IV Développements internes aux entreprises et leur interaction et
concurrence locale et régionale
Le chapitre IV traite, principalement, des questions de la formation professionnelle et
de la formation continue au sein de l’entreprise, des méthodes qui y sont employées et
des compétences et aptitudes visées à cet égard. Trois contributions ont été consacrées à
ce thème. La première contribution traite, sur la base d'études de quelques cas
particuliers, des évolutions les plus récentes, dans des grandes entreprises européennes, et
tente d'établir une classification des approches sélectionnées et des profils de
compétences recherchés. La contribution met l'accent sur le fait que la réorganisation en
cours de la production et des services s'accompagne de formations professionnelles et
continues au sein de l'entreprise, en vue d'une meilleure utilisation du potentiel des
travailleurs et de leur intégration plus importante dans le processus de changement de
l'organisation du travail. La seconde contribution examine les capacités concurrentielles
de petites et moyennes entreprises et l'engagement dans la formation continue de leurs
ouvriers et de leurs cadres. Les capacités de survie des PME doivent être renforcées
notamment par le biais de la formation professionnelle et de la formation continue des
cadres et des entrepreneurs eux-mêmes. Vu les charges qui pèsent sur les PME, il faudrait
emprunter des voies nouvelles et accorder aux PME, entre autres, un soutien, une
information, des conseils et une formation continue extérieurs à l'entreprise. La troisième
contribution traite de questions similaires en rapport à des approches et des expériences
pratiques. L'auteur démontre qu'on peut lancer une dynamique créatrice d'emploi et
renforcer la capacité concurrentielle des entreprises et de la région, ou du secteur, en
mettant en place une liaison plus étroite entre les efforts des collectivités publiques d'un
secteur ou d'une région, d'une part, et des entreprises locales, d'autre part. À cet égard,
l'éducation et la formation professionnelle continue, dans les écoles professionnelles,
techniques et supérieures, aura un rôle déterminant à jouer.
Barry Nyhan cible son exposé sur l'évolution des compétences qui constitue l'un des
facteurs stratégiques pour la capacité de survie et la capacité concurrentielle des
entreprises. Néanmoins, les questions sur la nature des compétences, sur la manière
grâce à laquelle les entreprises peuvent devenir une organisation d'apprentissage et sur la
façon d'instaurer un climat adéquat ont été abondamment discutées sans qu'on arrive à un
accord à ce sujet. À partir d'exemples tirés d'entreprises européennes, l'auteur propose
une taxonomie des méthodes et des compétences, pour les différents contextes
d'enseignement et d'apprentissage, discute des conditions préalables et encourage des
efforts au niveau de l'entreprise et au-delà de cette dernière afin de renforcer le lien entre
l'apprentissage et l'enseignement informels, sur le lieu de travail, et formels, dans les
écoles. Des entreprises “visionnaires” ont commencé et ont accompli des efforts
importants; d'autres, par contre, n'ont pas encore dépassé le stade des réflexions
générales.
Il faut d'abord expliquer une série de principes généralement applicables, qui doivent
accompagner les processus constants de transformation et d'adaptation, et leur
dynamique. Parmi ces principes, on trouve, entre autres, une gestion prévoyante et un
soutien de la part de la direction de l'entreprise, le fait d'être prêts à prendre des risques et
à faire confiance aux compétences des travailleurs, une conception globale du processus
de changement lui-même, ... Les profils de compétences nécessaires peuvent être rangés
dans quatre catégories: les compétences cognitives, techniques, sociales et économiques.
Le but doit être de comprendre et de maîtriser la complexité globale des rapports qui
résultent des quatre catégories de compétences. Cela n'incombe plus uniquement au
management, mais à tous les employés et ouvriers de l'entreprise.
John Konrad souligne le fait que le problème le plus urgent, en rapport avec les
petites et moyennes entreprises et la création d'entreprises, est le renforcement de
leur capacité de survie. Selon l’auteur, un grand nombre de nouvelles entreprises ne
survit pas aux difficultés de la période initiale. À cet égard, il faut améliorer l'accès à une
formation professionnelle efficace qui réponde aux besoins à court et à long termes de ce
genre d'entreprises. Cela aurait pour conséquence d'augmenter l'emploi, de soutenir un
développement économique flexible, décentralisé et adaptable et de promouvoir
l'intégration sociale. L'auteur plaide en faveur d'efforts plus importants de la part de la
recherche, afin de déterminer les mécanismes de soutien nécessaires, au niveau local et
régional, en faveur d'une reconnaissance dans toute l'Europe des formations
professionnelles effectuées, d'un engagement plus important de l'Union européenne dans
le domaine de la promotion de structures et d'actions locales, également, et, précisément,
au regard de la transposition de l'Agenda 2000 sous l'angle de l'élargissement de l'UE
vers les pays de l'Est. Il faut développer et promouvoir de nouveaux concepts, actions et
pratiques grâce à une collaboration plus étroite avec la recherche.
Dans sa contribution, Loek Nieuwenhuis se concentre sur le rôle de la formation
professionnelle et de la formation continue pour le soutien d'innovations dans les petites
et moyennes entreprises au cours de l'évolution régionale et sectorielle. L'auteur estime
qu'il est de plus en plus important de créer des réseaux locaux, entre les industries sur
place, et de les mettre en relation avec les écoles et les centres de formation
professionnelle de la région pour activer la dynamique. Des activités communes
d'apprentissage et d'enseignement ainsi qu'une interaction constante entre les écoles et les
entreprises remplaceront la formation professionnelle initiale et continue traditionnelle,
même si, à l'heure actuelle, les contributions des écoles au processus d'innovation en
cours restent encore marginales. Pour être en mesure de remplir ce rôle, les écoles elles-
mêmes devraient être reliées en réseaux et devenir des “organisations d'apprentissage”.
Sur la base de quelques exemples concrets des Pays-Bas, l'auteur démontre qu'une telle
mise en réseau et une dynamique de ce genre sont susceptibles de contribuer, pour une
large part, tant aux développements locaux et régionaux qu'au renouvellement de secteurs
économiques entiers.
A. Tendances du développement des compétences dans les entreprises
européennes1
Barry Nyhan2
Résumé
Le développement des compétences est l'un des facteurs stratégiques essentiels qui
assurent la survie et la compétitivité des entreprises. Cette question a soulevé de
nombreuses discussions, d'abord sur la nature des compétences requises, ensuite sur la
manière pour les entreprises de créer, en leur sein, un environnement d'apprentissage
organisationnel adapté au développement de ces compétences.
Le présent document étudie les expériences de plusieurs entreprises européennes qui, à
première vue, semblent partager des opinions similaires sur les catégories de
compétences requises et paraissent appliquer les mêmes types de stratégies novatrices sur
le développement des compétences et l'organisation de l'apprentissage pour favoriser ces
compétences. Toutefois, quand on approfondit l'analyse, on s'aperçoit que ces sociétés
ont des visions différentes de la place du développement des compétences dans la
hiérarchie des valeurs de l'entreprise. Trois stratégies distinctes sont ainsi mises en
évidence: une stratégie visionnaire - fondée sur les valeurs -, une stratégie centrée sur le
changement structurel/organisationnel et une stratégie orientée vers la résolution des
problèmes.
Les entreprises visionnaires - celles que l'on peut considérer comme étant allées plus loin
dans la mise en œuvre de stratégies d'organisation de l'apprentissage - et, dans une
moindre mesure, les autres entreprises possèdent cinq caractéristiques essentielles:
- un leadership visionnaire dynamique et un soutien de la direction générale;
1Les idées exposées dans le présent document n'engagent que leur auteur et n'expriment en aucun cas les
politiques officielles ou les opinions de la Commission européenne.
2Commission européenne, DG XXII - Éducation, formation et jeunesse.
- la prise du risque de miser sur les compétences du capital humain;
- l'existence d'un cadre général pour le processus du changement;
- la création d'une vision partagée sur la mise en œuvre d'un programme de changement
de la structure hiérarchique;
- l'engagement dans l'élaboration et le développement d'un programme pratique.
Les profils de compétences sont orientés selon quatre axes: les compétences cognitives,
techniques, sociales (organisationnelles) et entrepreneuriales (aptitude aux affaires).
L'aptitude à comprendre et à gérer la complexité sociale/organisationnelle et
technologique est une caractéristique dominante des compétences générales exigées des
employés dans les entreprises étudiées. Le type de personne recherchée est capable
d'établir, à tout moment, la relation entre les tâches spécifiques qu'elle effectue avec
l'ensemble des tâches exécutées par d'autres membres de l'entreprise. Par conséquent, elle
doit être capable d'appréhender globalement l'organisation, tout en se sentant reliée aux
différentes parties du système. Ces attributs sont traditionnellement réservés à la direction
de l'entreprise.
D'une manière générale, la plupart des entreprises étudiées a tendance à privilégier
“l'apprentissage informel” plutôt que la formation formelle. On entend par “apprentissage
informel” les effets de l'apprentissage sur le mode d'organisation du travail. La formation
formelle a joué un rôle important, notamment pour répondre aux besoins individuels de
développement des compétences techniques.
Mots clés
Développement des compétences; entreprises européennes; profils de compétences;
organisation de l'apprentissage; apprentissage informel; changement organisationnel;
processus de changement.
1 Relations entre les stratégies technologiques, organisationnelles et de
développement des compétences dans les entreprises modernes
Au cours des dix ou quinze dernières années, les entreprises européennes ont été
confrontées aux mêmes défis que d'autres entreprises du monde industrialisé. Pour être
plus précis, elles ont dû faire face à deux évolutions majeures de l'environnement
mondial de l'industrie et du commerce.
Le premier défi est la saturation de la demande en biens standard produits en série pour
le consommateur. Les marchés originairement de vendeurs sont devenus des marchés
d'acheteurs tournés non plus vers la concurrence des prix, mais vers la flexibilité, la
qualité et la rapidité des délais de livraison - en d'autres termes, vers la satisfaction des
besoins individuels du client.
Le second défi est l'apparition de technologies de la microélectronique efficaces et à des
prix raisonnables, considérées comme potentiellement aptes à automatiser de multiples
aspects des systèmes de production. (Nashold, 1993)
Les chefs d'entreprise, formés à l'école classique du management scientifique fondée sur
le taylorisme, ont pressenti que les nouvelles technologies pouvaient leur offrir la
possibilité d'automatiser leurs systèmes de production de façon à pouvoir assurer la
fabrication individualisée des produits tout en limitant l’intervention humaine. À cet
égard, il convient de se rappeler que le paradigme technique “rationnel-analytique”
prédominait derrière le concept de management scientifique, selon lequel il existe “une
meilleure méthode” d'organiser le travail. Selon cette approche, les dirigeants déterminent
cette méthode, avec l’aide d’experts, et les employés “non experts” suivent leurs
instructions à la lettre. L’apparition des technologies de l’information, dans les années 80,
a conforté cette approche en introduisant l’idée d’une usine où les hommes pourraient
être remplacés par des robots pour exécuter les opérations de fabrication, tandis que le
contrôle des tâches administratives serait centralisé par la direction.
Toutefois, de nombreux chercheurs européens sont parvenus à la conclusion que les
technologies de l’information ne pouvaient pas être mises en œuvre de manière efficace
si on ne se préoccupait pas de la question de la responsabilité, de l’initiative et des
compétences humaines (Docherty, 1991; Rauner et Ruth, 1989; Corbett, Rasmussen et
Rauner, 1991). Le succès du modèle japonais de l’organisation du travail - le “toyotisme”
-, qui respecte les dimensions humaines (“synthético-intuitives”) et techniques
(“analytico-rationnelles”), a eu un impact très important sur la réflexion des entreprises
européennes, comme dans le reste du monde industriel.
1.1 Remise en cause du modèle “rationnel - technologique” du lieu de travail
Aujourd’hui, donc, de nombreuses entreprises ont adopté des systèmes de management et
d’organisation qui diffèrent radicalement des modèles de contrôle centralisé selon une
hiérarchie descendante. Aujourd'hui, la “meilleure approche” et la “grande théorie
conceptuelle” sont perçues comme non valables, en raison de la trop grande complexité
du champ d’action de l’environnement. Les décisions uniques doivent être compatibles
avec les besoins spécifiques du client. Des études réalisées dans le secteur automobile,
notamment, ont montré que la réussite d’une entreprise repose sur la nature des
interactions dynamiques entre la technologie, l’organisation sociale du travail et les
compétences humaines.
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