L’examen peropératoire met en évidence un anévrisme du sinus
de Valsalva coronaire droit admettant trois doigts avec un déve-
loppement sous-épicardique. L’ostium droit est situé à proximité
du collet de l’anévrisme. Il n’existe pas de dilatation de l’anneau
aortique.
Le traitement chirurgical consiste en une intervention selon la
technique de Bentall (tube valvé de 25 mm et réimplantation des
ostia coronaires), excluant l’aorte ascendante et le volumineux
anévrisme. La réparation par simple patch ne peut pas être réa-
lisée en raison de la largeur du sinus atteint. L’examen anatomo-
pathologique met en évidence une valvulopathie dystrophique
sans signe d’endocardite, et la présence d’athérosclérose aortique
associée à de la média-nécrose. Les suites postopératoires sont
simples. L’échographie transthoracique réalisée au huitième jour
montre un bon fonctionnement de la prothèse aortique et met en
évidence la thrombose de l’anévrisme du sinus de Valsalva exclu
de la circulation (figure 3).
DISCUSSION
La physiopathologie exacte des anévrismes du sinus de Valsalva
est mal connue, mais il existe probablement une faiblesse struc-
turelle de la média à sa jonction avec l’anneau fibreux favorisant
leur formation. L’incidence retrouvée dans la littérature est de
l’ordre de 0,1 %, avec une nette prédominance masculine (75 %
des cas) (1).
On retrouve deux groupes d’étiologies:congénitales ou acquises.
Parmi les étiologies congénitales, il faut distinguer, d’une part,
les anévrismes des sinus de Valsalva et/ou de l’aorte ascendante
se développant dans un contexte de maladies du tissu conjonc-
tif, et, d’autre part, les anévrismes congénitaux en doigt de gant,
développés en général à partir d’un seul sinus dans la partie extra-
ou intracardiaque de l’aorte ascendante. Parmi les étiologies
acquises, on retrouve les maladies chroniques inflammatoires
(comme la maladie de Behçet), les infections (endocardites,
syphilis, etc.) et enfin les anévrismes survenant secondairement
à une chirurgie cardiaque ou à un traumatisme. Chez ce patient,
l’anévrisme est très probablement congénital.
L’anévrisme peut se situer sur un ou plusieurs sinus. La locali-
sation exacte du ou des sinus atteints est facilement accessible
par échocardiographie transœsophagienne (ETO) (2). L’atteinte
de plusieurs sinus concerne les maladies du tissu conjonctif. L’at-
teinte prédomine sur le sinus coronaire droit (environ 70 % des
cas) (3),puis sur le sinus non coronaire (10 %) et, très rarement,
sur le sinus gauche. Il convient par ailleurs de rechercher systé-
matiquement des anomalies congénitales,souvent associées,
telles une communication interventriculaire, une atteinte aortique
(coarctation aortique, bicuspidie, sténose valvulaire ou régurgi-
tation), une persistance du canal artériel, une sténose pulmonaire
valvulaire ou infundibulaire.
La mise en évidence de l’anévrisme peut être fortuite. Dans les
autres cas, la présentation clinique est variée. Les symptômes le
plus souvent retrouvés sont la douleur thoracique, la dyspnée et
les palpitations. Parfois, c’est la survenue d’une complication
qui conduit à la découverte de l’anévrisme. Parmi les complica-
tions, la fistulisation semble être la plus fréquente, concernant
jusqu’à 50 % des cas (4), et est associée à une mortalité impor-
tante (5). Cette fistulisation s’effectue avec une cavité cardiaque
(surtout ventricule droit ou oreillette droite), l’artère pulmonaire,
la veine cave supérieure, la plèvre ou encore le péricarde. Clini-
quement, on retrouve alors la survenue d’une douleur thoracique,
de signes d’insuffisance cardiaque, et l’apparition d’un souffle
continu à l’auscultation situé au niveau du quatrième ou du cin-
quième espace intercostal gauche. Les autres complications sont
la compression (sur l’oreillette droite, la chambre de chasse du
ventricule droit ou les coronaires [6]), les troubles de la conduc-
tion (par compression des voies de conduction au niveau du sep-
tum interventriculaire), les événements thromboemboliques et,
enfin, la greffe endocarditique.
Les techniques chirurgicales se sont diversifiées depuis la pre-
mière intervention, réalisée dans les années 1950 (1),et varient
en fonction de la taille de l’anévrisme. Elles peuvent se limiter à
une résection avec ou sans mise en place d’un patch, comporter
un remplacement de la valve ou de la racine aortique ou encore
conduire à la réalisation d’une intervention selon la technique de
Bentall, comme chez ce patient. Le traitement chirurgical de ces
anévrismes présente de faibles risques et de bons résultats à long
terme, comme l’ont montré plusieurs équipes (4, 5). Des ferme-
tures percutanées d’anévrisme fistulisé ont été réalisées ces
dernières années, avec de bons résultats, à court terme en tout cas (7).
La place du traitement médical de ces anévrismes du sinus de
Valsalva semble réduite. Les bêtabloquants ont cependant mon-
tré un bénéfice dans la prévention de leur progression dans le
cadre de la maladie de Marfan (8).
L’histoire naturelle de ces anévrismes reste malheureusement mal
connue. La littérature rapporte des cas d’évolution rapide (4),
mais aussi des cas restant stables avec jusqu’à dix-neuf ans de
recul (9). Il semble que le risque de rupture se situe plutôt dans
la troisième ou quatrième décennie de vie. L’amélioration des
techniques d’imagerie conduira vraisemblablement à une aug-
mentation de la mise en évidence fortuite de ces anévrismes par-
fois asymptomatiques malgré leur taille importante, comme chez
La Lettre du Cardiologue - n° 382 - février 2005
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CAS CLINIQUE
Figure 3. Incidence parasternale grand axe par échocardiographie
transthoracique montrant l'anévrisme du sinus de Valsalva coronaire
droit thrombosé et le tube valvé.