La culture de la concurrence : La démonstration par la preuve

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La culture
de la concurrence :
La démonstration
par la preuve Bruno Lasserre
Président
Autorité de la concurrence
La concurrence est une notion ancrée dans le champ des libertés politiques. Le constat
de la corrélation entre, d’une part, le développement de la libre concurrence dans le
champ économique et, d’autre part, les avancées des libertés publiques et de la démocratie, « organisation de la concurrence pacifique pour l’exercice du pouvoir » (R. Aron,
Introduction à la philosophie politique. Démocratie et révolution, Éditions de Fallois,
1997) a plus d’une fois été fait.
Ainsi, en France, la politique de concurrence a été inaugurée par l’avènement de la
liberté du commerce et de l’industrie. C’est à l’époque de la Révolution, en 1791, que
la loi a supprimé les « jurandes et maîtrises » et les « corporations », associations de
personnes exerçant le même métier, qui en réglementaient l’exercice à l’échelle de
chaque ville, et ainsi permis à chacun de s’établir dans la profession de son choix. Plus
près de nous dans le temps, l’Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, s’est
attachée corrélativement à recouvrer un régime démocratique et à démanteler les anciens
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La culture de la concurrence : La démonstration par la preuve trusts. En Corée du Sud, le processus de démocratisation intervenu au cours des
années 1980, rompant avec un régime autoritaire, a dans le même temps démantelé
les conglomérats, les chaebols. Alors en effet que la concentration du pouvoir économique est susceptible d’être maintenue par un pouvoir autoritaire, dans une confusion
entre oligarchies économique et politique, l’accès partagé aux ressources productives
et la liberté d’initiative économique accompagnent le plus souvent l’émergence d’une
offre politique diversifiée et la distribution du pouvoir.
La concurrence, comme les institutions démocratiques, procède de l’idée de pluralité,
mais aussi de loyauté dans la confrontation. Quand la démocratie a pour principe « le
respect des règles » et « offre aux citoyens le maximum de protection contre les abus
de pouvoir » (ibid.), de même la concurrence doit se déployer dans le respect de l’ordre
public économique, afin de permettre aux acteurs économiques d’être préservés de
tout abus de la part des compétiteurs en situation dominante.
La régulation concurrentielle : Corriger et convaincre
Dans ce contexte, la question pertinente paraît consister autant à rechercher « à quoi
sert la concurrence » qu’à démontrer à quoi sert la régulation concurrentielle.
En France, c’est le même texte – l’ordonnance du 1er décembre 1986 – qui a instauré
la liberté des prix et établi une autorité indépendante chargée de la régulation concurrentielle, dans un mouvement par lequel l’État, lors du passage à une économie de
marché, a remis entre les mains des opérateurs économiques le pouvoir de déterminer
leur stratégie et leur politique commerciale, en même temps qu’il s’est défait de celui
de contrôler leur comportement, compétence dévolue à une autorité indépendante. Cet
arbitre impartial, et ainsi légitimé à l’égard des acteurs économiques, a la charge de
rappeler les règles et de les faire respecter, par l’arme de la sanction – instrument ultime
de la crédibilité du régulateur – et par le soft power qu’est la pédagogie de la concurrence.
L’Autorité de la concurrence est en effet souvent désignée comme le « gendarme » de
la concurrence, mais il serait plus juste d’évoquer son rôle d’« avocate » de la concurrence – qui fait écho, sans la traduire parfaitement, à la notion anglo-saxonne d’advocacy. La régulation concurrentielle ne se résume pas, en effet, à l’exercice du pouvoir
de sanction des pratiques anticoncurrentielles ou du contrôle des concentrations, quelque
fortement qu’ils contribuent à la visibilité du régulateur. La fonction consultative,
exercée à l’endroit des entreprises ou des pouvoirs publics, joue un rôle complémentaire et essentiel en amont, car elle contribue à limiter les restrictions de concurrence
liées aux réglementations et elle éclaire les entreprises sur les risques concurrentiels,
en leur permettant de jouer la carte de la conformité. La fonction consultative a du
reste été, historiquement, le premier pilier de la régulation concurrentielle : exercée
en France dès 1953 par la Commission technique des ententes, confirmée en 1977 lors
de la création de la Commission de la concurrence, puis ayant donné son nom au
« Conseil » de la concurrence en 1986, elle a été renforcée par la loi de modernisation
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de l’économie du 4 août 2008, qui a conféré à l’Autorité le pouvoir d’autosaisine en
matière consultative.
Avocat, le régulateur concurrentiel est aussi arbitre, au sens sportif du terme : sans être
dénué du pouvoir de sanctionner, il veille d’abord au respect de la règle en intervenant
dans l’intérêt du collectif de jeu, du bon déroulement de la partie, sans entraver la
vigueur des joueurs, mais en coupant court aux actions non conformes, et en maintenant le fair-play sur le terrain.
Ce faisant, dans l’exercice de cette mission de maintien ou de restauration de l’animation concurrentielle des marchés – sur le mode répressif comme sur le mode préventif –
à destination des opérateurs économiques et des décideurs publics, il incombe au
régulateur indépendant d’expliquer inlassablement quels sont les bénéfices de la
concurrence. En d’autres termes, c’est le rôle du régulateur de démontrer, non pas
seulement par argument d’autorité mais par la preuve, « à quoi sert la concurrence ».
Diffuser la culture de la concurrence :
Contexte, obstacles et succès
Cette mission de diffusion d’une culture de la concurrence ne va pas de soi, car à
l’endroit de la concurrence, le cœur des Français ne se gagne pas aisément !
Si de fait, chez nos voisins allemands, la régulation de la concurrence s’est, il y a plus
de cinquante ans, et pour des motifs d’ordre historique, imposée d’évidence et pratiquement tout d’un bloc, sans que sa légitimité vienne à être contestée, en France, la
culture de la concurrence a procédé d’une construction graduelle et patiente, au long
de laquelle le Conseil puis l’Autorité de la concurrence n’ont eu de cesse de porter le
message des bénéfices de la concurrence.
La France de l’après-Seconde Guerre mondiale s’est reconstruite sur l’idéal de la
protection assurée par l’État-providence. Le consensus politique qui s’est alors formé
a établi une plateforme de droits sociaux qui ont durablement façonné le référentiel
politique français, si bien que l’interventionnisme économique qui a accompagné cette
phase a pu finir par être perçu comme faisant partie intégrante de cet environnement
protecteur.
La réforme radicale introduite par l’ordonnance du 1er décembre 1986 a pu advenir
parce qu’elle s’est inscrite dans un contexte macroéconomique facilitant ce basculement
vers une économie de marché. Mais si une rupture franche a ainsi été marquée sur le
plan des institutions, l’environnement dans lequel le régulateur de la concurrence a eu
à déployer l’exercice de ses compétences est resté marqué par un doute sur les vertus
de la concurrence. Cette inquiétude a notamment pu prospérer sur le sentiment diffus
de l’atteinte à un certain « modèle français » causée par l’ouverture à la concurrence,
dans un jeu de rôle où les gouvernements français ont été parfois enclins à la désigner
comme une fatalité imposée par Bruxelles plutôt qu’à l’assumer et la promouvoir
comme une chance pour accroître le bien-être du consommateur.
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La culture de la concurrence : La démonstration par la preuve Ce dernier n’est certes pas insensible aux avantages de la concurrence, ou du moins
consent à un mariage de raison. Un sondage conduit en 2011 à la demande de l’Autorité observe ainsi que la concurrence évoque une notion positive pour 81 % des
personnes interrogées, non seulement quant à ses effets sur le choix des biens et services,
leur prix, leur qualité, mais également en tant qu’elle est un gage de compétitivité. Il
existe donc un indéniable progrès de la culture de la concurrence en France au cours
de la période récente. Cet attachement s’est par exemple manifesté à l’occasion du
récent débat sur la réglementation applicable respectivement aux taxis et aux véhicules
de tourisme avec chauffeur, au cours duquel, en dépit de la surface médiatique dont
dispose la profession de taxi, l’opinion s’est majoritairement rangée du côté des
nouveaux entrants, dans un contexte où les ruptures technologiques viennent au soutien
du mécanisme par lequel la concurrence rend du pouvoir aux consommateurs.
Cependant, si le consommateur est convaincu, pour le citoyen et le salarié, le cœur n’y
est pas. Les Français sont soucieux des effets de la concurrence à court terme sur le
tissu économique et, partant, sur l’emploi, et ce doute se retrouve chez les décideurs
publics, qui peuvent se défier de la dynamique concurrentielle. Celle-ci est par principe
disruptive des positions établies et, en recomposant de nouveaux équilibres, occasionne
une phase de transition qui peut être inconfortable, et dont il est naturel que les décideurs
politiques la redoutent comme facteur de mécontentement de l’opinion. En période de
crise, le mouvement ainsi imposé par le jeu concurrentiel peut susciter d’autant plus
de réticences que l’accompagnement budgétaire requis pour surmonter les rigidités
empêchant certains acteurs de tirer parti des nouvelles opportunités est restreint. Une
politique de concurrence est plus facile à mener en période de croissance, lorsque les
amortisseurs budgétaires sont mobilisables, mais il serait dangereux d’en déduire que
la concurrence ne « sert » que dans un contexte d’affluence, et que la régulation
concurrentielle doit s’effacer quand les indicateurs économiques sont à la peine. Ainsi,
non seulement il incombe continûment au régulateur concurrentiel d’exposer et de
prouver à quoi sert la concurrence, mais il lui appartient également de démontrer que
ses bénéfices ne s’évanouissent pas en période de crise.
La concurrence, au service de tous, tout le temps
Si la mise en œuvre des règles de concurrence peut faire des gagnants et des perdants,
la concurrence n’a pas d’ennemi : tous les acteurs économiques ont à gagner à un jeu
concurrentiel ouvert et équitable. Le droit de la concurrence est d’abord un droit au
service de la compétitivité, en ce qu’il permet aux entreprises de jouer à armes égales,
si bien que les producteurs en tirent autant bénéfice que les consommateurs.
Si en effet chacun se convainc aisément que les cartels sont dommageables pour les
consommateurs finals, ils sont également nuisibles à leurs auteurs, en figeant leur
stratégie, agissant comme une désincitation à l’innovation et maintenant des prix
artificiellement élevés qui, à terme, les pénalisent ; ils sont enfin dommageables aux
autres entreprises, en augmentant le prix des produits intermédiaires et donc les coûts
de production pour les entreprises en aval, souvent des PME. De même, les entreprises
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sont les premières à souffrir des conséquences des abus de position dominante, qui
peuvent entraver l’entrée sur le marché d’acteurs innovants, ou brider le développement
des PME. C’est pourquoi le contrôle du respect des règles de concurrence ne peut être
relâché durant les périodes d’atonie économique, au motif que les entreprises auraient
besoin d’un environnement moins sévèrement concurrentiel pour maintenir leur
profitabilité en ces temps difficiles : leur capacité à tirer parti de la sortie de crise serait
anéantie si, dans l’intervalle, elles avaient été mises à l’abri de la pression concurrentielle, et l’on ne saurait décourager l’entrée de nouveaux acteurs innovants précisément
durant une phase où le dynamisme de l’activité fait défaut. Il a par exemple été
abondamment démontré que l’expérience américaine de mise en sommeil de la politique
de concurrence au cours des années 1930 durant la période dite du « New Deal »
(National Industrial Recovery Act de 1933) a eu pour effet de prolonger la crise, en
retardant les restructurations.
Des bénéfices tangibles et mesurables,
fruit d’une action ciblée
Le premier outil dont dispose l’Autorité pour sauvegarder ou rétablir l’ordre public
économique, et ainsi soutenir la compétitivité, consiste en son pouvoir de sanction,
qu’elle dirige en priorité contre les pratiques les plus dommageables. L’Autorité a ainsi
poursuivi et sanctionné des ententes dans le secteur de la téléphonie mobile (2005) ou
celui des lessives (2011), qui ont eu un impact négatif direct sur le pouvoir d’achat des
consommateurs, mais également des cartels qui ont entraîné un surenchérissement des
coûts supportés par les entreprises, en particulier les PME, dans le secteur du travail
temporaire (2009), des commissions interbancaires (2010), ou des intrants de la filière
chimique (2013).
Pour démontrer à quoi sert la concurrence, il n’est guère de meilleur argument que
celui qui consiste à établir un chiffrage du surcoût généré par ces ententes. Il existe
une abondance d’études économiques visant à établir une estimation chiffrée du surprix
moyen associé à la mise en œuvre d’un cartel, un consensus semblant se dégager autour
d’un renchérissement moyen de l’ordre de 20 %, voire supérieur (v., par ex., J. Connor
et Y. Bolotova [2006], Cartel Overcharges: Survey and Meta-Analysis, International
Journal of Industrial Organization, 24, pp. 1109-1137, et J. Connor et R. Lande [2006],
The Size of Cartel Overcharges: Implications for U.S. and EU Fining Policies, Antitrust
Bulletin, 51, pp. 983-1022. V. égal. E. Combe et C. Monnier [2011], Fines Against
Hard Core Cartels in Europe: The Myth of Over Enforcement, Antitrust Bulletin, 56,
pp. 235-275, et E. Combe et C. Monnier [2012], Les cartels en Europe, une analyse
empirique, Revue française d’économie, vol. XXVII, octobre 2012). Ainsi, il a été
concrètement établi que le démantèlement du cartel de la signalisation routière (2010)
avait conduit à une chute des prix, alors que les pratiques d’entente sanctionnées, ayant
couvert l’ensemble du territoire national pendant près de dix ans, avaient affecté les
ressources publiques, au détriment des collectivités locales et de l’ensemble des
contribuables, du fait de la surévaluation artificielle du montant des offres retenues. Il
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La culture de la concurrence : La démonstration par la preuve en est de même du cartel de la restauration des monuments historiques (2011), les prix
des prestations fournies par les entreprises mises en cause ayant baissé de plus de 20 %
en moyenne après la fin de l’entente, qui avait faussé le jeu de la concurrence sur la
quasi-totalité des chantiers lancés dans les régions concernées. Dans l’affaire dite « des
chèques » (2010), il a pu être estimé que, sur l’ensemble de la période concernée, pour
chaque centime de commission interbancaire sur le traitement des chèques répercuté
par les banques, les clients remettants avaient supporté une charge de 220 millions
d’euros. Un an plus tôt, dans sa décision sur le secteur du travail temporaire, l’Autorité
avait évalué, comme hypothèse la plus basse et en se fondant sur les données fournies
par les entreprises, le surprofit total généré par l’entente à 44 millions d’euros et le
manque à gagner pour les travailleurs, en raison de la perte sèche d’emploi d’intérimaires liée à l’entente entre les agences, à 20 millions d’euros.
De même, en matière d’abus de position dominante, l’Autorité intervient pour lutter
contre des pratiques dont la nocivité est avérée, en ce qu’elles freinent l’innovation ou
empêchent que de nouveaux acteurs entrent sur le marché. En sanctionnant Orange et
SFR pour avoir commercialisé des offres favorisant les seuls appels passés sur leur
propre réseau de téléphonie mobile et dont les effets fidélisants étaient susceptibles de
marginaliser le troisième opérateur, Bouygues Télécom (2012), en condamnant la
SNCF pour avoir entravé l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché du fret ferroviaire (2012), ou encore en infligeant à Sanofi-Aventis une amende de plus de
40 millions d’euros pour avoir établi une stratégie de dénigrement à l’encontre des
génériques de l’un de ses médicaments phares (2013), l’Autorité fait œuvre utile et
démontre que la régulation concurrentielle sert à tous : aux entreprises, aux consommateurs, à l’équilibre des comptes publics.
Cette action ciblée sur les pratiques les plus dommageables à l’économie et à ses acteurs
s’exerce tout autant par la fonction consultative. Avis rendu aux pouvoirs publics ou
conclusions issues d’une enquête sectorielle constituent un moyen particulièrement
utile pour orienter les comportements des entreprises, valoriser des gisements d’innovation et de croissance, détecter des blocages – et proposer des recommandations qui
sont autant de leviers pour la compétitivité. Il en est à l’évidence d’autant plus ainsi
dans le cas où l’Autorité use de sa faculté d’autosaisine, qui lui permet de déterminer
ses propres priorités.
Là encore, il ne suffit pas de se payer de mots : le bénéfice issu du rôle consultatif des
autorités de concurrence pour libérer la croissance et accroître le pouvoir d’achat des
consommateurs a été démontré, et quantifié. On en prendra pour exemple, s’agissant
d’un avis rendu en 2007 sur saisine du gouvernement, le cas de la réglementation en
matière d’urbanisme commercial, qui gouverne les conditions d’installation des grandes
surfaces. L’Autorité a estimé que le cadre législatif existant avait érigé des barrières à
l’entrée sur les marchés de la distribution, ce qui avait eu pour conséquence de favoriser
la concentration du secteur. En l’espèce, des économistes (M. Bertrand and F. Kramarz
[2002], Does Entry Regulation Hinder Job Creation? Evidence from the French Retail
Industry, The Quarterly Journal of Economics, MIT Press, vol. 117(4), pp. 1369-1413)
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ont déterminé que l’environnement restrictif de concurrence qui avait prévalu sous
l’empire des lois dites « Royer » et « Raffarin » avait été à l’origine d’une perte
d’emploi de l’ordre de 10 % dans ce secteur en France, et d’une hausse des prix de
détail au détriment des consommateurs. Le législateur a suivi, par étapes successives,
certaines des préconisations de l’Autorité.
Agissant cette fois de sa propre initiative, l’Autorité a ouvert en 2011 une enquête
sectorielle concernant les pièces détachées et la réparation automobile ; ayant fait le
constat d’une importante hausse des prix, et après une investigation approfondie, elle
a recommandé la levée progressive du monopole des constructeurs sur les pièces
détachées « visibles » (pare-chocs, rétroviseur, etc.), et invité à une réforme des textes
en vue de permettre aux équipementiers de commercialiser plus librement les pièces
de rechange. Outre qu’elle a ciblé ce secteur au regard du poids des dépenses associées
à l’automobile (12 % du budget des ménages), l’Autorité a entendu quantifier le
bénéfice pour les consommateurs qui résulterait de la mise en place de la « clause de
réparation » préconisée, laquelle conduirait à une baisse des prix moyens des pièces
visibles de 6 à 15 % – l’Autorité ayant par ailleurs pris soin de relever qu’il s’y adjoindrait un gain net d’emplois liés au développement des ventes à l’étranger des équipementiers français permis par cette ouverture.
Ces avis ont un impact structurant sur le marché non seulement en conséquence de
l’inflexion du comportement des opérateurs et des évolutions normatives qui en sont
issues, mais aussi au regard de leur portée dans le débat public, qui concourt fortement
à la diffusion d’une culture de la concurrence. Ainsi, l’analyse conduite par l’Autorité
dans l’avis défavorable qu’elle a émis sur le projet de décret réglementant l’activité
des véhicules de tourisme avec chauffeur, qui soulignait que le texte introduirait des
distorsions de concurrence injustifiées, a été reprise par le juge des référés du Conseil
d’État dans sa décision de suspension de ce texte, et a reçu un large écho dans les
médias et auprès du grand public.
Conclusion
S’il s’opère ainsi une appropriation grandissante des bénéfices de la concurrence et de
l’intérêt à ce qu’un régulateur indépendant veille à sa préservation, la diffusion effective de la culture de la concurrence ne pourra qu’encore progresser à mesure que les
consommateurs, mieux avisés de leurs droits, s’empareront des nouveaux moyens de
les faire respecter qui leur sont conférés par l’action collective en réparation. À l’échelle
européenne et nationale, les textes se mettent en place afin de leur garantir que, bien
qu’atomisés et détenteurs le plus souvent de réclamations d’un quantum modeste, ils
puissent obtenir l’indemnisation du préjudice causé par des pratiques anticoncurrentielles – contribuant ainsi à ce qu’ils ne se demandent plus, à l’avenir, « à quoi sert la
concurrence ».
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La culture de la concurrence : La démonstration par la preuve Biographie
Bruno Lasserre est membre du Conseil d’État – la Cour suprême de l’ordre administratif
français – qu’il a intégré en 1978, à la sortie de l’ENA (promotion Mendès France). Après
huit années passées au Conseil d’État, il a rejoint en 1986 le ministère des postes et
télécommunications, au sein duquel il a exercé les fonctions de directeur de la réglementation générale, puis de directeur général des postes et télécommunications. Au cours de
cette période, il a développé et mis en œuvre une réforme globale du secteur des télécommunications français qui a abouti à sa libéralisation complète et à la mise en place d’une
autorité de régulation indépendante. Il est retourné au Conseil d’État en 1998, où il a
présidé la 1ère sous-section, avant d’occuper, de 2002 à 2004, les fonctions de présidentadjoint de la section du contentieux. Membre (1998-2004) puis président (2004-2009) du
Conseil de la concurrence, il a œuvré à une réforme fondamentale de cette institution,
devenue en 2009 l’Autorité de la concurrence. Il préside l’Autorité depuis lors, et a été
nommé en mars 2014 pour un second mandat.
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