Planches du salut http://www.france-palestine. org - Association France Palestine Solidarité -- Informations - Témoignages -- Témoignages Planches du salut May Sélim vendredi 23 février 2007 http://www.france-palestine.org - Association France Palestine Solidarité Page 1/3 Planches du salut Croyant dur comme fer à la force du théâtre, la metteuse en scène palestinienne Imane Aoune résiste à sa manière. LAssociation Ishtar, quelle a fondée avec son mari, organise un premier Forum international sur le théâtre de lopprimé. Elle est satisfaite dincarner Oum Al-Ezz dans Al-Chohadaa yaoudoune (les martyrs reviennent), Mona dans Hikayet Mona (lhistoire de Mona) ou encore Sarah Bernhardt dans Salas nissaa taht al-adwaa (trois femmes sous les feux de la rampe) ... Imane Aoune est une artiste qui a élu domicile sur les planches. Elle a signé notamment la mise en scène de Gababerat al-ard (les titans de la terre), Abnaa Héracle (les fils dHercule), Magnoune saytara (avide dhégémonie). Cest entre le jeu théâtral et la mise en scène que se déroule la vie de cette femme palestinienne. « A travers le jeu, linterprète voyage vers dautres mondes, corps et âme. On devient comme un derviche de la scène et on entre dans un état de soufisme et de transe. Ce quon narrive pas à exprimer par les mots, on lexprime par le corps. La mise en scène relève plutôt du leadership, cest le travail dun visionnaire, dun créateur qui veut concrétiser son rêve sur scène », précise Imane Aoune sur un ton sincère et jovial. « Le metteur en scène, malgré lui, se trouve contraint à rester en coulisses ». Cet amour pour le théâtre, elle lexprime aussi différemment en faisant un travail de formatrice, entraînant les jeunes comédiens et créateurs, à travers lAssociation Ishtar, quelle a fondée à Ramallah en 1991 avec son mari le comédien Edward Al-Moallem. Tous deux anciens membres de la compagnie palestinienne Al-Hakawati (le narrateur) qui a perdu son théâtre lors de lIntifada, ils se sont lancés dans le monde de la production théâtrale et de la formation. « Avec la fondation Ishtar, nous avons pensé nous spécialiser dans les programmes dentraînement et détudes théâtrales, vu que cela fait défaut en Palestine. On a voulu transmettre notre expérience aux nouvelles générations », déclare-t-elle. Ishtar propose, en effet, un programme dentraînement de trois ans, lequel a été introduit dans les écoles non gouvernementales. Il sagit de former les étudiants dès lâge de 10 ans et de les doter en fin de cursus scolaire dun certificat leur permettant de faire des études théâtrales hors du pays ou de se joindre à leurs maîtres dIshtar. Dans ce dernier cas, les diplômés suivent deux ans de formation supplémentaire afin de devenir acteurs professionnels ou formateurs. Pour Aoune, répandre lart de la scène dans les villes et villages palestiniens, déclencher le rire du public, fêter la vie, sont toutes des manières de lutter contre loccupation. Parle-t-elle dun théâtre de la résistance ? Sans doute. Pourtant, dans son théâtre il nest guère question de clichés, ceux de la guerre, des blessés, de lIntifada ... La directrice artistique dIshtar opte plutôt pour un genre sociopolitique. Une forme théâtrale qui sinspire du Théâtre de lOpprimé (TO), lancé par Augusto Boal à partir des années 1970. « Les lois injustes abondent dans notre société, on cherche alors à provoquer le public. Celui-ci est invité à réagir, à entrer en interaction avec les événements de la pièce, afin de dicter ses propres lois ou modifier celles déjà existantes. On rassemble toutes les propositions, et on vote. En fait, cest une procédure à trois étapes : le jeu théâtral, linteraction et enfin la législation », indique Aoune qui croit dur comme fer à la force du théâtre. Lhistoire de Mona fut donc lun des premiers spectacles du genre ; il se donne depuis 2005 en Palestine comme ailleurs. « Nous sommes, dans Ishtar, des jokers au sens positif du terme. On joue là où on se retrouve, on entraîne les jeunes en Palestine et ailleurs en organisant des ateliers de formation. Notre travail ne se limite pas aux frontières du pays ni à celles du monde arabe. On invite les spécialistes à venir de partout pour partager leurs expériences », lance Imane Aoune. Lappellation Ishtar recèle une histoire damour, de force et de féminité. Car cest le nom dune déesse des civilisations phénicienne, cananéenne et calédonienne, déesse de lamour, de la guerre http://www.france-palestine.org - Association France Palestine Solidarité Page 2/3 Planches du salut et de la fertilité. « Cest une déesse paradoxale qui regroupe en elle pas mal de contradictions tout comme le théâtre ». Avant de fonder son association théâtrale, Aoune avait nommé sa fille aînée Ishtar, en 1990. Un modèle à suivre ? Elle lavoue ouvertement. « Dès que jai étudié lépopée de Gilgamesh, je suis tombée amoureuse de la déesse Ishtar. Elle est un symbole féminin très marquant. Je sens que je lui ressemble en quelque sorte », dit-elle. Au lycée, Imane Aoune ne faisait pas de théâtre. Elle se contentait de chercher, dans son ancienne maison de Jérusalem, les habits des anciens de la famille. Devant le miroir, elle mimait les différents personnages, avec ses costumes en main. Sa grand-mère lencourageait. Et dune manière inconsciente, elle lui apprenait à jouer. « Elle nous racontait pas mal dhistoires, à mon frère et à moi. Et de temps en temps, elle nous demandait de jouer le rôle dun cow-boy fusillé ... Comment il tombe par terre, comment il réagit ... Cétait à nous de jouer et dimiter » . A lécole des garçons, où étudiait son frère, Imane découvrit son talent de comédienne. Il fallait monter un spectacle théâtral et trouver une fille pour jouer la fiancée dun guerrier blessé. « Mon frère a dit tout de suite à ses amis et professeurs : Ma soeur pourra assurer ce rôle. Sur les planches, jétais terrifiée. La salle était pleine. La lumière des projecteurs éblouissante. Jai pris une grande bouffée dair et me suis mise à réciter mon texte. Je ne savais pas si je jouais bien, mais les applaudissements du public sont venus me rassurer ». Cest ainsi quImane Aoune est entrée dans le jeu. Elle participait aux spectacles scolaires, ceux donnés dans les clubs avec des amis durant les années 1970. A lépoque, cétait difficile quune jeune fille, provenant de lancienne ville de Jérusalem, fasse des études théâtrales. Il fallait en plus voyager hors du pays ! Aoune a donc étudié la sociologie et le psychodrame, en continuant à jouer avec les troupes damateurs. Mais avec Al-Hakawati, la compagnie de théâtre palestinienne, cétait le début dune carrière professionnelle. « Al-Hakawati était une grande école de drame ; jai appris les techniques du jeu, le respect des horaires, limportance des répétitions ... ». Mais un problème familial sy opposait. « Mon père, qui mencourageait autrefois à jouer en tant quamatrice, a complètement rejeté lidée de voir sa fille se transformer en une vraie comédienne. Il nassistait plus à mes spectacles et me répétait tout le temps : Avec cette profession, qui voudra tépouser ? Je lui répondais : Ne tinquiète pas, jépouserai le théâtre ». En travaillant avec Al-Hakawati, Imane Aoune est tombée amoureuse de son collègue Edward Al-Moallem. Quelques années plus tard, ils se sont fiancés. De quoi avoir réconforté le père. Cétait, selon lui, lindice dun bel avenir. « Sur scène, jai besoin davoir en face, un acteur sensible comme Edward. Mais à maintes reprises, nos devoirs familiaux nous ont privés de jouer ensemble. Il fallait que quelquun de nous reste à la maison pour soccuper des enfants ». En gérant ensemble lAssociation Ishtar, les deux partenaires se partagent les rôles de façon à promouvoir leurs projets artistiques. Ils cherchent à obtenir la grâce de leur déesse, Ishtar. Jusque-là, elle ne les a guère abandonnés. publié par al-Arham hebdo en français, 21 - 27 février 2007 http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2007/2/21/visa0.htm http://www.france-palestine.org - Association France Palestine Solidarité Page 3/3