Zoom sur les maladies du bois Intervenant : Philippe Larignon, Institut Français de la Vigne et du Vin, Pôle Rhône-Méditerranée, 30230 Rodilhan Les maladies du bois sont considérées comme très dommageables pour la pérennité du patrimoine viticole ; les champignons responsables de ces maladies attaquent les organes pérennes de la vigne, provoquant à plus ou moins long terme la mort du cep. Dans le vignoble, elles peuvent se caractériser par des formes plus ou moins sévères allant jusqu’à l’apoplexie ou par des formes lentes conduisant à l’affaiblissement progressif de la plante (perte de vigueur), pour aboutir à sa mort. Les enquêtes menées entre 2003 et 2008 dans le cadre de l’observatoire national indiquent que la perte moyenne de surface productive varie de moins de 4 % à plus de 15 % selon les situations régionales et se situe autour de 11 % du vignoble français en 2008 (source DGAL). Outre les dégâts importants que provoquent ces maladies sur la pérennité du vignoble, elles conduisent également à des modifications de la qualité des vins. Il est urgent de trouver des moyens de lutte contre ces maladies. Ils doivent être efficaces, respectueux de l’environnement et économiquement acceptables pour les exploitations. QUELLES SONT CES MALADIES ? L’eutypiose (Eutypa lata) Cette maladie se manifeste par le rabougrissement des rameaux (entre-nœuds courts) qui présentent des feuilles chlorotiques, crispées, déchiquetées avec des nécroses marginales qui peuvent se généraliser sur l’ensemble du limbe, et parfois d’inflorescences desséchées ou de grappes millerandées. Elle se traduit également par la mort d’un bras d’où le nom de maladie du bras mort. Dans le bois, elle montre la présence d’une nécrose brune et dure en position sectorielle. Nécrose sectorielle brune et dure Rabougrissement des rameaux avec feuilles crispées et chlorotiques L’esca Cette maladie s’extériorise dans le vignoble sous deux formes. - Une forme lente caractérisée par des taches nécrotiques bordées d’un liseré jaune sur les feuilles. A des stades plus avancés, ces nécroses sont plus importantes, ne laissant qu’une bande verte le long des nervures principales, ce qui donne un aspect tigré à la feuille. Elle peut toucher soit toute la plante, soit un seul bras ou encore quelques rameaux. - Une forme apoplectique se traduisant rapidement (en quelques heures, voire quelques jours) à un desséchement de toute la partie herbacée. Forme lente : tâches nécrotiques avec un liseré jaune Forme aplopectique : dessèchement de toute la partie herbacée Dans le bois, de telles plantes montrent différentes nécroses dont la plus caractéristique est une nécrose de couleur claire et de consistance tendre, connue sous le nom d’amadou. Nécrose claire et molle dans le bois Agents associés : Phaeomoniella chlamydospora, Phaeoacremonium aleophilum, Eutypa lata, Fomitiporia mediterranea, Stereum hirsutum. La Botryosphaeriose ou Black dead arm Cette maladie se manifeste dans le vignoble sous deux formes : - une forme sévère caractérisée par une défoliation des rameaux conduisant ou non à leur desséchement, - une forme lente se traduisant par la présence de taches nécrotiques bordées d’un liseré sur les feuilles. A des stades plus avancés, ces nécroses sont plus importantes, ne laissant qu’une bande verte le long des nervures principales, ce qui donne un aspect tigré à la feuille. Forme sévère : défoliation des rameaux Dans le bois, ces deux formes d’expression se caractérisent par la présence de chancres de couleur grise et d’une bande brune située sous l’écorce partant du rameau atteint et pouvant descendre jusqu’au porte-greffe. Forme lente : taches nécrotiques bordées d’un liseré sur les feuilles Chancre gris Bande brune sous l’écorce Agents pathogènes : Botryosphaeria obtusa, B. parva, … QUELLES SONT LES PISTES DE RECHERCHE ? L’orientation choisie est située à deux niveaux, l’une n’excluant pas l’autre : - Action directe sur les agents pathogènes. - Action menée sur la plante pour limiter l’expression foliaire ou la mortalité. Les objectifs du premier axe de travail sont d’empêcher la pénétration dans la plante des champignons associés aux maladies du bois ou leur développement dans les tissus ligneux et d’éliminer leur inoculum. Les voies choisies sont : - la production de matériel sain en pépinières, - la protection des voies de pénétration par des produits biologiques ou phyto-pharmaceutiques, - la limitation de leur développement dans le cep, - l’éradication des sources d’inoculum, - la recherche de système de conduite limitant les contaminations ou l’amélioration de la prophylaxie en détectant les ceps malades avant l’extériorisation de symptômes, - la réalisation de modèles prédictifs construits à partir de plusieurs paramètres (facteurs pédoclimatiques, pratiques culturales). La réalisation de ce travail nécessite des connaissances plus approfondies : - déterminer les cycles biologiques des champignons en pépinières et dans le vignoble, - identifier les produits chimiques ou biologiques ayant une activité biologique à l’égard des champignons, - connaître le microbiote rencontré au sein des ceps asymptomatiques comparés à des ceps malades dans l’objectif d’identifier une microflore protectrice, - identifier les facteurs pédoclimatiques en relation avec les pratiques culturales qui ont une incidence sur l’extériorisation des symptômes et la mortalité. Le deuxième axe porte sur la recherche de méthodes de lutte avec action directe sur la plante. Ce travail nécessite des connaissances plus approfondies sur les facteurs environnementaux (la fertilisation, l’enherbement, les porte-greffes, la densité, l’irrigation, le climat, le sol…). L’objectif serait de «jouer» sur les facteurs impliqués pour limiter l’expression foliaire ou la mortalité. Il concerne également la recherche de méthodes de lutte renforçant les mécanismes de défense de la plante. Ces études portent enfin sur l’identification des marqueurs de tolérance par comparaison de variétés sensibles et plus tolérantes qui seront utilisés dans le cadre de l’amélioration génétique (création de variétés tolérantes aux maladies du bois). Ces actions sont menées dans le cadre de différents programmes de recherche financés par FranceAgriMer national ou régional, le Casdar, les interprofessions, la Fondation Poupelain, les Régions ou Interreg. A côté de ces programmes de recherche, des initiatives privées ont vu le jour portant sur la recherche de procédés, de micro-organismes ou de substances naturelles efficaces à l’égard des maladies du bois. Ces entreprises travaillent en étroite collaboration avec les organismes de recherche et de développement. QUI REALISENT CES TRAVAUX DE RECHERCHE ? Plusieurs groupes de recherche se sont mis en place en France suite à l’interdiction de l’arsénite de sodium en novembre 2001. Ces groupes pilotés par l’IFV sont constitués de chercheurs et de techniciens de différents organismes et de diverses régions françaises. Vinopôle BordeauxAquitaine participe à ces groupes de travail. A côté de ces groupes, les acteurs se réunissent aussi lors de réunions de pilotage de programmes nationaux (AAP Casdar 2014 – 2016). En 1998, un groupe de travail international (ICGTD) s’est mis en place regroupant une centaine de chercheurs venant de tous les pays viticoles. Il se réunit tous les deux ans. Le dernier congrès était à Valence (Espagne) en 2012. A l’échelle européenne, une plate-forme d’échanges entre les chercheurs regroupe environ 80 experts de dix-neuf pays issus de différentes disciplines (agronomie, biochimie, chimie, écologie microbienne, épidémiologie, microbiologie, mycologie, pathologie, physiologie…). Ces experts viennent de centres de recherches et d’instituts techniques. Elle est complétée par la présence de sociétés phytosanitaires et de pépinières. Elle présente quatre grands thèmes : 1) caractérisation des pathogènes, détection et épidémiologie, 2) écologie microbienne, 3) interaction hôte- pathogène et 4) méthodes de lutte. Son but est la mise en commun des méthodologies d’études (outils de diagnostic, modèles sur boutures, etc.), l’harmonisation des expérimentations pour évaluer des stratégies pour limiter les maladies du bois, la mise en collection des différents agents pathogènes dans une banque européenne, etc. Elle permettra également de créer une synergie entre la recherche et l’industrie phytosanitaire et construire un lien plus fort avec la Profession. Un groupe de travail international est également en place et regroupe une centaine de chercheurs venant de tous les pays viticoles.