Lecture analytique 2 - Victor HUGO (1802-1885), Les Contemplations(1856)
« Elle était déchaussée, elle était décoiffée »
Question : Comment la rencontre amoureuse est-elle mise en scène ?
Introduction
Présentation de l’auteur : (à développer : Victor Hugo, chef de file du romantisme, dramaturge,
romancier et poète)
Présentation du poème : Poème extrait des Contemplations, recueil écrit en exil, comportant deux
parties : « Autrefois » et « Aujourd’hui ». La mort de Léopoldine, fille de V. Hugo, trace la frontière
entre ces deux mondes. « Elle était déchaussée, elle était décoiffée » est le vingt et unième pme
de la première partie. Composé de quatre quatrains en alexandrins, il évoque une rencontre
amoureuse au sein d’une nature accueillante.
Lecture
Reprise de la question et annonce du plan : Victor Hugo évoque cette rencontre en sugrant
l’harmonie entre les personnages et la nature et en mettant en relief la réciprocité de l’attirance
I – l’harmonie entre les personnages et la nature
a) Les personnages
La jeune fille est caractérisée par un aspect naturel de jeune sauvageonne. Ce personnage
féminin est assez mystérieux. Il n'est pas nommé, simplement désigné par le pronom personnel
« elle », par les expressions répétitives « la belle folâtre » v. 11 et « La belle fille heureuse » v. 15.
L’anaphore du sujet « elle » (v. 1, 5, 9 et 10) souligne son importance.
Le personnage masculin est d'abord évoqué par le pronom personnel tonique de la première
personne : « moi », à l’initiale du vers 3. Il s'agit du poète. Il est, comme souvent dans les poèmes
de V. Hugo, un passant, un promeneur « Moi qui passais par là ».Il est surtout celui qui maîtrise le
regard et la parole. Il va être le seul à parler dans le texte. La même expression est répétée deux
fois : « Et je lui dis » v. 4 et 7, vers dans lesquels la césure est à la quatrième syllabe : moment de
suspens
Les rôles sont ainsi nettement délimités : la beauté est féminine, la parole est masculine.
b – le naturel d’une sauvageonne
La jeune fille est à peine décrite : deux traits la caractérisent : le naturel et la beauté
- insistance sur la négation, vers 1 : « déchaussée », « décoiffée » ; les termes sont mis en
valeur par leur place similaire dans les deux hémistiches:
« Elle était déchaussée,// elle était décoiffée »,
ainsi que par la similitude des sonorités et le préfixe identique image de désordre, de naturel
- cette image de désordre et de naturel continue au vers 2 par l’emploi de l’expression « pieds
nus » et sera reprise à la fin du texte par « ses cheveux dans les yeux »
- la jeune fille est caractérisée par des termes soulignant la fantaisie, l’indépendance, la
liberté : « folâtre », « effarée et sauvage »
ces expressions traduisent le charme de la jeune fille dont la beauest soulignée trois fois : « la
beauté » v.6, « la belle folâtre » v. 11 et « la belle fille » v. 15
c) intégration dans une nature simple
- la jeune fille est perçue comme une « fée » v. 3 aussi belle et simple que la nature. Elle semble
faire partie de cette nature : chaque fois qu’elle est mentionnée, c’est en relation avec la nature :
v. 2 : elle est « assise (…) parmi les joncs penchants » ;
v. 9 : «elle essuya ses pieds à l’herbe de la rive »
v. 14 : « dans les grands roseaux verts » ;
- les deux exclamations des vers 12 et 13 : « Oh ! comme les oiseux chantaient », « comme l’eau
caressait » insistent sur l’harmonie entre les protagonistes et la nature. Tout appelle à l’amour
comme le souligne la personnification : « l’eau caressait doucement le rivage» v. 13
- cette intégration est soulignée par les réactions du narrateur qui associe constamment l’invitation
à l’amour à l’ environnement : v. 4 « Veux-tu t’en venir dans les champs », v. 8 « Veux-tu nous en
aller sous les arbres profonds ».
- toute la scène se déroule dans une grande simplici : rien n’est artificiel, la beauté de la jeune fille
appelle l’invitation à l’amour, la nature apparaît comme un cadre accueillant. La simplicité même du
lexique souligne cette atmosphère, tout comme les répétitions aux allures de refrains « veux-tu » .
II – la réciprocité de l’attirance
a- Du masculin et du féminin
Le thème du texte est la rencontre entre deux personnages : un « elle » qui représente la
féminité et un « je » qui est le poète. Au fil du poème, se dessine une attirance réciproque et une
importance égale, que révèle le jeu des pronoms :
Premier quatrain :
vers 1 et 2 : « elle » sujet
vers 3 et 4 : « je » sujet / « elle » complément » puis destinataire du message « veux-tu »: « Moi »,
« je » / « je » « lui » / « veux-tu »
deuxième quatrain
vers 5 et 6 : « elle » sujet » / « me » complément
vers 7 et 8 : « je » sujet / « elle » complément puis destinataire du message « veux-tu »
troisième quatrain
vers 9, 10, 11 : « elle » sujet cette strophe lui est totalement consacrée et correspond à un
moment de pause, de réflexion : « devint pensive »
quatrième quatrain
vers 14 : « je » sujet
vers 15, 16 : « la belle fille » complément
b - L'échange des regards
L'échange des regards est toujours essentiel dans la scène de rencontre. Le regard est ici
présent dans chacun des quatrains. On constate que le regard est réciproque : « je crus voir une
fée » v. 3, « elle me regarda » v. 5, « elle me regarda pour la seconde fois » v. 10, « je vis venir »
v. 14. L'insistance sur le regard comme vecteur de la rencontre passe par la répétition du verbe
regarder et du verbe voir : « je crus voir » v. 3 et « Je vis venir » v. 14 et des termes de la même
famille « regard » v. 5
La même allitération en « v » aux vers 3 et 4 unit le verbe voir (c'est-à-dire le regard ), le
verbe vouloir ( c'est-à-dire le désir ) et le verbe venir ( c'est-à-dire l'accord ) et montre la rapidité
de la séduction amoureuse
c - La scène d'amour
La rencontre entraîne l'invitation « Veux-tu t'en venir dans les champs ? »au vers 4,
invitation reprise aux vers 7 et 8 : « veux-tu » et « Veux-tu nous en aller ». Cette invitation
ambiguë est éclairée par la riphrase : « le mois où l'on aime », par l'allusion « les arbres
profonds », par le tutoiement amoureux aux vers 4, 7 et 8, par l’emploi du pronom « nous » au vers
8 : « Veux-tu nous en aller ». Le verbe triompher au vers 6 ne laisse aucun doute sur l'issue de la
scène.
Le poème se conclut sur l’accord de la jeune fille : l’enjambement des vers 14 et 15 mime
son mouvement vers le poète et sur l’évocation du bonheur « La belle fille heureuse » , « riant au
travers »
Les alexandrins sont fréquemment coupés à l’hémistiche, l’harmonie du vers répondant ainsi
à celle de la scène décrite : vers 1, 3, 5, 9, 14 et 16 ; de même, les assonances en « a » et en
« oi », en « en » et en « on », en « è » et en « é », en « eu » assurent une musicalidouce à cette
évocation d’un moment heureux.
Conclusion
Ainsi ce pme évoque-t-il une scène de rencontre heureuse, un beau souvenir. Alliant la
nature aux sentiments et sensations, Victor Hugo nous offre une scène printanière, riante et gaie
simplicité et liberté sont complices.
Ici le thème du regard ne se dissocie pas de celui de l’amour mais contrairement au poème
de Louise Labé, il est synonyme de réciprocité.
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