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Spécial RSTI
fatigue est le plus commun des symptômes
du cancer, devant la douleur et l’anorexie. Elle
existe chez environ 70 % des patients traités par
radiothérapie, et chez 90 % de ceux traités par
chimiothérapie. Face à ce phénomène, les soi-
gnants se sentent souvent impuissants. Pour-
tant, depuis le début de l’année 1996, on assiste
à une mobilisation européenne des profession-
nels de santé contre la fatigue en cancérologie.
Si elle est entendue, la fatigue peut et doit être
évaluée et prise en charge par le biais de moyens
d’action divers, parfois extrêmement simples.
Des formations spécifiques sur ce sujet se déve-
loppent et aident un plus grand nombre de soi-
gnants à bénéficier de connaissances et d’outils,
certes encore disparates. Petit à petit, il devient
évident que l’amélioration de l’état de fatigue du
patient intègre une forme de qualité des soins
dont l’influence sur la qualité de vie du malade
est conséquente.
La preuve par l’exemple
Infirmières et infirmier au centre anticancéreux
de Lacassagne à Nice, Magali Genoud, Carole
Marrot et Christophe Mornat ont travaillé à un
questionnaire sur la qualité de vie des patients,
essentiellement orienté vers le thème de la fa-
tigue. «Notre objectif était d’apprécier la relation
qui peut exister entre un questionnaire sur la qualité
de vie et une échelle visuelle analogique de la fa-
tigue », explique Magali Genoud.
Le questionnaire comporte 24 items notés de 1
à 4, un total de 86 points représentant l’altéra-
tion la plus élevée de la qualité de vie. L’échelle
visuelle analogique est classiquement graduée
de 0 à 10. Au total, 54 patients (46 hommes,
8femmes, âge médian de 60 ans), traités par des
chimiothérapies contenant des dérivés de pla-
tine, sont inclus dans l’étude. Pour 37 d’entre
eux, l’enquête est réalisée au cours de deux
cures différentes.
Les résultats sont sans équivoque : les scores
obtenus par le questionnaire et par l’échelle vi-
suelle analogique sont arithmétiquement simi-
laires. Tous les patients interrogés au deuxième
cycle de leur traitement se disent plus fatigués et
font valoir, via le questionnaire, une plus grande
détérioration de leur qualité de vie.
«Bien que cette étude ait été menée sur un petit
nombre de patients, nous avons été frappés par l’ho-
mogénéité des résultats, indique Magali Genoud.
Nous pensons sincèrement que la mesure de la qua-
lité de vie d’un patient par un questionnaire est à
l’identique de la seule utilisation de l’échelle visuelle
analogique de la fatigue ».
L’anémie, grande pourvoyeuse de fatigue
Une fois entendue et évaluée, la fatigue du pa-
tient doit être prise en charge. «Mais, puisqu’elle
est multifactorielle, la prise en charge doit l’être
aussi, rappelle le Dr Laure Chauvenet, onco-
logue à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris. Devant
toute fatigue, il faut rechercher une anémie, des
troubles métaboliques, des causes endocriniennes,
des causes psychologiques, et s’interroger sur une
possible évolution de la maladie, et sur les répercus-
sions des traitements ».
L’anémie est, bien entendu, une des causes les
plus fréquentes de fatigue ou, tout au moins,
une de ses composantes essentielles. Elle se dé-
finit par un taux d’hémoglobine inférieur à
11 g/dl chez la femme et 12 g/dl chez l’homme.
«Le plus important à considérer n’est pas unique-
ment ce taux classiquement défini, fait remarquer
le Dr Laure Chauvenet. Si un patient présente un
taux normal d’hémoglobine à 15 g/dl, le passage à
12 g/dl signifie, dans son cas, une vraie anémie,
donc l’installation d’une vraie fatigue ».
Les symptômes de l’anémie sont la pâleur, des
palpitations cardiaques, une asthénie et une
grande intolérance à l’effort. Ses conséquences
sont une perte d’autonomie, une diminution de
la vie sociale et, ce qui est plus grave, des réper-
cussions psychologiques qui font qu’un grand
nombre de patients pensent que leur fatigue est
synonyme d’une évolution défavorable du can-
cer. Une dépression peut alors apparaître très ra-
pidement et influer sur le devenir de la maladie.
Bien que la tolérance à l’anémie soit variable
selon l’âge, le terrain cardio-vasculaire et des
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