(LEC) dans le traitement de la maladie de La Peyronie

ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2000), 10, 65-71
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Lithotripsie extra corporelle (LEC) dans le traitement
de la maladie de La Peyronie. Utilisation d’un lithotripteur standard
(Multiline Siemens) sur des plaques «jeunes» (moins de 6 mois)
Thierry LEBRET, Jean-Marie HERVÉ, Pierre-Marie LUGAGNE, Philippe BARRÉ,
Martine BUTREAU, Henry BOTTO
Service d’Urologie, Hôpital Foch, Suresnes, France
La maladie de La Peyronie se caractérise par une ano-
malie du tissu conjonctif de l’albuginée de la verge, qui
se traduit par une incurvation de la verge en érection,
une induration en plaque (localisée à la concavité) et
des douleurs à l’érection en phase aiguë. Le diagnostic
est essentiellement clinique. La physiopathologie de
cette maladie est mal connue, mettant en jeu une hyali-
nisation des fibres collagènes qui s’épaississent, et une
modification structurale des fibres élastiques [2]. Au
cours de la phase aiguë, qui dure entre 2 et 8 mois, la
réaction inflammatoire est maximale et la douleur à
l’érection peut être intense [12]. Aucun geste chirurgi-
cal n’est réalisable à cette phase et souvent le patient
est découragé par les traitements oraux (vitamine ou
phytothérapie) non efficaces et par les injections
locales de corticoïde, douloureuses et peu utiles.
La lithotripsie extra-corporelle (LEC) est une nouvelle
arme thérapeutique qui avait été suggérée dès 1996 par
Manuscrit reçu : janvier 2000, accepté : janvier 2000.
Adresse pour correspondance : Dr.T.Lebret, Service d’Urologie, Hôpital Foch,
40, rue Worth, 92150 Suresnes.
RESUME
Objectifs : Le traitement de la maladie de La Peyronie reste controversé. Récemment,
la LEC a été proposée pour traiter des plaques symptomatiques. Les résultats, bien
que discordants, et utilisant des critères de jugement souvent subjectifs, semblent
montrer une certaine efficacité sur les plaques «jeunes», c’est-à-dire en phase aiguë
de la maladie. Cette étude a pour but d’évaluer les résultats obtenus avec un litho-
tripteur classique (Siemens Multiline) sur des plaques apparues depuis moins de 6
mois.
Matériel et Méthode : 26 patients ont été inclus dans cette étude prospective. Ils pré-
sentaient tous une plaque douloureuse à l’érection. Sous anesthésie générale, la
plaque était palpée et injectée avec 0,5 à 2 ml de produit de contraste afin de per-
mettre le repérage radiologique. Tous les patients ont reçu 3000 impacts à puissance
7 kilo-joules en 1 séance. Ils ont tous été revus 1 mois et 3 mois après la séance de
LEC.
Résultats : La tolérance a été excellente. Parmi les 26 patients traités : 19 patients
(73%) ont décrit une diminution très nette de la douleur à l’érection, 8 (31%) ont
rapporté une diminution de la courbure à l’érection. Cette diminution n’a été objec-
tivement retrouvée (par le calque ou les photos) que pour 3 patients (11%). Sept
patients (27%) ont ressenti un assouplissement de la plaque. Parmi les patients souf-
frant de dysfonctionnement érectile, 6 (37%) ont noté une amélioration de la qualité
de l’érection objectivée par le score IIEF.
Conclusion : Il est possible d’utiliser un lithotripteur standard pour traiter les
plaques de la maladie de La Peyronies. La LEC semble avoir un effet antalgique net,
mais son efficacité sur la correction de la courbure du pénis n’est pas clairement
retrouvée dans cette étude.
Mots clés : Maladie de La Peyronie, lithotripsie extra corporelle.
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BUTZ et qui n’a réellement été proposée aux patients
que depuis 1998. Les résultats publiés semblent encou-
rageants surtout sur les plaques “ jeunes”, c’est-à-dire
lors de la phase aiguë [5, 6, 7]. Nous avons réalisé une
étude prospective pour évaluer l’efficacité et la tolé-
rance de la LEC sur des plaques apparues depuis moins
de 6 mois. Un lithotripteur standard, sans bras mobile,
(servant habituellement à la fragmentation des lithiases
urinaires) a été utilisé.
MATERIEL ET METHODE
De janvier à septembre 1999, 38 patients ont été pris en
charge dans notre service pour une maladie de La
Peyronie. Vingt-six ont été inclus dans cette étude pros-
pective, les douze autres ont étaient exclus car ils
étaient atteints depuis plus de 6 mois ou avaient déjà
subi un autre traitement auparavant.
Les critères d’inclusion étaient :
- présence d’une plaque de La Peyronie datant de
moins de 6 mois,
- existence d’une douleur à l’érection,
- absence d’antécédent d’injection locale ou de traite-
ment chirurgical.
Les critères de jugement étaient :
- la courbure de la verge à l’érection a été appréciée par
des photographies (2 plans) ou par des calques repro-
duisant les contours de la verge en érection, avant et
après la LEC,
- la quali de lérection a é évale par
l’International Index of Erectile Function (IIEF).
- l‘élasticité de la plaque a été appréciée par la palpa-
tion et la traction de la verge lors de l’examen clinique,
- la douleur à l’érection du patient a été jugée par
simple interrogatoire lors de la consultation.
- une appréciation globale a été demandée à chaque
patient.
Population
- âge moyen : 47 ans (34 – 68)
- 16 patients présentaient une insuffisance érectile
(IIEF entre 11 et 20) dont 7 avaient arrêté tout rapport
depuis l’apparition de la plaque.
- La courbure était inférieure à 30° pour 10 patients et
supérieure pour 16 patients.
Traitement
Le patient était placé en décubitus dorsal sur le litho-
tripteur Siemens Multiline puis, sous anesthésie géné-
rale (propofol, Diprivan®), la plaque était palpée et
injectée avec 0,5 à 2 ml de produit de contraste
(Radiosélectan® 76%). La verge était ensuite placée
entre les cuisses latéralement aux testicules (Figure 1).
La plaque opacifiée (Figure 2) était repérée et centrée
sous scopie avant de débuter la séance de lithotriptie.
Tous les patients ont reçu 3000 impacts à puissance 7
Kjoules. La séance de LEC était pratiquée dans le cadre
de l’hôpital de jour.
Tous les patients ont été revus 1 mois et 3 mois après la
séance de LEC.
RESULTATS
Repérage et centrage
Pour 20 patients, le repérage et le centrage de la plaque
a été facile, pour 6 patients il a été nécessaire d’utiliser
des artifices (billot sous les fesses, tractions sur la
verge, abduction de la cuisse…), afin d’obtenir un bon
centrage. Ces 6 patients avaient tous une plaque proxi-
male qui ne permettait pas de la placer aisément la
verge entre les cuisses à une profondeur de champs
adéquate. La durée moyenne de la LEC a été de 26
minutes (20-70 minutes).
Effets secondaires
Ils ont été minimes : 2 patients ont présenté une uré-
trorragie spontanément résolutive en moins dune
heure, pour 5 patients il a été constaté un hématome
cutané minime en regard de la plaque. Après la séance,
aucun patient ne s’est plaint de douleur.
Efficacité
Tous les patients ont subi une séance de LEC, 9
patients, qui avait partiellement répondu à ce premier,
traitement ont eu une deuxième séance. Lors des
consultations à 1 mois et 3 mois, il a été constaté :
- 19 patients (73%) ont décrit une diminution très nette
de la douleur à l’érection. Cet effet antalgique de la
LEC a été constaté immédiatement après la séance
(lors de la première érection après LEC) et a perduré
(consultation à 3 mois).
- 8 (31%) ont rapporté une diminution de la courbure à
l’érection. Cette diminution n’a é objectivement
retrouvée (plus de 10° sur les calques ou les photos)
que pour 3 patients (11%). Parmi ces 8 patients, 5
décrivaient une amélioration des conditions de rapports
sexuels.
- 7 (27%) patients ont ressenti un assouplissement de la
plaque. Cet assouplissement n’a pas pu être mis en évi-
dence par l’examinateur par manque de critère objectif.
T. Lebret et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 65-71
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Figure 1A. Technique de repérage. La plaque est palpée et
injectée de produit de contraste.
Figure 1B. Le pénis est placé ensuite entre les testicules et la
face interne de la cuisse.
Figure 1C. Un billot permet de maintenir la position.
Figure 2A. Par repérage radioscopique, la plaque injectée de
produit de contraste est centrée avant le début des tirs, de face
(- 10°).
Figure 2A. De profil (+ 30°).
T. Lebret et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 65-71
- Parmi les 16 patients souffrant de dysfonctionnement
érectile, 6 (37%) ont noté une amélioration de la quali-
té de l’érection. Cette amélioration a été confirmée par
un accroissement significatif de l’IIEF, augmentation
de 7,2 points en moyenne (entre 4 et 9), essentiellement
au niveau des questions portant sur l’érection, l’orgas-
me et la satisfaction de la sexualité.
Lors de la consultation 3 mois après la séance, 9 (35%)
patients se disaient satisfaits du traitement.
DISCUSSION
La LEC, bien connue des urologues pour son efficacité
à fragmenter les calculs urinaires, est également utilisée
en médecine du sport pour les tendinites (en particulier
les épicondylites), en rhumatologie pour les calculs des
péri-arthrites scapulo-humérales (P
ASH) et également
en stomatologie pour la fragmentation des concrétions
calcaires des glandes salivaires. Pour ces utilisations,
des lithotripteurs spécifiques ont été mis au point afin
de permettre l’utilisation d’un bras mobile mettant la
source de fragmentation au contact de la peau, en
regard de la lésion à traiter. Deux modèles sont actuel-
lement commercialisés : le “Minilith” de chez Storz et
le “Lithostar overhead” de chez Siemens. C’est ce type
de lithotripteurs (LT), avec repérage échographique,
qui a généralement déjà été utilisé pour tenter de frag-
menter et d’assouplir les plaques de la maladie de La
Peyronie [1, 4, 5, 6, 7, 9, 10]. Ce LT est spécifique,
rare, et peu d’urologues peuvent y avoir accès. Il nous
est donc apparu important d’étudier l’effet d’un LT
classique (non équipé d’un bras mobile) dont nous nous
servons quotidiennement pour traiter les calculs uri-
naires. Le repérage scopique (par injection de produit
de contraste dans la plaque), utilisé dans notre série, est
original et n’a, semble-t-il jamais été pratiqué aupara-
vant. Cette technique s’est avérée pratique et efficace.
Pour chacun des 26 patients de cette étude, l’injection a
été simple et le repérage scopique facile. Elle permet,
de plus, de traiter des plaques jeunes généralement dif-
ficiles à bien individualiser par échographie. Lorsque la
plaque était proximale (racine de la verge), il était
nécessaire de placer celle-ci avec une légère traction,
afin d’avoir une profondeur de champ suffisante.
Les résultats obtenus par la LEC et rappors dans la lit-
térature, sont discordants (Tableau 1) car, en fait, de nom-
breux paratres propres à la maladie influencent les
résultats (âge de la plaque, degré de calcification, locali-
sation, dysfonction érectile assoce). De plus, la tech-
nique utilisée varie : en fait, la réaction physique théra-
peutique est créée par la différence de pression générée
dans le fluide dans lequel passe londe de choc. Les
lésions ainsi créées dans le tissu trai dépendent donc du
nombre d’impacts et de la puissance énergétique. Or, ces
deux paramètres varient d’une série à l’autre et rendent
donc la comparaison plus difficile. Enfin, les critères de
jugement ont trop souvent é subjectifs.
En fait, l’efficacité doit être jugée pour différents
symptômes :
- Effet antalgique sur la douleur à l’érection,
- Correction de la courbure
- Assouplissement de la plaque
- Amélioration de la qualité de l’érection.
L’effet antalgique sur la douleur à l’érection
La douleur, présente en phase aiguë, est un symptôme
souvent décrit par les patients, et, a pour conséquence
de perturber la sexualité, allant jusqu’à être une cause
d’abstinence. La plupart des auteurs s’accordent à
retrouver un réel bénéfice de la LEC pour plus de 70%
des patients [4, 5, 9, 10]. Cet effet antalgique de la LEC
est probablement comparable à celui obtenu sur les
PASH, et semble être expliqué par une destruction des
terminaisons sensitives à l’origine de la sensation de
douleur (récepteur à la douleur) associée à une amélio-
ration de la vascularisation locale et à une modification
des radicaux libres [6]. L’effet placebo peut être discu-
té car, en effet, dans la plupart des cas, l’histoire natu-
relle de la maladie de La Peyronie nous a appris que
cette douleur disparaissait spontanément en 6 mois.
Dans notre étude, l’effet antalgique imdiat et
constant obtenu juste après la séance, tend à démontrer
qu’il s’agit bien d’une conséquence bénéfique propre à
la LEC. A ce stade aigu où l’inflammation est maxi-
male, aucun traitement n’avait auparavant réellement
fait la preuve de son efficacité. La LEC semble donc
être une nouvelle arme thérapeutique efficace.
La correction de la courbure
La correction de la courbure de la verge est probable-
ment le premier symptôme motivant la consultation du
patient. Cette courbure est à la fois une source d’anxié-
té, mais surtout un frein physique et psychologique au
coït. Les traitements médicaux sont inefficaces. Seule,
la chirurgie permet par plicature de l’albuginée de
redresser l’érection au prix d’une diminution de lon-
gueur de la verge, et avec un risque de créer un trouble
d’érection par atteinte neuro-vasculaire. Cela explique
probablement l’engouement à rechercher une méthode
non invasive pour traiter ce symptôme. Les résultats
publiés sur la LEC sont très discordants. En fait, les
bons résultats font état d’une amélioration de la dévia-
tion de 10 à 25° pour plus de 50 % des patients étudiés
[4, 9]. GIANNEO et LERICHE rapportent des résultats
meilleurs avec respectivement 9 et 11% de réaligne-
ment parfait de la verge en érection [5, 9]. Pour ces
deux études, il s’agissait de plaques calcifiées datant
souvent de plus d’un an, le traitement comportait entre
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4 à 10 séances de LEC. En comparaison, les résultats de
notre série sont beaucoup plus décevants, 31 % des
patients ont estimé avoir une amélioration de cette
courbure, mais seulement 3 patients ont eu une modifi-
cation de leurs calques ou de leurs photographies (cor-
rection supérieure à 10°). La différence peut s’expli-
quer par la nature de la plaque, le type de LT et le
nombre de séances, c’est-à-dire la quantité d’impacts
délivrés. Dans notre étude, la plaque était encore à la
phase inflammatoire et probablement moins calcifiée.
Contrairement à lhypothèse de HA U C K [6], il ne
semble pas que les meilleures corrections de courbure
soient obtenues sur ces plaques jeunes. La LEC est plus
efficace lorsque la calcification est plus importante
comme le pensait MIRONE [6].
Le type de LT peut également influencer les résultats.
Toutes les études publiées jusqu’à présent, utilisaient
un appareil muni d’un bras mobile qui permet une
application directe en regard de la plaque. Il sera donc
nécessaire de réaliser une étude comparative pour
savoir s’il s’agit là d’un simple artifice technique qui
rend les manœuvres plus simples ou d’un réel progrès
technique qui contribue à améliorer le résultat. De
même, le nombre d’impacts nécessaires reste empi-
rique. Dans notre étude, le nombres de choc était moins
important (une seule séance pour la plupart des
patients) mais grâce à l’anesthésie générale, la puissan-
ce était supérieure (7 Kjoules).
L’assouplissement de la plaque
Ce critère est difficile à juger. En effet, l‘effet de la trac-
tion sur la verge, en cas de plaque de La Peyronie, est
difficile à apprécier. Dans cette étude, il est probable-
ment regrettable qu’aucun critère objectif n’ait été utili-
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Tableau 1. Comparaison de l’efficacité et de la tolérance de la LEC sur les symptômes de la maladie de La Peyronie.
Séries nAugmentation Diminution Disparition Disparition Amélioration Effets
lithotripteur de l’élasticité de la courburede la courburede la douleur de l’érection secondaires
Hauck [6] 20 NE Moyenne : 0 0 non Hématurie
Storz Minilith de 43° à 38° Irritation
SL 1locale
Sauter [11] 15 47% 60% NC 77% 42% NC
Dornier Epos
Ultra Device
Colombo [4] 90 72% 25% NC 94% 1 urétrorragie
Storz Minilith
SL1
Gianneo [5] 153 53% 50% 9% 96% 62% 1 urétrorragie
Storz Minilith 1 hématome
SL1
Michel [9] 25 NE 76% NC 93% 20% Hématome
Storz Minilith de 58° à 47% hématurie
SL1
Mirone [10] 57 57% 77% NC 89% 76% NC
Storz Minilith verapamil
SL1
Leriche [7] 35 51% 51% 11% NE 63% NC
Storz Minilith
SL1
Abdel-Salam [1] 24 NE 42% 17% 59% NE NC
Siemens over
head module
Lithostar
Présente série 26 27% 31% 073% 37% 5 hématomes
Siemens 2 urétrorragies
Multiline
NC : non communiqué, NE : non évalué.
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