X Journées européennes de la Société française de cardiologie

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N F O R M A T I O N S
XIIIes Journées européennes
de la Société française
de cardiologie
Journées Mireille Brochier
LvieresàJournées
européennes de la Société française de cardiologie, qui se sont déroulées du 15 au 18 janParis, sous la présidence du Pr M. Komajda, nous ont encore confirmé leur efficacité. Les sujets variés,
sous la forme de communications, conférences plénières et posters, ont couvert l’ensemble de la cardiologie, de
la physiopathologie à la prise en charge thérapeutique fondée sur les preuves ; nous en rendrons compte dans la
première partie.
Des sessions consacrées à “L’essentiel en 2002” dans telle ou telle discipline ont également retenu notre attention
et feront l’objet d’une deuxième partie. Enfin, une troisième partie sera consacrée aux symposiums satellites.
Plus de 16 sociétés savantes internationales étaient représentées, dont l’ESC avec son président le Pr Bassand,
l’ACC avec le Pr Goodfire, la FFC avec son président le Pr Thomas, le CNCF avec le Dr Jullien et, pour la première
fois, la Fédération française des oncologues médicaux avec le Dr Douarissi.
Première partie
OUVERTURE DU CONGRÈS
Dans son discours d’introduction, le Pr M. Komajda a rappelé les
objectifs de la Société française de cardiologie : évaluer la prise
en charge des patients dans le monde réel avec les commissions
des registres (syndrome coronarien aigu et insuffisance cardiaque), promouvoir la recherche selon la loi Huriet et permettre
la rédaction de recommandations.
Le Pr M. Komajda a exprimé au ministre de la Santé, représenté
par le Pr Grimfeld, cinq points regroupant l’ensemble des appréhensions des cardiologues :
1. Le problème du nombre et de la démographie des cardiologues,
avec une diminution de 23 % des cardiologues annoncée pour 2020.
2. L’augmentation de la consommation des soins cardiovasculaires en rapport avec l’allongement de l’espérance de vie.
3. Les problèmes de disponibilité, pour nos patients, des nouvelles thérapeutiques, en raison de leur coût : les stents actifs pour
la prévention de la resténose intrastent, les défibrillateurs implantables pour la prévention de la mort subite, la resynchronisation
cardiaque pour réduire les hospitalisations longues et répétées
des patients insuffisants cardiaques.
4. Les nouvelles dispositions réglementaires, avec la loi des
35 heures, difficilement compatibles avec la spécificité de la cardiologie, qui, d’une spécialité clinique, s’est orientée de plus en
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
plus vers une spécialité médicochirurgicale, avec l’avènement de
la cardiologie interventionnelle, de la rythmologie interventionnelle et de l’échocardiographie d’urgence.
5. Le Pr M. Komajda s’est alors interrogé sur la place de la France
au sein de la cardiologie internationale, avec une influence et une
créativité soumises à une pénurie de moyens, à la lourdeur de
l’administration, avec une monopolisation des médecins vers des
tâches de plus en plus administratives.
HOTLINE
Étude ASSENT-3+ (ASsessment of the Safety and Efficacity of
New Thrombolytic regimens), P. Goldstein, Lille
Objectifs et population. Cette étude a pour objectif d’évaluer
l’efficacité et la tolérance de l’énoxaparine versus l’héparine non
fractionnée (HNF) associées à une thrombolyse par le ténectéplase (TNK).
Cette étude multicentrique internationale, randomisée et en
double aveugle a concerné 1 639 patients recrutés au sein de
88 centres dans 12 pays (tableau I).
L’étude ASSENT-3+ est une étude préhospitalière, à la différence
de l’étude hospitalière ASSENT-3, et ne comporte pas le troi7
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sième groupe de patients avec l’association abciximab + TNK
qui s’est révélée délétère dans l’étude ASSENT-3.
Tableau I. Caractéristiques de la population de l’étude ASSENT-3+.
ASSENT-3+
Nombre de patients
Âge moyen (années)
Âge > 75 ans (%)
Femme (%)
HTA (%)
Diabétique (%)
ATCD IDM (%)
ATCD pontage (%)
ATCD angioplastie (%)
Tabagisme actif (%)
Énoxaparine + TNK
HNF + TNK
818
62
18
24
35
14
15
2,6
7,4
42
821
62
16
22
36
16
14
1,6
6,4
45
TNK : ténectéplase ; HNF : héparine non fractionnée.
Les résultats sont présentés dans les figures 1, 2, 3 et 4. Sur le
critère combiné (décès + récidive IDM + ischémie réfractaire à
J30), pour les patients de moins de 75 ans, on retrouve un bénéfice pour l’énoxaparine versus l’HNF (11,2 versus 15,2 %,
p = 0,0033) (figure 4). Ce bénéfice disparaît chez les patients de
plus de 75 ans (27,5 versus 28,8 %, p = 0,813).
Il n’y a pas d’augmentation des saignements majeurs dans le
groupe énoxaparine (4,04 versus 2,80 %, p = 0,168) (figure 3).
Cependant, dans l’analyse de sous-groupes, les hémorragies intracrâniennes sont augmentées dans le groupe énoxaparine pour
trois catégories de patients : ceux d’un âge supérieur à 75 ans (6,1
versus 0,76 %, p = 0,04), les femmes (5,15 versus 1,09 %,
p = 0,02) et les patients maigres (< 60 kg) (5,17 versus 0 %,
p = 0,08).
En comparant les données de l’étude ASSENT-3+ (préhospitalière) à celles de l’étude ASSENT-3 (intrahospitalière), on
retrouve un délai thérapeutique diminué de 45 minutes, permettant d’obtenir un chiffre de 50 % de patients traités dès la
deuxième heure, versus 29 %.
Figure 2. Résultats secondaires de l’étude ASSENT-3+.
Figure 3. Tolérance des deux bras de ASSENT-3+ (HIC = hémorragie intracrânienne).
Figure 4. ASSENT-3+ : analyse de sous-groupes en fonction de l’âge à 30 jours.
Figure 1. ASSENT-3+ : résultats des deux objectifs primaires à J30 (HIC : hémorragie intracrânienne).
8
Conclusion. Les patients de ASSENT-3+, à plus haut risque que
ceux de ASSENT-3, présentent un même taux de mortalité, confirmant l’intérêt de la thrombolyse préhospitalière, avec un gain de
temps de 45 minutes. Time is muscle !
La combinaison de l’énoxaparine et du TNK réduit de manière
significative les événements ischémiques intrahospitaliers, mais
est associée à un risque plus élevé de saignements majeurs chez
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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les patients de plus de 75 ans. Cette association doit donc être
déconseillée chez les patients de plus de 75 ans, en attendant les
résultats d’une nouvelle étude utilisant des doses d’énoxaparine
réduites et adaptées au poids (étude EXTRACT-TIMI).
Étude CARMEN (Carvedilol ACE inhibitor Remodelling Mild
CHF EvaluatioN), M. Komajda, Paris
Les guidelines actuelles pour le traitement de l’insuffisance cardiaque recommandent l’utilisation en premier lieu d’un IEC, suivi
d’un traitement par bêtabloquant si les symptômes persistent.
L’objectif de l’étude CARMEN consiste à comparer l’efficacité
sur le remodelage cardiaque d’un IEC, l’énalapril (E), et d’un
bêtabloquant, le carvédilol (C), qui bloque les récepteurs bêta-1,
bêta-2 et alpha-1, associé à un effet antioxydant.
Cette étude européenne multicentrique (13 pays), randomisée et
en double aveugle a inclus 572 patients (âge moyen de 62 ans,
81 % d’hommes) en insuffisance cardiaque chronique légère
(NYHA II = 65 %, fraction d’éjection ventriculaire gauche [FE]
< 40 %) dans trois bras : carvédilol introduit en premier + énalapril (groupe C + E = 191 patients), carvédilol seul (groupe C
= 191 patients) et énalapril seul (groupe E = 190 patients)
(tableau II). Les doses des deux molécules ont été augmentées
jusqu’à la dose maximale recommandée : carvédilol 25 mg/j
(50 mg/j si poids > 80 kg), énalapril 10 mg/j.
Le suivi a évalué le remodelage ventriculaire gauche en échocardiographie transthoracique (biplan, Simpson) avant inclusion
et à 6, 12 et 18 mois.
Tableau II. Caractéristiques à l’inclusion de la population de l’étude
CARMEN.
Groupe C + E
Nombre patients
Hommes (%)
Âge moyen (années)
Classe I (%)
Classe II (%)
Classe III (%)
FEVG (%)
IEC (%)
Bêtabloquant (%)
191
81,2
62,1
7
68
25
30,1
68
4
Groupe C
191
77
61,9
9
65
26
29,3
62
8
Groupe E
190
84,2
62,9
7
62
31
29,5
64
6
Résultats. Les résultats montrent que le groupe C + E versus le
groupe E a permis une diminution significative du volume ventriculaire gauche en fin de systole (diminution de 5,4 ml/m2,
p = 0,0015) et en fin de diastole (diminution de 5,0 ml/m2,
p = 0,0046), ainsi qu’une augmentation significative de la FE de
2,3 % (p = 0,0022).
Le volume télésystolique est significativement réduit par rapport
à l’état initial dans le groupe C (diminution de 2,8 ml/m2,
p = 0,018) et dans le groupe C + E (diminution de 6,3 ml/m2,
p = 0,0001), alors qu’aucune différence n’est retrouvée dans le
groupe E.
La comparaison du groupe C versus E a montré une tendance non
significative en faveur du groupe C sur le critère principal.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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Conclusion. C’est la première étude qui démontre que la prescription de carvédilol, seul ou associé à un IEC, permet une diminution hautement significative du remodelage ventriculaire
gauche dans l’insuffisance cardiaque légère. Une réversibilité du
remodelage ventriculaire gauche n’a pas été observée chez les
patients recevant l’énalapril seul.
La prescription du carvédilol avant un traitement IEC s’est révélée sûre, avec une tolérance identique dans les trois groupes.
Ces résultats confirment les recommandations thérapeutiques
actuelles et apportent des arguments supplémentaires pour la prescription sans délai de l’association carvédilol plus IEC dans l’insuffisance cardiaque légère.
Le carvédilol, initié avant l’IEC, a une bonne tolérance et une
efficacité indépendante du traitement par IEC sur la diminution
du remodelage. Le schéma historique de l’institution d’un IEC
avant bêtabloquant n’est plus, et l’ordre dans lequel la combinaison thérapeutique sera instituée est laissé à la discrétion du
clinicien.
Étude ALLHAT (the Antihypertensive and Lipid-Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial), C. Lenfant, Bethesda
Lors d’une des sessions “hotline”, le président du NHLBI (National Heart, Lung and Blood Institute), C. Lenfant, nous a offert la
première communication orale des résultats de cette étude récemment publiée (JAMA 2002 ; 288 [23] : 2981-97).
L’étude ALLHAT est la plus grande étude de morbi-mortalité
jamais réalisée dans le domaine de l’HTA. Cet essai randomisé
en double aveugle a inclus 42 418 patients hypertendus à haut
risque de manière multicentrique (623 centres) dans différents
pays (États-Unis, Canada, Caraïbes) de février 1994 à janvier
1998.
Cet essai compare trois traitements antihypertenseurs : une dihydropyridine (amlodipine), un IEC (lisinopril) et un alphabloquant
(doxazosine) à un traitement de référence représenté par un diurétique thiazidique (chlortalidone). Cette étude représente une
42 418 patients avec HTA
✓ PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg ou
✓ Prise d’un traitement antihypertenseur avec au
moins un autre facteur de risque cardiovasculaire
✓ Âge ≥ 55 ans
Diurétique
chlortalidone
12,5-25 mg/j
(n = 15 255)
Inhibiteur calcique
amlodipine
2,5-10 mg/j
(n = 9 048)
IEC
lisinopril
10-40 mg/j
(n = 9 054)
Alphabloquant
doxazosine*
2-8 mg/j
(n = 9 061)
Objectifs :
✓ Primaire – Décès par maladie coronaire et infarctus
du myocarde non fatal
✓ Secondaire – Mortalité totale, AVC, événements cardiovasculaires combinés (décès coronaires, IDM, revascularisation coronaire, hospitalisation pour angor,
AVC, insuffisance cardiaque [mortelle, hospitalisée,
traitée en ambulatoire] et pathologie artérielle périphérique)
✓ Suivi moyen de 4,9 années
Figure 5. Schéma de l’étude ALLHAT (* bras doxazosine arrêté prématurément).
9
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population de patients hypertendus légers à haut risque : patients
âgés de plus de 55 ans (âge moyen de 67 ans) et présentant au
moins un autre facteur de risque cardiovasculaire (diabète de
type 2 : 36 % des patients, tabagisme actif : 22 %, HDL-cholestérol bas, HVG, antécédents d’IDM ou d’AVC depuis plus de
6 mois). Les objectifs primaires et secondaires sont détaillés dans
la figure 5. Le suivi moyen a été de 4,9 années.
En cas de réponse insuffisante au traitement (posologies maximales indiquées dans la figure 5), une association avec l’aténolol, la réserpine ou la clonidine était alors réalisée. L’hydralazine
était utilisée en troisième intention.
Résultats. Le bras alphabloquant, représenté par la doxazosine,
a été arrêté précocement en janvier 2000 en raison d’une augmentation des événements cardiovasculaires (25,5 versus 21,8 %,
p = 0,001) par rapport au traitement de référence avec le diurétique.
La diminution de pression artérielle est significativement plus
importante en ce qui concerne la pression artérielle systolique
pour le diurétique versus amlodipine ou lisinopril ; en revanche,
il n’y a pas de différence significative concernant la pression artérielle diastolique.
Objectif primaire. Le critère principal combiné (risque de décès
par maladie coronaire + IDM non fatal) ainsi que la mortalité
toutes causes sont équivalents, que l’on traite en première intention par un diurétique, par du lisinopril ou par de l’amlodipine
(figure 6).
Sur la mortalité toutes causes ainsi que sur les critères combinés
coronaires et cardiovasculaires, l’amlodipine a été comparable
au diurétique. On retrouve néanmoins avec l’amlodipine une augmentation de 38 % de la survenue d’une insuffisance cardiaque
par rapport au traitement par diurétique (figure 7).
La mortalité toutes causes n’est pas différente pour le lisinopril
et pour le diurétique. Dans le bras lisinopril, on retrouve un taux
d’événements cardiovasculaires combinés supérieur, avec une
augmentation significative des décès par maladie coronaire
(figure 8).
Seul le bras lisinopril montre une augmentation significative des
AVC de 15 % (figure 8).
Figure 6. Résultats de l’étude ALLHAT (objectif primaire = décès par maladie coronaire + infarctus du myocarde non fatal).
10
Figure 7. Résultats de l’étude ALLHAT : amlodipine versus chlortalidone.
Figure 8. Résultats de l’étude ALLHAT : chlortalidone versus lisinopril.
Conclusion. Les diurétiques thiazidiques restent la thérapeutique
de première intention pour le traitement de l’HTA en raison de
leur supériorité sur la prévention secondaire de la maladie cardiovasculaire.
Ni l’amlodipine (représentant les inhibiteurs calciques) ni le lisinopril (représentant les IEC) n’ont été supérieurs à la chlortalidone (représentant les diurétiques) pour la prévention des événements coronaires majeurs ou sur le critère de mortalité totale.
De plus, bien que la chlortalidone ne se soit pas différenciée de
l’amlodipine pour la prévention de l’ensemble des événements
cardiovasculaires, elle était supérieure à l’amlodipine pour prévenir l’insuffisance cardiaque.
La chlortalidone était supérieure au lisinopril pour la prévention
des événements cardiovasculaires combinés, principalement les
AVC, l’insuffisance cardiaque, l’angor et la revascularisation
coronaire.
Dans les rares cas de patients ne pouvant recevoir un diurétique,
un traitement par IEC ou inhibiteur calcique sera considéré. Cette
controverse ne doit pas faire oublier que la plupart des patients
nécessitent une plurithérapie antihypertensive, où les diurétiques
doivent avoir leur place. Cette étude aura un rôle important lors
des prochaines recommandations du JNC-VII.
G. Rosey, Institut de cardiologie, Paris
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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ÉTUDE ODYSSÉE (Observatoire des DYSlipidémies :
Situation Et Épidémiologie), J. Ferrières, J. Jacovella et al.,
CHU Rangueil, Toulouse
La prise en charge des dyslipidémies en ville nous est rapportée
par l’étude ODYSSÉE. Il s’agit d’une enquête épidémiologique
menée en médecine de ville, en France (4 527 médecins concernés) entre avril et octobre 2001, et regroupant 22 323 patients
(âge moyen : 60 ans).
L’objectif était d’évaluer le taux de succès thérapeutique sur les
dyslipidémies selon les normes de LDL-cholestérol fixées par
l’AFSSAPS. On retiendra que, selon l’ANAES, 10 millions de
Français ont une cholestérolémie 2,5 g/l, et 2 millions une
cholestérolémie 3 g/l (figure 9).
Figure 10. Stratégie thérapeutique après le dernier bilan lipidique.
Parmi les patients diabétiques (2 085 patients, dont 11,7 % en
prévention primaire et 15,9 % en prévention secondaire), 56 %
étaient traités par fibrates et 44 % par statines.
En prévention secondaire pure, les stratégies de prise en charge
ont tendance à s’uniformiser (figure 11).
Figure 9. Répartition des dyslipidémies en France.
Les taux de succès sont résumés dans le tableau III.
Hypercholestérolémie
pure
Dyslipidémie
modérée
Aucun autre facteur
de risque
94 %
94 %
+ 1 facteur de risque
81 %
84 %
+ 2 facteurs de risque
54 %
56 %
3 facteurs de risque
27 %
30 %
Prévention secondaire
48 %
43 %
Tableau III
Prévention primaire
Figure 11. Stratégie de prescription en prévention secondaire.
Les stratégies de prise en charge varient selon le médecin
consulté. La différence de prescription entre les généralistes et
les cardiologues s’explique en partie par la proportion beaucoup
plus importante de patients en prévention secondaire consultant
le cardiologue plutôt que le généraliste (45 % versus 14 %)
(figure 10).
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
En conclusion, plus de la moitié des patients pris en charge en
médecine de ville pour une dyslipidémie ont une hyperlipidémie
mixte. Le taux de succès thérapeutique d’abaissement du seuil
de LDL-cholestérol diminue lorsque les facteurs de risque cardiovasculaire associés augmentent. La stratégie de prise en charge
par les cardiologues de ville repose essentiellement sur les statines, en particulier en prévention secondaire.
F. Raoux, Institut de cardiologie, Paris
11
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ANTICOAGULATION CHEZ LES PATIENTS
PORTEURS DE PROTHÈSE MÉCANIQUE
R. Roudaut, Bordeaux
Dans cette session commune à la Société européenne de cardiologie et à la Société française de cardiologie, R. Roudaut nous a
rappelé les recommandations actuelles sur le traitement anticoagulant des porteurs de valve mécanique. Pour augmenter l’efficacité des anticoagulants, on peut leur associer un antiagrégant
plaquettaire. La méta-analyse de Massel (JACC 2001 ; 37 : 56978) ainsi que la cinquième conférence de consensus ACCP sur la
thérapie antithrombotique (Chest 2001 ; 119 : 220S-227S) recommandent d’associer une faible dose d’aspirine (80 à 100 mg) à un
anticoagulant oral de type antivitamine K avec une cible d’INR
inférieure chez des patients à risque thrombotique élevé.
✓ Antécédents thromboemboliques chez les porteurs de valves
mécaniques malgré une anticoagulation efficace.
✓ Patients avec prothèse de première génération (bille et cage ou
disque flottant dans la cage). INR cible à 3,0 (2,5-3,5).
✓ Patients avec prothèse mécanique et présence d’un facteur de
risque additionnel (INR cible à 3,0 : 2,5-3,5) : antécédent d’embolie, FA, coronaropathie, dilatation de l’oreillette gauche, throm-
bus de l’oreillette gauche, valve à bille, présence de plusieurs prothèses ou présence d’une prothèse en position mitrale.
✓ Une valeur cible d’INR de 2,5 (2,0-3,0) associée à une faible
dose d’aspirine est préférable à une valeur cible d’INR de 3,0
pour les patients avec une double ailette en position mitrale ou
une double ailette en position aortique associée à une FA.
AUTOSURVEILLANCE DE L’ANTICOAGULATION
(C. Gohlke-Bäerwolf)
Un pour cent de la population est sous anticoagulants oraux au
long cours. C. Gohlke-Bäerwolf nous a rapporté que l’autosurveillance de l’anticoagulation a débuté en Allemagne en 1986,
concernant plus de 50 000 patients. La valeur cible d’INR est
atteinte pour 69 à 93 % des patients, ce qui est bien supérieur
aux taux retrouvés dans les études. L’autosurveillance diminue
la fréquence des complications hémorragiques et thromboemboliques. Une éducation de 6 heures est nécessaire pour obtenir
ces résultats.
G. Rosey, Institut de cardiologie, Paris
Deuxième partie : “L’essentiel en 2002”
L’ESSENTIEL EN RYTHMOLOGIE
À l’étage supraventriculaire
L’étude américaine AFFIRM (Atrial Fibrillation Following
Investigation of Rhythm Management) comparait les stratégies
de contrôle et de la fréquence du rythme chez 4 060 patients en
AC/FA chronique (inférieure à 6 mois), âgés de plus de 65 ans
(âge moyen 69,7 ans), dont 39 % de femmes, sur un suivi de
3,5 ans. Tous ces patients avaient par ailleurs au moins un facteur de risque d’accident vasculaire cérébral.
Le premier groupe randomisé recevait un traitement pour contrôler la fréquence cardiaque (digoxine 51 % seule ou en association, bêtabloquant 49 %, calcium-bloqueur 41 %, ablation nodohissienne 5 %), associé à un traitement par warfarine. Le
deuxième groupe randomisé obtenait un maintien du rythme sinusal grâce à l’amiodarone (39 %), au sotalol (33 %), à la propafénone (10 %), au flécaïnide (5 %), au disopyramide (2 %) associés, bien sûr, au traitement anticoagulant.
Au terme du suivi, 37 % des patients du premier groupe étaient
en rythme sinusal et 80 % anticoagulés, contre 60 % en rythme
sinusal et 70 % encore sous anticoagulants dans le deuxième
groupe.
Il n’a pas été mis en évidence de différence significative en termes
de mortalité (306 décès pour le contrôle de la fréquence versus 356
12
pour le maintien du rythme, p = 0,078), d’AVC, d’hémorragie
majeure, d’arrêt cardiaque ou d’index de qualité de vie entre les deux
groupes. En revanche, le nombre d’hospitalisations était plus élevé
dans le groupe de contrôle du rythme (78 % versus 70 %, p < 0,01).
Dans le même domaine, l’étude hollandaise RACE (RAte
Control vs Electrical fibrillation for persistent atrial fibrillation),
portant sur 512 patients randomisés d’âge moyen 68 ans, comparait un groupe “contrôle de la fréquence” à un groupe “contrôle
du rythme par chocs répétés”, anticoagulés efficacement. Après
un suivi de trois ans, il n’a pas été mis en évidence de différence
significative concernant les critères de jugement principaux : mortalité cardiovasculaire, complications thromboemboliques,
hémorragies, stimulateurs, hospitalisations pour insuffisance cardiaque (19 % dans le groupe contrôle de fréquence versus 31 %
dans le groupe contrôle du rythme). On retiendra par ailleurs que,
dans le groupe contrôle du rythme cardiaque, seuls 58 % des
patients étaient en rythme sinusal à un an et 38 % à la fin du suivi
(2,3 ans ± 0,6).
Enfin, l’étude allemande STAF (Strategies of Treatment of Atrial
Fibrillation) sur 200 patients confirme les conclusions précédentes sur le critère principal (mortalité, arrêt cardiaque, AVC,
embolies systémiques), mais retrouve des hospitalisations significativement plus fréquentes pour le groupe contrôle du rythme.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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Tableau IV
Nombre de patients
Suivi (années)
AFFIRM
RACE
STAF
4 060
512
200
3,5
3
1,6
Critère principal
Mortalité
Mortalité
cardiovasculaire,
événement
thromboembolique,
hémorragies,
hospitalisation
pour insuffisance
cardiaque
Résultats
Différence
Différence
non significative non significative
(hospitalisations
plus fréquentes
si contrôle du
rythme)
Mortalité,
accidents
thromboemboliques,
événement
cardiovasculaire
Différence
non significative
(hospitalisations
plus fréquentes si
contrôle du rythme)
Ces trois études (tableau IV) donnent des résultats similaires et
attendus, même si elles sont critiquables sur certains points (durée
de suivi limitée par rapport au suivi clinique de ville – souvent
plus de dix ans –, nombre de patients en rythme sinusal maintenu
dans le groupe contrôle de fréquence sous anticoagulants).
On retiendra donc que le contrôle de la fréquence cardiaque associé à une anticoagulation efficace peut tout à fait être préconisé
pour les patients de plus de 65 ans avec un faible risque d’AVC.
Quant aux patients plus jeunes, et en l’absence de données évidentes, le maintien du rythme sinusal peut être envisagé, tout au
moins au début.
L’année 2002 a également été marquée par le développement
des techniques ablatives par radiofréquence.
Ces techniques sont désormais acquises pour l’ablation des faisceaux accessoires lors d’un Wolff-Parkinson-White (99 % de succès pour une mortalité < 1/1 000), pour les tachycardies par réentrées nodales (succès 99 % et BAV complet 0,3 % des cas) ; elles
le sont également pour le flutter commun et l’ablation pour les
tachycardies atriales (succès proche de 95 %).
Mais le traitement par radiofréquence de l’arythmie complète
reste le plus intéressant. Une étude new-yorkaise a permis d’analyser l’anatomie de veines pulmonaires autour desquelles se
situent le plus souvent les foyers d’arythmie (orifice pulmonaire
commun gauche chez près de 50 % des sujets en AC/FA, commun droit pour 4 % des patients). Les techniques d’ablation sont
plus difficiles, et nécessitent l’analyse des orifices pulmonaires
par l’échographie cardiaque, parfois complétée par l’angiographie conventionnelle.
Une équipe de Cleveland a suivi 293 patients après une ablation
par radiofréquence avec 32 % de récidives, mais seuls 9 % des
patients ont dû subir une nouvelle ablation.
Le développement de cette technique, notamment grâce à la
connaissance des localisations précises des foyers d’arythmie,
ainsi que celui des techniques d’ablation modifieront complètement à court terme l’approche et la prise en charge du traitement
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
de l’AC/FA, avec probablement l’allégement des traitements
antiarythmiques et anticoagulants pour les patients qui en bénéficieront.
À l’étage ventriculaire
L’année 2002 a également permis de bouleverser la prévention
de la mort subite après infarctus du myocarde, grâce notamment
à l’étude américaine multicentrique (76 centres) MADIT II.
Mille deux cent trente-deux patients avec antécédent d’infarctus
du myocarde et FE < 30 % ont été randomisés, sans recherche
d’arythmie ou d’hyperexcitabilité ventriculaire préalable ;
490 ont eu un traitement conventionnel et 742 un DAI. Les caractéristiques étaient communes dans les deux groupes (notamment
âge moyen 64 ± 10 ans pour les deux groupes). Paradoxalement,
le traitement médical était identique dans les deux groupes (amiodarone 10 % versus 13 %, IEC 72 % versus 68 %, bêtabloquant
70 % dans les deux groupes, antiarythmiques de classe I, 2 % versus 3 %, p = NS).
L’étude a dû être arrêtée prématurément, tant les résultats étaient
surprenants : 97 patients étaient décédés dans le groupe traitement conventionnel (19,8 %) versus 105 dans le groupe DAI
(14,2 %), p = 0,016, bénéfice dès le 9e mois.
L’étude conclut donc à un abaissement de la mortalité additive
de 31 % lors de l’ajout d’un DAI, en plus du traitement médicamenteux conventionnel, chez les patients atteints d’une cardiopathie ischémique aux antécédents d’IDM avec dysfonction VG
sévère, et ce indépendamment de l’existence documentée d’une
arythmie (figure 12).
Figure 12. Résultats de l’étude MADIT II.
Par ailleurs, on retiendra de 2002 les excellents travaux de
M. Haïssaguerre (Bordeaux) sur la connaissance et le traitement des troubles du rythme ventriculaire. L’équipe de Bordeaux a établi une cartographie détaillée des deux ventricules sur
16 patients d’âge moyen 38 ± 15 ans présentant une fibrillation
ventriculaire idiopathique sur cœur sain, avec une histoire familiale de mort subite chez 4/16 patients. Ils avaient tous une extra13
I
N F O R M A T I O N S
systolie ventriculaire abondante et 13 possédaient déjà un DAI.
Cette analyse a permis de localiser le site d’origine des extrasystoles au niveau du réseau de Purkinje gauche dans 7 cas, droit
dans 4 cas, mixte dans 1 cas, et à distance dans 4 cas ; l’abolition
par radiofréquence a été possible chez 13 patients sans récidive
après un suivi de 32 ± 32 mois.
Cette voie ouvre un tout nouveau champ d’application sur les
techniques ablatives par radiofréquence des arythmies ventriculaires malignes.
Enfin, l’étude de Framingham nous apporte encore de nouvelles
informations sur l’origine des syncopes. Parmi les 7 814 participants, 822 ont présenté une syncope ; l’âge moyen de survenue
était de 51 ± 14 ans et l’incidence des syncopes de 6,2/1 000 patientsannées.
Les causes sont vaso-vagales (21,2 %), cardiaques (9,5 %), orthostatiques (9,4 %) ou indéterminées (36,6 %). Le suivi moyen était
de 17 ans.
Les syncopes sont récidivantes dans 21,6 % des cas et augmentent la mortalité de 31 %, mais du fait de l’origine cardiaque. Les
causes neurologiques s’associent également à une surmortalité
due au risque d’AVC accru. Les origines vaso-vagales ne s’associent pas à une surmortalité, contrairement aux causes inexpliquées.
L’ESSENTIEL SUR LA STIMULATION CARDIAQUE
L’intérêt de la stimulation cardiaque double chambre versus
simple chambre ventriculaire seule chez les patients atteints de
dysfonction sinusale a été remis en question au cours de l’étude
MOST (MOde Selection Trial in sinus-node dysfunction)
conduite par Lamas et al.
Sur une population de 2 010 patients d’âge moyen 74 ans, randomisés en double aveugle, 1 014 étaient stimulés en DDD et 996
en VVI. Il n’y a pas de différence significative sur le critère principal (mortalité et survenue d’AVC) entre les deux groupes :
21,5 % pour le réglage DDD versus 23 % pour celui en VVI.
Seuls les critères secondaires ont mis en évidence une supériorité de la stimulation auriculo-ventriculaire : diminution du risque
de fibrillation auriculaire de 21 %, les indices mesurant l’insuffisance cardiaque et la qualité de vie sont meilleurs, les jours
d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque moins nombreux.
Dans le domaine de la stimulation multisite, l’étude MIRACLE
a confirmé les résultats de l’étude MUSTIC (MUltisite STimulation In Cardiomyopathy) sur une plus grande échelle.
Les critères d’inclusion de l’étude MIRACLE associaient, pour
les 571 patients, une insuffisance cardiaque de stade NYHA III
ou IV, stable depuis plus d’un mois, sous traitement médical optimal, avec une FEVG 35 % et un trouble conductif intra-auriculaire se traduisant par des QRS 130 ms. Les patients étaient
randomisés en un groupe stimulation biventriculaire (n = 228) et
un groupe témoin (n = 225).
Sur les critères de jugement principaux (score de qualité de vie,
distance parcourue en 6 minutes, classe NYHA), la stimulation
multisite est supérieure dès le premier mois : 39 m versus 10 m
14
pour le test de marche de 6 minutes, meilleur score de qualité de
vie, diminution significative de la classe fonctionnelle.
La stimulation multisite est également supérieure sur les critères
secondaires : pic de VO2 (+ 1,1 ml/kg/mn versus + 0,2 ml/kg/mn,
p = 0,009), durée de l’épreuve d’effort (+ 81s versus 19 s,
p = 0,001), FEVG (+ 4,6 % versus – 0,2 %, p < 0,01), largeur du
QRS diminuée de 20 ms (tableau V).
Tableau V. Critères secondaires de l’étude MIRACLE.
Critères secondaires
Stimulation multisite
Témoin
p
Augmentation du pic
de VO2 (ml/kg/mn)
1,1
0,2
0,009
Augmentation
de la durée
de l’épreuve d’effort
81 s
19 s
0,001
4,6 %
0,2 %
< 0,01
Gain sur la FEVG
Le bénéfice en termes de mortalité reste à déterminer, même si
celui sur les critères secondaires a été retrouvé à 12 et 24 mois
par le suivi de MUSTIC.
L’étude VPS II a comparé l’action de la stimulation cardiaque
dans les syncopes vaso-vagales invalidantes en randomisant le
stimulateur en mode DDD ou en inactivant le stimulateur.
Il n’a pas été retrouvé de différence significative entre les deux
groupes sur le critère de réduction du risque de syncopes, ce qui
sous-entend une participation importante de l’effet placebo dans
ce type de syncope.
Enfin, S. Guarrigue et al. ont augmenté la fréquence cardiaque
nocturne de 15 battements/mn chez 15 patients souffrant du syndrome d’apnées du sommeil et déjà appareillés pour une maladie rythmique ou une dysfonction sinusale. Cette augmentation
nocturne a permis de diminuer de 50 % les épisodes d’apnées et
d’hypopnées centrales ou obstructives, sans réduction de la durée
du sommeil. Le mécanisme avancé semble être lié à une action
de la stimulation atriale sur l’équilibre vago-sympathique en neutralisant l’effet du tonus vagal par le maintien d’une activité sympathique. D’autres études devront étayer cette hypothèse.
L’ESSENTIEL EN PHARMACOLOGIE
Dans l’étude LIFE, près de 9 200 patients hypertendus avec des
signes électriques d’HVG ont été randomisés pour recevoir 50 mg
d’aténolol ou de losartan, complétés, si nécessaire, par 12,5 mg
d’hydrochlorothiazide, ces posologies pouvant être doublées afin
d’obtenir une tension artérielle (TA) < 14/9. Le suivi était de 4,8 ans.
Le critère principal combiné associant décès cardiovasculaires,
AVC et IDM a été réduit de 13 % au profit du losartan pour une
diminution de TA comparable.
Cette différence du critère composite tient essentiellement à la diminution du nombre d’AVC (– 25 % dans le groupe losartan), sans
différence dans le nombre d’infarctus du myocarde (tableau VI).
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
Ces différences semblent particulièrement marquées chez les
diabétiques.
Tableau VI. Résultats de l’étude LIFE.
Sous losartan Sous aténolol
(n = 4 605)
(n = 4 588)
Différence
p
Critère principal =
décès cardiovasculaire
+ IDM + AVC
508
588
– 13 %
0,021
Décès cardiovasculaire
204
234
– 11 %
NS
AVC
232
309
– 25 %
0,001
IDM
198
188
+7%
NS
Mortalité totale
383
431
– 10 %
0,001
L’étude OPTIMAAL a inclus des patients atteints d’un infarctus avec des signes d’insuffisance cardiaque. À l’issue d’un suivi
moyen de 2,7 ans, la prise de 50 mg de losartan versus captopril
a augmenté la mortalité dans le groupe losartan comparé au groupe
captopril (16 %) ; toutefois, cette différence ne semble pas significative. Cet effet paraît être essentiellement lié à l’augmentation
de la mortalité cardiovasculaire : 15,3 % versus 13,3 % (p = 0,032)
L’étude IONA comparait le nicorandil (activateur des canaux
potassiques + dérivés nitrés) ajouté au traitement antérieur à un
placebo ajouté au traitement antérieur.
Cinq mille cent vingt-six patients à haut risque (antécédent d’infarctus ou ischémie documentée) étaient randomisés. Le critère
de jugement principal (décès de cause coronaire, infarctus non
fatal, hospitalisation pour douleur thoracique) chez les patients
traités par nicorandil était inférieur de 17 % (13,1 % versus
15,5 %, p = 0,014). Par ailleurs, la réduction de l’incidence des
épisodes angineux explique à elle seule la réduction significative,
confirmant l’efficacité antiangineuse du nicorandil.
Les résultats du suivi à un an des 238 patients inclus dans l’étude
RAVEL (stent actif au sirolimus versus stent traditionnel dans la
N F O R M A T I O N S
prévention de la resténose) sont toujours enthousiasmants, avec
un taux global d’événements cardiaques majeurs de 5,8 % dans
le groupe sirolimus contre 28,8 % dans le groupe contrôle
(figure 13).
Quant aux stents délivrant du paclitaxel, certains résultats sont favorables sur la resténose à 6 mois mais décevants à 12 mois. D’autres
études sont en attente pour confirmer les résultats du suivi.
Rappelons les grandes études sur les statines, avec notamment
l’incontournable étude HPS, déjà présentée il y a deux ans, mais
dont les résultats officiels ont été publiés en 2002.
Vingt mille cinq cent trente-six patients étaient inclus sur leur
niveau de risque cardiovasculaire élevé dans le cadre d’une prévention coronaire primaire ou secondaire, et ce indépendamment
de leur taux de cholestérol. Ils recevaient, après randomisation,
40 mg de simvastatine ou un placebo. On retiendra une réduction
de mortalité totale additive de 13 % (12,9 % versus 14,7 % ;
p = 0,0003), une réduction de la mortalité cardiovasculaire de
17 %, du risque d’AVC de 25 % (de 5,7 % versus 4,3 %), d’infarctus non mortels de 17 % (5,6 % versus 3,5 %) (figure 14).
La réduction du risque d’événement cardiovasculaire majeur est
de 24 % par rapport au placebo.
On notera que cette étude de prévention primaire et secondaire
confirme ses résultats satisfaisants, quels que soient le niveau de
cholestérol total (seuls les patients dont le cholestérol total est inférieur à 1,35 g/l ou 3,5 mmol/l n’étaient pas inclus), de LDL, le type
de l’atteinte vasculaire ou l’âge (exclusion des plus de 80 ans).
Figure 14. Résultats de l’étude HPS.
L’étude LIPS, enfin, a démontré de manière prospective l’efficacité de 80 mg de fluvastatine dans les suites d’une angioplastie
coronaire afin de prévenir la survenue d’un événement coronaire
majeur (décès de cause cardiaque, infarctus non mortels, revascularisation coronaire par angioplastie ou pontage), en affichant
une réduction additive de 22 % au profit du groupe fluvastatine
comparé au groupe placebo (21,4 % versus 26,7 % ; p = 0,013).
Figure 13. Réduction du diamètre endoluminal à 6 mois (étude RAVEL).
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
L’omapatrilate (inhibiteur de l’endopeptidase) a été comparé, dans
l’étude OVERTURE, à la référence IEC pour le traitement de
l’insuffisance cardiaque chronique. Sur les 5 770 patients inclus
dans l’étude OVERTURE, en classe II, III ou IV de la NYHA
avec une FEVG < 30 %, la mortalité ou les hospitalisations pour
insuffisance cardiaque ne sont pas significativement différentes,
mais les effets indésirables sont plus fréquents.
.../...
15
I
N F O R M A T I O N S
.../...
Quelques molécules semblent prometteuses : l’ezetimibe ouvre
la porte d’une nouvelle famille d’hypocholestérolémiants en inhibant l’absorption du cholestérol biliaire et alimentaire au niveau
de la brosse intestinale. Le taux de LDL semble significativement
plus bas dans le cadre de l’association avec les statines.
L’utilisation du nésiritide (BNP recombinant) semble intéressante, selon l’étude VMAC (Vasodilatation in the Management
of Acute Congestive heart failure), dans le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë, notamment comparée aux nitrés.
Dans l’étude LIDO, sur un suivi de 180 jours, l’utilisation du
lévosimendan (sensibilisateur du calcium) semble prometteuse
dans le cadre de la décompensation cardiaque aiguë sévère.
Enfin, les effets indésirables du traitement hormonal substitutif
postménopausique sont préoccupants dans l’étude WHI (Women’s
Health Initiative). Les 16 608 femmes randomisées recevaient le
traitement hormonal substitutif (THS) américain comportant de
l’estrogène équin associé à de l’acétate de médroxyprogestérone.
On observe, dans le groupe THS, une augmentation du cancer du
sein (RR : 1,26), des accidents cardiovasculaires (RR : 1,29), des
AVC (RR : 1,41), des embolies pulmonaires (RR : 2,13). Toutefois, les femmes incluses étaient obèses (BMI > 28,5 kg/m2) et
l’estrogène était différent de celui utilisé en France (17 bêta-estradiol). On retrouve toutefois une protection contre les fractures du
col (RR : 0,76) et contre les cancers colorectaux (RR : 0,63).
L’ESSENTIEL EN ÉCHOGRAPHIE
Un grand nombre de publications sur l’échographie et sur le développement de certaines techniques ont vu le jour en 2002.
On retiendra le développement de l’échographie de stress, grâce
notamment à la commercialisation de tables d’inclinaisons spécifiques facilitant la réalisation de l’examen.
La Mayo Clinic nous rapporte l’importance du profil tensionnel sur la survenue d’anomalies de la cinétique segmentaire. En
effet, 22 % des patients ayant une HTA présentent des troubles
de la cinétique segmentaire contre 12 % dans un groupe de
patients ayant un profil tensionnel d’effort normal.
La présence de viabilité dans la dysfonction gauche ischémique est associée à une réduction de mortalité dans la méta-analyse de Allman ayant regroupé 24 études (soit 3 088 patients), et
ce quelle que soit la technique utilisée (écho-dobutamine,
PET scan, scintigraphie au thallium).
L’étude de la viabilité doit faire partie du bilan préopératoire de
revascularisation.
Par ailleurs, le doppler tissulaire joue un rôle à part entière dans
l’analyse de la cinétique segmentaire, notamment des segments
moyens et basaux en complément de l’analyse bidimensionnelle
(Marwick et al.).
Edvardsen a étudié la déformation myocardique avec le doppler
tissulaire, en trouvant une bonne corrélation avec l’IRM dans
cette indication.
On retiendra également, parallèlement au développement du pacemaker multisite, les techniques d’analyse du déphasage, et tout
18
particulièrement l’asynchronisme intrapariétal, permettant, grâce
au doppler tissulaire, de guider la mise en place de la sonde VG
(Ansalone et al.).
De nouvelles techniques prometteuses concernent surtout l’échographie en trois dimensions temps réel et l’amélioration de
l’échographie de contraste, avec de nouveaux agents de
contraste analysant la redistribution (analogue au thallium) permettant l’analyse de la viabilité (travaux prometteurs sur le chien
par l’équipe de S. Kaul).
D’après Devereux, un ratio transmitral E/A > 1,5 sans valvulopathie associée est un facteur indépendant de mortalité cardiovasculaire.
Seidl nous confirme que, dans une étude portant sur 1 074 patients
en arythmie par fibrillation auriculaire, l’incidence des accidents
emboliques est identique (0,8 %) en suivant un schéma classique
d’anticoagulation efficace pendant trois semaines, puis CEE ou
ETO suivi du CEE (protocole court).
Antonielli nous montre qu’une vitesse de vidange dans l’auricule
gauche > 40 cm/s est un facteur pronostique du maintien en rythme
sinusal à un an, avec une VPP de 73 % et une VPN de 67 %.
L’étude LIFE nous révèle que la régression de l’HVG à l’échographie est corrélée à une amélioration de la fonction diastolique.
On retiendra le travail intéressant de Schwammenthal, qui nous
propose une méthode méticuleuse d’analyse de la crosse aortique
en échotransthoracique pour la détection de plaques athéromateuses > 4 mm et/ou d’éléments mobiles avec une VPP de 91 %
et une VPN de 98 % par rapport à l’ETO.
L’ESSENTIEL DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Le brain natriuretic peptide (BNP) reste un des sujets incontournables du diagnostic et de l’évaluation pronostique de l’insuffisance cardiaque.
Grâce au développement des tests de dosage rapide devant une
dyspnée aiguë, la plupart des auteurs retrouvent une sensibilité
pour diagnostiquer l’insuffisance cardiaque de près de 85 % (seuil
de 100 pg/ml) avec une VPN de 96 %.
Pour l’équipe de Berger, le taux de BNP élevé semble être corrélé au risque de mort subite.
Sur le plan thérapeutique, les ARA II sont de nouveau évalués
dans l’indication insuffisance cardiaque dans la méta-analyse de
Jong regroupant 17 essais cliniques randomisés, confirmant qu’il
n’existe pas de différence significative avec les IEC sur le critère
principal mortalité toutes causes confondues, ou réhospitalisation pour insuffisance cardiaque.
Par ailleurs, la digoxine dans le traitement de l’insuffisance cardiaque trouve sa place à faibles doses (analyse rétrospective de
PROVED et RADIANCE), avec notamment un bénéfice en
termes de qualité de vie, mais sans bénéfice net en termes de mortalité.
L’excellente tolérance des bêtabloquants est confirmée par
l’étude MERIT-HF, où la posologie cible est obtenue prudemment avec de faibles taux d’effets indésirables.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
N F O R M A T I O N S
Dans l’étude OVERTURE, l’inhibiteur des vasopeptidases
attendu, l’omapatrilate, donne des résultats décevants, avec une
majoration des effets indésirables par rapport à l’énalapril (notamment avec la survenue d’angio-œdèmes) et une absence d’efficacité sur le critère principal (mortalité et réhospitalisation pour
insuffisance cardiaque avec traitement par voie intraveineuse).
L’efficacité du traitement électrique de l’insuffisance cardiaque
est définitivement prouvée grâce à l’étude MUSTIC et, à plus
grande échelle, à l’étude MIRACLE, détaillée plus haut.
L’ESSENTIEL DANS LES CARDIOPATHIES
CONGÉNITALES
Bénéficiant de l’essor du cathétérisme interventionnel, l’utilisation des stents dans les cardiopathies congénitales s’est développée. Ainsi, l’équipe de Schneider nous fait part de son expérience sur des stents posés chez 105 patients (62 dans les artères
pulmonaires, 27 dans des coarctations et récidives, 9 dans les
veines pulmonaires, 42 pour un canal artériel).
L’utilisation de stents dans les artères pulmonaires reste indiscutable, mais il semble que l’utilisation de stents dans les coarctations natives soit plus délicate, et que seule la resténose après
dilatation au ballon trouve son indication.
On retiendra les travaux de Bonhoeffer, qui a réussi l’implantation d’une valve biologique montée sur stent au niveau de l’orifice pulmonaire, et, tout dernièrement, la mise en place chez l’animal d’un système identique, cette fois en position aortique.
Un foramen ovale perméable (FOP) est, selon Lechat et al.,
retrouvé lors d’un bilan d’AVC dans 54 % des cas versus 10 %
des cas dans la population normale.
Le diamètre du FOP responsable d’AVC est 4 mm, avec un
risque de récurrence de près de 3,5 % par an (majoré en cas d’anévrysme du septum interauriculaire associé). Même si le traitement est encore source de controverses, la fermeture par cathétérisme reste la plus efficace.
Quant à l’aspirine seule, selon Mas, elle ne semble pas suffisante
si l’on retrouve l’association des deux anomalies (FOP et anévrysme du septum). La fermeture de la communication intra-auriculaire (CIA) sera plus facilement effectuée par cathétérisme interventionnel percutané, un grand nombre d’études ayant retrouvé
des résultats similaires par rapport à la fermeture chirurgicale (en
termes de mortalité, de shunt résiduel et de récidives).
Figure 15. Résultats de STOP AMI-2.
L’étude française CAPTIM a comparé la stratégie d’une fibrinolyse préhospitalière versus angioplastie primaire, avec un suivi
de 30 jours, sur le critère composite : taux de décès, récidive
d’IDM et taux d’AVC.
Il n’y a pas de différence significative sur ce critère composite,
même si les accidents hémorragiques semblent plus fréquents
(non significatifs faute de puissance).
L’utilisation de l’altéplase dans l’embolie pulmonaire grave
(hypertension artérielle pulmonaire ou dysfonction ventriculaire
droite) a été évaluée. L’objectif principal était l’élément composite associant la survenue d’un décès, l’utilisation d’une deuxième
thrombolyse, l’intubation orotrachéale, la réanimation cardiopulmonaire, l’utilisation d’amines ou la thrombectomie d’urgence.
Les 256 patients recevaient de l’HNF puis la thrombolyse par
altéplase ou un placebo. L’incidence de l’événement principal est
plus élevée dans le groupe héparine-placebo (24,6 %) que dans
le groupe héparine-altéplase (11 % ; p = 0,006).
La comparaison de l’association warfarine avec aspirine 80 mg
à la prise d’aspirine seule (160 mg) en post-IDM immédiat chez
5 000 patients avec un suivi de 2,7 ans a été effectuée grâce à
l’étude CHAMP. Il n’y a pas de différence significative sur la
mortalité dans les deux groupes (17,6 % versus 17,3 % ; p = NS).
Les accidents hémorragiques étaient significativement plus fréquents dans le groupe warfarine + aspirine (0,28 % versus 0,72 % ;
p < 0,01) ; la récidive d’IDM ou la survenue d’AVC étaient identiques (critères secondaires) (figure 16).
L’ESSENTIEL DANS LA PRISE EN CHARGE
DE LA THROMBOSE
Les résultats de STOP AMI-2 ont permis de comparer la combinaison de la thrombolyse par t-PA demi-dose associée à l’abciximab,
versus angioplastie + stent avec prétraitement par abciximab chez
162 patients randomisés et présentant un IDM < 12 heures. L’évaluation portait sur l’index de sauvetage myocardique évalué par la scintigraphie. Il apparaît nettement que le sauvetage myocardique est
significativement plus important dans le groupe angioplastie que dans
le groupe thrombolyse (13,6 % versus 8 % ; p < 0,01) (figure 15).
La mortalité à 6 mois n’est pas significativement différente.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
Figure 16. Étude CHAMP.
19
I
N F O R M A T I O N S
L’étude CADILLAC proposait quatre groupes randomisés
regroupant près de 2 000 patients présentant un IDM. Le premier
groupe était traité par angioplastie + stent, le deuxième par angioplastie au ballon seul, le troisième par angioplastie + stent +
abciximab, et le quatrième par ballon seul + abciximab.
Le critère principal composite associait, au sixième mois, les taux
de décès, récidive d’IDM, revascularisation sur ischémie documentée et le taux d’AVC.
Il en ressort une réduction significative du critère composite dans
le groupe stent versus ballon seul, mais indépendamment de l’introduction d’abciximab (figure 17).
Figure 17. Résultats à 6 mois de l’étude CADILLAC.
F. Raoux, Institut de cardiologie, Paris
Troisième partie : symposiums satellites
PERCEPTION DU RISQUE CARDIOVASCULAIRE
EN 2003 : LES ARGUMENTS POUR CONVAINCRE
Symposium proposé par GlaxoSmithKline
résidé par les Prs J.Y. Artigou (Paris) et S. Consoli (Paris),
ce symposium était délibérément placé sous le signe de la
communication entre le patient (exposé aux différents facteurs
de risque) et les médecins.
P
Le Dr A. Borgne (Villeneuve-Saint-Denis) a d’abord montré les
différentes étapes de l’histoire d’un fumeur, résumées dans le
désormais classique schéma de Prochaska. Ce dernier montre
bien que cette histoire peut se résumer à un cycle où s’enchaînent bonnes résolutions, tentatives d’arrêt et reprises. L’entrée
dans ce cycle aboutit à l’accumulation de succès et d’échecs qui
permettent enfin l’arrêt définitif lorsque la “boîte à motivation”
finit par déborder.
Plusieurs règles de base peuvent permettre aux praticiens d’aider
efficacement leurs patients dans leur parcours et de les convaincre
de s’arrêter de fumer. Il faut en premier lieu expliquer au fumeur
les mécanismes de sa dépendance au tabac. À ce titre, le
monoxyde d’azote se prête bien à une explication rationnelle avec
visualisation concrète du risque (“produit de combustion inhalé
avec la fumée se fixant à la place de l’oxygène sur les globules
rouges”) : démonstration des variations du niveau de CO expiré
en fonction de la consommation de tabac. La relation entre les
pics de nicotine et la sensation de manque peut être utilisée de la
même façon. Cette dernière est également utile pour déculpabiliser le fumeur en lui expliquant que son tabagisme est entretenu
par une dépendance dont la nicotine est responsable. Il faut également informer le fumeur sur l’efficacité des traitements ou des
thérapies comportementales. Les freins comme la crainte de
l’échec, de la prise de poids, du syndrome de manque ou du risque
dépressif doivent être prévenus. Enfin, la crainte de la rechute
doit être dédramatisée, notamment en présentant celle-ci comme
une étape vers l’arrêt. Elle doit également être prévenue par un
soutien permanent, un conseil et une écoute appropriés.
Alors que l’on dispose de résultats d’essais cliniques ayant montré l’efficacité des traitements antihypertenseurs pour réduire le
20
risque de complications cardiovasculaires chez les hypertendus,
les enquêtes disponibles confirment qu’en France il n’y a qu’environ un tiers des sujets dont la pression artérielle soit contrôlée
(< 140/90 mmHg). Face à ce constat, le Pr H. Milon (Lyon) a
montré comment les facteurs d’échec tiennent à la fois aux
patients et aux médecins. En France, l’hypertension artérielle
(HTA) n’est considérée comme un facteur de risque que par moins
de 10 % des personnes, loin derrière le tabac, l’alcool, le stress
ou les mauvaises habitudes alimentaires. La mauvaise observance
du traitement par les malades est favorisée par le fait qu’il s’agit
d’un état asymptomatique et chronique, favorisé aussi par l’isolement social. Les traitements portent en eux-mêmes une part de
responsabilité, parce que leur efficacité n’est pas immédiatement
visible et qu’ils peuvent générer des effets indésirables. Ces traitements peuvent aussi être vécus comme complexes par les
patients, surtout parce qu’ils peuvent engendrer des modifications du style de vie. De plus, les médicaments de l’HTA donnent lieu à la propagation d’idées préconçues qui constituent
autant d’obstacles à la régularité du traitement : ils ne sont pas
naturels, ils rendent malade, ils sont inefficaces et dangereux à
long terme, etc.
Améliorer l’observance au traitement n’est pas simple. Cela
nécessite d’établir entre le médecin et l’hypertendu un véritable
partenariat qui passe par la fixation d’objectifs précis et par une
écoute attentive. Le patient doit se sentir respecté dans ses opinions et ses souhaits. L’automesure peut aider à améliorer l’observance, à condition d’apprendre au patient à interpréter ses
résultats et à tendre vers une certaine autonomie. L’efficacité de
l’adoption d’une bonne hygiène de vie sur la pression artérielle
a été clairement démontrée, notamment dans l’étude TONE, dans
laquelle une perte de poids modérée et une légère restriction sodée
ont permis de suspendre le traitement antihypertenseur dans environ un cas sur deux.
Le Pr H. Milon a conclu son intervention sur une note plutôt pessimiste, avec les données d’une communication faite aux récentes
Journées de la Société française d’HTA montrant que, au cours
de ce congrès, seuls 2,7 % des communications orales ou posters
ont été consacrés à l’éducation des patients.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
Convaincre les diabétiques de type 2 de se tenir en permanence
aux règles de prévention du risque cardiovasculaire n’est pas non
plus chose facile. Le Pr A. Grimaldi (Paris) l’a bien montré,
tout en soulignant d’emblée – quelques chiffres éloquents à l’appui – que les enjeux sont considérables. Le diabète de type 2 est
responsable chaque année en France de 1 000 cécités, 8 500
amputations, 15 % des infarctus du myocarde, 10 % des AVC et
30 à 40 % des nouveaux cas de dialyse. Il a rappelé qu’il pourrait être “simple” d’éviter les complications aux diabétiques puisqu’il leur suffirait de modifier leurs habitudes alimentaires,
d’augmenter leur activité physique, de prendre un hypoglycémiant oral (en cas d’échec des règles hygiéno-diététiques), des
antihypertenseurs, un hypolipidémiant, de l’aspirine, sans négliger le contrôle des glycémies capillaires et surtout... sans oublier
de vivre normalement !
Les règles sont donc bien établies, mais le plus difficile reste
évidemment de les faire adopter par les patients. Au changement au nom de la raison, le Pr A. Grimaldi a, en quelque sorte,
opposé le changement raisonné, qui tient compte du poids respectif du plaisir et du déplaisir : changer au nom du plaisir de
contrôler sa santé ou d’éviter le déplaisir des complications ;
ne pas changer parce qu’il faudrait renoncer aux petits plaisirs
quotidiens et aux bonnes vieilles habitudes. Le “pour” est toujours hypothétique et à court terme, tandis que le “contre” est,
à l’inverse, certain et à long terme. Pour convaincre le patient,
il est nécessaire qu’il comprenne qu’il court un risque personnel, qu’on peut l’éviter (lui en particulier) et que cela en vaut
la peine. Mais chaque patient se présente de façon différente,
avec un profil émotionnel et relationnel particulier, selon qu’il
est plus ou moins dominant ou conciliant, plus ou moins introverti ou extraverti.
Mieux faire comprendre le risque passe par l’explication du
lien entre les paramètres biologiques et les complications. Un
taux d’HbA1c à 6 % correspond à un équilibre glycémique à
1,20 g/l et un taux à 7 % à un équilibre à 1,50 g/l de glycémie.
Or, il est établi qu’un point en plus ou en moins d’HbA1c correspond aussi à 30 % d’excès ou de réduction du risque de
microangiopathie et à 15 % d’excès ou de réduction du risque
d’artériopathie distale. Pour le Pr A. Grimaldi, l’automesure de
la glycémie contribue à rendre symptomatique une maladie qui
ne l’est pas. Ainsi, l’automesure peut être vécue de différentes
façons par le patient. Elle peut participer au diagnostic ou à la
thérapeutique, mais elle peut être vécue comme une mesure de
vigilance passive, source potentielle de frustration ou d’angoisse.
L’identification de cette perception stratégique, qui participe à la
régulation des émotions, est essentielle. Elle peut, en particulier,
être génératrice d’angoisse, sans pour autant que ce soit un facteur négatif, puisque l’angoisse peut être propice aux changements comportementaux et à l’éducation thérapeutique à chaque
étape de l’histoire de la maladie diabétique : annonce du diagnostic, premières complications asymptomatiques, complications symptomatiques, passage à l’insuline.
Convaincre participe donc à l’éducation thérapeutique qui intègre
les connaissances, les croyances et les expériences du patient pour
l’amener à acquérir de nouvelles compétences lui permettant de
gérer son traitement.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
Pour la prévention du risque cardiovasculaire, le Pr J.P. Broustet (Bordeaux) fait une nette différence entre convaincre des bienfaits de l’application des règles hygiéno-diététiques et de ceux de
l’exercice physique. Les premières se résument à l’application
du régime méditerranéen, qui associe l’efficacité et la simplicité.
Face à des idées reçues, à l’évolution générale du mode de vie et
à la diversité des possibilités, il est souvent plus difficile de
convaincre des bienfaits de l’exercice physique.
Des voix célèbres comme celles de Sir Winston Churchill ou de
Coluche se sont élevées contre le sport. Pourtant, les bénéfices
circulatoires et métaboliques de l’exercice physique ont été bien
démontrés. Sur le plan circulatoire, l’exercice permet de réduire
la consommation maximale d’oxygène pour un même niveau de
performance : autrement dit, la même consommation d’oxygène
permet d’atteindre des niveaux d’efforts plus élevés. La réduction de la pression artérielle par diminution des résistances périphériques a également été démontrée, de même que la diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque. Sur le plan
métabolique, l’exercice physique permet de perdre du poids,
d’augmenter (modestement) le niveau du HDL-cholestérol, de
diminuer les besoins en insuline. Il permet aussi une meilleure
fixation du calcium (intérêt potentiel chez les sujets les plus âgés).
Si l’exercice physique permet classiquement de perdre du poids,
l’effet n’est peut-être pas aussi important qu’on le croit. Il a, par
exemple, été évalué qu’une heure de bicyclette à la vitesse de
15 km/h ne permet de perdre que 112 g, ou encore qu’il faut faire
3 heures de marche en terrain plat pour dépenser 1 000 Kcal et
perdre seulement 130 g. Les sports d’endurance ou la marche en
terrain montant, demandant des efforts prolongés, seraient les
plus propices à la perte de poids.
De nombreuses études épidémiologiques ont montré la réduction
du risque cardiovasculaire avec l’exercice physique, quel que soit
par ailleurs le niveau de départ de ce risque. La recommandation
de l’exercice physique pour la prévention des cardiopathies ischémiques est plus difficile à appliquer. Certains sujets y sont mieux
disposés génétiquement ou peuvent reprendre le sport plus facilement que d’autres parce qu’ils l’ont pratiqué précédemment.
Chez les personnes âgées, la motivation pour l’exercice physique
peut venir de la préservation du potentiel articulaire ou simplement du maintien en forme physique, directement appréciables.
À l’inverse, la surcharge pondérale, l’alcoolisme, le tabagisme,
une artériopathie des membres inférieurs sont des facteurs limitant l’exercice physique régulier. Pour la surcharge pondérale,
une étude britannique a bien montré que la prévalence de l’obésité a progressé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors
même que les lipides et les calories alimentaires ont plutôt diminué, tandis que le nombre de récepteurs de télévision et d’automobiles augmentait nettement...
En pratique, il existe de nombreuses possibilités de choisir des
exercices physiques dont le bénéfice est adapté à chaque cas individuel. Un échauffement est toujours nécessaire. L’effet bénéfique est optimisé chez les sujets à jeun, mais l’hydratation ne
doit pas être négligée, particulièrement chez les sujets âgés ou
par temps chaud. Les sports de contact de haut niveau sont déconseillés chez les patients sous anticoagulants. Chez les coronariens
angineux ou avec une ischémie silencieuse, il est conseillé de
commencer l’exercice de façon très progressive et avec une prise
de trinitrine à effet immédiat.
J.L.G.
21
I
N F O R M A T I O N S
DYSLIPIDÉMIES ET STATINES :
AUJOURD’HUI ET DEMAIN
Symposium proposé par le laboratoire Pfizer
ans ce symposium qu’il coprésidait avec le Pr J.C. Daubert (Rennes), le Pr J. Larosa (New York) a d’entrée fait
le rapprochement entre l’épaississement des artères et la surabondance alimentaire dans les pays industrialisés, non sans
rappeler que, 450 ans plus tôt, Léonard de Vinci s’était déjà interrogé sur la différence d’aspect entre les vaisseaux des sujets jeunes
et ceux des sujets âgés. Les taux de cholestérol, plus élevés chez
les Indiens de Londres que chez ceux de New Delhi, illustrent
bien les effets de cette surabondance alimentaire. L’athérosclérose reste tout de même très liée à l’âge, et elle constitue surtout
une menace dans les sociétés occidentales, où l’on peut observer
un vieillissement rapide de la population.
Face à cette menace, les statines ont fait la preuve de leur efficacité, non seulement sur les accidents coronaires, mais aussi, et
de façon un peu plus inattendue, sur les accidents vasculaires
cérébraux ischémiques, qui sont la principale cause de handicap
chez les personnes âgées. Cela permet de souligner la nécessité
d’être très vigilant pour contrôler l’efficacité du traitement sur le
LDL-cholestérol dans ces tranches d’âge.
L’identification des sujets à risque élevé reste un problème d’actualité qui suscite encore de nombreux travaux. À ce titre, la CRP
est positionnée comme un marqueur de choix du risque cardiovasculaire grâce, notamment, aux travaux de P. Ridker. Ce dernier a en particulier démontré que sa valeur prédictive est supérieure à celle du rapport cholestérol total/HDL-cholestérol, mais
que la combinaison de ce dernier et de la CRP donne encore de
meilleurs résultats. L’intérêt de la CRP a également été démontré dans deux grandes cohortes, celle de l’étude WHI et celle du
centre MONICA d’Augsbourg. Cependant, la CRP ne résume
pas à elle seule la prévision du risque, et d’autres marqueurs
comme l’homocystéinémie ont aussi fait la preuve d’une remarquable efficacité.
Il reste tout de même qu’en dépit de tous ces moyens de recherche
des sujets à risque, la proportion de patients traités demeure très
insuffisante et que plusieurs questions sont encore en suspens sur
l’identification des sujets à traiter : la place des nouveaux marqueurs de risque, les risques encourus et les bénéfices du traitement dans certaines minorités.
Le Dr M. Farnier (Dijon) a commencé sa présentation en soulignant que les dernières années, et en particulier 2002, resteront
comme des années riches en publications d’essais cliniques
sur le risque lipidique et sa prise en charge (LIPS, HPS, PROSPER, ALLHAT en 2002, auxquels il faudrait ajouter MIRACL
en 2000). Au terme des études disponibles, plusieurs réalités s’imposent. Il est possible de réduire le risque de maladie coronaire
en prévention primaire et secondaire, de diminuer le risque de
revascularisation, de diminuer le risque d’AVC (alors qu’on n’en
était sûr, jusqu’à présent, que chez les coronariens avérés), enfin
de diminuer la mortalité totale chez les patients à haut risque.
Un autre acquis des dernières années a été la mise en évidence
du bénéfice du traitement par les statines chez les patients
diabétiques. Or, si l’on considère que le bénéfice absolu du trai-
D
22
tement est directement lié au niveau de risque à l’inclusion, les
diabétiques doivent faire l’objet d’une réelle attention, notamment parce que l’étude HPS a bien montré leur niveau de risque
particulièrement élevé et le bénéfice du traitement. Il est donc
nécessaire de recourir à des stratégies agressives chez ces patients.
Les arguments tirés de l’ensemble des études disponibles rendent
très probable l’impact du traitement sur certains types de complications (comme les artériopathies périphériques) ou dans plusieurs sous-groupes comme celui des femmes, des patients très
âgés ou des hypertendus. Les données de l’étude PROSPER n’ont
pas montré d’effet sur les AVC, mais probablement, avec un recul
insuffisant compte tenu du délai nécessaire dans les études précédentes, avec la pravastatine. Le bénéfice observé dans cette
même étude portait essentiellement sur les patients ayant un LDLcholestérol > 1,32 g/l et un HDL-cholestérol < 0,43 g/l. Pour ce
qui est des hypertendus, l’étude ALLHAT n’a pas montré de
réduction significative des événements cardiovasculaires avec la
pravastatine, mais un taux important de cross-over qui a probablement joué sur le résultat. Par ailleurs, la différence de baisse
du LDL-cholestérol entre les deux bras n’a pas été suffisante pour
montrer un bénéfice.
La branche de l’étude ALLHAT évaluant l’effet de l’atorvastatine versus placebo chez les hypertendus non hypercholestérolémiques a été arrêtée prématurément en raison d’une réduction des
infarctus du myocarde mortels et non mortels en faveur de l’atorvastatine. Les résultats seront communiqués lors du prochain
congrès de l’ACC.
Les données de l’étude HPS suggèrent que la réduction relative
du risque est identique, quel que soit le niveau de départ du LDLcholestérol. La relation linéaire montrée par Kastelstein entre la
baisse du LDL-cholestérol et la réduction de risque vasculaire
semble d’ailleurs se confirmer en y incluant les données de l’étude
HPS. Les résultats d’études évaluant spécifiquement l’efficacité
et la tolérance de réductions drastiques du LDL-cholestérol (TNT,
IDEAL ou ALLIANCE) permettront de déterminer jusqu’où baisser le LDL-cholestérol. D’ores et déjà, les études ASAP et ARBITER ont montré qu’une réduction agressive du cholestérol sanguin avec 80 mg d’atorvastatine par jour est plus efficace qu’un
traitement conventionnel par 40 mg de simvastatine ou de pravastatine pour réduire la progression de l’épaisseur intima-média
carotidienne, un marqueur reconnu du risque cardiovasculaire.
À côté de ces éléments très encourageants, d’autres restent encore
sans réponse. On ne sait toujours pas, par exemple, s’il est possible que le traitement par une statine freine la progression du
diabète, ni si ce traitement a réellement l’effet suspecté sur la
réduction du risque d’altération des fonctions cognitives et de
celui de démence.
En traitant des perspectives nouvelles dans le domaine des statines et de la prévention, le Pr J. Puel (Toulouse) a cherché à
identifier les domaines dans lesquels cette thérapeutique pourrait
lui permettre de se risquer à faire des paris. Pour lui, cette réflexion
s’inscrit dans une perspective sombre, dans la mesure où les résultats des études EuroAspire, montrant la faible mise en œuvre de
la prévention secondaire, n’encouragent pas à l’optimisme. Des
perspectives thérapeutiques en apparence séduisantes se sont jusqu’à présent heurtées à des échecs, comme la possibilité de faire
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
délivrer à des stents des antagonistes d’interleukines (6 et 10) ou
des antimétalloprotéases, alors que l’implication de ces différents
facteurs dans le processus athérothrombotique pouvait y faire
croire.
Les données épidémiologiques n’incitent pas non plus à l’optimisme, puisque, face à 180 à 200 000 syndromes coronaires aigus,
50 à 60 000 AVC et 50 000 décès par infarctus myocardique
chaque année en France, la démographie médicale laisse poindre
une réduction de 25 % du nombre des cardiologues (et donc des
cardiologues interventionnels) qui va redonner toute sa signification à la “chimiothérapie anti-athérosclérose”. Cette orientation s’inscrit dans une logique scientifique, puisque l’on sait
désormais qu’en cas de syndrome coronaire aigu, les lésions
instables ne se résument pas à celle qui est accessible au cardiologue interventionnel, mais qu’elles sont multiples dans près de
80 % des cas. Cela ouvre la voie aux notions de pancoronarite et
de syndrome coronaire aigu asymptomatique.
Les statines sont désormais l’un des éléments majeurs de cette
évolution thérapeutique, puisque non seulement elles se sont montrées efficaces pour réduire certains processus impliqués dans
l’athérosclérose (phénomènes inflammatoires matérialisés par
l’élévation des taux de CRP, dysfonction endothéliale, etc.), mais
encore parce qu’il a été démontré très récemment in vivo et de
manière non invasive, grâce à l’IRM, qu’elles peuvent faire
régresser les plaques d’athérome. Une étude par échographie
endovasculaire, l’étude REVERSAL (menée avec l’atorvastatine), est actuellement en cours avec le même objectif.
Les résultats des études, en particulier européennes, tendent à
montrer qu’en termes de prévention, le système est perfectible à
tous les niveaux, que ce soit à celui des médecins, des pouvoirs
publics, des médicaments et même à celui des patients. Une expérimentation menée en Finlande montre bien qu’il est possible
d’agir sur les facteurs de risque s’il y a une volonté collective de
le faire.
Dans ces conditions, la question qui vient naturellement est de
savoir comment agir. Pour le Dr F. Palliard (Rennes), il faut
d’abord reconnaître les priorités. Elles ont été établies, notamment par les sociétés savantes européennes, qui donnent la priorité aux sujets dont le risque d’accident cardiovasculaire est d’au
moins 20 % à 10 ans, soit de 2 % par an. Les patients qui relèvent de la prévention secondaire tombent automatiquement dans
ce cadre. Pour eux, les preuves de l’efficacité du traitement hypolipidémiant ne manquent pas, puisqu’elles reposent sur un collectif de plus de 33 500 patients inclus dans différents essais cliniques. On peut en rapprocher les patients de l’étude HPS,
caractérisés par un niveau de risque élevé, pas nécessairement du
fait d’un accident ischémique préalable. Dans cette dernière, le
bénéfice du traitement pour réduire le risque coronaire ou vasculaire cérébral a été démontré principalement en prévention
secondaire, notamment chez les patients qui avaient des antécédents d’AVC ou d’artériopathie périphérique. L’étude PROSPER
incluait également des patients à risque ou avec antécédent cardiovasculaire, mais elle portait exclusivement sur des personnes
âgées de 70 à 82 ans. Les investigateurs n’avaient pas fait une
priorité de la réduction de mortalité, et cette étude a surtout permis de montrer une réduction significative des événements cardiaques, un suivi trop court expliquant probablement l’absence
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
d’effet sur les AVC et les AIT. Les diabétiques représentent un
groupe à risque particulier. Le risque de ces patients, alors qu’ils
sont encore indemnes d’infarctus, n’est peut-être pas aussi grand
que le laissaient supposer les travaux de S.M. Haffner, mais, quoi
qu’il en soit, ils font partie de ceux qui tirent le plus grand bénéfice du traitement par statine.
Pour ce qui est de la prévention primaire, les études WOSCOPS
et AFCAPS/TexCAPS ont permis de montrer une réduction relative de risque du même ordre, mais avec un bénéfice absolu différent en fonction du risque de départ, ce qui a en particulier été
bien démontré dans l’étude WOSCOPS sur certains sous-groupes
à risque spécifique.
Les recommandations de l’AFSSAPS fixent un taux de LDL-cholestérol de 1,30 g/l comme seuil d’instauration du traitement en
prévention secondaire et chez les patients à très fort risque, mais
les données récentes des essais cliniques pourraient inciter à réviser ce taux à la baisse. La prévention ne se résume pas pour autant
à la seule prescription des statines. Les mesures hygiéno-diététiques sont indispensables, et leur efficacité est prouvée. Les
fibrates ont également leur place lorsque le LDL-cholestérol est
dans les limites de la normale mais que le HDL-cholestérol est à
des taux anormalement bas.
Ainsi, les données disponibles à ce jour s’inscrivent dans la perspective d’une persistance du risque cardiovasculaire lié à l’athérosclérose, mais également dans celle de traitements médicamenteux dont l’efficacité est très nettement démontrée par des
essais cliniques de qualité pour les risques majeurs, en particulier le risque coronarien. L’appréciation du niveau de risque individuel reste une étape déterminante de la prise en charge des
patients exposés aux complications de l’athérosclérose.
J.L.G.
BÊTABLOQUANTS ET INSUFFISANCE CARDIAQUE : INTERROGATIONS ET CERTITUDES
Symposium proposé par Merck Lipha Santé
es dernières années ont été marquées par la publication de
quelques grands essais thérapeutiques comme le Carvedilol US Program (mai 1996), CIBIS II (janvier 1999), MERIT-HF
(juin 1999), BEST (mai 2001) et COPERNICUS (mai 2001) évaluant les bêtabloquants pour le traitement de l’insuffisance cardiaque. Avec un recul déjà conséquent pour plusieurs d’entre eux,
ce symposium, présidé par les Prs P.A. Poole-Wilson (Londres)
et M. Komajda (Paris), a permis de faire le point sur l’efficacité
et les modalités d’utilisation des bêtabloquants dans l’insuffisance
cardiaque.
Comme les autres orateurs, P. Poole-Wilson a d’emblée souligné
que l’efficacité du traitement est clairement établie pour la réduction de la mortalité toutes causes confondues, de la mortalité par
arythmies et des hospitalisations, en particulier pour insuffisance
cardiaque. Ces constatations reposent sur un collectif d’environ
16 000 malades avec une moyenne d’âge de 63 ans et avec une
fraction d’éjection inférieure à 35-40 %. Les résultats ont permis
L
23
I
N F O R M A T I O N S
d’établir que la réduction relative du risque de décès ou d’hospitalisation est de 25 à 33 %, avec une réduction absolue de 4 à 6 %.
Le nombre de patients à traiter pour éviter un seul de ces événements est de l’ordre de 15 à 25. Ces constatations ont conduit à
préconiser ce traitement pour tous les insuffisants cardiaques dans
les recommandations 2001 de la Société européenne de cardiologie, avec un niveau de preuves de rang A (plusieurs essais
contrôlés).
On peut toutefois se demander dans quelle mesure ces différents
essais cliniques sont bien représentatifs de la pratique quotidienne.
Toutes les caractéristiques des patients et les modalités de leur
prise en charge peuvent en fait être différentes. Ainsi, dans une
enquête de population faite au Royaume-Uni, les patients avaient
une moyenne d’âge de 76 ans, avec 50 % de femmes, alors que,
dans les essais cliniques de référence, l’âge moyen est de l’ordre
de 58 à 64 ans, avec 20 à 23 % de femmes. Beaucoup de données
sont encore tirées des analyses de sous-groupes, dont on sait que,
dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, elles ne se trouvent
pas toujours confirmées par des essais spécifiques. Ainsi l’effet
bénéfique de faibles doses de vesnarinone, suggéré par une étude
publiée en 1993, n’a-t-il pas été confirmé par l’étude de 1998. De
même, la supériorité du losartan sur le captopril pour le traitement de l’insuffisance cardiaque des sujets âgés n’a pas été confirmée dans ELITE II, pas plus que l’efficacité de l’amlodipine pour
le traitement de l’insuffisance cardiaque d’origine non ischémique.
Par ailleurs, les taux de sortie d’essai dans les études cliniques
peuvent ne pas refléter l’observance du traitement dans la vie
de tous les jours : ils étaient, par exemple, de 13 % avec
10,4 mois de recul dans COPERNICUS, mais de 23 % avec deux
ans de recul dans BEST. C’est précisément la réalité du traitement bêtabloquant qui va être décrite chez des insuffisants cardiaques en pratique clinique quotidienne dans un article à paraître
prochainement dans la revue Heart. Ce travail porte sur 100 insuffisants cardiaques (68 hommes) de 69 ans d’âge moyen. Quarante-trois étaient inéligibles pour recevoir des bêtabloquants, et
12 n’ont pas supporté l’instauration du traitement à l’hôpital. Si,
finalement, 45 ont poursuivi le traitement bêtabloquant, seuls
9 d’entre eux ont atteint l’objectif thérapeutique.
Au-delà des réponses qui seront apportées par les études COMET
(carvédilol versus métoprolol) et SENIORS (nebivolol chez des
insuffisants cardiaques de plus de 70 ans), d’autres questions restent en suspens, comme celle de l’efficacité des bêtabloquants
pour le traitement des insuffisances cardiaques à fonction systolique conservée, celle du traitement optimal chez les femmes ou
celle de l’ordre d’introduction des multiples thérapeutiques dont
nous disposons.
Une question importante pour le praticien est de savoir s’il faut
à tout prix atteindre les doses cibles préconisées de bêtabloquants pour obtenir un bénéfice thérapeutique. Les données
de l’étude CIBIS II, rappelées par T. Simon, montrent bien que
le bénéfice du traitement par bisoprolol, pour réduire les risques
de mortalité totale, de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisations de toutes causes ou cardiovasculaires, est significativement plus important chez les patients qui ont reçu des doses fortes
24
ou moyennes que chez ceux qui ont reçu des doses faibles. Curieusement, le même phénomène est observé pour les patients du
groupe placebo, mais, par rapport à ce dernier, le bisoprolol est
significativement plus efficace pour réduire chacun de ces risques,
quel que soit le niveau de la posologie atteint. La même étude
permet de constater que la tolérance du bisoprolol, comme
d’ailleurs celle du placebo, est dépendante des caractéristiques
des patients traités. L’obtention de posologies optimales est, par
exemple, plus difficile chez les patients âgés, ceux qui sont en
classe NYHA IV, et ceux qui ont une fréquence cardiaque basse,
une fibrillation auriculaire, une cardiopathie ischémique, un bloc
de branche gauche ou un diabète. Les arrêts de traitement ont été
plus fréquents chez les patients qui ne toléraient que les faibles
doses, mais les patients qui arrêtent le traitement par bisoprolol
n’ont pas un profil de gravité plus important que ceux qui arrêtent le traitement alors qu’ils sont sous placebo. En cas d’arrêt de
traitement, le risque de décès a été deux fois plus important sous
bisoprolol que sous placebo, mais le délai entre l’arrêt du traitement et le décès a été identique dans les deux groupes.
La principale leçon de cette présentation est que, lorsque la question se pose d’arrêter un bêtabloquant chez un insuffisant cardiaque qui le tolère mal, il vaut mieux essayer de maintenir des
doses faibles plutôt que de se résoudre à l’arrêt définitif.
Ph. Lechat a cherché à identifier des facteurs prédictifs de la
réponse des insuffisants cardiaques au traitement. La gravité
de la maladie ne semble pas en être un. Elle a été appréciée dans
l’étude CIBIS sur un score en trois grades établi a posteriori, qui
a permis de constater que le bénéfice est identique pour les trois
grades. Dans les grands essais de référence, la réduction relative
du risque de décès a été de l’ordre de 20 à 25 %, quel que soit le
niveau dans la classification NYHA. La fréquence cardiaque
basale et la réduction de la fréquence cardiaque sous traitement
sont significativement reliées au risque de mortalité totale, comme
au risque d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque. On aurait pu penser que le bénéfice d’une réduction de la
fréquence cardiaque est d’autant plus important que la fréquence
cardiaque était plus élevée au départ ; en fait, il n’en est rien, car
les données de l’étude CIBIS II ont montré que la réduction relative de risque pour une baisse donnée de la fréquence est identique, quel que soit le niveau de départ. L’augmentation de la fréquence cardiaque sous traitement est un facteur de mauvais
pronostic. Par contre, il a été montré que la diminution de la fonction ventriculaire gauche évaluée par la fraction de raccourcissement est également un facteur de mauvais pronostic. Toujours dans
CIBIS II, il semble que les patients en fibrillation auriculaire ne
bénéficient pas du traitement bêtabloquant, mais cette constatation n’a été faite que dans cette étude et pourrait relever du hasard.
Quelques études avaient pour but d’identifier la valeur prédictive
du polymorphisme génétique du récepteur ß1 (Ser49gly) sur l’efficacité du traitement, mais, pas plus que les études portant sur
le polymorphisme de l’enzyme de conversion (DD), elles n’ont
donné de résultats probants.
En définitive, ce sont donc essentiellement les données hémodynamiques, et tout particulièrement le suivi de la fréquence cardiaque, qui peuvent être utiles aux cliniciens pour le suivi des
insuffisants cardiaques sous bêtabloquants.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
Pour répondre à la question de savoir si les recommandations sont
réellement appliquées, M. Komajda a donné quelques résultats
préliminaires de l’étude SONIC (Suivi observationnel naturel
de l’insuffisance cardiaque). Il s’agit d’un observatoire qui a porté
sur 1 889 insuffisants cardiaques vus par 422 cardiologues répartis sur toute la France. Il s’agissait de patients plutôt âgés (27 %
entre 61 et 70 ans, 48 % de 71 ans et plus), avec une fraction
d’éjection en moyenne à 39 ± 11 % et dont 15 %, 66 %, 17 % et
2 % étaient respectivement en classe NYHA I, II, III et IV. Quarante et un pour cent avaient une cardiopathie ischémique, 34 %
une cardiomyopathie primitive et 10 % une cardiopathie hypertensive. Les proportions des différentes classes thérapeutiques
dans SONIC étaient de 86 % pour les diurétiques, 76 % pour les
IEC, 58 % pour les bêtabloquants, 31 % pour les digitaliques,
21 % pour les dérivés nitrés et 13 % pour les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II. Seulement 5 % des patients ne
prenaient qu’un médicament, 10 % en prenaient deux, 27 % trois,
29 % quatre et 29 % au moins cinq. Les doses quotidiennes
moyennes des IEC étaient assez proches des doses préconisées
dans cette indication, par exemple 83 ± 26 mg pour le captopril
(150 mg préconisés) ou 19 ± 9 mg pour l’énalapril (20 mg préconisés). Pour les bêtabloquants, la dose quotidienne de bisoprolol chez 576 patients était en moyenne de 4,2 ± 2,9 mg (6,2 mg
atteints dans CIBIS II pour 10 mg préconisés), celle de carvédilol chez 284 patients était en moyenne de 29,7 ± 24,5 mg (40 mg
atteints dans COPERNICUS pour 50 à 100 mg préconisés). Ces
données confirment la tendance à la sous-prescription déjà soulignée à plusieurs reprises. L’absence de prescription ou une prescription à des doses insuffisantes semble correspondre très souvent (une fois sur deux) à la crainte de voir survenir des réactions
indésirables, alors que des effets secondaires apparemment bien
réels sont en cause dans un tiers des cas. Une contre-indication
est rapportée dans environ 20 % des cas. Dans le cas précis des
bêtabloquants, une authentique contre-indication (insuffisance
rénale ou pression artérielle basse) est invoquée dans plus d’un
tiers des cas comme cause de non-prescription. Les effets secondaires comme la toux ou la détérioration de la fonction rénale
sont invoqués dans environ un autre tiers des cas.
En définitive, l’efficacité des bêtabloquants pour réduire le
risque de mortalité de l’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique est désormais clairement établie à tous les
stades de la maladie. Il semble qu’en 2003, ce traitement ait été
adopté par les cardiologues, mais avec encore quelques réticences,
notamment pour atteindre les posologies préconisées. En cas de
mauvaise tolérance, les données disponibles indiquent qu’il vaut
mieux chercher à garder des doses réduites plutôt que de se
résoudre à l’arrêt.
J.L.G.
DYSLIPIDÉMIE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE
Symposium proposé par Bristol-Myers Squibb
P
résidé par les Prs J. Shepherd (Glasgow) et M. Komajda
(Paris), ce symposium était plus spécialement orienté vers
le risque cardiovasculaire des personnes âgées, qui constituent
une proportion importante de la population à risque.
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
Après avoir rappelé que la notion de risque est née à Framingham,
il y a une trentaine d’années, le Pr Ph. Amouyel (Lille) a souligné qu’au-delà des deux cents facteurs de risque qui ont été
décrits, il faut surtout se concentrer sur ceux qui ont le plus fort
taux “d’attribuabilité”, comme l’hypertension artérielle (HTA),
l’hypercholestérolémie et le tabagisme. Grâce à des analyses multivariées, les statisticiens ont pu matérialiser le poids de chaque
facteur de risque et proposer des équations ou des tables permettant de calculer le risque global.
Pour ce qui est du cholestérol, la France se situe dans la moyenne
mondiale, alors que les taux de morbi-mortalité cardiovasculaire
la situent dans les pays les plus favorisés. L’étude MONICA a
bien montré la tendance généralisée à la baisse du taux annuel
des événements cardiovasculaires dans tous les pays, mais
quelques-uns, notamment en Europe de l’Est, échappent à cette
règle et voient l’“épidémie” progresser.
La relation entre le risque cardiovasculaire et l’hypercholestérolémie a été bien établie, et il est tout aussi clairement démontré que faire diminuer le cholestérol sanguin diminue ce risque
cardiovasculaire. Une baisse d’environ 0,2 g/l du cholestérol total
diminue le risque cardiovasculaire de 17 %, et les essais d’intervention dont on dispose montrent bien que, dans les limites habituelles de leur suivi (de 3 à 5 ans), il a été possible de diminuer
ce risque d’environ 33 % dans tous les sous-groupes. Le bénéfice du traitement est d’autant plus important que le risque de
base est lui-même plus grand. Par exemple, pour un risque de
0,5 % à 20 ans, il est nécessaire de traiter 1 332 patients identiques à ceux de WOSCOPS en prévention primaire, alors qu’avec
un risque de 30 % par an, il suffit de traiter 20 patients identiques
à ceux de l’étude 4S.
Il est parfois difficile d’extrapoler ces données obtenues dans des
études cliniques à des individus en pratique quotidienne. Chacun
se caractérise par des associations particulières de facteurs de
risque, avec la perspective de recourir à des thérapeutiques multiples chez des sujets asymptomatiques. Pour leur faire comprendre, le Pr Amouyel recommande d’utiliser une échelle
linéaire graduée exprimant le risque d’accident coronaire à 10 ans,
en sachant que, dans les recommandations européennes, le seuil
de risque d’accident coronaire justifiant une intervention spécifique est de 20 % à 10 ans.
L’évaluation du risque pose un problème chez les personnes
âgées en raison du vieillissement de la population, qui fait perdre
un peu de sa valeur discriminative à ce paramètre. Plusieurs artifices sont possibles pour en tenir compte, mais aucun n’est vraiment satisfaisant.
C’est précisément le risque cardiovasculaire des personnes
âgées et les façons de le combattre que le Pr F. Forette (Paris) a
évoqués. En France, les études démographiques prévoient pour
2020 un croisement des courbes représentant les moins de 20 ans
(courbe descendante) et les plus de 65 ans (courbe ascendante).
Les octogénaires représentent aujourd’hui 5 % de la population,
mais 20 % des hospitalisés et 30 % des décédés pour infarctus du
myocarde. Or, la population des personnes âgées a des caractéristiques spécifiques qui en rendent la prise en charge plus difficile : multiples pathologies associées, risque étendu à d’autres
fonctions comme les fonctions cognitives, et manque de données
spécifiques.
25
I
N F O R M A T I O N S
Le risque lié à l’HTA est l’un des plus importants et des plus
connus, mais, face aux spécificités des personnes âgées, c’est
un domaine où les données sur le risque cardiovasculaire sont
pour elles relativement pauvres. C’est le cas des données de
l’étude de Framingham, sur laquelle reposent pourtant plusieurs
outils d’évaluation du risque. C’est aussi le cas des essais cliniques de référence dans l’HTA, dont même ceux qui portaient
sur les personnes âgées n’ont pas inclus des patients très âgés.
Des données ponctuelles laissent penser que les patients très âgés
tirent bénéfice du traitement de l’HTA pour la réduction du risque
d’AVC (mortalité ou morbidité), mais sans que la mortalité totale
soit significativement affectée. Les données d’une méta-analyse
récente reprenant tous les plus de 80 ans dans les essais cliniques
de référence (F. Gueyffier) permettent de confirmer ce bénéfice
(notamment sur le risque d’AVC), mais elles laissent un sérieux
doute sur le risque de mortalité totale.
Pour ce qui est du risque lié au cholestérol, les patients inclus
dans les grands essais cliniques n’avaient au maximum pas plus
de 75 ans en prévention secondaire (CARE et LIPID) et pas plus
de 65 ans en prévention primaire (WOSCOPS). Dans 4S, plus de
2 000 patients avaient entre 60 et 70 ans, et ces patients ont bénéficié, sous statine, d’une réduction de la mortalité totale, des décès
coronariens, des infarctus myocardiques et des arrêts cardiaques
ressuscités. Plus récemment, l’étude HPS a permis de constater
une réduction du même ordre de grandeur du risque d’infarctus
myocardique, mortel ou non, dans les groupes âgés de 65 à 69 ans
(23 %), de plus de 70 ans (18 %) et de 75 à 80 ans (28 %).
Le problème des fonctions cognitives est très préoccupant, parce
qu’il frappe une proportion très importante de la population âgée.
Les données de l’étude Syst-Eur ont suscité beaucoup d’espoirs,
mais ceux-ci n’ont pas vraiment été confirmés pour l’instant. Les
données épidémiologiques tirées du Honolulu Heart Program
suggèrent une association avec l’hypertension artérielle, mais le
lien pourrait se faire de façon très précoce et bien en amont des
tranches d’âges dans lesquelles ont été faits les quelques essais
thérapeutiques d’antihypertenseurs qui se sont intéressés au problème. Il est possible que les statines aient un effet favorable sur
le risque de démence, mais des essais cliniques spécifiques restent à réaliser.
Les résultats récents de l’étude PROSPER ont apporté des informations précieuses sur la prévention du risque cardiovasculaire lié au cholestérol chez les personnes âgées. Le Pr J. Shepherd, qui en était l’investigateur principal, en a rappelé les
principaux résultats. Cinq mille huit cent quatre patients de 70 à
82 ans ayant des antécédents cardiovasculaires ou des facteurs de
risque cardiovasculaire ont été randomisés pour recevoir soit un
traitement avec 40 mg de pravastatine par jour, soit un placebo.
Leur cholestérol total à l’inclusion était entre 1,55 et 3,55 g/l. Le
risque de survenue d’un des éléments du critère principal (décès
d’origine coronaire, infarctus non mortel, AVC mortel ou non) a
été réduit de 15 % sous pravastatine (p = 0,014). Cet effet favorable tient essentiellement à une réduction de 19 % du risque d’accident coronaire (p = 0,006). Le risque d’AVC n’a pas été réduit
de façon significative, mais le Pr J. Shepherd a souligné que la
durée moyenne du suivi n’a été que de 3,2 ans. Or, ce délai cor26
respond tout juste au délai dans lequel a été observée une séparation des courbes figurant le risque d’AVC ou d’AIT dans l’étude
CARE, cette étude montrant une réduction significative de 32 %
de ce risque avec un délai médian de 5 ans. Les risques d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, de revascularisation et de
handicap n’ont pas non plus été réduits de façon significative.
Des événements indésirables ont été rapportés avec la même incidence sous placebo (55 %) que sous pravastatine (56 %), et il en
est de même pour les événements les plus graves. Dans cette population de sujets âgés et recevant souvent de multiples médicaments, aucun cas de rhabdomyolyse n’a été rapporté, et il y a eu
autant de myalgies signalées dans les deux groupes. Une élévation des transaminases – supérieures à trois fois la normale – a
été observée chez seulement un patient de chaque groupe. Rapporté à l’ensemble des études faites avec les statines, l’excès de
cancers est formellement attribué par J. Shepherd à un “coup de
hasard”, d’autant plus qu’aucune forme particulière de cancer ne
semble avoir été plus fréquente. Les études en sous-groupes n’ont
pas montré de différence d’effet en fonction du sexe, de la préexistence d’une cardiopathie, d’un tabagisme ou d’une HTA, ni
en fonction du niveau de LDL-cholestérol à l’inclusion. Un fait
marquant de l’étude a été l’absence d’effet du traitement sur les
fonctions cognitives.
L’étude PROSPER se distingue des autres études sur les statines
parce que c’est la première étude spécifiquement dédiée à cette
tranche d’âge, qu’elle porte sur la prévention à la fois secondaire et primaire (mais chez des patients à risque), qu’il n’y avait
pas de restriction sur le niveau de cholestérol à l’inclusion, que
les patients étaient souvent sous polythérapie (jusqu’à 16 médicaments par jour pour certains !) et que les niveaux de pression
artérielle observés à l’inclusion ont été finalement plus élevés que
ce que l’on attendait initialement. Les résultats de cette étude
montrent surtout le bénéfice de la pravastatine sur le risque d’accident coronaire, mais une étude de plus longue durée aurait sans
doute été nécessaire pour élargir l’impact du traitement à d’autres
risques.
Chargé de conclure sur les perspectives thérapeutiques chez
les personnes âgées, le Pr A. Castaigne s’est d’abord référé à
différentes méta-analyses sur l’hypertension artérielle et son traitement pour expliquer que le principal facteur de risque cardiovasculaire est d’avoir plus de 65 ans et une hypertension artérielle. Bien que pas tout à fait définitives, les données disponibles
incitent à penser que la notion de facteurs de risque s’applique
aussi aux personnes âgées. Cela signifie qu’il faut dépister les
sujets à haut risque et traiter tous les facteurs de risque, d’autant
qu’il ne semble pas y avoir de danger à trop traiter.
Pour ce qui est de l’HTA, le meilleur traitement pour la prévention du risque d’AVC semble être l’association d’un diurétique
et d’un antagoniste calcique. Pour ce qui est du cholestérol, la
confrontation des patients de PROSPER et de ceux du sousgroupe des plus de 70 ans dans HPS emporte la conviction pour
préconiser une réduction du risque lipidique chez les patients âgés
dont le risque cardiovasculaire est élevé. Il faut toutefois se méfier,
en cas de prises médicamenteuses multiples, des possibilités d’interaction, notamment du fait du métabolisme par glucuro-transLa Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
formation de la plupart des statines (pravastatine exceptée), sur
lequel l’attention a été récemment attirée. La prescription d’aspirine doit être fondée sur le niveau de risque global. Les bêtabloquants et les IEC doivent être systématiquement prescrits chez
les moins âgés de ces patients et, de façon plus nuancée, chez les
plus âgés. L’évaluation du risque global peut se faire sur la base
d’un âge de 60 ans pour mieux l’apprécier, et l’ajuster ensuite en
fonction du profil individuel. Les multiples choix thérapeutiques
quotidiens sont loins d’être étayés par des preuves, et les essais
cliniques du futur devraient se focaliser sur les fonctions cognitives et sur le handicap, alors que la mortalité n’apparaît plus
comme une priorité à un âge élevé.
Finalement, le risque cardiovasculaire persiste et, dans certaines
régions, prend les allures d’une véritable épidémie. Du fait du
vieillissement de la population, les personnes âgées en sont les
principales victimes. Ces dernières doivent bénéficier, comme les
plus jeunes, d’une évaluation de leur niveau de risque, d’autant
que les traitements disponibles, tant pour le risque lipidique que
pour le risque hypertensif, se sont avérés efficaces au prix d’un
risque à traiter relativement modéré. Pour conclure, le Pr J. Shepherd a souligné que l’on ne devrait pas attendre que ces patients
aient 75 ans pour les prendre en charge, et que des études sur des
patients âgés comme l’étude PROSPER peuvent être vues comme
le reflet d’un échec des médecins.
J.L.G.
STATINES : DES MÉCANISMES D’ACTION AUX
CIBLES THÉRAPEUTIQUES
Symposium proposé par AstraZeneca
e symposium était placé sous la présidence du Pr M. Komajda (Paris) et du Pr G. Assmann (Münster, Allemagne) ; ce
dernier est l’un des protagonistes de l’étude épidémiologique
PROCAM, l’un des rares travaux permettant d’aborder le risque
cardiovasculaire à partir de données européennes.
C
Le mécanisme d’action des statines, dont la première fut découverte en 1970 par A. Endo, a d’abord été rappelé par le Pr
J.C. Fruchart (Lille). Le blocage par les statines de la transformation de l’acétyl CoA en acide mévalonique diminue la production et la concentration intracellulaires de cholestérol. Cette
diminution permet l’activation d’un facteur de transcription, la
SREBP (sterol regulatory element binding protein). Ce dernier
active la synthèse des récepteurs aux LDL sur les hépatocytes. Il
s’ensuit une meilleure capture des LDL circulantes, qui deviennent aussi moins oxydables et moins susceptibles de pénétrer le
cœur lipidique des plaques athéromateuses. À coté de ce mécanisme commun, les statines se distinguent par une puissance différente en fonction des doses utilisables.
Une question récurrente est celle de l’effet des statines sur le
HDL-cholestérol et sur les triglycérides. Cet effet a été expliqué pour les fibrates par leur action sur le PPARα (peroxisome
proliferator activated receptor alpha), qui est le facteur de transLa Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
cription de l’apo A1 (augmentation des HDL) et qui bloque la
synthèse de l’apo C3 (diminution des triglycérides). Les statines,
en bloquant la synthèse de mévalonate, inhibent l’isoprénylation
des RhoA et activent ainsi les PPARα, ce qui induit une surexpression de l’apo A1 et une augmentation des concentrations des
HDL.
Pour ce qui est des triglycérides, leur valeur prédictive du risque
cardiovasculaire est régulièrement remise en cause, probablement
parce qu’il s’agit d’une catégorie très hétérogène. Pour pallier cet
inconvénient, F. Sachs et les auteurs de l’étude CARE se sont
penchés sur une lipoprotéine particulière, l’apolipoprotéine CIII
(apo CIII), contenue dans 30 à 70 % des particules VLDL. Ils ont
montré que, contrairement à celles des triglycérides, les concentrations d’apo CIII des VLDL et des LDL ont une bonne valeur
prédictive du risque d’événements cardiovasculaires.
Il est également probable que le PPARα agit aussi sur les phénomènes inflammatoires en diminuant la production de NF-κB,
un facteur de transcription de certains médiateurs de l’inflammation. L’importance des phénomènes inflammatoires a été bien
démontrée cliniquement par P. Ridker sur la base des mesures
de CRP, et l’effet bénéfique des statines pourrait passer par leur
action favorable sur le PPARα. Le groupe de J.C. Fruchart a montré plus récemment que la rosuvastatine diminue les concentrations sanguines de deux métalloprotéinases (MMP-7 et MMP-9)
et qu’elle pourrait, par ce biais, participer à la stabilisation des
plaques.
Le Dr M. Farnier a, pour sa part, montré que les essais cliniques
impliquant les statines tendent désormais à porter sur des patients
ayant des taux de LDL-cholestérol plutôt bas : 1,31 g/l dans
HPS, 1,31 g/l dans LIPS, 1,47 g/l dans PROSPER et 1,46 g/l dans
ALLHAT. Cette vue transversale permet aussi de constater que
le bénéfice absolu est d’autant plus important que le taux de départ
du LDL-cholestérol était plus élevé ; bénéfice absolu : 8,6 % dans
4S, 3,2 % dans LIPID, 3,0 % dans CARE, 3,1 % dans HPS, 2,2 %
dans WOSCOPS et 2,0 % dans AFCAPS/TexCAPS. Aucun autre
facteur de risque n’est lié de façon aussi étroite avec le pronostic
d’un individu. Dans l’étude HPS, portant sur des patients à haut
risque, le bénéfice du traitement par statine a été démontré, même
chez les patients qui avaient les taux de LDL-cholestérol les plus
bas, à des niveaux qui n’auraient pas justifié leur inclusion dans
les essais précédents.
Cela pose le problème de l’intérêt du dosage systématique des
paramètres lipidiques chez les patients dont le niveau de risque
cardiovasculaire justifierait de toute façon, en lui-même, la mise
en route du traitement. Le Dr M. Farnier y voit deux raisons :
d’abord, parce que la réduction du risque absolu reste dépendante
du niveau de base du LDL-cholestérol ; ensuite, parce que, même
dans l’étude HPS, il a été démontré que, quel que soit le niveau
du LDL-cholestérol, le risque reste plus élevé lorsque le HDLcholestérol reste bas. En présence d’un HDL-cholestérol bas, l’indication d’une statine doit reposer sur le constatation d’un niveau
élevé de LDL-cholestérol.
Pour ce qui est du niveau de LDL-cholestérol à atteindre, il est
probablement, à la lumière des données désormais disponibles,
inférieur aux recommandations en vigueur en France (1,30 mg
de LDL-cholestérol chez les patients à risque). Les études
27
I
N F O R M A T I O N S
disponibles sur de nouvelles molécules comme la rosuvastatine
montrent que les objectifs actuels (et probablement ceux qui pourraient être proposés ultérieurement) sont atteints dans une plus
grande proportion de cas. Pour M. Farnier, la stratégie fondée sur
le risque est complémentaire de celle fondée sur les taux de cholestérol, mais il est probable que, si elle devait être seule appliquée, la première entraînerait à terme une réduction du nombre
de patients traités.
G. Assmann s’est, pour sa part, intéressé à l’identification des
patients à risque. Il a d’abord rappelé que l’infarctus du myocarde reste la manifestation inaugurale de la maladie coronaire
chez un patient sur deux et que les patients à haut risque sont ceux
qui ont une probabilité d’au moins 20 % de faire un accident coronaire dans les dix ans qui suivent. Sa grande connaissance du problème vient en partie de l’étude PROCAM (Prospective Cardiovascular Münster study), qui a permis d’étudier les données issues
de 30 000 patients suivis sur une période de 20 ans. Cette étude
a permis de mettre au point un score de risque prenant en compte
l’âge, la pression artérielle systolique, le LDL-cholestérol, le
HDL-cholestérol, l’existence d’un diabète, d’un tabagisme ou
d’antécédents familiaux. Ce score a été validé notamment par la
constatation que, selon qu’ils étaient dans le 1er, 2e, 3e, 4e ou
5e quintile, ces sujets avaient un risque respectif de 0,4 %, 1,6 %,
3,1 %, 5,9 % ou 22,9 %. En ajoutant aux facteurs de risque précédents l’index de masse corporelle, la glycémie à jeun et l’existence d’un traitement antihypertenseur, le risque respectif par
quintile passe à 0 %, 0,3 %, 2,0 %, 5,4 % et 26,1 %, et le score
devient donc encore plus discriminant. La valeur prédictive de ce
score a été comparée à celle du dosage du cholestérol, à laquelle
elle s’est avérée très supérieure. Cette approche multifactorielle
a également permis de mieux évaluer le risque associé au syndrome métabolique, dont plusieurs composantes ne sont habituellement pas prises en compte par les autres scores.
Le score dérivé de l’étude PROCAM a été comparé à celui dérivé
de l’étude de Framingham. Cela a permis de constater qu’en Allemagne, ce dernier surestime le risque cardiovasculaire. Des coefficients de correction peuvent être calculés pour adapter le score
PROCAM à certains pays ou à certaines régions. Ainsi, sur les
trois centres MONICA français, il est possible de constater qu’en
fonction du risque spécifique à chaque région, le coefficient de
correction est supérieur à 1 à Lille, où le risque est le plus élevé
(1,10 chez l’homme et 1,07 chez la femme), très inférieur à 1 à
Toulouse, où le risque est faible (0,58 et 0,54), et intermédiaire à
Strasbourg (0,90 et 0,88).
Le problème actuel reste celui de l’identification des sujets à très
haut risque qui justifieraient une prise en charge particulière.
L’approche génétique est probablement intéressante, car tous les
sujets ne sont manifestement pas égaux devant le risque d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. L’identification des plaques vulnérables est une autre approche en pleine
évolution, mais qui est encore loin d’être opérationnelle en pratique quotidienne.
Parler des autres perspectives d’utilisation des statines était un
peu une gageure pour J.M. Lablanche, dans la mesure où les
dernières années ont vu la description d’un certain nombre d’ap28
plications potentielles qui sont soit restées dans le domaine du
risque lipidique, soit totalement nouvelles.
Pour ce qui est des applications dans le domaine de l’athérosclérose, les connaissances récentes sur la multiplicité des effets
des statines sur les déterminants de la plaque et sur la thrombose
ont jeté les bases physiopathologiques d’indications potentielles.
Toutefois, les pistes ouvertes par la compilation rétrospective de
grands essais cliniques ne sont pas toujours concordantes. Ainsi,
le bénéfice d’une administration précoce, dès la phase aiguë de
l’IDM, suggéré par R.P. Giugliano, n’a pas été confirmé par l’analyse des données issues des études SYMPHONY. Ce dernier travail incite même à redouter un effet contraire lorsque les taux de
cholestérol se situent au-dessous des seuils préconisés dès la phase
aiguë. L’étude MIRACL a permis de démontrer, avec 16 semaines
de recul, le bénéfice d’une statine administrée dès la phase aiguë
de l’angor instable, mais ce bénéfice tient essentiellement à une
réduction du risque de récidives ischémiques. Des études spécifiques devaient apporter des arguments importants pour ou contre
une administration précoce au cours des syndromes coronaires
aigus, mais l’étude PACT évaluant la pravastatine a été arrêtée
pour des raisons économiques, et l’étude PRINCESS a dû être
arrêtée avec le retrait de la cérivastatine. Du fait de ce double
arrêt, les résultats de l’étude A to Z sont attendus avec d’autant
plus d’impatience.
Au cours de l’angioplastie, la mise en place d’un stent est un
facteur supplémentaire de thrombose et de prolifération néo-intimale, avec une participation importante des phénomènes inflammatoires, une cible potentielle des statines. L’étude lilloise
COROL a permis de montrer qu’il y avait une relation entre la
présence d’un syndrome inflammatoire au moment de l’angioplastie et, d’une part, l’élévation des troponines dans les jours qui
suivent, d’autre part, le risque d’événements secondaires. Or,
l’augmentation de la CRP après pose d’un stent peut être prévenue par l’administration d’une statine, avec un effet favorable sur
le risque d’événements secondaires (D.H. Walter et al., 2001).
Dans l’étude LIPS, le traitement par fluvastatine au décours d’une
angioplastie a permis de réduire de 22 % le risque d’événements
cardiovasculaires, mais la mise en place d’un stent n’était pas systématique, et le recul moyen de 3,9 ans ne permet pas de répondre
à la question de la relation entre stent, effet anti-inflammatoire et
survenue d’événements cliniques.
Le bénéfice des statines dans l’insuffisance cardiaque a été
suggéré par les données de l’étude 4S. Plus récemment, l’étude
des cinq centres présentée au dernier congrès de l’AHA a apporté
d’autres arguments dans ce sens en montrant, à un an, une réduction de la mortalité chez les insuffisants cardiaques quelle que
soit l’origine, ischémique ou non. Une autre étude récente tend à
montrer que la progression du rétrécissement aortique est moins
rapide chez les patients sous statine : l’implication de phénomènes
inflammatoires comparables à ceux de l’athérosclérose pourrait
être en jeu.
Enfin, d’autres propriétés ont été prêtées aux statines dans des
domaines comme l’ostéoporose ou les démences, mais, comme
les précédentes, ces conclusions reposent sur des études d’observation et méritent d’être validées par des études appropriées.
Finalement, il apparaît que les statines représentent aujourd’hui
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
I
une classe thérapeutique particulièrement bien étudiée, à la fois
pour leur mécanisme d’action et pour leur efficacité clinique, qui
va probablement bien au-delà de la simple baisse des niveaux des
marqueurs classiques du risque lipidique. Des objectifs de LDLcholestérol de plus en plus bas paraissent aujourd’hui justifiés, et
il est possible de les atteindre d’autant plus facilement que les
molécules les plus récentes sont remarquablement efficaces. Le
traitement à mettre en œuvre et la valeur cible de LDL-cholestérol à atteindre restent toutefois étroitement liés au niveau de risque
individuel, qu’il est possible d’estimer grâce à des outils adaptés
à l’épidémiologie de chaque pays.
J.L.G.
PRISE EN CHARGE DES SYNDROMES CORONAIRES
AIGUS : ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ?
Symposium proposé par Sanofi-Synthelabo et Bristol-Myers Squibb
résidé par les Prs K. Fox (Édimbourg) et G. Montalescot
(Paris), ce symposium proposait de faire un point sur la prise
en charge des syndromes coronaires aigus (SCA) suite à la publication récente (décembre 2002) des dernières recommandations
de la Société européenne de cardiologie.
Les données physiopathologiques rappelées par P. Libby (Boston) faisaient d’abord référence au rôle du collagène dans la stabilisation de la plaque et à ses rapports étroits avec les phénomènes inflammatoires. Les cellules inflammatoires produisent à
la fois des cytokines, qui diminuent la production du collagène,
et des collagénases, qui le détruisent. Mais il s’agit d’un équilibre
précaire dans lequel d’autres cytokines s’opposent à l’action des
collagénases. La rupture de la plaque fragilisée ou simplement
son érosion ne conduit à des accidents aigus que parce qu’il y a
surexpression du facteur tissulaire, point de départ de l’activation
du facteur VII et de la cascade de coagulation. Le mécanisme de
la surexpression du facteur VII est resté longtemps mystérieux,
mais celle-ci a récemment été rapportée à la production de CD40L
par les cellules inflammatoires (celles-là mêmes qui produisent
le facteur tissulaire), reléguant au second plan le TNFα et l’interleukine 1ß (IL-1ß), longtemps incriminés. Les plaquettes peuvent aussi produire du CD40L et contribuer à l’activation de l’endothélium. Au-delà de la physiopathologie, le CD40L pourrait
être utilisé en clinique comme un marqueur du risque d’accidents
cardiovasculaires, comme cela a été récemment démontré par le
groupe de Boston dans une étude cas-contrôles dérivée de la
Women’s Health Study.
P
Nous disposons désormais de données épidémiologiques suffisamment précises pour permettre de comparer le risque d’événements coronaires aigus dans différentes populations. Pour
l’affirmer, le Pr P.G. Steg (Paris) s’est basé sur des études comme
le projet MONICA ou le registre GRACE, dont il est un des protagonistes. L’étude MONICA a bien montré la disparité géographique de la survenue de tels événements. Leur incidence, est,
par exemple, très élevée en Europe du Nord (800/100 000 habiLa Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
N F O R M A T I O N S
tants à Glasgow), alors qu’elle ne dépasse pas 200/100 000 en
Europe méditerranéenne (Catalogne ou Toulouse) ou en Chine.
Ces données évoluent, et l’un des apports du projet MONICA a
été de montrer que l’incidence de la maladie est en baisse en
Europe de l’Ouest, alors qu’elle progresse en Europe de l’Est. La
nature des événements aigus a été bien décrite dans la European
Heart Survey ou dans le registre GRACE. Parmi les patients admis
en hôpital pour un syndrome coronaire aigu (SCA), le diagnostic initial était celui d’infarctus du myocarde ou d’angor instable
dans respectivement 36 % et 44 % des cas. Inversement, le diagnostic final était celui d’infarctus avec onde Q, d’infarctus sans
onde Q ou d’angor instable dans respectivement 30 %, 25 % et
38 % des cas, le diagnostic étant celui d’autres douleurs cardiaques dans 4 % des cas et de douleurs non cardiaques dans 3 %
des cas.
La reconnaissance de l’infarctus sans onde Q nécessite de disposer d’un dosage enzymatique et ne peut être que rétrospective dans la catégorie des SCA sans sus-décalage persistant du
segment ST. Dans le Registre français des syndromes coronaires
aigus (FRACAS), entre octobre 1999 et juin 2000, environ un
centre sur deux faisait systématiquement un dosage de troponine
I ou T. La valeur pronostique des troponines a été précisée dans
le registre GRACE, où l’on a pu constater que la positivité de ces
marqueurs augmente de façon très substantielle avec le risque de
décès hospitalier, quel que soit le niveau des CPK.
Le registre GRACE a aussi permis d’identifier de très grandes
disparités sur les modalités de prescription des antithrombotiques. C’est en particulier le cas pour les héparines non fractionnées ou de bas poids moléculaire, dont le choix est fortement
conditionné par des habitudes nationales plutôt que par des arguments d’ordre pronostique. Les doses sont habituellement basses
en Italie, en Grèce ou en Scandinavie, alors qu’elles sont plus élevées en France ou en Allemagne. Quoi qu’il en soit, ces variations sur les modalités de prescription ne semblent pas affecter
le pronostic.
Un enseignement important des différents registres est que la prévention secondaire est trop peu mise en œuvre, ou de façon
trop disparate. Les hypolipidémiants sont, par exemple, plus
prescrits dans les hôpitaux qui pratiquent la cardiologie interventionnelle et, d’une façon générale, les mesures de prévention
secondaire sont mieux mises en œuvre lorsqu’une angioplastie a
été réalisée. Il est très difficile d’apprécier les raisons de la nonprescription des médicaments qui ont fait la preuve de leur efficacité, car nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour
apprécier l’éligibilité des patients vis-à-vis de ces thérapeutiques.
C’est précisément l’un des objectifs du registre français FACT
actuellement en cours, dans lequel vont être validées les conditions de prescription des médicaments.
Les registres de grande qualité dont nous disposons désormais
nous ont montré qu’il existe de grandes variations dans les modalités de prise en charge des syndromes coronaires aigus, particulièrement sans sus-décalage persistant du segment ST. Ces
registres devraient désormais permettre de mieux suivre l’évolution du profil des patients ainsi que les habitudes de prescription
et leur incidence pronostique.
Pour sa part, le Pr K. Fox a d’emblée souligné que de multiples
thérapeutiques antithrombotiques sont proposées à la phase
29
I
N F O R M A T I O N S
initiale des syndromes coronaires aigus mais qu’au-delà, les
antithrombotiques se résument à l’aspirine et à l’héparine.
La prescription précoce du clopidogrel, prolongée ensuite pendant une durée de 9 à 12 mois, a été un des principaux enseignements de l’étude CURE, dont il a rappelé les principaux résultats. Elle a permis de randomiser 12 562 patients hospitalisés pour
un syndrome coronaire aigu et recevant déjà de l’aspirine, entre
clopidogrel (dose de charge initiale de 300 mg, puis dose d’entretien de 75 mg/j) et placebo. Avec une durée de traitement de
9 à 12 mois, les patients traités par clopidogrel ont eu une réduction de 20 % (p < 0,001) du risque relatif de décès cardiovasculaire, d’infarctus non mortel ou d’accident vasculaire cérébral
(AVC). Le deuxième critère principal, associant le risque d’ischémie réfractaire aux trois précédents, a été réduit de 14 %
(p < 0,001). Une analyse récente des données de cette étude, présentée au dernier congrès de l’AHA, montre que le bénéfice du
traitement apparaît dès la deuxième heure après randomisation
(p < 0,003) et qu’il s’accentue au-delà du trentième jour, avec
diminution du risque hémorragique, qui devient négligeable. Une
autre analyse secondaire, également présentée au dernier congrès
de l’AHA, a permis, d’une part, de valider le score TIMI de risque
dans les SCA et, d’autre part, de vérifier que le bénéfice du traitement par clopidogrel est identique pour chacun des trois niveaux
de risque de ce score (tableau I).
Tableau I. Étude CURE. Critère principal (décès cardiovasculaires,
infarctus non mortels, accidents vasculaires cérébraux) dans les trois
sous-groupes déterminés selon le score de risque TIMI.
Groupe TIMI
de risque
Placebo Clopidogrel RR
Risque bas
5,7 %
(n = 1 674)
Risque intermédiaire 11,4 %
(n = 3 626)
Risque élevé
20,7 %
(n = 1 003)
IC95
p
4,1 %
0,71
0,52-0,97
0,03
9,8 %
0,85
0,74-0,98
0,02
15,9 %
0,73
0,60-0,90
0,003
RR = risque relatif ; IC95 = intervalle de confiance à 95 %.
Comme on pouvait s’y attendre, le risque hémorragique a été augmenté significativement par l’addition de deux antiagrégants plaquettaires, sauf pour les hémorragies pouvant menacer le pronostic vital. L’augmentation du risque était en grande partie due
aux patients qu’il avait fallu revasculariser chirurgicalement, alors
qu’ils étaient encore sous clopidogrel, ou à ceux qui ne l’avaient
pas arrêté dans les 5 jours précédant l’intervention, comme il le
leur est désormais recommandé. Cela pose la question de la posologie optimale de l’aspirine. Les données de l’étude CURE y
répondent clairement : le bénéfice du traitement a été comparable
chez les patients qui prenaient les doses d’aspirine les plus faibles
(< 100 mg/j) alors que c’est précisément eux qui ont eu le risque
hémorragique le moins élevé.
Enfin, les données de l’étude CREDO, publiées récemment, montrent bien, pour K. Fox, que l’accentuation du bénéfice du clopi-
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dogrel au-delà du 30e jour dans CURE n’est pas un effet du
hasard ; elles confirment que le clopidogrel est une pierre angulaire du traitement antithrombotique au cours des SCA.
Pour sa part, le Pr M. Bertrand (Lille) a rappelé les grandes
lignes des recommandations européennes pour la prise en charge
des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage persistant
du segment ST. Ces recommandations reposent sur une stratification du risque entre patients à bas risque et patients à risque
élevé. Ces derniers sont ceux qui ont des récidives ischémiques,
des douleurs récurrentes, des modifications dynamiques du segment ST, une élévation des troponines ou un diabète. Il faut y
ajouter les patients à très haut risque, qui sont ceux qui ont un
angor post-infarctus, des arythmies majeures ou une décompensation hémodynamique. Alors que tous les patients, quel que soit
leur niveau de risque, doivent recevoir de l’aspirine, du clopidogrel, de l’héparine, un bêtabloquant et un dérivé nitré, les patients
à haut (ou très haut) risque doivent en outre être mis sous antiGPIIb/IIIa et être orientés rapidement vers une exploration angiographique. Après instauration du traitement de base, les patients
à bas risque, chez lesquels, en particulier, les troponines ne sont
pas élevées, doivent être mis sous surveillance pour qu’un nouveau dosage de troponines puisse être réalisé 6 à 12 heures plus
tard. En cas d’élévation, ils rejoignent le contingent des patients
à risque élevé ; dans le cas contraire, ils doivent faire l’objet, avant
leur sortie de l’hôpital, d’une épreuve d’effort, éventuellement
couplée à une scintigraphie, qui permettra de déterminer leurs
modalités de prise en charge, et notamment de proposer ou non
une angiographie.
Le traitement antiagrégant repose sur l’association d’aspirine
(75 à 100 mg/j) et, pour une durée de 9 à 12 mois, de clopidogrel, d’autant plus que ces patients auront été traités par angioplastie. La poursuite du traitement par clopidogrel peut se discuter chez les patients à très haut risque et chez ceux qui auraient
été traités par brachythérapie endocoronaire, mais sans que ces
indications soient officiellement validées. L’importance des antiagrégants ne doit pas faire passer au second plan les recommandations générales de la prévention secondaire après un épisode
coronarien (lutte contre les facteurs de risque, bêtabloquants, statines et, selon les cas, IEC).
Finalement, la mise en place de registres de grande qualité a permis de mieux comprendre comment les syndromes coronaires
aigus sont pris en charge en pratique quotidienne. Il s’agit d’un
premier pas vers une amélioration des pratiques dans le cadre des
recommandations, notamment celles qui viennent d’être revues
par la Société européenne de cardiologie pour les syndromes coronaires aigus sans sus-décalage persistant du segment ST. L’approche stratégique qui subordonne les mesures invasives au niveau
de risque immédiat est désormais la règle. L’efficacité du clopidogrel permet désormais de disposer d’un traitement antiagrégant remarquablement efficace au décours de la phase critique
des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment
ST pour une durée minimale de 9 à 12 mois.
J.L. Gayet, Colombes
La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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