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Q u e s t i o n s d e c o n s u ltat i o n
sur le vif
Bilan d’une HTA
Le bilan initial d’un patient hypertendu
repose, dans un premier temps, sur l’évaluation d’un éventuel retentissement viscéral
de l’HTA par l’examen clinique et par des
examens complémentaires paracliniques.
Dans un second temps, et avant l’initiation
du traitement antihypertenseur, on stratifiera le niveau de risque cardiovasculaire.
Cliniquement on recueillera les signes fonctionnels de l’HTA : céphalées typiquement
occipitales et matinales, des acouphènes et
des impressions de mouches volantes devant
les yeux (phosphènes), une pollakiurie nocturne, une épistaxis ou des vertiges. Le retentissement cardiaque se manifeste par une dyspnée (insuffisance ventriculaire gauche), un
angor (insuffisance coronaire). Le retentissement vasculaire doit faire examiner les axes
carotidiens, les artères rénales, les artères
fémorales (artériopathie oblitérante des
membres inférieurs). Le retentissement neurologique : recherche des signes neurologiques
déficitaires, des paresthésies des extrêmités.
Un fond d’œil pourra être pratiqué en raison
de la possible présence d’une rétinopathie
hypertensive mais seulement en fonction de la
clinique, il n’est pas systématique.
Les examens paracliniques systématiques
sont : un ECG 12 dérivations, une créatininémie, une kaliémie, un bilan lipidique
(cholestérol total, un HDL et TG) une glycémie, une protéinurie et hématurie à la bandelette urinaire. Puis, selon la clinique, on
pourra réaliser une
Tableau I. Examens complémentaires recommandés lors de la prise
en charge initiale d’un patient hypertendu avant la prescription du échographie cartraitement antihypertenseur selon l’ANAES (Agence Nationale diaque (si douleur
d’Accréditation et d’Évaluation en Santé). thoracique,
dyspnée,
souf-fle
carPrélèvements sanguins à jeun
diaque
ou
anomaKaliémie sans garrot
lies électri-ques à
Créatininémie
l’ECG), un échoGlycémie
doppler des troncs
Cholestérolémie totale, HDL-cholestérol, triglycérides
supra-aortiques ou
Bandelette urinaire
des membres inféProtéinurie
rieurs (si souffle
Hématurie
auscultatoire) ou
ECG 12 dérivations
un fond d’œil sur-
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tout si la PAD est supérieure ou égale à
130 mmHg ou si un DNID est associé.
La recherche d’une cause d’HTA n’est pas
systématique puisqu’il n’existe que 5 %
d’HTA secondaires, et on ne réalise de bilan
étiologique que dans trois situations :
quand l’examen clinique oriente vers une
étiologie, ou si la PAS est supérieure ou
égale à 180 mmHg et/ou la PAD supérieure
ou égale à 130 mmHg ou s’il s’agit d’une
HTA résistante (HTA persistante malgré la
prise de trois médicaments antihypertenseurs
de classe différente dont un diurétique). On
pourra alors effectuer une échographie
rénale, un écho-doppler des artères rénales
et des dosages hormonaux (activité rénine
plasmatique, aldostéronémie, dosage des
métanéphrines urinaires sur les urines de
24 heures trois jours de suite…).
En conclusion l’HTA est souvent découverte
fortuitement lors d’un examen systématique, le bilan initial d’une HTA est surtout
clinique. Les autres examens paracliniques
seront orientés par la clinique soit pour préciser le retentissement sur les autres
organes cibles, soit pour rechercher une
étiologie de l’HTA (tableau I).
Dans un second temps, afin de mieux stratifier le niveau de risque cardiovasculaire du
patient et donc son risque d’événement cardiovasculaire, on précisera le grade de l’HTA,
les autres facteurs de risque cardiovasculaires, et un retentissement sur les organes
cibles. Le tableau II illustre la stratification du
risque d’événement cardiovasculaire selon le
WHO-ISH (World Health Organisation : OMS –
International Society of Hypertension :
Société internationale d’HTA). La quantification du risque établit une corrélation entre le
niveau de risque du patient et la probabilité
de faire un événement cardiovasculaire dans
les 10 ans. Pour un niveau de risque faible,
cette probabilité est inférieure à 15 %, pour
un niveau de risque moyen : de 15 à 20 %,
pour un haut niveau de risque : de 20 à 30 %
et pour un très haut niveau de risque : elle est
supérieure ou égale à 30 %.
E. Fine, L. Payot*
* Service de cardiologie du Pr Komajda,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
Correspondances en médecine - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2003
Tableau II. Stratification du risque.
I. Pas d’autre FDRCV
Pression artérielle (mmHg)
Grade 1
Grade 2
HTA légère
HTA modérée
PAS : 140-159 PAS : 160-179
PAD : 90-99
PAD : 100-109
faible risque risque moyen
Grade 3
HTA sévère
PAS ≥ 180
ou PAD ≥ 110
haut risque
II. 1 ou 2 FDRCV
risque moyen risque moyen
très haut risque
III. 3 FDRCV ou plus, ou
atteinte d’organe cible,
ou diabète
haut risque
très haut risque
IV. Atteinte clinique
associée (œdème aigu
pulmonaire, accident
cérébral, convulsion,
coma…)
très haut risquetrès haut risque très haut risque
haut risque
Quelle place reste-t-il pour les
antihypertenseurs centraux ?
En 1995, cette question était plus que
jamais à l’ordre du jour grâce à l’étude des
Vétérans à une capacité reconnue de l’OMS
dans la prévention des événements cardiovasculaires et au vu d’effets associés favorables établis ou ressentis. La commercialisation de la moxonidine et le dossier
construit autour de la rilménidine confortaient l’hypothèse d’un retour en force de
cette classe thérapeutique.
D’une part, une seconde génération d’antihypertenseurs centraux a succédé à la
méthyldopa et à la clonidine, celle des agonistes sélectifs des récepteurs bulbaires
aux imidazolines (rilménidine et moxonidine) analogues structuraux de la clonidine
réducteurs du tonus vasomoteur. Son effet
antihypertenseur paraît compétitif sans
contre-régulation antinatriurétique et sans
échappement synergique au diurétique
avec un bon positionnement en bithérapie.
Autres éléments favorables : la simplicité
du protocole, l’absence de toxicité surtout
en cas d’insuffisance rénale.
Alors que le principal risque de l’HTA provient des dysfonctions qui l’accompagnent
et augmentent le risque, on crédite les nou-
Correspondances en médecine - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2003
veaux antihypertenseurs centraux d’un effet
bénéfique sur l’hypertrophie ventriculaire
gauche (HVG) et sur l’élévation de la fréquence cardiaque. L’effet serait neutre sur
les lipoprotéines plasmatiques, le métabolisme glucidique ou plutôt favorable sur l’insulinorésistance. On estime que la baisse de
la PA expliquerait 50 % de la réduction du
risque attribuable à un antihypertenseur.
L’étude HOPE a situé l’ampleur du bénéfice
indépendant de la réduction de la PA spécifique d’un médicament ou d’une classe sur la
seule base d’un risque cardiovasculaire
élevé.
D’autre part, la réserpine et la méthyldopa
le plus souvent associées à un diurétique
en deuxième ou troisième intention, figuraient parmi les essais contrôlés : MRFIT
(1989), SHEP (1991). Ceux-ci ont établi la
capacité du traitement à réduire les événements. Mais les antihypertenseurs centraux
n’ont pas été retenus dans les essais d’intervention ultérieurs. L’étude de Materson
(1993) fut un essai comparatif de faible
puissance dans une population non représentative, des effets de six monothérapies
et du placebo sur le devenir de la PA diastolique et non de la morbimortalité. À un an,
la clonidine se situait juste après le diltiazem pour le taux de répondeurs (55 %)
sous 90 mmHg et au premier rang pour le
taux d’effets indésirables (14 %). Par la
suite, les antihypertenseurs centraux ont
été écartés des essais de supériorité. Ils ne
figurent pas parmi les six classes principales indiquées en 1999 par l’OMS pour
débuter et poursuivre le traitement :
“Plusieurs drogues d’action centrale sont
disponibles dont les agonistes des récepteurs à l’imidazoline, rilménidine et moxonidine ; toutefois le profil des effets latéraux
est généralement moins favorable que celui
des classes principales”. Le choix initial de
l’ANAES se porte sur une classe ayant fait
l’objet d’essais probants. La RMO de 1998
stipule de débuter par un seul principe actif
dont le choix demeure ouvert. En situation
d’urgence, l’AFFSSAPS cite la clonidine
parmi les drogues injectables sans indication préférentielle en retrait vis-à-vis de la
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Q u e s t i o n s d e c o n s u ltat i o n
sur le vif
nicardipine du labétalol et de l’urapidil.
Dans l’enquête nationale de 2000 de la
CNAM sur l’HTA sévère, la rilménidine
occupe la deuxième position parmi les dix
spécialités les plus prescrites bien avant un
diurétique et un IEC. Même si les grands
essais randomisés rigoureux permettent
d’obtenir des résultats fiables applicables
au plus grand nombre de patients, un décalage existe entre les recommandations et
les objectifs fixés par l’OMS et la pratique
quotidienne. De nombreux patients echappent donc aux exigences de l’evidencebased medicine.
La rédaction des recommandations suppose l’exhaustivité des sources et la prise
en compte de toutes les preuves établies.
La mise à l’écart des antihypertenseurs
centraux de seconde génération, à partir de
la tolérance médiocre de la première, étaitelle fondée sur des preuves formelles ?
Aucune référence n’est actuellement disponible pour le prouver. Il existe des travaux
favorables sur la rilménidine et le moxonidine et des exposés de congrès internationaux : Sociétés européennes d’hypertension (1993), de cardiologie (1996 et 1999),
et l’Union internationale des pharmacologues (2001). La stratégie des promoteurs
repose sur la physiologie (démarquer les
récepteurs aux imidazolines des effets sur
les alpha-2 centraux). Cela donne des résultats en termes de prescriptions surtout
dans l’est du pays. Mais les deux grands
groupes pharmaceutiques (rilménidine et
moxonidine) programmeront-ils des grands
essais afin d’élargir les recommandations ?
Sans ces grands essais les médecins prescripteurs resteront dans une situation équivoque et les antihypertenseurs centraux
risquent d’être injustement mis à l’écart.
E. Fine, L. Payot*
* Service de cardiologie du Pr Komajda,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
Les références de ces articles seront disponibles sur le site Vivactis media.
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Intérêt d’un diagnostic précoce
de la broncho-pneumopathie
chronique obstructive ?
La prévalence de la broncho-pneumopathie
chronique obstructive (BPCO) est sous estimée
en France du fait d’un sous-diagnostic. Elle
augmente avec le tabagisme et l’âge. Il existe
une relation linéaire entre l’exposition tabagique et le risque de développer une BPCO. On
peut estimer à 2,6 millions le nombre de français atteints d’une BPCO. Le taux brut de décès
par BPCO en France devrait doubler entre 1990
et 2020 amenant cette maladie au troisième
rang des causes de décès.
Les nouvelles recommandations de la
Société de pneumologie de langue française définissent la BPCO comme une maladie chronique et lentement progressive
caractérisée par une diminution non complètement réversible des débits aériens. La
terminologie de la BPCO admet implicitement son origine tabagique. La nouvelle
classification de la BPCO introduit un stade 0
correspondant à la définition de la bronchite
chronique.
POURQUOI FAUT-IL FAIRE
UN DIAGNOSTIC PRÉCOCE ?
1) Pour favoriser le sevrage
Le sevrage tabagique constitue le fondement de la prise en charge de la BPCO quel
qu’en soit le stade. D’une part, il permet de
ralentir le déclin de la fonction respiratoire,
d’autre part, l’aggravation du handicap respiratoire. Le sevrage tabagique diminue les
symptômes cliniques chez les malades
atteints d’une BPCO de stade ≤ à IIA. Cette
amélioration symptomatique est précoce
puisqu’elle survient dès la première année.
Quelles que soient l’intensité ou la durée du
tabagisme, qu’il y ait ou non des symptômes respiratoires, que le bilan de dépistage retrouve ou non un trouble ventilatoire
obstructif, une incitation au sevrage doit
être prodiguée.
Tous les médecins devraient mettre en
Correspondances en médecine - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2003
œuvre le conseil minimum. Celui-ci consiste
dans le fait de demander systématiquement
au patient s’il fume, le mettre en garde sur
les risques encourus et évaluer son désir
d’arrêter. Le conseil minimum augmente
significativement le taux de sevrage. Le
dépistage précoce revient à considérer les
deux premiers éléments comme acquis, le
troisième venant naturellement après la réalisation d’une spirométrie quelle soit normale ou non. Le médecin pourra évaluer
simplement la motivation de son patient en
lui posant la question “dans quel délai envisagez-vous d’arrêter de fumer ?”. Si le
sevrage n’est pas envisagé dans le mois qui
suit, il remettra au patient un livret d’autosoin. Lors des consultations ultérieures, il
rappellera régulièrement au patient l’intérêt
d’un arrêt du tabac. Si le patient le souhaite,
un sevrage sera mis en place en s’appuyant
sur la prescription de substitut nicotinique
ou de bupropion en cas de dépendance physique. L’utilisation de ces traitements permet d’espérer un doublement du taux de
sevrage à un an. Le patient sera revu 8 jours
après la date prévue d’arrêt. Cette consultation permet de constater l’arrêt effectif du
tabac, d’encourager le patient à persévérer
dans cette voie et de rechercher l’apparition
précoce de troubles de l’humeur ou des
conduites alimentaires. Le patient sera revu
ensuite après 1, 2, 3, 6 et 12 mois d’arrêt. Un
suivi régulier est un facteur supplémentaire
de succès.
2) Pour mettre en place des thérapeutiques
spécifiques
Les traitements broncho-dilatateurs inhalés
sont recommandés chez les patients présentant un trouble ventilatoire obstructif. En
revanche, les traitements corticoïdes inhalés n’ont pas fait la preuve de leur intérêt
thérapeutique chez ces patients.
3) Pour diminuer le coût
de la prise en charge
Au-delà, l’impact économique d’un diagnostic précoce est loin d’être anodin. Une prise
en charge précoce, favorisant le sevrage
tabagique, devrait permettre de diminuer le
Correspondances en médecine - n° 2, vol. IV - avril/mai/juin 2003
nombre de malades atteints de formes plus
sévères de BPCO.
QUI DÉPISTER ?
Tous les sujets à risque sans symptomatologie
respiratoire à type de bronchite chronique et a
fortiori tous les sujets fumeurs, quel que soit
leur âge, présentant des symptômes respiratoires devront bénéficier d’un dépistage. L’âge
ou la consommation à partir desquels proposer un dépistage systématique restent mal
définis. En 1997, les recommandations de la
SPLF étaient de proposer une courbe débit/
volume de dépistage à tous les sujets fumeurs
de plus de 20 PA ou de plus de 55 ans.
S’appuyant sur d’autres études, Il existe in fine
un faisceau d’arguments pour proposer un
dépistage dès 40 ans chez les fumeurs de plus
de 10 PA.
COMMENT DÉPISTER ?
Si la mesure du débit de pointe a pu être
proposée dans le dépistage et le suivi de
l’asthme, sa mesure n’est pas recommandée
pour le diagnostic précoce de la BPCO. En
effet, un débit de pointe normal n’exclu pas
l’existence d’un VEMS abaissé. La spirométrie est donc la méthode de référence. La
mesure du VEMS et de la CVF doit être proposée au moins tous les deux ans.
EN CONCLUSION
LA BPCO n’est pas inéducable dans la
mesure où le principal facteur de risque est
connu. Le diagnostic précoce d’une maladie
est recommandé lorsqu’il existe des facteurs favorisants corrigeables et des traitements actifs. La BPCO répond à ces critères.
Le sevrage tabagique sera la clé de la prise
en charge thérapeutique, ce d’autant qu’il
existe aujourd’hui des traitements permettant de faciliter le sevrage.
Xavier Quantin*
* Service des maladies respiratoires,
CHU de Montpellier.
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