I N F O R M A T I O N S Prévention et thérapeutique cardiovasculaires au féminin M.C. Aumont* e congrès du groupe Pharmacologie clinique et thérapeutique cardiovasculaire de la Société française de carC diologie s’est tenu à Paris en mars 2004. L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE (HTA) CHEZ LA FEMME Ce thème a été traité par B. Haas. Dans le projet MONICA France, 3 500 personnes âgées de 35 à 64 ans ont été interrogées et examinées quant à leurs facteurs de risque. Il y avait autant d’hommes que de femmes. La prévalence de l’HTA chez la femme varie de 40 % dans le Nord de la France à 30 % dans le Sud. Elle est de 15 % dans la tranche 35-44 ans et de 60 % dans la tranche 55-64 ans. Le contrôle de l’HTA semble meilleur chez les femmes que chez les hommes, bien que seulement 30 % des femmes traitées aient des chiffres tensionnels contrôlés. L’une des sessions était consacrée au risque cardiovasculaire au cours de la grossesse. TRAITEMENT ANTIHYPERTENSEUR CHEZ LA FEMME ENCEINTE HYPERTENDUE T. Denolle a rappelé la fréquence de l’HTA au cours de la grossesse, soit environ 1 cas sur 10 grossesses. Dans 70 % des cas, il s’agit d’une HTA gravidique survenant surtout lors de la première grossesse et au troisième trimestre ; dans 20 % des cas, il s’agit d’une prééclampsie, et dans 10 % des cas d’une hypertension chronique antérieure à la grossesse. Elle est définie par une pression artérielle supérieure ou égale à 140/90 mmHg à deux mesures (en phase V). Elle constitue l’une des principales causes de morbi-mortalité fœtale et maternelle. En cas d’HTA sévère (> 170/110 mmHg), le traitement médicamenteux a pour but de protéger la mère d’un accident hypertensif aigu (notamment l’hémorragie cérébrale), mais il ne représente qu’un moyen d’attente, l’interruption de la grossesse avec extraction fœtale – si le terme le permet – étant le traitement de la prééclampsie. Dans l’HTA légère à modérée, les résultats des essais contrôlés comparant traitement actif versus abstention nous indiquent qu’il n’y a pas de bénéfice évident pour la mère et le fœtus à prescrire un traitement actif. Les recommandations internationales divergent quant au niveau de la pression artérielle seuil auquel le traitement médicamenteux doit être commencé et le niveau de la pression artérielle cible. Abaisser rapidement la pression artérielle chez la femme enceinte est dangereux pour le fœtus. Plus on fait baisser la pression artérielle, plus le nouveau-né sera petit. Dans les recommandations canadiennes (1997), la pression artérielle diastolique cible est de 80 à 90 mmHg. Dans les recommandations de l’OMS (1999), la pression artérielle seuil est de 170/110 mmHg, tandis que, dans les recommandations américaines (2000), elle est de 160/105 mm Hg. Enfin, dans les recommandations européennes (2003), la pression artérielle doit être inférieure ou égale à 140/90 mmHg, en tolérant 150/95 mmHg en cas d’HTA chronique non compliquée. Il n’y a pas d’effet tératogène des antihypertenseurs en début de grossesse, et donc pas d’indication d’avortement thérapeutique. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II sont contre-indiqués, car ils risquent d’entraîner une fœtopathie à un stade plus tardif. Les bêtabloquants (sauf l’aténolol), la méthyldopa et les dihydropyridines peuvent être poursuivis pendant la grossesse. Les diurétiques sont à éviter. En définitive, les deux médicaments les plus utilisés sont la méthyldopa et le labétalol. Dans les hypertensions sévères, le labétalol peut être utilisé en perfusion intraveineuse. La nifédipine est également employée, mais en évitant une chute brutale de la pression artérielle. PRÉVENTION DU RISQUE THROMBOEMBOLIQUE AU COURS DE LA GROSSESSE * Département de cardiologie, hôpital Bichat, Paris. J. Conard a rappelé que l’embolie pulmonaire était la cause la plus fréquente de décès maternels. La thrombose veineuse profonde touche plus volontiers le membre inférieur gauche, et la fréquence est un peu inférieure à une thrombose pour 1 000 grossesses. Les facteurs de risque sont : l’âge supérieur à 35 ans, l’alitement, une prise de poids excessive pendant la grossesse, une césarienne, surtout en urgence, un antécédent personnel de thrombose. Les varices, la multiparité et la gémellarité sont moins bien La Lettre du Cardiologue - n° 378 - octobre 2004 7 I N F O R M A T I O N S documentées. Le déficit en antithrombine III comporte un fort risque, alors que l’anomalie du facteur V ou du facteur II s’accompagne d’un faible risque. Les HBPM sont utilisées en traitement curatif au cours de la grossesse, dans cette indication, conformément aux recommandations de l’ANAES (énoxaparine ou daltéparine avec posologie initiale de 100 U/kg/12 heures en maintenant une héparininémie anti-Xa entre 0,5 et 1 U/ml). Dans le péripartum, il est conseillé de passer à l’héparine non fractionnée pour le haut risque, en l’arrêtant 4 à 6 heures avant l’anesthésie loco-régionale, et en reprenant l’anticoagulation 12 heures après la délivrance. La coumadine est compatible avec l’allaitement. En ce qui concerne le traitement anticoagulant, il n’y a pas de solution idéale pour les trois premiers mois de la grossesse. Le choix entre héparine et antivitamines K se fera après discussion collégiale et information de la patiente. L’accouchement s’effectue en général par voie basse. L’anesthésie péridurale est employée, sauf en cas de traitement anticoagulant. La césarienne est surtout indiquée pour la maladie de Marfan. PRISE EN CHARGE DES VALVULOPATHIES AU COURS DE LA GROSSESSE Le problème des cardiopathies congénitales au cours de la grossesse a été évoqué par A. Bozio. Les contre-indications de la grossesse afin de prévenir la mortalité maternelle sont : – HTAP sévère, syndrome d’Eisenmenger, – obstruction sévère à l’éjection et au remplissage ventriculaire, – syndrome de Marfan avec diamètre aortique supérieur à 44 mm, – insuffisance cardiaque classe III ou IV NYHA. Pendant la grossesse, il faut prévenir les complications thromboemboliques et l’endocardite infectieuse et s’assurer de l’intégrité cardiaque du fœtus. La prématurité est fréquente, surtout en cas de désaturation. La césarienne n’est pas indiquée dans la majorité des cas. B. Iung a reprécisé les indications actuelles concernant les valvulopathies au cours de la grossesse. Les valvulopathies régurgitantes sont souvent bien tolérées, et un traitement digitalodiurétique suffit. L’intervention chirurgicale est contre-indiquée du fait des risques liés à la circulation extracorporelle. Le rétrécissement mitral est mal toléré vers le cinquième mois. Le risque est majeur surtout au troisième trimestre et lors de l’accouchement. Le traitement médical fait essentiellement appel aux bêtabloquants (propranolol), et éventuellement aux diurétiques. La dilatation mitrale percutanée est indiquée pour les femmes restant symptomatiques sous traitement médical, tout en sachant qu’une insuffisance mitrale aiguë est très mal tolérée. La commissurotomie à cœur fermé comporte une létalité fœtale de 2 à 10 %, et il faut éviter une intervention sous CEC (létalité fœtale 30 %). La dilatation percutanée se discute si la surface mitrale est inférieure à 1 cm2. En cas de maladie de Marfan, la grossesse peut être autorisée en cas de diamètre aortique inférieur à 40 mm et en l’absence d’insuffisance aortique. En revanche, la grossesse est déconseillée en cas de diamètre aortique supérieur à 40 mm ou en présence d’une insuffisance aortique. L’accouchement peut se faire par voie basse si le diamètre aortique est inférieur à 40 mm ; sinon, une césarienne est envisagée à 38 semaines. 8 PRISE EN CHARGE DES CARDIOPATHIES CONGÉNITALES MATERNELLES AU COURS DE LA GROSSESSE PRISE EN CHARGE DES TRANSPLANTÉES CARDIAQUES AU COURS DE LA GROSSESSE La grossesse est déconseillée chez les transplantées cardiaques du fait du traitement immunosuppresseur et de la toxicité vasculaire de la ciclosporine et du tacrolimus, qui provoquent HTA, insuffisance rénale et prééclampsie chez la mère, avortement et retard de croissance chez le fœtus. D’autre part, les rejets cardiaques sont fréquents et la survie de la mère n’est que de 60 % à 15 ans, comme l’a rappelé P. Ambrosi. La Lettre du Cardiologue - n° 378 - octobre 2004