alimentaire
et des régulateurs
En réponse aux appels à une réglemen-
tation émanant d'experts en santé pu-
blique et d'organismes de défense des
consommateurs, plusieurs sociétés se sont
engagées à limiter les campagnes de mar-
keting auprès des enfants. Dans certains
cas, plusieurs sociétés se sont regroupées
pour annoncer la prise d'engagements
régionaux ou nationaux.
Cependant, aucun de ces engagements
volontaires ne concerne les enfants de plus
de 12 ans – alors que les adolescents res-
tent très sensibles au pouvoir du marketing
et, dans de nombreux cas, ont leur propre
opinion de ce que sont une alimentation et un
style de vie sains. Les engagements peuvent
également varier d'une société et d'un pays
à l'autre. De ce fait, de nombreux pays et
sociétés ne participent pas, certaines formes
de marketing sont exclues et, surtout, chaque
société a développé ses propres critères
nutritionnels concernant les produits couverts.
Il existe également quelques exemples de
réglementation gouvernementale. Ainsi, au
Royaume-Uni, les publicités télévisées pour
des aliments riches en lipides, en glucides
et en sel sont interdites lors de la diffusion
de programmes présentant un attrait parti-
culier pour les enfants de moins de 16 ans.
Au Canada, les tribunaux ont condamné
plusieurs sociétés de fast-food, dont Burger
King, General Mills et McDonald’s. Ces
exemples demeurent toutefois rares.
La nécessid'un code international
Consumers International, en collaboration
avec le Groupe de travail international
sur l'obésité, a développé un ensemble
de recommandations en faveur d'un code
international relatif à la commercialisation
des produits alimentaires auprès des en-
fants. Le code cible la commercialisation
d'aliments très énergétiques et pauvres en
nutriments à des enfants âgés de 16 ans et
moins. Au nombre des exigences figurent
l'interdiction de :
publicités radiophoniques et télévisées
faisant la promotion d'aliments non dié-
tétiques entre 6 h et 21 h
la commercialisation d'aliments non dié-
tétiques auprès d'enfants par le biais de
nouveaux médias (sites web, réseaux
sociaux et SMS, par exemple)
la promotion d'aliments non diététiques
dans les écoles
l'utilisation de cadeaux et la participation
de célébrités à la promotion d'aliments
non diététiques.
Un code international permettrait de soutenir
et de guider les gouvernements nationaux
et servirait de point de référence clair pour
l'évaluation des pratiques commerciales
des sociétés. Une large coalition d'orga-
nisations de consommateurs, de groupes
de santé publique, de nutritionnistes et de
pédiatres pensent qu'un tel code constitue
un élément indispensable de la réponse
mondiale à un problème de santé de plus en
plus urgent. Un tel code offrirait la chance
aux enfants du monde entier de grandir à
l'écart de ce type de marketing agressif
qui peut affecter leurs choix et, en fin de
compte, menacer leur santé.
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