projet de these 2010 BIOEMCO - Université Paris-Est

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Titre du projet de thèse: Rôle des interactions sol-bactéries liées au cycle de l’azoteoligochètes dans la résilience des écosystèmes contaminés au mercure
Directeur de thèse : Noureddine BOUSSERRHINE (BIOEMCO-IBIOS)
Demande de dérogation pour encadrement de thèse.
sous couvert du Pr. Evelyne GARNIER-ZARLI
Résumé
Ce projet propose une approche intégrative et totalement novatrice d’évaluation de l’impact
d’une pollution mercurielle dans les écosystèmes terrestres, en utilisant notamment la
diversité des microorganismes et leurs activités comme biomarqueurs de la qualité et de la
stabilité de l’écosystème sol. Le projet explore, en faisant appel aux théories de l’écologie, des
voies de réponse concernant la capacité des sols à retrouver l’équilibre après un stress
environnemental ainsi que le rôle de la macrofaune (oligochètes) dans ce processus de
résilience.
Contexte scientifique
Cette proposition de thèse est une initiative pluridisciplinaire (microbiologie, géomicrobiologie, écologie du sol,
biologie moléculaire) dont la particularité est d’aborder le problème de la pollution par les métaux lourds sous
l’angle de l’écologie du sol et des interactions sol-microorganismes-macroorganismes. Ce projet de thèse a le
double objectif d’aborder des questions fondamentales innovantes (impact du mercure sur la diversité
phylogénétique et la résilience fonctionnelle des microorganismes liés au cycle de l’azote) et appliquée
(bioremédiation d’écosystèmes pollués à l’aide de macroorganismes ingénieurs). Le mercure a été récemment
reconnu comme un contaminant majeur par la commission européenne (EC-1881/2006 amending regulation CE466/2001).
Ce projet bénéficie donc de l’apport de nombreux projets ou réseaux européens cherchant à évaluer la
contamination dans les sols (Base de données de l’INRA, D. Baize ; Programme mercure en Guyane I et II),
mais il propose d’aborder du point de vue innovant de l’écologie du sol cette problématique. Il sera appuyé par le
une ANR déposée en 2010 « INTERCONNECT » dans le cadre de l’AP ANR-CES (contaminant Ecosystèmes
santé) impliquant différents partenaire et dont le porteur est le directeur de thèse proposé (Noureddine
BOUSSERRHINE)
Problématique
Le mercure est un constituant naturel de l’écorce terrestre et peut être libéré dans l’environnement. A cette
source naturelle, s’ajoutent différentes sources anthropiques. Selon un rapport du Programme des Nations Unies
pour l’Environnement (2003), les activités industrielles seraient responsables de plus de 70% des émissions dans
l’atmosphère. Une autre source de pollution réside dans son utilisation pour l’extraction artisanale d’or et
d’argent dans les pays du sud. Les sols et les sédiments sont reconnus comme les principaux compartiments de
stockage du mercure dans les écosystèmes terrestres et aquatiques (1) et son transfert vers les milieux aquatiques
anaérobies peut conduire à une méthylation par voie bactérienne. La bioamplification du méthyl-mercure ainsi
formé (forme la plus toxique) et sa bioaccumulation le long des chaînes alimentaires engendrent des problèmes
environnementaux et sanitaires majeurs, qui touchent aussi bien les écosystèmes tropicaux que les zones
urbaines tempérées. Les risques liés aux métaux lourds dans les sols dépendent beaucoup de leur spéciation et de
leur biodisponibilité, propriétés elles-mêmes sous le contrôle des propriétés physico-chimiques des sols (2, 3) et
l’action des microorganismes. Aussi, la biodisponibilité du mercure dépendra de tous les facteurs biotiques et
abiotiques capables de modifier son état d’oxydation ainsi que la stabilité de ses phases porteuses (oxydes de fer,
matières organiques).
La contamination des sols par les métaux lourds est susceptible d’induire des perturbations dans les processus
microbiologiques impliqués dans le cycle des nutriments, en affectant la diversité et l’activité des
microorganismes du sol (4, 5). Dans le cas du mercure, les travaux de Harris-Hellal et al. (4) menés sur des sols
Guyanais ont montré qu’une forte pollution par le mercure entraînait une modification durable de la structure des
communautés bactériennes mais que la résilience fonctionnelle était rapide. Ces études ont cependant été
réalisées au niveau des communautés totales alors que différents auteurs suggèrent que l’effet de stress est peu
visible à ce niveau (6, 7). Un impact négatif des métaux lourds sur les processus enzymatiques du cycle de
l’azote a le plus souvent été rapporté (8-10). Les composés mercuriels inorganiques sont connus pour avoir un
effet fortement inhibiteur sur Azotobacter (fixateur Natm) et sur les bactéries nitrifiantes (11). Ce constat fait des
bactéries du cycle de l’azote de bons candidats pour une évaluation fine de l’impact du stress métallique.
Les vers de terre, macroorganismes ingénieurs ubiquistes du sol, sont connus pour modifier les propriétés
physico-chimiques et influencer la distribution et l’activité des microorganismes du sol. Dans les sols pollués, ils
affectent la distribution des métaux en relocalisant les hot-spots métalliques (12, 13), en modifiant le pH (14) et
en augmentant leur disponibilité suite à la décomposition de la matière organique. Ils influencent également le
flux des métaux par l’activation des microorganismes produisant des substances acido-complexantes capables de
solubiliser les métaux (15-18). Bien qu’il ne fasse aucun doute que l’activité des vers de terre puisse moduler les
flux du mercure et sa disponibilité dans les sols, aucune étude à notre connaissance n’a abordé cet aspect à ce
jour. Les interactions entre microorganismes et vers de terre font également de ces derniers des agents de la
régulation du recyclage des nutriments. Les vers jouent un rôle important dans le cycle de l’azote en stimulant la
croissance des communautés nitrifiantes (19, 20) et dénitrifiantes (21). Ils augmentent significativement la
nitrification et la dénitrification dans les sols contaminés par le zinc (15, 17). L’effet des vers de terre sur les
communautés liées au cycle de l’azote reste cependant totalement à déterminer dans les sols contaminés par le
mercure.
A l’heure actuelle, les facteurs régulant la stabilité microbienne (e.g. résistance et résilience) sont très peu
connus. Dans ce contexte, ce projet propose une approche intégrative visant à caractériser les boucles
d’interactions existant dans les sols pollués au mercure, en insistant tout particulièrement sur l’impact du métal
sur la diversité et les fonctions des bactéries totales du sol, et celle des bactéries du cycle de l’azote en
particulier.
Objectifs de la thèse
Le doctorant étudiera la réponse bactérienne au stress engendré par la contamination au mercure dans les sols, au
niveau fonctionnel et au niveau de la structure des communautés, en présence ou non des oligochètes (vers de
terre spp.) pour tenter de répondre aux questions suivantes :
1) Comment le stress lié à la contamination par le mercure affecte-t-il la diversité et la fonction des
communautés bactériennes totales, nitrifiantes et dénitrifiantes ? Quelles sont les modalités de
résilience/résistance microbiennes ?
2) La présence de vers de terre permet-elle de restaurer une diversité ou des fonctions éventuellement perdues et
donc la résilience du système ?
3) Quel est l’impact en retour de ces interactions sur la spéciation et la biodisponibilité du mercure, et la relation
entre la variation de cette biodisponibilité et les processus observés ?
Résultats et valorisation attendus
Ce projet de thèse propose des nouvelles voies de recherche concernant l’impact des polluants sur les activités
biologiques dans le sol. Il offre des aspects particulièrement innovants car l’effet du mercure a été peu étudié en
relation avec les fonctions microbiennes. Ce projet explore des voies de réponse sur la capacité des sols à
retrouver l’équilibre après un stress environnemental en faisant appel aux théories d’écologie microbienne
(résistance et résilience d’un écosystème). Il permettra de lier les processus microbiens observés à la
biodisponibilité du mercure et ouvrira des pistes pour l’exploitation des acteurs biologiques dans la régulation
des flux du mercure dans les sols. L’approche pluridisciplinaire abordera aussi bien des questions d’écologie des
sols fondamentale que des problèmes environnementaux et sanitaires. Ce projet devrait permettre la publication
de plusieurs articles dans des revues internationales de 1er rang.
Programme prévisionnel et méthodologie
- Un site avec un gradient de contamination au mercure ou deux sites (un site contrôle non contaminé et un site
avec des propriétés pédologiques semblables, mais une concentration importante en mercure) seront choisis et
échantillonnés : la composition physico-chimique sera déterminée, notamment les teneurs et la nature des
matières organiques et des oxydes de fer. Le mercure total sera quantifié. La connaissance de l’équipe pour des
sols tropicaux contaminés (Guyane française par ex.) orientera probablement l’échantillonnage vers ce type de
sol.
- Les microcosmes seront constitués d’au moins deux sols auxquels différentes modalités seront appliquées :
contamination initiale au mercure, contaminations successives, présence ou non de vers de terre. Les
microcosmes seront répliqués de manière à pouvoir sacrifier les échantillons et les analyser, pour 3 répétitions, à
T0, T15 jours, T30, T45, T60, T90 et T120.
- La diversité fonctionnelle totale sera étudiée sur plaques Ecolog (4). Le dénombrement des bactéries
nitrifiantes et dénitrifiantes sera réalisé par NPP. Les potentiels de nitrification et de dénitrification et les
différentes formes d’azote seront mesurés (22, 23).
- La biodisponibilité du mercure sera appréhendée par des méthodes chimiques (5) et biologiques avec un
biosenser (24). La spéciation sera réalisée (18, 25).
- L’évolution de la diversité moléculaire microbienne totale et liée au cycle de l’azote, et leur capacité de
résilience et/ou d’adaptation au stress métallique seront abordées par DGGE. L’amplification, clonage et
séquençage des gènes MerA et MerB pourra également être réalisée afin d’évaluer l’impact des différentes
modalités expérimentales sur la résistance au mercure des communautés et son évolution.
- Les prélèvements de sols, couplés aux données de terrain (histoire et paramètres de la contamination),
permettront dans un deuxième temps d’envisager l’analyse in situ de l’effet du mercure sur les populations
bactériennes.
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Le taxon des oligochètes (ou Oligochaeta) est une sous-classe des annélides (classification complète : règne
animal - eumétazoaires - triploblastiques - cœlomates - protostomiens - annélides). Le terme provient du latin,
oligo (peu ) chète (soies).
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