Jeux vidéo : la dernière croisade

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Jeux vidéo : la dernière croisade
Jeux vidéo :
la dernière croisade
Laisseriez-vous votre fils jouer à GTA4 ?
C
'est la rançon du succès ! Depuis leur apparition, les jeux vidéo connaissent le sort autrefois dévolu
au rock ou aujourd'hui aux rave parties. Quelques prédicateurs plus ou moins exaltés exploitent les
peurs d'une opinion publique décontenancée. Petite présentation de la galaxie ludophobe.
Après « Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone ? » pendant les années 60, « Laisseriez-vous
votre fils jouer à GTA4 ? » est la question posée aux parents des années 2000.
C
ommençons cet article par un
magnifique cliché : « On a peur
de ce qu'on ne connait pas ». Voilà,
c'est fait. Cette maxime est pourtant
le point commun de tous les militants
anti-jeux vidéo. C'est aussi leur principale faiblesse. Comment voulez-vous
que les gamers prennent au sérieux les
critiques de personnes dont on s'aperçoit au bout de deux phrases qu'elles
ne connaissent pas le jeu qu'elles attaquent ? Ajoutez à cela un ton systématiquement outrancier qui détruit ce qui
leur reste de crédibilité.
Il y a pourtant de tout dans la nébuleuse anti-jeux vidéo. On y trouve des
opportunistes à la recherche d'une
cause, des illuminés crypto-intégristes, des bien-pensants persuadés
de sauver la civilisation... mais aussi
des critiques souvent de tendance
conservatrice, mais qui émettent des
craintes qu'il serait imprudent d'ignorer. Notre galerie de portraits ci-après
propose quelques exemplaires de
chaque catégorie.
Logique capitaliste
Ces lobbyistes représentent-ils un
danger pour la liberté des studios et
des joueurs ? Force est de constater
qu'aux États-Unis comme en Europe,
leurs démarches judiciaires accumulent pour l'instant les bides. Un Jack
Thompson qui rend les jeux vidéo
responsables du moindre fait-divers
sanglant n'a jamais obtenu la moindre
réparation ou interdiction.
Il est d'ailleurs significatif que ce
soient désormais les jeux qui deviennent les boucs-émissaires des récurrentes fusillades américaines, d'avantage que les films violents qui étaient
brocardés il y a 20 ans. Pourtant, Jack
Thompson, encore lui, déteste tout
autant Hollywood que Rockstar Games. La différence est que le cinéma
a depuis longtemps assis sa crédibilité
artistique (et son poids économique),
alors que les jeux vidéo restent largement méconnus. Pour les tenants de
l'ordre moral, le secteur a donc l'avantage d'être encore vulnérable à l'offensive du politiquement correct. Mais
pour combien de temps ?
Avec des recettes de softs et de matériels tournant autour de 50 milliards
d'euros en 2008, notre loisir s'est
imposé comme LE divertissement le
plus lucratif de la planète. Ainsi, il va
probablement suivre le même chemin
que le cinéma : la puissance du marché
Des jeux comme Manhunt ou Carmaggedon racolent les ados en jouant la carte de la transgression bête et méchante. Un peu comme un certain cinéma leur vend
des flingues, des bagnoles et du sexe : tout simplement parce que ça se vend.
devrait progressivement marginaliser
les critiques. Les mêmes médias grand
publics qui brocardent, souvent par
ignorance, les phénomènes d'addiction ou d'agressivité pourraient devenir d'ardents défenseurs de la « liberté
de création » sitôt que le groupe télévisuel qui les emploie aura commencé à
investir dans le jeu vidéo.
Sous le signe de l'hexagone
Quelle est la situation en France ?
Un temps présentée comme un épouvantail réactionnaire, l'association Familles de France affirme se consacrer
désormais à des travaux d'information
et de sensibilisation (voir ci-contre). Au
niveau législatif, un projet de loi contre
les jeux violents avait été déposé en
1999, puis représenté en 2002, avant
de tomber dans l'oubli. Pour des pouvoirs publics somme toute pragmatiques, le jeu représente d'avantage un
marché à conquérir qu'une activité à
brider. En ce sens, la loi du 5 mars 2007
prévoit d'accorder un crédit d'impôt
pour aider les studios français. Il sera
cependant refusé aux jeux comportant des séquences à caractères pornographiques ou ultra-violents. Mais
pour l'heure, pas de législation directement répressive à l'horizon. La loi
sur la prévention de la délinquance,
votée en 2007, a finalement abouti à la
création prochaine d'une haute autorité qui s'attachera d'abord à revoir
la signalétique des produits. Rien de
franchement liberticide.
Notre pays n'est pourtant pas à
l'abri d'un député ou d'un ministre en
manque de publicité. Et la loi permet
par exemple d'attaquer un distributeur qui laisserait un mineur acquérir
un jeu 18+ (soyons honnêtes, les magasins les contrôlent très rarement). Les
lobbyistes en contact avec les politi-
ques nous ont confié que ces derniers
étaient stupéfaits à la vue d'une scène
de GTA 4. Paradoxalement, c'est sans
doute le fait qu'ils connaissent à peine
l'existence des jeux vidéo qui nous
évite une croisade bon marché.
En attendant cette éventualité, le
temps joue pour nous : la génération
biberonnée aux pixels devient adulte
et elle est vaccinée contre les fantasmes de tous les croisés. Dans les
médias, on devine déjà que certains
reportages, comme par hasard les
moins caricaturaux, sont le fait de jeunes journalistes eux-mêmes joueurs.
Comme le concluait Christiane Therry,
déléguée générale de Famille de France : « Dans 10 ans, nous n'aurons plus
besoin d'alerter les parents sur les jeux
vidéo. Ils seront déjà initiés ». De fait,
les anciens joueurs de GTA sauront
mieux que quiconque ce qu'il convient
de laisser à portée de leurs enfants.
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