Antalgie interventionnelle Ant algie inter ventionnelle

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Le Courrier de l’algologie (4), n°4, octobre/novembre/décembre 2005
Antalgie interventionnelle
Antalgie interventionnelle
La stimulation analgésique du cortex moteur
Jean-Claude Verdié*
Les douleurs centrales succédant à des lésions de la
moelle, du tronc cérébral et du thalamus ont toujours repré-
senté un challenge difficile car elles sont souvent très
résistantes. Pour ce type de douleur, des gestes centraux
invasifs (thalamotomies médianes, stimulation du thala-
mus sensitif, etc.) ont parfois été proposés. Devant les
résultats inconstants de ces techniques, Tsubokawa, en
1991 (in 1), a proposé de stimuler la zone motrice rolan-
dique, qui s’est avérée une cible efficace pour traiter ces
douleurs difficiles. En France, l’équipe de J.P. Nguyen, à
Créteil, possède une grosse expérience de cette méthode,
qui fait désormais référence (2).
Technique chirurgicale
Tsubokawa (1) a initialement préconisé une technique
simple. Après repérage crânien de la région rolandique
controlatérale à la douleur, fondé sur des critères osseux
(méthode de Kronlein), un trou de trépan est réalisé sous
anesthésie locale selon la localisation douloureuse (soma-
totopie de la zone motrice), et une électrode à quatre
contacts (Resume®,Laboratoires Medtronic) est intro-
duite dans l’espace extradural. À partir de cette électrode,
des potentiels évoqués somesthésiques (PES) sont enre-
gistrés après stimulation d’un nerf périphérique situé dans
la zone douloureuse (moignon d’amputation, par exemple).
La zone motrice est ensuite repérée
grâce à l’inversion du potentiel N20-
P20 par rapport à la zone sensitive
(négativation). Le risque hémorragique
extradural est réel à ce stade, qui néces-
site des déplacements de l’électrode.
Le positionnement précis peut être
amélioré par stimulation motrice trans-
dure-mérienne à basse fréquence, qui
déclenche des secousses musculaires
dans le territoire douloureux, mais l’in-
tensité de la stimulation, souvent éle-
vée, varie d’un patient à l’autre.
Nguyen (2) a ensuite amélioré la technique grâce à l’uti-
lisation de la neuronavigation. À partir du scanner et de
l’imagerie par résonance magnétique (IRM), des recons-
tructions tridimensionnelles informatisées sont obtenues,
permettant de visualiser les structures corticales telles que
les scissures de Rolando et de Sylvius, la circonvolution
frontale ascendante et les sillons frontaux. Une petite cra-
niotomie temporaire (5 x 5 cm) est ensuite réalisée sous
anesthésie générale. Centrée grâce au faisceau laser de
l’appareil de neuronavigation sur la cible préétablie, cette
technique s’avère mieux adaptée que le trou de trépan.
Après hémostase de la dure-mère, les PES sont enregis-
trés à l’aide d’une électrode-grille à 20 contacts (figure 1).
L’inversion des potentiels N20-P20 permet d’orienter et
de tracer la scissure de Rolando, qui marque la frontière
entre la zone motrice et la zone sensitive. Les corrélations
anatomophysiologiques sont généralement bonnes. La sti-
mulation motrice peropératoire est ensuite utilisée comme
moyen de vérification supplémentaire. Par rapport à la
grille de repérage PES, l’électrode Resume®à quatre
contacts est placée en zone motrice, à cheval sur la cible
choisie, et fixée sur la dure-mère (figure 2). Le volet
osseux est remis en place et fixé, et l’extension de l’élec-
trode est déroutée par un trajet sous-cutané vers la région
pariéto-occipitale, où elle sort dans le pansement par une
contre-incision.
Le patient est stimulé en externe pendant 10 à 15 jours.
Si le résultat est positif, l’électrode est ensuite internali-
sée sous anesthésie locale, puis reliée à un boîtier de sti-
mulation (figure 3)placé dans un décollement sous-cutané
de la région sous-claviculaire. Cette technique est égale-
ment celle adoptée par notre équipe, qui améliore encore
le repérage anatomofonctionnel préopératoire grâce à
l’IRM fonctionnelle, dont les résultats sont intégrés dans
la mémoire de la neuronavigation. Les paramètres de sti-
mulation utilisés vont de 1,5 à 4 V pour l’amplitude, de 50
à 210 µs pour la largeur d’onde et de 30 à 60 Hz pour la
* Service de neurochirurgie, centre d’évaluation et de traitement de la dou-
leur, CHU Rangueil, Toulouse.
L
es douleurs neuropathiques résistantes aux traitements médicaux
sont fréquentes et justifient parfois, pour des cas sélectionnés, le
recours à des techniques chirurgicales. Les techniques ablatives étant
souvent décevantes, l’utilisation de méthodes conservatrices dites “aug-
mentatives” (neurostimulation) s’est beaucoup développée depuis trente
ans. C’est par exemple le cas de la stimulation des cordons postérieurs
de la moelle épinière, dont l’intérêt est bien établi dans la prise en charge
des sciatiques neuropathiques postchirurgicales.
Mots-clés :Antalgie interventionnelle : stimulation cor-
ticale motrice - Potentiels évoqués somesthésiques - Dou-
leurs neuropathiques : syndrome thalamique, syndromes
médullaires, membre fantôme.
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fréquence. La stimulation est bipolaire et le pôle négatif
correspond au plot de l’électrode le mieux topographié. La
stimulation est en général discontinue (de 30 minutes
toutes les 3 heures à 1 minute toutes les 2 minutes). Le
patient ne ressent habituellement rien, puisque la stimu-
lation est inframotrice. Parfois sont signalées des pares-
thésies légères dans la zone douloureuse. Des radios de
contrôle sont réalisées (figures 4a et b).
Indications
Les douleurs centrales (thalamiques, trigéminales, du
tronc cérébral ou médullaires) représentent le noyau des
indications, et la résistance aux thérapeutiques usuelles
justifie le recours à cette technique. Les douleurs cen-
trales d’origine périphérique (amputation, avulsion
plexique, zona ophtalmique, etc.) constituent des indica-
tions potentielles après échec des autres traitements. La
revue de la littérature confirme les étiologies telles qu’un
accident vasculaire cérébral, un traumatisme craniocéré-
bral, un traumatisme médullaire et des lésions du plexus
brachial. Dans certaines indications, la stimulation corti-
cale peut être mise en balance avec d’autres gestes chi-
rurgicaux (par exemple DREZotomie dans les arrache-
ments du plexus brachial).
Les douleurs fantômes postamputation paraissent
répondre favorablement à cette technique, mais les cas
publiés sont peu nombreux. Une patiente de notre équipe
(3),victime d’une amputation traumatique de l’avant-
bras, présentait ainsi une main fantôme très douloureuse
et résistante à tous les traitements. La stimulation corticale
a permis la suppression non seulement des douleurs, mais
également de la sensation fantôme de base.
Les douleurs neuropathiques périphériques ne consti-
tuent pas des indications préférentielles de la méthode, et
l’on privilégie plutôt des techniques moins invasives
comme la stimulation cordonale postérieure (sciatiques
neuropathiques survenant après une chirurgie lombaire).
Résultats
La série de Tsubokawa (1) comporte 58 patients, avec
41 syndromes thalamiques, 3 syndromes de Wallenberg,
8 douleurs de membre fantôme, 5 douleurs trigéminales
et 1 douleur périphérique. L’auteur fait état de 75 % de
bons résultats pour la série entière, ainsi d’ailleurs que
pour les seuls syndromes thalamiques. Il insiste égale-
ment sur l’intérêt de la méthode dans le cadre des dou-
Figure 1. Électrode-
grille à 20 contacts
pour l’enregistrement
des PES.
Figure 2. Mise en place
de l’électrode Resume
®
(Laboratoires
Medtronic) en zone
motrice, à cheval sur la
cible choisie, et fixée à
la dure-mère.
Figure 3. Boîtier
de stimulation Itrel
®
3
(Laboratoires
Medtronic).
Figures 4 a et b. Contrôle
radiologique après implantation
de l’électrode.
ab
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leurs trigéminales. L’absence de complications graves est
confirmée, et il n’y a eu dans cette série ni hématome
extradural ni problèmes comitiaux. Des douleurs chro-
niques de la zone opératoire sont relevées, sans explica-
tion évidente (sensibilité de la dure-mère ?).
La série de Créteil (2),publiée en 2000, rapporte les
résultats obtenus chez 32 patients implantés durant la
période 1993-1997 avec un recul moyen de 27,3 mois.
Les résultats sont bons pour 77 % des douleurs centrales
(13 patients) et 75 % des douleurs trigéminales (12 pa-
tients). Six incidents sont relevés, dont un hématome extra-
dural asymptomatique de résorption spontanée, une infec-
tion sur le site du boîtier, une désunion de cicatrice et trois
cas de douleurs crâniennes au site d’implantation.
L’équipe lyonnaise (4) a quant à elle publié les résultats
obtenus sur un groupe de 20 patients, incluant 16 syndromes
douloureux post-AVC, 3 lésions médullaires et 4 lésions
plexiques. Douze patients ont obtenu un bon résultat, soit
52 %, sans aucune complication postimplantation.
L’expérience toulousaine, enfin, peut actuellement faire
état de 25 patients, dont deux tests négatifs avec ablation
de l’électrode. Les résultats cliniquement utiles (soulage-
ment supérieur ou égal à 60 %) concernent 38 % des
patients.
Conclusion
Malgré des résultats peu prévisibles, la stimulation corti-
cale représente parfois la seule solution pour des douleurs
centrales résistantes à l’ensemble des traitements antal-
giques médicamenteux. Pratiquement dépourvue de com-
plications, elle doit à l’heure actuelle être préférée à la
stimulation cérébrale profonde (thalamique sensitive),
plus agressive. Les résultats doivent sans doute être amé-
liorés par un screening préopératoire rigoureux des
patients et par un repérage extrêmement précis de la cible,
grâce à la confrontation des données de l’ensemble des
techniques préimplantatoires (imagerie, neuronavigation,
IRM fonctionnelle, PES, stimulation motrice peropéra-
toire).
Références bibliographiques
1.
Tsubokawa T. Motor cortex stimulation for relief of central deafferentation
pain. In: Surgical management of pain. New York : Burchiel-Thieme Medical
Publishers Inc., 2002:555-6.
2.
Nguyen JP, Lefaucheur JP, Le Guerinel C et al. Traitement des douleurs cen-
trales et neuropathiques faciales par la stimulation chronique du cortex moteur.
Neurochirurgie 2000;46:483-91.
3.
Roux FE, Ibarrola D, Lazorthes Y, Berry I. Chronic motor cortex stimula-
tion for phantom limb pain: a functional magnetic resonance imaging study.
Technical case report. Neurosurgery 2001;48:681-7.
4.
Mertens P, Nuti C, Sindou M et al. Precentral cortex stimulation for treat-
ment of central neuropathic pain: result of a prospective study in a 20-patient
series. Stereotact Funct Neurosurg 1999;73:122-5.
La stimulation analgésique du cortex moteur
La stimulation du cortex moteur constitue une option théra-
peutique proposée après échec de tous les autres traitements
dans les douleurs neuropathiques rebelles, principalement d’ori-
gine centrale. La technique nécessite une équipe neurochirur-
gicale entraînée à la neurochirurgie fonctionnelle et disposant
des moyens d’exploration peropératoire : neuronavigation, PES,
stimulation corticale pré- et peropératoire, IRM fonctionnelle,
reconstruction corticale 3D… Les meilleures indications sont les
douleurs neuropathiques centrales : syndrome thalamique, syn-
drome de Wallenberg, syndromes médullaires, mais aussi dou-
leurs de membre fantôme et avulsions du plexus brachial… Bien
que peu prévisibles, les résultats sont intéressants pour des
patients en échec thérapeutique total.
Analgesic motor cortex stimulation
Motor cortex stimulation is a potentially useful option in case of
therapeutic failure for unbearable and resistant neuropathic
pains of central origin. Technique requires a specialized neuro-
surgical team, familiar with functional neurosurgery and imaging
techniques such as neuronavigation, EPS, pre- and intra-opera-
tive cortical, functional MRI, tridimensional cortical rebuilding...
Optimal indications relate to central neuropathic pains: thala-
mic syndrome, Wallenberg’s syndrome, medullar syndrome and
also phantom limb pain, brachial plexus avulsion… Although not
predictable, results are worth the costs for such patients in total
therapeutic failure.
Keywords: Interventional analgesia: motor cortex stimulation -
Evoked somesthetic potentials - Neuropathic pains: thalamic
syndrome, medullar syndrome, phantom limb pain.
Résumé/Summary
Les articles publiés dans “Le Courrier de l’algologie” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© DaTeBe - septembre 2002.
Imprimé en France - EDIPS - 21800 Quetigny - Dépôt légal : à parution
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