Philippe Calas -1- proLOGUE La réalisation du livre Pays Cathare vu du ciel a été loccasion de perfectionner ma technique de la photographie aérienne. Cette expérience exaltante ma permis de redécouvrir - avec un point de vue jusqualors inconnu - cette région de caractère, que je connaissais déjà bien depuis le sol. Cette nouvelle édition du livre adopte un nouveau titre car jai souhaité en changer complètement le contenu et vous proposer des vues différentes en mapprochant au plus près de ces trésors, bien loin des images satellites, froides et sans saveur, qui ne permettent pas de saisir lâme de ces merveilles patrimoniales. Les outils modernes et les nouvelles techniques de prises de vue du ciel mont autorisé plus de souplesse et dautonomie dans mon travail de photographe. Cest ainsi que jai pu me rendre sur la plupart des sites du Pays Cathare au moment idéal pour obtenir des photographies avec la belle lumière du petit matin ou les derniers rayons de soleil. Jai ainsi pu prendre le temps nécessaire pour réaliser les clichés que je souhaitais obtenir afin de partager avec vous lesprit des lieux. Ce travail de longue haleine a été suivi et mis en forme en étroite collaboration avec Christian Salès, mon éditeur. Cest ainsi que Pays Cathare, Trésor du patrimoine vous propose de redécouvrir avec une approche inédite les richesses exceptionnelles de ce territoire de caractère que lUNESCO souhaite inscrire au titre du patrimoine mondial. Du Tarn aux Pyrénées, de Béziers à Toulouse en suivant le canal du Midi, les châteaux, abbayes, églises, bastides, villes et villages offrent de multiples occasions de s’émerveiller tout au long des saisons. Ce Pays Cathare, terre des bons hommes et des bonnes femmes, théâtre de terribles tragédies lors de la sanglante croisade contre les Albigeois, garde les traces de son passé gravées dans la pierre. Je vous invite à un voyage inoubliable, au fil des pages de ce livre, pour découvrir les richesses du Pays Cathare avec un regard nouveau. Working on the book Pays Cathare Vu du Ciel provided me with an opportunity to perfect my aerial photography skills. This thrilling experience gave me a fresh perspective – from a hitherto unexplored angle – of a region whose strong personality I had already tackled, down on the ground. This latest version of the book is graced with a new title. In fact I decided to change the entire contents, getting up close and personal with these treasures and offering different angles that are light years from impersonal, insipid satellite pictures that fail to convey the soul of these heritage gems. Modern tools and new aerial photography techniques afforded me flexibility and autonomy in my work as a photographer. I was thus able to visit most of the sites in Cathar Country at the perfect time for photos, either with the gorgeous light of the early morning or the last rays of the day. I could take all the time I needed to get the shots I wanted, so that I could share with you the very spirit of each site. It was a lengthy project. My publisher, Christian Salès, was with me every step of the way. Pays Cathare, Trésor du Patrimoine invites you to take a new look at the exceptional riches of a spirited region that UNESCO wishes to add to its World Heritage List. From the Tarn to the Pyrenees, from Béziers to Toulouse and all along the Canal du Midi, chateaux, abbeys, bastides, towns and villages offer a glorious and changing spectacle with the passing of the seasons.Cathar Country, the land of Good Men and Good Women, the theatre of major tragedies during the bloody crusade against Albi, still bears the traces of its past, inscribed in stone. Join me on an unforgettable journey through the pages of this book, and see the riches of Cathar Country in a new light. Philippe Calas Abbaye de Fontfroide -2- -3- La Croisade contre les Albigeois Avant de développer le sujet, on peut s’interroger sur le nom qui a été donné à cette croisade en la nommant «Croisade contre les Albigeois». Les habitants d’Albi ne semblent pas plus gagnés aux idées hérétiques que les autres et Albi n’a pas joué un grand rôle dans l’histoire cathare. Le terme fait surement référence à un colloque organisé en 1165 à l’issu duquel l’évêque d’Albi a déclaré publiquement les « bons hommes » comme hérétiques. Innocent III, devenu Pape en 1198, s’est fixé pour but l’unification du monde chrétien, but qu’il poursuivra au cours des dix-huit années de son règne. Il fera de la lutte contre l’hérésie cathare du sud de la France son objectif premier et utilisera les grands moyens. L’assassinat de son légat, Pierre de Castelnau, en 1208, est l’excuse qui lui permettra de justifier la croisade. Si le roi de France refuse de s’engager dans cette répression, plusieurs grands vassaux se joignent à la croisade, plus motivés par la perspective de s’approprier les terres du Languedoc que par la volonté de mettre les hérétiques dans le droit chemin... Les croisés se dirigent tout d’abord vers Béziers, fief du jeune Vicomte Raimond-Roger Trencavel. Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, qui mène la croisade, estime qu’une démonstration de force est nécessaire. Le 22 juillet 1209, les croisés donnent l’assaut. On rapporte que la population entière a été massacrée, catholiques y compris. L’histoire retiendra la phrase attribuée au légat du Pape pour distinguer les hérétiques des catholiques, «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !». Le 26 juillet, les croisés quittent Béziers pour se rendre à Carcassonne où ils arrivent le 1er août. Le surlendemain, ils se rendent maîtres des points d’eau, incitant le vicomte Raimond-Roger Trencavel à négocier la reddition. Un accord est conclu le 15 août. Trencavel se livre comme otage et meurt peu après, dans sa prison de la cité de Carcassonne, à l’âge de 24 ans dans des conditions mystérieuses... C’est Simon de Montfort, un homme ambitieux et cruel qui s’évertuera, neuf ans durant, à chasser les hérétiques de ses nouveaux domaines, en donnant toute la mesure de son endurance peu commune et de son génie militaire. De grands bûchers s’allument sur le passage des Croisés. Montfort et ses troupes assiègent Minerve, qui se rend en juillet 1210. Lastours dépose les armes en mars 1211, puis c’est le tour de Lavaur. En 1217, Raimond VI réussit à reprendre Toulouse. Simon de Montfort, prévenu, revient et assiège sa propre capitale. C’est ainsi que, lors d’un combat, il trouve la mort le 25 juin 1218, la tête broyée par un boulet de catapulte actionnée, dit-on, par des femmes toulousaines. Très vite le sort des armes se met à basculer en faveur des princes occitans. Dans les cinq ans qui suivent le décès de Simon de Montfort, les Français sont obligés de laisser les anciennes possessions du comte de Toulouse et celles des Trencavel. En 1229, Raimond VII est invité à se rendre à Meaux pour signer un Traité le 12 avril. Raimond VII s’engage ainsi à lutter contre l’hérésie et promet de restituer au clergé les biens et les droits, prendre la croix pour la Terre sainte et s’acquitter d’une lourde amende. En 1233, devant l’inefficacité de la lutte contre l’hérésie par les évêques, le Pape délègue en Languedoc les tribunaux de l’Inquisition, qu’il confie aux Dominicains, qui font bientôt régner la terreur parmi les diocèses méridionaux, n’hésitant pas à brûler les cathares et appelant à la dénonciation. La résistance cathare se concentre alors sur quelques châteaux pyrénéens, dont Montségur et Quéribus qui seront pris respectivement en 1244 et 1255. L’Inquisition reste encore active dans cette partie du royaume pendant près d’un siècle, jusqu’à ce que le catharisme soit complètement éteint. Le dernier bon homme, Guilhem Bélibaste, meurt sur le bucher à Villerouge-Termenès en 1321. p 4-5 Béziers les pieds dans l’Orb, p 6 Béziers, le moulin de Bagnols p 7 Béziers, la cathédrale Saint Nazaire -6- -7- The Albigensian Crusade Before getting into this subject, it is interesting to reflect on the name that was given to this crusade: the «Crusade against the Albigensians». Yet the inhabitants of Albi do not seem to have been more prone to heretic ideas than others. And Albi did not play a major role in the story of the Cathars. The term in all probability alludes to a colloquium organised in 1165, at the end of which the Bishop of Albi publicly declared that the «good men» were heretics. Innocent III, who became Pope in 1198, set himself the task of unifying the Christian world. He pursued this goal throughout the eighteen years of his reign, making the combat against Cathar heresy in the South of France his main objective. Nothing would stop him! The assassination of his legate, Pierre de Castelnau, in 1208, was the excuse he needed to justify a crusade. Although the King of France refused to become involved in such a crackdown, several key vassals did join the crusade. Their motivation, however, had more to do with getting their hands on land in Languedoc than putting the heretics back on the straight and narrow... The crusaders firstly set off towards Béziers, stronghold of the young Viscount Raimond-Roger Trencavel. Arnaud Amaury, the Abbot of Cîteaux, who led the crusade, deemed that a demonstration of force was necessary. On 22 July 1209, the crusaders launched their attack. It is reported that the entire population was massacred, including the Catholics. The instructions for differentiating between the heretics and the Catholics, said to have been issued by the Pope’s Legate, have gone down in history: «Kill them all. God will recognise his own!» On 26 July, the crusaders left Béziers and headed for Carcassonne. They arrived on 1 August. Two days later, they had taken control of the water supply, forcing Viscount Raimond-Rog(er Trencavel to negotiate the town’s surrender. An agreement was reached on 15 August. Trencavel gave himself up as a hostage and died shortly afterwards in his own prison in the town of Carcassonne, at the age of 24, in mysterious circumstances… It was then Simon de Montfort, a cruel and ambitious man, who strove for nine long years to drive the heretics off his newly acquired property, in a comprehensive demonstration of his extensive endurance and military genius. The crusaders left huge bonfires in their wake. De Montfort and his troops took Minerve by storm. The town capitulated in July 1210. Lastours laid down arms in March 1211, followed by Lavaur. In 1217, Raimond VI managed to claim back Toulouse. When Simon de Montfort heard the news he returned and besieged his own capital. Which is how he came to die, in combat, on 25 June 1218. His head was crushed by a boulder released from a catapult, said to have been fired by women from Toulouse. Very quickly the outcome of the armed combat started to tip in favour of the Occitan princes. In the five years that followed the death of Simon de Montfort, the French were obliged to abandon the former possessions of the Count of Toulouse and those of the Trencavel family. On 12 April 1229, Raimond VII was invited to go to Meaux to sign a Treaty. Raimond VII pledged to combat heresy and to return property and rights to the clergy, to take up the cross for the Holy Land and to pay a steep fine. In 1233, seeing that the bishops’ attempts to combat heresy were ineffectual, the Pope installed courts of the Inquisition in Languedoc, entrusting them to the Dominicans. The latter did not hesitate to burn Cathars and they encouraged denunciation. Terror soon reigned among the southern dioceses. Cathar resistance boiled down to a few chateaux in the Pyrenees, including Montségur and Quéribus, which were taken in 1244 and 1255 respectively. The Inquisition remained active in this part of the kingdom for almost another century, until Catharism was completely eradicated. The last «bon homme», Guilhem Bélibaste, was burnt at the stake in Villerouge-Termenès in 1321. Béziers, pont-canal de l’Orb -8- -9- Colombiers : Montady, l’étang asséché de Montady p 11 Colombiers - Nissan-lès-Ensérune, le tunnel du Malpas -10- Le territoire du Pays Cathare Le Pays Cathare n’a pas vraiment de limite. On peut tout de même, en suivant l’histoire de la Croisade contre les Albigeois et se basant sur les nombreux documents historiques éclairant les zones d’influences les plus fortes des cathares, définir un territoire qui s’étend sur deux régions et de nombreuses villes majeures du Midi de la France. C’est ainsi que je définirais le Pays cathare occitan sur un secteur couvrant l’Aude intégralement, une partie de l’Hérault, de l’Ariège, du Tarn et de la Haute-Garonne, mais aussi du Tarn-et-Garonne, du Lot-et-Garonne, du Lot, de la Dordogne et de la Catalogne... Carcassonne est une ville majeure de ce territoire mais aussi de l’histoire des Cathares et de la Croisade, mais le Pays Cathare c’est aussi Béziers, Narbonne, Castelnaudary, Limoux, Revel, Albi, Lavaur, Toulouse… Les points communs de cette région sont nombreux. On parlera en tout premier lieu de la langue d’Oc qui lui a donné son nom d’origine : le Languedoc. C’est d’ailleurs ici que les défenseurs de cette culture occitane sont les plus actifs et les plus ardents gardiens des valeurs qu’elle représente. Capestang, la Collégiale -12- De Toulouse à Béziers en passant par Narbonne, Carcassonne et une multitude de petits villages, le Pays Cathare est la région où le rugby français trouve ses origines et a connu ses plus belles heures de gloire avec des clubs aussi prestigieux que l’ASB à Béziers, le Racing Club Narbonnais ou le Stade Toulousain. Albi, Castres ou Perpignan ne sont pas en reste avec des clubs qui font encore partie aujourd’hui de l’élite nationale. Autre point commun d’une grande partie du Pays Cathare, le canal du Midi, creusé par le biterrois Pierre-Paul Riquet. Ce ruban traverse le Pays Cathare d’ouest en est, comme un trait d’union de ces différents territoires dont il a permis de grandement améliorer les communications et a été à l’origine du développement économique, notamment en permettant le transport des vins du Midi. Ces vins du Midi sont à l’image de ce territoire : variété et caractère… Les terroirs et les cépages sont à l’origine de nombreux crus réputés : Coteaux du Languedoc, Saint-Chinian, Minervois, Corbières, Fitou, Cabardès, Limoux et Malepère. Capestang, le plafond peint du château -13-