
Médecine d'Afrique Noire : 1991, 38 (1)
56 P. JEANDEL, P.Y. CHOUC, R. LAROCHE
particulier la maladie de STILL, fréquente pour les anglo-
saxons en milieu africain (36).
Au cours de la lèpre, plusieurs types de manifestations
articulaires peuvent être observées (13 - 74) : l'ostéo-
arthropathie nerveuse, les ostéo-arthrites phalangiennes
directement liées au bacille de HANSEN, les arthrites
septiques contiguës à des lésions cutanées surinfectées.
Surtout, chez environ 1 % des lépreux, peut s'observer une
polyarthrite réalisant un tableau d'arthrosynovite aiguë
fébrile, souvent symétrique, très inflammatoire, touchant
volontiers les petites articulations distales, syndrome
proche de celui des algodystrophies mais pouvant simuler
une P.R. Exceptionnellement inaugurale (74), cette
polyarthrite s'observe essentiellement au cours des réac-
tions lépreuses de type 1 ou de type 2 et se rencontre donc
au cours des lèpres lépromateuses ou des formes border-
lines. D'évolution aiguë, ces polyarthrites répondent à un
mécanisme immuno-allergique.
Si toutes ces maladies rhumatismales d'origine infectieuse
sont classiques en Afrique noire et relativement bien
documentées dans la littérature africaine, il n'en va pas de
même pour certains agents microbiens dont on connait
pourtant le tropisme articulaire. Ainsi, au cours de la
syphilis secondaire peut apparaître une polyarthrite (43), or,
malgré l'importance de l'endémie africaine, cette étiologie
n'apparait pas parmi les causes de rhumatismes infectieux
dans les grandes séries d'arthrites inflammatoires. De
même, le rôle des arboviroses, tel que les virus O'Nyong
Nyong ou Chikungunya est mal connu (11) ; certains
admettent la possibilité d'arthralgies mais nient l'existence
d'arthrites (72) ; d'autres attribuent à ces agents un potentiel
arthritogène et en font l'une des causes de la "polyarthrite
aiguë tropicale" (81). Par ailleurs, on ne sait rien de la
maladie de LYME en Afrique noire, bien qu'un cas ait été
récemment rapporté de bloc auriculo-ventriculaire chez un
sujet ayant séjourné en Côte d'Ivoire (8). Pour l'ensemble
des affections précitées, la difficulté tient à l'obtention
d'une sérologie fiable et à son interprétation, la simple
positivité ne signant pas nécessairement une relation
directe avec le tableau rhumatismal observé.
Deux types d'affections méritent une attention toute
particulière : les arthrites parasitaires et les arthropathies
inflammatoires liées à l'infection par le V.I.H.. Ces deux
groupes ont en commun plusieurs caractères : de descrip-
tion récente, leur atteinte articulaire revêt une importance
apparemment très secondaire comparée aux autres atteintes
viscérales qu'elles occasionnent ; la prévalence de ces
maladies est maximale en Afrique noire, mais il n'existe
pratiquement pas de données concernant leurs aspects
rhumatismaux dans ces contrées ; leur connaissance pour-
rait modifier considérablement la répartition étiologique
des arthrites inflammatoires en Afrique noire.
Décrites depuis plus de 40 ans, les arthrites parasitaires
connaissent un regain d'intérêt depuis une dizaine d'années
(24) et font maintenant partie des causes reconnues d'arthri-
tes inflammatoires (26). Trois types de parasites, essentiel-
lement répandus en zone intertropicale, en sont responsable :
les filarioses et parmi celles-ci, surtout les loases (12) et la
dracunculose (19), l'anguillulose (25 - 42) et les schistoso-
miases (4). A l'exception de la dracunculose qui peut
donner une arthrite purulente (19), le mécanisme de
l'atteinte est de type immuno-allergique, les parasites
n'étant retrouvés ni dans le liquide synovial ni dans la
synoviale (12). L'atteinte mono, oligo, ou polyarticulaire,
parfois inaugurale, ne présente pas de caractère particulier
si ce n'est la présence d'éosinophiles dans le liquide
articulaire et l'association aux autres manifestations viscé-
rales de la parasitose et à l'hyperéosinophilie sanguine.
Compte tenu de l'importance de l'endémie parasitaire dans
ces régions, le diagnostic doit être d'élimination, étayé par
une disparition rapide des manifestations articulaires sous
traitement anti-parasitaire adapté qui constitue le critère
majeur (24). Il est toutefois surprenant de noter la faible
incidence de telles manifestations en Afrique noire. Ceci
suppose , soit une susceptibilité individuelle (25), soit un
terrain génétique particulier analogue à ce qui est connu au
cours des spondylarthropathies ; il n'a cependant pas été
relevé d'association avec l'HLA B27 ce qui ne permet pas,
pour l'instant, de conférer à ces arthrites le terme de réac-
tives au sens propre (2).
Hormis les aspect de pseudo-connectivités déjà évoqués et
les manifestations radiculaires liées à son tropisme
neurologique (41), le VIH peut être responsable de mani-
festations articulaires. Tout naturellement, il eut été logique
d'observer au cours du SIDA des arthrites de nature
septique ; or, celles-ci restent exceptionnelles et, lors-
qu'elles sont décrites, sont essentiellement de nature
fungique, histoplasmose (15) ou cryptococcose (71). Bien
plus souvent, il s'agit d'arthropathies inflammatoires
(A.I.D.S. related arthritis) (15), liées directement au
potentiel arthritogène du virus (45) : cette oligo ou poly-
arthrite d'évolution aiguë, s'accompagnant de vives
douleurs, touche constamment les membres supérieurs, et
régresse en 24 à 48 heures sous l'action des AINS auxquels