Connaissez-vous bien cet ennemi qui a « bouffé » vos lis?

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ENTOMOLOGIE DU QUÉBEC
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Connaissez-vous bien cet ennemi
qui a ÿ bouffé Ÿ vos lis ?
Christine Jean
Introduit d’Europe, le criocère du lis (de la famille
des chrysomélidés) a été recensé au Canada pour la
première fois en 1943 à Sainte-Anne-de-Bellevue. Il
semblerait qu’il ait été longtemps confiné à l’Île de
Montréal. Les premiers spécimens récoltés en dehors
de l’île l’ont été en 1978 sur la rive nord du fleuve.
D’autres ont été observés à Ottawa en 1981. Depuis,
son aire de répartition géographique s’étend progres-
sivement dans l’est de l’Amérique du Nord. En plus
du Québec, on le trouve en Ontario, en Nouvelle-
Écosse et dans plusieurs états de la Nouvelle-
Angleterre. Son expansion n’est certainement pas
étrangère à la popularité grandissante des aménage-
ments paysagers depuis les dernières décennies.
Cycle vital
Les adultes mesurent de 7 à 8 mm de long. Ils sont
rouges, avec la tête, les antennes et les pattes noires.
Leurs élytres portent des rangées de minuscules
ponctuations. Mâles et femelles sont semblables. Ils
passent l’hiver enfouis dans le sol, en ressortent tôt
au printemps et s’accouplent. La femelle peut pon-
dre environ 300 œufs. Ceux-ci sont de forme cylin-
drique, de couleur orangée ou rougeâtre, ils mesu-
rent environ 1,5 mm de long. Quoique pondus en
masse, souvent alignés bout à bout à la face infé-
rieure des feuilles du lis, ils sont peu visibles en rai-
son de leur taille. Une à deux semaines après la
ponte, les œufs éclosent. Les larves, dont la tête et
les pattes sont noires et le corps jaune ocre, se déve-
loppent pendant environ trois semaines. Les jeunes
larves se nourrissent en grignotant la face inférieure
du feuillage et se déplacent parfois vers la face supé-
rieure à mesure qu’elles se développent. À maturité,
elles atteignent 9 mm de longueur. La larve mature
descend au sol où elle s’enfouit à quelques centimè-
tres de profondeur. Elle se défait de son enveloppe
d’excréments, dont il sera question plus loin, et se
fabrique un cocon constitué d’un mélange de salive
et de particules de sol dans lequel elle se transforme
en nymphe. Le développement nymphal dure entre
quatre et cinq semaines. Émergé à partir de la fin de
juin, le nouvel adulte se nourrit à nouveau sur le lis
et commence à s’abriter dans le sol pour l’hiver sui-
vant dès la fin de juillet. Il y aurait une seule généra-
tion par année au Québec mais on peut en observer
jusqu’à trois en Europe.
Un appétit vorace
Tant les larves que les adultes du criocère du lis se
nourrissent avec voracité. Ils dévorent le feuillage,
puis les fleurs et les boutons floraux sur les lis culti-
vés, principalement les espèces d’origine eurasienne.
Ils peuvent également s’attaquer aux fritillaires. Les
liliacées indigènes ne sembleraient pas menacées.
Photo : René Limoges, Insectarium de Montréal
Le criocère du lis, Lilioceris lilii Scopoli, un très beau coléoptère de couleur rouge écar-
late, rend la culture du lis plutôt laborieuse par les temps qui courent. Peut-être avez-vous
vu, comme moi, vos lis disparaître de vos plates-bandes en l’espace de quelques années, si ce
n’est de quelques semaines…
loupe
Sous la
Antennae, vol. 12, no 1 Hiver 2005
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Pour se protéger de tous les genres d’intrus
Lorsqu’ils sont dérangés, les adultes se laissent tom-
ber au sol. Ils nous échappent ainsi très facilement.
De plus, l’adulte émet un son lorsqu’il se sent mena-
cé, ce qui lui permet d’éloigner ses ennemis (autres
que les humains… ). Ce bruit est produit par le frot-
tement des élytres de l’insecte sur son abdomen.
Particularité assez
rare, l’anus de la
larve est situé en
position dorsale.
Ceci lui permet un
comportement de
camouflage plutôt
inusité… En effet,
la larve se fabri-
que un abri com-
posé de mucus et
de ses excréments,
abri qui recouvre tout son corps, qui s’agrandit à me-
sure qu’elle se développe et qui se déplace avec elle.
En plus de servir de camouflage pour les prédateurs et
de protection contre le soleil et la déshydratation, cet
abri pourrait servir à régulariser la température du
corps de la larve.
Le criocère du lis adulte se déplace facilement au vol
dès que la température se réchauffe. Ainsi, lorsqu’il
ne trouve plus suffisamment de nourriture sur un site,
il se déplace.
Jusqu’à maintenant, on ne lui connaît aucun prédateur
en Amérique du Nord. Toutefois, des recherches sont
menées aux États-Unis avec des parasitoïdes européens
du criocère du lis dans le but d’identifier des agents de
lutte biologique efficaces contre ce ravageur.
Des moyens de lutte?
Les personnes qui sont à aménager leur jardin de-
vraient choisir de préférence des variétés américai-
nes de lis puisque le criocère préfère les variétés
européennes.
Dans les jardins déjà existants, l’enlèvement manuel
des adultes, des œufs et des larves est possible. Mais
il faut être très vigilant et persévérant, l’observation
des plants doit commencer tôt au printemps et être
répétée fréquemment. La sortie d’hibernation des
adultes se poursuit pendant quelques semaines et ils
se déplacent facilement au vol. Quant aux œufs, ils
peuvent être détruits en les écrasant à la main ou en
les prélevant avec un pinceau, mais cela demande
une attention minutieuse et une patience exemplaire.
D’autre part, les larves recouvertes de leurs excré-
ments sont plutôt répugnantes, le port de gants peut
rendre la tâche moins ardue. Ainsi, plusieurs des
caractéristiques du criocère du lis en font un ennemi
armé de plusieurs éléments lui permettant de conti-
nuer de proliférer!
Principale source d’information :
www.toiledesinsectes.qc.ca
Photo : Nathalie Laplante, MAPAQ
Antennae, vol. 12, no 1 Hiver 2005
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