ATLAS D’ACCES LIBRE EN CHIRURGIE ORL ET
CERVICO-FACIALE
Laryngomalacie Pierre Fayoux
La laryngomalacie est définie par un
collapsus inspiratoire des structures supra-
glottiques. L’incidence n’est pas connue
mais elle représente la première cause de
stridor, estimée entre 45 à 75% des étiolo-
gies de stridor.
La physiopathologie reste incertaine et les
mécanismes impliqués sont probablement
multiples et associés. On évoquera des
causes anatomiques avec un positionne-
ment anormal de l’épiglotte ou des replis
ary-épiglottiques courts, une chondromala-
cie, une immaturité musculaire intrinsèque,
un reflux gastro-œsophagien, un retard
développement de l’innervation laryngé,
ou une altération du reflexe laryngé.
Quelle qu’en soit l’origine, l’obstruction
supra-glottique va générer une augmen-
tation des résistances respiratoires, nécessi-
tant une augmentation des efforts inspira-
toires, majorant à leur tour le collapsus
supra-glottique.
Symptomatologie
La laryngomalacie est avant tout marquée
par un stridor d’apparition rapide à la
naissance généralement dans les 15
premiers jours. Le stridor est isolé, parfois
associé à un cri étouffé ou tirage sus-
sternal. Il disparait ou diminue lors des
pleurs. Le stridor présente une évolution
particulière dans le cadre de la laryngo-
malacie, marquée par une aggravation
progressive jusqu’à 4 à 8 mois suivi d’une
régression jusqu’à 18 mois. La symptoma-
tologie disparait totalement avant l’âge de
deux ans, sauf dans de très rares cas ou le
stridor peut persister, notamment à l’effort.
La laryngomalacie est fréquemment asso-
ciée au RGO (23 à 100%), à d’autres
anomalies de l’arbre respiratoire (7 à
51%), et plus rarement des d’anomalies
syndromiques (Tri 21, CHARGE, cardio-
pathie, 22q11…) et des troubles neurolo-
giques. Dans ces derniers, on pourra obser-
ver une pharyngo-laryngomalacie qui asso-
cie un collapsus pharyngé et des troubles de
déglutition.
Les anomalies associées sont plus fréquentes
dans les formes graves de laryngomalacie.
Les signes de gravité sont liés à l’obstruc-
tion supra-glottique et s’observent dans 10 à
20% des cas (Tableau 1).
Signes clinique d’obstruction respiratoire haute
Bradypnée inspiratoire
Hypoxie - Hypercapnie
Apnées, pauses respiratoires, tirage intercostal,
respiration superficielle
Difficultés alimentaires, stagnation pondérale
Pâleur, sueurs
Tachycardie, HTA, bradycardie, malaise
Tableau 1 : signes cliniques de gravité
d’une dyspnée haute
Diagnostic
Le diagnostic de laryngomalacie repose sur
la fibroscopie laryngée qui permet d’établir
le diagnostic en objectivant le collapsus
supra-glottique. La fibroscopie permet
d’évaluer l’importance de l’obstruction, de
rechercher des anomalies associées sur la
filière, et d’éliminer un diagnostic différen-
tiel (Tableau 2). La fibroscopie doit être
réalisée dans des conditions de sécurité
notamment si l’enfant est dyspnéique ou en
cas de franchissement du plan glottique.
En cas de doute diagnostic ou de signe de
gravité, une endoscopie laryngo-trachéale
sous anesthésie générale doit être réalisée.
L’aspect endoscopique est variable et
plusieurs classifications ont été proposées
mais ces dernières n’ont pas un grand intérêt
pratique. On distinguera des formes anté-
rieures avec une épiglotte enroulée ou une
bascule postérieure de l’épiglotte, des
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formes postérieures avec un collapsus des
massifs aryténoïdiens, des replis arpi-
glottiques (RAE) courts, et enfin des
formes globales associant les 3 formes
précédentes (Figures 1 à 4).
Bruit inspiratoire (Stridor)
Paralysie laryngée Ankylose
Sténose sous-glottique et trachéale haute
Angiome sous-glottique
Kystes laryngés et pharyngés congénitaux
Diastème
Tumeurs pharyngées et laryngées
Autres malformations laryngées
Bruits aux 2 temps
Pathologie trachéale : trachéomalacie,
compressions vasculaires, sténoses, tumeurs
Obstruction pharyngée : hypotonie vélopharyn-
gée, glossoptose, tumeurs pharyngées ou para-
pharyngées
Bruits expiratoires
Lésions trachéales basses: sténoses, trachéoma-
lacie distale, compression vasculaire (APGA),
tumeurs
Obstructions bronchiques
Tableau 2 : diagnostic différentiels
Figure 1 : Laryngomalacie antérieure :
Endoscopie retrouvant un enroulement
important de l’épiglotte sur elle-même.
Dans ces formes, il existe habituellement
un collapsus latéro-latéral de l’épiglotte
lors de l’inspiration, majorant l’obstruc-
tion respiratoire
Figure 2 : Laryngomalacie antérieure
Fibroscopie montrant un collapsus postérieur de
l’épiglotte lors de l’inspiration.
Figure 3 : Laryngomalacie postérieure
Aspect endoscopique d’une laryngomalacie
postérieure montrant un collapsus antérieur des
massifs aryténoïdiens lors de l’inspiration.
Figure 4 : forme latérale : Aspect endosco-
pique montrant un excès muqueux aryté-
noïdien et des replis ary-épiglottiques
courts. Lors de l’inspiration, on observe un
collapsus latéral de la margelle
Aucune imagerie n’est utile au diagnostic
positif, mais un bilan radiologique orienté
peut être utile en cas de malformations
associées des voies respiratoires.
Une fois le diagnostic confirmé, il est néces-
saire d’évaluer la tolérance de l’obstruction,
cette dernière guidant la prise en charge.
Cette évaluation recherchera les signes
cliniques de gravité d’une dyspnée aigue
(Tableau 1), mais surtout les signes de
dyspnée chronique tels que la rétraction
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thoracique, l’hypotonie, le fractionnement
alimentaire et la stagnation pondérale.
Sur le plan paraclinique, l’enregistrement
cardio-respiratoire en continu (ECR) re-
cherchera une tachycardie et une hypoxie.
Elle sera complétée par une gazométrie qui
recherchera une hypercapnie. En cas de
signes cliniques de gravité et de normalité
de l’ECR et de la gazométrie, une
polysomnographie pourra objectiver une
augmentation de résistance des voies
respiratoires ainsi qu’un syndrome d’ap-
nées. En cas d’obstruction chronique avé-
rée, une échographie cardiaque permettra
d’éliminer une hypertension artérielle
pulmonaire.
Parmi les autres examens qui peuvent être
utiles, un bilan du RGO sera demandé
notamment en cas de signes digestifs
associés, ainsi qu’un bilan orienté et un
avis génétique en cas de contexte syndro-
mique ou d’atteinte neurologique.
Prise en charge
Il est indispensable de rassurer les parents,
d’expliquer l’évolution et de mettre en
place un suivi clinique et si nécessaire
fibroscopique jusqu’à la fin de la phase
d’aggravation (4 à 6 mois).
Un traitement par inhibiteur de pompe à
proton est prescrit systématiquement en
cas de signes digestifs, signes de gravité,
aspect endoscopique de RGO.
En cas de signe de gravité (cf infra), un
bilan de tolérance doit être demandé afin
d’objectiver le retentissement. En cas de
forme grave avérée, et après correction des
cofacteurs pouvant majorer la
symptomatologie (RGO, infections…), un
traitement chirurgical peut être proposé.
Traitement chirurgical
De nombreuses techniques endoscopiques
décrites :
Aryépiglottoplastie et Supraglottoplas-
tie (Figures 5 et 6): il s’agit d’un geste
large consistant à réséquer l’excès
muqueux aryténoïdien ainsi que les
replis aryépiglottiques en remontant sur
les bords latéraux de l’épiglotte
Figure 5 : exemple de supra-glottoplas-
tie : Après exposition du larynx en
suspension, réalisation d’une résection
de l’excès aryténoïdien au laser et
section de l’épiglotte sus-hyoïdienne.
Dans ce type de résection large, le
respect des replis ary-épiglottiques
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permet de réduire le risque de sténose
vestibulaire en évitant la fusion des
zones cruentées aryténoïdiennes et
épiglottiques
Ces techniques sont proposées dans les
formes globales avec un collapsus
important. Ces techniques exposent à
un risque de sténose vestibulaire par
rétraction des zones cruentées. Ce
risque est diminué si on préserve une
zone muqueuse dans la gion des
replis aryépiglottiques ce qui permet
d’éviter la fusion des zones cruentées
épiglottiques et aryténoïdiennes.
Figure 6 : exérèse de l’excès muqueux
aux instruments froids : Dans le cas
présent, le patient a être intubé en
raison des difficultés ventilatoires
L’excès muqueux aryténoïdien est
réséqué aux instruments froids
Section des Replis ary-épiglottiques :
dans les formes par RAE courts, la
section simple des RAE permet un
élargissement satisfaisant de la margelle
laryngée
Section unilatérale : Afin de réduire le
risque de sténose, certains auteurs ont
proposé la réalisation d’un geste unila-
téral. Ce geste expose néanmoins à un
risque plus élevé d’échec, notamment
dans les formes globales
Epiglottopexie Epiglottoplastie (Fig-
ure 7): Dans les formes antérieures, une
fixation de l’épiglotte sur la base de
langue est réalisée après avivement de la
muqueuse valléculaire. En cas d’enrou-
lement important de l’épiglotte sur elle-
même, la réalisation de points en U sur
la face linguale d’épiglotte, d’un bord
latéral à l’autre, permet d’ « ouvrir »
cette dernière
Figure 7 : Epiglottoplastie : Le geste dé-
bute par un avivement de la muqueuse
de la face linguale d’épiglotte. Un point
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en U de Vicryl 4.0 est placé sur la face
linguale, prenant ancrage dans les
bords latéraux de l’épiglotte. Le
serrage du point permet d’ouvrir
largement la filière épiglottique
Quelle que soit la technique utilisée, le
geste est réalisé sous anesthésie générale,
en ventilation spontanée ou jet-ventilation.
Si la situation respiratoire est précaire, une
intubation peut être nécessaire mais va
compliquer le geste en gênant l’accès au
larynx.
L’anesthésie est préférentiellement réalisée
par voie intraveineuse.
Après induction, une anesthésie locale du
larynx à la xylocaïne est réalisée. Un tube
nasopharyngé est placé afin de favoriser
l’oxygénation du patient pendant l’inter-
vention.
L’intervention débute par une endoscopie
laryngotrachéale qui confirme le diagnos-
tic, évalue la forme anatomique et élimine
une malformation laryngotrachéale asso-
ciée. Un laryngoscope adapté à la taille de
l’enfant en mis en suspension pour exposer
le larynx.
Selon la forme anatomique, le geste com-
portera un traitement de la composante
postérieure, de la composante antérieure,
ou les deux.
Une injection IV de corticoïdes (Solu-
médrol 1mg/Kg) est administrée durant
l’intervention afin de prévenir l’œdème
post-opératoire.
En fin d’intervention, le site opératoire est
badigeonné au sérum adrénaliné
(1mg/5ml).
L’enfant est réveillé extubé, sauf si la
situation respiratoire est difficile à contrô-
ler. Dans ce cas, une ventilation non inva-
sive ou une intubation peut être requise
pour une durée de quelques heures à
quelques jours.
Contre-indications au traitement chirur-
gical
Troubles neurologiques avec pharyngo-
malacie
Troubles de déglutition sévères avec
fausse-routes
Malformation crânio-faciale limitant
l’exposition laryngée
Malformations laryngotrachéales asso-
ciées. Dans ce cas, un traitement chirur-
gical des différentes sions doit être
envisagé si cela est possible
En cas de contre-indication, la prise en
charge des formes graves de laryngo-
malacie pourra nécessiter la réalisation
d’une ventilation non invasive ou d’une
trachéotomie
Suites post-opératoires
Le traitement postopératoire comportera une
corticothérapie générale pendant 48 heures,
une corticothérapie inhalée pendant 7 à 10
jours, la poursuite du traitement par IPP
(Esoméprazole 1 à 2 mg/kg/j) pendant au
moins 1 mois ainsi qu’un traitement antalgi-
que pendant les premiers jours.
L’alimentation per os peut être reprise deux
heures après réveil si l’état respiratoire le
permet.
Le retour à domicile est possible dès
l’autonomie alimentaire et la disparition des
critères de sévérité. La durée moyenne
d’hospitalisation est comprise entre 3 jours
et 3 semaines.
La cicatrisation est évaluée par l’examen
fibroscopique habituellement pratiqué après
3 à 4 semaines.
Le taux de succès du traitement chirurgical
est de 80 à 100 % des cas.
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