La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Mise au point
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être recommandée. Si la réponse est “non” à au moins un
critère, la mise en place du programme de dépistage n’est pas
justifiée. En revanche, si la réponse est “ne sait pas” à certains
critères et “oui” aux autres, des recherches complémentaires
doivent être menées.
Une évaluation systématique de ces critères dans la littérature
consacrée à la prévention des troubles psychotiques montre
que des informations quantitatives ne sont pas disponibles
pour la plupart des critères (17). Seuls les deux premiers cri-
tères (importance de la maladie et longueur de la phase pré-
clinique) sont clairement documentés. Une limite majeure est
l’absence de tests diagnostiques performants pour les troubles
psychotiques débutants. Les équipes impliquées dans la pro-
motion des programmes de dépistage ont développé des ins-
truments destinés à identifier des sujets présentant un état
mental à risque, tels que le Comprehensive Assessment of At
Risk Mental States (CAARMS) (18) ou la Scale of Prodromal
Symptoms (SOPS) (19). Cependant, ces tests ont été évalués
exclusivement dans des populations cliniques (8) et, même
dans ces conditions, ils s’avèrent peu performants. En parti-
culier, leur spécificité est très limitée : le nombre de sujets
identifiés à tort comme souffrant d’un trouble psychotique
débutant (faux positifs) est trop élevé pour que ces tests puis-
sent être actuellement applicables dans d’autres contextes que
ceux de projets de recherche. Les questions soulevées par le
taux de faux positifs sont cruciales, car, dans un programme
de dépistage, les sujets sont exposés aux risques liés à un trai-
tement non justifié, mais aussi à de potentielles conséquences
relationnelles et sociales liées à l’annonce du diagnostic de
trouble psychotique, ou de risque d’évolution vers un trouble
psychotique (8, 20). Les problèmes générés par les faux néga-
tifs (être identifié à tort comme indemne) sont plus rarement
évoqués (17, 21),bien que le fait d’être rassuré à tort puisse
aussi présenter des conséquences délétères. L’acceptabilité
par le système de santé, et en particulier l’évaluation médico-
économique coût/efficacité (8), constitue un autre exemple de
critère très mal documenté.
CONCLUSION
Il est à souhaiter que les études en cours et à venir permettront
de donner des réponses pertinentes aux questions en suspens
concernant l’efficacité et l’utilité de l’intervention précoce dans
les troubles psychotiques. Le débat actuel est une étape inévi-
table, liée au fait que les programmes de prévention ne doivent
pas reposer uniquement sur des intuitions cliniques et de bonnes
intentions, mais qu’ils doivent, comme toute nouvelle stratégie
médicale, faire l’objet d’une évaluation en termes de risques et
de bénéfices à l’échelle de la population cible.
■
R
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B
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Le programme du Congrès de “La Psychiatrie dans tous ses états” est joint à ce numéro. Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois
Dépôt légal à parution - © Décembre 2001 - EDIMARK SAS