J Maroc Urol 2007 ; 6 : 24-27 HERMAPHRODISME VRAI (A PROPOS D’UN CAS) CAS CLINIQUE B. QUERFANI, S. EL MHEF, R. RABII, A. JOUAL, S. BENNANI, F. MEZIANE Service d’Urologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME ABSTRACT L'hermaphrodisme vrai est une pathologie très rare caractérisée par la coexistence de tissu testiculaire et ovarien au sein de la même gonade. Son diagnostic doit être fait à la naissance pour préciser le sexe d’élevage et sa prise en charge est délicate. Nous rapportons un cas d’hermaphrodisme vrai chez un patient âgé de 28 ans diagnostiqué à l’occasion d’une ectopie testiculaire bilatérale, l’examen clinique a mis en évidence un aspect d’ambiguité sexuelle, le caryotype est de 46 XX, le bilan biologique est normal de même que la TDM surrénalienne. Une cœlioscopie exploratrice a mis en évidence une gonade droite atrophique de 1 cm coiffée par un pavillon, et une gonade gauche au niveau de l’orifice inguinal profond. On a réalisé l’ablation de la gonade droite et l’abaissement dans la bourse de la gonade gauche qui a l’aspect d’un testicule. L’étude anatomopathologique a mis en évidence la présence d’un ovotestis en faveur d’un hermaphrodisme vrai. La coeliochirurgie, outre son rôle diagnostique, a un rôle thérapeutique incontournable. Enfin une décision thérapeutique adéquate permet de préciser précocement le sexe d’élevage. REAL HERMAPHRODISM (A CASE REPORT) The real hermaphrodism is a very rare pathology characterized by the coexistence of testicular and ovarian tissue within the same gonad. It must be diagnosed at the birth in order to define the sex rearing and its management is difficult. We report one case of real hermaphrodism in a 28 years old patient diagnosed on occasion of bilateral testicular ectopy, the clinical examination showed an aspect of sexual ambiguous hermaphrodite, the caryotype is about 46 XX, the complete biologic examination is normal as well as the adrenal computerized tomography. The explorative celioscopy showed right atrophic gonad about 1 cm covered by a pavillon and a left gonad at the level of the deep inguinal orifice. We practiced the ablation of the right gonad and the reduction of the left gonad bursa that has the aspect of a testicle. The anatomopathologic study emphasizes the presence of an ovotestis that is the sign of real hermaphrodism. More the diagnostic role of the celiosurgery it has an unavoidable therapeutic role. Finally, adequate therapeutic decision permits to define early the rearing sex. Mots clés : ambiguïté ; gonades ; ovaires ; laparoscopie ; traitement Key words : intersex ; gonads ; ovary ; laparoscopy ; treatment Correspondance : Dr. B. QUERFANI, 12 rue de compiègne, boulevard Emile Zola, Appt 3, Casablanca, Maroc. e-mail : [email protected] INTRODUCTION avec celle d'une démarche rigoureuse susceptible d'aboutir au diagnostic étiologique et à la décision thérapeutique adéquate [4, 5, 6]. L'hermaphrodisme vrai est une cause rare d'ambiguïté sexuelle caractérisée par la présence chez un patient de tissu testiculaire et ovarien, conduisant au développement de structures masculines et féminines. L’analyse génétique de la réversion sexuelle avec un phénotype différent du caryotype a permis d’identifier le gène SRY (Sex determining Region, Y chromosome) qui joue un rôle fondamental dans le déterminisme et la fonction du testicule. L'ambiguïté sexuelle du nouveau-né est une urgence médicale et/ou médicochirurgicale qui implique une prise en charge rapide et rationnelle [1, 2, 3]. Il est donc capital d'établir un diagnostic précis le plus précocement possible en conciliant l'urgente nécessité d'assigner le sexe d'élevage OBSERVATION Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 28 ans, sans antécédents pathologiques particuliers qui consulte pour des testicules non palpables. L’interrogatoire ne retrouve pas d’antécédents familiaux particuliers. L’examen clinique retrouve un micropénis de 3 cm, vulviforme, hypospade, un scrotum bifide, des bourses vides, une pilosité pubienne de type masculin (fig. 1), une pilosité axillaire, une barbe avec une moustache et une gynécomastie (fig. 2). Le bilan -24- Hermaphrodisme vrai B. QUERFANI et coll. biologique note : caryotype 46 XX; bilan hormonal normal (testostéronémie, FSH, LH, 17-OH progestérone). La TDM surrénalienne est normale. L’exploration coelioscopique retrouve une gonade droite atrophique de 1 cm coiffée par un pavillon (fig. 3), et une gonade gauche au niveau de l’orifice inguinal profond (fig. 4). On procède alors à l’ablation de la gonade droite et à l’abaissement en intra-scrotal de la gonade gauche qui a l’aspect d’un testicule. L’étude anatomopathologique de la gonade a mis en évidence la coexistence de deux tissus : ovarien et testiculaire en faveur d’un hermaphrodisme vrai (fig. 5). Gestes prévus : prise en charge psychiatrique, cure de l’hypospadias, biopsie de la gonade gauche, réduction mammaire par un traitement médical et traitement hormonal substitutif si la biopsie de la gonade gauche révèle un ovotestis ou un ovaire. Pavillon Ovotestis droit Fig. 3. Gonade droite atrophique de 1 cm coiffée par un pavillon Gonade gauche Fig. 4. Gonade gauche au niveau de l’orifice inguinal profond Fig. 1. Micropénis vulviforme, hypospade, scrotum bifide, bourses vides, pilosité pubienne de type masculin. Fig. 2. Pilosité pubienne de type masculin, pilosité axillaire, barbe, moustache et gynécomastie. Tubes séminifères Fig. 5. Etude anatomopathologique de la gonade : coexistence de deux tissus ovarien et testiculaire en faveur d’un hermaphrodisme vrai -25- J Maroc Urol 2007 ; 6 : 24-27 DISCUSSION le plus souvent à la gonade adjacente. Un vagin anormal est souvent présent, s'abouchant dans le sinus urogénital. L'utérus, lorsqu'il est présent, est habituellement hypoplasique. Développement mammaire, signes de féminisation et menstruations peuvent survenir à la puberté. Les patients sont le plus souvent infertiles, même si la survenue d'ovulations ou d'une spermatogenèse a été rapportée. Les taux de testostérone et d'oestrogènes, de base et après stimulation, confirment la présence respective de tissus testiculaire et ovarien fonctionnels. L'hermaphrodisme vrai est une pathologie génétiquement hétérogène. La majorité des patients (60%) ont un caryotype 46, XX. Plus rarement, on retrouve une anomalie chromosomique : mosaïque 46, XX/46, XY, translocation X-Y, caryotype 46, XY. La prise en charge de cette pathologie est délicate. Si le diagnostic est posé à la naissance, le choix du sexe d'élevage doit être discuté en fonction de l'aspect des organes génitaux et de l'histologie des gonades [1, 2]. L'ablation du tissu correspondant au sexe opposé et une hormonothérapie substitutive appropriée doivent être proposées. Dans tous les cas, tout tissu testiculaire ectopique ou dysmorphique doit être retiré, pour éviter la survenue de tumeurs gonadiques, c’est le cas de notre patient qui a bénéficié de l’ablation de la gonade droite qui avait un aspect macroscopique faisant suspecter un ovaire. Le risque relatif d’avoir une tumeur testiculaire germinale associée à une ambiguïté sexuelle est multiplié par 100 justifiant ainsi la gonadectomie secondaire une fois le diagnostic établi [8]. La première gonadectomie bilatérale laparoscopique pour ambiguïté sexuelle a été effectuée en 1992 et depuis cette technique est devenue le moyen standard pour l’exploration et le traitement de ces ambiguïtés sexuelles [9, 10]. Dans la plus grosse série d’ambiguïté sexuelle (50 cas), tous les patients ont été traités par laparoscopie. Cette technique a permis d’identifier aisément les gonades et de réaliser chez certains patients une génitoplastie, aucun cas de conversion n’a été rapporté [11]. Les douleurs post-opératoires moins importantes, la consommation plus faible d’antalgiques, la reprise plus précoce de l'alimentation, la durée d’hospitalisation plus brève, la convalescence plus courte et le bénéfice esthétique représentent les avantages les plus fréquemment cités de la laparoscopie par rapport à la laparotomie. La laparoscopie est d’une grande utilité car elle permet de poser le diagnostic quand les testicules ne sont pas palpables et en même temps elle joue un rôle thérapeutique en permettant leur abaissement ou ablation. L’hermaphrodisme vrai est une cause rare d'ambiguïté sexuelle caractérisé par la présence de tissu testiculaire et ovarien, d’étiologie inconnue, son incidence est de 1/20000-25000 naissances masculines [5, 6]. Le déterminisme et la différenciation du sexe s’effectuent grâce à une cascade complexe d’évènements qui nécessitent l’interaction de nombreux gènes. Le chromosome Y joue un rôle dominant dans le déterminisme et la fonction du testicule, le gène SRY (Sex determining Region, Y chromosome) est le signal primaire déclenchant la formation du testicule [7]. Le développement d’un phénotype mâle dépend d’une différenciation normale des gonades et d’une production normale de stéroïdes. L’action de la testostérone va participer à la formation des organes de reproduction internes chez le mâle, et la dihydrotestostérone va contribuer ensuite à la formation des organes génitaux externes mâles. Les anomalies biologiques qui entravent l’action ou la synthèse de la testostérone altèrent le processus de la différenciation du phénotype mâle, et produisent sur le plan clinique un pseudo-hermaphrodisme masculin. Bien que les mutations dans les gènes impliqués dans la synthèse ou la fonction de la testostérone ou ses dérivés soient responsables de la majorité des cas de pseudo-hermaphrodisme mâle, les bases génétiques de l’ambiguïté des organes génitaux externes sont inconnues dans 20% des cas. Les anomalies du gène SRY, gène porté par le bras court du chromosome Yp, responsable de l'induction testiculaire, peuvent se concevoir en deux parties : l'acquisition du gène sur le chromosome X ne le portant habituellement pas et la mutation du gène normalement présent sur le chromosome Y. Ces anomalies sont susceptibles d'entraîner des phénotypes spécifiques. Dans tous les cas, il s'agit de réversion sexuelle, c'est-à-dire que le phénotype n'est pas celui attendu devant la formule des chromosomes sexuels lors du caryotype. Ces différents phénotypes réalisés ne sont pas obligatoirement reliés à une anomalie identique du gène SRY. Toutes les séries récentes de patients incluant des études en biologie moléculaire du gène SRY insistent sur l'hétérogénéité génétique de ces états cliniques. Dans la plupart des cas d’hermaphrodisme vrai, il existe à la naissance une ambiguïté sexuelle associant hypospadias, bourgeon génital, sinus uro-génital, bourrelets labio-scrotaux, parfois hémiscrotum. Cependant, l'aspect des organes génitaux externes s'étend d'un phénotype féminin normal à un phénotype masculin normal, selon le degré de tissu testiculaire présent. Les gonades sont en position variable : abdominale, inguinale ou labio-scrotale. Il s'agit le plus souvent d'ovotestis (mélange de tissu testiculaire et ovarien), mais toutes les combinaisons comprenant ovotestis, ovaire et/ou testicule sont possibles. L'aspect des organes génitaux internes est variable, correspondant CONCLUSION L’ambiguité sexuelle est une pathologie très rare, l'examen clinique méthodique et l'investigation hormonale, radiologique, moléculaire et génétique, conduisent habituellement au diagnostic d'une ambiguïté génitale chez le nouveau-né. La -26- Hermaphrodisme vrai B. QUERFANI et coll. coeliochirurgie, outre son rôle diagnostique, a un rôle thérapeutique incontournable. Enfin une décision thérapeutique adéquate permet de préciser précocement le sexe d’élevage. 5. Sultan Ch. Quelles sont les difficultés actuelles du diagnostic néonatal d'intersexualité. Séminaire d'Endocrinologie Pédiatrique, Paris, Hôpital des Enfants Malades, 19-20 janvier 1998. REFERENCES 6. Sultan Ch, Savage MO. Intersex states. In: Clinical Endocrinology. Second Edition. Ed. by Ashley Grossman 1998, Chapter 58 : 795-809. 7. Sultan Ch, Montoya F, Paris F, Lumbroso S, Belon C, Galifer RB, Dumas R. Management of ambiguous genitalia in the newborn. Oxford Textbook of Endocrinology, 2000. 1. Pereira ET, De Almeida JC, Gunha AC, Patton M, Taylor R, Jeffery S. Use of probes for ZFY, SRY and the Y pseudoautosomal boundary in XX males, XX true hermaphrodites, and an XY female. J Med Genet 1991; 28 : 591-5. 8. Dénes FT, Cocuzza MA, Schneider-Monteiro ED, Silva FA, Costa EM, Mendonca BB, Arap S. The laparoscopic management of intersex patients: the preferred approach. BJU Int 2005 ; 95 : 863-7. 2. Kucheria K, Mohapatra I, Taneja N, Gupta DK, Ammini AC. Genetic heterogeneity in true hermaphrodite. A report of two cases. J Reprod Med 1994 ; 39 : 550-2. 9. Wilson EE, Vuitch F, Carr BR. Laparoscopic removal of dysgenetic gonads containing a gonadoblastoma in a patient with Swyer syndrome. Obstet Gynecol 1992 ; 79: 842-4. 3. McElreavey K, Rappaport R, Vilain E, Abbas N, Richaud F, Lortat-Jacob S, Berger R, LeConiat M, Boucekkine C, Kucheria K, Temtamy S, Nuhoul-Fekete C, Brauner R, Fellous M. A minority of 46, XX true hermaphrodites are positive for the Y-DNA sequence including SRY. Hum Genet 1992 ; 90 : 121-5. 10.Gomel V. From microsurgery to laparoscopic surgery: a progress. Fertil Steril 1995 ; 63 : 464-8. 11. Ulbright TM. Testis risk and prognostic factors. The pathologist’s perspective. 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