pour la simple et bonne raison qu'elles sont noyées dans la lumière de leur étoile et qu'il est très complexe de "retirer"
celle-ci de l'image pour ne conserver que la lumière reflétée par la planète. Les chercheurs repèrent donc une planète
extra-solaire soit en mesurant les légers mouvements que sa masse imprime à son étoile (si elle a un compagnon,
l'étoile tourne en effet autour du barycentre du système), soit en espérant que la planète passera devant son soleil et
fera, pendant ce transit, baisser d'un chouïa sa luminosité. Dans les deux cas, on ne voit pas réellement la planète
mais on déduit sa présence.
Le cas de Fomalhaut était différent. Située à 25 années-lumière de nous, cette étoile à la fois jeune et proche est la
plus brillante de la constellation du Poisson austral. Bien avant 2008, les astronomes avaient constaté qu'elle était
entourée d'un gigantesque anneau de débris dont la géométrie particulière semblait façonnée par la présence d'une
planète géante dans les parages. Tout comme Urbain Le Verrier avait prédit par le calcul l'existence de Neptune avant
que son collègue allemand Johann Galle la repère effectivement en 1846, il fut donc théorisé en 2005 que Fomalhaut
avait un compagnon aussi gros que distant puisque l'anneau se trouve à 20 milliards de kilomètres de l'étoile. Il fallut
attendre trois bonnes années pour qu'une équipe américano-canadienne ne réussisse à voir, sur des clichés pris par
le télescope spatial Hubble, cette planète, une géante baptisée Fomalhaut b, probablement entourée d'anneaux
comme Saturne. Pour la première fois, on voyait véritablement un de ces autres mondes qu'on n'avait fait que deviner
jusqu'alors. La découverte fut publiée dans la revue Science et la vue d'artiste ci-dessus tente de nous faire imaginer à
quoi ressemble l'exoplanète.
Triomphe de l'astronomie moderne ? Pas si simple. Car, à l'université de Princeton (New Jersey), Markus Janson a
tiqué. Comme l'explique Yudhijit Bhattacharjee dans le dernier numéro de Science, ce chercheur a été surpris que la
détection de la planète ait été effectuée dans la partie visible du spectre électromagnétique. En effet, Fomalhaut B, qui
est censée voguer à plus de 17 milliards de kilomètres de son étoile, n'en reçoit qu'assez peu de lumière et, par
conséquent, en renvoie peu aussi : il eût été plus naturel de détecter son énergie thermique dans la partie infra-rouge
du spectre. Markus Janson et quelques collègues ont donc demandé du temps d'observation sur le télescope spatial
Spitzer de la NASA, spécialiste de ces longueurs d'onde. Et ils n'ont rien vu. L'article racontant cette non-détection va
bientôt paraître dans The Astrophysical Journal.
Mais, avant de l'écrire, Markus Janson a d'abord rencontré le principal "découvreur" de Fomalhaut b, Paul Kalas, de
l'université de Californie (Berkeley). Les deux hommes se sont vus en septembre 2011 dans le Wyoming à l'occasion
d'une conférence sur les exoplanètes. Pour Kalas, cette non-détection s'explique très bien : la planète est trop petite et
trop froide pour qu'on puisse, malgré la sensibilité de Spitzer, la percevoir dans les infra-rouges. En revanche, ce sont
ses anneaux qui, agissant un peu comme un miroir géant, ont renvoyé les rayons de l'étoile vers Hubble. Markus
Janson n'a pas été convaincu car, selon ses calculs, il faudrait à la fois que les anneaux soient immenses (au
minimum 2,8 millions de kilomètres, soit énormément plus que les célèbres anneaux de Saturne) et orientés de
manière à refléter la lumière stellaire pile vers nous. De plus, le mouvement de Fomalhaut b a été réanalysé
récemment et son orbite est censée traverser le disque de débris. Or si c'était le cas, le passage d'une telle planète
géante ferait rapidement le ménage et démolirait le bel agencement de ce disque.
Fomalhaut b a donc doublement du plomb dans l'aile, mais, au-delà de cette petite dispute d'astronomes autour d'une
planète qui n'existe peut-être pas, l'histoire montre avant tout comment la science avance, à petits pas, en vérifiant ce
que les prédécesseurs ont écrit, en gommant les fautes et en réécrivant une nouvelle version plus juste, mais pas
forcément parfaite. Car il reste encore à déterminer ce qu'on voyait sur les fameux clichés de Hubble. Comme
l'explique Markus Janson, "il y a certainement quelque chose dans ce système. C'est juste bien plus complexe qu'une
planète." L'étude à paraître dans The Astrophysical Journal suggère l'hypothèse d'un gros nuage de poussières issu
d'une collision de planétésimaux, des embryons de planètes...
Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)