par les chercheurs en biologie évolutive: comment ceux-ci pourraient-ils être favorables
à la destruction de leur objet d’étude si celle-ci n’est pas justifiée par ailleurs par d’im-
périeuses raisons concernant les populations humaines (par exemple de santé publique
ou de ressources alimentaires) ?
Les pollutions faunistiques et floristiques
Les termes de pollution faunistique et floristique désignent toute introduction
« réussie », c’est-à-dire suivie d’une acclimatation, dans un écosystème, d’un taxon
(espèce ou sous-espèce) qui y était jusque-là absent, c’est-à-dire en dehors de son aire
de répartition naturelle. Pour qu’on puisse parler d’acclimatation, il ne suffit pas que les
organismes introduits aient survécu dans leur nouveau milieu, même en grand nombre :
il faut également qu’ils s’y soient reproduits et y aient donné naissance à une progéni-
ture viable et susceptible à son tour de se reproduire, entraînant une modification per-
manente, ou du moins durable, de la composition taxinomique de l’écosystème.
Afin de pouvoir apprécier si ces conséquences sont « positives », « neutres » ou
« négatives », il importe de savoir en vertu de quels critères ce jugement est porté
(DUBOIS, 1983b). Dans tous les cas, ces introductions ne peuvent être qualifiées de
« réussies » que du point de vue de la survie et de la descendance des individus intro-
duits. En ce qui concerne le milieu où a eu lieu l’introduction, et les espèces qui y vivent,
les conséquences pourront être négatives, neutres ou positives selon les cas. Tout
d’abord, on observera une augmentation de la diversité spécifique. Une telle augmenta-
tion est habituellement considérée comme positive pour le milieu, dans la mesure où
divers modèles écologiques suggèrent qu’un écosystème plus riche en espèces possède
une meilleure homéostasie et est susceptible de mieux réagir aux agressions et aux chan-
gements (BARBAULT, 1994 ; RAMADE, 1999). Toutefois, cette phase est souvent sui-
vie d’autres conséquences plus négatives pour l’écosystème.
C’est ainsi que, depuis longtemps, les traités d’écologie fourmillent de cas d’es-
pèces déplacées d’une région ou d’un continent à une ou un autre, ou introduites dans
des îles, et qui après un certain temps, en l’absence de prédateurs ou compétiteurs effi-
caces, se sont mises à y proliférer, avec des conséquences parfois catastrophiques sur
certaines des populations autochtones. On relira par exemple le texte classique de
DORST (1965) qui développait déjà à l’époque beaucoup d’exemples très instructifs à
cet égard (achatine, tilapia, crabe chinois, doryphore, anophèle, étourneau, lapin, rat
musqué, ragondin, écureuil gris, cerf, etc.). Cette question a fait l’objet ces dernières
années de nombreux travaux qui ont montré qu’il s’agit d’un des facteurs les plus impor-
tants, après la destruction et la dégradation des milieux naturels, d’extinction des popu-
lations et espèces (RAMADE, 1999 ; PASCAL et al., 2006). À côté des cas bien connus,
il en existe d’autres où, en raison de l’absence de données précises sur l’état des popu-
lations et des écosystèmes avant l’introduction, l’impact réel de celle-ci n’est pas connu
avec certitude mais, dans de tels cas, le principe de précaution exige d’être très prudent
avant de considérer cet impact comme a priori négligeable. Qualifier une telle attitude
prudente de « psychose » (DUGUET & MELKI, 2003), sans aucune donnée solide
démontrant à l’inverse que l’introduction n’a eu aucun effet nocif d’aucune sorte sur un
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