Association Le Lien - 5es États généraux des infections nosocomiales • février 2015 1
Cette année, le LIEN souhaite lancer
un appel important qui voudrait sonner
le glas de l’omerta dans le petit monde
opaque de la santé et des soins.
Fin de l’omerta sur les chiffres de mortalité
des accidents médicaux. Comment expliquer
en effet que la France ne diffuse aucun chiffre officiel?
Nous n’avons que de vagues estimations parcel-
laires mais rien d’officiel, rien de structuré. Pour-
tant, des chiffres de la mortalité circulent. Sur la iatrogénie
médicamenteuse, par exemple, on annonce entre
18000 et 25000 décès par an. On sait que les infections
nosocomiales seraient à l’origine de 10000 décès. Les
dernières études américaines projetées à la France donnent
des chiffres supérieurs à 40000 décès annuels des suites d’un
acte de soin.
Vous le savez, j’ai moi-même connu de trop près l’insécurité
des soins. Je peux même dire que j’ai été victime de la délin-
quance en blouse blanche et que je le paie encore aujourd’hui,
tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes. Après le
choc de la Clinique du sport en 1997, notre pays s’est engagé
dans une réflexion profonde sur la lutte contre les infections
nosocomiales, poussé par le LIEN et une presse bienveillante.
Tous les quatre ans, une étude de prévalence des infections
nosocomiales mesure les résultats des efforts des profession-
nels de santé et des politiques publiques engagées. Entre 1997
et 2007, la presse se mobilisait chaque année en diffusant lar-
gement pour chaque établissement leur tableau de bord des
infections nosocomiales. Et puis, avec le temps, les tableaux de
bord se sont banalisés, le nosocomial n’a plus fait la une des
journaux mais, dans les hôpitaux et cliniques, le pli était pris et
les comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN)
avaient gagné leur reconnaissance.
Ce que nous avons fait sur les infections nosocomiales, nous de-
vons le faire pour l’ensemble des accidents médicaux, en établis-
sements de soins, dans les établissements médico-sociaux et en
ville. Nous devons diffuser des indicateurs de résultats au plus
près du malade. Je pense en particulier à des indicateurs par ser-
vice, par spécialité, les seuls à intéresser vraiment les usagers et
à mobiliser fortement le corps médical. Nous devons réaliser des
études nationales périodiques tous les trois ou quatre ans nous
permettant de mesurer précisément la fréquence des accidents
médicaux, leurs causes et leurs conséquences, et notamment
leur mortalité. Grâce à la diffusion de ces données, nous pourrons
nous assigner des objectifs d’amélioration de la sécurité du pa-
tient. Des objectifs ambitieux avec des objectifs chiffrés.
À l’hôpital et en clinique, le LIEN souhaite que, dans chaque éta-
blissement, chaque service analyse avec attention les causes des
accidents liés aux soins prodigués en leur sein. Les revues de
morbidité et de mortalité ne doivent pas être une option. Nous
souhaitons que soient rendus publics des indicateurs par ser-
vices, qui nous éclairent réellement sur la qualité et la sécurité
des soins. Taux de réhospitalisation, taux d’infection nosoco-
miale, taux de mortalité. La carrière des directeurs d’hôpital pu-
blic devrait dépendre aussi de leurs résultats en matière de qua-
lité et de sécurité, que ces managers aient toute notre recon-
naissance quand leurs indicateurs s’améliorent. Que parmi les
chefs de service, les meilleurs soient reconnus. Que les moins
bons soient accompagnés afin de s’améliorer rapidement. Enfin,
que les services les moins performants et les plus dangereux
soient fermés, provisoirement ou définitivement, car la sécurité
des patients encore une fois, ne souffre aucun compromis. Ce
refus du compromis doit devenir la marque de fabrique de notre
politique publique en matière de sécurité des soins.
Ce 25 janvier 2015, on apprenait la hausse inattendue du nombre
de morts sur les routes françaises. Immédiatement, le ministre de
l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, réagissait en annonçant de nou-
velles mesures en précisant et je le cite: «Il faut réprimer encore
plus les conduites à risques»; ce que la France fait avec succès
pour réduire les accidents de la route, elle doit le faire pour les ac-
cidents médicaux en commençant par mesurer précisément le
phénomène contre lequel on prétend mettre en place une politique
de prévention et de lutte.
Ces 5es États généraux sont donc clairement un signal fort en-
voyé aux décideurs. Le programme national de sécurité des pa-
tients présenté il y a deux ans ici même par Marisol Touraine est
une bonne chose. Il faut maintenant que ce programme se dé-
cline plus vite dans les services afin que, réellement, les patients
en bénéficient. Il faut que ce programme puisse s’ajuster dans
le temps en fonction des données collectées, et plus particuliè-
rement en fonction de la typologie des accidents survenus dans
chaque service et de leurs conséquences. Grâce à ces données,
couplées avec l’évaluation régulière des compétences médicales
des médecins que le LIEN appelle de ses vœux, nous réussirons
une baisse objective car mesurée de l’insécurité des soins.
Les rencontres de cette journée sont l’occasion de montrer
que les propositions du LIEN sont possibles et souhaitables à
mettre en œuvre.
Merci à toutes et à tous pour votre présence à cette nouvelle
édition de nos États généraux. Nous nous retrouverons dans
deux ans et ce sera aussi l’occasion de fêter ensemble les
20 ans du LIEN.
Patiemment vôtre. ●
Éditorial
Béatrice Ceretti
Présidente du LIEN