9 Rencontres Scientifiques es

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Sommaire
Cancérologie
Douleur
Anesthésie
Hygiène
Violence
en institution
9es Rencontres
Scientifiques
et Techniques infirmières
Traitement
de substitution
Troubles
des conduites
alimentaires
Plaies et cicatrisations
Bilan urodynamique
Ont participé
à ce dossier :
Ludmilla Couturier,
Isabelle Forestier
et Stéphane Henri.
Compte rendu
Des formes de soins
qui font évoluer
la profession
L’évolution de la profession trouve un écho
particulièrement concret dans les deux formes
de soins qui marquent cette fin de siècle : les soins
médico-sociaux et les soins en réseau.
C
ette fin de siècle se distingue par une approche particulièrement aiguë de l’aspect
social dans les soins dispensés aux malades.
Ainsi, le Dr Xavier Emmanuelli, ancien ministre et président-fondateur
du Samu social de Paris, tient à rappeler le rôle spécifiquement infirmier
face aux situations de précarité et
d’exclusion. « Il faut “généraliser” la
prise en charge des exclus. Or ce sont les
infirmières qui sont ici aux avant-postes. Malheureusement, elles sont bien souvent démunies devant
la fragilité des psychismes qu’engendrent les situations d’exclusion et de précarité. A l’avenir, ce sont
pourtant elles qui devront faire le diagnostic et l’accompagnement. Sur ce plan-là, je suis très optimiste
pour votre profession qui a un véritable rôle d’acteur de santé publique ». La prise en charge médico-sociale intervient dans un contexte qui va
dans le sens de l’histoire : les soins sont mobilisést autour d’une personne malade. Cette prise
en charge s’appuie donc tout naturellement vers
cette autre forme de soins : les réseaux.
Le Dr Pierre Larcher, de la direction générale de
la Santé, lève la confusion qui entoure la définition de réseau. « Pour durer et se développer, un
réseau doit obéir à certaines règles, en particulier
celle d’encourager la capacité permanente d’initiative de chacun de ses membres. L’infirmière en milieu rural, par exemple, voit à l’évidence mieux que
le chef de service du CHU le patient vivre sa douleur
à son domicile. Il n’en reste pas moins, concède-til, qu’un réseau quel qu’il soit, suppose le volontariat de tous les participants pour accepter un travail
supplémentaire exigeant, auquel leur formation ne
●●●
les a pas nécessairement préparés ».
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Spécial RSTI
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Réseaux : le coup de pouce de l’État
A l’heure actuelle, ce sont les réseaux par pathologies rares ou dont la connaissance évolue
très vite qui sont en plein développement. Il
s’agit en fait de réseaux centrés sur les professionnels de terrain à qui ils apportent référence
scientifique et formation. C’est le cas des réseaux douleur, soins palliatifs, cancer,
hépatite C, mais aussi diabète, ostéoporose,
maladie d’Alzheimer, ou encore maladies rares
comme la neurofibromatose ou l’échinococcose
alvéolaire. « Ces réseaux ont vocation à s’articuler
sur les réseaux de proximité, très liés aux patients
et à la complexité de leur problématique, pour leur
apporter des outils complémentaires, souligne le
Dr Pierre Larcher. Ils sont donc tout à fait supplémentaires. Ils obéissent aux mêmes règles, enseignées par l’expérience : la nécessité d’un père fondateur, le volontariat, la complémentarité des
compétences, la légitimation par au moins une
institution sous forme de financement ou d’aide en
nature, l’esprit d’initiative de chaque acteur du
réseau : l’infirmière libérale, par exemple, voit le
patient vivre son alimentation ou sa douleur à son
domicile, et peut suggérer des modifications de
prise en charge qu’un “bouclage” du réseau venu
du haut pourrait, si on n’y prenait garde, rendre
impossible».
A ces conditions, auxquelles on ne peut déroger
sans risque, s’ajoutent des outils que l’on retrouve dans tous les réseaux solides et efficaces.
Parmi eux, l’évaluation est, avec la formation,
probablement le plus important. Pourtant, elle
est en général le parent pauvre. « Nous nous
sommes aperçus, reprend le Dr Larcher, que
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c’était le moyen privilégié pour accélérer la maturation naturelle des membres d’un réseau, en leur
permettant de prendre du recul par rapport aux
préoccupations quotidiennes, et donc de maîtriser
leur démarche. Il ne faut évidemment pas que ce soit
une évaluation externe, mais une auto-évaluation,
accompagnée et continue, pour ne pas faire marcher
le réseau par à-coups ». Or, on constate aujourd’hui que la maturation des professionnels
appartenant à un réseau s’effectue sur un temps
assez long. Avant de devenir un réseau complet
en pleine harmonie avec son public, un réseau
de proximité a, en effet, besoin au mieux de 5 à
7 ans, au pire de 15 ans, et c’est l’évaluation qui
permet de faire la différence.
Face à ce constat, les exigences de l’État visent
à un développement aussi rapide que possible
parallèlement à une qualité tout aussi élevée.
Elles consistent essentiellement à formaliser ce
qui doit l’être (obligation d’un statut juridique,
obligation d’une charte, identification des responsables de chacune des grandes fonctions du
réseau pour être sûr qu’elles ne seront pas oubliées), en préservant souplesse et adaptabilité
pour tout le reste.
En contrepartie de ces exigences, l’État assurera
un soutien méthodologique en mettant à disposition un guide de développement fondé sur
l’expérience des plus anciens, des formations
validées qui vont faire l’objet de décisions réglementaires, et un guide de suivi-évaluation
commandé à l’ANAES à partir des “principes
d’évaluation des réseaux de santé” récemment
publiés. Sur le plan financier enfin, le Fonds
d’Aide à la Qualité des Soins de Ville (FAQSV),
doté cette année de 500 millions de francs, devrait répondre à une large part des besoins. ■
Cancérologie
Quand la qualité de vie
devient un objectif du soin
L’heure est à la qualité de vie, qu’il est essentiel de préserver parce qu’un
patient qui voit celle-ci amoindrie perd ses facultés de résistance à la
maladie, d’acceptation des soins, et son envie de vivre. En oncologie
notamment, la première plainte concerne la fatigue dont la prise
en charge s’avère la première étape de l’amélioration de la qualité de vie.
L
es normes de qualité et les démarches
d’évaluation aujourd’hui en cours dans les
hôpitaux amènent tout naturellement les soignants à se pencher sur des sujets jusqu’à
maintenant peu étudiés. Il en est ainsi de la
qualité de vie, qui fait actuellement l’objet de
multiples recherches, dans le secteur de l’oncologie notamment.
Il n’existe pas de définition précise de la qualité
de vie d’un patient. Celle de l’Organisation
mondiale de la santé reste trop évasive pour servir de référence. « La qualité de vie est multifactorielle. Il importe de pouvoir la quantifier afin que la
notion de qualité de vie soit un élément comparatif
entre différents traitements », estime le Dr Xavier
Pivot, du centre anticancéreux de Lacassagne à
Nice. Au nombre des facteurs quantifiables, le
médecin retient le bien-être physique, l’état psychologique du sujet, ses capacités à faire face à
la maladie, l’inconfort somatique induit par la
toxicité des médicaments, les symptômes et
l’évolution de la douleur, et les problèmes relationnels du patient dans son environnement.
Premières constatations
L’évaluation de la qualité de vie s’appuie, ou devrait s’appuyer, sur des outils pour être quantifiable. Les méthodes psychométriques existantes, avec échelles analogiques, permettent
l’évaluation de la douleur, du confort, de la fatigue, de l’appétit... mais pas de la qualité de vie.
Plusieurs questionnaires existent, validés par le
Comité européen d’évaluation de la qualité de
vie, créé en 1986. Il en résulte des approches
partielles. Y recourir permet cependant de comprendre les causes de la détérioration de la qualité de vie d’un patient et de justifier la prescription de certains médicaments. « La prescription
de certains médicaments répondant à une plainte
spécifique a permis de mettre en exergue des éléments insoupçonnés, malgré toutes les études scientifiques effectuées dans ce domaine, indique le
Dr Xavier Pivot. Ainsi, les femmes traitées en cancérologie citent l’insomnie comme premier impact
négatif. Puis elles mettent en avant les syndromes
ménopausiques et le catastrophisme. Or ces trois
symptômes sont synonymes de fatigue. Aussi la
détérioration ou l’amélioration de la qualité de vie
en cancérologie est-elle, peut-être, en corrélation
directe avec la détérioration ou l’amélioration de
l’état de fatigue des patients [...] », suggère-t-il.
La fatigue, facteur déterminant
Dans les services d’oncologie, la fatigue des patients présente un caractère de fatalité lié à la
maladie et à ses traitements. En effet, la ●●●
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Spécial RSTI
●●● fatigue est le plus commun des symptômes
du cancer, devant la douleur et l’anorexie. Elle
existe chez environ 70 % des patients traités par
radiothérapie, et chez 90 % de ceux traités par
chimiothérapie. Face à ce phénomène, les soignants se sentent souvent impuissants. Pourtant, depuis le début de l’année 1996, on assiste
à une mobilisation européenne des professionnels de santé contre la fatigue en cancérologie.
Si elle est entendue, la fatigue peut et doit être
évaluée et prise en charge par le biais de moyens
d’action divers, parfois extrêmement simples.
Des formations spécifiques sur ce sujet se développent et aident un plus grand nombre de soignants à bénéficier de connaissances et d’outils,
certes encore disparates. Petit à petit, il devient
évident que l’amélioration de l’état de fatigue du
visuelle analogique est classiquement graduée
de 0 à 10. Au total, 54 patients (46 hommes,
8 femmes, âge médian de 60 ans), traités par des
chimiothérapies contenant des dérivés de platine, sont inclus dans l’étude. Pour 37 d’entre
eux, l’enquête est réalisée au cours de deux
cures différentes.
Les résultats sont sans équivoque : les scores
obtenus par le questionnaire et par l’échelle visuelle analogique sont arithmétiquement similaires. Tous les patients interrogés au deuxième
cycle de leur traitement se disent plus fatigués et
font valoir, via le questionnaire, une plus grande
détérioration de leur qualité de vie.
« Bien que cette étude ait été menée sur un petit
nombre de patients, nous avons été frappés par l’homogénéité des résultats, indique Magali Genoud.
Nous pensons sincèrement que la mesure de la qualité de vie d’un patient par un questionnaire est à
l’identique de la seule utilisation de l’échelle visuelle
analogique de la fatigue ».
L’anémie, grande pourvoyeuse de fatigue
patient intègre une forme de qualité des soins
dont l’influence sur la qualité de vie du malade
est conséquente.
La preuve par l’exemple
Infirmières et infirmier au centre anticancéreux
de Lacassagne à Nice, Magali Genoud, Carole
Marrot et Christophe Mornat ont travaillé à un
questionnaire sur la qualité de vie des patients,
essentiellement orienté vers le thème de la fatigue. « Notre objectif était d’apprécier la relation
qui peut exister entre un questionnaire sur la qualité
de vie et une échelle visuelle analogique de la fatigue », explique Magali Genoud.
Le questionnaire comporte 24 items notés de 1
à 4, un total de 86 points représentant l’altération la plus élevée de la qualité de vie. L’échelle
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Une fois entendue et évaluée, la fatigue du patient doit être prise en charge. « Mais, puisqu’elle
est multifactorielle, la prise en charge doit l’être
aussi, rappelle le Dr Laure Chauvenet, oncologue à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris. Devant
toute fatigue, il faut rechercher une anémie, des
troubles métaboliques, des causes endocriniennes,
des causes psychologiques, et s’interroger sur une
possible évolution de la maladie, et sur les répercussions des traitements ».
L’anémie est, bien entendu, une des causes les
plus fréquentes de fatigue ou, tout au moins,
une de ses composantes essentielles. Elle se définit par un taux d’hémoglobine inférieur à
11 g/dl chez la femme et 12 g/dl chez l’homme.
« Le plus important à considérer n’est pas uniquement ce taux classiquement défini, fait remarquer
le Dr Laure Chauvenet. Si un patient présente un
taux normal d’hémoglobine à 15 g/dl, le passage à
12 g/dl signifie, dans son cas, une vraie anémie,
donc l’installation d’une vraie fatigue ».
Les symptômes de l’anémie sont la pâleur, des
palpitations cardiaques, une asthénie et une
grande intolérance à l’effort. Ses conséquences
sont une perte d’autonomie, une diminution de
la vie sociale et, ce qui est plus grave, des répercussions psychologiques qui font qu’un grand
nombre de patients pensent que leur fatigue est
synonyme d’une évolution défavorable du cancer. Une dépression peut alors apparaître très rapidement et influer sur le devenir de la maladie.
Bien que la tolérance à l’anémie soit variable
selon l’âge, le terrain cardio-vasculaire et des
facteurs individuels, un traitement doit rapidement être mis en œuvre, dont le plus classique
est la transfusion sanguine. Pour le Dr Didier
Mayeur, oncologue à l’hôpital André-Mignot au
Chesnay, « cette thérapeutique ne donne pas des résultats stables dans le temps. Car, s’il n’y a pas de
correction de la cause de l’anémie en amont de ce
traitement, l’effet bénéfique de la transfusion sanguine disparaît au bout de trois semaines », prévient-il. Il spécifie en outre que les patients font
preuve d’une grande retenue vis-à-vis de la
transfusion sanguine, répercussion négative, aujourd’hui encore, du scandale du sang contaminé. Lui-même reconnaît sa réserve vis-à-vis
des transfusions sanguines et évoque l’émergence de pathologies, telles que le paludisme ou
des accès de fièvre inexpliqués pendant plu-
sieurs jours, ne facilitant pas le traitement du
cancer. « Il faut aussi avoir à l’esprit que les transfusions sanguines n’ayant absolument plus cours
au domicile des patients, l’hospitalisation obligatoirement induite par la mise en œuvre de cette thérapeutique ne va pas dans le sens d’une amélioration de la qualité de vie du malade », poursuit le
Dr Didier Mayeur.
Autre traitement de l’anémie, d’une grande efficacité : l’érythropoïétine (EPO). Son autorisation de mise sur le marché la réserve à la prévention ou à la correction de l’anémie chez des
patients traités par des chimiothérapies exclusivement à base de platine. Les études actuellement disponibles et les observations infirmières
font valoir une bonne tolérance au traitement.
Une surveillance particulière de la tension arté-
rielle s’impose, notamment chez les personnes
hypertendues, l’EPO pouvant induire une élévation des constantes habituelles.
« Le principal intérêt de l’utilisation de l’EPO
est d’éviter une transfusion sanguine, explique le
Dr Didier Mayeur. Pour autant, il ne sert à rien
d’injecter de l’EPO à un patient dont l’anémie
est clairement prononcée, car l’EPO mettant 3 à
4 semaines avant de donner une réponse biologique, cette particularité demande une certaine
anticipation dans la mise en œuvre de cette
thérapeutique ».
Entre qualité de vie et désir de vivre
Fondé sur sa pratique quotidienne dans le service d’oncologie de l’hôpital Avicenne, à Bobigny, et sur les propos qu’elle retient des patients, le discours du Dr Karen Rosier-Kraeuter,
psychologue clinicienne, permet de cerner les
valeurs individuelles mobilisées dans l’appréciation de la qualité de vie d’une personne. Elle
rappelle que la perte d’autonomie du patient
dans des situations de vulnérabilité telles que
l’impossibilité de se lever pour aller aux toilettes ou pour se laver est parfois source d’une
grande souffrance : « La souffrance de dépendre
des autres est, pour certaines personnes, plus
grande que la peur de mourir ».
Mais elle considère surtout que la qualité de
vie en cancérologie doit s’entendre comme une
qualité de survie. « Certains patients, au bout
d’un certain temps dans la maladie, en viennent
à accepter des situations qu’ils n’auraient jamais
acceptées au début de leur cancer. Les intérêts et
les valeurs se déplacent au fur et à mesure de
l’évolution de la maladie. Ces revirements sont
parfois surprenants et il est absolument impossible de deviner à l’avance leur devenir, note le
Dr Karen Rosier-Kraeuter. Nous connaissons
tous des patients jugeant acceptable, voire très
bonne, la qualité de leur survie, alors que, à nos
yeux, la situation paraît insupportable. D’où la
nécessaire capacité de tout soignant de savoir passer des soins curatifs aux soins palliatifs ». Car être
attentif à la qualité de vie des patients, c’est
savoir la préserver jusqu’au bout, et s’interroger
sur la qualité de leur mort. Il y a, dans cette
acceptation et cet accompagnement, une réelle
mission soignante.
■
D’après les propos tenus
lors de l’atelier de formation
“Mesure de la qualité
de vie aujourd’hui en cancérologie”.
organisé en collaboration
avec les laboratoires Janssen Cilag.
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Spécial RSTI
Cancer et thérapeutiques
Des pratiques
de soins modifiées
Dans le domaine du cancer de nouveaux protocoles naissent en permanence
et l’importance d’une vision plus globale de la prise ne charge des patients
cancéreux est désormais admise. Il en résulte la nécessité d’innovation
du rôle de l’infirmière qui doit s’adapter à l’évolution des traitements.
L
a cancérologie est une discipline où les soins
et la recherche sont étroitement liées. Les
progrès paraissent longs et difficiles à démontrer, car la mortalité par cancer continue à augmenter, en France, comme dans la plupart des
pays occidentaux. Selon le Pr Thomas Tursz,
directeur de l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif, en région parisienne, cette mortalité est notamment due au cancer du poumon lié au tabagisme tandis que l’on observe une diminution
de mortalité dans certains cancers : cancer des
testicules, lymphomes, cancer du sein. « La
réussite du traitement dépend d’une stratégie combinée, de l’interaction de techniques et de compétences différentes pour prendre en charge globalement le patient », estime le Pr Tursz, également
chef du service de thérapie génique.
Au cours des dix dernières années, on a assisté au
développement de nombreux médicaments cytostatiques, de l’association thérapeutique, de l’intensification thérapeutique en recourant à des doses
plus élevées et on attend encore des progrès grâce
aux nouvelles molécules en cours d’évaluation et au
meilleur contrôle des effets secondaires des traitements anticancéreux. Etant donné la toxicité immédiate (inhalation, absorption cutanée, ingestion
par contact) et retardée (risque mutagène, carcinogène et tératogène) des produits cytostatiques, leur
préparation et leur manipulation doit obéir à un
certain nombre de précautions. En 1977, la Norvège était le premier pays à publier une réglementation sur la mise en place de la préparation centralisée des cytostatiques sous les hottes. En France, la
circulaire de 1987 précise que les cytostatiques doivent être manipulés dans les locaux réservés et ventilés avec une protection par les gants et les
masques. Plus récemment, citons la circulaire de
1998, qui rappelle que tout établissement orienté
vers la cancérologie doit posséder une pharmacie
pour fournir les médicaments et une unité centrali-
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sée pour la reconstitution des cytostatiques et pour
la chimiothérapie. Comme le fait remarquer MarieHélène Grongnet du Centre Henri-Becquerel, les
documents sont certes nombreux, toutefois la surveillance médicale du personnel manipulant les cytostatiques laisse à désirer : en effet, il n’y a pas de
réglementation précise ni d’examens particuliers,
sauf la pratique du test de la mutagénicité des
urines dans certains centres anticancéreux. Bref, la
gestion du risque à l’hôpital s’impose (vu le grand
volume de médicaments) et il est recommandé
pour l’infirmière en ville (les risques sont minimes)
le port de la blouse, du masque et des gants pour
assurer sa sécurité. Tout en essayant de ne pas majorer l’angoisse du patient. A noter que les recommandations sont disponibles sur différents supports parmi lesquels un logiciel formateur élaboré
par la Ligue des Centres anticancéreux.
Comme le suggère Patricia Rovelon : « Des mesures nouvelles devraient être prises pour aider les infirmières à introduire un changement indispensable à
la réalisation de nouvelles approches thérapeutiques
et pour qu’elles soient associées aux projets de recherche ». Son équipe du service du Pr Tursz a
montré un exemple de la contribution des soignants dans un essais de thérapie génique chez les
patients atteints de cancer bronchique, avec
comme objectif de démontrer la faisabilité du
transfert du gène marqueur, intégré au génome de
l’adénovirus de la cellule cancéreuse (une phase à
visée thérapeutique est en cours). Ainsi, les soignants ont été amenés à appliquer leur rôle technique (nouvelles techniques, choix du nouveau
matériel, protection de l’environnement, mesures
de protection personnelle) mais aussi un rôle psychologique et éducatif auprès des patients qui ont
peur et qui souffrent.
■
D’après les propos tenus lors de la conférence organisée
en collaboration avec les laboratoires Amgen et Produits Roche.
Douleur
L’évaluation interdisciplinaire
de la douleur
La douleur n’est pas un symptôme comme les autres.
Si on ne veut pas l’entendre, on ne l’entend pas. Si, pendant
trente ans, on n’a appris ni à la connaître ni à la reconnaître,
l’évaluer est aujourd’hui un travail au quotidien.
«
L’
évaluation et le traitement de la douleur sont
évoqués couramment sur le plan médiatique,
indique le Dr Jean-Marie Gomas, de l’hôpital
Sainte-Perrine (Paris). Mais la réalité clinique
reste encore bien préoccupante ». Pour ce médecin, aborder ce sujet devant des soignants relève
de la gageure : « Car la pratique quotidienne
montre que c’est le corps médical qui représente le
frein essentiel au traitement correct des douleurs.
Non pas, explique-t-il, que les soignants soient à
l’abri des mêmes mécanismes de défense que les mé-
decins, ou que ceux-ci soient inhumains. Mais l’histoire professionnelle, la déshumanisation de l’exercice médical, l’évolution sociale, les formations
initiales de chacun des métiers en cause, sont
quelques explications éclairant les blocages actuels
et le déficit souvent dramatique de prise en compte
des douleurs ».
L’infirmière, au lit du malade, est donc confrontée à des exigences simples à définir, mais plus
complexes à résoudre au quotidien. Il lui faut
d’abord reconnaître la douleur, « ce qui sous-
entend », souligne Jean-Marie Gomas, « qu’elle
accepte que le malade ait raison sur sa douleur. Il lui
faut ensuite savoir l’évaluer ; or, être formé à analyser un symptôme ne s’improvise pas et toutes les
échelles du monde ne dispensent pas de l’empathie,
de l’écoute, du respect de l’autre, qui reste la base
éthique de l’écoute de la douleur du sujet. Enfin, elle
doit savoir “mettre en mots” et transmettre son évaluation, car communiquer avec ses collègues, puis
avec les médecins, nécessite l’utilisation d’un mode
d’expression crédible, fiable, transmissible, écoutable..., ce qui n’est pas forcément facile au quotidien, surtout avec des acteurs qui n’en ont pas l’habitude ou la culture », ajoute le Dr Gomas.
Cet aspect propre du rôle infirmier ne peut donc
s’épanouir que si l’équipe, d’une part, et le médecin, d’autre part, sont à l’écoute de cette transmission d’évaluation. « Il ne s’agit pas là d’une
technologie ou d’une grille, souligne le praticien. Il
s’agit de relations et de confiance réciproques. Et
comme ce n’est pas parce que l’on travaille dans le
même service que la vie d’équipe existe... Elle est à
créer tous les jours, à formaliser avec des outils réalistes, à faire vivre tous les jours, lors des transmissions spontanées comme lors des rencontres organisées. Bref, on revient toujours aux mêmes principes,
pour la douleur comme pour bien d’autres réalités
soignantes : l’acte d’évaluation en lui-même n’est
pas forcément le plus compliqué et n’est en tout cas
qu’une modeste partie de la dynamique antalgique.
C’est transmettre et rendre crédible cette évaluation,
s’en servir pour modifier efficacement les stratégies,
qui est plus difficile, car cela demande alors cette
cohérence de la part de tous les acteurs en présence.
Évaluer la douleur ensemble, c’est d’abord savoir
travailler et dialoguer ensemble, pour croire le malade et décrypter son ressenti ».
■
D’après les propos tenus lors de la conférence
organisée en collaboration avec les laboratoires UPSA.
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