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Nous remercions la revueAmerican Scientist de nous avoir autorisés
à publier cet article.
Ca ro l y n PORC O
m è ne ses recher c hes à l’Ins titut de scien c e spatia le
de Boulder, dans le Colorado. Professeur à l’Université du Colorado, à
Boulder, elle dirige le
CICLOPS
(Cassini Imaging Central Laboratory for
Operations).
CICLOPS
: www.ciclops.org
Mission Cassini-Huygens :
www.esa.int/SPECIALS/Cassini-Huygens/index.html
Carolyn Porco
Depuis sa mise en orbite autour de Saturne il y a plus de trois ans,
le vaisseau spatial Cassini a réalisé une moisson d’images inédites
de l’atmosphère de la planète géante, de ses anneaux et de ses lunes.
Visite guidée au royaume du seigneur des anneaux.
Cassini : 1 000 jours
autour de Saturne
Cassini : 1 000 jours
autour de Saturne
Photographies à haute résolution : CICLOPS/ NASA/JPL/Ins-
titut d’études spatiales. Images radar: NASA/JPL. Images
du spectropgraphe infrarouge VIMS: NASA/JPL/Université
de l’Arizona. Images de la sonde Huygens:
ESA/NASA/JPL/Université de l’Arizona.
e premier juillet 2004, après un voyage de
sept ans à travers l’espace interplanétaire ,
le vaisseau spatial aricain C a s s i n i (vue d’ar-
tiste ci-contre, en haut), accompagné de la s o n d e
e u ropéenne H u y g e n s , s’insérait sur son orbite
autour de la planète Saturne. Dix fois plus
éloigné du Soleil que la Te r r e, cet engin de
près de sept mètres de longueur est depuis lors le pre m i e r
satellite artificiel de Saturne et l’avant-poste robotisé le plus
lointain établi par l’humanité. Six mois plus tard, la sonde
H u y g e n s, larguée par C a s s i n i, a plongé dans l’atmosphère
de Titan, la plus grande lune de Saturne, et photographié ce
nouveau monde pendant deux heures et demie avant de se
poser sur les sombres plaines équatoriales de Titan. Specta-
c u l a i re pre m i è r e, l’atterrissage d’un dispositif construit par
l’homme sur un corps céleste du Système solaire externe est
aussi une aventure digne de Jules Ve r n e .
Au début des années 1980, les sondes Pioneer et Voya-
ger avaient certes déjà visité le système saturnien, mais la
mission Cassini est différente. La mise en orbite prolongée
autour de Saturne nous a apporté une compréhension que
seule permet une exploration systématique et de longue
durée. Les résultats sont à la hauteur des espérances. Les
images récoltées, les explorateurs en auraient rêvé ; elles
sont stupéfiantes et informatives. Et Cassini n’a sans doute
pas fini de nous surprendre.
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Astronomie
Pourquoi explorer Saturne ? Hormis le fait
que c’est la plus étrange des planètes du Sys-
tème solaire externe, on soupçonne que les pro-
cessus qui se roulent au sein des anneaux
sont les mêmes que ceux en œuvre dans le disque
de poussière et de gaz qui a donné naissance au Sys-
me solaire, ou dans les disques protoplanétaires ou galac-
tiques. Ainsi, en étudiant les anneaux de Saturne, les scientifiques
améliorent leur compréhension des disques dans l’Univers. L’ i m a g e
ci-dessous est une mosaïque de 36 vues prises par C a s s i n i à
une distance de 1,23 million de kilomètres de la planète géante.
Pour visualiser le côté obscur des anneaux, l’hémisphère éclairé
de la planète a été volontairement surexposé. On y distingue
l’ombre des anneaux. Ils sont composés d'innombrables parti-
cules de glace et de poussière, dont la taille varie de celle d’un
grain de poussière à celle d’une maison. Bien que ces particules
tournent jusqu’à 64 000 kilomètres par heure autour de Saturne,
chacune sur une orbite propre, les collisions violentes sont presque
inexistantes. Les anneaux sont stabilisés depuis bien long-
temps. En conséquence, ils sont très minces – quelques mètres
d’épaisseur pour des dizaines de milliers de kilomètres de rayon
dans le cas des anneaux internes. D’un point de vue mathéma-
tique, les anneaux matérialisent avec précision le plan d’équi-
libre gravitationnel autour de la planète.
Les anneaux de Saturne sur le devant de la scène
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46 © POUR LA SCIENCE - 360 OCTOBRE 2007
Les anneaux sont principalement composés de particules de glace
d’eau, mais les délicates irisations observées indiquent qu’elles
sont contaminées par des matériaux variés, notamment des sili-
cates ou des oxydes de fer (a et c). Chaque anneau a des carac-
ristiques propres. L’anneau central
B
est le plus massif. L’ a n n e a u
extérieur
A
est ponctué de nombreuses irrégularités causées par
les lunes, tandis que l’anneau intérieur
C
est très transparent. Il
est possible que chacun d’entre eux ait une origine et un âge dif-
f é r e n t s ; tous pourraient être bien plus jeunes que la planète elle-
même, et n’avoir que quelques centaines de millions d’années
seulement. Les lunes situées dans les anneaux (ou à proximité)
les perturbent par leur influence gravitationnelle (voir page 4 8 ).
Les plus massives des lunes plongées dans les anneaux, telles
que Pan et Daphnis, creusent un sillon pérenne sur leur orbite
ou engendrent des vaguelettes dans les anneaux voisins. Les plus
petites lunes, parfois à peine plus massives que les plus gros
blocs des anneaux, y créent des interstices éphémères. Les anneaux
principaux sultent sans doute de la destruction catastro-
phique d’une ou de plusieurs lunes préexistantes et de l’érosion
des restes en particules de plus en plus petites sous l’effet des
collisions. Les petites lunes portent peut-être la marque de ce
phénomène. L’anneau extérieur
F
( b ) est le plus déformé ; C a s-
s i n i a montré qu’il est constitué d’un anneau central déformé en
permanence par l’action d’un de ses satellites bergers, Promé-
te, peuttre également aidé par des centaines d’autres
petites lunes indiscernables présentes en son sein.
Depuis qu’il a largué la sonde Huygens, le vaisseau Cassini a effectué environ 45 révolutions autour de Saturne selon des trajec-
toires variées. Il a couvert quatre nouvelles lunes Méthone, Pallène, Polydeuces et Daphnis ainsi que plusieurs nouveaux
anneaux. Certains de ces anneaux coïncident avec les orbites des lunes, comme Pallène et les lunes qui partagent la même orbite
Janus et Epiméte, tandis que d’autres sont enchâssés dans les anneaux principaux. Les anneaux s’étalent sur un rayon de
480000 kilomètres, et les lunes majeures, jusqu’à Japet, sur un rayon de 3,5 millions de kilomètres. Phœbé appartient au groupe
des satellites extérieurs irréguliers, bien plus distants. Les anneaux sont désignés par des lettres correspondant à leur ordre de décou-
verte. Dans le tableau ci-dessus, les anneaux et les lunes sont représentés en tailles relatives, hormis les plus petites d’entre elles.
Des sillons et des vagues
a
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© POUR LA SCIENCE -Astronomie
Une atmosphère active
Cassini a atteint Saturne pendant l’hiver boréal de cette planète.
De fon surprenante, si l’habituelle couleur sable de ses
nuages persistait au Sud, elle avait disparu au Nord, remplacée
par un pâle bleu ciel. La raison de ce changement est toujours
inconnue, mais les astronomes supposent que, sous l’influence
des basses températures hivernales, les nuages se forment plus
profondément dans l’atmosphère et sont par conséquent moins
visibles. L’atmosphère de Saturne présente d’autres mystères.
Le spectro-imageur infrarouge de C a s s i n i (
V I M S
) a révélé, au pôle
Nord, une étrange structure hexagonale ( d ) . La couleur rouge,
indiquant la chaleur, implique que cette zone est globalement
dégagée de nuages. Dans les latitudes moyennes de l’hémisphère
Sud, on aperçoit l’énorme tempête électrique dite du dragon (e).
Sur cette vue en fausse couleurs, le rouge indique les nuages de
faible altitude et le gris et le blanc ceux de haute altitude. Cas-
s i n i a montré que cette tempête est une puissante source d’ondes
radio, semblable aux perturbations radio causées par la foudre
sur Terre. Ces décharges électrostatiques avaient dé é
détectées par les sondes Voyager, mais n’avaient pu être expli-
quées à l’époque. Au pôle Sud, C a s s i n i a découvert un tour-
billon ressemblant à un cyclone ( f ) , formé dun vaste œil
entoude murs de nuages de 75 kilomètres de hauteur. Ce
phénomène n’a jamais été observé sur une autre planète. Dans
cette tempête géante, d’un diamètre d’environ 8 000 kilomètres,
les vents soufflent jusqu’à 550 kilomètres par heure.
b
c
d
e
f
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Des lunes grandes et petites
En juin 2007, les astronomes ont identifié sur les clichés pris
par Cassini une petite lune, dénommée provisoirement Franck,
qui porte à 60 le nombre de satellites de Saturne. Dans les anneaux
et dans leurs divisions gravitent des petites lunes aux formes irré-
gulières, telles Pan, Atlas, Daphnis ou Pandore (a, b, c et d). Daph-
nis est située dans la division dite de Kepler de l’anneau
A
et, à
l’instar de ses consœurs, elle affecte ce dernier. Son influence
gravitationnelle rend les orbites des particules du bord de la
division de Kepler excentriques, ce qui engendre des ondes
dans l’anneau
A
en amont et en aval de la lune (c). Les systèmes
dynamiques formés par ces petits satellites insérés dans un sillon
au sein d’un vaste disque de matière sont les meilleurs modèles
réduits directement observables des disques de poussière et de
gaz autour d’autres étoiles où se forment des planètes. La forme
et la densité de chacune de ces petites lunes suggèrent qu’elles
se sont formées par accrétion de matériau autour d’un noyau plus
dense, sans doute un vestige de la collision qui a détruit le corps
à l’origine de l’anneau, puis qu’elles ont grandi jusqu’à devenir
assez massives pour creuser une séparation dans les anneaux.
Les gros satellites de Saturne, tel Dioné, avec son diamètre
de 1 123 kilomètres ( e ), sont grêlés par les impacts qu’ils subis-
sent depuis des millions d’années. Le vestige le plus specta-
culaire est le cratère de Herschel, large de 130 kilomètres, à
la surface de Mimas, dont le diamètre n’est que de 396 kilo-
m è t r e s ( j ). Ces lunes sont en grande partie constituées de glace
d’eau, entourant dans certains cas un noyau rocheux. Rhéa,
d’un diamètre de 1 529 kilomètres (f, devant les anneaux de
S a t u r n e ), présente, comme Dionée, des fractures brillantes peu
marquées. Sur Japet ( h ) , une lune de 1 471 kilomètres de dia-
mètre, on observe un glissement de terrain à la base d’une
falaise de 15 kilomètres de hauteur marquant le bord d’un grand
bassin d’impact. Une faille de 65 kilomètres de largeur court
sur les trois quarts de la circonférence de thys (1 066 kilo-
mètres de diamètre) ( g ). Elle résulte peut-être d’une fracture
de la croûte après la solidification de l’intérieur de la lune. De
tous les satellites de Saturne, Hypérion est assurément celui
dont l’aspect est le plus étrange ( i ) : sa surface, couverte de
cratères anormalement bien préservés, lui confère une appa-
rence d’éponge. D’une longueur de 270 kilomètres, c’est le plus
gros satellite irrégulier connu.
a
ef
g h i
j
b
d
c
© POUR LA SCIENCE - 360 OCTOBRE 2007
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