L
ES CHEMINS DE L
’
INTERSUBJECTIVITE
J. Tryssesoone, « Les chemins de l’intersubjectivité dans la philosophie de Husserl », Bulletin d’analyse phénoménologique, II/5, octobre 2006, p. 3-76
5
phénoménologie transcendantale, nous aurons l’occasion de remar-
quer que ce chemin n’est ni unique ni définitif. C’est bien plutôt le
dynamisme de la phénoménologie, la créativité de son père fondateur
que nous aurons l’occasion de constater.
Cette évolution, que nous étudierons à travers quelques grands
textes husserliens, nous intéressera particulièrement dans son étroite
affinité avec l’évolution de la théorie de la réduction phénoméno-
logique. En effet, comme l’indique déjà Françoise Dastur dans sa
remarquable étude sur « Réduction et intersubjectivité »
1
, le problème
de l’intersubjectivité commence à hanter Husserl de façon de plus en
plus critique dès l’époque où il découvre la réduction phénoméno-
logique
2
. Aussi, écrit-elle, « la problématique de la réduction et celle
de l’intersubjectivité, loin d’être inconciliables, forment au contraire
une seule et même problématique »
3
. Celle-ci, fait-elle par ailleurs
voir, est sans cesse vivante, se refusant systématiquement à se laisser
fixer dans une théorie qui soit définitivement satisfaisante. Ce qui
nous porte à considérer la problématique de l’intersubjectivité, tout
autant que celle de la réduction, comme étant en constante évolution,
et cette évolution comme motivée par le jeu même de leurs mutuelles
influences. Pour le dire encore en prévision, une réduction égologique
conduit à l’intersubjectivité sous un certain angle, qui diffère
nécessairement de celui auquel mène une réduction intersubjective.
Chacune de ces réductions conduit à la phénoménologie transcendan-
tale par un parcours qui lui est propre et dont la spécificité doit
rejaillir à son tour sur la signification de la phénoménologie ainsi
atteinte. Aussi : les chemins de la phénoménologie sont-ils les
chemins de l’intersubjectivité. Réduction et intersubjectivité ont un
1 F. Dastur, « Réduction et intersubjectivité », dans Husserl, collectif sous la
direction d’É. Escoubas et M. Richir, Grenoble, Millon, 1989, p. 43-64.
2 Certains travaux récents ont montré que le problème de l’intersubjectivité se
posait déjà à l’époque des Recherches logiques. Voir en particulier B. Bouckaert,
« Le problème de l’altérité dans les Recherches logiques de Edmund Husserl »,
dans Revue philosophique de Louvain, 99/4, nov. 2001, p. 630-651 ; et B.
Bouckaert, L’idée de l’autre : La question de l’idéalité et de l’altérité chez
Husserl des « Logische Untersuschungen » aux « Ideen I », Kluwer, Dordrecht,
2003 (Phaenomenologica, 168).
3 F. Dastur, art. cit., p. 61.