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Le Courrier de l’algologie (3), no4, octobre-novembre-décembre 2004
Mise au point
Mise au point
gique (modèle cognitivo-compor-
temental), dans lequel le patient est
tout à fait compliant à la sugges-
tion du thérapeute. Pour d’autres, il
s’agit d’un mécanisme biologique.
Ces deux hypothèses ne sont
d’ailleurs pas exclusives l’une de
l’autre (7, 8).
La douleur, perception sensorielle
et émotionnelle désagréable,
modulée par de nombreux para-
mètres cognitifs, socioculturels et
environnementaux, nécessite une
prise en charge multidimension-
nelle dont l’hypnose fait partie.
Price et Barber (9) ont démontré,
dans une étude expérimentale
ancienne, que l’hypnoanalgésie
diminuait la composante affective
de la douleur (“l’émotion désa-
gréable”) de 80 % et sa compo-
sante sensorielle de 45 %.
Une étude de Kiernan et al. (10) a
mis en évidence l’effet inhibiteur
descendant du cerveau vers la
moelle épinière par des suggestions
hypnotiques : une diminution du
réflexe postsynaptique de RIII, qui
est une façon d’objectiver le seuil
douloureux, chez des volontaires
soumis à un stimulus douloureux.
Forster et al. (11) ont confirmé ces
résultats en démontrant également
que c’est la qualité des suggestions
qui induit l’analgésie chez les
sujets, et non leur degré d’“hypno-
tisabilité”.
L’imagerie cérébrale fonction-
nelle a permis la réalisation
d’études expérimentales mettant
en évidence l’activation de cer-
taines parties spécifiques du cer-
veau lors de l’hypnose. Dans
l’étude de Rainville et al. (4), ainsi
que dans celle de Faymonville et
al. (5), la modulation hypnotique
du désagrément de la douleur chez
des volontaires était corrélée à des
modifications de l’activité dans le
cortex cingulaire antérieur, sans
modifications de l’activité des
autres aires corticales, qui sont
normalement activées lors de sti-
mulations douloureuses. La signi-
fication physiologique de l’acti-
vation du cortex cingulaire lors
d’une suggestion hypnotique pen-
dant une stimulation nociceptive
n’est pas encore élucidée, mais ce
phénomène démontre clairement
que l’état hypnotique est différent
de l’état de conscience normal.
Ces études pourraient suggérer
un processus compétitif entre la
perception de la douleur et une
focalisation de l’attention par des
suggestions visuelles et/ou mémo-
rielles obtenues par l’hypnose.
La gestion de la douleur
par l’hypnose
La douleur est un phénomène beau-
coup plus complexe que ne le défi-
nit l’Association internationale
d’étude de la douleur (IASP). En
plus des deux composantes, senso-
rielle et affective, reconnues offi-
ciellement, d’autres dimensions
(culturelles, sociales, psycholo-
giques) devraient être incluses. En
effet, la douleur n’est pas seulement
un signal d’alarme révélant une
pathologie, mais elle peut être aussi
un moyen de communication pour
exprimer un mal-être, un moyen
efficace pour communiquer à son
entourage que “quelque chose ne
va pas”, comme par exemple un
conflit interne ou externe, une
dépression, une angoisse, etc. De
plus, une symptomatologie dou-
loureuse permet, dans un certain
nombre de situations, le plus fré-
quemment de manière incons-
ciente, d’obtenir des bénéfices se-
condaires, financiers, par exemple,
dans le cas d’une sinistrose, et/ou
affectifs lors de difficultés rela-
tionnelles.
L’hypnose fait partie du domaine
psychosocial de la médecine. Son
efficacité se fonde essentiellement
sur la qualité de la relation patient-
médecin et n’utilise pas d’interven-
tions externes (médicaments, attel-
les,
chirurgie...) pour traiter la
douleur, contrairement aux autres
thérapies. De ce fait, elle aborde pro-
bablement le patient de façon plus
globale que les autres “thérapies
physiques” de la douleur, et tient
davantage compte du contexte psycho-
social, des attentes et des représen-
tations des patients. Par son ap-
proche holistique, l’hypnose peut en
outre diminuer la composante sen-
sitive du symptôme, augmenter la
capacité à faire face (coping capa-
city) à la douleur en favorisant une
amélioration de l’hygiène de vie, un
sommeil de meilleure qualité, une
alimentation plus adaptée, une plus
grande endurance à l’exercice phy-
sique. Elle peut transformer un
patient passif, se comportant en vic-
time, en un patient responsabilisé
participant activement à sa prise en
charge.
Une hypnose formelle nécessite
l’intervention d’un thérapeute for-
mé, qui sélectionne les patients
après une anamnèse, un examen
approfondi et des examens complé-
mentaires, si nécessaire, pour
confirmer ou infirmer un diagnos-
tic. Il peut en effet être dangereux
de pratiquer l’hypnose dans les cas
où elle occulte des symptômes pou-
vant nécessiter un traitement chi-
rurgical (une tumeur cérébrale, par
exemple) ou médicamenteux (cé-
phalée, méningite). Le thérapeute
doit aussi sélectionner le patient sur
son profil psychologique : l’hyp-
nose peut être moins ou non effi-
cace chez un patient qui retire
consciemment ou inconsciemment
un bénéfice secondaire de son
symptôme douloureux (financier
ou émotionnel), ou si le patient a
une attente démesurée à l’égard de
l’intervention hypnotique (dispari-
tion totale d’une douleur chronique,
par exemple). Afin de contourner
ce type de “résistance”, un entre-
tien individualisé peut s’avérer
nécessaire pour expliquer le rôle
actif et la responsabilité du patient
dans ce type de traitement, l’objec-
tif de ce dernier étant d’améliorer
la qualité de vie sans nécessaire-
ment modifier les bénéfices secon-
daires. Une autre cause d’échec est
la mauvaise compréhension des