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Introduction
La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une
maladie infectieuse ayant pour origine un
virus du genre orbivirus transmis par un
arthropode piqueur (du genre Culicoides).
Le virus de la FCO (virus bluetongue ou BTV) est
composé de 24 sérotypes. La FCO est une maladie
à déclaration obligatoire à l’Office international des
épizooties (OIE, Paris), considérée comme une
maladie majeure entravant les échanges commer-
ciaux. Jusqu’en 1998, la maladie était considérée
comme exotique avec quelques incursions histo-
riques en Espagne et au Portugal. Les premières
émergences ont été attribuées au changement
climatique avec la remontée du principal vecteur
(C. imicola).
Depuis, 6 sérotypes (1, 2, 4, 9, 16, 8) ont circulé en
Europe venant de différentes origines géogra-
phiques. En 2008, un virus de sérotype 6 fut isolé
aux Pays-Bas. Un nouvel orbivirus a été identifié
en Suisse (le Toggenburg virus). Enfin, en 2009, un
virus de sérotype 11 a été isolé en Belgique.
Le BTV est actuellement responsable en France
d’une épizootie majeure. Il faut remonter aux
derniers épisodes majeurs de la fièvre aphteuse
dans les années 70 pour rencontrer pareil fléau.
L’ampleur et la vitesse de propagation de la
maladie ont surpris, laissant les différents pays
touchés sans autre alternative que de limiter au
mieux les déplacements des troupeaux tout en
essayant d’utiliser les insecticides pour atténuer les
contaminations à des animaux sains de grande
valeur ou pour traiter les espèces non sensibles
sortant de périmètres protégés.
Le virus FCO avait déjà fait de nombreuses
incursions dans le sud de l’Europe depuis 10 ans ;
en France, la Corse a été infectée par le sérotype 2
en 2000 puis par le sérotype 4 en 2003 et par le
sérotype 16 en 2004 (Zientara et al., 2000 ; 2002 ;
Bréard et al., 2003). Pourtant, l’arrivée par le Nord
du sérotype 8 du virus (BTV8) était inimaginable
jusqu’en 2006 puisque le vecteur des «tropiques»
(C. imicola) pour cette maladie du sud n’existait
pas. Pire, le virus n’était pas supposé résister à la
période hivernale en Europe du Nord. La ré-
émergence de ce virus et sa propagation rapide
sous forme épizootique en 2007 ont donc été la
seconde surprise. La situation se complexifie
encore depuis 2007 avec la remontée depuis le
sud-ouest de la France du sérotype 1 du BTV, phé-
nomène préoccupant car pouvant favoriser l’émer-
gence de nouveaux virus après recombinaison
entre virus de sérotypes différents (BTV1 et 8 en
l’occurrence).
Le virus de la FCO
Le virus de la FCO est un représentant des
Orbivirus, famille des Reoviridae (virus à ARN
segmenté double brin non enveloppés) (Roy,
2005). La famille des Reoviridae regroupe par
ailleurs un très grand nombre de virus dont le
genre rotavirus et de nombreux virus de plantes et
d’invertébrés. Le génome du virus BTV est consti-
tué de 10 segments d’ARN codant des protéines de
structures (protéines de capside VP1-7) et des
protéines non structurales nécessaires à la
réplication du virus (NS1, 2, 3, 3A). La structure
atomique de ce virus a été déterminée en 1998
(Grimes et al., 1998).
Le virus responsable de l’épizootie 2006-2007 a été
identifié comme un variant du sérotype 8
subsaharien (Toussaint et al., 2006). Le virus BTV8,
comme les autres sérotypes, peut évoluer
génétiquement selon deux modalités :
– des mutations ponctuelles qui interviennent au
hasard de la réplication de son génome à ARN
et peuvent générer des variants viraux,
– des réassortiments avec échange de segments
homologues qui sont décrits pour les virus à
génome segmenté, en particulier les orbivirus. Il
est possible alors de voir émerger dans la
population virale des virus chimères portant des
segments d’origine différente, avec comme
conséquence une exacerbation ou une
atténuation du pouvoir pathogène. De tels
réassortiments nécessitent la présence conjointe
dans la même cellule (d’insecte vecteur ou de
ruminants sensibles) des deux types de virus
(1+8 par exemple).
Le vecteur
Le vecteur est un moucheron du genre Culicoides
particulièrement sensible aux variations clima-
tiques et au vent compte tenu de sa taille de
1,5 mm de long. Le genre Culicoides appartient à
la famille des Ceratopogonidae (diptères) qui
représente près de 40 % des insectes collectés dans
des pièges UV à proximité des fermes atteintes
(Mehlhorn et al., 2007). Ce sont les femelles qui
sont directement impliquées dans le cycle compte
tenu de leur repas de sang obligatoire avant et
après la ponte. Plus d’une trentaine d’espèces de
Culicoides sont décrites dans la transmission du
virus BTV. Des nouvelles espèces sont directement
impliquées dans la propagation de l’épizootie dans
le nord de l’Europe puisque l’espèce C. imicola
assurant 90 % des cas de transmission de la
maladie en zone tropicale n’est pas rencontrée au