Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés Introduction Histoire de la biologie du développement Dès le départ, la grande question est : Est-ce que tout est préformé dans l’embryon ou bien est-ce qu’au contraire de nouvelles structures apparaissent progressivement au cours de la formation d’un individu ? Aristote postule (et il avait globalement raison) que la deuxième hypothèse est la bonne. Il nomme épigénèse cette mise en place progressive des structures. Cette vision ne s’impose véritablement qu’avec l’apparition de la théorie cellulaire (Théodore Schwann, 1839) et la distinction entre lignée somatique et lignée germinale (Weismann ~1900) : puisqu’un individu entier ne reçoit ses caractéristiques que de deux cellules, il est difficile de penser que tout est préformé… Certains préformationnistes continuent cependant à penser qu’un homunculus est blotti dans la tête de tout spermatozoïde… Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.1 Cycle de vie d'un vertébré : le xénope Cet amphibien est l’un des organismes modèles utilisés en biologie du développement. Tout simplement parce que ses œufs sont gros et qu’il est facile à élever. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte L’œuf mur de xénope L’œuf mur de xénope (avant fécondation) présente deux pôles : le pôle animal est pigmenté, le pôle végétatif ne l’est pas mais est chargé en vitellus (réserve). Cette polarité est d’origine maternelle. L’œuf est entouré par la membrane vitelline qui est elle-même entourée d’une gangue gélatineuse. La méiose n’est pas encore terminée : un seul globule polaire a été émis. Le second ne le sera qu’au moment de l’entrée du spermatozoïde. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte La segmentation Après la fécondation, l’œuf subit des divisions mitotiques sans que du nouveau cytoplasme ne soit fabriqué. Les cellules formées sont donc de plus en plus petites. Cette segmentation est inégale : les cellules du pôle végétatif sont plus grosses que celles du pôle animal. Au cœur de la masse cellulaire, du côté animal, se creuse une cavité remplie de liquide : le blastocoele. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte La gastrulation 3. La gastrulation : le blastopore apparaît du côté dorsal de l’embryon. Les futurs endodermes et mésoderme de la zone marginale (ceinture équatoriale) migrent vers l’intérieur par la lèvre dorsale du blastopore. Une nouvelle cavité est créée : l’archentéron. Le blastocoele s’est considérablement réduit. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte La neurulation 4. La neurulation :au même moment la chorde se forme à partir du mésoderme, les somites se mettent en place et la plaque neurale (ectoderme côté dorsal) forme des bourrelets. La plaque s’invagine peu à peu pour former une gouttière puis un tube neural. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte Le stade bourgeon caudal rhombencéphale chorde somites tube neural mésencéphale prosencéphale bourgeon caudal vésicule optique épiderme arcs viscéraux endoderme pronephros 5. Le stade bourgeon caudal :une fois gastrulation et neurulation terminées, les feuillets embryonnaires sont en place et l’organogenèse débute. On passe du stade neurula au stade bourgeon caudal. L’embryon ressemble alors beaucoup à un petit têtard. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte Le devenir des feuillets embryonnaires annexes du TD (foie, poumons) endoderme tube digestif chorde mésoderme os, muscles somites cœur, sang, rein ectoderme épiderme tube neural système nerveux cellules des crêtes neurales après migration au travers du mésoderme une partie du système sensoriel cellules pigmentaires certains os du crâne Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 1 Cycle de développement des vertébrés 1.2 De l'œuf au xénope adulte La métamorphose facteurs externes nourriture, lumière, température hypothalamus + TRH hypophyse TSH thyroïde prolactine retarde la métamorphose + T3 T4 active la métamorphose Au cours de la métamorphose, les hormones T3 et T4 provoquent des réponses radicalement différentes selon le tissus cible. Elles induisent le développement des pattes mais enclenchent l’apoptose dans la queue. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.1 Rotation corticale et axe dorso-ventral chez le xénope L'axe dorso-ventral est déterminé par le point d'entrée du spermatozoïde 1. 2. 3. 4. 5. entrée du spermatozoïde dans l’œuf La méiose se termine; le second globule polaire est expulsé. Les noyaux mâles et femelles fusionnent pour donner le noyaux diploïde du zygote. La membrane vitelline se décolle de la surface de l’oeuf. La pesanteur entraîne le pôle végétatif, alourdi par le vitellus, vers le bas. La membrane cytoplasmique et le cortex (zone gélatineuse de 5µm sous la membrane qui comprend entre autre des filaments d’actine) pivote de 30° par rapport au reste du cytoplasme qui reste immobile. Cette rotation corticale se fait vers le point d’entrée du spermatozoïde. Après cette rotation, un centre inducteur est formé à l’opposé du point d’entrée du spermatozoïde. C’est le centre de Nieuwkoop. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.1 Rotation corticale et axe dorso-ventral chez le xénope Induction expérimentale d'un axe surnuméraire On greffe des cellules dorsale d’une blastula, correspondant au centre de Nieuwkoop, en position ventrale d’une blastula au même stade de développement. Le résultat de cette greffe est le développement d’un axe dorso-ventral surnuméraire, et donc d’un embryon double. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.1 Rotation corticale et axe dorso-ventral chez le xénope Induction expérimentale d'un axe surnuméraire Injection de l’ARNm de la b-caténine dans une cellule végétative ventrale Développement d’un embryon double après duplication de l’axe L’injection de certaines protéines, dites à effet dorsalisant, peut avoir les même effets que la greffe d’un centre de Nieuwkoop surnuméraire. Ces protéines inhibent l’activité ventralisante d’autres protéines qui sont présentes et seraient sans cela actives partout dans la blastula (par exemple GSK3). Parmi les protéines à effet ventralisant certaines sont de la famille Wnt. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.2 Des facteurs maternels déterminent l'axe antéro-postérieur Les plans de division pendant la segmentation Répartition de l’ARNm de Vg1 dans un ovule mûr. Division 1 : le premier plan de division passe par l’axe animalvégétatif Division 2 : le plan de division passe aussi par l’axe animalvégétatif et est perpendiculaire au premier Division 3 : perpendiculaire à l’axe animal-végétatif, le plan de division sépare l’embryon en quatre cellules animales et quatre cellules végétatives (plus grosses). L’axe animal végétatif définit donc les plans de division pendant la segmentation. Il est déterminé par des « facteurs » d’origine maternelle. Certains ARNm d’origine maternelle, notamment, sont plus abondants du côté végétatif que du côté animal. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.2 Des facteurs maternels déterminent l'axe antéro-postérieur ventre avant point d’entrée du spermatozoïde organisateur de Spemann plan médian axe de rotation centre de Nieuwkoop arrière dos sens de la rotation corticale Le premier plan de division détermine en fait souvent à la fois le plan médian dans lequel se fait la rotation corticale mais aussi au plan de symétrie de l’animal. Autrement dit la polarité dorso-ventrale est déterminée par le point d’entrée du spermatozoïde; la polarité antéro-postérieure est orthogonale à la première et orientée selon la polarité animale-végétative. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.3 Axes de symétrie chez d'autres vertébrés Le poulet La cellule oeuf de poulet présente un vitellus très abondant et de ce fait la segmentation est limitée à une fine couche de cytoplasme qui devient le blastoderme. La position du vitellus par rapport au blastoderme définit l’axe dorso-ventral. P sens de la rotation de l’œuf vitellu s A blastoderme L’axe antéro-postérieur se matérialise avec l’apparition d’une couche de cellule plus dense en arrière du blastoderme. Au sein de cette zone marginale postérieure apparaît alors la ligne primitive. La position de la zone marginal postérieure n’est pas déterminée par le point d’entrée du spermatozoïde mais par la gravité pendant la descente (et la rotation qui l’accompagne) de l’œuf dans l’oviducte. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 2 La mise en place des axes de symétrie 2.3 Axes de symétrie chez d'autres vertébrés La souris Après fécondation, la segmentation commence. Après 8 divisions, les cellules se compactent pour former la morula. La face externe des cellules se couvre de villosités. Trois jours et demi après la fécondation la morula est devenu un blastocyste : les cellules internes forment le bouton embryonnaire (qui deviendra l’embryon) et les autres le trophectoderme, qui formera des structures extra-embryonnaires (le placenta par exemple). Une vésicule emplie de liquide se forme à l’intérieur du trophectoderme. Le bouton embryonnaire se différencie alors en hypoblaste (ou endoderme primitif qui formera lui aussi des annexes embryonnaires), du côté de la vésicule, et en épiblaste (ou ectoderme primitif) du côté opposé. Il n’y a pas de vitellus dans l’œuf des mammifère. Pas de trace non plus d’une polarité qui serait définie par des déterminants maternels. La polarité dorsale est définie par un effet de position. L’axe antéro-postérieur est sans doute déterminé par des interactions entre cellules. Des signaux utérins pourraient aussi intervenir. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.1 Mise en évidence des facteurs inducteurs Les territoires présomptifs Au stade blastula on peut faire une cartographie du devenir des cellules au cours du développement normal de l’embryon. On définit ainsi des territoires présomptifs. Ces territoires n’ont pas nécessairement déjà un avenir arrêté : si on prélève certaines cellules de la blastula, elles ne donnent pas en culture le type cellulaire qu’elles auraient donné au cours du développement de l’embryon. territoires présomptifs territoires spécifiés Sur la carte des territoires spécifiés (devenir des cellules en culture) on voit qu’une partie du mésoderme n’est pas encore engagée dans sa voie de développement «normale»: les cellules qui doivent se différencier en cellules du cœur dans l’embryon ne le font pas en culture. On peut de plus réaliser des cartes de détermination, une cellule étant déterminée lorsque sa différenciation n’est pas modifiée par le milieu dans lequel elle se trouve. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.1 Mise en évidence des facteurs inducteurs Le rôle inducteur de l'endoderme Puisque le devenir des cellules n’est pas arrêté dès leur naissance, il doit être régulé, sans doute par des cellules voisines. On peut facilement arriver à mettre en évidence l’origine de certains signaux qui induisent la différenciation du mésoderme chez le xénope. Devenir en culture d’explants de différentes régions d’une blastula (les couleurs ne correspondent pas aux feuillets embryonnaires) On greffe la calotte animal sur les cellules végétatives. Des cellules de la calotte se différencient en tissus mésodermique. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.1 Mise en évidence des facteurs inducteurs Le rôle inducteur de l'endoderme La différenciation du mésoderme est donc induite par un signal qui doit diffuser à partir de l’endoderme. On prélève des cellules de la calotte animale sur une blastula. On les associe en petit nombre à des cellules végétatives. Les cellules de la calotte ne se différencient pas en mésoderme On associe maintenant un plus grand nombre de cellules de la calotte animale à des cellules végétatives. Les cellules de la calotte se différencient en mésoderme Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.1 Mise en évidence des facteurs inducteurs La notion de compétence La différenciation du mésoderme est induite par un signal qui diffuse à partir de l’endoderme. Cette induction ne peut cependant avoir lieu que si les cellules de la calotte sont compétentes. Les cellules de la calotte sont compétentes pendant 7 heures. Mais quel que soit le moment auquel l’induction a lieu, la différenciation, c’est-à-dire l’activation de gènes spécifiques du mésoderme, ne débute que vers 16 heures après la fécondation. Il existe donc un mécanisme interne, autonome, de déclenchement de la différenciation. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.2 Le modèle à quatre signaux organisateur de Spemann pôle animal 2 1 4 3 pôle végétatif En résumé, l’induction du mésoderme fait intervenir quatre catégories de signaux. Deux signaux issus des cellules végétatives (1 et 2) qui déterminent le mésoderme et induisent la première différenciation entre mésoderme dorsal et mésoderme ventral (c’est à dire la formation de l’organisateur de Spemann). Deux autre signaux interviennent dans la différenciation ultérieure du mésoderme le long de l’axe dorso-ventral. Un signal dorsalisant (3) vient inhiber l’action d’un signal ventralisant (4). Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.2 Le modèle à quatre signaux Identification des quatre signaux [Vg1] induction de mésoderme ventral ventre dos induction de mésoderme dorsal Vg1 est un bon candidat à la fois comme signal 1 et comme signal 2 : Vg1 peut en effet induire la différenciation des cellules de la calotte en mésoderme, mais la nature du mésoderme formé dépend de la concentration en Vg1. On a identifiés de nombreux facteurs synthétisés par le mésoderme lui-même qui sont de bon candidats comme signaux de type 3 et 4. L’expression de chordin chez le xénope en début de gastrulation. L’hybridation in situ marque en brun la zone correspondant à l’organisateur de Spemann Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 3 L'induction du mésoderme 3.2 Le modèle à quatre signaux Identification des quatre signaux Les quatre signaux décrit précédemment activent des gènes exprimés dans le mésoderme. Ce sont ces gènes qui provoquent la différenciation proprement dite. Là aussi un gradient de morphogène, comme l’activine, qui est un facteur de croissance, pourrait induire une différenciation du mésoderme le long de l’axe dorso-ventral. [activine] gènes activés différenciation en… brachyury épiderme goosecoid muscle réponse des cellules ectodermiques Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites Rappels sur le développement du poulet Chez le poulet la cellule œuf contient une quantité considérable de vitellus si bien que la segmentation ne se fait qu’en surface, dans un petit disque qui devient le blastoderme. Une gouttière se forme dans ce blastoderme (la ligne primitive). Endoderme et mésoderme sont tous deux formés à partir de cellules de cette ligne primitive qui migrent (cellules dites du mésenchyme) au sein du blastoderme. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites sens de progression du noeud de Hansen Rappels sur le développement du poulet gouttière neurale mésenchyme tube digestif chorde mésenchyme extra-embryonnaire repli céphalique plaque neurale endoderme repli céphalique gouttière neurale somite coelome somatopleure splanchnopleure chorde somites crêtes neurales nœud de Hensen îlots sanguins mésoderme formation de la gouttière neurale début des bourrelets neuraux ligne primitive Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites La production des somites Les somites sont produites en avant du nœud de Hensen lorsque celui-ci se déplace de la zone antérieur à la zone postérieure (ci-dessous la formation des somites chez le poulet) Les somites sont produits par une fragmentation du mésoderme pré-somitique en 4 ou 5 petits blocs. Les somites apparaissent par paire, de part et d’autre de la chorde. L’apparition des deux somites d’une paire est simultanée. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites Le déterminisme précoce des somites L’apparition des somites se fait donc séquentiellement, de la région céphalique à la région postérieure. À quel moment les limites des somites sont elles déterminées ? Si on greffe du mésoderme pré-somitique d’un embryon à un autre en retournant la greffe, les somites sont produits dans l’ordre qui aurait été le leur dans l’embryon d’origine. La détermination des somites s’est donc faite avant la greffe, sans doute de façon précoce. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites Contrôle moléculaire de la segmentation du mésoderme La surexpression de Lfng bloque les oscillations de l’horloge moléculaire et provoque de graves anomalies dans la segmentation du mésoderme. Ci-dessous segmentation chez une souris transgénique qui sur-exprime Lfng. gènes impliqués dans la délimitation des somites contrôle embryon surexprimant Lfng gène impliqué dans la différenciation des somites La segmentation du mésoderme en somites est régulée par un oscillateur moléculaire qui permet l’activation cyclique de certains gènes. Au centre de cette « horloge » les gènes Notch et Lfng. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.1 La production des somites Contrôle moléculaire de la segmentation du mésoderme Un modèle pour la détermination des limites de somite. La protéine FGF présente un gradient le long de l’axe antéropostérieur. Le mésoderme n’est compétent pour sa différenciation en somite que si FGF est à faible concentration. La différenciation devient effective quand Notch active les gènes cycliques. front de détermination [FGF ] [Notch] mésoderme présomitique notc h Lfn g à + autres gènes expression cyclique + limite de somite nouveau somite queue - tête temps Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.2 Gènes Hox et différenciation des somites Le devenir des somites Après la formation du somite, se différencient trois zones distinctes : •le sclérotome, à l’origine des vertèbres, •le dermatome, à l’origine du derme, •le myotome, à l’origine de tous les muscles squelettiques. Une opération chirurgicale consistant à retourner un somite jeune (et donc à inverser la polarité dorso-ventrale) ne perturbe pas sa différenciation. La différenciation de ces zones implique donc nécessairement des communications entre le somite et les tissus qui l’entourent. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.2 Gènes Hox et différenciation des somites La différenciation des somites le long de l'axe antéro-postérieur Les somites sont à l’origine de structures différentes selon leur position le long de l’axe antéro-postérieur. Par exemple les somites antérieurs donnent les vertèbres cervicales alors que les suivants donnent les vertèbres thoraciques, lombaires, sacrées puis caudales. Le devenir d’un somite est fixé avant même qu’il ne soit formé. On prélève du mésoderme pré-somitique qui aurait donné des vertèbres thoraciques et on le greffe en position plus antérieure chez un autre embryon. Ce mésoderme se différencie selon sa position d’origine et produit donc des vertèbres thoraciques. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.2 Gènes Hox et différenciation des somites La différenciation des somites le long de l'axe antéro-postérieur : les gènes Hox La différenciation des somites le long de l’axe antéropostérieur fait intervenir des gènes codant pour des facteurs de transcription, les gènes Hox. Ces gènes sont dit à homéoboite parce qu’il comprennent tous un homéodomaine de 180pb qui caractérise de nombreuses protéines capables de se fixer à l’ADN. Limite antérieure d'expression des gènes Hox b1 (en rouge), Hox b4 (en jaune) et Hox b9 (en bleu). Les gènes Hox ont la particularité de s’exprimer séquentiellement au cours du développement, l’ordre de leur expression semblant dicté par leur ordre d’agencement le long des chromosomes. On parle de colinéarité. (au cours de l’évolution cette colinéarité apparaît en même temps que l’axe antéropostérieur, c’est à dire chez les bilatériens) Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.2 Gènes Hox et différenciation des somites La différenciation des somites le long de l'axe antéro-postérieur : les gènes Hox Du fait de la colinéarité de leur expression, chaque point le long de l’axe antéropostérieur est caractérisé par un profil d’expression des gènes Hox. Les gènes Hox donnent donc aux cellules une valeur de position. Sur le schéma ci-contre chaque gène est caractérisé par une limite antérieure d’expression et chaque tissu (W, X, Y, Z) est caractérisé par une combinaison des quatre gènes. À gauche les profils d’expression réels des gènes Hox chez la souris. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.2 Gènes Hox et différenciation des somites La différenciation des somites le long de l'axe antéro-postérieur : les gènes Hox Une mutation d’un gène Hox entraîne généralement la formation d’un mutant homéotique, c’est-à-dire d’un individu dont l’identité des organes le long de l’axe antéropostérieur a été perturbée. Une souris chez qui le gène Hoxc8 est inactivée (knock-out) meurt quelques jours après sa naissance. Une des anomalies les plus remarquables chez ces souris et que la première vertèbre lombaire est transformée en vertèbre thoracique (elle porte donc des côtes). Les organes plus postérieurs ne sont pas affectés. Cette manipulation illustre clairement le principe de dominance postérieure : un gène détermine fortement la différenciation des tissus dans la zone qui est proche de sa limite antérieure d’expression. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.3 Comparaison mésoderme / tube nerveux L'induction du tube nerveux Si on prélève du mésoderme sur un embryon au stade neurula et qu’on le greffe à un embryon plus jeune (stade gastrula) on induit la formation d’un axe antéropostérieur surnuméraire. Selon que le mésoderme prélevé est antérieur ou postérieur, les structures induites ne seront pas les mêmes. On prélève du mésoderme antérieur. Des structures céphaliques sont induites chez le receveur. On prélève du mésoderme postérieur. Des structures thoracique et caudales sont induites chez le receveur. Le modèle d’induction le plus probable semble être celui d’un gradient d’inducteur dans le mésoderme, gradient qui ressemblerait fort à ce que nous avons déjà décrit pour l’induction du mésoderme lui même. ectoderme tissu nerveux mésoderme mésoderme tube neural Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés 4 Différenciation du mésoderme le long de l'axe antéro-postérieur 4.3 Comparaison mésoderme / tube nerveux La différenciation des rhombomères Le tube nerveux se segmente en rhombomères. Après leur formation, les rhombomères se différencient. Comme pour les somites, la nature de leur différenciation sera fonction de leur position le long de l’axe antéro-postérieur, et encore une fois les gènes Hox jouent un rôle dans cette différenciation. Profil d’expression des gènes Hox dans les huit rhombomères. À gauche, coupe frontale dans le cerveau postérieur d’un embryon de souris trasngénique. Cette souris a reçu LacZ (révélé en bleu dans les rhombomère 3 et 5) sous contrôle d’un des activateurs de Hoxb2. Hoxb2 s’exprime dans le rhombomère 4 mais le contrôle de son expression diffère de celui mis en place dans les rhombomères 3 et 5. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés Conclusion : gènes du développement et évolution des plans d'organisation poulet python Patron d'expression des gènes hox C8, C6 et B5. Chez le poulet C8 et C6 ne sont exprimés que dans la zone thoracique. Chez le python il sont exprimés presque tout le long de l'axe antéro-postérieur. poulet cervicales python p. av. thoraciques thoraciques lombaires hox C6 hox C8 hox B5 hox C6 hox C8 hox B5 p. ar. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés Conclusion : gènes du développement et évolution des plans d'organisation Vertébrés Arthropodes Bilatériens Cnidaires Éponges La compréhension que nous commençons à avoir du contrôle génétique du développement permet aussi de mieux comprendre l’évolution du règne animal. La figure ci-dessus présente un scénario d’évolution des gènes Hox dans le règne animal, à partir de leur apparition chez l’ancêtre commun aux cnidaires et aux bilatériens. Cette évolution procède surtout par duplication/délétion de gènes. La séquence en elle même des gènes Hox est fortement conservée. Embryologie et génétique du développement chez les vertébrés Conclusion : gènes du développement et évolution des plans d'organisation Un petit scénario d’évolution d’un gène de développement un gène Hox est dupliqué mais seuls certains de ses activateurs le sont en même temps. Les deux copies de gène sont donc fonctionnellement identiques, mais elles ne sont pas exprimées dans les mêmes tissus. À partir de cet événement de duplication partielle, les deux gènes peuvent diverger et acquérir des fonctions différentes.