INTRODUCTION
Une « Grande alliance » de l’oligarchie rouge de la Chine et du management des firmes multinationales : est-ce
possible, en quoi cela peut-il nous concerner ?
L’Europe est dans le marasme ; on pourrait presque dire qu’elle est « l’homme malade du monde » ; les Etats-Unis,
le Japon et même bon nombre de pays émergents se débattent, eux aussi, dans des difficultés plus ou moins fortes.
Contraste étonnant : la Chine aux inégalités particulièrement criantes étale une insolente croissance. Ces évolutions
très différentes les unes des autres ne sont pas indépendantes ; il y a un lien entre elles : le commerce international et
ses déséquilibres. Le monde d’aujourd’hui est marqué par le mercantilisme, celui de la Chine en tout premier lieu qui,
grâce à des pratiques protectionnistes agressives que le reste du monde a la faiblesse de tolérer, réalise de façon
récurrente d’énormes excédents commerciaux qui sont la contrepartie des déficits de ses partenaires. L’Allemagne
aussi réalise de très importants excédents, ce qui est l’indice d’un problème très grave, à l’intérieur même de la zone
« euro ».
La crise de l’endettement qui sévit dans la plupart des pays riches résulte pour l’essentiel des déficits extérieurs de
ceux-ci. Mais pourquoi donc ces pays ne se protègent-ils pas d’une concurrence déloyale afin de préserver leur tissu
industriel et d’arrêter le processus de sa désagrégation ? Certes, les « experts » nous répètent en substance : il ne faut
surtout pas que le monde retourne au protectionnisme, ce serait une catastrophe ! Ils ne se rendent pas compte, ces
ignorants, que le monde ne risque certainement pas de « retourner » au protectionnisme puisqu’il y est déjà, grâce
principalement à la Chine ! Ce ne sont cependant pas eux qui fabriquent le consensus qui prévaut, dans les pays
développés, en faveur du maintien du statu quo dans les relations commerciales internationales ; il y a un autre facteur
bien plus puissant : les firmes multinationales.
Comment la Chine, un pays misérable il y a peu, aurait-elle pu devenir la première puissance industrielle et
commerciale du monde sans le concours de ces firmes, précisément ? Lorsqu’à l’instigation de M. Deng Xiaoping,
l’Etat-parti fit prendre à la Chine le grand virage capitaliste, il veilla bien à ce que soit conservé le cadre totalitaire ;
dès lors, l’ouverture au monde permit un essor fulgurant du pays : grâce aux « joint-ventures » avec les
multinationales qui apportaient leurs technologies et grâce à la sous-traitance dont les donneurs d’ordre étaient des
entreprises occidentales ou japonaises. Ces firmes, dont les profits étaient bridés par les lois sociales et le
fonctionnement même des systèmes démocratiques, purent trouver alors le moyen de balayer ces obstacles: le Parti
Communiste Chinois leur offrait d’immenses masses de travailleurs exploitables à merci, une aubaine pour les profits !
Cela explique cette grande alliance entre l’oligarchie politico-affairiste à la tête de l’Etat-Parti qui tient la Chine et
le management des firmes multinationales. Le « modèle » de croissance chinois, basé sur la répression du monde du
travail et sur les exportations permises par des pratiques protectionnistes, notamment monétaires, conviennent très
bien à ces firmes : plus les salaires sont bas, plus le yuan est sous-évalué, plus leurs profits sont élevés. De puissants
lobbies constitués de firmes multinationales et d’institutions du monde de la finance influencent fortement les Etats
afin que soit maintenu le statu quo dans les relations avec la Chine. Sous l’effet de la dynamique que celles-ci
engendrent, le monde ne se reproduit pas à l’identique ; la Chine est en route vers l’hégémonie mondiale ; ses firmes,
appuyées sur un Etat puissant, aspirent à devenir des leaders mondiaux face à des multinationales qui, parce qu’elles
ont distendu les liens qui les unissaient à leurs Etats d’origine ou parce que ces Etats ne sont plus assez puissants, ne
disposent pas des mêmes appuis et sont des proies potentielles pour les nouveaux « champions industriels ». Le
management des multinationales, soucieux des résultats financiers à court terme consolidés à l’échelle du monde, est
de plus en plus indifférent aux conditions de vie des travailleurs et aux principes d’éthique qui semblaient pourtant
s’être imposés durablement dans les pays développés.
Les gouvernements de ces pays, s’ils continuent de jouer le jeu de la mondialisation avec les règles d’aujourd’hui,
seront amenés, à la suite des problèmes qu’ils rencontrent (commerciaux, économiques, financiers, monétaires), à
mettre en œuvre des politiques tendant à diminuer toujours davantage les salaires, à revenir sur les acquis sociaux, à
restreindre la qualité des services publics : une régression sociale qui porte en elle une véritable régressive politique, le
déclin des pratiques démocratiques.
La visée hégémonique de la Chine est un défi pour le monde entier ; il ne s’agit pas du simple passage éventuel
d’une hégémonie à une autre mais de bien plus que cela : la fin de la démocratie tant il est vrai que la Chine est en
train de façonner un monde à son image, non seulement inégalitaire à l’extrême mais aussi totalitaire, avec le concours
actif des firmes multinationales.
On trouvera dans ce qui suit à la fois une description et une explication de cette dynamique mondiale dont le moins
qu’on puisse dire est qu’elle est préoccupante !