IV Développements internes aux entreprises et leur interaction et concurrence locale et régionale Le chapitre IV traite, principalement, des questions de la formation professionnelle et de la formation continue au sein de l’entreprise, des méthodes qui y sont employées et des compétences et aptitudes visées à cet égard. Trois contributions ont été consacrées à ce thème. La première contribution traite, sur la base d'études de quelques cas particuliers, des évolutions les plus récentes, dans des grandes entreprises européennes, et tente d'établir une classification des approches sélectionnées et des profils de compétences recherchés. La contribution met l'accent sur le fait que la réorganisation en cours de la production et des services s'accompagne de formations professionnelles et continues au sein de l'entreprise, en vue d'une meilleure utilisation du potentiel des travailleurs et de leur intégration plus importante dans le processus de changement de l'organisation du travail. La seconde contribution examine les capacités concurrentielles de petites et moyennes entreprises et l'engagement dans la formation continue de leurs ouvriers et de leurs cadres. Les capacités de survie des PME doivent être renforcées notamment par le biais de la formation professionnelle et de la formation continue des cadres et des entrepreneurs eux-mêmes. Vu les charges qui pèsent sur les PME, il faudrait emprunter des voies nouvelles et accorder aux PME, entre autres, un soutien, une information, des conseils et une formation continue extérieurs à l'entreprise. La troisième contribution traite de questions similaires en rapport à des approches et des expériences pratiques. L'auteur démontre qu'on peut lancer une dynamique créatrice d'emploi et renforcer la capacité concurrentielle des entreprises et de la région, ou du secteur, en mettant en place une liaison plus étroite entre les efforts des collectivités publiques d'un secteur ou d'une région, d'une part, et des entreprises locales, d'autre part. À cet égard, l'éducation et la formation professionnelle continue, dans les écoles professionnelles, techniques et supérieures, aura un rôle déterminant à jouer. Barry Nyhan cible son exposé sur l'évolution des compétences qui constitue l'un des facteurs stratégiques pour la capacité de survie et la capacité concurrentielle des entreprises. Néanmoins, les questions sur la nature des compétences, sur la manière grâce à laquelle les entreprises peuvent devenir une organisation d'apprentissage et sur la façon d'instaurer un climat adéquat ont été abondamment discutées sans qu'on arrive à un accord à ce sujet. À partir d'exemples tirés d'entreprises européennes, l'auteur propose une taxonomie des méthodes et des compétences, pour les différents contextes d'enseignement et d'apprentissage, discute des conditions préalables et encourage des efforts au niveau de l'entreprise et au-delà de cette dernière afin de renforcer le lien entre l'apprentissage et l'enseignement informels, sur le lieu de travail, et formels, dans les écoles. Des entreprises “visionnaires” ont commencé et ont accompli des efforts importants; d'autres, par contre, n'ont pas encore dépassé le stade des réflexions générales. Il faut d'abord expliquer une série de principes généralement applicables, qui doivent accompagner les processus constants de transformation et d'adaptation, et leur dynamique. Parmi ces principes, on trouve, entre autres, une gestion prévoyante et un soutien de la part de la direction de l'entreprise, le fait d'être prêts à prendre des risques et à faire confiance aux compétences des travailleurs, une conception globale du processus de changement lui-même, ... Les profils de compétences nécessaires peuvent être rangés dans quatre catégories: les compétences cognitives, techniques, sociales et économiques. Le but doit être de comprendre et de maîtriser la complexité globale des rapports qui résultent des quatre catégories de compétences. Cela n'incombe plus uniquement au management, mais à tous les employés et ouvriers de l'entreprise. John Konrad souligne le fait que le problème le plus urgent, en rapport avec les petites et moyennes entreprises et la création d'entreprises, est le renforcement de leur capacité de survie. Selon l’auteur, un grand nombre de nouvelles entreprises ne survit pas aux difficultés de la période initiale. À cet égard, il faut améliorer l'accès à une formation professionnelle efficace qui réponde aux besoins à court et à long termes de ce genre d'entreprises. Cela aurait pour conséquence d'augmenter l'emploi, de soutenir un développement économique flexible, décentralisé et adaptable et de promouvoir l'intégration sociale. L'auteur plaide en faveur d'efforts plus importants de la part de la recherche, afin de déterminer les mécanismes de soutien nécessaires, au niveau local et régional, en faveur d'une reconnaissance dans toute l'Europe des formations professionnelles effectuées, d'un engagement plus important de l'Union européenne dans le domaine de la promotion de structures et d'actions locales, également, et, précisément, au regard de la transposition de l'Agenda 2000 sous l'angle de l'élargissement de l'UE vers les pays de l'Est. Il faut développer et promouvoir de nouveaux concepts, actions et pratiques grâce à une collaboration plus étroite avec la recherche. Dans sa contribution, Loek Nieuwenhuis se concentre sur le rôle de la formation professionnelle et de la formation continue pour le soutien d'innovations dans les petites et moyennes entreprises au cours de l'évolution régionale et sectorielle. L'auteur estime qu'il est de plus en plus important de créer des réseaux locaux, entre les industries sur place, et de les mettre en relation avec les écoles et les centres de formation professionnelle de la région pour activer la dynamique. Des activités communes d'apprentissage et d'enseignement ainsi qu'une interaction constante entre les écoles et les entreprises remplaceront la formation professionnelle initiale et continue traditionnelle, même si, à l'heure actuelle, les contributions des écoles au processus d'innovation en cours restent encore marginales. Pour être en mesure de remplir ce rôle, les écoles ellesmêmes devraient être reliées en réseaux et devenir des “organisations d'apprentissage”. Sur la base de quelques exemples concrets des Pays-Bas, l'auteur démontre qu'une telle mise en réseau et une dynamique de ce genre sont susceptibles de contribuer, pour une large part, tant aux développements locaux et régionaux qu'au renouvellement de secteurs économiques entiers. A. Tendances du développement des compétences dans les entreprises européennes1 Barry Nyhan2 Résumé Le développement des compétences est l'un des facteurs stratégiques essentiels qui assurent la survie et la compétitivité des entreprises. Cette question a soulevé de nombreuses discussions, d'abord sur la nature des compétences requises, ensuite sur la manière pour les entreprises de créer, en leur sein, un environnement d'apprentissage organisationnel adapté au développement de ces compétences. Le présent document étudie les expériences de plusieurs entreprises européennes qui, à première vue, semblent partager des opinions similaires sur les catégories de compétences requises et paraissent appliquer les mêmes types de stratégies novatrices sur le développement des compétences et l'organisation de l'apprentissage pour favoriser ces compétences. Toutefois, quand on approfondit l'analyse, on s'aperçoit que ces sociétés ont des visions différentes de la place du développement des compétences dans la hiérarchie des valeurs de l'entreprise. Trois stratégies distinctes sont ainsi mises en évidence: une stratégie visionnaire - fondée sur les valeurs -, une stratégie centrée sur le changement structurel/organisationnel et une stratégie orientée vers la résolution des problèmes. Les entreprises visionnaires - celles que l'on peut considérer comme étant allées plus loin dans la mise en œuvre de stratégies d'organisation de l'apprentissage - et, dans une moindre mesure, les autres entreprises possèdent cinq caractéristiques essentielles: - un leadership visionnaire dynamique et un soutien de la direction générale; 1 2 Les idées exposées dans le présent document n'engagent que leur auteur et n'expriment en aucun cas les politiques officielles ou les opinions de la Commission européenne. Commission européenne, DG XXII - Éducation, formation et jeunesse. - la prise du risque de miser sur les compétences du capital humain; - l'existence d'un cadre général pour le processus du changement; - la création d'une vision partagée sur la mise en œuvre d'un programme de changement de la structure hiérarchique; - l'engagement dans l'élaboration et le développement d'un programme pratique. Les profils de compétences sont orientés selon quatre axes: les compétences cognitives, techniques, sociales (organisationnelles) et entrepreneuriales (aptitude aux affaires). L'aptitude à comprendre et à gérer la complexité sociale/organisationnelle et technologique est une caractéristique dominante des compétences générales exigées des employés dans les entreprises étudiées. Le type de personne recherchée est capable d'établir, à tout moment, la relation entre les tâches spécifiques qu'elle effectue avec l'ensemble des tâches exécutées par d'autres membres de l'entreprise. Par conséquent, elle doit être capable d'appréhender globalement l'organisation, tout en se sentant reliée aux différentes parties du système. Ces attributs sont traditionnellement réservés à la direction de l'entreprise. D'une manière générale, la plupart des entreprises étudiées a tendance à privilégier “l'apprentissage informel” plutôt que la formation formelle. On entend par “apprentissage informel” les effets de l'apprentissage sur le mode d'organisation du travail. La formation formelle a joué un rôle important, notamment pour répondre aux besoins individuels de développement des compétences techniques. Mots clés Développement des compétences; entreprises européennes; profils de compétences; organisation de l'apprentissage; apprentissage informel; changement organisationnel; processus de changement. 1 Relations entre les stratégies technologiques, organisationnelles et de développement des compétences dans les entreprises modernes Au cours des dix ou quinze dernières années, les entreprises européennes ont été confrontées aux mêmes défis que d'autres entreprises du monde industrialisé. Pour être plus précis, elles ont dû faire face à deux évolutions majeures de l'environnement mondial de l'industrie et du commerce. Le premier défi est la saturation de la demande en biens standard produits en série pour le consommateur. Les marchés originairement de vendeurs sont devenus des marchés d'acheteurs tournés non plus vers la concurrence des prix, mais vers la flexibilité, la qualité et la rapidité des délais de livraison - en d'autres termes, vers la satisfaction des besoins individuels du client. Le second défi est l'apparition de technologies de la microélectronique efficaces et à des prix raisonnables, considérées comme potentiellement aptes à automatiser de multiples aspects des systèmes de production. (Nashold, 1993) Les chefs d'entreprise, formés à l'école classique du management scientifique fondée sur le taylorisme, ont pressenti que les nouvelles technologies pouvaient leur offrir la possibilité d'automatiser leurs systèmes de production de façon à pouvoir assurer la fabrication individualisée des produits tout en limitant l’intervention humaine. À cet égard, il convient de se rappeler que le paradigme technique “rationnel-analytique” prédominait derrière le concept de management scientifique, selon lequel il existe “une meilleure méthode” d'organiser le travail. Selon cette approche, les dirigeants déterminent cette méthode, avec l’aide d’experts, et les employés “non experts” suivent leurs instructions à la lettre. L’apparition des technologies de l’information, dans les années 80, a conforté cette approche en introduisant l’idée d’une usine où les hommes pourraient être remplacés par des robots pour exécuter les opérations de fabrication, tandis que le contrôle des tâches administratives serait centralisé par la direction. Toutefois, de nombreux chercheurs européens sont parvenus à la conclusion que les technologies de l’information ne pouvaient pas être mises en œuvre de manière efficace si on ne se préoccupait pas de la question de la responsabilité, de l’initiative et des compétences humaines (Docherty, 1991; Rauner et Ruth, 1989; Corbett, Rasmussen et Rauner, 1991). Le succès du modèle japonais de l’organisation du travail - le “toyotisme” -, qui respecte les dimensions humaines (“synthético-intuitives”) et techniques (“analytico-rationnelles”), a eu un impact très important sur la réflexion des entreprises européennes, comme dans le reste du monde industriel. 1.1 Remise en cause du modèle “rationnel - technologique” du lieu de travail Aujourd’hui, donc, de nombreuses entreprises ont adopté des systèmes de management et d’organisation qui diffèrent radicalement des modèles de contrôle centralisé selon une hiérarchie descendante. Aujourd'hui, la “meilleure approche” et la “grande théorie conceptuelle” sont perçues comme non valables, en raison de la trop grande complexité du champ d’action de l’environnement. Les décisions uniques doivent être compatibles avec les besoins spécifiques du client. Des études réalisées dans le secteur automobile, notamment, ont montré que la réussite d’une entreprise repose sur la nature des interactions dynamiques entre la technologie, l’organisation sociale du travail et les compétences humaines. L’évolution du marché, de la production en série vers un marché personnalisé fondé sur la qualité, les prix et les délais de livraison, contraint les entreprises à abandonner le type de management centralisé, autocratique, fondé sur le commandement et les pratiques de contrôle pour adopter des types de management qui accordent aux employés une plus grande autonomie dans leur travail. À ce sujet, Handy (1994) a réalisé une analyse historique intéressante: “Depuis longtemps maintenant, les dirigeants des grandes entreprises affirment que leur véritable actif est le capital humain, mais peu d’entre eux le croient réellement et aucun n’est allé jusqu'à l’inscrire au bas du bilan. Cela peut changer. Peter Drucker souligne que les ‘moyens de production’, fondement traditionnel du capitalisme, sont désormais détenus, en réalité, par les travailleurs puisqu’ils se situent dans leurs cerveaux et dans leurs mains. Le rêve de Marx est ainsi réalisé, mais d’une manière qu’il n’aurait jamais pu imaginer. L’intelligence ciblée, l’aptitude à acquérir et à utiliser ses connaissances et son savoir-faire, telles sont les nouvelles sources de richesse.” En vertu de ce qui précède, on observe un changement dans les fonctions des travailleurs dans un nombre croissant d’entreprises. 1.1.1 Remise en cause de la division hiérarchique du travail Cette remise en cause se traduit par le transfert de certaines fonctions traditionnelles de contrôle et de management aux ouvriers, qui sont les véritables producteurs des biens. Conformément à ces principes, comme par exemple la “production en flux tendu”, “le nombre maximum de tâches et de responsabilités est transféré aux ouvriers qui ajoutent réellement une valeur au produit fabriqué” (Womack et al., 1990). Ce principe implique l’intégration de nombreuses tâches traditionnelles de supervision directe, d’autres tâches indirectes, comme la planification de la production et le contrôle du processus, auparavant confiées à l'encadrement intermédiaire spécialisé qui les réalisait avec l’aide d’ouvriers ou d’équipes d’ouvriers affectés à la production. 1.1.2 Intégration des fonctions de travail au niveau transversal Cette intégration implique que l'on confie au personnel chargé de la production la responsabilité de certaines tâches, comme le contrôle-qualité et la maintenance des machines, traditionnellement dévolues au personnel d’entretien spécialisé rattaché à des services indépendants d’assistance à la production. Dans de nombreux cas et, notamment, dans le contexte du travail en équipe, les ouvriers sont également supposés posséder un éventail de compétences, être “polyvalents” ou se remplacer mutuellement. 1.1.3 Le travail en équipe apparaît comme la forme de structure organisationnelle la plus courante permettant de réaliser l’intégration hiérarchique et transversale Les équipes peuvent être chargées de la réalisation de tous les aspects d’un travail. Chaque équipe, parfois appelée “îlot de production”, peut être amenée à exécuter toutes les opérations qui lui sont confiées avec une autonomie plus ou moins grande dans la gestion et le contrôle. Ces évolutions, qui correspondent à ce que certains chercheurs appellent la “spécialisation flexible”, ont une incidence sur les tendances de la production en Europe. Les unités de production, les îlots, qui utilisent des technologies programmables et sont constituées d’un personnel qualifié soutenu par un type de management fondé sur le savoir, sont capables de s’adapter aux mutations rapides du marché et de livrer des produits spécialisés à forte valeur ajoutée. (Wobbe, 1992, p.143) La coordination globale des efforts accomplis par les différentes équipes ou unités est assurée par un éventail de moyens, comme l’utilisation d’approches de management du type matrices, des groupes de projet entre équipes, ou à l’échelle de l’entreprise, et, souvent, le recours aux réseaux et aux systèmes d’information et de communication faisant appel aux nouvelles technologies. Le tableau ci-après établit une comparaison entre les modèles de travail traditionnels et émergents, en liaison, plus particulièrement, avec les questions d’organisation du travail. ORGANISATIONS ORGANISATIONS TRADITIONNELLES NOUVELLES Produit standard Diversité des produits Chaîne de montage Production modulaire Mécanisation fonctionnalisée Mécanisation flexible Ouvriers non qualifiés Ouvriers qualifiés Faible motivation dans le travail (indifférence) Forte motivation dans le travail (identification) Relations de travail conflictuelles Relations de travail fondées sur la coopération Management hiérarchique Management participatif Division hiérarchique du travail (séparation entre planification et mise en œuvre) Intégration hiérarchique du travail (enrichissement) Contrôle “externe” Autoréglementation interne Division transversale du travail Intégration transversale du (décomposition extrême des tâches) travail (“élargissement”) Travailleurs liés à leur poste Rotation Machine cadencée Indépendante de la chaîne de montage Délais standard Délais “souverains” Travail individuel Travail en groupe Source: Jürgens et al., 1989, p. 4 (cf. Naschold, F. in Thurman, J. et al., 1993, p. 212, adapté par l’auteur) 1.2 Nouveaux rôles et compétences pour les ouvriers à la chaîne L’entreprise décentralisée qui fonctionne sur la base d’une délégation des responsabilités aux équipes et aux individus du niveau opérationnel (“en première ligne”) doit repenser le rôle et les compétences de son personnel. Les opérationnels deviennent des acteurs principaux de l’entreprise, exerçant des fonctions de planification, d’exécution et de contrôle. À cet égard, ils doivent posséder des “compétences clés” comme “l’aptitude à prendre des initiatives”, “l’aptitude au raisonnement abstrait”, “le travail en équipe”, “l’aptitude à apprendre” (compétence d’autoapprentissage), etc. Les individus dotés de ces “compétences clés” sont capables de s'adapter aux changements industriels et technologiques. Ils peuvent “s’autogérer” dans le contexte de mutations économiques et sociales. Ils sont capables d’apprendre à utiliser les nouvelles technologies au fur et à mesure de leur apparition. Ebel (1989) propose une description de ce type de connaissances requises pour les personnes qui travaillent sur des systèmes de fabrication intégrée par ordinateur (FIO): “la FIO exige des individus qu'ils comprennent les méthodes et le système de production et qu'ils soient capables de gérer une grande quantité d’informations techniques, de prendre des décisions immédiates, d’interpréter rapidement les anomalies de fonctionnement et d’y remédier. Le jugement fondé sur les connaissances techniques et l’expérience, la compréhension du système et le bon sens sont des qualités humaines dont sont dépourvus les ordinateurs et l’intelligence artificielle, même dans un avenir prévisible. Dans les systèmes FIO, les machines et les ordinateurs peuvent certes accomplir la plupart des tâches courantes et matérielles, mais ne peuvent se substituer aux personnes impliquées pour réfléchir, prendre les décisions importantes et assumer les responsabilités.” (Ebel, 1989, p. 543) Ce type de savoir peut être défini comme “la compréhension de vos actes lorsque vous êtes confronté à des situations concrètes, dans un système vivant, composé d’éléments interdépendants, à caractère industriel et commercial, social et technologique.” Ce savoir peut être appelé “holistique” ou “savoir intégré”, car il engobe à la fois les connaissances “formelles” et “pratiques”. Les connaissances formelles sont: - les connaissances théoriques; - la compréhension des principes généraux; - la compréhension des principes et des processus technologiques; - l'analyse objective; - le raisonnement logique; - le raisonnement abstrait. Les connaissances pratiques sont: - exprimer un jugement sur une situation concrète; - faire face à la situation; - savoir quel rôle assumer; - comprendre le contexte social; - prendre des décisions techniques; - apprendre par l’action; - avoir des connaissances institutionnelles; - posséder un savoir-faire fondé sur l’expérience. Cette division des connaissances correspond à celle soulignée par Goranzon et Josefson (1988). D’après ces auteurs, les connaissances professionnelles sont réparties en trois catégories: “les connaissances prépositionnelles (similaires aux connaissances formelles), les connaissances pratiques et les connaissances de familiarisation” (acquises par l’étude des expériences d’autrui). Dans la classification précédente, les connaissances de familiarisation figurent dans les connaissances pratiques sous le motif que ces dernières s’acquièrent aussi bien par les expériences personnelles que par les expériences d’autrui. George Bernard Shaw, dramaturge irlandais, affirmait que: “The fool is someone who learns through his own mistakes, while the wise man learns through the mistakes of others” (Le sot apprend par ses propres erreurs, tandis que le sage apprend par les erreurs d’autrui). 1.2.1 Efficacité personnelle Le profil de l’employé moderne est défini comme “efficacité personnelle”. Les personnes qui sont personnellement efficaces dans leur vie professionnelle sont capables de s’organiser pour accomplir n’importe quelle tâche qui leur est confiée. Ils regroupent l’ensemble de leurs compétences et de leurs ressources pour répondre à une situation spécifique. L’efficacité personnelle fait référence à “ l’attitude ”, la force interne qui anime l’individu. L’action menée par un individu “personnellement efficace” se caractérise par “le sens de l’initiative” et “le sens des responsabilités”. “L’initiative” est l’apanage d’une personne entreprenante ou audacieuse. Néanmoins, l’initiative seule ne suffit pas. Elle doit être contrebalancée par la “responsabilité”. Cela signifie qu’une personne entreprenante ne se limite pas à agir seule, mais qu’elle doit faire le bon choix dans la mise en œuvre de ses actions en tenant compte des actions d’autrui. “L’initiative” incite une personne à agir individuellement, alors que la “responsabilité” la relie aux autres, au groupe et à l’organisation. (AnCO, 1984). Drucker (1992) prévoit un revirement des organisations modernes, qui ne considéreraient plus le “pouvoir”, mais la “responsabilité” comme la variable la plus importante. 1.2.2 Gérer son rôle Ce concept, mis au point par Reed (1985), est utile pour comprendre la situation à laquelle sont confrontés les travailleurs modernes. Reeds souligne que les sociologues utilisent habituellement le terme “rôle” pour décrire le comportement attendu d’un individu. Il fait ainsi référence au rôle “sociologique” - rôle attribué à quelqu’un par l’intermédiaire d’une description de poste, d’un titre de fonction, etc. C’est la dimension objective du rôle. Sa contrepartie - l’aspect subjectif du rôle - “la manière de se comporter dans la pratique”, est déterminée par le propre jugement d’un individu dans une situation particulière. Il s’agit du “rôle psychologique” que l’individu doit “gérer” à l’aide de son système de contrôle interne. Les circonstances changeant constamment, ce rôle n’est jamais statique. On peut établir une analogie avec le skipper qui, pour suivre un cap déterminé, doit constamment ajuster son gouvernail pour profiter des vents dominants. 1.3 Le développement des compétences devient une question stratégique pour le management - Organisation de l’apprentissage Les entreprises modernes considérant désormais que l’acquisition de compétences supérieures par leur personnel est un élément clé de la flexibilité et de l’avantage sur la concurrence, le développement des compétences est en passe de devenir une question stratégique pour le management. Quinn (1991) et Prahalad (1990), qui ont émis l’idée d’une “stratégie fondée sur les compétences/les capacités”, soutiennent que la stratégie de l’entreprise devrait s’appuyer sur les compétences difficiles à imiter par leurs concurrents. Prahalad (1993) emploie l’expression “compétences clés” dans un autre sens que celui utilisé précédemment, pour désigner “l’apprentissage collectif” d’une organisation, et plus particulièrement l’aptitude à coordonner et à intégrer différentes compétences et technologies. On peut considérer que les entreprises qui tentent de mettre en œuvre cette stratégie centrée sur les compétences aspirent à adopter les caractéristiques propres à ce que d'autres auteurs appellent une organisation de l'apprentissage. Il existe de nombreuses définitions de l'organisation de l'apprentissage. Certaines insistent sur la notion de l'organisation considérée comme entité cybernétique (organe constitué) qui fonde son apprentissage sur l'expérience, par la codification des intuitions perçues, pour les transformer en programmes de routine spécifiques à l'entreprise. D'autres auteurs, spécialistes de ce domaine, mettant en évidence les échecs de nombreux concepts d'organisation de l'apprentissage dans leur tentative de combler le fossé entre la théorie et la pratique, préfèrent insister sur le développement des aptitudes individuelles à l'apprentissage en fonction des objectifs spécifiques de l'entreprise et des processus de changement qui, à leur tour, influent sur l'organisation dans son ensemble. (cf. le débat présenté par Garvin, 1993; Jones et Hendry, 1992) Le modèle d'organisation de l'apprentissage, présenté par Stahl, Nyhan et D'Aloja (1993), est essentiellement centré sur l'apprentissage par l'ensemble du personnel d'une entreprise, dans un contexte organisationnel systémique ou global. L'efficacité de l'organisation et l'apprentissage individuel sont considérés comme des facteurs indépendants. L'efficacité de l'organisation donne un élan à l'apprentissage individuel, ce dernier contribuant, à son tour, à améliorer l'efficacité de l'organisation. Suivant ce modèle, une organisation de l'apprentissage peut être décrite comme une entreprise qui implique tous ses membres dans l'amélioration de l'efficacité de l'organisation et de l'individu, par une réflexion continue sur la manière dont les tâches stratégiques et quotidiennes sont gérées. Dans cette description, le terme “réflexion” renvoie à la “pensée” et à “la mise en œuvre de nouvelles actions” destinées à améliorer les processus opérationnels stratégiques et les produits. Si ce modèle est mis en place dans un contexte idéal, les employés occupant des postes fonctionnels apprennent en accomplissant les tâches stimulantes qui leur sont confiées et en étant incités à réfléchir constamment sur ces tâches, afin d'en tirer des leçons. Le contenu du travail devient alors contenu d'apprentissage, travail et apprentissage étant intégrés dans une spirale d'amélioration continue qui influe sur le niveau de compétences des individus, sur l'apprentissage de groupes de travail et sur l'ensemble de l'organisation. Deux éléments clés probants montrent qu'une entreprise entre dans le cadre décrit cidessus: a) les ouvriers de la chaîne de production jouissent d'un niveau élevé d'autonomie et de contrôle sur l'exécution de leurs tâches; b) on les aide à utiliser ces tâches comme opportunités d'apprentissage continu et de développement constant des compétences. La manière dont le travail est organisé garantit que tous les individus approfondissent l'apprentissage de leur rôle et de leurs responsabilités et apprennent à restituer ceux-ci par rapport à d'autres rôles dans l'ensemble du système. Le fait que des changements réels se mettent en place “au bas de l'échelle” est le signe que l'ensemble de l'organisation a changé. La philosophie du management intégrant travail et apprentissage s'est immiscée dans l'ensemble de l'organisation. La vision du management est devenue “une vision en action”. De nombreuses entreprises qui satisfont aux critères ci-dessus, en adoptant des stratégies radicales de développement des compétences, ne se sont pas encore fixées comme objectif de devenir des organisations d'apprentissage. Elles ignorent peut-être même cette expression. Elles sont pourtant devenues des organisations d'apprentissage, même si elles ne se désignent pas par ces termes. Si l’on veut prouver que l’intégration véritable de la vision d’organisation d’apprentissage dans l’entreprise repose sur le changement de comportement de l'ensemble du personnel, il faut établir un lien avec le rôle essentiel du management. En réalité, le management est l’instigateur de l’ensemble du processus de changement. Sans la compréhension, le leadership et le soutien constant de la direction générale, toute tentative d’élargir le rôle des employés et de leur proposer un apprentissage “sur le tas” est voué à l’échec. Le management développe un système qui soutient et assure l'efficacité des performances et de l'apprentissage. EMPLOYÉS jouissant d’un niveau de contrôle Les tâches élevé sur de travail sont utilisées comme oppurtunités d’APPRENTISSAGE Tout changement durable portant sur les “parties” de l’organisation ont été replacés dans le contexte de “du système dans sa globalité”. La principale responsabilité de la direction est de garantir que l’organisation dans son ensemble est efficace, à la fois dans son fonctionnement interne et dans ses interactions avec l’environnement extérieur, pour répondre aux besoins du client et pour surveiller les facteurs positifs et négatifs qui interviennent. Cela signifie que la direction doit “penser en termes de systèmes” et favoriser l’approche et la compréhension de l’entreprise en termes d’interrelations causales plutôt qu’en termes de chaînes linéaires causes-effets, et en termes de processus complexes, plutôt qu’en termes de fonctions statiques. (Senge, 1990) 2 Mise à l’épreuve de la théorie - Expériences des entreprises européennes À quoi ressembleraient des entreprises qui mettraient en œuvre des stratégies radicales de développement des compétences, en suivant les principes de l’organisation de l’apprentissage, par exemple, ou qui prendraient des mesures en ce sens? Comment conceptualiseraient-elles et formuleraient-elles ces stratégies? Quelles seraient les étapes de ce développement? De quelle nature seraient les compétences cultivées par le personnel? Quels types d’approche de l’apprentissage ces organisations adopteraientelles? Un projet de recherche3 se propose de répondre à toutes ces questions sur les entreprises européennes de fabrication et de transformation. Par l’intermédiaire des réseaux européens de recherche et de formation, plusieurs entreprises appliquant des politiques de développement des compétences et de développement des ressources humaines ont pu être identifiées. Les auteurs provenant de divers horizons - chercheurs, chefs d’entreprise, consultants en formation et en développement - ont produit des études de cas, comparant les expériences des entreprises en se référant à un cadre commun. Trois séminaires ont été organisés pour analyser et débattre de ces études de cas. Parmi les onze cas étudiés, cinq concernaient des grandes et moyennes entreprises de fabrication et de production en série dans la mécanique et six portaient sur des industries lourdes et légères de transformation. Ces cas ont été relevés dans cinq pays européens: la Belgique, la France (3), l’Allemagne (2), l’Irlande, les Pays-Bas, la Suède (2) et le Royaume-Uni. Ils ont permis d’étudier des expériences réalisées dans les entreprises suivantes: 1 Clark Hurth, filiale belge d’une entreprise américaine qui fabrique de grosses unités de transmission; 2 Aluminium Dunkerque, nouvelle usine française d’aluminium appartenant au groupe Pechiney; 3 Autoplastique, pseudonyme d’une entreprise française qui fabrique des éléments en plastique pour l’industrie automobile; 4 Manducher, société française avancée qui fournit des plastiques à l’industrie automobile; 5 3 Audi/VW, constructeur automobile allemand renommé; Les résultats de ce projet sont décrits dans: Docherty P. et Nyhan B., Editors, Human Competence and Business Development - Emerging Patterns in European Companies, Londres, Springer Verlag, 1997. Le présent document s’appuie sur les résultats fournis dans cet ouvrage et sur un autre document intitulé “Learning and the Workplace: Perspectives on Competence Development in European Companies”, présenté par l’auteur lors d’une conférence sur les “Compétences globales - Résultats sur le lieu de travail ” donnée au Darling Harbour Convention Centre, Sydney, Australie, 1995. 6 Felten & Guilleaume, société d’ingénierie électrique implantée à Brême; 7 Bord na Mona - producteur de tourbe situé Irlande; 8 Sara Lee, filiale hollandaise d’une entreprise américaine de produits de consommation; 9 B&T (Byggtransportekonomi), entreprise suédoise de construction mécanique; 10 Volvo Auto (Uddevala), usine suédoise de construction d’automobiles qui a beaucoup fait parler d’elle; 11 Cadbury, fabrique anglaise de chocolat. 2.1 Cadre commun de l’analyse Les onze entreprises ont été étudiées par référence à un cadre commun décrivant les différents niveaux de progression vers l’adoption de stratégies fondées sur les compétences. Niveau 3 Vision Niveau 2 Modèle d’organisation Niveau 1 Processus de résolution des problèmes COMPÉTENCES COMPETENC E Niveau 1 - Perspective de résolution des problèmes Dans cette perspective, le développement des compétences est considéré comme un moyen d’introduire dans l’entreprise de nouveaux processus de résolution des problèmes pour répondre aux besoins existants. Il peut s’agir d’introduire de nouveaux outils, des équipements ou des systèmes. Ce niveau ne comprend ni l’évaluation radicale ni la révision complète des stratégies et des modèles existants en matière de gestion et d’organisation. L’impact du développement des compétences est essentiellement limité au niveau des ateliers. Niveau 2 - Perspective des modèles d’organisation Ce niveau implique l’adoption de modèles d’organisation ou de stratégies de management radicaux comme le management de la qualité totale (TQM) ou les systèmes de fabrication à l'échelle mondiale (World-Class Manufacturing Systems) qui exigent un développement des compétences dans l’ensemble de l’organisation, impliquant tous les niveaux de la hiérarchie. La caractéristique essentielle de ce changement est l’adoption d’un modèle d’organisation externe. Niveau 3 - La perspective visionnaire Cette perspective implique un changement radical des valeurs de l’entreprise quant aux rôles et aux responsabilités de tous ses membres dans la réalisation des objectifs de l’entreprise. La mise en œuvre de la nouvelle vision de l’entreprise s’appuie sur les compétences du personnel. La direction de l’entreprise joue un rôle clé dans la coordination et l’adhésion de tous les membres de l’entreprise à cette nouvelle vision. 2.2 Niveaux atteints par les onze entreprises étudiées Niveau 1 Trois entreprises, parmi les onze, Autoplastique, B&T et Clark Hurth, donnent l’exemple de sociétés qui ont intégré des innovations dans leurs structures existantes pour faire face aux problèmes rencontrés, sans pour cela procéder à une transformation radicale de leur structure ou de leur gestion. Ces entreprises ont adopté une approche de “développement maîtrisé des compétences” dans des structures de contrôle de gestion plus ou moins classiques. Niveau 2 Trois autres cas, Audi/Volkswagen, Cadbury et Felten & Guilleaume, illustrent l’importation réussie d’un modèle de management ou d’organisation “à la pointe”, induisant une transformation de la société essentiellement centrée sur le développement des compétences. Le changement réalisé s’est appuyé sur l’adoption réussie d’un modèle externe distinct d’un modèle qui aurait été impulsé par une innovation interne inspirée par l’entreprise. C’est pourquoi ces entreprises sont désignées comme des “innovateurs de deuxième classe”, car leur processus de changement s’appuie sur la mise en place de système et de structures de management et d’apprentissage “de meilleure pratique” existants. Par conséquent, dans ces entreprises, le changement se situe essentiellement au niveau structurel. Niveau 3 On peut considérer que cinq entreprises ont adopté des politiques commerciales radicales fondées sur un développement maximum des compétences de leur personnel opérationnel (“en première ligne”). Ces entreprises ont adopté des stratégies qui consacrent le développement des compétences comme valeur clé. Dans ces entreprises, le processus de changement a été déclenché par une vision interne de l’entreprise, qui a donné lieu à l’adoption et à l’application de “valeurs fondées sur les compétences”. Ces entreprises, qui peuvent être désignées comme “innovateurs de première classe” dans le processus de changement, sont Aluminium Dunkerque, Bord na Mona, Manducher, Sara Lee et Volvo. 2.3 La nature des changements et la forme des processus de développement 2.3.1 Entreprises visionnaires Les trois entreprises Aluminium Dunkerque, Manducher et Volvo ont un point commun: le processus de changement a été déclenché par une nouvelle vision sur le rôle essentiel du personnel de production dans la réalisation des objectifs de l’entreprise. C’était l'étape 1 illustrée dans le schéma ci-dessous. Les étapes 2 et 3 procèdent de cette première étape. Les compétences du personnel sont considérées comme la clé de la réalisation, ce qui implique de se fier à l’esprit d’innovation de l’homme. 1 Vision Modèle d’organisation 2 Processus de résolution des problèmes 3 COMPÉTENCES COMPETENC E 2 Aluminium Dunkerque, Manducher et Volvo Manducher, par exemple, a réalisé son changement à partir du retour d’expérience des employés qui se plaignaient de ne pas jouir de pouvoirs discrétionnaires. Volvo a amorcé son processus de changement avec la vision d’une usine dans laquelle les aptitudes professionnelles créatrices des ouvriers (planification, contrôle, “sens de la propriété du produit”) ont été mobilisées pour apporter une contribution maximale à la mise en place d’une production fondée sur les technologies modernes. Aluminium Dunkerque est partie de l’hypothèse que, dans une zone en déclin, les chômeurs pouvaient être recyclés et participer au rendement d’une usine de transformation en y jouant un rôle essentiel. Sara Lee se distingue des trois entreprises précédentes par le fait qu’elle s’est d’abord intéressée aux compétences des unités d'activité (étape 1) en pensant qu’elles permettraient à l’entreprise d’innover, de tester de nouvelles voies de réalisation, suivant ainsi un processus d’innovation continue. C’est cette valeur fondamentale qu’elle a adopté dans le cadre d’un exercice de clarification des valeurs. Un programme de formation interne a été mis en œuvre (étape 2). Il accorde une place centrale aux unités, tout en les situant dans le contexte global de l’organisation (vers le haut et l’extérieur, tourné vers l’environnement commercial extérieur de l’entreprise), et est attaché aux rôles des individus au sein de l’unité, sous la forme d’objectifs de performances. Ce point renforce la vision (étape 3). 3 Vision 1 COMPÉTENCES COMPETENC E Modèle d’organisation Processus de résolution des problèmes 2 2 Sara Lee L’entreprise Bord na Mona est parvenue à une position de valeurs similaires, mais sans adopter un processus actif de clarification des valeurs. Une crise a contraint l'entreprise à adopter des mesures radicales. Cette dernière a mis en place des équipes expérimentales fonctionnant comme des unités autonomes (étape 1) et s’est aperçu que celles-ci fonctionnaient effectivement. Elle a donc ratifié ce système, en faisant abstraction du poids de l'entreprise. Ainsi, un nouveau système de valeurs a été défini et mis en place officiellement (étape 2), mais, plus important, ce système est venu s’imbriquer dans le système de valeurs informel partagé de l’entreprise, auquel participent la direction, les employés et leurs représentants syndicaux. 2 Vision COMPÉTENCES COMPETENC E Modèle d’organisation 1 Processus de résolution des problèmes Bord na Mona 2.3.2 Entreprises adoptant de nouveaux modèles d’organisation Trois entreprises, Audi/VW, Felten & Guilleaume et Cadbury, sont désignées comme des “innovateurs de deuxième classe”. Les changements réalisés dans les entreprises Audi/VW et Felten & Guilleaume peuvent être replacés dans le contexte des nouvelles orientations des politiques nationales qui apparaissent en Allemagne, dans le cadre d'un programme national de recherche et de développement. Ces travaux ont donné lieu à de nouveaux modèles d'organisation, fondés sur les principes de fabrication en “îlots de production”, et à de nouveaux instruments d'apprentissage “sur le tas” où le développement des compétences est défini comme une stratégie primordiale (étape 1 et étape 2). Audi/VW et Felten & Guilleaume peuvent donc être considérés comme une illustration de cette nouvelle politique, soutenue par la large continuité des valeurs traditionnelles allemandes sur le rôle central de la main d'œuvre qualifiée dans les entreprises de fabrication. On peut dire que ces entreprises ont amorcé un virement vers l'adoption de “nouvelles” valeurs (étape 3). 3 Vision Modèle d’organisation 1 Processus de résolution des problèmes 2 COMPÉTENCES COMPETENC E Audi/VW, Felten & Guilleaume et Cadbury Cadbury illustre l'application des principes de la “maintenance de la qualité totale” (TQM) qui s'est traduit par un besoin important en développement des compétences. 2.3.3 Entreprises axées sur la résolution des problèmes Trois entreprises, Autoplastique, B&T et Clark Hurth, donnent un exemple de réalisation partielle de stratégies fondées sur les compétences. Les changements radicaux, introduits dans le processus du travail et dans les niveaux de compétence des employés (étape 1), n'ont eu qu'un impact limité sur les structures du management et sur les valeurs de l'entreprise (étape 2). Vision Modèle d’organisation Processus de résolution des problèmes COMPÉTENCES COMPETENC E 2 1 3 Autoplastique, B&T et Clark Hurth B&T n'a pas réussi à faire profiter l'ensemble de l'entreprise des leçons tirées par le groupe expérimental chargé de mettre en place un nouveau système de production flexible (FMS - Flexible Manufacturing System). L'esprit conservateur de la direction a freiné l'adoption des nouvelles valeurs à tous les niveaux de l'entreprise. Dans le cas d'Autoplastique, bien que l'adoption de nouveaux outils de gestion ait permis de mettre en place des modèles dynamiques d'apprentissage, la direction s'est révélée incapable de changer son image de représentant d'un contrôle centralisé à caractère plutôt autocratique. Elle a considéré les changements dans l'optique d'une mise en place de nouvelles techniques, sans une véritable remise en cause des valeurs de l'entreprise. L'exemple de Clark Hurth illustre un vaste processus de changement et d'apprentissage. Il s'agit d'un processus plutôt fragmentaire et sinueux, dans lequel la direction a progressivement accordé davantage d'autonomie aux employés, ce qui a eu pour ces derniers d'importantes répercussions sur le développement de leurs compétences. La précaution excessive de la direction n'a cependant pas permis d'introduire des changements de valeurs radicaux. 2.4 Caractéristiques des stratégies fondées sur les compétences dans les entreprises Cette partie est consacrée à l'analyse et à la discussion des caractéristiques clés qui permettent de distinguer les entreprises orientées vers les compétences. Les entreprises “visionnaires” et, dans une moindre mesure, les autres entreprises se distinguent par cinq caractéristiques essentielles: - un leadership visionnaire dynamique et un soutien de la direction générale; - la prise du risque de miser sur les compétences du capital humain; - l'existence d'un cadre général pour le processus de changement; - la création d'une vision partagée sur la mise en œuvre d'un programme de changement de la structure hiérarchique; - l'engagement dans l'élaboration et le développement d'un programme pratique. Ces cinq caractéristiques, qui illustrent différents aspects des valeurs fondées sur les compétences, peuvent être considérées comme les piliers sur lesquels une entreprise “fonde” une main d'œuvre compétente. 2.4.1 Un leadership visionnaire dynamique et un soutien de la direction générale Ce premier point reflète dans quelle mesure le chef d'entreprise adopte les valeurs fondées sur les compétences et est prêt à engager un processus de changement de l'organisation pour transformer son entreprise afin qu'elle intègre ces valeurs. Ces cinq entreprises, désignées “innovateurs de première classe”, parce qu'elles s'appuient sur des “valeurs fondées sur les compétences” et sont encadrées par une direction générale “inspirée” qui a adopté un nouvel état d'esprit quant au niveau de liberté et de contrôle que doivent exercer les employés. De la même manière, dans les entreprises qui sont restées au niveau de la résolution des problèmes, comme Autoplastique, la direction générale a manifesté sa répugnance et sa crainte à adopter une politique impliquant l'abandon des systèmes traditionnels de contrôle du management. Dans le processus de changement, le moteur clé est d'abord le PDG de l'entreprise. Le directeur du Développement des ressources humaines ne peut amorcer un véritable changement que s'il dispose du soutien total du PDG. Le rôle important de la direction générale (PDG et administrateurs) dans l'amorce du changement est illustré par l'exemple d'Aluminium Dunkerque, où une nouvelle usine a été volontairement conçue, dès l'origine, en accordant des rôles déterminants aux opérationnels de base. Le cas de Manducher montre comment les relations de coopération étroite et de confiance, établies entre le PDG et le directeur du personnel récemment engagé, ont participé à l'efficacité du processus de changement. La direction générale de Sara Lee a soutenu la nouvelle orientation de l'entreprise en favorisant le développement d'un climat porteur, au niveau de l'encadrement intermédiaire (responsables des unités), de sorte que ceux-ci se sentent complètement impliqués dans le processus de prise de décisions. Il semble que, ainsi, ils aient réussi à éviter certains des problèmes que les entreprises Aluminium Dunkerque et Felten & Guilleaume avaient rencontrés dans la définition des rôles de l'encadrement intermédiaire vis-à-vis des opérationnels. Dans le cas de Sara Lee, la stratégie du groupe a été centrée sur le concept du management entrepreneurial, encourageant les directeurs à se considérer et à agir comme les propriétaires de l'unité dont ils avaient la charge. Une image visionnaire a été utilisée pour transmettre la nouvelle philosophie de la direction et pour inciter les employés à adopter de nouvelles méthodes de travail. De la même manière, le nouveau processus de production chez Volvo a été inspiré par une nouvelle vision de l'ouvrier: c'est quelqu'un qui est capable de construire seul une automobile, sous la coordination du PDG. En même temps, on peut conclure que l'incapacité d'un groupe important de la direction générale à adopter cette nouvelle vision a provoqué l'abandon du projet. Le fait de n'avoir pas réussi à obtenir le consensus de la direction générale et l'émergence d'une école de management divergente et prédominante a contraint le PDG à renoncer à sa vision radicale du “nouvel employé”. Le cas d'Autoplastique représente une solution que de nombreux dirigeants pourraient être tentés d'adopter: introduire de nouvelles techniques de production et d'apprentissage dans une structure de management traditionnel, c'est-à-dire “faire du neuf avec du vieux”. Chez Autoplastique, le résultat est la coexistence difficile entre des stratégies de management directif et des pratiques d'apprentissage ouvert, ce qui ne constitue pas un cadre idéal pour un développement durable. 2.4.2 La prise du risque de miser sur les compétences du capital humain Prendre volontairement le risque de miser sur les compétences du personnel, comme gage de pérennité de l’entreprise, est une caractéristique que l’on retrouve également dans les entreprises qui opèrent un véritable changement. “La prise de risque est une caractéristique essentielle de la nouvelle Bord na Mona, mue par une tension créatrice entre le contrôle traditionnel et la nouvelle autonomie des équipes”. Le PDG a pris ce risque pour permettre la survie de l’entreprise, décision fondée sur des éléments de leadership inspiré associés à des éléments de leadership pragmatique. Cette approche a impliqué “un changement total de la culture de l’entreprise impliquant l’adhésion de tous les membres du groupe qui acceptent de remettre en cause leur propre identité et de décomposer leur fonction de direction pour transférer le leadership aux équipes”. Le travail en équipe n’était pas nouveau pour l’entreprise: “la nouveauté, c’était d’accorder un rôle central au travail en équipe”. Même si cette prise de risque n’a obtenu qu’un “fragile consensus”, l’impact des nouvelles valeurs ayant encore des répercussions au sein de l’entreprise, le sentiment profond des employés, après six ans, est “qu’il n’y a pas de retour en arrière”. Le “fragile consensus” obtenu chez Bord na Mona fait contraste avec le type de “marché” complexe chez Autoplastique. Le consensus éphémère obtenu chez Volvo s’est, en définitive, traduit par un échec. Felten & Guilleaume ont effectué un changement radical, en passant d’une politique d’investissement orientée vers la technologie à une politique fondée sur les ressources humaines, selon le principe inconnu de “l'îlot de production”. Le risque consistait à placer sa confiance dans l’homme plutôt que dans la technologie. Par ailleurs, le faible niveau de risque de B&T (la crainte d’une perte de contrôle) a empêché cette entreprise de tirer les leçons de l’interface homme-machine expérimentée par le groupe “provisoire” créé pour assurer la mise en place du nouveau système technologique. On peut aussi affirmer que “la peur de l’inconnu” a été l’un des facteurs qui a empêché l’entreprise Clark Hurth d’engager une politique radicale orientée vers les compétences. 2.4.3 Existence d’une structure globale s’appuyant sur les traditions, tout en exploitant les nouvelles recherches Dans la plupart des entreprises, le processus de changement a duré de trois à quatre ans, entre la phase de “démarrage” et la réalisation d’un objectif significatif. Il n’existe pas de cas de “réingénierie” en une nuit. Le processus de développement peut être résumé par le leitmotiv “l’évolution, pas la révolution”. À long terme, ce contexte requiert une structure solide pour maintenir le projet sur les bons rails. Dans ce but, des modèles de changement organisationnels fondés sur des concepts larges ont été développés, au sein des entreprises, ou pour le compte des entreprises, par des agences de consultants externes ou par la participation aux programmes nationaux de développement. À cet égard, Felten & Guilleaume et Audi/VW ont tiré profit de leur participation au programme national “Arbeit und Technik” qui a permis de concevoir et de développer de nouveaux modèles de qualification pour répondre à l’introduction de nouvelles technologies et de nouvelles formes d’organisation du travail. Aluminium Dunkerque s’est appuyée sur un concept sociotechnique et a poursuivi ses travaux théoriques sur “l'organisation qualifiante” (organisation de l’apprentissage) mise au point par des chercheurs français comme Phillipe Zarifian (1993). La société a adopté la structure de la maintenance de la qualité totale (TQM) qui a servi de cadre au programme général de développement des compétences. L’entreprise Manducher a recruté un expert en “développement organisationnel” chargé de concevoir et d'orchestrer un changement complet de l’entreprise. 2.4.4 Création d’une vision partagée fondée sur la mise en place d’un programme de changement organisationnel hiérarchique La réussite du processus de changement dans l’entreprise Bord na Mona peut être attribué au développement “d’une compréhension informelle et d’un respect mutuel” entre les employés et la direction. Cette question est au cœur du concept de mise en œuvre d’un changement organisationnel hiérarchique dans lequel chaque membre de l’entreprise est profondément impliqué. Visions partagées La notion de création de “visions partagées” est importante à cet égard. L’entreprise Sara Lee a d’abord centré ses efforts sur le développement de “visions partagées” et de valeurs, au niveau global de l’entreprise et au sein de chaque unité. Cette base, ainsi créée, a permis d’établir des normes de performances pour chaque employé qui se considère, désormais, comme “un partenaire d’affaires”. L’organisation de réunions de communication efficaces, au niveau de l’ensemble de l’entreprise, a été essentielle à cet égard. Les longues discussions qui ont eu lieu entre les syndicats et la direction de Bord na Mona ont permis à l’entreprise de présenter une vision partagée, résumée par le leitmotiv “des équipes - un partenariat pour le progrès”. Compte tenu du niveau élevé de confiance et de compréhension atteint dans l’entreprise, ce leitmotiv n’est pas un simple slogan, mais symbolise une communauté de vues (une base de référence commune). Projets pilotes La participation à des projets pilotes expérimentaux, au cours de la phase de démarrage, est une autre méthode utilisée pour garantir l’engagement de chaque membre de l’entreprise. Felten & Guilleaume et Bord na Mona ont testé leur programme général dans un service ou auprès d’un nombre déterminé d’employés au sein de leur entreprise. C’est sur la base d’une évaluation des résultats du projet expérimental, par un groupe représentant les partenaires sociaux, différents spécialistes du développement organisationnel et des techniciens, que la phase suivante a été conçue et mise en place. Chez Sara Lee, chaque phase du programme de développement a été examinée par tous les acteurs clés impliqués: encadrement supérieur, encadrement intermédiaire, et ouvriers. Ainsi, la phase suivante n’a été entreprise qu’après l’approbation de la phase précédente par chaque partie intéressée. Équipes fonctionnelles transversales Une autre méthode en faveur du changement hiérarchique au niveau de l’ensemble de l’entreprise a pu être observée dans les études de cas. Il s’agit de la création d’équipes fonctionnelles transversales. L’objectif de ces équipes, composées de membres de différents services, représentant différents niveaux hiérarchiques, est de faciliter la communication hiérarchique et transversale au sein de l’entreprise. Chez Cadbury par exemple, ces équipes ont été appelées “équipes d’action qualité”. Elles sont composées de personnes occupant des fonctions de niveaux différents qui se réunissent régulièrement pour s’assurer que toutes les parties intéressées sont tenues informées des problèmes de production et de maintenance en cours. L’entreprise Clark Hurth a créé des groupes de projet ad hoc, suivant les mêmes principes, mais composés de personnel de formation et de production, afin de concevoir des systèmes appropriés de développement des compétences liées au travail. Dans le cas de la société Aluminium Dunkerque, les responsabilités de planification et de développement, comme le développement des ressources humaines, sont confiées à la direction générale sur une base transversale, alors que les fonctions de management opérationnel, dans les différents services, sont exercées par l’encadrement intermédiaire. Ce schéma est l'inverse de celui habituellement pratiqué dans la plupart des entreprises traditionnelles. Coopération pragmatique Chez Cadbury et Bord na Mona, la notion de coopération pragmatique a servi de principe directeur à la direction et aux syndicats. Un type de relations industrielles fondées sur la coopération a été établi dans l’intérêt réciproque de toutes les parties intéressées. Chez Bord na Mona, en dernière analyse, ce système implique que les employés pourraient fixer leurs propres niveaux de salaires conformément au principe du “partage des gains”. Se rendant compte que des niveaux de compétence plus élevés se traduisaient par une meilleure qualité et une plus grande flexibilité, Cadbury a récompensé les employés qui consacraient du temps à leur formation. Cette pratique a donné lieu à l’introduction de nouvelles structures de rémunération des ouvriers qui encouragent l’acquisition de nouvelles compétences. L’entreprise Manducher a introduit un système novateur de rémunération des employés en fonction des compétences acquises et d’encadrement selon la capacité à exploiter les compétences existantes ou nouvelles de leur personnel. 2. 4. 5 Engagement dans l’élaboration et le développement d’un programme pratique La réalisation d’objectifs ambitieux à long terme dépend de l’attention portée aux nombreuses phases à suivre. Cela implique un engagement dans la planification: “aller jusqu’au bout”, mettre en place et examiner chacune des phases et affecter des ressources financières et humaines suffisantes pour l’ensemble du projet. La direction du Développement des ressources humaines de l'entreprise Sara Lee a reçu un fort mandat de la direction générale, laquelle lui a alloué des ressources suffisantes pour concevoir et mettre en œuvre un programme radical. De la même manière, chez Manducher, un directeur du personnel a été nommé pour organiser et superviser la mise en œuvre d'un programme à long terme. Felten & Guilleaume et Audi/VW ont intégré leur programme interne dans un programme national plus vaste qui leur a fourni des instruments pratiques et des outils. Nous verrons plus loin comment les entreprises ont mis en pratique leurs programmes d'apprentissage. 2.4.6 Autres facteurs ayant une incidence sur la mise en œuvre des stratégies fondées sur les compétences Soutien externe Comme cela a été indiqué précédemment, en Allemagne, le programme national de développement a eu une très forte incidence sur l'évolution des entreprises Felten & Guilleaume et Audi/VW. Il a orienté le processus de changement et fourni un service de recherche et de conseil essentiel qui a permis de procéder à une expérimentation. En France, Aluminium Dunkerque a reçu l'appui du ministère français du Travail, sous la forme d'une aide financière et conceptuelle. Les agences régionales pour l'emploi et l'éducation ont également apporté une contribution active à l'entreprise, notamment au cours des phases initiales. Les entreprises Manducher et Autoplastique ont également bénéficié, dans une certaine mesure, des initiatives inspirées du gouvernement en matière de recherche et de développement. Le contexte social plus large Dans une perspective d'insertion sociale, Aluminium Dunkerque montre comment, dans une région en déclin, il est possible de recycler des chômeurs et de les intégrer, avec succès, dans un environnement de travail moderne exigeant des compétences sociales et techniques avancées. Le cas de Bord na Mona illustre comment des travailleurs provenant d'un milieu rural et habitués à des pratiques de travail fondées sur le taylorisme, y compris dans les relations industrielles dichotomiques, étaient capables de coopérer activement avec la direction des entreprises pour mettre en œuvre des changements radicaux. Chez Cadbury, la direction et les employés ont réussi à négocier le passage d'une culture de relations industrielles négatives à une culture fondée sur la coopération pragmatique. Alors que l'exemple de Felten & Guilleaume prouve que des employés âgés peuvent être recyclés et s'adapter aux pratiques modernes, l'image de “l'entreprise flexible” qui se dégage de l'expérience de Clark Hurth et d'Autoplastique est celle du remplacement des travailleurs âgés par des travailleurs/stagiaires plus jeunes. Chez Clark Hurth, par exemple, la moyenne d'âge des salariés est de 27 ans. Questions spécifiques Bord na Mona est la seule entreprise où le changement a été clairement provoqué par une énorme crise. Bien que Felten & Guilleaume, Manducher, Cadbury, Autoplastique et Clark Hurth aient connu de graves problèmes, elles n'avaient pas atteint un niveau de crise comparable lorsqu'elles ont décidé de prendre des mesures. À l'exception d'Aluminium Dunkerque, toutes ces sociétés étaient implantées dans des sites “brown-field.” 3 Nouvelles compétences exigées dans les entreprises européennes Parmi l'ensemble des compétences exigées des employés des entreprises étudiées, une caractéristique prédomine: l’aptitude à comprendre et à gérer la complexité sociale/organisationnelle et technologique. Le type de personne recherchée est capable d'établir à tout moment, la relation entre les tâches spécifiques qu'elle effectue et l'ensemble des tâches exécutées par d'autres membres de l'entreprise. Par conséquent, elle doit être capable d'appréhender globalement l'organisation, tout en se sentant reliée aux différentes parties du système. Ces attributs sont traditionnellement réservés à la direction de l'entreprise. Cette partie présente d'abord quelques structures générales, dans lesquelles les entreprises inscrivent une description des “compétences du salarié”, puis décrit et analyse les configurations de compétences et d'aptitudes spécifiques relevées dans les différentes entreprises. Les nouvelles compétences et responsabilités du personnel s'inscrivent dans trois structures: - la capacité à se référer à une “approche globale”; - l’élargissement du rôle hiérarchique; - l’élargissement du rôle transversal, la polyvalence. Ces deux derniers points, l’élargissement du rôle hiérarchique et du rôle transversal, peuvent être considérés en réalité comme des illustrations du premier point, c'est-à-dire la capacité à se référer à une “approche globale”. 3.1 Capacité à se référer à une “vue d’ensemble” Il s’agit de la capacité de mener à terme une “tâche complète”, ou des projets de travail “à cycle long”, de manière relativement autonome, en restituant son rôle dans l’ensemble des tâches réalisées par le groupe ou l’organisation. Cette notion holistique des compétences a été largement adoptée chez Volvo, Aluminium Dunkerque, Audi/VW, Felten & Guilleaume et, dans une seule perspective, chez Autoplastique. Chez Volvo, l’accent a été mis sur “la capacité à gérer un système de montage complet - en replaçant les sous-systèmes par rapport au système global”. Le travail d’assemblage sur un long cycle requiert ce type de compétences. Chez Aluminium Dunkerque, le développement des employés a été conçu en termes d’évolution progressive vers différents niveaux de complexité, dans “un domaine de tâches associées”, et non en termes d’apprentissage de tâches compartimentées associées à des fonctions isolées. Cette approche consiste à réaliser les opérations courantes nécessaires aux différentes étapes du processus de travail, du début à la fin, tout en approfondissant progressivement ses connaissances théoriques et pratiques, ce qui permet d’apprendre à gérer les variances et de parvenir ainsi à une maîtrise complète du processus. La notion de Handlungskompetenz (compétence par l’action), attribut clé des employés chez Audi/VW et Felten & Guilleaume, se réfère à l’aptitude à conceptualiser, à planifier et à exécuter tous les aspects d’une tâche complexe de manière indépendante. L’étude de cas d’Autoplastique met en évidence la nécessité pour les employés de posséder des “compétences clés” afin de contribuer et de participer à “l’intelligence collective” de l’organisation. On entend par “intelligence collective” les connaissances et les compétences formelles et implicites de l’organisation dans son ensemble. Elle n’est pas simplement la somme des connaissances des individus, mais bien plus; elle possède une qualité d’interconnexion dynamique qui permet à chaque membre de l’entreprise de tirer des enseignements des autres membres pour appréhender le système dans sa globalité. 3.2 Élargissement du rôle hiérarchique Cette approche implique la prise en charge par les employés de certaines fonctions traditionnellement réservées à la direction ou à l’encadrement intermédiaire. Chez Board na Mona, par exemple, les équipes autonomes exercent certaines responsabilités de leadership. Chez Audi/VW, l’équipe, supposée s’autogérer, a un porte-parole à la place du contremaître. Les opérateurs ont également adopté de nouveaux rôles, s’apparentant désormais aux “ouvriers qualifiés”. Chez Cadbury, les ouvriers sont chargés de tâches jusque-là réservées aux techniciens, alors que les opérateurs sont formés pour exercer certaines fonctions professionnelles spécifiques au métier. B&T a montré comment, lors de l’introduction et de l’exploitation des nouvelles technologies, les ouvriers qualifiés ont dû assumer, par emprunt, une autorité normalement réservée à la direction. En revanche, lorsque le nouvel équipement a commencé à fonctionner normalement, l’entreprise a fait un pas en arrière en rétablissant les barrières traditionnelles entre le personnel exerçant des fonctions administratives et de gestion et les exécutants. 3.3 Élargissement du rôle transversal: la polyvalence La polyvalence est très présente chez Cadbury, où mécaniciens et électriciens pratiquent la flexibilité transversale entre leurs métiers. Les opérateurs travaillant en équipe sont également censés être polyvalents, capables d’exercer toutes les fonctions de l’équipe. Chez Aluminium Dunkerque, les processus de travail s’appuient également sur le principe d’équipes polyvalentes. 3.4 Profils de compétences individuelles Selon les structures intégratrices dans lesquelles viennent d’être définis les rôles et les responsabilités du personnel, les profils de compétences spécifiques peuvent être représentés par une interconnexion de quatre axes. Les compétences globales constituent, par conséquent, un amalgame de quatre types de compétences différentes combinés à des degrés divers. Profil des individus - intégration de compétences différentes Cognitives Sociales (organisation) Techniques Entrepreneuriales (activité) 3.4.1 Compétences cognitives, sociales et entrepreneuriales Bord na Mona et Sara Lee insistent particulièrement sur les compétences sociales et entrepreneuriales. Pour Bord na Mona, cela implique des compétences particulières en gestion financière, la “compréhension des principes fondamentaux de la finance étant considérée comme essentielle pour assurer le succès de l’équipe”. De larges compétences en gestion d’entreprise, comme la gestion des coûts, la prévision, la planification et, plus particulièrement, la prise de risque, sont également considérées comme essentielles. Bord na Mona et Sara Lee Cognitives Sociales (organisation) Techniques Entrepreneuriales (activité) Chez Sara Lee, l’accent a été mis sur la nécessité de développer parmi le personnel l’esprit d’entreprise - le sentiment d’être partenaire dans l’entreprise - qui se manifeste par des qualités d’initiative et de responsabilité. 3.4.2 Compétences cognitives, sociales et techniques: les qualifications clés Les qualifications clés occupent une place centrale dans le concept de compétences du personnel dans les deux entreprises allemandes Audi/VW et Felten & Guilleaume. Audi/VW et Felten & Guilleaume Cognitives Sociales (organisation) Techniques Entrepreneuriales (activité) Les qualifications clés sont divisées en trois catégories, décrites ci-dessous. • Les compétences cognitives: - l’observation; - l’écoute; - le déchiffrage et l’interprétation des plans et des données numériques; - la connaissance de la structure des programmes PLC. • Les compétences de coopération et de communication: - l’échange réciproque d’informations; - le soutien des actions de maintenance; - la résolution commune de problèmes. • Les compétences techniques dans les domaines suivants: - l’électricité et l’électronique; - l’hydraulique; - la pneumatique. Les qualifications clés doivent être considérées à la lumière du concept de Handlungskompetenz (compétences par l’action) qui implique de réunir l’ensemble de ces qualifications pour les intégrer dans la réalisation d’une tâche complète. Aluminium Dunkerque, Manducher, Cadbury, B&T, Volvo et Clark Hurth montrent des exemples de profils de compétences orientés vers les compétences cognitives, sociales et techniques semblables aux qualifications clés. La matrice établie par Manducher, pour représenter le profil optimal des compétences individuelles, inclut les compétences liées au produit, au processus, à la qualité, à la planification, à la communication ainsi que les compétences sociales. 3.4.3 Compétences cognitives et sociales Chez Autoplastique, les employés ont développé des compétences clés tournées vers “l’intelligence collective”. Les deux types de compétences clés requises pour contribuer à “l’intelligence collective” sont de nature sociale et cognitive: - les compétences sociales sont nécessaires pour partager les connaissances, le savoirfaire - connaissances formelles et informelles réunies - et les aptitudes à la communication et à la coopération; - les compétences cognitives sont nécessaires pour créer un nouveau savoir-faire aptitude à anticiper et à réagir, c’est-à-dire à formuler un problème et à prendre une décision. Autoplastique Cognitives Sociales (organisation) Techniques Entrepreneuriales (activité) 3.5 Processus d’apprentissage pour développer les nouvelles compétences La mise en œuvre d’un programme d’apprentissage pratique a été identifié précédemment comme l’un des piliers de l’entreprise fondée sur les compétences. Nous allons examiner en détail ce que cela signifie pour les entreprises étudiées ici. En premier lieu, nous décrirons la séquence des différentes étapes de développement des compétences réalisée par les entreprises. Nous analyserons ensuite les processus d’apprentissage et de développement utilisés et nous terminerons en examinant la position adoptée à l’égard des mesures d’incitation à l’apprentissage. 3.5.1 Les étapes du développement des compétences Les entreprises ont envisagé de manière très différente les étapes du processus général de développement. Six d’entre elles ont décidé de mettre en œuvre des programmes préliminaires de formation ou des programmes pilotes de développement de grande envergure. Les programmes préliminaires de formation avaient pour but de permettre au personnel d’acquérir un niveau élémentaire de compétences techniques ou sociales de sorte qu’il participe, ensuite, à un programme de développement plus spécifique orienté vers le travail. Les programmes préliminaires ont insisté davantage sur les aptitudes individuelles et l’apprentissage acquis selon un schéma formel. D’autre part, les programmes pilotes étaient plutôt centrés sur l’organisation et ont fourni aux entreprises l’occasion de tester et d’affiner leurs propositions avant de les appliquer sur une plus grande échelle. ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES COMPÉTENCES 1. Formation préliminaire Aluminium Dunkerque Manducher Bord na Mona 2. Programmes pilotes de développement Bord na Mona Felten & Guilleaume Sara Lee Volvo 3. Apprentissage sur le lieu de travail Toutes les entreprises Aluminium Dunkerque, Manducher et Bord na Mona ont adopté la formation préliminaire. Chez Aluminium Dunkerque, les futurs employés ont bénéficié de 1 100 heures de formation générale pour acquérir des connaissances et des compétences scientifiques, techniques et sociales. Cette formation a été organisée en collaboration avec les organismes régionaux, avant le démarrage de l’usine. De la même manière, Manducher a organisé des cours d’enseignement général formel destinés aux nouvelles recrues. Bord na Mona s’est efforcée de dispenser au personnel existant les compétences en gestion des coûts essentielles pour garantir l’efficacité des performances des équipes autonomes qu’elle s’apprêtait à constituer. Pour ce qui concerne les programmes pilotes de développement, Bord na Mona a expérimenté de nouvelles formes de travail sous le contrôle commun de la direction et des syndicats. Felten & Guilleaume a testé et évalué la méthode des îlots de production et des cercles d’apprentissage en se limitant, dans un premier temps, à un service de l’entreprise. Sara Lee a également amorcé son programme global par quelques “projets de développement”, parmi lesquels l’un des plus importants a été un cours de formation destiné aux agents de maîtrise. 3.5.2 Mesures d’incitation à l’apprentissage Manducher, Aluminium Dunkerque et Cadbury ont utilisé le système d’évaluation normalisé pour établir les plans de carrière au sein de leur entreprise. Aluminium Dunkerque est allée un peu plus loin en obtenant la reconnaissance de ses évaluations par les organismes professionnels et de formation extérieurs officiels, œuvrant ainsi pour “ la transférabilité des compétences ” et la mobilité de l’emploi. Cadbury est sur le point d’établir des liens entre ses procédures d’évaluation interne et le système britannique de certification des qualifications professionnelles nationales (National Vocational Qualifications - NVQ). MESURES D’INCITATION À L’APPRENTISSAGE ENTREPRISES Échelles formelles de plans de carrière Aluminium Dunkerque Primes d’apprentissage Manducher Reconnaissance et transférabilité Cadbury Évaluation fondée sur des normes En outre, ces trois entreprises ont institué un système de primes pour récompenser le développement de nouvelles compétences - expression concrète de leur foi dans la valeur du développement des compétences. 3.5.3 Processus d’apprentissage et de développement D’une manière générale, la plupart des entreprises étudiées avaient axé leur principale approche sur ce que l’on pourrait appeler “l’apprentissage informel” plutôt que sur la formation formelle. D’après Autoplastique, “l’apprentissage informel” se réfère aux “effets de l’apprentissage sur l’organisation du travail”. Néanmoins, la formation formelle joue un rôle important, comme nous l’avons vu, par exemple, avec les programmes préliminaires. De nombreuses entreprises ont utilisé à bon escient les programmes normalisés, en particulier pour répondre aux besoins individuels de développement des compétences techniques. Avant d’expliquer ce que les entreprises entendent concrètement par les approches d’apprentissage informel, il convient d’examiner les relations entre les processus d’apprentissage et les processus de travail. “L’apprentissage informel” implique que les individus apprennent en saisissant les opportunités qui leur sont offertes dans le cadre de l’exercice de leur travail. Cela n’est possible que si certaines conditions sont réunies, la principale étant que ces individus exercent un certain contrôle sur la manière de planifier, d’exécuter, d’évaluer et de réfléchir sur les tâches qui leur sont confiées. L’environnement de travail dans les ateliers peut favoriser ou, au contraire, gêner l’apprentissage. Cela dépend, d’abord, du degré d’autonomie accordé aux employés et, ensuite, de la manière dont la direction de l’entreprise conçoit les structures d’apprentissage sur le lieu de travail, sous la forme de “cercles d’apprentissage”, chez Felten & Guilleaume, ou de “pédagogies sur le lieu de travail”, chez Volvo. LOCAL Volvo S.L. CONTROL Cadbury WORK PROCESSES Audi/VW A.D. F&G C.H. CENTRAL BnM Manducher Autoplastique B&T CONTROL FORMAL LEARNING INFORMAL LEARNING LEARNING PROCESSES + Légende: PROCESSUS DE TRAVAIL Contrôle local Contrôle centralisé APPRENTISSAGE FORMEL APPRENTISSAGE INFORMEL PROCESSUS D’APPRENTISSAGE Comme le montre le schéma ci-dessus, les entreprises étudiées ont généralement tendance à privilégier le contrôle local et la prise de décision par la base. Si l’on considère les processus d’apprentissage mis en place, on remarque que les processus d’apprentissage informel ont bénéficié du niveau élevé de planification et de structuration. Bord na Mona représente une exception, dans la mesure où l’apprentissage y a été essentiellement acquis par les équipes, à qui l’on a confié l’entière responsabilité de l’organisation de leur travail. “L’environnement de l’apprentissage ainsi créé était très informel”. En fait, cela fut leur “baptême du feu”. Les intéressés ont suivi quelques cours préliminaires, mais, dans le contexte de la crise que traversait l’entreprise, ils ont dû se débrouiller en grande partie par eux-mêmes. Le groupe B&T a également été “contraint” de passer par l’apprentissage, plutôt que poussé par la nécessité “d’emprunter l’autorité de la direction” (pour prendre des décisions) afin de résoudre les problèmes auxquels il était confronté. De même, chez Autoplastique, les schémas d’apprentissage informel n’ont pas été accompagnés d’une délégation de la prise des décisions à la base. 3.5.4 Approches spécifiques d’apprentissage informel Les approches spécifiques d’apprentissage informel, adoptées par au moins huit entreprises, couvrent un large spectre témoignant d’une grande diversité (cf. le schéma ciaprès). Chez Audi/VW par exemple, des cellules spéciales “de fabrication flexibles orientées vers l’apprentissage” ont été mises en place sur le lieu de travail. Les méthodes d’apprentissage adoptées s’appuient sur les “stratégies d’apprentissage cognitif” comme les “règles heuristiques”. Chez Volvo, l’expression “pédagogie sur le lieu de travail” fait référence à l’apprentissage dans le but de comprendre et de travailler en termes “d’ensembles cognitifs”. MÉTHODES D’APPRENTISSAGE Apprentissage informel ENTREPRISES Audi/VW – Volvo – BnM – A.D. – F&G – Autoplastique – B&T – C.H. l’encadrement opérationnel dans le rôle BnM – A.D. – F&G – C.H. – d’agents d’apprentissage Manducher - - les collègues agissant comme des tuteurs Manducher – Autoplastique Apprentissage formel Audi/VW – A.D. – F&G – S.L. – Cadbury - approche Cadbury modulaire - autoapprentissage Cadbury – A.D. Assistance de consultants et d'organismes de formation externes A.D. – F&G – S.L. – Manducher – Cadbury Évaluation commune A.D. – Manducher – Cadbury La stratégie d’apprentissage informel mise en place par Aluminium Dunkerque impliquait, à l’origine, un “apprentissage sur le tas planifié”. Il a été suivi par un programme d’apprentissage continu s’appuyant sur l’étude des performances individuelles dans “des situations de travail concrètes”. L’apprentissage au sein des équipes a été coordonné par l’encadrement intermédiaire avec l’assistance de formateurs internes et de consultants externes. Chez Felten & Guilleaume, les “cercles d’apprentissage” ont servi de point de convergence où les besoins d’apprentissage collectifs et individuels ont pu être identifiés et les programmes de formation approuvés. Autoplastique a adopté les stratégies dites “d’apprentissage coopératif”. Cette méthode consiste à apprendre au sein d’une équipe de projet, l’apprentissage étant considéré comme un sous-produit du travail d’équipe. Cette entreprise a également tiré profit des approches d’apprentissage “au cas par cas” s’appuyant sur le “contrat d’apprentissage” (“contrat de qualification”) et le “tutorat”. ENTREPRISE MÉTHODES D’APPRENTISSAGE INFORMEL Audi/VW “Cellules d’apprentissage orientées vers la fabrication flexible” (“formation s’appuyant sur la décentralisation du travail” “Stratégies d’apprentissage cognitif” (“Règles heuristiques”) “Leittemethode” (“guide d'apprentissage par la découverte) Volvo “Pédagogie sur le lieu de travail” Apprentissage pour comprendre et travailler en termes d'ensembles cognitifs Aluminium Dunkerque Phase de démarrage: apprentissage sur le tas planifié conformément aux huit étapes d’un travail Programme d’apprentissage continu élaboré à partir d’un examen des performances individuelles dans des situations de travail concrètes Felten & Guilleaume “Cercles d’apprentissage” (groupes d’apprentissage sur le lieu de travail chargés d’identifier les besoins et de décider du programme à suivre) Évolution du rôle de l’encadrement intermédiaire avec passage de “détenteurs de savoir” à un rôle d’examinateur et de tuteur Autoplastique “Stratégies d’apprentissage coopératif” L’apprentissage comme sous-produit du travail de l’équipe de projet Apprentissage au cas par cas (organisé dans le cadre d’un contrat d’apprentissage – “contrat de qualification”) “Tutorat” Manducher “Apprentissage proche du travail” ouvriers expérimentés (“multiplicateurs”) et anciens ouvriers à la retraite jouant le rôle de formateurs “Cercles de discussion” L’une des expressions utilisées pour décrire l’apprentissage informel chez Manducher est “l’apprentissage près du poste de travail”. Des employés expérimentés, désignés par le terme de “multiplicateurs”, ont été chargés de dispenser une formation individualisée dans des salles de formation spécifiques situées près du lieu de travail. Des anciens employés à la retraite sont également intervenus comme formateurs à temps partiel. Chez Clark Hurth, le formateur a identifié les besoins en formation en établissant des contacts formels avec des groupes de travail, et des contacts informels, avec des opérateurs et des accordeurs individuels. Des groupes de travail techniques ont été constitués sous la supervision du formateur afin de résoudre des problèmes particuliers. En matière d’apprentissage formel, Cadbury a adopté une approche de formation modulaire pour favoriser le développement de compétences techniques polyvalentes au niveau des différents métiers. Cadbury et Aluminium Dunkerque ont également proposé des approches d’autoapprentissage. L’assistance de consultants et d’organismes de formation externes a été déterminante dans la stratégie de Cadbury et d’un certain nombre d’autres entreprises. Chez Cadbury, le programme initial destiné à l’encadrement opérationnel a été conçu par des organismes extérieurs. Comme cela a été décrit précédemment, les organismes officiels de formation locaux ont joué un rôle très important dans les programmes de Felten & Guilleaume et d’Aluminium Dunkerque. Par ailleurs, dans cette dernière entreprise ainsi que chez Manducher et Cadbury, l’apprentissage a progressé sur une base commune. C’est-à-dire que les compétences ont été évaluées conjointement par le responsable opérationnel, l’employé et le consultant externe. Pour faciliter ce processus, Manducher a utilisé une grille de compétences couvrant les compétences techniques, sociales et de production. 4 Conclusion 4.1 Distinction entre théorie adoptée et théorie en action Chris Argyris (1978) a inventé les expressions “la théorie adoptée” et “la théorie en action” pour faire la distinction entre ce que les gens affirment faire et ce qu’ils font réellement. La réalité correspond rarement à la théorie. C'est ce que constate la présente étude. Alors que certaines des entreprises étudiées ont décrit leur comportement comme étant conforme aux formes de management, avec une plus grande autonomie aux employés et en faveur des principes et des actions d'organisation de l'apprentissage, dans trois des cas étudiés (les entreprises affichant une désaffection pour les modèles de management et d'organisation traditionnels étroitement contrôlés), la réalité était bien différente. Cela est vrai pour beaucoup d'autres entreprises qui, après s'être définies, au début du projet, comme étant orientées vers le développement novateur des compétences, n'ont pas résisté à l'examen. La structure mise en place au cours de ce projet, pour évaluer les trois différents niveaux de mise en place de pratiques novatrices, pourrait s'avérer un instrument de recherche utile pour évaluer les expériences des entreprises en général. 4.2 Diversité des voies tendant vers un même but La présente étude conduit à une autre conclusion intéressante, à savoir la diversité des voies empruntées par les entreprises étudiées pour atteindre des objectifs similaires. Une innovation réussie peut avoir différents points d'origine et suivre des voies diverses, à condition, toutefois, d'accomplir toutes les étapes nécessaires. Cette constatation est corroborée par le fait que, alors que trois entreprises, Aluminium Dunkerque, Manducher et Volvo, ont introduit des nouveaux modèles d'organisation et d'apprentissage, de manière très logique, en commençant par adopter de nouvelles valeurs et à établir un plan global à long terme, d'autres entreprises (en particulier Bord na Mona), réagissant aux événements survenus dans l'entreprise et acquérant un apprentissage de ces événements, ont été amenées à adopter des solutions radicales impliquant d'importants changements dans l'attitude de la direction vis-à-vis du rôle des employés considérés, désormais, comme partenaires de l'entreprise. 4.3 Fragilité de l'innovation sociale (des ressources humaines) Les cas étudiés dans le cadre de cette étude conduisent à une réflexion, liée au point évoqué ci-dessus, sur la fragilité de l'innovation sociale ou des ressources humaines. En premier lieu, il est facile de laisser passer les occasions de mettre en place un processus de changement. L'étude a montré comment certaines entreprises saisissaient les opportunités d'introduire des innovations radicales pour répondre aux nouveaux besoins de ses activités, alors que d'autres laissaient passer cette chance. À ce propos, un autre exemple, qui n'est pas mentionné dans cette étude, peut être cité. Il s'agit de l'étude de cas de Cadbury. Une autre usine Cadbury, implantée dans le même secteur que celle dont il est question dans notre étude, a fait l'objet d'une expérience novatrice à la même période. Or, cette fois, le processus de renouvellement ne s'est pas produit en raison d'une combinaison de plusieurs facteurs, notamment l'incapacité de cette société à abandonner ses pratiques traditionnelles de relations industrielles dichotomiques. Alors qu'une usine a saisi l'opportunité de progresser, l'usine sœur a refusé. En second lieu, cette étude a montré que les innovations sociales, très longues à s'instaurer, peuvent être mises en échec très rapidement. Le cas de Volvo et, dans une moindre mesure, celui de l'autre entreprise suédoise, B&T, ont montré comment des réussites, obtenues à l'issue d'engagements considérables et d'un travail colossal, peuvent échouer du jour au lendemain. 4.4 L'innovation, un processus d'une grande complexité Les expériences tentées par ces entreprises, qui ont adopté des stratégies radicales centrées sur le capital humain, ont révélé la complexité du processus qui exige une vision, une prise de risque et un engagement à long terme. Comme le souligne la présente étude, les entreprises qui ont opéré un changement se distinguent par cinq caractéristiques: - la direction générale possédait des qualités de visionnaire et de leadership caractérisées par la capacité à appréhender les activités de travail, les objectifs du développement et l'apprentissage organisationnel et individuel, dans un contexte systémique; - la direction, les employés et leurs syndicats ont révélé leur capacité et leur volonté de prendre des risques en évoluant, en remettant en cause les mentalités traditionnelles et en commençant à forger une nouvelle réalité de l'entreprise; - les entreprises ont utilisé des structures solides, issues de recherches approfondies, pour amorcer le processus de changement; - toutes les parties intéressées de l'entreprise, direction et employés, à tous les niveaux de la hiérarchie, et syndicats, se sont impliqués dans le processus de changement de l'ensemble du système sans procéder du haut vers le bas de la hiérarchie, ce qui s'est traduit par une coopération pragmatique; - tous les partenaires du processus de changement se sont engagés dans la mise en œuvre dans toutes les étapes du processus de changement, certaines s'avérant très longues et parfois très difficiles. Cela est très différent du concept de “réingénierie”. 4.5 Profils de compétences Les profils de compétences des employés des entreprises étudiées doivent d'abord être resitués dans le contexte de l'entreprise spécifique dans laquelle ils se trouvent, puis comparés aux profils de qualifications formelles officielles. Les employés ont à la fois façonné et été façonnés par ce contexte. En premier lieu, l'entreprise a dû établir des schémas de travail pour pouvoir faire face à la concurrence des marchés mondiaux, ce qui l'a amené à définir le type de compétences qu'elle devait exiger de son personnel. En second lieu, la nécessité pour l'entreprise de concevoir des stratégies efficaces à long terme, pour répondre aux besoins et avoir un impact efficace sur l'environnement, ou anticiper les changements de l'environnement, a exigé des membres de l'entreprise une participation dans la constitution du savoir collectif ou des compétences de l'entreprise et, en même temps, a refaçonné et élargi leurs propres profils de compétences. (Nonaka et Takeuchi, 1995) Dans cette étude, les connaissances exigées du personnel étaient, pour employer les termes de Erault (1997), un savoir personnel distinct du savoir prépositionnel. Selon Erault, le savoir prépositionnel est un savoir codifié, reconnu comme fondamental par son intégration dans des qualifications officiellement certifiées. En revanche, le savoir personnel non seulement “s’acquiert”, par l'utilisation du savoir officiel, mais se construit à partir de l'expérience et de la réflexion personnelles de l'individu. Il englobe le savoir prépositionnel, les connaissances des procédures et des processus, les connaissances implicites et les connaissances acquises par l'expérience dans la mémoire épisodique. “Cela permet d'établir des représentations des compétences, des capacités ou de l'expérience intégrant l'utilisation de compétences et de savoir prépositionnel” (Erault, 1997, p. 552). C'est ce qui distingue l'employé expérimenté - un expert doté d'un savoir personnel - de l'employé débutant - un novice possédant le savoir prépositionnel principal. (Dreyfus et Dreyfus, 1986) 4.6 Comment l'apprentissage a-t-il été introduit? En vertu de ce qui précède, il n'est pas surprenant que la méthode d'apprentissage généralement adoptée par les entreprises s'appuie sur l'apprentissage par l'expérience, en situation concrète. Bien que tous ces apprentissages soient regroupés sous l'appellation “apprentissage informel”, ce serait une erreur de considérer cet apprentissage comme fortuit ou non planifié, même si l'affirmation selon laquelle le meilleur moyen d'améliorer l'apprentissage dans une entreprise serait peut-être de changer la culture de l'organisation, à la suite de quoi l'apprentissage ira de soi, recèle une certaine vérité. Les méthodes d'apprentissage adoptées par les entreprises visionnaires étudiées se caractérisent, essentiellement, par une proposition planifiée d'opportunités de réflexion collective et individuelle sur la manière dont l'entreprise pourrait améliorer ses performances, ce qui profite, à long terme, aussi bien à l'entreprise qu'à ses membres. Dans de nombreux cas, ces réflexions ont conduit à adopter des solutions spécifiques d'apprentissage sur le tas s'appuyant sur le cycle d'apprentissage par la réflexion, qui consiste, par exemple pour un expert, à former un collègue moins expérimenté, mais comprend aussi l'introduction de programmes d'apprentissage (de formation) formel, si nécessaire. L'appellation “apprentissage informel”, qui désigne la méthode d'apprentissage qui prédomine dans les entreprises, s'explique par la volonté d'insister sur l'importance de l’apprentissage conceptuel, c'est-à-dire l'apprentissage intégré dans le processus de travail de l'entreprise, par opposition aux connaissances formelles hors contexte. Alors que, d'une part ces connaissances pourraient être considérées, en grande partie, comme des connaissances spécifiques à l'entreprise, et de ce fait ne pas bénéficier aux individus pour l'évolution de leur carrière personnelle, d'autre part, il est vrai que cet apprentissage a permis aux individus d'acquérir un savoir personnel, au sens où l'entend Erault, ou des compétences clés qui participent à l'acquisition de leurs compétences générales et professionnelles spécifiques et favorisent leur employabilité sur les marchés de travail modernes. 4.7 Valeurs et traditions européennes Tandis que les entreprises étudiées reflètent l'influence du “changement dans la continuité” des valeurs et des politiques industrielles et sociales des entreprises européennes dans le monde industriel d'aujourd'hui, certains signes indiquent clairement l'apparition de tendances mondialisatrices remettant en cause ces valeurs. Sparrow et Hiltrop (1994) ont identifié six caractéristiques des traditions européennes, en matière de gestion des ressources humaines, qui distinguent l'Europe des États-Unis. En Europe, d'après ces auteurs, les tendances sont orientées vers (a) une moindre autonomie des employés; (b) une moindre insistance sur les processus du marché libre; ( c) une place plus importante accordée au groupe par rapport à l'individu; (d) un centre d'intérêt placé sur les employés plutôt que sur la direction; (e) un rôle accru des partenaires sociaux dans les relations de travail; (f) une intervention ou un soutien plus importants du gouvernement dans de nombreux secteurs de la gestion des ressources humaines. La plupart des caractéristiques qui viennent d'être exposées se retrouvent à certains degrés dans les entreprises étudiées, lesquelles considèrent que les employés dotés de compétences élevées constituent le pivot de l'entreprise. Elles attribuent également un rôle important à la représentation collective des syndicats. On peut noter, dans de nombreux cas, l'influence des structures d'aide nationale des gouvernements, qu'il s'agisse d'aides financières ou de conseils. Bien que cette étude n'ait pas abordé explicitement et en détail l'importance que l'Europe accorde à la création de structures macrosociétales, destinées à favoriser la cohésion sociale par l'intermédiaire de réglementations gouvernementales à caractère industriel et social, cette importance est sous-jacente dans la vie quotidienne de la plupart des entreprises étudiées. Toutefois, il est également évident que la concurrence mondiale sur le marché libre remet fortement en cause les valeurs du travail européennes, plus spécifiquement celles du continent européen et des pays nordiques. À cet égard, la mondialisation exerce une pression sur toutes les entreprises qui souhaitent être présentes sur les marchés mondiaux - tous les marchés ayant tendance à se mondialiser de plus en plus - pour créer des structures organisationnelles similaires, à la pointe du progrès, s’appuyant sur des concepts d'efficacité et de flexibilité, comme par exemple le World class manufacturing (la fabrication à l'échelle mondiale). Le développement de la flexibilité de la main d'œuvre est souvent un défi direct à la notion de profession ou de métier, notion qui donne à chacun une identité ou un rôle et qui est définie par des traditions, des normes, des valeurs et l'adhésion à un groupe professionnel, qui est plus large et différente du rôle de l'entreprise. Une vue à court terme et disproportionnée de la dimension de l'entreprise qui apparaît dans le profil de compétences des travailleurs peut avoir un effet négatif sur l'ensemble d'une profession au sens évoqué plus haut. En termes de profils de compétences, la voie européenne (approche d'identité à un métier ou une profession) peut être considérée comme à mi-chemin entre une orientation essentiellement individualiste (fonction), adoptée par les États-Unis (fondée sur le projet et conforme à un marché du travail flexible et non réglementé) et la perspective corporatrice/d’entreprise (un travail pour la vie) du Japon (conforme à la notion du clan, de la famille ou du groupe de cohésion s'appuyant sur la flexibilité interne de l'entreprise). Dans les domaines de l'industrie, du commerce et de l'enseignement et de la formation professionnels, les acteurs européens (partenaires sociaux, entreprises et gouvernements) sont confrontés au défi de trouver le moyen de moderniser leurs entreprises pour les rendre concurrentielles sur le marché mondial, sans perdre de vue les valeurs et les objectifs “sociétaux” locaux, nationaux et européens qui assurent leur pérennité et leur stabilité. Un certain nombre de questions plus spécifiques, relatives au développement des compétences des ressources humaines et des activités des entreprises en Europe, mériteraient d'être approfondies dans une étude ultérieure: - la création de structures associant le développement des ressources humaines et l'orientation des activités de l'entreprise (notamment les écoles humanistes en matière de développement des ressources humaines) avec l'identité professionnelle de l'enseignement et de la formation professionnels et la perspective du développement personnel; - la création de profils homogènes holistiques de professions/de métiers (nouvelles professions et nouveaux métiers) intégrant les perspectives d'activité et sociétale, flexibles, suffisamment larges et complets pour faire face à la mondialisation des échanges et prédisposés à l'apprentissage tout au long de la vie (employabilité); - la conception de stratégies d'apprentissage et de programmes qui abordent les questions précédentes; - l'élaboration de systèmes d'accréditation qui servent de cadre à l'interprétation des profils de compétences évoqués ci-dessus, intégrant le savoir personnel (Erault) ou les compétences clés acquises afin de permettre la transférabilité vers d'autres contextes; - le développement de formateurs professionnels qui remplissent leurs nouveaux rôles d'animateurs d'apprentissage, dans le contexte des organisations d'apprentissage où la direction opérationnelle est chargée d'assurer la mise en place de l'apprentissage; - l'étude du rôle des syndicats dans la nouvelle organisation modernisée, où un équilibre est à trouver entre les méthodes de représentation individuelle et collective. Bibliographie ANCO / FAS, Skills Foundation Programme Training Guidelines, Dublin, 1985 ARGYRIS C. et SCHON D., A organisational Learning: A Theory in Action Perspective Adison Wesley, Mass., USA, 1978 CORBETT J.M., RASMUSSEN L.B. et RAUNER F., Crossing the Border Springer Verlag, Londres, 1991 DOCHERTY P.et NYHAN B., Human Competence and Business Development - Emerging Patterns in European Companies Springer Verlag, Londres, 1998 DOCHERTY P., The Utilization of Information Technology: A Management Perspective on a Learning Issue In: Nyhan B. 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La Commission a ensuite élaboré le Programme intégré en faveur des PME et de l'artisanat2. Le présent rapport a été rédigé pour le Cedefop et plus particulièrement pour sa brochure sur les Tendances européennes dans les professions et les qualifications. Il devrait être intégré à la priorité et à l'objectif définis pour “renforcer la compétitivité des PME et améliorer leur accès à la recherche, à l'innovation et aux technologies de l'information ainsi qu'à la formation”. L'objectif D des objectifs de la politique d’entreprise fait référence à un intérêt particulier pour “stimuler la formation en gestion”3. La Commission a adopté une recommandation i sur la définition des PME qui s'applique à tous les programmes de l'Union européenne, résumée dans le tableau ci-après. Entreprises moyennes Petites entreprises Microentreprises < 250 < 50 < 10 Chiffre d'affaires maximum (en millions d'écus) 40 7 - Résultat global maximum (en millions d'écus) 27 5 - Effectif maximum Outre le critère de l'effectif, une entreprise doit remplir l’un des critères financiers et doit être indépendante, c'est-à-dire qu'elle doit être contrôlée à moins de 25 % par une ou plusieurs entreprises satisfaisant à la définition précédente. 1 Rapport de la Commission au Conseil européen et au Conseil sur le rôle des petites et moyennes entreprises comme sources dynamiques d'emploi, de croissance et de compétitivité dans l'Union européenne, CSE(95) 2087. 2 COM (94) 207 final, 3 juin 1994. 3 COM (96) 329, 20.3.1996 disponible sur le site: http://europa.eu.int/en/comm/dg23/guide_en/entpol.htm. Le Livre blanc de la Commission européenne intitulé Croissance, compétitivité et emploi: les défis et les pistes pour entrer dans le XXIe siècle, publié en 1993, insiste sur l'approche européenne visant à développer l'emploi et à lutter contre l'exclusion sociale, tout en favorisant la flexibilité et la décentralisation de l'économie. Plus récemment, la Commission a adressé au Conseil des ministres un ensemble de priorités visant à encourager l'esprit d'entreprise en Europe. Les priorités ainsi proposées visent à promouvoir la formation spécialisée en management d'entreprise et à développer une synergie entre les universités et les entreprises4. Le rôle des PME dans l'économie de l'UE En 1995, les PME employaient les deux tiers de la population active européenne. En 1996, 19 millions de PME se sont constituées, créant 110 millions d'emplois. Cependant, les chiffres actuels de la Commission indiquent que seulement la moitié des entreprises survivent au-delà de leur cinquième année d'existence5. La création nette d'emplois dans les PME a plus que compensé les pertes d'emplois dans les grandes entreprises pendant la période de 1988 à 1995. Les entreprises de moins de 100 employés sont à l’origine de la quasi-totalité des créations d'emploi, au rythme de 259 000 créations nettes d'emploi par an. (Commission européenne, 1995, 3)6 Ce même rapport a identifié la formation dans les PME comme un cas d'échec du marché en termes de force de travail et de ressources humaines. Bien que les qualifications soient l'une des clés de la compétitivité, la formation dans les PME est beaucoup moins importante que dans les grandes entreprises, en partie parce que la formation est inadaptée aux besoins des PME. Les programmes de formation initiale ne dispensent pas toujours les aptitudes multidisciplinaires ni les compétences clés dont les PME ont besoin. La formation traditionnelle, hors du lieu de travail, est souvent inappropriée aux PME et l'infrastructure de la formation est notoirement faible dans les secteurs dominés par les PME. Cependant, les créations d'activités et d'emplois sont encore insuffisantes dans ce secteur (artisanat et petites entreprises), en raison d'un niveau encore inadéquat de la formation professionnelle et de la formation en gestion pour les apprentis et les nouveaux entrepreneurs potentiels. À moyen et à long termes, l'enseignement et la formation devraient s'efforcer de favoriser une culture d'esprit d'entreprise conduisant au lancement d’entreprises et à la création d'emplois. (Commission européenne, 1995, 6, 12) Globalement, l'image d'une apparente stabilité dans la proportion d'employés, dans les PME, masque non seulement une rotation élevée du personnel, due aux faillites, mais 4 Encourager l'esprit d'entreprise en Europe: priorités pour l'avenir, COM (98) 222 final, Bruxelles, 07.04.98, disponible sur le site: http://europa.eu.int/en/comm/dg23/smepol/finalen.pdf. 5 Commission européenne, Cinquième rapport sur l'Observatoire européen de la petite et moyenne entreprise: réunion de présentation, Bruxelles, 25/11/97 - http://europa.eu.int/en/comm/dg23/guide_en/speech/eosmeen.htm. 6 Toutefois, pendant la même période (1988-1995) les entreprises employant plus de 100 personnes ont perdu, en moyenne, 222 250 emplois par an (voir courbe 5). également la mutation des emplois de la production vers le tertiaire, particulièrement dans des secteurs comme le tourisme qui, en 1996, représentait jusqu'à 6 % de l'ensemble des emplois. (Commission européenne, 1997, p. 3) Le système “dual” de l'enseignement et de la formation professionnels, actuellement en vigueur en Allemagne et dans quelques autres États membres de l'UE, s'est développé dans les années 50. À cette époque, les grandes entreprises de production avaient besoin d'une main d'œuvre rationnelle, planifiée et systématiquement formée. L'effondrement des économies centralisées et planifiées de l'Europe de l'Est et le passage à une production ouverte, fluctuante et orientée vers le client, qui caractérise les PME, laissent à penser que les futurs modèles de formation et d'enseignement nécessiteront une pédagogie ouverte, centrée sur l'apprenant. Il est probable que cette formation axée sur l'entreprenariat devra être dispensée hors du lieu du travail afin de faire face au large éventail des besoins et des situations. (McFarland, 1997, chapitre 11) Une étude récente sur la prestation de la formation aux PME, commandée par le ministère britannique de l'Éducation et de l'Emploi (DFEE), a examiné de nombreux travaux de recherche, réalisés au Royaume-Uni, en Amérique du Nord et en Australie, et a confirmé bon nombre des constatations énoncées ci-dessus. L'étude est notamment parvenue aux conclusions suivantes: - un dirigeant ou un employé de PME a moins de possibilités d’acquérir une formation que s’il travaillait dans une grande entreprise, surtout si la formation est liée à un poste ou aboutit à une qualification accréditée; - il n’y a aucune raison évidente ni preuve déterminante permettant de penser que la qualité de la formation dispensée dans les petites entreprises est moins bonne que celle fournie dans les grandes entreprises; - il est plus plausible d’invoquer les “tendances du marché” plutôt que “l'ignorance” pour expliquer le moindre niveau de formation dans les PME, dans la mesure où: - les dirigeants des PME sont davantage préoccupés par leur survie à court terme, alors que de nombreux avantages de la formation, en particulier ceux qui conduisent à l’acquisition de qualifications accréditées, s’acquièrent sur le long terme et procurent d’importants retours sur investissement, pour l’individu et pour l’économie, plutôt que pour l’employeur; - les employeurs pensent que ceux qui bénéficient d’une formation dans les petites entreprises risquent d’être débauchés par d’autres entreprises plus importantes7; - les tendances du marché et les possibilités de promotion pour les dirigeants sont plus faibles dans une PME; 7 Cependant, cette opinion est infirmée par d'autres travaux de recherche au Rotaume-Uni (qui prétendent que cette formation ralentit la rotation du personnel) soutenant “…la thèse selon laquelle les employeurs forment le personnel qu'ils souhaitent retenir afin de bénéficier de l'amélioration de leurs compétences acquises à l'issue de la formation.” (Dearden et al., 1997). - le large éventail des besoins manifestés par les PME conduit à des déséconomies d’échelle pour les prestataires de formation.8 Un étude locale confirme l’existence d’une inadéquation entre la politique du gouvernement, qui insiste sur l’obtention de qualifications, et la priorité des employeurs qui mettent l’accent sur une formation hautement qualitative, flexible, personnalisée et spécifique à l’entreprise. (Konrad et al., 1998) 2 La région Asie-Pacifique Hors Europe, la zone la plus active de développement en faveur des PME est le groupe de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). A la suite de la création du groupe ad hoc de politique sur les PME (PLGSME), en février 1995, un certain nombre de projets et d’ateliers ont vu le jour. Pour 1998, les projets prévoient la création d’un programme de formation et d’apprentissage à distance et l’élaboration d’un référentiel de certification pour les conseillers en petites entreprises.9 Le compte rendu de la deuxième conférence commune États-Unis - UE intitulée Enseignement et formation pour une force de travail innovatrice, qui s’est tenue à San Diego, en novembre 1994, a été publié récemment par le National Center for Research in Vocational Education at the University of California (Berkeley).10 (McFarland L 1997) Les États-Unis et l’Europe doivent relever un défi commun, à savoir que la pression mondiale exige une plus grande réactivité de la part des industriels, une plus grande flexibilité de la production, une amélioration des compétences et de l’innovation de la part des travailleurs. L’une des réponses des États-Unis à ce défi a été de créer des “pépinières” qui resserrent les liens entre les PME et les établissements d’enseignement.11 La “pépinière d'entreprises” Une étude sur les entrepreneurs et les dirigeants de pépinières d'entreprises a été publiée aux États-Unis en 1996. Elle définit ainsi les caractéristiques de l'esprit d'entreprise: - aptitude aux affaires; - compétences entrepreneuriales; - compétences techniques; - aptitude à la motivation; 8 C'est une autre raison pour laquelle les prestataires de formation devraient être encouragés et aidés financièrement à développer des méthodes ouvertes et flexibles en matière d'enseignement et de formation. 9 Policy Level Group on SMEs: Report on activities, Secrétariat de l'APEC, Singapour, 1997. Disponible sur le site: http://www.actetsme.org/apecsme/plgsme.html. 10 Disponible sur le site: http://vocserve.berkeley.edu/MDS-1073/. 11 Les pépinières d'entreprises se définissent comme une stratégie visant à encourager le développement économique local. (Hernades-Gantes et al., 1996). - aptitude aux relations interpersonnelles et à la communication. Environ un tiers des personnes interrogées ne ressent pas le besoin de recourir à des services de formation et de développement, un tiers accorde de la valeur à la formation individuelle, sur le lieu de travail et au conseil, et un quart opte pour l'organisation périodique de séminaires. Le groupe le plus important des entrepreneurs (40 %) a acquis ses compétences commerciales et techniques en “travaillant pour une entreprise” tout en suivant des cours de premier cycle supérieur (18 %) et deuxième cycle supérieur (33 %). Les trois domaines de compétence dans lesquels un complément d'enseignement et de formation est nécessaire sont l'aptitude aux affaires (29 %), les compétences entrepreneuriales (18 %) et les compétences techniques (17 %). Ces résultats confirment l'opinion que les compétences spécifiques complètent les qualités personnelles de l'entrepreneur. L'étude révèle également que les universités sont mieux adaptées à dispenser cet enseignement et cette formation que les établissements d'enseignement sur deux ans. (Hernades-Gantes et al., 1996) Instituts locaux de recherche et de développement au Japon Le gouvernement japonais adopte constamment des mesures d'aide en faveur de la mise à niveau technologique des petites et moyennes entreprises (PME). Ces mesures utilisent l'unique système du kosetsushi ou passent par les instituts publics de recherche et de développement dont l'objectif est d'éliminer les obstacles au développement technologique et d'inciter activement les PME à développer leurs propres technologies pour répondre aux mutations économiques. Cette approche s'appuie sur le résultat des études du gouvernement qui ont révélé que 70 % des PME souffraient d'une carence en aide pour développer de nouveaux produits. Le gouvernement local (la préfecture) gère le kosetsushi, le gouvernement central fournissant l'aide financière. Il y a actuellement deux cents kosetsushi dans quarante-sept préfectures, ce qui représente un budget global d'un milliard d'USD. L'institut le plus important compte deux cents ingénieurs, quatorze instituts en ayant plus de cent. Au total, ces kosetsushi traitent environ quatre cent cinquante mille questions et problèmes technologiques par an. La formation technologique, nécessaire pour répondre aux besoins locaux, est payante pour les PME locales, l'assistance et les conseils d'utilisation des dernières technologies de traitement et de mesure étant fournis gratuitement. Cette approche a l'avantage de favoriser les réseaux de relations et la communication qui permettent souvent aux PME de s'entraider pour répondre à leurs besoins réciproques et d'adopter une gamme de nouvelles technologies plus large que ne le font normalement les entreprises individuelles. (Nakazawa, 1996) Résumé En réponse à ces questions, un consensus s’est dégagé pour insister sur l'importance d'une action coordonnée au niveau local, menée par le gouvernement local, les établissements scolaires et les organisations sociales au niveau de l’entreprise et de la communauté. Au Royaume-Uni, les Training and Enterprise Councils et les Local Employment Companies (conseils en entreprise et en formation et les agences locales pour l’emploi) ont joué un rôle essentiel dans la première moitié des années 90. L'approche japonaise est très pragmatique, car elle met l'accent sur l'importance de promouvoir la coopération, sur l'établissement de réseaux entre les PME et sur l'aide financière du gouvernement central par l'intermédiaire des collectivités locales. Les influences sur l'action locale dépendent de divers facteurs. Dans les moments de prospérité, lorsque la pénurie des compétences devient cruciale, les employeurs sont mieux disposés à participer aux programmes qui associent l'enseignement et l'entreprise ainsi qu'aux initiatives visant à améliorer la transmission de compétences “supérieures”. Globalement, l'étude indique que le souci majeur de la formation technologique et opérationnelle de base est d'aider les PME à résoudre des problèmes pratiques qui menacent leur survie. Au fur et à mesure que ces entreprises mûrissent et se stabilisent, leur intérêt s'éveille et elles sont mieux disposées à s'impliquer dans des problèmes à long terme comme l'élévation du niveau des compétences formelles par l’accréditation formelle.12 Si cette aide individualisée essentielle permet d'améliorer de manière significative le taux de survie des PME, l'apprentissage sur le lieu de travail fournit également une base de développement à moyen terme de compétences accréditées menant à des qualifications professionnelles, à tous les niveaux de l’enseignement. La prestation définie dans la partie suivante illustre le type de prestations qui atteint cet objectif. De plus, les initiatives des gouvernements centraux ou de l'UE, comme les programmes “New Deal” ou ADAPT, créent des structures de qualité et des mesures d'encouragement pour les programmes locaux. La mesure d'encouragement la plus importante, au niveau local, est la possibilité d'un investissement interne, lequel dépend, généralement, de l'embauche de personnel doté des compétences requises, facteur qui exerce une influence majeure sur le développement du secteur des PME intégré à la chaîne de l'offre. 12 Hardill et Wynarczyk (1996) ont mis en évidence que les PME de l'industrie qui utilisaient avec succès les technologies de l'information, et avaient atteint un niveau de croissance plus élevé, étaient dirigées par des personnes dotées plus souvent d'une qualification formelle qui avaient constitué une équipe de direction formelle. II Examen des qualifications actuellement délivrées aux PME 1 Développement des qualifications universitaires Au cours de la dernière décennie, les qualifications ont connu un certain nombre de développements novateurs à tous les niveaux de l’enseignement supérieur, les programmes d’enseignement étant dans ce cas établie en fonction de l’expérience professionnelle de l’apprenant. Le Royaume-Uni nous fournit quelques exemples de ces innovations. 1.1 Trois études de cas au Royaume-Uni • L’université de Stirling a instauré l’apprentissage dans les petites entreprises (LISC) qui fonctionne en partenariat avec les établissements scolaires locaux pour créer des programmes d’apprentissage axés sur l’expérience professionnelle, sanctionnés par un diplôme préuniversitaire13, ainsi qu’un certificat en management des PME (Certificate in Small and Medium Enterprise Management - CSMEM). Au total, vingt-huit entreprises implantées essentiellement dans la zone géographique couverte par la Central Scotland Local Enterprise Company (Forth Valley Enterprise) ont participé au projet. Ces entreprises travaillent dans divers secteurs de l’industrie et du commerce. Leur taille va de la microentreprise à la taille maximale des PME. Bien que certains chefs d’entreprise manifestent moins d’intérêt que leurs employés pour les qualifications, ils sont mieux disposés à l’égard des formations dispensées sur le lieu de travail. Ce projet a puisé dans un réservoir de demande latente constitué par ces groupes d’employés traditionnellement mis à l’écart de la formation professionnelle continue. L’attrait de ce certificat (CSMEM) réside dans le fait qu’il donne une qualification personnalisée aux dirigeants des PME. 14 En concordance avec la recommandation du Livre blanc sur l’éducation et la formation, publié par la Commission, en 1995,15 de réintroduire les mérites d’une solide base de connaissances, le certificat CSMRM est mis au point dans le cadre d’un programme transnational d’apprentissage à distance financé par le programme Leonardo da Vinci.16 • Le National Centre for Work-based Learning Partenerships at Middlesex University17 permet aux candidats de faire valoir leur apprentissage “sur le tas”, de suivre les programmes académiques et de préparer les diplômes souhaités, depuis un seul module jusqu’à l’ensemble des diplômes de l’enseignement supérieur. Les participants peuvent établir leur propre programme d’apprentissage en associant des modules spécifiques de 13 Qualifications professionnelles écossaises (Scottish Vocational Qualifications - SVQs); Conseil d'enseignement professionnel écossais (Scottish Vocational education Council - SCOTVEC), modules de certificat national et cours d'accès à l'université. 14 The Executive Summary of the project report, University of Stirling, 1996 est disponible sur le site: http://www,stir.ac.uk/epd/lisc/exect.html. 15 Disponible sur le site: http://europa.eu.int/en/comm/dg.22.html. 16 Projet européen d'apprentissage dans les petites entreprises (ELISC). Des informations sont disponibles sur le site: http://www.stir.ac.uk/epd/elisc/index.htm. 17 Informations complémentaires disponibles sur le site: http://alpha2.mdx.ac.uk/www/ncwblp/welcome.html. planification, de développement des connaissances et des compétences et de projet.18 Cette approche, unique par sa flexibilité, permet à chacun de satisfaire à la fois ses propres besoins et aspirations et ceux de l’entreprise. L’un des cinquante partenariats réalisés porte sur la préparation à un diplôme d’ingénieur, B.Eng., délivré par la Anglia Polytechnic University aux fournisseurs de la Ford Motor Company19. • À la School of Professional Education and Development at Leeds Metropolitan University, le système d’accréditation d’un cycle court (Short Course Accreditation Scheme - SCAS) fournit une structure permettant aux employeurs d’accréditer la formation et le développement internes de leur personnel par des équivalences académiques, reconnues par les systèmes CATS britannique et européen. La progression de la formation est assurée par un programme, sanctionné par des diplômes universitaires de tous niveaux, dans lequel les programmes d’apprentissage axés sur l’expérience professionnelle peuvent être pris en compte jusqu'à 50 % dans l’évaluation de l’année. Les autres équivalences sont obtenues à l'aide d'autres modules, association de modules de connaissances - acquises par un enseignement direct ou un apprentissage à distance -, des modules d'études indépendants et des projets.20 L'université s'appuie sur ses partenariats européens transnationaux existants pour planifier l'élaboration d'un programme de premier cycle accrédité destiné aux formateurs et aux conseillers professionnels bénéficiant du contrat institutionnel Socrate et du mécanisme prévu par l'action 6 du programme Erasmus. Ces exemples de programmes qui répondent aux besoins des travailleurs à plein temps sont particulièrement adaptés à la situation des PME caractérisées par des besoins très variés et des effectifs insuffisants pour organiser des cours traditionnels. Dans l'exemple de bonne pratique, illustré ici, on a pris soin de s'assurer que le personnel impliqué dans la gestion et la dispense de ce type de programme était totalement soutenu par la politique et l'infrastructure de l'université. Dans deux des exemples cités, les programmes de recherche et de développement de l'UE ont fourni les moyens d'adapter l'innovation aux différents systèmes des États membres. Ces innovations ne sont pas limitées au Royaume-Uni. Des développements parallèles existent en Australie, où une étude importante a identifié les caractéristiques des méthodes pédagogiques utilisées par des programmes d'apprentissage, axés sur l’expérience professionnelle, couronnés de succès (Candy et al., 1994): - apprentissage assisté par des pairs et apprentissage indépendant; - apprentissage pratique par l'expérience et la vie active; - enseignement par les ressources et par la résolution de problèmes; 18 Informations disponibles sur le site: http://alpha2.mdx.ac.uk/www/ncwblp/wblprogrammes/hndbk_tit.html Informations et opinions des étudiants disponibles sur le site: http://alpha2.mdx.ac.uk/www/ncwblp/GeneralInfo/partnership.html. 20 Informations détaillées disponibles sur le site: http:/www.lmu.ac.uk/ces/ped/. 19 - pratique de la réflexion et de l’autocritique; - apprentissage ouvert et flexible. L'expérience australienne de l'apprentissage par la réflexion a eu beaucoup d'influence, en particulier les concepts de préparation et de réflexion dans l'action (Boud et Walker, 1991). 1.2 L'expérience australienne La Southern Cross University est située sur la côte septentrionale du New South Wales. Le Master of Business Administration (MBA) délivré par le Graduate College of Management propose un éventail de cours facultatifs par l'apprentissage à distance, y compris la téléconférence, et offre la possibilité de rencontres, en fin de semaine, dans le cadre d'ateliers organisés à l'intérieur et à l'extérieur du campus. Le programme fonctionne sur une année calendaire organisée par trimestres, le personnel étant à la disposition des étudiants quarante-quatre semaines par an. Il faut réussir 12 unités de valeur pour obtenir le MBA complet, 8 pour le Graduate Diploma et 4 pour le Graduate Certificate.21 Entrepreneurship and Small Business (l'entreprenariat et la petite entreprise) constitue l'une des filières spécialisés qui permet de suivre une unité de premier niveau sur les “concepts de l'esprit d'entreprise”.22 Cette unité constitue une partie homogène de l'enseignement académique formel “... orientée vers la gestion des principales fonctions commerciales et vers la stratégie de l'entreprise. ... Les outils pédagogiques sont conçus de façon à insister sur le lien entre le bénéficiaire du savoir conceptuel et l’expérience ‘du monde réel’.”23 Cet exemple montre jusqu'à quel point le modèle traditionnel du MBA peut être adapté aux besoins des PME. 1.3 Amérique du Nord Le W. Maurice Young Entrepreneurship and Venture Capital (EVC) Centre (University of British Columbia, Canada), spécialisé dans l’entreprise et le capital-risque, a été créé en 1992 comme centre de recherche destiné à soutenir les programmes de préparation aux diplômes, notamment au MBA, option “entreprenariat” et aux cours de premier cycle universitaire. Ce centre organise également des ateliers pour les PME locales, essentiellement dans le domaine de la planification des activités de l’entreprise. Ce MBA s’adresse aux étudiants qui souhaitent créer leur propre entreprise ou rejoindre de nouvelles entreprises.24 Le programme a une structure classique, composée d’un module commun de spécialisation en Entrepreneurship and New Venture Creation (entreprenariat et création d’entreprises) et des modules en option intitulés Corporate 21 Un guide d'information sur l'ensemble du programme peut être consulté sur le site: http://www.scu.edu.au/schools/gcm/mba/cig.htm. 22 Consulter le site: http://www.scu.edu.au/schools/gcm/mba/mn737.htm. 23 La brochure correspondante peut être consultée sur le site: http://www.scu.edu.au/schools/gcm/mba/prospect.htm. 24 Une présentation du MBA est disponible sur le site: http://pacific.commerce.ubc.ca/evec/mba.html. Entrepreneurship, Technology Entrepreneurship et Managing the Privately-Held Business (l’entreprenariat dans les moyennes et grandes entreprises, l’esprit d’entreprise en technologie et le management d’une société de personnes). Bien que ce programme de MBA soit davantage spécialisé dans les nouvelles entreprises de haute technologie que notre exemple précédent, il est essentiellement destiné aux nouveaux entrepreneurs. La School of Business and Economics at California State University, Los Angeles, suit une approche similaire.25 Elle propose une option “entreprenariat” au niveau du premier cycle universitaire et un certificat sur l’Entrepreneurship and Small Business (l’entreprenariat et les petites entreprises).26 Le Donald H. Jones Center for Entrepreneurship in the Graduate School of Industrial Administration at Carnegie Mellow University effectue des travaux de recherche et propose un programme de management entrepreneurial destiné aux dirigeants et aux créateurs de moyennes et petites entreprises.27 Ce programme vise les entreprises d’au moins vingt salariés qui ont un résultat annuel de plus d’un million de dollars. Il comporte une série de séminaires de trois heures étalés sur vingt semaines dont le contenu s’appuie sur le programme de deuxième cycle en “entreprenariat”. L’école propose également des programmes de premier et deuxième cycles dans lesquels “les étudiants apprennent les méthodes et la philosophie de l’entrepreneur et commencent à considérer l’entreprise du point de vue de l’entrepreneur.”28 Outre les cours en “entreprenariat” et en management entrepreneurial, les étudiants ont la possibilité d’obtenir des équivalences en réalisant des projets de management, en participant au développement de nouveaux produits et en effectuant des études indépendantes. Ils sont ainsi amenés à travailler comme consultants auprès de dirigeants de petites entreprises dans la région de Pittsburg. À ce propos, il convient d’évoquer le débat de Robert Reich sur le rôle des “analystes symboliques” qui “ … simplifient la réalité en la transformant en images abstraites qu’ils remanient, manipulent, expérimentent, communiquent à d’autres spécialistes pour enfin les retransformer en réalité.” (Reich, 1993, p. 178) Les plus grands universités et centres de recherche, surtout s’ils bénéficient de bonnes communications internationales, attirent tels des aimants les individus doués des plus grandes capacités et de l’esprit d’entreprise. “… Les zones symboliques-analytiques de l’Amérique restent, en grande partie, merveilleusement dynamiques. Grâce à elles, les analystes symboliques américains améliorent constamment leurs aptitudes à résoudre et à identifier des problèmes conceptuels de plus en plus stimulants.” (Reich, 1993, p. 240) 25 Une brochure de présentation de l'école est disponible sur le site: http://www.calstatela.edu/academic/business/mktg/entrepre.htm. 26 Des informations détaillées sont disponibles sur le site: http://www.calstatela.edu/academic/business/mktg/entcert.htm. 27 Des informations détaillées sont disponibles sur le site: http://www.gsia.cmu.edu/afs/andrew/gsia/EntC/managementprograms/no-js-index.html. 28 Entrepreneurship Education, http://www.gsia.cmu.edu/e-ship/education.html. Résumé Le développement des PME ne dépend pas seulement du développement professionnel continu, mais, pour assurer une croissance durable, nécessite aussi le recours à des universitaires ayant reçu un enseignement et une formation adéquats. C’est ainsi que se caractérisent tous les programmes universitaires examinés dans cette étude. En résumé, le succès de ces qualifications universitaires novatrices réside dans leur aptitude à répondre aux besoins des PME en programmes flexibles et individualisés d’apprentissage accrédité, tout en respectant les normes académiques. L’enseignement et la formation, dispensés à des professionnels considérés comme “professionnels pensants”29, a largement contribué à répondre aux besoins de l’organisation et des individus au sein des PME. La pertinence de ce modèle, pour l’ensemble de l’UE et pour des nouveaux pays candidats, devrait être testée dans les années à venir par l’intermédiaire de projets pilotes. 2 Niveau préuniversitaire (enseignement postsecondaire) 2.1 Royaume-Uni Quatre qualifications professionnelles nationales (NVQ), destinées aux dirigeants de petites entreprises, ont été accréditées en juin 199630. Une seule de ces qualifications attire un nombre important de candidats. Le tableau ci-après donne la liste des unités de compétence de deux de ces qualifications ainsi que le nombre de certificats délivrés au 30 septembre 1997. Qualification Niveau Nombre de certificats délivrés Management par les chefs d'entreprise - Gestion et développement de l'entreprise 4 1 29 Ce concept est normalement associé au modèle d'apprentissage par l'expérience de Kolb (1976) - ouvrages de Donald Schön sur le thème de la réflexion ayant autorité en la matière: The Reflective Practitioner (1983), Educating the Reflective Practitioner (1987) et The Reflective Turn (1990) - et le modèle d'apprentissage actif de Revans (1983). 30 Ces qualifications, élaborées par le Small Firms Lead Body, ont été accréditées en 1996 et sont délivrées par The Institute of Management Foundation. Unités obligatoires (5) • • Élaboration d'un plan de développement de l’entreprise Mise en œuvre d'un plan de développement de l’entreprise • Amélioration de sa propre gestion de l'entreprise • Gestion financière de l'entreprise • Examen des performances de l'entreprise Unités en option (3 sur 9 au choix) • Élaboration d'une politique de contrôle du crédit • Élaboration et mise en œuvre d'un plan marketing • Élaboration et mise en œuvre d'un plan de ventes • Développement de la contribution du personnel à l'entreprise • Exportation des produits et des services • Obtention de financement pour l'entreprise • Obtention et gestion de locaux pour l'entreprise • Planification financière de l'entreprise • Achat de produits et de services Qualification Niveau Nombre de certificats délivrés Management par les chefs d'entreprise- Planification des activités de l'entreprise 3 998 Unités obligatoires (3) • Définition des conditions juridiques et financières nécessaires pour créer et exploiter une entreprise • Élaboration d'un projet d'entreprise • Planification de l'exploitation de l'entreprise Options (3 sur 4 au choix) • Définition des exigences en matière de surveillance et de contrôle des opérations de l'entreprise - Qualité • Évaluation et mise au point de son propre code de pratique • Planification du développement des ressources humaines au sein de l'entreprise • Planification de la stratégie commerciale de l'entreprise Cette approche visant à former et à éduquer les dirigeants des PME en est encore à ses balbutiements, ces qualifications n'étant accréditées que depuis dix-huit mois environ31. Parallèlement, le référentiel normal du management a été révisé en 1997 pour la première fois depuis 1990. Dans ce contexte, les presque mille certificats de niveau 3, délivrés pour la première année, représentent un nombre relativement important. Si l'on tient compte des améliorations en cours, dans la qualité et la fiabilité de l'évaluation des qualifications professionnelles nationales (NVQ), la pertinence et l'impact de ces qualifications méritent une recherche plus approfondie32. 2.2 Australie L'apprentissage ouvert australien (Open Learning Australia) coordonne le programme de formation en management des petites entreprises qui comprend: - des modules individuels/des groupes de modules ayant pour thème la négociation, la communication, management and leadership et les aptitudes aux relations interpersonnelles; - le Certificate in Small Business Management (cent cinquante heures minimum), programme agréé et reconnu au niveau national, dispensé sous la forme d'un 31 Lors de leur lancement, ces qualifications ont été critiquées pour ne pas reconnaître l'approche holistique nécessaire pour satisfaire les besoins des clients. (Banfield et al., 1996) 32 Pour de plus amples informations sur ces approches, consulter Jennings et alii, 1996. apprentissage à distance à son propre rythme par les établissements d'enseignement technique et postsecondaires (TAFE); - un Graduate Certificate of Small and medium Enterprise Management est délivré par une université à l'issue d'un enseignement à distance de six cent vingt heures réparties sur vingt-six semaines. Ce programme est destiné à la fois à ceux qui accèdent à des fonctions de management des PME et à ceux qui souhaitent améliorer et faire valider leurs connaissances et leur expérience. “Normalement, les petits entrepreneurs comme nous ne suivent pas les cours proposés par les collèges TAFE en Australie. Cela explique peut-être pourquoi nous sommes si nombreux à faire faillite au cours du premier exercice. Les gens qui s’inscrivent à ces cours sont généralement des jeunes en fin d’études, ou qui viennent de trouver un emploi pour lequel ils doivent assister à ce type de cours. Ces cours présentent également un autre avantage, à savoir qu’ils constituent un bon tremplin pour entrer dans le monde des grandes entreprises.”33 3 Canada Le Sector Councils Steering Committee Secretariat at the Canadian Labour Force Development Board a publié un guide sur les métiers à l’intention des propriétaires et des dirigeants de petites entreprises.34 III La nature des compétences - Exploitation des compétences sur le lieu de travail - Expérience au Royaume-Uni Définitions Au début des années 90, un débat s’est développé autour de la nature et de la définition des compétences. Il s’est centré, essentiellement, sur le but de la méthode choisie à l’égard des compétences. “Ces cadres de compétences s’appuient, dans une plus ou moins large mesure, sur les modèles suivants (solutions alternatives): - un modèle de compétences faisant référence ‘à une caractéristique sous-jacente d’un individu ayant un rapport causal avec des performances efficaces ou supérieures dans une fonction’ (Boyzatis, 1982). Les compétences sont définies comme les comportements qu’un individu doit manifester; - un modèle de compétences faisant référence à ‘l’aptitude à réaliser des activités dans une fonction conformément à une norme prescrite’ (Fletcher, 1991). Les compétences sont définies comme des normes minimales de performances compétentes.” (Strebler et al., 1997, p. 3) 33 Kevin Newman, Owner of Sailz Boutique Holiday Villas (personal communication), mai 1998. À ce jour, nous n'avons aucune information sur ce sujet, malgré notre demande par courrier électronique à [email protected]. 34 Ces distinctions sont amplifiées par une évaluation critique de la méthodologie de l’analyse fonctionnelle utilisée pour mettre au point les qualifications professionnelles nationales (NVQ). “La notion de compétence, appliquée ici, comporte deux caractéristiques. La première est que la compétence consiste en des comportements spécifiques des individus, et que certains de ces comportements conduisent à des performances supérieures. La seconde est que ces comportements sont associés aux qualités personnelles susceptibles d’être apprises et développées. Boyzatis suggère que la performance efficace intervient lorsque les trois éléments suivants sont en harmonie: - les compétences individuelles; - les demandes d’emploi; - l’environnement organisationnel. Cela suggère que la compétence est spécifique à chaque situation.” (Stewart et Sambrook, 1995, p. 97) En fait, les études montrent que la distinction théorique entre les modèles de comportement et de compétence s’estompe généralement dans la pratique. Le point le plus important est que les employeurs et les employés doivent définir clairement le centre d’intérêt - l’individu ou l’emploi - et le niveau de performance - non compétent, compétent, efficace ou supérieur. Le développement des qualifications liées aux compétences s’appuie sur l’analyse des fonctions professionnelles. Cela implique l’intervention d’un groupe d’experts dans la méthodologie de l’analyse fonctionnelle, plutôt que l’étude du domaine spécifique des compétences professionnelles, avec une analyse descendante d’un domaine professionnel à l’aide d’un modèle de compétences s’appuyant sur “le rôle global du travail”.35 Dans le modèle comportemental, les compétences aident à définir les valeurs de l’entreprise préoccupée à la fois par le développement des individus et par le développement de l’entreprise. Un exemple type est fourni par la norme nationale britannique sur la qualité recommandant d’investir dans le capital humain.36 35 Mansfield, B., Mitchell, L., Towards a competent workforce, Londres, Gower, 1995. Investors in People (investir dans le capital humain) est la norme nationale britannique dans la qualité recommandant d'investir efficacement dans la formation et dans le développement individuel pour atteindre les objectifs de l'entreprise. Cette norme fournit un cadre, et non un modèle rigide, pour améliorer les performances et la compétitivité de l'entreprise par une approche planifiée permettant de définir et de communiquer les objectifs de l'entreprise et de développer les capacités du personnel pour lui permettre d'atteindre ces objectifs. Cette norme reconnaît que chaque entreprise est différente et détient des atouts et des domaines spécifiques pour progresser. Le résultat recherché est que les capacités et les motivations des individus doivent coïncider avec ce que l'entreprise attend d'eux. 36 L’approche des compétences par les “normes minimales” est de plus en plus liée à l’introduction de la gestion des performances et de la rémunération des compétences (Industrial Society, 1996). Au Royaume-Uni, les secteurs nouvellement privatisés, comme les télécommunications, les services d’eau, d’électricité et de gaz - le secteur des “services publics” -, ont largement utilisé cette approche. Les qualifications liées au référentiel S/NVQ ont été associées, au début des années 90, à l’accroissement du chômage, à la précarité de l’emploi et à l’augmentation des emplois à qualifications multiples, au détriment des emplois à qualification unique. L’impact de la contribution des établissements financiers, soucieux de privilégier au maximum les actionnaires au détriment des autres partenaires de l’entreprise, en particulier le personnel, a récemment été mis en évidence et identifié comme un problème ayant des effets néfastes dans le contexte du nombre important de création d’emplois de l’économie des Etats-Unis. (Reich, 1998) La faiblesse fondamentale de l’approche britannique des qualifications liées aux compétences réside dans l’analyse fonctionnelle mentionnée précédemment. “Il ressort clairement de l’évaluation critique, présentée ici, que l’analyse fonctionnelle révèle, à plusieurs niveaux, des faiblesses avérées. Elle s’appuie sur une base philosophique et conceptuelle incertaine, et l’évaluation empirique de son application suggère l’impossibilité d’atteindre les résultats prétendus et attendus. Il en découle deux implications essentielles. Premièrement, cette conception des compétences et de l’analyse fonctionnelle se traduit par une concentration sur un éventail restreint de compétences techniques. Dans ces conditions, il est improbable que les niveaux élevés de compétences soient appelés à se développer. Deuxièmement, les objectifs et les valeurs non liés à l’emploi, traditionnellement obtenus par l’éducation, risquent d’être marginalisés. Pour nous, il est clair que cette méthode ne peut pas être considérée comme un outil valable et fiable pour créer un système national de qualifications professionnelles.” (Stewart et Sambrook, 1995, pp 104-105) Cette opinion est confirmée par une étude de “salariés experts” qui montre que l’“expertise”, contrairement à la “compétence”, dépend à la fois du nombre d’aptitudes spécifiques et de la manière dont les travailleurs organisent leurs connaissances (Cornford et Athanasou, 1995). De plus, les industries d’équipement au Royaume-Uni ont prouvé leur soutien au “partenariat social” européen où les syndicats, les aspirations des travailleurs et l’historique auront un impact déterminant sur les décisions en matière de formation (Heyes, 1993). Les différents styles de management et les différentes cultures d’entreprise, notamment lorsqu’ils sont liés aux nouvelles technologies et au développement du management, limitent la portée utile de l’approche réductrice et mécaniste du référentiel NVQ actuel. (Fletcher et Hardill, 1995) L’analyse ci-dessus permet de conclure que le modèle original des NVQ, qui s’appuie sur les qualifications liées aux compétences, est imparfait et soutenu par un groupe restreint d’enthousiastes qui se sont apparemment révélé incapables de prendre en compte les critiques méthodologiques et idéologiques fondamentales de cette approche. Le concept de compétence professionnelle, sur lequel s’appuie la méthode d’apprentissage par l’expérience professionnelle utilisée au Royaume-Uni, repose sur un système théorique étroit, mécaniste et quelque peu incohérent. Cette approche a été mise en œuvre dans un contexte de politique sociale visant à réduire les imperfections et le manque de flexibilité du marché du travail. Les réformes actuelles du système des NVQ, qui devraient être achevées depuis septembre 1999, devront être solidement ancrées sur des procédures rationnelles et cohérentes s’appuyant sur un système constructiviste et cognitif moderne et étroitement lié aux besoins émergents de l’Union européenne élargie. D’autres travaux de recherche seront nécessaires pour contrôler dans quelle mesure le modèle des NVQ et le développement de qualifications similaires dans les autres États membres de l’UE fournissent une réponse concrète aux besoins des PME qui souhaitent l’accréditation de l’apprentissage par l’expérience professionnelle au niveau préuniversitaire. Deg ré d e d i f f i cu l té d a n s l ’év a l u a ti on et l e d év el o p p emen t d es co mp éten c es : o p i n i o n s d es u t i l i s a t eu rs Évaluation aisée Évaluation difficile Développement aisé Développement difficile Communication Vision Aptitudes techniques Aptitudes aux relations interpersonnelles Aptitudes techniques Aptitudes aux relations interpersonnelles Planification et organisation Résolution de problèmes et prise de décisions Planification et organisation Compétences liées Communication à la personnalité et au comportement Compétences liées à la personnalité et au comportement Résultats mesurables Résolution de problèmes et prise de décisions Connaissances Leadership et motivation Travail en équipe Sensibilisation à la gestion financière et commerciale Prise en compte du client Vision Aptitudes à l’analyse Aptitudes à l’analyse Résultats mesurables Aptitudes à l’analyse Dans ce contexte, les compétences les plus faciles à développer et à évaluer sont celles qui peuvent être: - observées; - testées; - mesurées. Résumé Cette étude soulève un point intéressant, à savoir que les comportements les plus faciles à développer et à évaluer sont ceux que les employeurs considèrent comme les moins importants pour la croissance de l’entreprise à moyen et à long termes. Elle suggère en outre que les compétences davantage liées à la personnalité de l’individu sont plus difficiles à évaluer en raison de la manière dont elles sont définies, parce qu’elles se chevauchent, s’appliquent à des situations particulières et sont difficiles à modifier. (Strebler et al., 1997, pp 48-59) Bien qu’il soit difficile de généraliser, certains signes indiquent une inadéquation entre les stratégies flexibles, individualistes et basées sur la réflexion, développées au niveau de l’université, et l’approche restreinte, standardisée et mécaniste adoptée par les qualifications originales liées aux compétences. Au fur et à mesure que s’intensifient le nombre et le niveau des pressions de la concurrence sur les PME, les entreprises les plus performantes sont celles qui se caractérisent par de solides stratégies de développement du management. (Quale, 1994; Smallbone et al., 1995) Conclusion Cette étude a défini un schéma cohérent des besoins des PME en qualifications permettant d’accréditer les compétences, les connaissances et les intuitions (visions) qui participent à la survie et à la croissance de ces entreprises. Alors que la nature des systèmes de qualifications varient en fonction de l’organisation particulière de ces qualifications, dans les différents États membres, les principes communs de pertinence, de flexibilité, d’accréditation de l’apprentissage, par l’expérience professionnelle, et le développement du “professionnel pensant” contribueront de manière évidente au succès des PME de l’an 2000. 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Nieuwenhuis2 Résumé Ce document étudie le rôle de l'enseignement et de la formation professionnels pour favoriser l’innovation dans les petites et moyennes entreprises. L'innovation des entreprises est considérée comme un processus intégré dans des réseaux régionaux, sectoriels et en chaîne. Le rôle de l'enseignement et de la formation professionnels évolue de l'enseignement initial des jeunes et des adultes, vers une plus grande interaction et vers des activités d'apprentissage en commun dans les réseaux industriels locaux. Plusieurs études de cas sont présentées afin de mieux comprendre les processus d'innovation industrielle et les actions correspondantes dans les différents réseaux. Le rôle des établissements d'enseignement et de formation professionnels, dans ces processus d'innovation, est encore marginal. Pour “tisser leur toile” dans les réseaux d'innovation régionaux, les établissements d'enseignement et de formation professionnels doivent développer leurs propres organisations d'apprentissage et de réseaux. Mots clés Innovation industrielle, développement régional, réseaux d'apprentissage, réactivité de l'enseignement et de la formation professionnels, organisation d'apprentissage. Introduction L'innovation et la rapidité de la mise en œuvre sont des facteurs essentiels de la compétitivité des entreprises, des secteur industriels, des régions et des collectivités locales. L'innovation est un processus complexe fondé sur l'apprentissage interactif en réseau. Elle comprend d'une part les essais et les processus en atelier et, d'autre part, la recherche et le développement des technologies. Pour les petites et moyennes entreprises, ce processus novateur devrait être assuré par des organismes externes à l'entreprise. Les organisations tant sectorielles que régionales devraient jouer un rôle dans le soutien à l'innovation et au transfert des nouvelles connaissances et technologies. 1 Contribution à un ouvrage de référence du Cedefop sur les Tendances européennes dans les professions et les qualifications (pas encore publié) 2 Stoas, département de la Recherche sur l'éducation et l'emploi, Wageningen, Pays-Bas Ce document traite particulièrement du rôle que jouent l'enseignement et la formation professionnels dans le processus novateur des entreprises promptes ou tardives à innover. La condition sine qua non pour jouer ce rôle est la capacité réelle du système d'enseignement et de formation professionnels à relever le défi de la réactivité en proposant des réponses souples aux nouvelles exigences en termes de compétences, aussi bien au niveau de l'enseignement initial des jeunes que pour la formation professionnelle continue de la main-d'œuvre adulte. Un enseignement et une formation professionnels réactifs peuvent être un outil majeur de diffusion des résultats de recherche et de développement des PME. Les centres et les établissements d'enseignement et de formation professionnels devraient fonctionner comme des pivots dans les réseaux d'apprentissage novateurs des entreprises, qu'ils soient régionaux ou locaux. 1 Comprendre l’innovation L'innovation est essentielle pour la compétitivité des entreprises, des secteur industriels, des régions et des collectivités locales. Cette philosophie émane essentiellement de l'économie évolutive, centrée sur les aspects dynamiques de l'économie (Dosi et Nelson, 1994). Pendant l'entre-deux guerres, Schumpeter (Kleinknecht, 1994) introduit le processus de destruction créatrice selon lequel les entreprises qui fournissent des produits obsolètes sont mises hors du marché par des entreprises qui fabriquent de nouveaux produits (la concurrence par la substitution et non par les prix: voir Jacobs, 1996). L'innovation et le développement technologique sont les outils essentiels qui permettent de survivre dans ce processus dynamique. La protection des “vieilles” entreprises entrave le processus de la destruction créatrice, ce qui pourrait entraîner un sous-investissement dans l'innovation. Selon Kleinknecht, les investissements dans le secteur de la recherche et du développement permettent d'accroître les exportations et de renforcer la croissance de l'emploi au niveau de l'entreprise. Les entreprises novatrices résistent mieux aux crises économiques. Les décideurs politiques nationaux et européens considèrent que des investissements massifs dans des programmes de recherche orientés vers les techniques sont très stimulants pour l'innovation. Les nouvelles connaissances et les technologies constituent le principal objectif de ces programmes qui croient fermement à l'utilité des efforts de recherche pour les entreprises et les organisations de services. D'autre part, il n'est pas toujours facile d'appliquer les résultats des développements scientifiques et technologiques dans les procédures courantes et dans le processus de production des entreprises. Les PME, en particulier, ont quelques difficultés à adopter ces nouvelles connaissances. Pour faciliter la mise en œuvre des résultats de recherche et développement, des centres régionaux d'innovation ont été créés aux Pays-Bas, dans les années 80. Or, même ces centres ne touchent pas la majorité des entreprises. La plupart des problèmes de transfert de nouvelles connaissances et de technologies aux PME sont dus à la linéarité des modèles de transfert des connaissances utilisés. Pour comprendre ces difficultés, le processus de transfert des connaissances a récemment été étudié plus en détail. Des recherches menées sur l'innovation (Coehoorn, 1995; Engel, 1995; Röling, 1992) montrent que les modèles linéaires de transfert des connaissances devraient être remplacés par des modèles interactifs, associant des processus d'apprentissage par l'expérience (“essais-erreurs” en atelier) à la base de connaissances existante et aux infrastructures de recherche. Verkaik (1997) définit l'innovation comme le développement de nouveaux produits, services et processus qui peuvent être évalués et appliqués à court terme. L'innovation diffère du développement des technologies et de la recherche fondamentale, en termes de temps et de contexte économico-culturel. L'innovation, le développement (technologique) et la recherche représentent trois types de générations de connaissances différents, liés par une sorte de relation “séparés-ensemble”: leurs liens sont parfois en forte interaction, dans d'autres cas très lâches. Dosi (1988) décrit le processus microéconomique de l'innovation. Les données disponibles sur la recherche et le développement et sur les brevets ne donnent qu'un aperçu des activités novatrices: l'innovation, très souvent, se met en place à partir de situations d'“apprentissage par l'action”. Cet auteur distingue quatre types de processus novateurs: - la recherche et le développement formels; - la diffusion de la connaissance non formelle par les journaux, les organisations, la mobilité et l'observation; - l'apprentissage par l'action et par le comportement de résolution des problèmes; - l'acquisition de connaissances au travers de machines et d'outils. Selon Dosi, l'innovation consiste à résoudre des problèmes: les problèmes techniques mal définis doivent être résolus grâce à un apprentissage créatif, fondé sur une connaissance formelle et tacite. La connaissance tacite est essentielle pour savoir si l'innovation est appropriée, car les avantages comparatifs en dépendent. Les innovations se cumulent ; elles sont bâties sur les anciennes activités et sur les connaissances internes à l'entreprise, ce qui empêche les concurrents d'imiter l'innovation. L'innovation n'est pas un processus aléatoire. Elle est fondée sur une tradition bien ancrée et dépend des modèles technologiques: les produits novateurs sont construits à partir de technologies et de produits plus anciens (l'une des raisons essentielles étant la demande des consommateurs). L'innovation est, en partie, prévisible par les zones de développement proche: les dernières technologies définissent les prochains problèmes qui devront être résolus par de nouvelles inventions. Les modèles technologiques sont caractérisés par des stratégies d'apprentissage spécifiques qui permettent de réduire l'incertitude. La connaissance et les routines internes à l'entreprise conduisent à une prévalence de l'innovation interne. Même lors de l'acquisition de nouveaux outils, il faut une capacité interne pour mettre en œuvre les nouvelles connaissances. Les entreprises innovantes s'appuient sur leurs propres compétences de base (Hamel et Prahalad, 1992). L'intégration des innovations dans ces compétences de base et dans les processus d'apprentissage interne est la meilleure protection contre les imitations. La compétitivité, l'esprit d'innovation et le savoir-faire interne sont des éléments majeurs d'une entreprise saine. Pour conserver cet atout, il faut une gestion des connaissances particulière. La quête et l'usage des sources de connaissances externes et la mise en place de processus d'apprentissage interne sont un aspect fondamental du management moderne. Oerlemans (1997) considère l'innovation comme un processus intégré dans un contexte plus large de connaissances fondé sur l'échange de sources techniques et d'apprentissage, notamment pour les PME. Les réseaux économiques jouent un rôle essentiel dans la transformation des sources de connaissances hétérogènes en “neue Kombinationen” utiles. L'innovation mène la connaissance spécifique à l'entreprise - connaissance tacite (Dosi, 1998; Nonaka et Takeuchi, 1994, Attwell/Brown dans cette publication) -, laquelle renforce la position de “leader” des entreprises novatrices. La connaissance tacite repose sur l'homme: il est essentiel de passer des contrats à durée indéterminée avec la majorité des employés. Hartog (1996) considère que le nouvel ordre économique exige une plus grande flexibilité de la part des employés (de meilleures compétences, une formation tout au long de la vie), mais aussi une sécurité de l'emploi. La flexibilité devrait se traduire en possibilité de formation et d'apprentissage de compétences et non pas en flexibilité externe. La résolution des problèmes et l'innovation grâce aux processus d'apprentissage par l'expérience (“essais-erreurs”) font partie intégrante des processus d'apprentissage non formels dans lesquels les réseaux sociaux jouent un rôle important. Les employés apprennent en partageant leurs connaissances avec le reste de l'équipe et les employeurs apprennent en créant des réseaux, avec leurs homologues, et des conseillers. Cependant, la relation entre l'innovation et les compétences n'est pas univoque. Il semble qu'il existe une relation de réciprocité: le niveau de compétences interne à l'entreprise est une condition sine qua non pour pratiquer des activités novatrices. Par ailleurs, l'innovation peut aussi mener à une certaine obsolescence des compétences, ce qui souligne d'autant plus le besoin de recyclage et de formation complémentaire. 2 Contexte et sources de connaissances L'innovation de l'entreprise est un processus intégré. Les entreprises ne jouent pas en solistes en matière de connaissances et de technologies. D'après Oerlemans (1997), les entreprises sont intégrées dans différents espaces de connaissance. L'innovation est un processus intégré ; les connaissances et les technologies s'échangent au travers de réseaux d'entreprises et d'institutions coopératrices. Le processus novateur se caractérise par une combinaison des savoirs existants en un nouveau savoir combinatoire. Pour organiser ce processus combinatoire, les entreprises doivent collaborer avec d'autres entreprises et établissements d’enseignement. Cela est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises qui ne possèdent pas de vastes sources de connaissances ou de potentiel de recherche en interne. Pour que l'innovation soit efficace, les PME doivent donc utiliser des sources de connaissances externes. Des organismes publics ou à but non lucratif, les centres d'innovation, au niveau régional et sectoriel, les établissements d'enseignement technique et les universités peuvent jouer ce rôle primordial de soutien pour les PME. De plus, des réseaux industriels locaux et régionaux sont nécessaires pour transformer les connaissances en nouveaux produits ou combinaisons novateurs. Le contexte des connaissances externes est relativement complexe pour les PME, comme le montre la figure (voir le schéma à la fin de l'article, p. 369). L'entrepreneur ou l'employeur, en collaboration avec sa main-d'œuvre qualifiée, est impliqué de manière continue dans la résolution de problèmes et dans les processus novateurs. Il cherchera, tout d'abord, une solution en interne. Mais, très rapidement, le besoin d'une aide extérieure se fera sentir. Les revues professionnelles, les conseillers financiers, les fournisseurs et les clients apporteront de nouvelles connaissances, que ce soit de façon délibérée ou fortuite. Ainsi, un échange interactif de connaissances va se développer autour des processus internes à l'entreprise et de ses relations externes. L'entreprise fait partie d'un espace de connaissances en expansion. L'espace de savoir autour des entreprises est pluridimensionnel. Il comprend au moins trois dimensions: la chaîne du produit, le secteur professionnel et la région socio-économique. La dimension chaîne du produit met en évidence la pertinence des relations utilisateurproducteur et produteur-consommateur. L'apprentissage et l'innovation s'instaurent par l'échange d'exigences en matière de produits et de systèmes d'information de qualité. La dimension professionnelle met en jeu l'échange de connaissances entre les professionnels d'entreprises concurrentes. Dans la plupart des cas, il existe des intérêts communs qui incitent ces concurrents à collaborer dans des activités novatrices. Dans le cas de la troisième dimension, l'échange de connaissances est un processus qui intervient entre entreprises de la même région (parfois virtuelle). Le contact direct par l'observation, la discussion et l'échange de visites d'ateliers est un élément important de l'échange des connaissances. Toutefois, l'offre de main-d'œuvre qualifiée est géographiquement limitée. Selon le contexte socioéconomique, des décisions stratégiques seront prises en tenant compte de ces trois dimensions. L'équilibre entre les intérêts communs et les avantages concurrentiels dépend de plusieurs variables. 2.1 Savoir en chaîne ou chaînes du savoir? Les entreprises font partie de la chaîne du produit. Elles ont besoin de matières premières, d'outillage et de machines pour pouvoir produire leurs produits et leurs services qui, à leur tour, deviennent des besoins spécifiques et des exigences de leurs clients. La gestion de la chaîne est un nouveau secteur particulièrement important de la gestion d'entreprise orientée vers les relations interentreprises: la comptabilité-produit, les échanges d'information sur la qualité et la logistique de transport et de stockage sont des thèmes essentiels dans ce domaine. Le développement des connaissances et l'innovation coopérative devraient également faire partie de la gestion de la chaîne. Or, l'entreprise productrice ne dispose pas toujours des sources d'activités novatrices en interne. D'après Von Hippel (1988), la source de l'innovation se situe quelque part dans la chaîne fournisseur-producteur-utilisateur, selon les avantages attendus. Les chaînes de production constituent des éléments importants pour l'analyse des processus d'innovation. Les aspects tacites de l'innovation, l’adéquation partielle des nouvelles technologies et le caractère cumulatif de l'innovation font que les entreprises se développent de façon différente ou dans différentes directions. Si l'introduction de nouveaux produits est un succès, les entreprises novatrices sont capables d'instaurer de nouvelles règles économiques pour leurs concurrents. L'innovation entraîne des avantages comparatifs. L'imitation et la diffusion tendent à la convergence. Selon les données du marché, les entreprises plaident de plus en plus pour un type d'“innovation coopératrice”. Cette collaboration est plus facile à obtenir dans une chaîne composée essentiellement de fournisseurs. 2.2 La dimension sectorielle Les secteurs industriels aussi peuvent mettre en place des activités novatrices dans les PME. Finegold (1991) considère que les secteurs industriels doivent chercher des moyens pour favoriser la coopération entre les entreprises et les activités communes afin d'améliorer les investissements destinés à la formation et à l'innovation. Attention cependant au piège des faibles compétences: les entreprises individuelles réduiront leurs investissements en ressources humaines si le comportement déloyal de leurs concurrents les met en danger. Ainsi, les secteurs industriels doivent rechercher des politiques qui encouragent la coopération dans la formation et l'innovation. Ici, les syndicats ont un rôle à jouer. En s'appuyant sur la coopération entre les entreprises, les secteurs industriels devraient pouvoir mettre en place des infrastructures, par secteur, qui favorisent le transfert des technologies et les politiques de formation. La mise en place de ces politiques sectorielles implique l'instauration de systèmes assurant le suivi des développements technologiques futurs. Les résultats des activités de suivi peuvent se traduire par des mesures d'aide au transfert et par des prévisions des besoins de compétences. Les enjeux sectoriels de l'innovation et des processus d'apprentissage sont: l'établissement de conditions préalables de collaboration entre les entreprises concurrentes, dans le secteur de la formation et de l'innovation, l'instauration de systèmes de suivi des développements technologiques tournés vers l'avenir, la mise en place de systèmes de soutien à l'innovation et à la formation, limités à l'entreprise, la définition de compétences clés pour les employés qualifiés et les entrepreneurs et la création de systèmes d'enseignement et de formation professionnels propres à chaque secteur (voir aussi Warmerdam dans cette publication). 2.3 La dimension régionale Morgan (1997) met l'accent sur l'importance du modèle des réseaux pour comprendre les stratégies de développement régional. Il insiste sur le rôle majeur de la création de régions d'apprentissage, similaires au concept d'organisations d'apprentissage, pour mettre en place des capacités d'apprentissage collectives entre des entreprises proches géographiquement et des prestations/possibilités infrastructurelles au niveau régional. Des régions à forte présence industrielle semblent pratiquer des interactions d'apprentissage entre les entreprises. En Italie, les régions et les cantons industriels sont caractérisés par leur monostructures en termes de produits et de services: chaque région est renommée pour un seul type de produits. L'apprentissage et l'échange de connaissances techniques sont indispensables pour que la qualité soit garantie. D'autres régions émergentes pratiquent, quant à elles, des relations de chaîne: l'échange d'innovation et d'information touche les activités d'achat et de vente. La solidité de ces types de réseaux d'apprentissage est due à leur impact sur l'activité économique. Dans des régions moins développées, le manque d'activité économique ou l'infrastructure insuffisante font que ces réseaux d'apprentissage sont inexistants. L'objectif des autorités régionales et locales, dans le cadre de leur politique économique, est d'instaurer des politiques en matière d'éducation, de formation et du marché du travail qui permettent d'avoir un potentiel d'apprentissage élevé et de voir émerger des réseaux de soutien aux PME et aux nouveaux entrepreneurs. Des prestations novatrices dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels aideraient à améliorer, de façon substantielle, la capacité novatrice au sein des régions économiques (Morgan, 1997) et permettraient, par là même, à l'économie locale et régionale de se développer. C'est pourquoi l'un des enjeux est d'encourager ces prestations. Pour ce faire, les prestations régionales novatrices, en matière d'enseignement et de formation professionnels, doivent agir en interaction avec les autres prestations liées à la connaissance, comme celles des centres d'innovation et des centres de connaissances sectorielles. L'un des objectifs du programme de développement régional des politiques de fonds régionaux de l'Union européenne, comme par exemple les centres d'affaires et d'innovation européens, qui sont centrés sur la relation entre les PME et l'enseignement supérieur, est de soutenir et de mettre en place ces programmes de développement. Les politiques régionales tendant à améliorer l'innovation industrielle et les processus d'apprentissage portent essentiellement: sur les réseaux d'apprentissage des entreprises, sur l'aide à la mise en place d'infrastructures de transfert technologique et sur l'éducation et la formation d'une main-d'œuvre hautement qualifiée. L'une des conditions essentielles pour stimuler le développement économique régional est de relever ces défis. Toutefois, les gouvernements régionaux et nationaux disposent de peu de moyens pour mettre en place des réseaux d'apprentissage. Créer des organisations intermédiaires, renforcer la recherche fondamentale et le développement, maintenir l'enseignement et la formation professionnels sont cités comme étant les meilleurs outils dont disposent les gouvernements à cet égard. (OCDE, 1997) 2.4 L'enseignement et la formation professionnels comme partie intégrante du contexte du savoir L'enseignement et la formation professionnels jouent un rôle majeur dans la construction d'économies régionales compétitives, tout comme l'a montré récemment Rosenfeld (1998) lors d'une conférence organisée par l'OCDE. Outre l'offre et le maintien d'une main-d'œuvre qualifiée, les nouveaux établissements d'enseignement technique doivent faire face à un nouveau défi: orienter les (nouvelles) connaissances vers l'économie locale. Cela implique des stratégies régionales de développement économique auxquelles l'enseignement et la formation professionnels participeront chaque jour davantage. L'enseignement et la formation professionnels sont aussi très présents au niveau sectoriel. La promotion et l'accompagnement du processus actuel de construction et de reconstruction d'une identité professionnelle, en rapide mutation, est un instrument essentiel pour sauvegarder les activités économiques. L'enseignement professionnel et les qualifications ont un rôle important à jouer dans ce processus de sauvegarde (voir De Bruyn et Nieuwenhuis, 1994). Toutefois, on assiste, parallèlement à l'élaboration, à la mise en place et au développement de programmes et de cours techniques et professionnels souvent fondés sur des définitions de compétences spécifiques à une catégorie professionnelle, s’appuyant à la fois sur les compétences et sur les intérêts professionnels, qui correspondent ou non à des besoins socioéconomiques plus larges. Les syndicats et les organisations patronales participent à la définition des programmes d'enseignement professionnels dans les systèmes d'apprentissage, en Allemagne et aux Pays-Bas, et dans l'établissement de normes nationales de qualification professionnelle, au Royaume-Uni. L'enseignement et la formation professionnels élaborent et développent des normes professionnelles en interaction avec les différents secteurs professionnels. Les employeurs et la main-d'œuvre qualifiée maintiennent et améliorent leurs compétences grâce aux établissements d'enseignement professionnel. Les changements novateurs d'exigences professionnelles proviennent, souvent, de développements au sein du système éducatif. Ainsi, l'enseignement et la formation professionnels disposent, dans la dimension sectorielle, d'un énorme potentiel favorisant l'innovation au sein des PME. La chaîne de production est une nouvelle façon d'aborder l'analyse des processus novateurs et des développements de compétences qui en découlent. Les activités novatrices communes sont souvent fondées sur une chaîne de relation entre entreprises, mais les développements de compétences ne sont pas encore liés aux développements des chaînes. Cependant, alors que les chaînes de production offrent de vastes possibilités aux perpectives économiques et novatrices, elles constituent un nouveau secteur intéressant pour le développement de stratégies d'enseignement et de formation professionnels (voir Bertzeletou, dans cette publication). 3 Transmission des compétences 3.1 Transmettre des connaissances sur le processus de travail Selon la théorie du capital humain, les connaissances et les compétences sont, pour la plupart, identifiées au niveau individuel. Hommen (1997) considère que cette approche réfute la dimension sociale des connaissances et des compétences. Le savoir est un bien collectif des communautés de pratiques sociales et économiques. Le savoir se développe dans la complexité des environnements du travail, qui ne se résument pas aux individus ou aux emplois, mais sont dispersés au sein d'un groupe de travailleurs. Cette approche est compatible avec la vision évolutive de l'innovation: les organisations économiques (communautés institutionnelles) constituent les unités centrales permettant de comprendre les pratiques novatrices. L’innovation est la reconstruction active, en commun, du travail et des processus: pro-actif plutôt que ré-actif. Les entreprises devraient évoluer vers des communautés de réflexion fondées sur le travail qualifié. Berryman & Bailey (1992) ont avancé une argumentation comparable pour le développement économique des États-Unis. Les entreprises devraient se tourner vers les organisations d'apprentissage, car elles auront besoin d'employés hautement qualifiés à l'avenir. La conception traditionnelle de l'enseignement et de la formation professionnels a bien des points communs avec les lieux de travail traditionnels: l'enseignement traditionnel est fondé sur des schémas d'apprentissage simples, compatibles avec les lieux de travail traditionnels. Ces lieux ne sont pas adaptés à l'innovation et à la création de connaissances: les entreprises, tout comme les systèmes d'enseignement et de formation professionnels, doivent changer. Caractéristiques d'un apprentissage inefficace Caractéristiques des lieux de travail traditionnels 1 Transfert limité Emplois et tâches étroitement définis 2 Les étudiants restent passifs: Ordres reçus passivement dans une organisation du travail hiérarchisée; supervision lourde afin de contrôler les travailleurs - exploration réduite; - dépendance vis-à-vis de l’enseignant problèmes de “contrôle de foule”. 3 Renforcement du lien entre les stimuli et la réponse correcte Centrage sur des réponses spécifiques à un nombre limité de problèmes possibles (les cas non prévus doivent être résolus par des spécialistes) 4 L'accent est mis sur l'obtention de la bonne réponse: Une tâche effectuée est plus importante que l'amélioration de sa performance ultérieure - aucune tentative d'aller “plus loin” que la réponse; - peu d'apprentissage par l'expérience (l'erreur); - peu d'enseignement sur la façon d'aborder un problème. 5 Apprentissage hors contexte La tâche spécifique est considérée hors de son contexte organisationnel. (Berryman et Bailey, 1992, p. 71) Berryman et Bailey proposent comme alternative le modèle d'apprentissage cognitif, avec une forte tradition de recherche (Raizen, 1989; Nieuwenhuis et Mulder, 1998). L'apprentissage de concepts symboliques et abstraits devrait être remplacé par un apprentissage dans des contextes fonctionnels. Une élaboration de ce modèle en quatre blocs est proposée (Collins, 1989): contenu, méthodes, séquence et sociologie de l'apprentissage. Contenu: un savoir tourné vers un environnement d'apprentissage idéal comprend des connaissances conceptuelles spécialisées, des connaissances factuelles et de procédure ainsi que trois types de savoir stratégique (astuces commerciales, stratégies cognitives et stratégies d'apprentissage). L'école est habituellement centrée sur un enseignement spécialisé. Pour un fonctionnement efficace avec des connaissances spécialisées, un contenu stratégique est nécessaire. Méthodes: les méthodes d'enseignement devraient être conçues de façon à donner aux étudiants la possibilité d'observer, de s'engager, d'inventer ou de découvrir des stratégies d'expert en situation. Séquence: l'apprentissage devrait se faire par étapes, ce qui permet à l'étudiant d'acquérir les compétences multiples exigées des performances d'expert et de découvrir dans quelles conditions celles-ci peuvent se généraliser. Sociologie de l’apprentissage: l'environnement d'apprentissage doit reproduire les caractéristiques technologiques, chronologiques et motivantes du monde extérieur dans lequel l'acquis sera utilisé. Ce type d'apprentissage en situation ne signifie pas automatiquement un apprentissage “sur le tas”: les lieux de travail traditionnels n'ont guère de potentiel d'apprentissage. Les conditions préalables à un apprentissage tout au long de la vie et aux innovations associent les cours professionnels et les lieux de travail nouvellement conçus au sein d'“organisations de travail d'apprentissage”. 3.2 Les trois rôles dévolus à l'enseignement et à la formation professionnels Pour améliorer le processus de transfert des connaissances, l'enseignement professionnel, la formation ainsi que l'enseignement et la formation complémentaires ou continus ont un triple rôle à jouer (Rosenberg, 1998): - éduquer et former les nouveaux employés et les employeurs pour mettre en place une base de connaissances dans les entreprises; - fournir des informations actualisées et des équipements de formation aptes à mettre à jour les connaissances et les compétences de la main-d'œuvre; - organiser des réseaux d'entreprises actifs pour faciliter les processus d'apprentissage interactifs. Les établissements d'enseignement technique et les organismes de formation doivent accepter de relever le défi d'améliorer, grâce à leurs efforts, le processus de transfert de connaissances en assurant un niveau élevé de réactivité aux résultats de la recherche, sciences et du développement technologique. Les établissements d'enseignement et de formation technique régionaux, aidés par les centres d'innovation sectorielle, peuvent devenir un pôle central des réseaux d'apprentissage des PME, en appliquant, dans leurs cours, des connaissances novatrices, tirées de l'infrastructure de la recherche et du développement, et en resserrant les liens entre les réseaux locaux et les entreprises. Les structures intermédiaires instaurées par les secteurs économiques et industriels sont primordiales si l'on veut améliorer la communication entre la recherche et le développement et les systèmes d'enseignement et de formation professionnels. Ces structures intermédiaires dépendent des caractéristiques propres au système de formation sectorielle et à l'innovation. L'enseignement et la formation professionnels se trouvent au carrefour des politiques régionales et sectorielles: les marchés du travail sont définis au niveau régional alors que l'offre et la demande d'emplois sont géographiquement limités en raison de la mobilité réduite. L'artisanat est fortement sectorialisé à cause de l'interaction entre les métiers et les activités économiques. Dans le domaine de l'enseignement et de la formation professionnels, les politiques d'éducation sont plus ou moins liées aux politiques sectorielles, selon les systèmes d'enseignement et de formation professionnels nationaux et les contraintes socioéconomiques. Les établissements d'enseignement et de formation professionnels doivent s'appuyer sur les réseaux, tant sectoriels que régionaux, pour fonctionner efficacement et fournir une main-d'œuvre qualifiée et préparée à l'apprentissage tout au long de la vie, dans un cadre socioéconomique et une situation de l'emploi novateurs. 4 Études de cas sur les nouvelles stratégies qualifiantes Le fondement empirique de cette publication s'appuie sur d'anciennes études de cas, réalisées dans différents secteurs industriels aux Pays-Bas, en majorité auprès de PME (Grooters et Nieuwenhuis, 1996; Lokman et Nieuwenhuis, 1998; Gielen et Nieuwenhuis, 1998). Ces études ont porté sur l'infrastructure intermédiaire des connaissances, dans différents secteurs industriels, et ont permis d'effectuer des analyses comparatives sur le rôle de l'enseignement et de la formation professionnels comme vecteurs d'innovation dans les entreprises. À partir de ces études, un modèle d'innovation sectoriel/régional a été élaboré, dans lequel quatre acteurs jouent un rôle prépondérant: les PME, les infrastructures de recherche et développement, les organismes d'innovation sectorielle et les établissements d'enseignement et de formation professionnels. Les PME se doivent d'être novatrices si elles désirent améliorer leur compétitivité. Elles utilisent différentes sources de connaissances, mais elles en produisent aussi de nouvelles grâce à leurs activités novatrices. Les instituts de recherche et développement produisent de nombreuses connaissances nouvelles, mais rencontrent quelques difficultés pour les diffuser et, pire encore, pour que ce savoir soit mis en œuvre dans les PME. Dans plusieurs secteurs industriels, des centres d'innovation ont été mis en place dans le but de traduire les connaissances novatrices auprès des entreprises liées à un secteur. Des fonds publics ont été dégagés. Les partenaires sociaux jouent un rôle important dans la création de ces centres. Les centres régionaux d'innovation facilitent la diffusion des nouvelles connaissances. L'enseignement et la formation professionnels participent aux réseaux régionaux en éduquant les plus jeunes, en formant les adultes et en organisant les réseaux d'apprentissage des entreprises. Dans les six cas présentés ci-après, ces aspects liés au contexte régional/sectoriel des connaissances sont considérés sous des angles différents. Ils sont tirés d'exemples pris dans le contexte des Pays-Bas. Dans les deux prochaines années, la perspective européenne sera enrichie par un projet d'étude et d'analyse, appelé Spidervet, dans le cadre du programme Leonardo: les établissements d'enseignement et de formation professionnels agiront comme des “araignées” tissant leur toile dans les réseaux de connaissances régionaux. 4.1 Sauvegarde du secteur de l’équipement Le secteur de l’équipement englobe les installations de plomberie, d'appareils de climatisation et de chauffage central. Pendant ces vingt dernières années, ce secteur a défendu sa part de marché de façon très efficace. Le secteur est très dépendant de l'évolution du secteur du bâtiment: les installations mécaniques (ascenseurs, climatisation, systèmes de chauffage et alimentation en eau) sont essentielles lors de la conception de maisons ou de bâtiments publics. Insistant sur son professionnalisme, ce secteur a réussi à conserver sa part de marché. Les employeurs tout comme les employés s'accordent à affirmer leur intérêt pour leur métier et pour l'investissement dans la formation. C'est ainsi que, chaque année, dans le cadre d'une convention collective spéciale, 1,15% de la masse salariale est consacrée aux activités de formation et d'innovation. L’équipement est un secteur qui suit l’innovation: les sources d'innovation (Von Hippel, 1988) se situent hors du secteur proprement dit. Elles sont conçues lors du processus de conception intégrale des bâtiments publics ou au travers des activités de recherche et de développement de l'industrie concernée (par exemple, les nouvelles technologies du chauffage). Les innovations sont introduites dans ce secteur selon le modèle linéaire. Afin de faciliter les processus d'innovation, les partenaires sociaux du secteur ont créé l'agence Intechnium3, centre d'innovation et de formation sectoriel. En cinq ans, Intechnium a obtenu une part importante du suivi des avancées technologiques et de leur traduction dans la formation, la formation des adultes et d'autres activités de diffusion. Un instrument particulier a été conçu à des fins de suivi, alors qu'une directive écrite existe pour le transfert des connaissances vers les régions. Dans le modèle de l’équipement, l'enseignement et la formation professionnels ont un rôle réactif. Intechnium formule les exigences de formation, à partir des informations recueillies auprès de son organisation régionale de membres, et conçoit aussi les outils pédagogiques. Les établissements d'enseignement professionnel dispensent les cours correspondants. De plus, le maintien de la structure de qualification de l'enseignement initial est assuré par la même structure de suivi. Ce modèle illustre bien l'aspect linéaire des processus d'innovation du secteur, mais cela ne signifie pas qu'il améliore nécessairement les réseaux d'apprentissage régionaux des entreprises et des établissements. Maintenant, les établissements d'enseignement et de 3 Intechnium, Korenmolenlaan 4, PO-box 484, 3440 AL Woerden, the Netherlands, tel. (31-348) 437437, fax (31-348) 432013. formation professionnels doivent relever le défi de lancer ces réseaux, à partir de la structure sectorielle d'Intechnium. 4.2 Relations en chaîne dans le secteur de la boulangerie Dans le secteur de la boulangerie, l'artisanat s'est longtemps défendu contre la boulangerie industrielle. Aux Pays-Bas, le marché du pain était partagé à égalité entre l’industrie et l’artisanat. Aujourd'hui, la menace principale réside dans le changement des points de vente: en 1994, les supermarchés ont vendu 60 % du pain. La boulangerie traditionnelle lutte actuellement pour sa survie. Toutefois, sur le marché néerlandais, la plupart des consommateurs devraient continuer à acheter leur pain dans les petites boulangeries. D'où l'importance d'une bonne maîtrise du métier de boulanger, tant pour le boulanger lui-même que pour son personnel, s'il veut conserver sa part de marché. Aux Pays-Bas, les boulangers indépendants sont formés à l'école de boulangerie de Wageningen, alors que les employés sont formés dans les cours d'apprentissage. Les vendeurs sont formés par le système d'enseignement général. Les organisations patronales et les syndicats du secteur de la boulangerie s'accordent sur l'importance de la formation, même s'il n'existe pas de véritable tradition de formation. Le secteur de la boulangerie est plutôt traditionnel: les grandes innovations y sont rares. Les petites boulangeries n'ont guère changé, alors que les boulangeries industrielles ont dû faire face à l'automatisation, bien que cette évolution soit lente. L'innovation concerne davantage les nouveaux équipements, par exemple les fours ou les pétrins commandés par ordinateur, ou bien l'introduction de nouvelles matières premières ou de nouvelles recettes. L'industrie a été le moteur de ces innovations. On peut considérer que le processus novateur du secteur de la boulangerie est plutôt lent et linéaire. Récemment, le Centre national de la boulangerie a été créé. Il regroupe plusieurs organisations sectorielles. Ce nouveau centre a la chance de se développer à une période marquée par des innovations dans le secteur de la boulangerie. Toutefois, l'école de la boulangerie ne participe pas à ce centre. L'infrastructure intermédiaire des connaissances dans le secteur de la boulangerie en est toujours au stade du développement, les circuits de communication et d'information n’étant pas encore clairement définis. La faible tradition en matière de formation et d'innovation, associée à une certaine aversion pour la centralisation, pourrait expliquer cette évolution relativement lente. 4.3 Des systèmes de connaissances pour les horticulteurs L'horticulture est un secteur prospère de l'agriculture aux Pays-Bas. Les légumes, les fleurs et les plantes sont exportées dans le monde entier. Toutefois, ce secteur doit actuellement faire face à de profonds changements économiques. Le gouvernement néerlandais abandonne son rôle prépondérant dans la politique agricole. Les évolutions économiques du marché de l'alimentation mondiale auront des répercussions, positives et négatives, sur le secteur agricole. La concurrence sera plus forte. Ce changement est soutenu par une nouvelle politique de l'Union européenne. L'une des tendances économiques essentielles est le changement de pouvoir dans les différentes chaînes alimentaires. Grâce aux politiques européennes, les fournisseurs de la chaîne alimentaire ont tenu, pendant des années, le haut du pavé. Cependant, ces dix dernières années, l'équilibre des pouvoirs a changé en faveur de l'autre extrémité de la chaîne, à savoir les consommateurs, représentés en grande partie par les supermarchés. Ce changement a entraîné l'effondrement des structures coopératives traditionnelles, remplacées, peu à peu, par des structures mieux préparées à la concurrence internationale. Les changements structurels ont des conséquences sur le système de connaissances agricoles. Le système des connaissances horticoles est traditionnellement centré sur l'agriculteur, qui possède souvent un faible niveau d’instruction et de formation. Les horticulteurs sont à la tête de processus novateurs interactifs. Les horticulteurs indépendants ou organisés en réseaux ont une influence directe sur les programmes de recherche et de développement des instituts de recherche agricole appliquée, les résultats de la recherche étant directement mis à la disposition des horticulteurs, par l’intermédiaire de cours du soir et de programmes complémentaires. Les changements économiques ont aussi des conséquences sur le fonctionnement du système de connaissances. Récemment, des groupes d'horticulteurs ont érigé des barrières contre la concurrence, lesquelles ont affecté la coopération dans le système de connaissances. Actuellement, les organisations d’agriculteurs cherchent de nouveaux moyens pour promouvoir le transfert des connaissances entre les instituts de recherche, les organisations intermédiaires et les horticulteurs/entreprises. Au sein du système de connaissances agricoles, l'enseignement et la formation professionnels risquent d'être marginalisés. La formation professionnelle est toujours considérée comme le meilleur prestataire pour les futurs horticulteurs, alors que, dans le même temps, le rôle de l’enseignement et de la formation, dans les processus novateurs du secteur, diminue. L'enseignement agricole éprouve quelques difficultés, particulièrement au niveau national, à obtenir les informations nécessaires pour répondre de façon adéquate à l'innovation. Sur le plan régional, les établissements d'enseignement ne jouent pas de rôle prépondérant dans le réseau de connaissances auprès des fermes horticoles. Le désengagement du secteur, en matière d'enseignement et de formation, a pour conséquence une moindre réactivité des prestations d’enseignement et de formation agricoles face à un secteur à l’esprit ouvert et en pleine mutation. 4.4 Une approche linéaire de la technologie environnementale NOVEM4, une entreprise mixte néerlandaise qui se consacre au développement des économies d'énergie et des technologie de protection de l'environnement, cherche à faciliter l'introduction et la diffusion de technologies écologiques et durables par l'entremise des entreprises et des entrepreneurs. Dans ce but, NOVEM s'intéresse aux techniques de diffusion des connaissances et des technologies. Les nouvelles technologies qu’elle propose ne sont pas automatiquement utilisées par les entreprises. Une enquête s’appuyant sur la notion de “contexte de connaissances des entreprises” (voir le modèle paragraphe 2) a été réalisée concernant les processus de transmission des 4 Nederlands onderneming voor energie en milieu, Swnetibolstraat 21, Sittard, the Netherlands, tel (31-46) 420 22 02, fax (31-46) 452 82 60. connaissances au sein de différents secteurs agricoles (l'horticulture et la culture de bulbes). Elle a permis de décrire le contexte actuel des connaissances et d’analyser le processus de transfert des connaissances par le biais d'interviews réalisées auprès des entrepreneurs et des organismes intermédiaires. Le processus de transfert des connaissances et de diffusion des technologies se déroule essentiellement en deux phases. Pour la diffusion des informations, une approche linéaire peut être adoptée: les entrepreneurs s'informent en lisant leurs journaux économiques ou professionnels et en parlant avec leurs collègues et leurs conseillers. L'information sur les nouvelles technologies devrait donc être véhiculée par ces mécanismes de transfert formels et informels. À ce stade, une grande part doit être accordée à l'information: les informations techniques ne devraient pas être les seules disponibles, car une information plus intégrée, par exemple à propos de l'impact des nouvelles technologies sur le chiffre d'affaires et sur les bénéfices de l'entreprise, est plus importante. Les entrepreneurs sont intéressés par les nouvelles technologies qui, si elles introduisent de nouveaux outils et de nouvelles techniques, permettront d'améliorer le rapport coûtbénéfice de leurs entreprises. Une méthode de transmission des connaissances particulièrement efficace consiste à utiliser les informations fournies par les bonnes pratiques des entreprises novatrices elles-mêmes. Les visites d'atelier sont des outils didactiques persuasifs. La deuxième étape du processus de diffusion technologique est le moment de la résolution des problèmes, ou de la prise des décisions d'investissement, tâches qui incombent au chef d'entreprise. Au niveau régional, les conseillers et les organisations de connaissances devraient disposer d’informations actualisées afin de faciliter le processus de résolution des problèmes dans les PME. Les entreprises fournisseurs de technologies devraient moins cibler les chefs d'entreprise et diriger plutôt leurs informations, leur marketing et leurs activités de diffusion vers les organisations intermédiaires concernées. Il est impossible aux entrepreneurs individuels et aux dirigeants des PME d’intégrer l’ensemble des connaissances disponibles, les technologies d’économie d'énergie n'étant pas le seul paramètre de ce processus de décision! Il est donc primordial que le contexte de connaissances régional et sectoriel facilite l’accès aux informations pertinentes et donne la possibilité de participer à des processus d'apprentissage interactif et de prise de décisions. Tel devrait être le point de départ des établissements de formation et d'enseignement professionnels. Ils peuvent jouer le rôle de centre d'innovation et de connaissances régional. Leur réactivité implique la coexistence d’impulsions régionales et sectorielles, les établissements constituant, de plus en plus, un point central de compilation, de traitement et de diffusion des connaissances novatrices dans la région. Ils peuvent grandement soutenir les innovations, particulièrement dans les entreprises de leur région qui tardent à les adopter. Ils peuvent, telles des “araignées”, tisser leur toile sur les réseaux d'innovation régionaux et sectoriels. 4.5 Création de réseaux régionaux dans l'industrie néerlandaise de construction mécanique et de machines-outils L'économie régionale autour de Eindhoven, dans le sud des Pays-Bas, repose essentiellement sur l’industrie mécanique. Parmi les 8 000 entreprises néerlandaises de ce secteur, 1 100 sont installées dans la région de Eindhoven. On y trouve même les plus grandes, telles que Philips (électronique), DAF (camions) et Océ (photocopieurs).Cependant, la plupart de ces entreprises sont de petite taille: 75 % d'entre elles ont dix employés ou moins. Les petites entreprises fournissent les plus grandes. La région d'Eindhoven est reconnue comme une région particulièrement novatrice: 50 % du budget de la recherche et du développement sont dépensés dans cette région, en particulier par les grandes entreprises, et environ 11 % de la main-d'œuvre de la région de Eindhoven participent aux activités de la recherche et du développement. À la fin des années 80, la région de Eindhoven a dû faire face à une crise économique. Cependant, grâce au soutien des fonds européens et nationaux, la région est sortie de la crise et a mis en place une solide infrastructure régionale de réseaux et de chaînes d'entreprises. Les organisations régionales intermédiaires, tel le centre d’innovation et un organisme de développement régional, jouent un rôle important, dans cette structure, au côté des organisations sectorielles du secteur de l'industrie mécanique organisées au niveau national. Dans la région de Eindhoven, on trouve un certain nombre d'établissements de création, de traitement et de diffusion des connaissances, comme la Technical University of Eindhoven, le TNO-industry (l'un des plus grands organismes mixtes de recherche et développement), le Technical College de Fontys (niveau 5: cours professionnels) et deux lycées d'enseignement et de formation professionnels (niveaux 2-4). L'industrie métallurgique dispose de son propre établissement pour la formation des adultes et le microcentre se trouve à Fontys (un laboratoire de microtechnologie). Les grandes entreprises ont leurs propres laboratoires de recherche et développement, tel le célèbre Natlab de Philips). Dans les années 90, cette industrie a été très prospère dans la région, mais la pénurie de main-d'œuvre qualifiée se profile comme une menace à l’horizon: ce sera le problème des dix prochaines années, les jeunes ne ressentant plus autant d'intérêt pour les métiers techniques et mécaniques. Ainsi, les employeurs de la région coopèrent de plus en plus pour promouvoir des activités communes avec les lycées techniques, de façon à attirer de nouveaux étudiants vers l'enseignement technique, les sciences naturelles et les métiers de la mécanique. Le lycée régional Eindhoven (ROC-Eindhoven5) a été créé en 1996, dans cette région dynamique, à partir de la fusion de plusieurs établissements techniques et de formation professionnelle (cours d’apprentissage et enseignement professionnel à plein temps). Le ROC compte 16 000 jeunes élèves, 8 000 étudiants adultes, 1 400 employés et environ 20 5 ROC Eindhoven, PO box 6101, 5600 HC Eindhoven, the Netherlands, tel (31-40) 291 86 86. établissements dans la région. Environ 10 % du chiffre d'affaires sont engendrés par des cours et des activités contractuels spécifiques. La mission novatrice du ROC est fondée sur une stratégie de réseau: partenariat, collaboration avec d'autres établissements de connaissances régionaux, cours en coopération avec des entreprises. Les cours dispensés par le ROC-Eindhoven s’appuient, essentiellement, sur les technologies de l'information et de la communication et sur la notion de parcours individuels. Le ROC se veut un institut ouvert ayant des fonctions régionales. Les compétences clés dispensées se limitent à transmettre et à maintenir les métiers spécialisés et hautement spécialisés dans la région. Transmettre l'innovation n'est pas l'une de ses tâches principales. Toutefois, la stratégie de mise en place de l'innovation repose sur la création de réseaux et sur la mise en relation des entreprises avec des établissements d'enseignement. La transmission de compétences et de qualifications spécialisées suppose l’organisation de tous types de cours normaux et la prise en compte de parcours individuels en coopération avec les entreprises ou les agences pour l'emploi régionales. Le ROC-Eindhoven a fait le choix très clair de jouer un rôle restreint dans la région. Malgré ces restrictions, ses compétences clés sont parfaitement élaborées. 4.6 Stratégies de gestion des établissements d’enseignement au sein des réseaux régionaux Une petite enquête sur les établissements d’enseignement agricole a été réalisée dans le but de connaître leurs stratégies de gestion en tant que centres d'innovation régionaux. Elle a été menée auprès de l’ensemble des dix-huit établissements d'enseignement et de formation agricoles néerlandais. Le résultat le plus surprenant est que tous les établissements sont tombés d'accord sur la nécessité de développer une nouvelles stratégie de maillage régional, mais, en réalité, un seul de ces établissements est engagé dans des réseaux d'innovation régionaux. La création de réseaux régionaux est considérée comme l'une des principales priorités de la gestion des établissements, mais les outils opérationnels n'ont pas encore été développés. Les raisons invoquées pour avoir souligné cette nécessité de nouveaux développements stratégiques sont liées aux propres besoins des établissements, à savoir la mise en place de cours novateurs: baisse de la demande des métiers traditionnels, émergence de nouvelles professions et baisse de la demande, de la part des entreprises agricoles, baisse du soutien de processus novateurs par les établissements d'enseignement agricole. L'une des causes essentielles de ces processus est le rythme accéléré du développement technologique qui entraîne l'obsolescence rapide et étendue des connaissances techniques. Le processus d'évolution des programmes d'enseignement et de formation professionnels, traditionnellement lent, devrait être remplacé par des programmes flexibles et réactifs. Afin d’améliorer leur réactivité, les établissements et les centres de formation doivent jouer un rôle central dans ces réseaux novateurs. Les établissements sont conscients du danger de rester à l’écart de ce processus de réseaux; ils savent qu'ils courent le risque de perdre leur rôle de formateurs de main-d'œuvre qualifiée et de se voir progressivement restreints à donner des cours aux personnes peu qualifiées, aux jeunes défavorisés et aux chômeurs en recyclage. Face à cette situation, les établissements d'enseignement agricole commencent aujourd’hui à développer de nouvelles options stratégiques de création de réseaux régionaux et de programmes de cours. L'un des problèmes majeurs est celui du personnel. La plupart du temps, les professeurs d'enseignement et de formation professionnels sont des généralistes, alors que le fait de fonctionner dans des réseaux novateurs requiert des compétences spéciales. Ces nouveaux besoins et ces stratégies exigent une double qualification des enseignants, des formateurs, des tuteurs et du personnel d’encadrement: l'enseignement général, mais aussi les technologies/compétences spécifiques doivent faire partie intégrante de leur qualification. Le fait de vouloir transformer les établissements d'enseignement et de formation professionnels en acteurs de réseaux demande d'énormes investissements dans l'enseignement et la formation du personnel enseignant. Dans tous les cas, c’est un besoin urgent. 5 Conclusions Ce document est consacré aux besoins de compétences et de qualifications ainsi qu’au rôle de l'enseignement et de la formation professionnels dans le processus novateur des entreprises promptes ou tardives à innover, particulièrement les PME. Le rythme soutenu des innovations conduit l'enseignement et la formation professionnels à développer de nouvelles stratégies pour fournir et maintenir une main-d'œuvre qualifiée sur le marché de l'emploi local, régional et sectoriel. L'objectif traditionnel des programmes initiaux et normaux doit être associé aux nouveaux objectifs, aux nouvelles tâches et stratégies des programmes et des activités de formation des adultes visant à accompagner et à transmettre l'innovation. Les organismes d'enseignement et de formation professionnels ne peuvent plus faire cavalier seul, elles doivent mettre en place des stratégies orientées vers les réseaux. Les établissements d'enseignement et de formation professionnels doivent définir leur propre rôle au sein des “réseaux d’apprentissage des PME” et chercher des alliances stratégiques avec d'autres établissements de connaissances, dans leur contexte régional. La compréhension des processus novateurs, dans les économies régionales, devrait être intégrée dans les compétences clés des établissements d’enseignement et de formation professionnels. Les entreprises innovent, intégrées dans les réseaux en chaîne, régionaux et sectoriels. L’innovation des entreprises est un processus interactif consistant à résoudre des problèmes et à combiner les éléments du savoir et les technologies en nouveaux processus et produits. Pour favoriser ces activités novatrices spécifiques aux entreprises, les établissements de création et de diffusion du savoir, tels que les établissements d'enseignement et de formation professionnels, devraient fournir des informations sur les nouvelles techniques, les méthodes et les technologies de manière efficace et “juste à temps”. Ces établissements devraient organiser leurs propres réseaux de connaissances de manière à répondre à la demande de connaissances “chaotique” sans cesse en progression. Pour développer ces compétences organisationnelles et novatrices, les établissements d'enseignement et de formation professionnels ainsi que les autres établissement de création et de diffusion du savoir devraient devenir des organisations d'apprentissage ouvertes à la communauté économique locale et aux processus de développement technologique sectoriel. Plusieurs études de cas ont été présentées pour mieux faire comprendre les processus d'innovation industrielle et les actions correspondantes dans différents types de réseaux. Selon des caractéristiques régionales et sectorielles, les secteurs industriels organisent des réseaux de connaissances et de technologies afin de promouvoir, de mettre en place et d’accompagner le processus novateur. Les gouvernements locaux, régionaux et nationaux peuvent accompagner les processus novateurs par certaines mesures infrastructurelles, mais dans la plupart des cas, les acteurs socioéconomiques présentent eux-mêmes leurs propres processus novateurs dans leur région, secteur et/ou domaine technique/professionnel respectif. 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