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Défi diagnostic
le clinicien février 2011
cal (jungle rot). Une évolution
naturelle vers la gangrène s’opère,
ce qui conduit alors le patient à
l’amputation.
Heureusement, il existe un traite-
ment efficace menant à la guérison
complète, quoique les patients peuvent
souffrir de douleur intense lorsque la
sensation revient dans les pieds. Par
ailleurs, les victimes demeureront par
la suite plus sensibles au froid.
Laboratoire et radiologie
Le laboratoire n’est pas utile pour
investiguer un pied des tranchées, à
moins qu’on ne soupçonne une in-
fection. Une scintigraphie au tech-
nétium peut cependant aider à éva-
luer l’atteinte tissulaire.
Les rayons X simples, quant à eux,
ne sont pas utiles. Pas plus d’ailleurs
que l’artériographie, puisqu’elle dé-
montre les gros vaisseaux, et non pas
la microvasculature.
Le traitement
Il faut réchauffer les pieds en les
immergeant dans de l’eau à une tem-
pérature de 40 à 42 °C, et ce, pour
environ cinq minutes. Il ne faut pas
utiliser d’eau plus chaude, ni de
chaleur sèche, en raison du risque de
brûler les pieds. Par la suite, il faut
garder les pieds propres, chauds et
secs.
On traite d’abord les infections
locales fongiques et bactériennes et on
demande ensuite au patient de garder
les pieds nus et à l’air, aussi souvent
que possible. L’usage topique de
métronidazole contre les anaérobies
est souvent nécessaire, notamment
parce que son usage fait disparaître
l’odeur de pourriture, ce qui rend la
situation beaucoup plus tolérable pour
le patient et son entourage.
La prévention
En tout temps, il faut garder les
pieds au chaud et au sec, ou du
moins fréquemment changer de bas
lorsqu’il est impossible de garder les
pieds secs. Il ne faut surtout pas
graisser les pieds; ils ne seront pas
plus imperméables et ceci aug-
mentera au contraire la gravité de la
condition. Pendant la Première
Guerre mondiale, on croyait à tort
que le fait de graisser les pieds les
rendait imperméables et donc résis-
tants à la condition du pied des
tranchées. On a donc distribué aux
soldats de la graisse de baleine avec
laquelle ils se sont frotté les pieds.
La conséquence de ce geste a été
dramatique : les pieds sont au con-
traire devenus plus sensibles à la
condition et ils se sont détérioriés
plus rapidement. Il n’est pas impos-
sible que le fait qu’une graisse
organique ait été utilisée ait con-
tribué à la détérioration de la condi-
tion, les anaérobies y trouvant une
nourriture supplémentaire facile-
ment accessible.
Retour sur le cas
de Roberto
Comme ses pieds étaient déjà
chauds et secs, vous avez traité
l’infection avec une application de
métronidazole en crème et per os.
L’évolution s’est faite sans aucune
complication. Roberto aime
toujours marcher dans le bois, mais
il apporte dorénavant quelques
paires de bas supplémentaires.
C
Dr Melançon est
omnipraticien et compte
29 années d’expérience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est récemment
revenu à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
Défi diagnostic
Il ne faut surtout
pas graisser les
pieds; ils ne
seront pas plus
imperméables
et ceci
augmentera
au contraire
la gravité de
la condition (...).